D. DES OPÉRATEURS EN DIFFICULTÉ

1. La politique forestière et l'ONF

La gestion durable de la forêt et le développement de la filière bois (action n° 26) étaient dotés de crédits correspondant à 11,4 % des autorisations d'engagement du programme 149 en loi de finances et à 12,1 % des crédits de paiement.

Données sur la programmation budgétaire
de l'action n° 26 du programme 149

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale 2017

268,5

276,4

Loi de finances initiale 2018

242,1

270,3

Évolution

- 26,4

- 6,1

Consommation 2017

245,8

241,3

Consommation 2018

171,9

268,6

Évolution

- 73,9

27,3

Taux d'exécution des dotations 2017

91,5%

87,3%

Taux d'exécution des dotations 2018

71,0%

99,4%

Source : commission des finances du Sénat

La programmation des dotations en faveur de la forêt est fréquemment quelque peu sacrifiée tandis que la consommation des crédits accentue cette regrettable tendance.

En 2018, les crédits de paiement ont été mieux préservés qu'il n'est habituel. En revanche, les autorisations d'engagement déjà amputées en loi de finances initiale ont subi un taux de non-consommation très pénalisant.

Le bras armé de la politique forestière, l'Office national des forêts, rencontre des difficultés considérables. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 fixait à l'établissement des objectifs de redressement fondés sur une maximisation de ses recettes propres et sur une maîtrise de sa masse salariale.

La subvention pour charges de service public qui fait l'objet d'un montage complexe a été renforcée en exécution (+ 18,2 millions d'euros par rapport à 2017). Néanmoins, le résultat de l'exercice s'est à nouveau soldé par une perte (4,8 millions d'euros) 25 ( * ) et l'ONF a dû s'endetter un peu plus pour assurer les investissements nécessaires à sa mission.

Au total, l'endettement de l'ONF avoisine 330 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 606 millions d'euros, soutenu par un prix du bois relativement élevé (même si une stagnation doit être relevée). Il est heureux que les taux d'intérêt permettent de financer cette dette à relativement bon compte. Mais, en soi, la situation de l'ONF n'est tenable que moyennant une approche plus réaliste des capacités d'exploitation du bois prélevé en France. Hormis certaines espèces très recherchées, les débouchés sont médiocres et les coûts d'exploitation de la forêt posent un problème de viabilité.

Vos rapporteurs spéciaux suivront avec attention les résultats de la mission interministérielle diligentée en cours d'année pour dessiner l'avenir de l'établissement.

2. L'ASP et la modernisation de ses outils

Parmi les facteurs identifiés comme ayant causé les dysfonctionnements de la chaîne de paiements agricoles figurent des problèmes de configuration des systèmes informatiques de l'ASP.

Une mise à niveau s'est imposée dont le retard a aggravé les difficultés rencontrées pour assurer les paiements des aides.

L'année 2018 a vu l'affectation à l'ASP d'une partie des crédits dévolus théoriquement aux dépenses imprévisibles (les 300 millions d'euros de la ligne budgétaire ouverte à ce titre dans le budget pour 2018), emploi qui constitue une anomalie au vu de la destination de cette enveloppe budgétaire.

Au total, les transferts au profit de l'ASP ont excédé de 22 millions d'euros les dotations initialement prévues (soit une surcharge de 17 %), notamment du fait du complément évoqué.

Les données des audits des systèmes informatiques de l'agence montrent que des améliorations sont intervenues ces dernières années mais également que beaucoup reste à faire.

Il est très difficile d'estimer les besoins à couvrir qui paraissent très substantiels. Par ailleurs, deux questions se posent relatives à la faisabilité d'une mise à niveau en l'état. La prochaine politique agricole commune est à ce stade peu anticipable mais un nouveau tour de configuration des systèmes devra intervenir. En outre, la multiplicité des conditions de paiement est actuellement si extrême que la direction de l'établissement estime devoir faire face à des process ne se prêtant pas à un traitement de masse standard, configuration qui confère la plus grande efficience aux systèmes informatiques. Dans ces conditions, il y a lieu d'anticiper la réitération de coûts d'adaptation élevés dans l'avenir.

3. L'ANSES, une forte augmentation des dépenses de fonctionnement et un financement reposant de plus en plus sur une activité d'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques au modèle problématique

Les charges courantes de l'ANSES sont rapportées pour 142 millions d'euros dans le format du compte financier (89 millions d'euros pour les charges de personnel ; 53 millions d'euros pour les dépenses de fonctionnement).

Par rapport à 2017, les premières augmentent de 1,6 % et les secondes de 6,2 %. Cette dernière augmentation n'est pas justifiée dans l'information budgétaire disponible.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que les postes de charges publiques dont l'évolution dépasse la norme d'accroissement des dépenses de l'État fassent systématiquement l'objet d'une information précise sur les dynamiques correspondantes, tant en programmation qu'en exécution.

Comparées avec des points de départ plus éloignés dans le temps (l'exercice 2015) les charges de l'ANSeS s'inscrivent sur une pente d'augmentation de près de 10 % sur la période. Les dépenses de personnel ont été à peu près contenues (+ 1,2 %), un allègement significatif des cotisations de retraite (- 1 million d'euros, soit - 9,4 % en trois ans) ayant favorisé ce résultat.

En revanche, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 27,8 % en trois ans, ce qui apparaît considérable.

Les motifs de cette évolution ne sont pas exposés, mais il est permis de l'associer, du moins en partie, à la montée en charge de la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché d'un certain nombre des produits destinés à conforter les rendements agricoles.

Le RAP pour 2018 fait état de la mise en oeuvre, en cours d'année, du « modèle économique produits réglementés » qui est censé permettre d'accompagner la gestion des autorisations de mise sur le marché (AMM). Ce modèle qui repose sur la diversification des recettes de l'ANSeS avec une montée en charge des produits de la fiscalité sur les produits phytopharmaceutiques, mais aussi d'autres ressources propres, dans l'équation financière de l'établissement, semble à ce jour déficitaire.

Les perspectives d'augmentation des recettes correspondantes sont floues, d'autant que le Gouvernement entend limiter l'utilisation de ces produits. Quant aux charges correspondantes, leur flexibilité n'est pas assurée. La pertinence du « modèle » reste ainsi à démontrer.

Vos rapporteurs spéciaux expriment à ce stade deux inquiétudes :

- l'une, de principe, qui résulte du constat qu'une agence sanitaire puisse se trouver en porte-à-faux du fait de la confusion de ses activités de contribution à la conception et à la mise en oeuvre de la réglementation sanitaire avec des intérêts financiers impliquant un certain essor des recettes assises sur l'utilisation des produits réglementés ;

- l'autre, plus pragmatique, correspond à l'impact sur les financements consacrés aux activités traditionnelles d'une agence sanitaire (évaluation et expertise) des missions d'administration des AMM confiées à l'ANSeS si ces missions devaient se traduire par un déficit récurrent.

4. L'INAO confronté aux charges de sécuriser la différenciation qualitative des produits

L'institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a bénéficié en 2018 d'une subvention pour charges de service public stable par rapport à 2017 mais légèrement en deçà de la prévision de la loi de finances initiale.

Un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) aurait dû s'appliquer au cours de l'exercice mais le contrat précédent 2015-2017 a été prolongé. Un audit conduit dans la perspective du renouvellement du COP a identifié des marges de progrès de l'action de l'INAO.

La perspective d'une diversification des signes permettant de différencier les produits agricoles (et d'en assurer ainsi une meilleure commercialisation) est une tendance lourde de la stratégie agricole qui appelle une maîtrise sans failles. C'est tout particulièrement le cas avec les objectifs fixés dans le domaine de l'agriculture biologique.

Jusqu'à présent cette dernière pèse assez peu sur les charges de l'INAO, qui a bénéficié d'une large externalisation des opérations de certification des productions correspondantes. Le budget 2018 paraît assez insensible à l'extension des surfaces et des fermes converties à l'agriculture biologique.

Cette situation apparaît peu tenable à terme. Le développement de l'agriculture biologique exigera un renforcement des moyens que lui consacre l'INAO qui, en l'état actuel, ne sont pas à la hauteur.

À son tour, cette perspective posera le problème du financement de l'établissement qui est assuré pour un quart par des droits perçus sur les produits bénéficiant de signes de qualité mais sans que l'agriculture biologique ne contribue encore, sous cette forme, aux charges qu'elle implique pour l'INAO.


* 25 Sur la base du versement de la subvention pour charges de service public de 2017, la perte aurait atteint 23 millions d'euros à comparer avec la perte constatée en 2017 de 8,2 millions d'euros.

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