II. UN AFFADISSEMENT DE L'EFFORT DE LA NATION ENVERS LES ANCIENS COMBATTANTS

La structure des dépenses du programme 169 peut être déclinée à partir des quatre grandes actions suivantes correspondant à des regroupements de prestations de nature homogène :

- l'administration de la dette viagère qui compte les pensions militaires d'invalidité des victimes de guerre et les prestations rattachées, ainsi que la retraite du combattant ;

- la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité : soins médicaux gratuits et appareillage des mutilés, remboursement des réductions de transport accordées aux invalides, remboursement des prestations de sécurité sociale accordées aux invalides... ;

- les interventions au titre de la solidarité : majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et des victimes de guerre, subventions aux associations, action sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et subventions versées à cet organisme, Institution nationale des Invalides ;

- les actions en faveur des rapatriés .

À ces allocations financées sur des crédits budgétaires, il faut ajouter les transferts réalisés à partir des régimes dérogatoires du droit commun des prélèvements obligatoires .

Le tableau ci-après, qui présente les principales évolutions des dépenses du programme entre 2017 et 2018, montre l'influence prédominante de la dette viagère sur les tendances de la dépense en niveau.

Évolution des dépenses du programme 169 entre 2017 et 2018

(en milliers d'euros et en %)

Exécution en 2017

Exécution en 2018

Évolution 2018/2017
(en millions d'euros)

Évolution 2018/2017
(en %)

Administration de la dette viagère

1 875,4

1 807,8

- 67,7

- 3,6

Pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre

1 134,4

1 069,4

- 65

- 5,7

Retraite du combattant

741

738,4

- 2,6

- 0,4

Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

138,9

132,2

- 6,7

-4,8

Soins médicaux gratuits

52

47,9

- 4,1

- 7,9

Remboursement des réductions de transport

2,5

2,3

- 0,2

-8

Remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides

84,3

82

- 2,3

- 2,7

Solidarité

341,2

337,1

- 4,1

- 1,2

Majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre

244,7

237

- 7,4

- 3,1

Pécules

ND

ND

Subventions aux associations

2

3,4

1,4

+ 70

Action sociale de l'ONACVG

26,4

26,4

0

0

Subventions versées à l'ONACVG

58

57,4

- 0,6

- 1

Institution nationale des Invalides

12,1

12,9

0,8

6,6

Actions en faveur des rapatriés

18,9

19,4

0,5

+ 2,6

Total

2 374,4

2 296,6

- 77,8

- 3,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

C'est la simple traduction de la répartition des charges du programme, les poids en crédits de chacune de ces grandes têtes de chapitre diffèrant nettement.

Crédits de paiement du programme 169 consommés en 2018 (M€)

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2018

La dette viagère mobilise 81 % des dotations suivie des actions dites de solidarité (12 %) tandis que les interventions au titre des droits complémentaires ne représentent que 6 % des crédits, contre 1 % pour les interventions en faveur des rapatriés.

Dans ce contexte, si la baisse des dépenses a atteint 77,8 millions d'euros entre 2017 et 2018, le repli des dépenses liées à la rente viagère (-67,7 millions d'euros) en a été le principal facteur représentant près de 9/10 e de la contraction des charges du programme.

La réduction des dépenses liées à la dette viagère traduit principalement les effets d'une baisse régulière du nombre des bénéficiaires des allocations correspondantes. Il n'y aurait pas là en soi matière à mettre en évidence un affadissement de l'effort de la Nation en faveur de ses anciens combattants.

Si cette appréciation doit être formulée c'est sur la base d'une négligence trop fréquente d'assurer une revalorisation des allocations dispensées aux anciens combattants, hésitations largement vérifiées au cours de l'année 2018, mais aussi des hésitations à élargir la reconnaissance due aux anciens combattants.

A. UN RECUL DES CHARGES DE LA DETTE VIAGÈRE FAVORISÉ PAR UNE FAIBLE REVALORISATION DES DROITS

1. Un exercice 2018 marqué une nouvelle fois par un déficit de revalorisation des principales allocations de reconnaissance aux anciens combattants tempéré pour la seule retraite du combattant par l'effet de mesures acquises

Les différents postes de dépense du programme 169 figurés dans le graphique ci-après font ressortir la part prépondérante des pensions militaires d'invalidité (46,6 % du total), suivies des charges liées à la retraite du combattant (32,2 %), les dépenses liées à divers droits accordés aux anciens combattants comptant pour un peu plus de 21 % des dépenses du programme.

Crédits de paiement du programme 169 consommés en 2018

Source : RAP pour 2018

Les modalités de revalorisation des deux principales allocations de reconnaissance, les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant, suivent un régime marqué par le rôle majeur du « rapport constant ».

Modalités de revalorisation des pensions correspondant
aux pensions militaires d'invalidité et à la retraite du combattant

Depuis 2005, la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) est révisée proportionnellement à l'évolution de l'indice INSEE des traitements bruts de la fonction publique de l'État, à la date de cette évolution, et non plus de manière rétroactive comme dans le dispositif en vigueur auparavant, suivant ainsi les règles du rapport constant.

Quant au montant de la retraite du combattant, il est fixé par référence à un nombre de points d'indice de PMI , déterminé à l'article L. 256 du CPMIV G. Il peut donc varier sous l'effet de deux facteurs : le nombre de points d'indice de PMI et la valeur de celui-ci.

D'autres allocations de reconnaissance, en particulier celles versées aux anciens membres des forces supplétives de la guerre d'Algérie et à leurs conjoints survivants, sont quant à elles indexées sur l'évolution des prix.

En 2018, le jeu du rapport constant a une fois de plus conduit à une indexation de la valeur du point PMI très modérée, largement inférieure à l'inflation, tandis qu'aucune revalorisation nouvelle de la retraite du combattant n'a été décidée.

Séquence de l'évolution de la valeur du point PMI

Revalorisation du point d'indice PMI

Jusqu'au 31 décembre 2016

1 er janvier 2017

1 er avril 2017

Valeur du point d'indice PMI

14,40 €

14,42 €

14,45 €

Source : Cour des comptes

La retraite du combattant a toutefois profité de la revalorisation de 2 points intervenue au 1 er septembre 2017, qui a exercé des effets en année pleine en 2018 suscitant un certain dynamisme, mais transitoire, des charges correspondantes et une revalorisation de la valeur unitaire de la retraite du combattant.

Revalorisation de la retraite du combattant

Jusqu'au 31 décembre 2016

1 er janvier 2017

1 er avril 2017

1 er septembre 2017

Nombre de points d'indice

50

50

50

52

Valeur du point d'indice MPI

14,40 €

14,42 €

14,45 €

14,45 €

Montant annuel en €

720

721

722,5

751,4

Source : Cour des comptes

En année pleine, l'application de la revalorisation de 2 points de la retraite du combattant a conduit à en augmenter le montant unitaire de 4,6 %.

Ce dernier effet rend compte de l'essentiel du différentiel de charges entre les deux allocations qui a vu les dépenses résultant des pensions militaires d'invalidité (PMI) reculer de 5,7 % (un peu plus que la baisse de 4,5 % des effectifs pensionnés) tandis que les charges liées à la retraite du combattant ne fléchissaient que de 0,4 %, soit nettement moins que la réduction des effectifs qui atteint 6,04 %.

Les évolutions ici décrites confirment pour l'une (la valeur du point de PMI) et n'infirment pas pour l'autre (la valeur de la retraite du combattant dont la relative résistance en 2018 n'est due qu'à des mesures acquises) une tendance à un décrochage de la valeur réelle de ces deux allocations, plus ou moins tempéré, mais par à coups, par des attributions de points, gnéralement lors des échéances électorales, qui ne suffisent pas à combler les retards pris.

En ce qui concerne l'indexation du point de PMI, même s'il faut tenir compte des effets que pourrait receler l'intégration de certaines primes dans le traitement indiciaire des fonctionnaires (effet neutralisé en 2018 par la suspension du protocole « PPCR »), l'absence régulière de toute revalorisation du point d'indice de la fonction publique pèse sur sa dynamique. Quant à la retraite du combattant, la séquence récente de ses revalorisations parle d'elle-même.

Séquence des augmentations de la retraite du combattant
entre 2007 et 2012

Alors qu'il s'élevait à 37 points au 1 er juillet 2007, soit 495,06 euros à la valeur du point à cette date, il a été revalorisé chaque année entre 2008 et 2012 :

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2008 : 39 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2009 : 41 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2010 : 43 points , soit 592,97 euros ;

- un point supplémentaire au 1 er juillet 2011 : 44 points , soit 595,55 euros ;

- quatre points supplémentaires au 1 er juillet 2012 : 48 points , soit 665,28 euros.

Depuis cette date, la retraite du combattant n'avait connu pour seule revalorisation que celle liée à l'évolution de la valeur du point de PMI, particulièrement modérée du fait du gel de la valeur du point d'indice de la fonction publique pendant six ans.

2. Un déclin particulièrement net de la population des bénéficiaires des deux allocations de reconnaissance pour les titulaires de la retraite du combattant qui s'est confirmé en 2018

Entre 2010 et 2018, le nombre des allocataires des pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre s'est replié de 102 264 unités, soit près de 33,1 %, ce repli atteignant 399 659 personnes pour les bénéficiaires de la retraite du combattant (environ - 29,8 %).

Évolution des effectifs des Pensions militaires d'invalidité
et des Retraites du combattant de 2007 à 2018

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2018

Afin d'élargir la perspective temporelle, on peut rappeler que, sur le long terme, la réduction du nombre des bénéficiaires des deux prestations n'a pas été concomitante.

Jusqu'à la moitié des années 2000 (voir le graphique ci-dessous), le contingent des titulaires de la retraite du combattant s'est accru, dans des proportions importantes d'ailleurs.

Ce n'est qu'au-delà de cette date (voir le tableau ci-dessous) que leur nombre a rejoint la tendance à la baisse du nombre des bénéficiaires de pensions militaires d'invalidité.

Évolution du nombre des bénéficiaires des rentes viagères

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2010

Quoi qu'il en soit, désormais, la pente de la décrue des titulaires de la retraite du combattant tend à s'accentuer tandis que celle des pensionnés invalides suit une tendance au repli plus régulière .

L'exercice 2018 confirme ces observations.

Par rapport à 2017, les titulaires de pensions militaires d'invalidité reculent de près de 4,5 % tandis que pour les bénéficiaires de la retraite du combattant le repli dépasse 6 %.

La baisse du nombre des titulaires de la retraite du combattant est d'autant plus forte que cette allocation n'ouvre pas de droit à réversion, contrairement aux pensions militaires d'invalidité dont près de 30 % des bénéficiaires le sont au titre des droits dérivés. En outre, elle semble inéluctable en l'état, le nombre des cartes du combattant attribuées chaque année étant loin de couvrir les décès (185 720 cartes ont été attribuées entre 2010 et 2017 pour un cumul de sorties nettes du dispositif de l'ordre de 340 000 personnes).

3. Un effet de composition influence l'évolution de la charge des pensions d'invalidité

Si la baisse de la population titulaire des pensions d'invalidité est quelque peu freinée par l'existence de droits dérivés, l'augmentation de la part relative dans le total des titulaires de droit des bénéficiaires de réversion, conduit à réduire le montant unitaire des pensions versées.

Ce dernier a reculé de 0,8 % en 2018, prolongeant une baisse qui a atteint 8 % depuis 2010.

Un autre effet de composition a sans doute joué en 2018. La répartition des pensions militaires d'invalidité suit une hiérarchie des niveaux de pensions accusée, certains grands invalides de guerre voyant leurs pensions très nettement supérieures au niveau moyen. Dans ces conditions, en fonction des niveaux des pensions sorties du stock, une discordance entre les évolutions de la population pensionnée et le montant des pensions versées peut se produire.

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