EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 3 octobre 2019 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur Mme Gisèle Jourda, le débat suivant s'est engagé :

M. André Reichardt , président . - Je vous prie d'excuser l'absence du président Jean Bizet, qui participe à la session d'automne de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Nous examinons le rapport de notre collègue Gisèle Jourda sur la proposition de résolution européenne qu'elle a déposée pour défendre le maintien des droits de plantation de la vigne jusqu'en 2050. Il s'agit d'un sujet important pour nos régions viticoles, sur lequel notre commission a déjà travaillé, car, à chaque réforme de la politique agricole commune (PAC), le système des droits de plantation, qui a pourtant fait ses preuves, est menacé. Nous avons déjà contribué à le sauver dans un passé récent. L'enjeu est aujourd'hui identique.

Mme Gisèle Jourda , rapporteur . - J'ai pris l'initiative de déposer une proposition de résolution européenne sur les droits de plantation de la vigne et je vous suis reconnaissante de m'avoir confié le soin d'en être la rapporteure. Il s'agit de demander la prolongation, de 2030 à 2050, de l'actuel dispositif des droits de plantation qui limite à 1 % par an, au maximum, la croissance des autorisations des plantations viticoles.

Certains de nos collègues s'en souviennent, il s'en est fallu de peu que les droits de plantation ne soient supprimés à l'initiative de la Commission européenne. Envisagé dès 1999 et finalisé en 2008, le projet de réforme, s'il avait abouti, aurait conduit à la libéralisation des activités vitivinicoles, au risque d'entraîner, comme souvent par le passé, une crise de surproduction.

Notre commission des affaires européennes s'y était opposée avec force et fermeté, initiant deux résolutions européennes adoptées par le Sénat respectivement le 1 er avril 2011 et le 20 février 2013, grâce à Simon Sutour et à Gérard César. Nos efforts avaient efficacement relayé ceux des professionnels et du Parlement européen, puisque le projet de réforme à l'étude avait finalement été entièrement revu. In fine , l'actuel système de régulation a été prolongé jusqu'en 2030, à la faveur de la dernière réforme de la PAC. Toutefois, pour un secteur comme celui de la vigne nécessitant des investissements à très long terme, 2030 c'est pour ainsi dire déjà demain.

Les droits de plantation constituent un mécanisme indispensable pour adapter l'offre à la demande de vin car la viticulture européenne a connu de nombreux épisodes de surproduction au 20 e siècle. En France, tout particulièrement, ces crises régulières ont revêtu un caractère structurel à partir de 1907 et jusqu'aux années 1960 et 1970. C'est à l'aune de ce passé récent, qui a laissé de graves traces dans un département comme celui de l'Aude, qu'il convient d'apprécier l'intérêt de garantir un développement maîtrisé de la production. Grâce à la réglementation actuelle, nos viticulteurs se trouvent protégés contre plusieurs risques : surproduction entraînant une baisse des prix, diminution du nombre des exploitations familiales et déprise des zones viticoles les moins productives. Enfin, les droits de plantation contribuent à limiter la tendance à l'industrialisation excessive de la viticulture, comme en Chine ou pour certaines productions du Nouveau Monde.

C'est en me fondant sur ce résultat, acquis de haute lutte, que j'ai pris l'initiative de déposer la présente proposition de résolution de résolution européenne. Elle s'inscrit dans le cadre de la prochaine réforme de la PAC pour la période 2021-2027, en cours de discussion, qui comporte un volet consacré à la viticulture.

Au Parlement européen, Éric Andrieu, en sa qualité de rapporteur d'une partie de la réforme, a saisi cette opportunité pour tenter de prolonger l'horizon du dispositif des droits de plantation de vingt années supplémentaires, en le portant de 2030 à 2050. Son rapport et ses amendements ont été adoptés, le 1 er avril 2019, par la commission AGRI, juste avant le renouvellement du Parlement européen intervenu en mai 2019. Mais l'examen en séance plénière n'a pas encore eu lieu. Rien n'est donc acquis, d'autant que le comité européen des entreprises du vin s'est prononcé contre cette initiative.

Notre démarche s'inscrit dans la continuité de celle de notre collègue Éric Andrieu au Parlement européen. À cet effet, la proposition de résolution comporte trois considérants et deux demandes précises. Le premier considérant fait valoir « qu'il n'apparaît aujourd'hui nullement garanti que l'outil de régulation du potentiel de production viticole soit maintenu au-delà de l'horizon 2030 ». Le deuxième souligne l'importance, pour notre pays, de trouver des alliés parmi les autres États membres sur cette question sensible. Le dernier considérant met en avant le caractère indispensable du système des droits de plantation pour l'avenir de la filière vitivinicole et de nos vignerons. En conséquence, la proposition de résolution européenne exprime son soutien à la pérennisation du régime d'autorisation de plantations viticoles jusqu'en 2050 et invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

Les vins français et européens bénéficient, dans le monde entier, d'une réputation séculaire d'excellence, ô combien méritée. Cet atout ne saurait toutefois être préservé sans le maintien durable d'un cadre de régulation efficace. Éviter que le dispositif des droits de plantation ne prenne fin en 2030 en prolongeant dès à présent son horizon jusqu'en 2050 apparaît indispensable, car la vigne nécessite des investissements à long terme.

L'expérience des crises de surproduction intervenues à la suite de la suppression des quotas laitiers, le 1 er avril 2015, et des quotas sucriers, le 1 er octobre 2017, renforce la nécessité d'agir préventivement en matière de réglementation. Les enseignements de ces deux crises méritent d'être tirés : nous ne devons à aucun prix prendre le risque de fragiliser, dans quelques années à peine, la filière vitivinicole française et européenne !

D'après les éléments que j'ai recueillis, il semble que l'idée de prolonger jusqu'en 2050 le système actuel rencontre un écho très positif en France, aussi bien parmi les professionnels que chez les décideurs publics. La présente proposition de résolution européenne serait de nature à consacrer formellement cette large adhésion nationale. Le Gouvernement pourrait, en outre, utilement se prévaloir d'une position forte des parlementaires français sur le sujet lors des négociations à venir au Conseil. Je propose donc à notre commission de conclure à l'adoption de cette proposition de résolution.

M. Claude Haut . - Je partage l'analyse de notre rapporteure. Depuis plusieurs années, la régulation a montré son intérêt. Notre proposition de résolution pèsera dans les négociations, en soutien à l'action du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, également favorable au dispositif.

Mme Laurence Harribey . - Il apparaît fondamental de préserver les droits de plantation. La présente proposition de résolution ressort d'une initiative utile, même si le Gouvernement français s'engage d'ores et déjà en faveur du maintien du dispositif au-delà de 2030. Unissons nos forces pour la négociation en cours ! Je remercie Gisèle Jourda pour le travail réalisé.

M. Olivier Henno . - Je salue à mon tour le travail de notre rapporteure et approuve son initiative. Quelle est par ailleurs la position des autres États membres sur le sujet ? La France dispose-t-elle d'alliés ?

M. Franck Menonville . - Il apparaît indispensable de maintenir le système actuel de régulation et d'adaptation de l'offre au marché européen et mondial. Nous risquons, sinon, une chute des prix, une perte de qualité et une surproduction. Quelle position défendent l'Espagne et l'Italie, également grands producteurs viticoles ?

Mme Anne-Catherine Loisier . - Face aux chantres de la libéralisation, la France, sur ses productions d'excellence, doit se montrer plus attentive à la régulation. La traçabilité de la production apparaît également cruciale ; en France, elle est permise par le système de la déclaration de récolte. La France sera-t-elle suivie par les autres États membres ?

Mme Gisèle Jourda , rapporteur . - Les pays scandinaves, le Royaume-Uni et les Pays-Bas se sont montrés dans un passé récent favorables à une dérégulation du marché viticole. Ils ne représentent toutefois pas une position majoritaire, car la proposition d'Éric Andrieu a rassemblé quatre cinquièmes des voix en commission. Nous ne connaissons pas encore la position officielle de l'Espagne, traditionnellement frileuse sur les dispositifs de régulation, ni celle de l'Italie. Lors des dernières négociations sur le sujet, en 2010-2014, ces pays, comme l'Allemagne, avaient cependant soutenu la position française.

La régulation sert la qualité des vins. Elle contribue également au soutien aux jeunes agriculteurs qui, consentant à de lourds investissements, ont besoin de perspectives stables. Alors que les États-Unis s'apprêtent à augmenter les taxes sur les vins français et que la concurrence mondiale va croissant, nous devons demeurer vigilants sur l'avenir de la filière. Avec la présente proposition de résolution, nous confortons la position de la France. Madame Loisier, la vigilance est également de mise s'agissant de la déclaration de récolte, mais le dispositif ne ressort pas de la réglementation européenne.

M. Michel Raison . - Protégeons notre filière viticole ! Des pays comme l'Inde commencent à produire des vins de bonne qualité...

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La proposition de résolution européenne a été adoptée à l'unanimité sans modification.

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