C. UNE (DÉ)BUDGÉTISATION SINGULIÈRE

Dès l'origine, le rapport « Juppé-Rocard » préconisait le respect d'un « principe d'additionnalité » et d'un « principe d'étanchéité » du PIA. Fondés sur le constat selon lequel le financement public de projets d'avenir nécessite un effort budgétaire supplémentaire, ces principes veulent que les crédits des PIA s'additionnent aux crédits « habituels » des ministères et ne s'y substituent pas, d'où le fait qu'ils soient exclusivement portés par des opérateurs et fléchés vers des actions prédéfinies.

L'application de ces principes a pour corollaire une dérogation aux règles budgétaires habituelles, devant permettre la sanctuarisation de ces crédits :

1) Tout d'abord, la mission « Investissements d'avenir » ne fait pas l'objet d'une lettre de cadrage .

2) Ensuite, les crédits du PIA obéissent à une logique largement extrabudgétaire.

La débudgétisation des PIA 1 et 2

Pour les PIA 1 et 2 , l'ensemble des AE et des CP avaient respectivement été votés dans la loi de finance rectificative du 9 mars 2010 et dans la loi de finances pour 2014.

Ceux-ci avaient été ensuite intégralement versés aux opérateurs qui disposaient ainsi d'importantes marges de manoeuvre pour sélectionner et accompagner les projets en adaptant les décaissements à leur avancement, hors de toute contrainte liée à l'annualité budgétaire.

Cette technique a fait l'objet d'importantes critiques de la Cour des comptes, pointant la non-intégration de ces flux aux normes de dépenses . La Cour a également souligné les limites à la capacité de contrôle du Parlement liées à cette gestion extrabudgétaire, tout en relevant qu'un dispositif ad hoc avait été mis en place pour permettre l'information de ce dernier : information trimestrielle sur les mouvements de crédits par l'ex-CGI, information sur les conventions signées avec les opérateurs et leurs éventuels avenants, présentation de deux rapports annuels annexés aux projets de loi de finances, institution d'un comité de surveillance où sont notamment présents quatre sénateurs et quatre députés 8 ( * ) .

La mise en place du PIA 3 s'est toutefois accompagnée de plusieurs évolutions à cet égard . Tout d'abord, le PIA 3 fait désormais l'objet d'une mission du budget général , et donc d'un projet annuel de performances annexé aux projets de loi de finances ainsi que d'un « jaune » portant sur la mise en oeuvre et le suivi des investissements d'avenir.

Toutefois, les 10 milliards d'euros d'AE qui avaient été votés en loi de finances pour 2017 n'étaient assortis d'aucun CP , ceux-ci devant désormais être votés annuellement par les lois de finances ultérieures avant de pouvoir être versés aux opérateurs. Albéric de Montgolfier, en tant que rapporteur spécial, avait justement dénoncé une « astuce de budgétisation » destinée à reporter sur les exercices suivants l'impact sur le déficit maastrichtien et qui était de surcroît de nature à perturber le bon déroulement du PIA en limitant la visibilité des opérateurs, contraints d'adapter leurs décaissements au calendrier budgétaire 9 ( * ) . Ce risque a été confirmé par les rapports spéciaux de Christine Lavarde en 2018 et en 2019. Votre rapporteur spécial a également pu constater lors des auditions que si l'ADEME avait été en mesure de lisser ses financements dans le temps grâce à une certaine fongibilité entre ses actions du PIA 3 et d'autres actions issues du PIA 2, cette annualisation représente une contrainte de trésorerie pour des opérateurs comme Bpifrance où la Caisse des dépôts et consignations, sans toutefois générer de tensions majeures jusqu'à ce jour.

Votre rapporteur spécial note toutefois que, depuis 2018 , les CP votés sur la mission « Investissements d'avenir » sont intégrés au nouvel objectif de dépenses totales de l'État (ODETE) .

Si un contrôle parlementaire plus poussé peut désormais s'exercer sur ces crédits à l'occasion de l'examen de la loi de finances, le législateur reste de fait lié par les restes à payer issus des AE votés initialement.

3) Enfin, en gestion, les crédits ne sont pas soumis à la régulation budgétaire et ne peuvent ainsi faire l'objet de mise en réserve .


* 8 Cour des comptes, « Les programmes d'investissement d'avenir. Une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger », décembre 2015, pp. 44-47 et 53-57.

* 9 Annexe 18 au rapport général n° 140 de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, pp. 56-59.

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