B. DE LONGS DÉLAIS D'HABILITATION ET UNE DISPENSE GÉNÉRALE DE CONSULTATION

Alors que ce texte est motivé par l'urgence, le délai des habilitations à légiférer par ordonnances varie entre 6 et 15 mois à compter de la publication de la loi, qui constituent des durées anormalement longues et peu compréhensibles si des mesures véritablement urgentes doivent être prises sur leur fondement.

Un exemple : le délai des ordonnances relatives au Brexit

Le projet de loi initial proposait un délai d'habilitation « record » de 30 mois , le Gouvernement souhaitant être habilité le plus longtemps possible pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition (article 4).

Cette période de transition, pendant laquelle le droit de l'Union européenne continue de s'appliquer au Royaume-Uni, doit durer jusqu'au 31 décembre 2020. Avant le 1 er juillet 2020, les parties peuvent toutefois décider de la prolonger pour une durée maximale d'un ou deux ans.

Théoriquement, cette période de transition pourrait donc s'étendre jusqu'au 31 décembre 2021 ou 2022. Sur le plan diplomatique, ce scénario semble toutefois peu probable, le Royaume-Uni souhaitant y mettre fin dès le 31 décembre 2020 .

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes, a également déclaré qu'un délai d'habilitation de 30 mois permettrait de « montrer aux Britanniques que la négociation ne s'arrêtera pas le 31 décembre (2020) à minuit » et aiderait la France à convaincre le Royaume-Uni de prolonger la période de transition 10 ( * ) . Cette approche conduit cependant à surestimer l'influence de ce projet de loi portant diverses dispositions .

L'Assemblée nationale a réduit ce délai d'habilitation de 30 à 15 mois , à l'initiative du groupe La République en Marche.

Sur le plan procédural, les projets d'ordonnance pris sur le fondement des articles 1 er et 2 seraient « dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou règlementaire ». Battu lors d'un premier vote à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a dû recourir à une seconde délibération pour préserver son texte.

Cette dispense générale de consultation s'inspire de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et constitue, selon le Conseil d'État, « un choix d'opportunité qui reste justifié par les circonstances présentes » 11 ( * ) .

Une fois les ordonnances publiées, le Gouvernement bénéficierait d'un délai compris entre 3 et 6 mois pour déposer devant le Parlement ses projets de la loi de ratification .

Cadre général des habilitations à légiférer par ordonnances
(texte de l'Assemblée nationale)

Thèmes

Nombre d'habilitations

Durée des habilitations 12 ( * )

Délai pour le dépôt
du PJL de ratification
13 ( * )

Concertations obligatoires

Article 1 er

Diverses habilitations pour faire face à l'épidémie
de covid-19

15

6 mois

3 mois

NON

Article 2

Diverses habilitations

3

6 mois

3 mois

NON

Article 3

Centralisation des trésoreries publiques

1

12 mois

3 mois

OUI

Article 4

Habilitations « post- Brexit »

5

15 mois

6 mois

OUI

Source : commission des lois du Sénat


* 10 Compte rendu de l'Assemblée nationale, première séance du 14 mai 2020.

* 11 Avis précité sur le projet de loi.

* 12 À compter de la publication de la présente loi.

* 13 À compter de la publication de chaque ordonnance.

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