CHAPITRE V
DISPOSITIONS EN MATIÈRE FINANCIÈRE

ARTICLE 12

Transposition de la directive (UE) 1019/2162 du Parlement européen et du Conseil concernant l'émission des obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties, dites « covered bonds »

Le présent article habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 concernant l'émission des obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties.

Les obligations garanties sont des titres de créance émis par des établissements de crédit et garantis par des crédits hypothécaires et des créances sur le secteur public. Elles constituent un moyen sécurisé de financement des banques, tout en favorisant l'activité de prêts à l'économie et sont particulièrement développées en France.

La directive du 27 novembre 2019, associée à un règlement, vise à définir un cadre européen commun pour l'émission et la surveillance des obligations garanties, selon une harmonisation minimale.

Seuls des ajustements à la marge sont requis pour assurer la mise en conformité du droit national. C'est pourquoi la commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES OBLIGATIONS GARANTIES, UNE SOURCE DE FINANCEMENT STABLE DES BANQUES DÉVELOPPÉE EN FRANCE, POUR LAQUELLE UNE HARMONISATION EUROPÉENNE EST INTERVENUE

Les obligations garanties désignent des titres de créance émis par des établissements de crédit et garantis par un panier d'actifs cantonné , à savoir des crédits hypothécaires et des créances sur le secteur public . Ces titres se caractérisent par un mécanisme de « double recours » , avec la double garantie qu'offrent le panier de couverture et l'émetteur lui-même. En effet, les détenteurs d'obligations garanties peuvent avoir directement recours :

- en tant que créanciers privilégiés, au panier d'actifs cantonné ;

- en tant que créanciers ordinaires, auprès de l'entité émettrice.

Les obligations garanties constituent une source de financement particulièrement efficace et stable des banques , dans la mesure où elles présentent une double caractéristique :

- d'une part, elles facilitent le financement des prêts hypothécaires et des prêts au secteur public, favorisant l'activité de prêts à l'économie ;

- d'autre part, contrairement à des titres adossés à des actifs ( asset-backed securities ), les banques conservent le risque dans leur bilan .

En France, ces titres sont émis par les sociétés de crédit foncier, les sociétés de financement de l'habitat et la caisse de refinancement de l'habitat 37 ( * ) , pour un encours supérieur à 300 milliards d'euros environ. En 2018, la France était le deuxième émetteur d'obligations garanties au sein de l'Union européenne derrière l'Allemagne.

Dans le cadre de l'approfondissement de l'Union des marchés de capitaux, la Commission européenne a publié le 12 mars 2018 une proposition de directive et de règlement visant une harmonisation des cadres nationaux applicables aux obligations garanties. Les négociations ont abouti avec l'adoption de ces deux textes le 27 novembre 2019 38 ( * ) . Leur objectif est de définir des critères harmonisés à l'échelle de l'Union européenne afin de favoriser la capacité des acteurs financiers à proposer ces services dans l'ensemble du marché unique et à développer ce mode de refinancement dans les pays où il est peu développé.

La directive du 27 novembre 2019 prévoit un cadre d'harmonisation minimale des régimes nationaux , afin de ne pas perturber les cadres existants, ce qui s'applique particulièrement au cas de la France. Ses dispositions visent à :

- assurer une définition commune des obligations garanties afin de servir de référence cohérente à la réglementation prudentielle - prévue essentiellement dans le règlement ;

- préciser les caractéristiques structurelles de l'instrument , établir le cadre de surveillance publique et définir les obligations de publication imposées aux autorités compétentes dans le domaine des obligations garanties.

Le règlement du 27 novembre 2019 concerne essentiellement le traitement prudentiel des obligations garanties. En particulier, afin de préserver la sécurité associée à cette classe d'actifs, le règlement renforce les exigences conditionnant l'octroi d'un traitement prudentiel préférentiel aux obligations garanties.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE HABILITATION À TRANSPOSER PAR ORDONNANCE LA DIRECTIVE DU 27 NOVEMBRE 2019 CONCERNANT L'ÉMISSION D'OBLIGATIONS GARANTIES ET LA SURVEILLANCE PUBLIQUE DES OBLIGATIONS GARANTIES

Le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :

- transposer la directive du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties 39 ( * ) ;

- rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, les articles d'autres codes et lois, et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La durée de l'habilitation s'étend sur douze mois à compter de la publication de la présente loi, étant donné que la France doit transposer les dispositions de la directive avant le 8 juillet 2021, pour une application effective avant le 8 juillet 2022.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ACCEPTER L'HABILITATION DEMANDÉE POUR PROCÉDER AUX AJUSTEMENTS TECHNIQUES REQUIS AFIN DE METTRE EN CONFORMITÉ LES DISPOSITIONS NATIONALES RELATIVES AUX OBLIGATIONS GARANTIES

La directive du 27 novembre 2019 concernant l'émission des obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties s'inscrit dans un double objectif :

- d'une part, assurer la cohérence des régimes nationaux préexistants en matière d'obligations garanties afin de renforcer l'effectivité de l'Union des marchés de capitaux ;

- d'autre part, développer cette classe d'actifs dans les États membres qui y ont, pour l'instant, faiblement recours.

De ce point de vue, la France constitue déjà un marché important pour les obligations garanties, puisqu'elle était, en 2018, le deuxième État membre émetteur derrière l'Allemagne. C'est pourquoi, comme l'a indiqué la direction générale du Trésor à votre rapporteur, l'enjeu pour la France lors des négociations était avant tout de préserver les caractéristiques nationales des obligations garanties .

De fait, le cadre européen défini dans la directive correspond assez largement aux dispositions nationales . Le Gouvernement justifie l'habilitation qu'il sollicite du législateur afin d' « amender à la marge le code monétaire et financier » afin de prendre en compte les différences constatées entre le nouveau cadre européen et le régime français « sur certains points circonstanciés, à la fois sur les principes et sur les modalités d'application de ces principes » 40 ( * ) .

Selon les réponses apportées par la direction générale du Trésor au rapporteur, les modifications requises portent effectivement sur certains points d'ordre essentiellement technique , à l'instar du contenu de la liste des informations à transmettre chaque trimestre à l'investisseur par l'établissement de crédit émetteur d'obligations garanties.

Compte tenu de ces éléments, la commission a adopté cet article sans modification .

Décision de la commission : la commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 13

Dispositions visant à transposer la directive (UE) 2019/2034 concernant
la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement

Le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance la directive du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement.

Les entreprises d'investissement constituent un ensemble hétérogène de prestataires de services d'investissement. Si elles relèvent traditionnellement du cadre prudentiel des établissements de crédit, elles exercent des activités variées, allant du conseil en investissement à la négociation pour compte propre.

La directive du 27 novembre 2019, associée à un règlement du même jour, vise à définir un cadre prudentiel spécifique : en distinguant quatre catégories d'entreprises d'investissement, le nouveau régime est mieux proportionné à la diversité des services que ces acteurs proposent.

Les adaptations à opérer en droit national pour transposer la directive sont essentiellement d'ordre technique, les modifications essentielles résultant principalement du règlement, d'application directe.

C'est pourquoi la commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DÉFINITION D'UN RÉGIME PRUDENTIEL EUROPÉEN SPÉCIFIQUE AUX ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT

A. LA CATÉGORIE D'ENTREPRISE D'INVESTISSEMENT REGROUPE UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE D'ACTEURS, DONT LE CADRE DE SUPERVISION PRUDENTIELLE EST APPARENTÉ AUX ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT

Les entreprises d'investissement sont des prestataires de services d'investissement , définis à l'article L. 531-4 du code monétaire et financier. Elles sont agréées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans les conditions prévues à l'article L. 532-2 du code monétaire et financier. L'Autorité bancaire européenne recense environ 6 500 entreprises d'investissement opérant dans l'Espace économique européen .

Ce statut juridique leur permet d'effectuer, au sein du marché unique, des activités et des services financiers variés , puisqu'ils couvrent à la fois le conseil en investissement et la négociation pour compte propre. La liste des services d'investissement est détaillée à l'article L. 211-1 du code monétaire et financier ; elle comprend les services et activités suivants :

- la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;

- l'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;

- la négociation pour compte propre ;

- la gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;

- le conseil en investissement ;

- la prise ferme - à savoir le fait de souscrire ou d'acquérir directement auprès d'un émetteur ou d'un cédant des instruments financiers en vue de procéder à leur vente ;

- le placement garanti ou non garanti - à savoir le fait de rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers et de lui garantir un montant minimal de souscriptions ou d'achats en s'engageant à souscrire ou à acquérir les instruments financiers non placés, ou, s'agissant du placement non garanti, sans lui garantir un montant de souscription ou d'acquisition ;

- le placement non garanti - à savoir le fait de rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers sans lui garantir un montant de souscription ;

- l'exploitation d'un système multilatéral ou organisé de négociation qui, à la différence des marchés réglementés comme les bourses, peut être géré par des prestataires de services d'investissement, en proposant un périmètre spécifique d'opérations.

Les entreprises d'investissement relèvent traditionnellement d'une réglementation analogue à celle des établissements de crédit , visant à assurer une égalité de traitement dans la fourniture de services d'investissement. Ces dispositions font l'objet d'une harmonisation européenne.

À ce titre, les conditions dans lesquelles les entreprises d'investissement sont agréées et les règles de conduite encadrant la fourniture de services d'investissement sont précisées par la directive dite « MiFID II » 41 ( * ) ( market in financial instruments directive , pour directive concernant les marchés d'instruments financiers) - transposée par ordonnance en 2017 42 ( * ) - et le règlement dit « MiFIR » 43 ( * ) ( market in financial instruments regulation pour règlement concernant les marchés d'instruments financiers).

S'agissant du cadre prudentiel , les entreprises d'investissement relèvent actuellement des dispositions applicables aux établissements de crédit , à savoir le règlement sur les fonds propres réglementaires du 26 juin 2013, dit « CRR » 44 ( * ) , et la directive du même nom et du même jour, dite « CRD IV » 45 ( * ) , dont les dispositions ont été transposées par deux ordonnances de 2013 46 ( * ) et 2014 47 ( * ) .

B. LA DIRECTIVE DU 27 NOVEMBRE 2019 DÉFINIT UN CADRE DE SUPERVISION PRUDENTIELLE SPÉCIFIQUE AUX ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT

Dans le double contexte de l'approfondissement de l'Union des marchés de capitaux et de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, la Commission européenne a publié en décembre 2017 une proposition de règlement et de directive réformant le régime prudentiel des entreprises d'investissement.

Cette proposition visait à définir un régime prudentiel spécifique , prenant mieux en compte les activités exercées par les entreprises d'investissement, en partant du constat que l'analogie avec les établissements de crédit conduisaient à des règles trop rigides en termes de fonds propres 48 ( * ) et ne couvrant pas certains types de risques spécifiques auxquels les entreprises d'investissement sont davantage exposées.

Les négociations ont abouti en février 2019 avec l'adoption définitive d'un règlement et d'une directive concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d'investissement le 27 novembre 2019 49 ( * ) , qui introduisent un cadre prudentiel dédié aux entreprises d'investissement, différencié par rapport aux établissements de crédit, et proportionné, afin de mieux correspondre à leur grande hétérogénéité.

Quatre types d'entreprises d'investissement sont distingués :

- les entreprises d'investissement de classe 1 , qui sont juridiquement requalifiées en établissement de crédit , lorsque leur seuil de bilan excède 30 milliards d'euros et qu'elles effectuent des services d'investissement de prise ferme et de placement garanti - les plus systémiques étant susceptibles d'être placées sous la supervision du mécanisme de supervision unique (MSU) ;

- les entreprises d'investissement de classe 1 minus , qui sont soumises à certaines dispositions prudentielles des établissements de crédit lorsque leur seuil de bilan est compris entre 15 milliards et 30 milliards d'euros - l'autorité nationale de supervision pouvant abaisser le seuil plancher à 5 milliards d'euros - et qu'elles effectuent les mêmes services d'investissement de prise ferme et de placement garanti ;

- les entreprises d'investissement de classe 2 , définies par l'article 12 du règlement du 27 novembre 2019, qui appliquent un régime prudentiel spécifique , avec des exigences de fonds propres variables selon les activités exercées - actifs sous gestion, ordres de client traités, actifs administrés, etc. ;

- les entreprises d'investissement de classe 3 , dite « petites et non interconnectées », définies par l'article 12 du règlement du 27 novembre 2019, qui appliquent un régime simplifié .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE HABILITATION À TRANSPOSER PAR ORDONNANCE LA DIRECTIVE DU 27 NOVEMBRE 2019 CONCERNANT LA SURVEILLANCE PRUDENTIELLE DES ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT

Le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :

- transposer la directive du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement 50 ( * ) ;

- rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, les articles d'autres codes et lois, et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La durée de l'habilitation s'étend sur douze mois à compter de la publication de la présente loi, étant donné que la France doit appliquer les dispositions de la directive à compter du 26 juin 2021.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ACCEPTER L'HABILITATION AFIN DE TRANSPOSER DES DISPOSITIONS TECHNIQUES INDISPENSABLES EN VUE DU BREXIT

A. DES ADAPTATIONS DE NATURE ESSENTIELLEMENT TECHNIQUE POUR METTRE EN CONFORMITÉ LE DROIT NATIONAL

Selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, « le droit français est en grande partie conforme aux dispositions de la directive [...] il faudra cependant désormais différencier dans le droit les dispositions relatives aux établissements de crédit et celles relatives aux entreprises d'investissement, bien qu'elles soient dans l'esprit très proches » 51 ( * ) .

L'essentiel des modifications structurantes est opéré par le règlement et s'applique donc directement en droit national. La directive, qui s'appuie sur les dispositions du règlement, concerne surtout des dispositions techniques qu'il revient de transposer rapidement, relatives aux modalités de contrôles de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ou à l'encadrement des politiques de rémunération des preneurs de risques et des dirigeants effectifs des entreprises d'investissement.

De ce point de vue, l'habilitation sollicitée du législateur se caractérise par un champ précis , puisqu'il renvoie directement à la directive qu'il s'agit de transposer, et une durée limitée , cohérente avec l'exigence d'une application effective dès le 26 juin 2021 des dispositions de la directive du 27 novembre 2019.

B. UNE DÉMARCHE INDISPENSABLE DANS LE CADRE DU BREXIT

Plus largement, la définition d'un cadre de supervision prudentielle propre aux entreprises d'investissement se justifie par l'indispensable mise à niveau du droit de l'Union européenne à la sortie du Royaume-Uni .

En effet, comme le relève la Commission européenne, « le Royaume-Uni est le pays qui compte le plus grand nombre d'entreprises d'investissement de l'Espace économique européen », concentrant près de la moitié d'entre elles 52 ( * ) . Selon l'Autorité bancaire européenne, fin 2015, avant le résultat du référendum, huit entreprises d'investissement concentrées au Royaume-Uni contrôlaient environ 80 % des actifs de toutes les entreprises d'investissement de l'Espace économique européen.

Alors que la période de transition suivant la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne doit s'achever fin 2020, deux solutions sont envisageables pour les entreprises d'investissement établies au Royaume-Uni désireuses d'opérer au sein du marché unique :

- soit relocaliser leurs activités au sein de l'Union européenne , en sollicitant un agrément auprès d'une autorité d'un des États membres ;

- soit, à droit constant, relever des régimes d'équivalence , accordés sur la base de chaque base juridique de droit dérivé et en fonction des activités financières exercées, par la Commission européenne.

La définition d'un cadre harmonisé et proportionné aux différentes activités exercées par les entreprises d'investissement doit ainsi favoriser la relocalisation de ces services financiers au sein de l'Union européenne . C'est d'ailleurs ce qu'avait souligné notre collègue Albéric de Montgolfier dans son rapport consacré à la stratégie des places financières dans le cadre du « Brexit » en juin 2017, relevant que, depuis septembre 2016 « les deux régulateurs nationaux (ACPR et Autorité des marchés financiers) [avaient] défini conjointement des procédures accélérées de délivrance d'agrément pour les entreprises d'investissement [...] pour la reprise d'activités déjà exercées en France en libre prestation de services » 53 ( * ) .

En outre, cette démarche vise à approfondir l'Union des marchés de capitaux . Le cadre proportionné défini pour les entreprises d'investissement permettra d'adapter les exigences prudentielles à la taille et à la nature des activités exercées par les entreprises d'investissement, ce qui doit réduire les obstacles à la création de telles structures. Surtout, la suppression des exigences de fonds propres au titre des différents coussins dont pourront bénéficier les entreprises d'investissement de classes 2 et 3 leur permettra de redéployer du capital au service du financement de l'économie, sans augmenter les risques pour la stabilité financière.

C'est pourquoi la commission a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 14

Habilitation du Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance
les mesures nécessaires pour transposer en droit interne
la directive (UE) 2019/1160 concernant la distribution transfrontalière
des organismes de placement collectif

Le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif.

Dès lors que les adaptations à opérer en droit national pour transposer la directive sont essentiellement d'ordre technique et que la marge de manoeuvre laissée aux États membres est limitée, la commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DIRECTIVE DU 20 JUIN 2019 VISE À LEVER CERTAINS FREINS À LA DISTRIBUTION TRANSFRONTALIÈRE DES FONDS

Dans l'objectif d'accroître les opportunités d'investissement et de mieux protéger les épargnants européens, les directives relatives aux organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (« OPCVM ») et aux fonds d'investissement alternatifs (« AIFM ») 54 ( * ) ont mis en place un cadre de régulation européen pour l'industrie de la gestion d'actifs .

Le mécanisme de « passeport européen » en constitue la pierre angulaire , en permettant aux sociétés de gestion de proposer leurs fonds d'investissement dans l'ensemble des pays européens depuis 1985 pour les produits relevant de la directive OPCVM et depuis 2013 pour les FIA.

À titre de rappel, la directive OPCVM s'applique aux véhicules d'investissement à destination du grand public , qui peuvent se présenter en France sous deux formes (article L. 214-4 du code monétaire et financier) :

- les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV), dans lesquelles l'investisseur est actionnaire ;

- les fonds communs de placement (FCP), dans lesquels l'investisseur est copropriétaire des valeurs mobilières acquises par le fonds.

La catégorie des fonds d'investissement alternatifs (FIA) rassemble pour sa part les organismes de placement collectif qui « lèvent des capitaux auprès d'un certain nombre d'investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d'investissement définie dans l'intérêt de ces investisseurs » 55 ( * ) , sans pour autant être soumis à la directive OPCVM. Cette définition a ainsi été conçue de manière large afin d'assurer un socle de protection minimal aux épargnants pour l'ensemble des véhicules d'investissement. En France, relèvent par exemple de cette catégorie les fonds de capital investissement, les fonds immobiliers ainsi que les hedge funds . Si les FIA agréés peuvent, comme les OPCVM, être commercialisés au niveau européen auprès de clients professionnels par le biais du « passeport européen », la possibilité de les commercialiser auprès de clients non professionnels relève de chaque État membre, alors qu'elle est garantie pour les OPCVM.

Dans ce contexte, la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 a modifié les directives « OPCVM » et « AIFM » afin de lever les obstacles persistants à la libre circulation des parts et actions d'organismes de placement collectif dans l'Union européenne . Elle est complétée par un règlement 56 ( * ) .

Les principales modifications consistent en :

- l'introduction d'une définition commune et de conditions uniformes pour la « pré-commercialisation » , procédure qui doit permettre aux gestionnaires d'apprécier l'intérêt des épargnants pour une idée ou une stratégie d'investissement avant la notification formelle à l'autorité compétente ;

- l'introduction de conditions uniformes à respecter en cas d'abandon de la commercialisation dans un État membre ;

- la suppression de l'exigence d'une présence physique locale pour fournir certaines facilités aux investisseurs de détail, en contrepartie de la mise en place de règles communes aux OPCVM et aux FIA visant à garantir l'accès des investisseurs aux informations auxquelles ils ont droit par d'autres canaux.

Il peut être noté que le concept de « pré-commercialisation » n'est pas étranger au droit français. Dès 2016, l'Autorité des marchés financiers a ainsi modifié sa doctrine pour permettre aux professionnels « d'échanger avec des investisseurs potentiels afin de tester l'accueil qui sera fait au produit » sous une forme garantissant que ces échanges ne puissent « être qualifiées d'actes de commercialisation, qui déclenchaient l'application de règles parfois mal adaptées au stade de développement du produit » 57 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE HABILITATION À TRANSPOSER PAR ORDONNANCE LA DIRECTIVE DU 20 JUIN 2019

Le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :

- transposer la directive du 20 juin 2019 en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif ;

- mettre en cohérence avec les mesures issues de cette transposition les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, celles d'autres codes et lois, relatives à la commercialisation et la distribution de placements collectifs ;

- rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, les articles d'autres codes et lois, et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La durée de l'habilitation s'étend sur douze mois à compter de la publication de la présente loi, étant donné que la France doit avoir transposé la directive avant le 2 août 2021.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE HABILITATION QUI NE POSE PAS DE DIFFICULTÉ

En dépit du développement du mécanisme du « passeport européen », le marché de l'épargne demeure très fragmenté à l'échelle européenne : 70 % des actifs sous gestion sont détenus par des fonds qui sont enregistrés exclusivement pour la commercialisation dans un seul État membre 58 ( * ) .

Dans le cadre de l'approfondissement de l'Union des marchés de capitaux (UMC), le renforcement du marché unique des fonds d'investissement a donc naturellement constitué un axe de travail important , dans lequel s'inscrit la directive du 20 juin 2019 précitée.

Cette dernière concerne principalement l'étape de la commercialisation , laquelle concentrerait d'après l'Autorité des marchés financiers (AMF) l'essentiel des barrières aux échanges 59 ( * ) .

Si la directive comporte des avancées utiles, elle n'a pas vocation à bouleverser le paysage de la gestion collective française. Comme le relève l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, l'essentiel des modifications à apporter consiste à inscrire dans la loi les notions de « dé-notification » et de « pré-commercialisation », tout en remontant au niveau législatif, par parallélisme, la notion de commercialisation figurant actuellement dans une simple position de l'AMF 60 ( * ) .

Dès lors que les adaptations à opérer en droit national pour transposer la directive sont essentiellement d'ordre technique et que la marge de manoeuvre laissée aux États membres est limitée, le recours à l'habilitation apparaît justifié. C'est d'ailleurs précisément la nature « purement technique » des dispositions qui avait conduit la commission des affaires européennes du Sénat à ne pas intervenir sur la proposition de directive dans le cadre de la procédure prévue à l'article 88-4 de la Constitution 61 ( * ) .

Décision de la commission : la commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 15

Clarification des termes de l'habilitation portant transposition
du paquet bancaire

Le présent article propose de sécuriser l'habilitation à légiférer par ordonnances prévue par la loi du 29 mai 2019 dite « Pacte » afin de transposer les mesures du « paquet bancaire », en précisant le titre définitif et le numéro de publication au Journal officiel de l'Union européenne des directives concernées, non connu lors de l'adoption de l'habilitation.

Le champ actuel de l'habilitation n'est donc pas suffisamment précis et il importe d'inscrire la référence aux deux directives du 20 mai 2019 qu'il s'agit de transposer. Pour autant, la durée de transposition, fixée à vingt-quatre mois, n'est pas modifiée alors que le délai de transposition s'étend jusqu'au 28 décembre 2020, soit dix-huit mois après la promulgation des deux directives.

C'est pourquoi la commission des finances a décidé d'adopter la précision du périmètre de l'habilitation, tout en réduisant sa durée afin de tenir compte du délai de transposition prévu par les deux directives.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE POUR TRANSPOSER LE « PAQUET BANCAIRE » EUROPÉEN

A. LE « PAQUET BANCAIRE » : DEUX DIRECTIVES AMÉLIORANT LA SUPERVISION PRUDENTIELLE DU SECTEUR FINANCIER

Le 23 novembre 2016, à la suite de sa communication du 24 novembre 2015 sur l'achèvement de l'union bancaire 62 ( * ) , la Commission européenne a présenté un ensemble de modifications d'actes législatifs européens désigné sous le terme de « paquet bancaire ».

Après deux années de négociations en trilogue, les discussions ont abouti avec l'adoption de deux directives le 20 mai 2019 63 ( * ) , que les États membres doivent transposer d'ici au 28 décembre 2020.

Les modifications apportées par ces deux directives portent sur deux types de mesures .

D'une part, elles intègrent dans le droit de l'Union européenne les derniers standards réglementaires internationaux définis au sein du Comité de Bâle et du Conseil de stabilité financière. Il s'agit en particulier :

- du renforcement de la sensibilité aux risques des exigences de fonds propres ;

- de la standardisation de la mesure des risques auxquels les établissements de crédit sont exposés ;

- de la mise en oeuvre d'une obligation contraignante en termes de ratio de levier afin d'empêcher les établissements d'accumuler un levier excessif ;

- de l'introduction d'une obligation contraignante en matière de ratio de liquidité à court terme (NSFR, pour « net stable funding ratio » en anglais), afin de s'assurer que les actifs à plus d'un an sont couverts par des ressources de même nature ;

- de l'articulation du TLAC, appliqué aux établissements d'importance systémique mondiale, au sein du mécanisme actuel de MREL (exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles), appliqué à tous les établissements de crédits.

D'autre part, elles comprennent des mesures visant à améliorer la capacité de prêt des banques, en renforçant la proportionnalité des exigences prudentielles de la directive CRD IV et du règlement CRR pour les établissements de petite taille.

B. B. UNE HABILITATION À TRANSPOSER PAR ORDONNANCE PRÉVUE PAR LA LOI « PACTE »

Le III de l'article 200 de la loi du 22 mai 2019 64 ( * ) dite « Pacte » autorise le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances , dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation, pour les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer les dispositions du « paquet bancaire » .

Toutefois, cet article ne mentionne pas précisément les directives dont l'habilitation doit permettre la transposition. En effet, lors de son adoption par voie d'amendement en première lecture à l'Assemblée nationale, ces directives n'étaient pas encore formellement adoptées . Seul un accord politique entre co-législateurs européens était intervenu : le Conseil et le Parlement européen devaient encore adopter les propositions de compromis auxquelles le trilogue était parvenu.

S'il détaille le contenu des dispositions du « paquet bancaire », le périmètre de l'habilitation demeure donc imprécis , comme le détaille l'encadré ci-après.

Habilitation à légiférer par ordonnances prévue
au III de l'article 200 de la loi du 22 mai 2019 dite « Pacte »

« III.- A.- Afin de renforcer la stabilité financière, la protection des déposants et des investisseurs et de réduire le risque de recours aux finances publiques en cas de crise bancaire, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :

« 1° Compléter et modifier, afin de les rendre compatibles avec le droit de l'Union européenne, les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, celles d'autres codes et lois qui sont relatives :

« a) Aux règles concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, y compris les règles régissant les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres ;

« b) Aux règles concernant l'assainissement et la liquidation des personnes mentionnées à l'article L. 613-34 du code monétaire et financier, en particulier celles qui sont relatives à la résolution, aux capacités d'absorption des pertes et de recapitalisation ainsi qu'aux exigences en matière de fonds propres et d'engagements éligibles ;

« 2° Adapter et clarifier, afin de faciliter la mise en oeuvre des règles mentionnées au 1° du présent A, les règles régissant les procédures collectives ouvertes à l'égard d'entités appartenant à un groupe financier au sens du III de l'article L. 511-20 du code monétaire et financier ;

« 3° Coordonner et simplifier les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, celles d'autres codes et lois, pour tenir compte des modifications introduites en application des 1° et 2° du présent A ;

« 4° Permettre de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires à leurs compétences propres, les dispositions prises en application des 1° à 3° et de procéder, le cas échéant, aux adaptations de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

« B.-Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de chacune des ordonnances mentionnées au A. »

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : SÉCURISER L'HABILITATION À TRANSPOSER PAR VOIE D'ORDONNANCE LES DISPOSITIONS DU « PAQUET BANCAIRE »

Le présent article vise à sécuriser juridiquement l'habilitation à transposer par voie d'ordonnances les mesures du « paquet bancaire ».

Il modifie à cette fin le 1° du III de l'article 200 de la loi du 22 mai 2019 65 ( * ) en précisant que l'habilitation permet de prendre les mesures relevant du domaine de la loi pour compléter et modifier les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, celles d'autres codes et lois, afin de transposer les deux directives du 20 mai 2019.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ACTUALISER LA DURÉE DE L'HABILITATION POUR TENIR COMPTE DU DÉLAI DE TRANSPOSITION

Le présent article précise opportunément le champ d'une habilitation déjà votée par le Parlement à l'occasion de la loi « Pacte ». Lors de l'examen de ce texte, le Gouvernement avait souhaité introduire par voie d'amendement une habilitation à transposer par voie d'ordonnances les mesures du domaine de la loi relatives au « paquet bancaire », sans que les directives qui le composent n'aient été définitivement adoptées par le Conseil et le Parlement européen.

À cette occasion, notre collègue Michel Canévet, rapporteur du chapitre IV du projet de loi « Pacte », avait relevé que « le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale sans que le contenu définitif du « paquet bancaire » soit connu, dans la mesure où les éventuelles modifications demandées par le Parlement européen n'étaient pas arrêtées à cette date. Certes, le Conseil constitutionnel a accepté une habilitation en vue de transposer une directive non encore adoptée, au motif que son adoption pourrait intervenir pendant le délai d'habilitation 66 ( * ) . Toutefois, votre rapporteur ne peut que regretter cette démarche, renforçant le caractère de blanc-seing que revêt l'habilitation sollicitée au Parlement . » 67 ( * )

Aussi le présent article définit-il plus précisément le périmètre de l'habilitation consentie par le législateur, en renvoyant expressément aux deux directives du 20 mai 2019 à transposer.

Cependant, le Gouvernement ne modifie pas la durée de l'habilitation pour tenir compte du délai de transposition finalement prévu par ces deux directives, qui requièrent des États membres une application de leurs dispositions à partir du 28 décembre 2020. Ce délai n'était pas connu lors de l'adoption de l'habilitation initiale , de sorte qu'elle s'étend sur une durée de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi « Pacte » du 22 mai 2019.

Dans l'avis rendu sur le présent projet de loi, le Conseil d'État a ainsi observé que « le délai d'habilitation initialement prévu [...] n'est pas cohérent avec la date limite de transposition des deux directives en cause » et a estimé « indispensable de réduire ce délai d'habilitation à dix-huit mois à compter de la publication de la loi du 22 mai 2019 » 68 ( * ) .

Le Gouvernement n'a pas suivi l'avis du Conseil d'État et ne propose pas de modifier la durée de l'habilitation.

Le rapporteur estime que la réduction du délai d'habilitation s'impose dès lors que la France devra appliquer les dispositions des deux directives du 22 mai 2019 dès le 28 décembre prochain. De surcroît, un délai réduit à dix-huit mois devrait être suffisant pour procéder aux ajustements requis dès lors que le Gouvernement a entendu anticiper en obtenant du législateur une habilitation précoce , avant même l'adoption définitive des mesures du « paquet bancaire ». Il y a lieu de regretter que cette adoption précoce n'ait pas été mise à profit par le Gouvernement pour préparer un dispositif législatif à même d'être directement inscrit dans le présent projet de loi.

La commission a adopté un amendement COM-1 en ce sens.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 16

Rétablissement d'une disposition du code de commerce portant sur la nullité de clauses interdisant la cession de créances, supprimée par l'ordonnance du 24 avril 2019

Le présent article vise à rétablir une disposition supprimée par ordonnance déclarant nulles les clauses contractuelles interdisant la cession de créances.

La commission des finances l'a adopté sans modification, dès lors que la suppression opérée s'est révélée constituer une source de complexité majeure pour les acteurs financiers, au risque de compromettre le bon financement des entreprises.

I. LE DROIT EXISTANT : LA POSSIBILITÉ NOUVELLE D'INTERDIRE À SON COCONTRACTANT LA CESSION DE SES CRÉANCES

Le 6° de l'article 17 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures visant à « simplifier » et « préciser » les définitions des pratiques abusives prévues à l'article L. 442-6 du code de commerce.

Le c du II dudit article L. 442-6 prévoyait alors la nullité des clauses ou contrats par lesquels « un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers » interdirait à son cocontractant « la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui ».

Cette disposition a finalement été supprimée par l'article 2 de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées. En effet, elle n'a pas été reprise au sein de la liste des clauses interdites, qui figure désormais à l'article L. 442-3 du même code.

Désormais, il est donc possible pour toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services d'interdire contractuellement à son cocontractant de céder les créances qu'il détient sur elle à des tiers.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LE RÉTABLISSEMENT DE LA NULLITÉ DES CLAUSES CONTRACTUELLES INTERDISANT LA CESSION DE CRÉANCES

Le 1° du présent article a pour effet de rétablir l'interdiction de la cession de créances à des tiers parmi la liste des clauses contractuelles interdites figurant à l'article L. 442-3 du code de commerce.

Son 2° prévoit que la modification proposée serait applicable dans les îles Wallis et Futuna.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN RÉTABLISSEMENT INDISPENSABLE POUR LES ACTEURS ÉCONOMIQUES

Le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 20129-359 précitée ne motive pas de façon détaillée la suppression opérée et se contente d'indiquer que la nouvelle liste des clauses interdites « se recentre sur les dispositions utilisées par les opérateurs économiques ».

Or, il est apparu à l'usage que la nullité des clauses contractuelles interdisant la cession de créances à des tiers, loin d'être superfétatoire, revêtait une importance décisive pour le bon fonctionnement de l'affacturage et de la constitution de garanties , qui constituent deux sources essentielles de financement pour les entreprises.

En effet, la cession de factures non-échues permet aux entreprises d'obtenir immédiatement des liquidités, tandis que leur utilisation comme garantie facilite l'obtention d'un prêt. À titre d'illustration des enjeux, le montant des créances prises en charge en France par les sociétés d'affacturage a atteint 239 milliards d'euros en 2019 69 ( * ) .

Dès lors que « l'économie même de ces opérations repose sur le fait que les créances achetées peuvent être cédées par leurs acquéreurs », la modification opérée par l'ordonnance constitue une difficulté majeure pour les acteurs financiers , qui sont contraints de vérifier systématiquement la présence de clauses interdisant la cession à des tiers dans l'ensemble des contrats, ce qui est « en pratique impossible compte tenu de la masse considérable de contrats concernés (plusieurs centaines de milliers) » 70 ( * ) . Il en résulte ainsi une fragilité juridique croissante, susceptible de menacer à terme cette source de financement indispensable pour les entreprises.

Dans ce contexte, le rapporteur ne peut que souscrire à la modification proposée au présent article.

Il est toutefois particulièrement regrettable que le processus de consultation n'ait pas permis de mettre en évidence le caractère inopportun de la « simplification » opérée par l'ordonnance.

Cet épisode vient en tout état de cause rappeler le caractère périlleux de la banalisation du recours aux ordonnances , dont la préparation ne permet manifestement pas d'assurer l'examen approfondi, public et contradictoire des modifications proposées qu'implique le passage devant le Parlement.

Cela souligne par ailleurs la nécessité pour le Gouvernement de présenter et justifier beaucoup plus précisément les modifications effectuées dans le cadre du rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance, afin de permettre aux acteurs économiques et aux parlementaires d'en prendre connaissance et d'en apprécier la portée.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article sans modification.


* 37 Dans les conditions prévues au chapitre III du Titre I er du Livre V du code monétaire et financiers - articles L.513-1 à L. 513-33.

* 38 Directive (UE) 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant les directives 2009/65/CE et 2014/59/UE et règlement (UE) 2019/2160 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne les expositions sous forme d'obligations garanties.

* 39 Directive (UE) 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant les directives 2009/65/CE et 2014/59/UE.

* 40 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 111.

* 41 Directive 2014/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 modifiant la directive 64/432/CEE du Conseil en ce qui concerne les bases de données informatisées qui font partie des réseaux de surveillance dans les États membres.

* 42 Ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la ýséparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises ýd'investissement.

* 43 Règlement (UE) n ° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n ° 648/2012.

* 44 Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.

* 45 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

* 46 Ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement.

* 47 Ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière.

* 48 Par exemple, la défaillance d'une entreprise d'investissement expose moins le système financier que pour le cas d'un établissement de crédit dans la mesure où elle ne possède généralement pas d'importants portefeuilles de prêts aux particuliers et n'accepte pas de dépôts.

* 49 Directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/UE et 2014/65/UE et règlement (UE) 2019/2033 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d'investissement et modifiant les règlements (UE) no 1093/2010, (UE) no 575/2013, (UE) no 600/2014 et (UE) no 806/2014.

* 50 Directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/UE et 2014/65/UE.

* 51 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 119.

* 52 Voir Commission européenne, COM(2017) 791 final, 20 décembre 2017.

* 53 Sénat, « Places financières : quelle stratégie française face au Brexit ? », rapport d'information n° 574 (2016-2017) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, 7 juin 2017.

* 54 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

* 55 Article 4 de la directive 2011/61/UE précitée.

* 56 Règlement (UE) 2019/1156 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 visant à faciliter la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif et modifiant les règlements (UE) n° 345/2013, (UE) n° 346/2013 et (UE) n° 1286/2014.

* 57 AMF, « L'Autorité des marchés financiers introduit en France le concept pré-commercialisation des fonds », 4 juillet 2016.

* 58 Exposé des motifs de la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faciliter la distribution transfrontière des fonds communs de placement et modifiant les règlements (UE) n° 345/2013 et (UE) n° 346/2013.

* 59 AMF, « Distribution transfrontière des fonds en Europe : identifier les barrières à l'entrée et améliorer la confiance des investisseurs », 19 septembre 2016, p. 2.

* 60 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 130.

* 61 Commission des affaires européennes, procédure écrite du 26 juillet 2018.

* 62 « Vers l'achèvement de l'union bancaire », communication de la Commission européenne COM(2015) 587 final du 24 novembre 2015.

* 63 La directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres ainsi que la directive (UE) 2019/879 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne la capacité d'absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et la directive 98/26/CE.

* 64 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 65 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 66 Conseil constitutionnel, Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

* 67 Rapport n° 254 (2018-2019) de Michel Canévet, Jean-François Husson et Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission spéciale, 17 janvier 2019, p. 801.

* 68 Conseil d'État, Avis sur un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière », 4 février 2020, p. 4.

* 69 Association française des sociétés financières, « L'activité des établissements spécialisés en 2019 : des résultats positifs », 17 mars 2020.

* 70 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 137.

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