B. UNE TRAJECTOIRE FINANCIÈRE INQUIÉTANTE JUSQU'EN 2024

1. Des déficits qui resteraient supérieurs à 20 milliards d'euros en 2024

Au-delà de l'exercice à venir, le rapport constituant l'annexe B du présent PLFSS détaille la trajectoire financière envisagée par le Gouvernement jusqu'en 2024.

Or, même si se vérifiaient les hypothèses économiques et sociales du Gouvernement relativement optimistes exposées supra , les perspectives demeureraient sombres pour les comptes de la sécurité sociale.

Le tableau suivant, tiré de l'annexe B du PLFSS, retrace ainsi les comptes branche par branche et consolidés de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse jusqu'en 2024. Ils montrent la perspective de comptes durablement dans le rouge vif, le déficit global restant supérieur à 20 milliards d'euros à l'horizon de 2024 .

Prévisions de recettes, dépenses et soldes
de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV

(en milliards d'euros)

2020

2021

2022

2023

2024

Maladie

Recettes

206,3

199,4

202,8

208,3

213,4

Dépenses

238,5

219,1

221,0

225,9

230,8

Solde

- 32,2

- 19,7

- 18,2

- 17,6

- 17,4

AT-MP

Recettes

13,6

14,8

15,4

15,8

16,3

Dépenses

13,9

14,1

14,2

14,3

14,5

Solde

- 0,2

0,6

1,2

1,5

1,8

Famille

Recettes

47,2

50,5

51,3

52,8

54,2

Dépenses

50,4

49,3

49,7

50,2

50,8

Solde

- 3,2

1,1

1,6

2,6

3,4

Vieillesse

Recettes

237,4

245,5

249,4

254,8

260,7

Dépenses

247,0

251,9

257,0

263,6

271,4

Solde

- 9,5

- 6,4

- 7,6

- 8,8

- 10,7

Autonomie

Recettes

31,3

32,2

33,2

36,6

Dépenses

31,6

32,7

33,6

34,5

Solde

-0,3

-0,5

-0,3

2,1

Total

Recettes

491,0

527,4

536,7

550,4

566,4

Dépenses

536,1

552,0

560,2

573,0

587,1

Solde

- 45,2

- 24,6

- 23,4

- 22,6

- 20,8

FSV

Recettes

16,5

16,7

17,3

17,9

18,5

Dépenses

19,7

19,2

19,0

19,1

19,3

Solde

- 3,2

- 2,4

- 1,7

- 1,2

- 0,8

Total avec FSV

Recettes

488,2

525,4

535,6

549,7

566,1

Dépenses

536,6

552,4

560,7

573,5

587,6

Solde

- 48,4

- 27,0

- 25,1

- 23,8

- 21,6

Source : Annexe B du PLFSS 2021

La situation des branches vieillesse et maladie semble particulièrement préoccupante au vu de ces prévisions .

Le déficit des régimes de retraite ne cesse ainsi de se creuser sur l'ensemble de la période pour dépasser 10 milliards d'euros à l'horizon de 2024. Quant à la branche maladie, aucune perspective d'amélioration ne se dessine au-delà de l'année prochaine, avec un déficit qui se stabiliserait au-delà de 17 milliards d'euros.

En revenant à une vue d'ensemble, la perspective ainsi dessinée par le Gouvernement se distingue fortement du redressement continu (bien qu'assez lent) des comptes sociaux après la crise financière de la fin des années 2000 et le pic de déficit de 2010, comme le montre le graphique suivant.

Évolution du solde des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS)
et du fonds de solidarité vieillesse

(en milliards d'euros)

*estimations

Source : commission des affaires sociales, d'après PLFSS

2. Le poids croissant des dépenses pérennes au fil des années

Une comparaison avec l'annexe B de la LFSS pour 2020, qui traçait des perspectives financières pour la sécurité sociale jusqu'en 2023, est éclairante pour comprendre la dynamique de formation de ces déficits très lourds.

Pour rappel, l'année dernière, les comptes consolidés du régime général et du FSV devaient revenir à un quasi équilibre en 2023 (déficit de 0,6 milliard alors prévu) 10 ( * ) .

Le graphique suivant montre, pour chaque année de la période 2020-2023, l'écart entre la prévision de la LFSS pour 2020 et celle du présent PLFSS ainsi que les facteurs expliquant ces écarts (pertes de recettes et accroissement des dépenses).

Écart de prévision entre la LFSS 2020 et le PLFSS 2021
pour le solde du régime général et du FSV sur la période 2020-2023

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, d'après LFSS 2020 et PLFSS 2021

Il en ressort qu'alors qu'au début de la crise, en 2020, le facteur recettes est le plus important, c'est au fil des années, l'augmentation structurelle des dépenses qui empêchera un retour vers l'équilibre des comptes sociaux .

Ainsi, par rapport à la prévision de l'année dernière, le déficit de l'année 2023 est désormais prévu à 22,5 milliards d'euros au lieu de 0,6 milliard d'euros. Cet écart s'explique :

- par un niveau de recettes amoindri de 7 milliards d'euros du fait de la perte de croissance et de masse salariale au cours de la période en raison de la crise actuelle ;

- et par un niveau de dépenses supérieur de 15 milliards d'euros (dont environ 12,5 milliards d'euros pour les dépenses relevant de l'Ondam).

De fait, le Gouvernement souligne bien que les dépenses issues du Ségur de la santé sont les seules actuellement engagées qui présenteront un caractère pérenne. Dans les hypothèses actuelles, l'ensemble de ces surplus a vocation à entrer dans la base de l'Ondam à partir de laquelle se définira le taux de progression de l'objectif.

3. Une saturation rapide du nouveau plafond de dettes sociales transférable à la Cades

Dans ces conditions, le plafond de dettes transférables à la Cades au titre des déficits des années 2020 à 2023, soit 92 milliards d'euros ( cf. supra ), risque d'être rapidement saturé .

En effet, les déficits cumulés de la sécurité sociale prévus en 2020 et au-delà (jusqu'en 2024) atteignent désormais :

- 142,6 milliards d'euros sur le périmètre du régime général et du FSV ;

- et même 145,9 milliards d'euros en se plaçant sur le périmètre des ROBSS et du FSV (des caisses gérant des régimes autres que le régime général pouvant voir leurs dettes reprises par la Cades).

En toute hypothèse, même en procédant à l'ensemble des transferts autorisés, il resterait d'ici quatre ans plus de cinquante milliards d'euros de déficits cumulés de l'ensemble des régimes à financer .

Surtout, le fait qu'aucune perspective de redressement des comptes de la sécurité sociale ne se dessine à cet horizon rend la situation encore plus intenable. Le fait d'amortir d'un côté des déficits qui se recréent chaque année dans les résultats de la sécurité sociale fera sans cesse s'éloigner la perspective d'extinction de la dette sociale, à la manière du promeneur qui voudrait atteindre l'horizon.

4. La nécessité d'agir pour préserver notre modèle social à moyen et à long terme

La commission ne saurait se satisfaire de telles perspectives .

Elle estime, au contraire, qu'il importe de passer le message que la sécurité sociale doit jouer pleinement son rôle d'amortisseur social pendant la crise sanitaire et économique actuelle, même si cela se fait au prix du creusement de déficits importants.

Mais également qu'une fois que la reprise sera là, il faudra reprendre de nouveau le chemin du redressement des comptes sociaux . Il en va de la pérennité du modèle social qui, au vu de la nature des dépenses engagées, ne peut légitimement pas vivre à crédit, c'est-à-dire aux frais des générations suivantes. Il en va aussi de la capacité du système à répondre à la prochaine crise. De ce point de vue, la capacité de mobilisation d'un pays comme l'Allemagne qui a abordé la crise avec des finances saines devrait nous éclairer.

Bien sûr, un tel « atterrissage » ne sera pas aisé mais il sera nécessaire. Il pourrait débuter vers 2023 si les conditions économiques le permettent.

Pour que cette démarche se fasse dans les meilleures conditions, il importe que la sécurité sociale n'assume que ses charges . C'est la raison pour laquelle la commission proposera des amendements :

- assurant que la sécurité sociale reçoive de l'État la compensation du budget réel de l'Agence nationale de santé publique qui lui a été transférée cette année (4,8 milliards d'euros en 2020) ;

- remettant en cause les non-compensations de diverses mesures de baisses de recettes adoptées ces deux dernières années en partant du principe (hélas infondé) que la sécurité sociale était parvenue à un équilibre durable de ses comptes ;

- refusant de faire assumer à la sécurité sociale des charges qui ne sont pas les siennes, à commencer par le financement de 13 milliards d'euros d'investissements dans les hôpitaux .

Mais, pour nécessaires que soient les mesures évoquées ci-dessus, elles n'exonéreront pas les pouvoirs publics de prendre des décisions de nature à maîtriser les coûts de la sécurité sociale .

Cela passera par une lutte plus efficace contre la fraude aux cotisations et aux prestations et par une diminution significative des actes médicaux inutiles ou redondants.

Il faudra également des réformes plus structurelles , au premier rang desquelles devrait figurer une évolution des paramètres relatifs au départ à la retraite des assurés.


* 10 Sur le périmètre ROBSS + FSV, le déficit prévu en 2023 s'élevait à 1,8 milliard d'euros.

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