EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 28 octobre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État », compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » . - Je vais faire une présentation dans le désordre, pour être congruent avec la politique budgétaire du Gouvernement.

Je commence par le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », pour lequel aucun crédit n'est prévu, et ce depuis des années. Je vous proposerai de l'adopter.

Je passe au compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce », qui ne soulève pas de problème particulier. J'en rappelle simplement le mécanisme. Au moment où la Grèce avait des difficultés à emprunter, l'Eurosystème, et en l'occurrence la Banque de France, ont acheté des titres grecs. Ceux-ci rapportent des intérêts, que le Gouvernement français reverse à la Grèce. Je vous proposerai également d'adopter les crédits de ce CAS.

J'en viens au compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État et organismes gérant des services publics » - nous finirons par la dette, vous l'avez bien compris. Ce compte a été très mobilisé en 2020, contrairement à ce qu'on observe d'habitude. Cela donne des multiplications par 20 de certaines lignes. Il s'agit, en vérité, de faire de l'avance de trésorerie ou des avances de plus long-terme à des organismes qui n'ont pas le droit de s'endetter. Évidemment, 2020 a été particulièrement difficile et, en 2021, il restera des reliquats. Ainsi, les avances pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », que suit notre collègue M. Capo-Canellas, ont été renforcées de 1,2 milliard d'euros en 2020 ! Il y a aussi eu une nouvelle avance de 50 millions d'euros pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, que nous avons votée dans le troisième projet de loi de finances rectificative. Il y a aussi des aides au secteur agricole Nos collègues sénateurs français de l'étranger s'étaient battus sur ce point. Ces actions ont contribué à dégrader le solde du compte, puisqu'il y a un décalage temporel entre les avances de trésorerie et leur remboursement. Les crédits ouverts au titre des avances pouvant être accordées au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ont été multipliés par quinze entre la loi de finances initiale pour 2020 et le projet de loi finances pour 2021.

Le problème est que certaines de ses avances peuvent paraître contraires à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances : elles sont attribuées pour de longue durée, de manière répétée pour certains organismes ou pour couvrir des besoins qui ne sont pas simplement de la trésorerie. On peut alors se demander s'il ne faudrait pas plutôt, pour les organismes bénéficiaires, une vraie budgétisation sur d'autres programmes, et non une avance d'une année sur l'autre. Il y a donc là une sorte de tour de passe-passe, via un compte de concours financiers. Nous devons respecter l'esprit de la LOLF. Je vous proposerai donc de réserver notre position sur ce compte, en attendant l'examen des crédits présentés par M. Vincent Capo-Canellas sur le budget annexe contrôle et exploitation aériens.

Le quatrième point que je voulais évoquer concerne le programme 336 « Dotation du Mécanisme européen de stabilité » de la mission « Engagements financiers de l'État ». D'habitude, ce programme est financé par des crédits non répartis ou par une ouverture en loi de finances rectificative. Cette année, enfin, le Gouvernement le dote dès le projet de loi de finances, de 79 millions d'euros. Au moins, le « quoi qu'il en coûte » aura accru la sincérité budgétaire de certaines lignes.

Le programme 145 « Épargne » concerne les primes des comptes et des plans épargne-logement, pour dire les choses simplement. Il est doté de 62 millions d'euros. Y sont aussi rattachées les dépenses fiscales liées aux livrets règlementés, comme le Livret A. Les crédits octroyés ne me posent aucun problème.

Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » passe, lui, de 94 millions d'euros en loi de finances initiale à 2,5 milliards d'euros : petite hausse ! Les crédits sont multipliés par 26 ! Cette hausse est largement liée aux prêts garantis par l'État (PGE). C'est donc l'un des programmes qui portent aussi les plans de relance ou de soutien de l'économie de l'année 2020.

J'en viens à présent à la dette, qui n'est autre chose que la somme de nos déficits. Or, en 2019, la France continuait à creuser son déficit, même si on nous parlait d'un effet temporaire, lié au crédit d'impôt compétitivité-emploi. Notre dette se stabilisait toutefois, car nous avions un peu de croissance et des taux favorables, mais ne diminuait pas, contrairement à celle d'autres pays. Comme l'avait dit Albéric de Montgolfier, et comme Jean-François Husson nous l'expliquera de nouveau, nous avions gardé un niveau de dette très élevé.

Le pourcentage du PIB est une chose, mais il faut aussi penser aux milliards d'euros en jeu, car le marché international de la dette s'évalue à cette aune. La dette de l'Allemagne, notée AAA, se monte à 2 000 milliards d'euros. Nous, nous en sommes à 2 400 milliards d'euros, notés AA. La dette des Pays-Bas, notée AAA, représente à l'inverse moins de 400 milliards d'euros : ce ne sont pas les mêmes échelles.

Paradoxalement, plus notre dette augmente, moins elle nous coûte cher ! On dirait qu'on a retrouvé la recette de l'argent magique... Entre 2011 et 2020, alors que la dette s'est gonflée de 30 points de PIB, la charge de la dette, elle, est passée de 46 à 35 milliards d'euros. Cela s'explique en observant la courbe des taux et notamment le taux de référence, celui de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans. En 2011, le taux était d'environ 3,30 % ; aujourd'hui, il tourne autour de - 0,11 %. Nous avons donc gagné 340 points de base. Si l'on multiplie par les quelque 260 milliards d'euros que nous allons emprunter en 2020 et en 2021, on comprend comment nous faisons des économies... Il faut se demander quand cette capacité à amortir notre dette à des taux inférieurs à ceux de leur émission prendra fin. C'est en 2015 que les taux sont passés en dessous de 1 %, si on prend pour hypothèse une légère remontée des taux, c'est vers 2025 qu'il faut fixer la fin du bonneteau : jusqu'en 2025, eu égard aux stocks, nous allons continuer à voir baisser la charge d'intérêt. Mais il y aura un moment de vérité. Les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF), eux, sont carrément à taux négatif : émettre à court terme nous rapporte de l'argent. Quand vous émettez, on vous donne de l'argent ! C'est extraordinaire ; j'ai essayé, mais cela ne fonctionne pas : je dois avoir moins de crédit que la France... Comment allons-nous nous financer dans les années à venir ? En tous cas, nous en avons au moins jusqu'en 2025. En 2027, cela ne fonctionnera plus : ce ne sera pas le moment d'être candidat à la présidentielle...

L'Agence France Trésor effectue une simulation de l'effet d'une hausse des taux de 100 points de base - qui n'a rien d'impossible. La première année, cela nous coûterait un peu plus de 2,5 milliards d'euros ; en 2025 ans, le coût serait de 15 milliards d'euros et, en 2030, il approcherait les 30 milliards d'euros. Aujourd'hui, nous sommes bien accrochés à l'Allemagne, et nous avons gardé un spread de taux d'intérêt de 30 points de base. Il y a bien eu au mois de mars une petite alerte, qui a accru ce spread de 50 points de base. Il peut encore s'accroître, car nous n'avons pas la bonne trajectoire de déficit et de dette.

Les agences de notation que nous avons entendues considèrent la France comme un pays solide et sérieux, qui rembourse ce qu'il doit. Les aspects institutionnels sont très importants pour elles. La stabilité démocratique et institutionnelle font partie des éléments qui nourrissent la confiance qu'on peut avoir dans un pays : 20 % de la note est fondée sur ce critère.

Cependant, le problème est que nous sommes l'un des rares pays à avoir continué d'aggraver notre déficit public et notre dette même en période de croissance. Avoir eu la mauvaise trajectoire de déficit public auparavant, pendant les années de vaches un peu plus grasses, crée un problème de confiance sur notre capacité à retrouver une trajectoire assainie pour nos finances publiques. Or la soutenabilité de la dette dépend de sa crédibilité. Et notre comportement passé nous fait manquer aujourd'hui de crédibilité en termes de réduction des déficits... C'est pourquoi les agences de notation inscrivent en facteur de vulnérabilité notre volonté politique et notre capacité réelle à améliorer la soutenabilité des finances publiques.

M. Claude Raynal , président . - Merci de ce rappel.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je souhaite revenir sur les éléments du besoin de financement de l'État. Comment l'Agence France Trésor (AFT) s'est-elle adaptée à une hausse aussi forte du besoin de financement de l'État ? Quelles sont les conséquences du plan de relance sur le besoin de financement de l'État ? Quelles sont les conséquences des dispositifs de garantie octroyés par l'État, notamment sur les crédits budgétaires de la mission ? Les prévisions du Gouvernement paraissent-elles optimistes ou pessimistes, ou sur une trajectoire intermédiaire ?

M. Éric Bocquet . - Vous avez souligné un paradoxe. Déjà, hier, vous aviez désigné la France comme l'homme malade de l'Europe. Ce sont les mots employés par Margaret Thatcher dans les années 1970 à propos du Royaume-Uni. L'Histoire se répète... Nous sommes peut-être un homme malade, avec des taux de prélèvements obligatoires stratosphériques, nous dit-on, une fiscalité délirante, un déficit qu'on ne maîtrise plus, etc. Mais on constate que, sur les marchés financiers mondiaux, les titres de dette française s'arrachent comme des petits pains. Et 50 % de nos financeurs sont des non-résidents, hors zone euro. On s'intéresse donc de près à la dette française. Comment expliquer que l'on accorde un prêt à un homme malade, et même à des taux négatifs ? Ce paradoxe m'interpelle.

La Banque centrale européenne (BCE) s'est affranchie de ses propres règles depuis quelque temps. Fin 2020, elle détenait 20 % de la dette des États. Cette proportion va monter à 30 % d'ici la fin d'année, ce qui est complètement contraire aux traités et à ses propres règles. Ce sont des mesures non conventionnelles, et nous n'avions pas d'autre choix. Peut-on imaginer que la BCE annule les créances qu'elle détient ? Aucun fardeau ne pèserait sur personne ni sur aucune génération. La BCE n'est pas une banque commerciale, son passif n'est exigible par personne. Elle peut avoir des fonds propres négatifs, elle ne peut pas faire faillite... Ne pouvons-nous pas imaginer, avec audace, dans la situation exceptionnelle que nous traversons, que la BCE poursuive dans cette voie pour outrepasser ses règles initiales et finance directement les États ?

Enfin, le niveau de l'épargne a explosé avec la pandémie. On parle de 100 milliards d'euros en fin d'année. L'État ne pourrait-il pas recourir à des emprunts directs auprès des ménages, comme le fait le Japon ? La dette japonaise est détenue à 90 % par le peuple japonais. Cela changerait la donne en nous dégageant de la tutelle des marchés financiers, qui nous imposent leur loi : c'est bien celui qui paye qui dit ce qu'il faut faire ! L'argent dégagé pourrait peut-être aller à des investissements utiles, sur les infrastructures ou la transition écologique par exemple.

M. Sébastien Meurant . - Merci pour ces rappels fondamentaux. La question est bien la soutenabilité de la dette : on ne meurt pas de ses dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire. Peut-être que ce moment se rapproche... La création de dettes sans fin de la France et son incapacité à respecter ses engagements internationaux, vis-à-vis de l'euro et de nos partenaires, pose problème. Le programme 344 concerne le fonds de soutien aux prêts financiers structurés, autrement appelés emprunts toxiques, qui ont fait beaucoup de mal et continuent à faire beaucoup de mal aux collectivités territoriales et aux hôpitaux. Pouvez-vous détailler son contenu ? Comment le versement, en une seule fois, des aides aux collectivités territoriales, ou peut-être aux hôpitaux, a-t-il été effectué ?

M. Vincent Segouin . - J'ai envie de dire, en écoutant votre rapport, que tout va bien : tout va très bien, madame la marquise, et nous pouvons continuer comme cela pendant longtemps ! Jusqu'à 2025, la charge de la dette n'augmentera pas. Et l'inversion des taux directeurs, ce n'est pas pour tout de suite. La dette contractée aujourd'hui sera-t-elle remboursée un jour ? Risquons-nous de vivre une dévaluation de l'euro ? Et, en ce cas, quel sera le comportement de l'Allemagne ?

M. Marc Laménie . - Ce sujet n'est certes pas médiatique, mais il est particulièrement important : c'est la troisième mission du budget de l'État en termes de masse financière... Dans notre endettement annuel, quelles sont les parts des intérêts et du capital ? Outre la BCE et l'AFT, quel est le rôle de la Banque de France ?

Mme Christine Lavarde . - Vous entendez tous comme moi le Gouvernement nous indiquer qu'il investit pour l'avenir, notamment dans des infrastructures vertes. Cela se traduit-il dans la structure de notre endettement par une part croissante d'emprunts verts ? Nous avions eu à la commission des finances une table ronde très intéressante, il y a quelques mois, sur ce thème. Sommes-nous passés des paroles aux actes ?

M. Patrice Joly . - Quand on parle d'endettement, on a toujours l'impression qu'il y aurait d'un côté les rigoureux et de l'autre les laxistes. J'ose espérer que nous sommes tous sérieux, notamment s'agissant du désendettement sur le court, le moyen et le long terme. Qui détient la dette aujourd'hui ? Quelles sont les problématiques en matière de souveraineté ? Combien cela rapporte-t-il à la France, en termes de différentiel de coût, que la BCE détienne de la dette française ? Quid de la mobilisation de l'épargne française en lien avec le verdissement de nos politiques ? Une partie du plan de relance doit-être mise en oeuvre à travers la relance des territoires : ne pourrait-il y avoir des Rural Bonds ?

M. Michel Canévet . - La BCE détient une grande partie de la dette française. Cette tendance va-t-elle croître ? Cela signifie-t-il que nous n'aurons jamais à la rembourser ? L'hypothèse d'un non-remboursement n'encourage-t-elle pas la politique d'endettement conduite depuis très longtemps par l'ensemble des gouvernements ? Quel est le niveau des engagements pour les garanties d'État ? L'État a repris la dette d'autres entités, comme les hôpitaux et la SNCF. Sur quelle ligne budgétaire cela s'inscrit-il ?

M. Victorin Lurel . - Je suis d'accord avec Éric Bocquet. Certes, la question du remboursement de la dette clive politiquement. Mais c'est une vraie question que la commission des finances devrait approfondir. La solution évoquée par Éric Bocquet et par beaucoup de grands économistes n'est pas sans intérêt : n'est-ce pas ce que la FED pratique avec le Trésor américain ? Idem pour la Banque d'Angleterre. Le Japon atteint 230 % de son PIB en termes d'endettement, pourtant le pays ne s'est pas effondré. Une action de la Banque centrale européenne est-elle possible ? Une dette peut-elle être perpétuelle ? Il y a bien eu dans l'histoire des dettes sur un siècle ! Il ne faut pas avoir de tabou et nous devons rester pragmatiques : comment retrouver des marges ? Notre commission ne pourrait-elle pas être à l'origine d'un rapport d'information sur les nouvelles pratiques des banques centrales ? Depuis l'instauration des politiques non conventionnelles, il n'existe plus de bases théoriques pour les pratiques bancaires actuelles. On fait du Quantitative Easing et autres, mais personne ne peut le justifier véritablement. Nous avançons donc au radar, même si cela fonctionne mieux pour le moment qu'après la crise de 2008.

Je suis l'auteur d'un rapport avec ma collègue Nathalie Goulet sur les accords monétaires internationaux. Le montant des réserves des trois banques centrales africaines - la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC) et la Banque Centre des Comores (BCC) - est tel qu'il n'y a pas lieu de doter ce compte en crédits pour couvrir un risque d'appel en garantie. Or chaque année les banques centrales dépensent entre 10 et 20 milliards d'euros auprès du Trésor. Où sont enregistrées en comptabilité les rémunérations de ces dépôts ? C'est un accord monétaire qui n'a de monétaire que le nom : il s'agit en réalité d'un accord budgétaire.

M. Philippe Dominati . - L'importance de la dette n'est pas préoccupante, à condition qu'il y ait des marges de manoeuvre. Or le taux des prélèvements obligatoires est très important dans notre pays. Il serait intéressant de comparer les marges de manoeuvre plutôt que l'importance de la dette.

M. Claude Raynal , président . - Nous avons souhaité auditionner le Gouverneur de la Banque de France, ce qui n'a pas été possible puisqu'il est soumis à une obligation de réserve avant la conférence des gouverneurs de toutes les banques européennes.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - L'AFT, qui emploie une quarantaine de salariés, est l'une des meilleures au monde. Elle gère par exemple la dette de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Face à la crise économique et à l'augmentation sans précédent du besoin de financement de l'État, l'AFT s'est adaptée au fur et à mesure et a su reprendre des marges de manoeuvre avec des BTF, du court-terme, ce qui a bien fonctionné au moment de la crise. Elle a également rehaussé ses appels au marché, toutes les semaines pour les BTF et toutes les deux semaines pour les OAT. C'est passé sous le radar, mais nous avons été confrontés à une petite crise de liquidité de la dette française, sur le marché obligataire. Les OAT sont très recherchées, ce qui nous permet d'émettre à des taux plus faibles et la liquidité de notre dette est dans 99 % des cas un de nos meilleurs atouts. Mais en mars, les investisseurs étaient à la recherche de liquidité, ils ont donc d'abord vendu leurs actifs les plus liquides, donc de la dette française. Heureusement, cela n'a duré que très peu de temps et les conditions d'émission assurées par l'AFT sont rapidement redevenues très favorables.

Notre rapporteur général m'interroge sur les PGE. Lors de la mise en place des PGE, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance avait évoqué une sinistralité nette évaluée à 3 %. Il faut la rapporter aux 120 milliards d'euros décaissés, sur les 360 milliards annoncés pour les PGE. Le calcul est vite fait, cela représente environ 3,6 milliards d'euros. L'essentiel aurait lieu en 2021, surtout au second semestre, puis en 2022. Plus de 1,26 milliard sont aujourd'hui provisionnés : l'estimation est raisonnable.

Éric Bocquet pose la question de la dette française, détenue pour moitié par les non-résidents et pour moitié par les résidents, dont 20 % par l'Eurosystème. Sur la totalité de notre dette, 50 % seraient achetés par les banques centrales, de toute zone géographique. La dette française n'est donc pas majoritairement détenue pas des fonds spéculatifs, ce qui est rassurant. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas utiles : ce qui compte, c'est la diversification des investisseurs, qui achètent et qui vendent, pour assurer la liquidité de la dette et faire baisser les taux d'intérêt. La dette permanente existe : tous les ans, nous émettons 260 milliards d'euros, en grande partie pour amortir nos titres arrivés à échéance. Ces 260 milliards d'euros, c'est bien sûr avant le reconfinement du mois de novembre ! Notre besoin de financement de l'État, déjà record à 345 milliards d'euros, pourrait encore augmenter !

Nous remboursons tous les ans 140 milliards de dette passée et nous réempruntons pour les rembourser. Pourrions-nous tout simplement annuler la dette ? En théorie oui, mais il faudrait, en zone euro, changer les traités et que tous les autres pays l'acceptent. En cas d'asymétrie, de décision unilatérale, les taux d'intérêt exploseraient, ce qui conduirait à une dévaluation de la monnaie. Une telle annulation n'est pas souhaitable, car nous perdrions toute crédibilité budgétaire : qui voudrait acheter notre dette ?

La dette japonaise s'élève certes à 230 % du PIB, mais elle est détenue à 90 % par les Japonais. Néanmoins, les taux d'intérêt sont proches de zéro et la croissance difficile à stimuler. Nous préférons l'emprunt Giscard ou l'emprunt Balladur, qui rapportaient plus !

Sébastien Meurant m'a interrogé sur les prêts structurés : plus de 85 % des dossiers ont été traités. La Société de financement local (Sfil), rachetée par la Caisse des dépôts et consignations, s'est largement chargée du sujet de manière exceptionnelle.

Marc Laménie me demande quel est le lien entre l'AFT et la Banque de France : la Banque de France achète, dans le cadre des programmes de rachat mis en place par la Banque centrale européenne, de la dette française. L'AFT doit également s'assurer que le compte de l'État à la Banque de France est toujours créditeur en fin de journée. Il s'agit donc de liens classiques.

Les Green Bonds fonctionnent très bien. Anthony Requin était venu, sur invitation de Vincent Éblé et d'Albéric de Montgolfier, nous parler de la dette verte. Les Green Bonds sont un phénomène particulier : l'encours de l'OAT verte française a atteint 27 milliards d'euros en 2020. Elle est très demandée, même si les banques ne croient pas tellement en nos dépenses écologiques en termes d'investissement : Jean-François Husson ou Christine Lavarde pourraient vous l'expliquer mieux que moi. On ne peut donc pas émettre plus de dette qu'il n'y a de dépenses « vertes » éligibles. Il existe donc un problème d'émission de dette verte : tout le monde en veut, mais il n'y en a pas assez. Il y a donc une prime sur la dette verte. Quant aux rural bonds , il faudrait savoir ce que cela recouvre : qui rembourse et quoi ? Il faudrait également mettre en place un processus de certification !

Par ailleurs, plus vous segmentez votre dette, plus la prime de risque est importante et plus les taux d'intérêt sont élevés. Voilà pourquoi il est important de centraliser la dette à l'Agence France Trésor. Dans ce contexte, il est également utile que la Cades soit adossée à l'Agence France Trésor. D'autres dettes seront-elles reprises ? Peut-être, c'est d'ailleurs souhaitable.

Pour les politiques d'assouplissement monétaire et de rachat de la Banque centrale européenne, François Villeroy de Galhau ne pouvant pas être auditionné pour cause de réserve, nous en saurons plus ultérieurement. Je ne suis pas la madame Irma ni la madame Soleil de la finance ! Mais le consensus veut que ces programmes continuent encore pour un moment.

Victorin Lurel soulève une question de comptabilité : il me semble que la réponse à son interrogation figure sur un compte de commerce.

M. Claude Raynal , président. - Nous entendrons ultérieurement le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, si possible en fin d'année. Il sera intéressant de l'interroger après la deuxième vague qui amènera des mesures nouvelles.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État», du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux ». Elle a décidé de réserver sa position sur les crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

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Réunie à nouveau le mercredi 18 novembre, sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission a examiné les crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » précédemment réservés.

M. Claude Raynal, président . - Nous passons au compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial . - Ma préoccupation portait sur les avances prévues pour aider les aéroports, car le système de comptes d'avances ne me semblait pas totalement pertinent du point de vue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). C'était donc plus un problème de forme que de fond et, après le court et brillant exposé de Vincent Capo-Canellas ce matin démontrant combien ces aides sont vitales pour le secteur aérien, j'émets un avis favorable.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » .

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission, ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

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