III. LA FONCTION PUBLIQUE : DES CRÉDITS MAÎTRISÉS, UN RATTACHEMENT QUI DOIT DONNER UNE NOUVELLE IMPULSION À LA TRANSFORMATION DES ADMINISTRATIONS

L'un des sept axes de transformation retenus dans le plan de transformation ministériel de ce qui constituait alors le ministre de l'action et des comptes publics concerne la réforme de la fonction publique . Il se décline en sept chantiers, dont le premier trouve sa traduction budgétaire dans le programme 351. Il s'agit de l'accompagnement dans sa dimension ressources humaines des restructurations : le fonds porté par le programme 351 entend justement accompagner les agents dans leur mobilité et reconversion. Il a été doté à son lancement de 50 millions d'euros.

Les autres chantiers relèvent davantage des règles régissant la fonction publique et ne correspondent donc pas à des crédits budgétaires précis. Il s'agit des chantiers suivants : « pour un dialogue social plus efficace », « vers plus d'individualisation de la rémunération », « recours étendu aux contractuels », « appliquer les 35 heures dans la fonction publique » et « améliorer et diversifier le recrutement dans la fonction publique ». Les rapporteurs spéciaux ont pu interroger la ministre de la transformation et de la fonction publiques sur ces objectifs (cf. infra ), beaucoup de sujets restant encore à traiter.

A. LE PROGRAMME 148 : DES MOYENS ENCORE INSUFFISANTS POUR FAIRE DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L'ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE UNE VÉRITABLE DIRECTION INTERMINISTÉRIELLE DES RESSOURCES HUMAINES

1. Un programme, trois actions de poids inégal

Le programme 148 porte seulement une partie des crédits dédiés à la formation, à la mobilité ou aux prestations d'actions sociales à destination des agents publics , le poids de ces actions dans la mission étant inégal.

La répartition par action des crédits du programme 148 « Fonction publique »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Près d'un tiers des crédits sont alloués, via des subventions pour charges du secteur public, aux deux opérateurs de la mission que sont l'École nationale d'administration (ENA - 30,6 millions d'euros en 2021) et les cinq instituts régionaux d'administration (IRA - 40,05 millions d'euros). Le montant des subventions est identique entre 2020 et 2021 et le coût complet d'un élève de l'ENA (83 708 euros pour 2021) et de l'IRA (45 050 euros) se stabiliserait en 2021, après plusieurs années de hausse. Cette maîtrise des coûts traduit les effets des réformes adoptées ces deux dernières années en matière de durée et d'organisation de la scolarité, l'ENA ayant par ailleurs réduit sa masse salariale, ce qu'elle continue de faire en 2021 (le schéma d'emplois du personnel permanent de l'École est attendu à - 4 ETP).

La hausse très conséquente des crédits du programme (+ 6,93 % en AE et + 3,54 % en CP) provient principalement de l'action 2, dédiée aux prestations d'action sociale interministérielle (garde d'enfants, places en crèche, chèques vacances, etc.), qui connait une hausse de 9,3 % en AE et de 4,2 % en CP en 2021, pour atteindre respectivement 136,65 millions d'euros et 130,31 millions d'euros. Contrairement à l'année 2020, où la hausse des crédits provenait exclusivement de la refonte du « CESU garde d'enfant de 0 à 6 ans », la hausse des crédits constatée en 2021 s'explique à la fois par la poursuite des effets de la réforme du CESU et par la montée en charge des dépenses d'investissement au titre des prestations d'action sociale collectives (+ 33 %), du fait du programme de remise aux normes et de rénovation des restaurants inter-administrations.

2. Malgré les ambitions affichées et un renforcement de ses prérogatives, les crédits ouverts sont insuffisants pour faire de la direction générale de l'administration et de la fonction publique une véritable direction interministérielle des ressources humaines

Un troisième aspect du programme 148 est consacré à un triptyque « ressources humaines » : l'innovation RH, l'amélioration des conditions de travail ainsi que les systèmes d'information pour les ressources humaines (SIRH). La fonction « Appui et Innovation RH » est principalement portée par trois fonds : le fonds d'innovation RH, destiné à soutenir l'innovation en matière RH dans la fonction publique d'État, sur la base d'appels à projets (1 million d'euros) ; le fonds interministériel d'amélioration des conditions de travail, qui vise à cofinancer des projets soumis par les employeurs afin d'améliorer les conditions de travail de leurs employés (1,1 million d'euros) ; le fonds des systèmes d'information RH (1,3 million d'euros). Les crédits de cette action, bien que faibles, sont très dynamiques. Si la hausse de 25,31 % (de 4,6 à 5,7 millions d'euros) constatée entre 2019 et 2020 provenait en grande partie de la création d'un quatrième fonds dédié à l'égalité professionnelle (1 million d'euros), la hausse de 23,8 % attendue en 2021 s'explique par une dotation de 2,6 millions d'euros (AE=CP) au financement de programmes d'études et de recherche et d'actions de communication, ainsi que le financement de dépenses informatiques. Parmi les projets financés se trouvent la Place de l'emploi public ou encore la rénovation du répertoire interministériel des métiers de l'État.

Si le rôle de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) s'est renforcé ces dernières années, il n'en demeure pas moins que cette direction ne constitue pas encore la grande direction des ressources humaines de l'État, même si son rôle se renforce. Elle est notamment chargée de la traduction opérationnelle des réformes introduites par la loi du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique . Il s'agit en priorité de la modernisation du statut et de la finalisation de l'ensemble des textes d'application. Le montant des crédits alloués à la DGAFP lui permet sans doute de jouer un rôle d'impulsion ou de soutien mais les réformes structurelles sont mises en place par l'intermédiaire des secrétariats généraux des ministères et des administrations, tandis que les projets innovants ou les réformes structurelles sont financés par le biais d'autres fonds et vecteurs budgétaires. Comme elle l'indique dans les documents budgétaires, la DGAFP doit concevoir son rôle au-delà du seul programme 148.

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, Mme de Montchalin a ainsi souligné que la structure des emplois publics était en cours de modification, avec un flux entrant de contractuels bien plus dynamique qu'auparavant . Cette tendance provient en partie d'une modification du recrutement, davantage appuyé sur la conduite de projets que sur le statut, ce dont les rapporteurs spéciaux se félicitent, à condition que cela ne concoure pas une hausse non maîtrisée de la masse salariale de l'État.

Toutefois, cette tendance s'explique également par ce que la ministre a désigné comme une « raison subie » : la division par deux du nombre de candidats aux concours de la fonction publique . Pour les rapporteurs spéciaux, ce constat doit inciter à une révision des modalités de recrutement et de concours. Ils attendent toujours la traduction concrète des recommandations du rapport de M. Frédéric Thiriez sur la haute fonction publique. Si les rapporteurs spéciaux sont loin d'en soutenir toutes les recommandations, ils estiment à tout le moins que certains des constats dressés (par exemple sur le statut ou sur la linéarité des carrières) méritent des mesures rapides et concrètes.

Au-delà du recrutement, les rapporteurs spéciaux considèrent que les réflexions sur la rémunération des fonctionnaires doivent être poursuivies , par exemple la convergence des régimes indemnitaires, que ce soit entre ministères ou entre services centraux et déconcentrés. Ils souhaitent également qu'aboutissent rapidement les textes d'application de la loi pour la transformation de la fonction publique , dont ils ont souligné l'importance dans les actions des administrations et des ministères. Un peu moins de 10 % des décrets d'application sont encore manquants.

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