N° 153

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 novembre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français et sur la proposition de loi relative à l' amélioration de la gouvernance et au renforcement de la performance des ports maritimes français,

Par M. Didier MANDELLI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Mme Nadine Bellurot, MM. Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

Voir les numéros :

Sénat :

723 (2019-2020), 80 rect. et 154 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le mercredi 25 novembre 2020 sous la présidence de M. Jean-François Longeot, président, a examiné le rapport de M. Didier Mandelli sur la proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français , déposée par M. Michel Vaspart et plusieurs de ses collègues. Ce texte constitue la traduction législative des travaux menés par la mission d'information de la commission entre novembre 2019 et juillet 2020. Il vise à créer un cadre propice à la reconquête de parts de marché pour nos ports maritimes, en particulier les grands ports maritimes (GPM) relevant de l'État, têtes de pont et premières portes d'entrée du commerce extérieur français .

La commission a adopté 31 amendements , dont 25 du rapporteur, qui s'inscrivent dans trois axes principaux :

- conforter la vision de l'auteur de la proposition de loi, M. Michel Vaspart, sur la gouvernance du système portuaire et des établissements publics portuaires relevant de l'État , en introduisant plus de souplesse dans les dispositions envisagées et une meilleure représentation de l'ensemble des acteurs concernés ;

- renforcer l'attractivité et la compétitivité de nos grands ports maritimes et des ports des collectivités territoriales , dans le cadre de dispositifs conçus pour soutenir ce secteur dans la relance de l'économie post-crise sanitaire. La commission propose notamment d'instituer des zones de relance économique temporaires , avec un régime douanier et fiscal spécifique (entre le 1 er juillet 2021 et le 31 décembre 2026) et de définir un régime de suramortissement à hauteur de 30 % pour l'acquisition de certains équipements et technologies concourant à la fluidité du passage portuaire et de la chaîne logistique, à la productivité des terminaux et à la rapidité du traitement des navires à quai pour les entreprises présentes ou qui s'installeront dans les zones de relance économique temporaires ;

- accompagner le verdissement de ce secteur par la mise à disposition d'outils incitatifs pour que les acteurs s'engagent dans la transition écologique. Le mécanisme de suramortissement voté par la commission vise notamment l'acquisition d'équipements qui permettent une réduction d'au moins 25 % des émissions de CO2 ou de soufre ou de tout type de pollution . La commission a également souhaité ouvrir la possibilité pour les grands ports maritimes volontaires d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan d'optimisation des coûts, et le cas échéant, de réduction du surcoût de manutention fluviale afin de favoriser le report modal et le verdissement du transport de marchandises.

La commission appelle le Gouvernement à présenter sans plus attendre sa stratégie nationale portuaire, annoncée depuis 2017...

Les potentialités de croissance sont en effet importantes pour nos ports, y compris à court et moyen termes : entre 700 000 et un 1 million d'équivalents vingt pieds (EVP) à destination ou en provenance de la France pourraient être reconquis par les ports français, soit une hausse de 10 % de la part de marchés des GPM sur le trafic de conteneurs - qui atteindrait dès lors 70 % - associée à des gains de plus d'un milliard d'euros de valeur ajoutée et la création de 25 000 emplois directs et indirects.

I. UNE PROPOSITION DE LOI CONÇUE POUR AMÉLIORER LA GOUVERNANCE ET LA COMPÉTITIVITÉ DES PORTS FRANÇAIS

A. LES PORTS FRANÇAIS SONT À LA CROISÉE DES CHEMINS

Alors que 90 % des échanges mondiaux se font par voie maritime , les ports constituent des actifs stratégiques , dont l'empreinte économique est considérable. La valeur ajoutée associée au fonctionnement du système portuaire français dépasserait les 15 milliards d'euros et l'activité portuaire représenterait plus de 350 000 emplois directs et indirects.

Dans ce domaine, la France possède des atouts incomparables : trois façades maritimes métropolitaines, un accès à tous les océans grâce à l'outre-mer, le deuxième plus grand domaine maritime au monde et un réseau dense de 66 ports de commerce , dont 11 GPM, relevant de l'État, qui traitent plus de 80 % du trafic maritime de marchandises. Malgré ces nombreux points forts, la performance des GPM reste décevante : les trafics des GPM ont reculé depuis 2008 et sont aujourd'hui à un niveau comparable à celui atteint au début des années 2000. Au total, le trafic de l'ensemble des GPM métropolitains est inférieur de plus de 40 % à celui du seul port de Rotterdam , par lequel transite également un tonnage trois fois plus important de conteneurs. En outre, la part de marché des GPM sur le segment des conteneurs qui reste à des niveaux plus que modestes tend même à diminuer : la prévision pour 2020 qui a été revue à 6,1 % au lieu de 6,5 %.

La coordination entre les ports maritimes est également insuffisante , de même que celle entre les ports maritimes et les ports intérieurs. Les stratégies se superposent et se juxtaposent , comme les rapports, mais ne s'articulent pas suffisamment entre elles .

Cette situation trouve ses racines dans 3 causes principales :

- Une absence de vision stratégique à long terme, qui les handicape dans la compétition internationale ; la stratégie portuaire présentée en 2013 pour les GPM métropolitains n'est pas satisfaisante : elle se borne à dresser des perspectives générales sans objectifs clairs de performance, de compétitivité, de trafics ou d'investissement. Les ports ultramarins ont en outre été traités à part, dans le cadre d'une autre stratégie, définie trois ans plus tard. Enfin, le retard dans la publication de la nouvelle stratégie portuaire , annoncée il y a maintenant trois ans, n'augure pas une inversion cette tendance.

- Un sous-investissement de longue date des infrastructures d'accès aux GPM , qui dépasse d'ailleurs le strict cadre portuaire. Ainsi, faute de politique ambitieuse de report modal vers les modes massifiés, plus de 80 % des pré- et post-acheminements portuaires reposent encore sur le mode routier . Ces résultats sont décevants au regard des atouts du fer et de la voie d'eau et ne permettent pas aux GPM d'étendre leur hinterland .

- Un modèle économique des ports marqué par des mutations profondes et d'importants bouleversements , au premier rang desquels l'« effet ciseau », auxquels ils sont confrontés sous l'effet de la hausse de leurs charges non commerciales et fiscales, d'une part et de la baisse des trafics d'hydrocarbures, d'autre part. Les ports sont également confrontés aux mutations du transport maritime (avec des phénomènes d'augmentation de la taille des navires, de concentration économique et de numérisation) et à une profonde reconfiguration du paysage géopolitique , avec notamment la mise en oeuvre de la stratégie chinoise des « nouvelles routes de la soie ».

Au total, le retard pris par la France représenterait entre 30 000 et 70 000 emplois perdus sur la filière des conteneurs et, en 2020, plus de 40 % des conteneurs à destination de la France métropolitaine transitent encore par des ports étrangers . Le nombre de publications de rapports ces dernières années - dont quatre rapports parlementaires en 2016, trois rapports d'axes en 2018 et un rapport réalisé par l'IGF et le CGEDD en 2018 - qui montrent tous des résultats décevants, des occasions manquées, mais aussi des potentialités à exploiter, révèlent une inertie préoccupante de l'État . Alors que les gouvernements successifs disposaient de constats bien établis et d'ébauches de solutions, aucune stratégie de reconquête n'a malheureusement été définie à ce jour.

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