Rapport n° 263 (2020-2021) de Mme Laurence ROSSIGNOL , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 13 janvier 2021

Disponible au format PDF (1,5 Moctet)


N° 263

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi ,
adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l' avortement ,

Par Mme Laurence ROSSIGNOL,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Patrick Boré, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Élisabeth Doineau, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Dominique Théophile .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

3292 , 3383 et T.A. 488

Sénat :

23 et 264 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 13 janvier 2021 sous la présidence de Mme Catherine Deroche (LR, Maine-et-Loire), présidente, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de Mme Laurence Rossignol (SER, Oise) sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement.

Pour la rapporteure, cette proposition de loi entend répondre à des situations qui sont certes limitées dans leur nombre mais demeurent parfaitement inacceptables tant sur le plan social que sur le plan médical. L' allongement de deux semaines du délai légal d'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) doit permettre aux femmes, qui découvrent tardivement leur grossesse ou sont confrontées à des changements dans leur situation matérielle, sociale ou affective et rencontrent des difficultés d'accès à l'IVG pour des raisons tenant notamment aux insuffisances de l'offre de soins , d'exercer leur droit d'interrompre leur grossesse et de bénéficier d'un suivi médical adapté . L'allongement du délai légal ne constituant qu'une partie de la solution au problème de l'accès à l'IVG en France, la rapporteure plaide pour une refonte globale du pilotage de l'activité d'IVG et, plus largement, de notre politique de santé sexuelle et reproductive .

Estimant néanmoins que l'amélioration de l'accès à l'IVG passe par le renforcement de la prévention et de l'information sur la contraception et les dispositifs existants pour garantir une prise en charge précoce des femmes souhaitant interrompre leur grossesse, la commission des affaires sociales n'a pas adopté la proposition de loi. Aussi la discussion en séance publique portera-t-elle sur le texte de la proposition de loi transmis par l'Assemblée nationale.

I. L'ALLONGEMENT DU DÉLAI LÉGAL DE L'IVG : UNE NÉCESSITÉ POUR RÉPONDRE À UNE SITUATION INACCEPTABLE SUR LES PLANS SOCIAL ET MÉDICAL

A. L'IVG EN FRANCE : UN DROIT FONDAMENTAL MIS À MAL PAR DES DISPARITÉS SOCIOÉCONOMIQUES ET TERRITORIALES PERSISTANTES

1. Une légère augmentation du nombre d'IVG en 2019

En 2019, 232 244 IVG ont été réalisées en France , contre 224 338 en 2018, soit une augmentation de 3,5 %. Comme le rappelle une étude 1 ( * ) de septembre 2020 de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), le taux de recours atteint 15,6 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans dans l'hexagone 2 ( * ) en 2019, soit son niveau le plus élevé depuis 1990. Les jeunes femmes de 20 à 29 ans demeurent néanmoins les plus concernées, avec un taux de recours de 27,9 IVG pour 1 000 en France entière. La France n'est toutefois pas isolée dans cette évolution. Une tendance similaire s'observe également en Angleterre et au pays de Galles où le nombre d'IVG a constamment augmenté depuis 2016 pour atteindre un pic historique de 207 384 en 2019 3 ( * ) , alors qu'il oscillait entre 180 000 et 190 000 de 2009 à 2016.

Restent à éclaircir les déterminants de cette augmentation du nombre d'IVG - qui, de l'avis de plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure, reste peu significative (un peu moins de 12 000 IVG supplémentaires) et mériterait d'être confirmée dans les années à venir à la lumière de l'évolution sur le temps long du taux de recours. Une meilleure acceptabilité de l'IVG, combinée à une augmentation du nombre de professionnels de santé pratiquant des IVG en ville, pourrait expliquer, en partie, l'augmentation progressive du nombre d'IVG constatée depuis 2016.

Une défiance croissante des femmes, en particulier des jeunes femmes, à l'égard des contraceptifs hormonaux est avancée par un certain nombre de représentants des gynécologues et des professionnels des établissements pratiquant des IVG comme l'un des facteurs possibles d'un recours croissant à l'IVG. Si l'accès à la contraception s'est amélioré chez les mineures - dont le taux de recours à l'IVG est en nette baisse par rapport à 2010 -, la promotion des méthodes de contraception « naturelle » 4 ( * ) , associée à une part de désinformation sur les contraceptifs hormonaux dans les médias et les réseaux sociaux, a pu contribuer à la désaffection d'une part de femmes pour la contraception hormonale. Or, comme le rappelle l'étude précitée de la Drees de 2020, « l'augmentation des taux de recours chez les femmes trentenaires est notable depuis 2010 (ainsi que chez celles âgées de 25 à 29 ans) ».

Selon une étude 5 ( * ) de Santé publique France publiée en 2017 sur l'évolution des méthodes de contraception à la suite du déremboursement en mars 2013 des pilules de 3 e et 4 e générations, la proportion de femmes n'utilisant aucune méthode de contraception est restée inchangée entre 2013 et 2016 . Chez les femmes de 20 à 24 ans ou de 25 à 29 ans, la proportion de femmes « concernées par la contraception » et n'utilisant aucune méthode de contraception a même diminué entre 2010 et 2016 : chez les 20-24 ans, cette proportion est de 4,3 % en 2016, contre 11,4 % en 2010, et chez les 25-29 ans, elle est de 5,5 % en 2016, contre 15,7 % en 2010.

Si la pilule reste le contraceptif le plus utilisé, son utilisation a baissé sur la période 2013-2016 au profit du dispositif intra-utérin (DIU) et du préservatif chez les jeunes femmes : chez les 20-24 ans, le recours au DIU a ainsi augmenté de 3,6 points et le recours au préservatif de 10 points ; chez les 25-29 ans, l'utilisation du DIU a progressé de 9,8 points et celle du préservatif de 8,6 points.

Par ailleurs, les données communiquées par la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) révèlent que le nombre de boîtes de contraceptifs hormonaux remboursées, s'il a diminué en 2014, est reparti à la hausse en 2015 et, après avoir connu quelques fluctuations, atteint désormais un niveau sensiblement supérieur à celui recensé avant 2013.

Source : CNAM

2. Des inégalités socioéconomiques et territoriales qui minent l'accès à l'IVG

La précarité financière reste l'un des principaux facteurs de recours à l'IVG, comme en témoignent les taux de recours à l'IVG plus importants dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), la Guadeloupe et la Guyane présentant les taux de recours les plus élevés, dépassant 39 femmes pour 1 000 femmes. L'étude précitée de la Drees de 2020 met en avant « une corrélation nette entre niveau de vie et IVG ; les femmes les plus précaires y recourent sensiblement plus que les plus aisées ».

Dans sa contribution adressée à la rapporteure, le Conseil national de l'ordre des sages-femmes alerte, en outre, sur le fait que « certains échographistes réalisent une échographie plus complexe qui ne sera pas remboursée entièrement », alors que l'échographie préalable à l'IVG, nécessaire à la datation du début de la grossesse, est censée être remboursée à hauteur de 100 % 6 ( * ) comme l'ensemble des frais médicaux liés à l'IVG.

L es inégalités territoriales dans l'accès à l'IVG s'accentuent : au cours des quinze dernières années, le nombre d'établissements réalisant une activité d'IVG a diminué de 22 %.

Le ministère des solidarités et de la santé a estimé, à partir des résultats d'une enquête qualitative et territoriale commandée aux ARS pour la période de mai à juillet 2019, que « s'il n'y a pas de “zones blanches” en termes d'accès à l'IVG, il existe des territoires en tension dans la majorité des régions , soit du fait de la démographie des professionnels, soit durant les périodes estivales » 7 ( * ) . En dix ans, le nombre de centres pratiquant l'IVG a diminué de 7,7 % 8 ( * ) . Des données de la Drees montrent même que le nombre d'établissements réalisant une activité d'IVG a diminué de 22 % au cours des quinze dernières années : la prise en charge des IVG a été assurée par 653 établissements de santé en 2005 ; elle n'est désormais plus assurée que par 511 établissements en 2018.

Selon le ministère des solidarités et de la santé, la réduction du nombre d'établissements pratiquant l'IVG au cours des dernières années s'explique par plusieurs facteurs : la diminution du nombre d'établissements autorisés à la gynécologie-obstétrique et/ou à la chirurgie sur la période - le nombre de maternités est ainsi passée, sur la période 2005-2018, selon les données de la statistique annuelle des établissements de santé, de 593 à 491, soit une diminution de 17 % -, mais également les contraintes démographiques pesant sur les équipes médicales concernées qui aboutissent à une relative concentration de l'activité d'IVG hospitalière : en 2018, 5,7 % des établissements ayant réalisé au moins une IVG dans l'année ont assuré 22,5 % du total des séjours IVG de l'année.

Part des IVG réalisées hors du département de résidence des patientes en 2019

Source : Direction générale de la santé du ministère des solidarités et de la santé

Tranches de délais régionaux d'IVG en 2019
entre la demande d'IVG et la réalisation de l'acte

Source : Direction générale de la santé du ministère des solidarités et de la santé

3. Des inégalités potentiellement aggravées pendant la crise sanitaire

Enfin, la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 a pu aggraver les obstacles dans l'exercice du droit à l'IVG, en particulier pour des personnes vulnérables exposées à des violences conjugales ou familiales ou défavorisées sur le plan socioéconomique. Dans une tribune en date du 31 mars 2020, plus d'une centaine de professionnels de santé pratiquant l'IVG ont appelé à des mesures d'urgence afin d'assurer la continuité du droit à l'IVG , en rappelant en particulier que « le confinement aggrave les situations de violences et rend encore plus difficiles les possibilités de consultation pour les femmes qui vivent dans un environnement dangereux. Il s'ensuit des retards de diagnostic et des demandes hors délais. Ces situations donnent en général lieu à une prise en charge à l'étranger (Pays-Bas principalement) à condition que les patientes en aient les moyens, mais cette solution n'est même plus envisageable du fait de la fermeture des frontières. » 9 ( * )

Selon les informations communiquées à la rapporteure par le ministère des solidarités et de la santé, les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) sur les sept premiers mois de l'année 2020 confirment la diminution de l'activité hospitalière d'IVG en comparaison avec la même période de l'année 2019 : au cours de la période, le nombre d'IVG complètes non compliquées en hospitalisation a diminué de 9,8 %, et le nombre d'IVG ou d'interruptions médicales de grossesse (IMG) complètes compliquées a chuté de 33,8 %. L'évolution mois par mois fait apparaître que l'activité d'IVG complètes non compliquées est stable les quatre premiers mois de 2020, puis a chuté nettement en mai pour remonter progressivement en juin et juillet. A contrario , les IVG et IMG complètes compliquées ont diminué dès le mois de janvier et décru plus nettement d'abord en avril puis de mai à juillet.

En parallèle, l'activité d'IVG en ville a été plus dynamique sur la période de janvier à juillet 2020 , si bien que le nombre total d'IVG hospitalières et en ville réalisées sur les quatre premiers mois de l'année 2020 reste proche du nombre d'IVG réalisées en 2019. En revanche, une diminution forte du nombre d'IVG (- 28 %) est observée en mai 2020 par rapport à 2019 et s'est poursuivie en juin (- 16 %) et juillet (- 10 %). Si les causes de cette diminution ne sont pas encore connues, l'impact de la crise sanitaire et du confinement sur les comportements sexuels et reproductifs devra être étudié .

Certaines mesures ont été prises pendant la crise sanitaire afin de garantir la continuité de l'accès des femmes à l'IVG , dont en particulier l' extension de cinq à sept semaines de grossesse du délai de l'IVG médicamenteuse en ville et la possibilité de réaliser les consultations d'IVG en ville à distance , sous forme de téléconsultations . La question de leur pérennisation à l'issue de la crise sanitaire se pose d'ores et déjà. Au regard du bilan positif de l'extension du délai de l'IVG médicamenteuse en ville, le ministère des solidarités et de la santé a saisi le 23 décembre 2020 la Haute Autorité de santé pour l'actualisation des protocoles de prise en charge des IVG médicamenteuses intégrant la place de la téléconsultation, ainsi que l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé pour encadrer et sécuriser la prescription et les conditions de délivrance des médicaments abortifs.

Il apparaît, en outre, que la rédaction en vigueur de l'article L. 2212-2 du code de la santé publique, qui prévoit que l'IVG « ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé » pose un obstacle à la réalisation à distance, par voie de téléconsultations, des consultations prévues lorsque le processus d'IVG médicamenteuse est pris en charge à l'hôpital, imposant ainsi la prescription et la prise du médicament abortif dans les locaux de l'établissement. Dès lors, la rapporteure préconise une modification de l'article L. 2212-2 du code de la santé publique précité afin de rendre possibles les téléconsultations pour les IVG réalisées à l'hôpital , par analogie avec ce qui a été mis en oeuvre pendant la crise sanitaire pour les IVG en ville.

B. LA NÉCESSITÉ DE TENIR COMPTE DE SITUATIONS D'IVG TARDIVES AUXQUELLES LE SYSTÈME DE SOINS N'OFFRE AUJOURD'HUI AUCUNE RÉPONSE SATISFAISANTE

1. Les délais légaux d'accès à l'IVG dans les principaux pays industrialisés

Si une partie des pays européens a fixé le délai légal d'accès à l'IVG à 12 semaines de grossesse, plusieurs pays ont institué une limite temporelle plus longue : 14 semaines de grossesse pour l'Espagne et l'Autriche, 16 semaines de grossesse (18 semaines d'aménorrhée) pour la Suède 10 ( * ) , 20 semaines pour l'Islande et 22 semaines de grossesse pour les Pays-Bas 11 ( * ) et le Royaume-Uni 12 ( * ) .

Le Canada n'a pas institué de délai légal, le recours à l'IVG y étant encadré par les ordres professionnels : une IVG médicamenteuse y est ainsi possible jusqu'à neuf semaines de grossesse et, pour les IVG pratiquées au-delà de 24 semaines, les patientes sont généralement redirigées aux États-Unis pour la réalisation de l'intervention 13 ( * ) . Un bilan 14 ( * ) de 2018 évalue à 11 % la proportion d'IVG pratiquées après 12 semaines de grossesse.

Panorama des délais légaux d'accès à l'IVG dans plusieurs pays industrialisés
exprimés en semaines de grossesse dans leur acception française

Panorama des délais légaux d'accès à l'IVG dans plusieurs pays industrialisés

Délai légal* d'interruption volontaire de grossesse

Délai légal* d'interruption médicale (danger pour la vie de la femme, maladie du foetus)

Est-il possible de dépasser le délai légal en cas d'indication médicale ?

Observations

Allemagne

12 semaines de grossesse

(14 semaines d'aménorrhée)

Pas de limite s'il existe un danger menaçant la vie de la femme enceinte ou pouvant porter gravement atteinte à sa santé physique ou mentale (du fait d'une maladie ou d'un handicap grave du foetus ou d'une raison médicale uniquement liée à l'état de la mère)

Aux termes des articles 218 et 218 a du code pénal, l'auteur d'une interruption de grossesse commet un acte illicite susceptible de sanctions pénales, hormis le cas où cet acte intervient :

- sur demande de la femme, après un entretien de conseil ( Beratung ) obligatoire dans un centre spécialisé et après un délai de réflexion de 3 jours ;

- en cas de danger pour la santé physique ou psychique de la mère ;

- à la suite d'un viol.

Australie

État de Tasmanie

(min)

14 semaines de grossesse

(16 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de la 16 e semaine d'aménorrhée s'il existe un risque pour la santé physique ou mentale de la femme, après avis de deux médecins

Chaque État australien a ses propres règles et ses propres délais en matière d'IVG. La Nouvelle-Galles du Sud est le dernier État à avoir dépénalisé l'avortement le 2 octobre 2019

État de Nouvelle-Galles du Sud

(Sydney)

20 semaines de grossesse

(22 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 22 e semaine d'aménorrhée dans certaines circonstances médicales, après avis de deux médecins

État de Victoria

(max)

22 semaines de grossesse

(24 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de la 24 e semaine d'aménorrhée dans des circonstances limitées, après avis de deux médecins

Autriche

14 semaines de grossesse

(16 semaines d'aménorrhée)

Pas de limite s'il existe un risque pour la future mère ou si une maladie physique grave de l'embryon est constatée lors du diagnostic prénatal

Selon le code pénal, l'interruption de grossesse n'est pas passible de condamnation si elle intervient dans les trois premiers mois de grossesse (14 semaines) et après avis d'un médecin. Cependant, dans les faits, peu de médecins pratiquent un avortement après la 12 e semaine de grossesse.

Belgique

12 semaines de grossesse

(14 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de la 12 e semaine « si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou lorsqu'il est certain que l'enfant à naître sera atteint d'une affection d'une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Dans ce cas, le médecin sollicité s'assure le concours d'un deuxième médecin, dont l'avis est joint au dossier. »

Délai de réflexion de 6 jours

Canada

Aucun délai limite fixé par la loi, même si les avortements tardifs sont rares et, dans ce cas, souvent adressés aux États-Unis

L'avortement a été décriminalisé par la Cour suprême en 1988.

Danemark

10 semaines de grossesse

(12 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de la 12 e semaine de « grossesse » (selon une ligne directrice officielle de 2006, « le délai de 12 semaines est généralement calculé à partir du premier jour de la dernière période menstruelle ») en cas de danger pour la vie de la femme, de viol ou de maladie grave du foetus

Espagne

14 semaines de « gestation »

(terme non défini, délai apprécié par le médecin)

Jusqu'à la 22 e semaine de gestation en cas de pathologie foetale ou de risques importants pour la santé de la mère (physique ou psychique). Peut aller au-delà de 22 semaines de gestation en cas d'anomalie ou de maladie extrêmement graves et incurables détectées chez le foetus

Délai de réflexion de 3 jours entre la première consultation médicale et l'interruption de grossesse

États-Unis

Varie de 18 semaines de grossesse (Arkansas) à aucun délai (situation au 1 er juin 2020 : https://ballotpedia.org/Abortion_regulations_by_state )

« L'arrêt de la Cour suprême Roe versus Wade (1973) pose un cadre général d'autorisation de l'IVG aux États-Unis et définit la viabilité foetale entre 24 et 28 semaines d'aménorrhée.

Cependant, chaque État est compétent pour adapter ce cadre et introduire des restrictions. Il y a donc des disparités importantes d'un État à l'autre : 43 États imposent des restrictions à l'avortement en fonction du stade de la grossesse et 7 États (Alaska, Colorado, Oregon, Nouveau-Mexique, New-Jersey, New-Hampshire, Vermont) plus Washington DC ne prévoient aucun délai légal maximal pour l'interruption de grossesse. »

Texas

20 semaines de grossesse

(22 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 20 semaines de grossesse en cas de danger menaçant la vie de la femme ou maladie grave du foetus

New-York

24 semaines de grossesse

(26 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 24 semaines de grossesse en cas de menace pour la vie de la femme ou de non-viabilité du foetus

Californie

Jusqu'à la viabilité foetale (limite fixée par Roe versus Wade entre 24 et 28 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de la viabilité foetale si la vie ou la santé de la femme est menacée

Finlande

10 semaines de grossesse

(12 semaines d'aménorrhée)

18 semaines de grossesse

(20 semaines d'aménorrhée) si circonstances particulières, par exemple si la femme a moins de 17 ans ou en cas de viol ou inceste

Peut aller jusqu'à 24 semaines d'aménorrhée en cas d'anomalie grave du foetus

France

12 semaines de grossesse

(14 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 12 semaines si la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité pour que l'enfant à naître soit atteint d'une affection grave reconnue comme incurable au moment du diagnostic

Irlande du Nord

(Ulster)

10 semaines de grossesse

(12 semaines d'aménorrhée)

Peut aller jusqu'à 24 semaines d'aménorrhée en cas de risques d'atteinte à la santé physique ou mentale de la femme.

Pas de limite en cas de risques pour la vie de la mère et anomalies sévères du foetus

Irlande

(Éire)

10 semaines de grossesse

(12 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 10 semaines de grossesse en cas d'urgence pour la vie ou la santé de la mère (jusqu'à la viabilité foetale en l'absence d'urgence) ou en cas d'anomalie grave du susceptible mettant en cause la viabilité de l'enfant à naître (après l'avis de deux médecins)

Islande

20 semaines de grossesse

(22 semaines d'aménorrhée)

Mais recommandé avant la fin de la 12 e semaine de grossesse

Peut aller au-delà de la 22 e semaine d'aménorrhée en cas de risque sérieux pour la santé de la mère ou d'anomalie du foetus

Délai légal étendu en 2019 de la 16 e à la 22 e semaine d'aménorrhée

Israël

En principe, non disponible. En pratique, l'interruption de grossesse est légale et largement accessible, les cas de refus étant rares

Possible jusqu'à 24 semaines d'aménorrhée (22 semaines de grossesse) après avis d'une commission spéciale et si l'une des conditions suivantes prévues par la loi est remplie :

- être âgée de moins de 18 ans ou de plus de 40 ans ;

- grossesse hors mariage ;

- grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste ;

- risque pour la santé ou la vie de la femme ;

- handicap physique ou mental du foetus

Peut aller au-delà de 24 semaines d'aménorrhée pour des raisons médicales, après avis d'une commission spéciale

Le code pénal interdit l'interruption de grossesse sauf si elle est autorisée par l'une des 41 commissions prévues à cet effet et que l'une des conditions limitativement énumérées par la loi est remplie. Toutefois, en pratique, l'interruption de grossesse est légale et largement accessible, les cas de refus étant rares. (source : Haaretz)

Italie

90 jours d'aménorrhée

(soit environ 10,8 semaines de grossesse ou 12,8 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 90 jours d'aménorrhée en cas de danger grave pour la vie de la femme ou d'anomalie du foetus pouvant mettre en danger la santé physique ou mentale de la femme

Délai de réflexion de 7 jours qui peut s'ajouter au délai de 90 jours

Norvège

10 semaines de grossesse

(12 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 12 semaines d'aménorrhée à condition que l'avortement soit pratiqué dans un hôpital public et après avis d'un comité composé de 2 médecins

L'approche est de plus en plus restrictive une fois dépassés les délais de 18 semaines d'aménorrhée et la viabilité du foetus (définie à 22 semaines d'aménorrhée).

Nouvelle-Zélande

18 semaines de grossesse

(20 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 20 semaines d'aménorrhée sur avis d'un médecin spécialisé en cas d'anomalie sérieuse du foetus ou de risque pour la vie de la femme

Pays-Bas

22 semaines de grossesse

(24 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 24 semaines d'aménorrhée pour des raisons médicales sérieuses comme la non viabilité du foetus

Selon le code pénal, l'interruption de grossesse est autorisée jusqu'au stade de viabilité du foetus, défini à 24 semaines d'aménorrhée.

En pratique, les docteurs appliquent une marge d'erreur de 2 semaines et se limitent à 22 semaines d'aménorrhée.

Délai de réflexion de 5 jours

Pologne

Interdit

Interruption médicale sans limite en cas de menace pour la vie de la femme et jusqu'à 12 semaines de grossesse en cas de viol ou d'inceste

Le 22 octobre 2020, le Conseil constitutionnel polonais a rendu un arrêt très controversé stipulant que les IVG même dans le cas d'une « malformation grave et irréversible du foetus » et d'une « maladie incurable ou potentiellement mortelle » étaient inconstitutionnels. À la suite de manifestations, le 4 novembre 2020, le gouvernement a décidé de ne pas publier cette décision.

Portugal

8 semaines de grossesse

(10 semaines d'aménorrhée)

Au-delà de 10 semaines et jusqu'à 16 semaines d'aménorrhée, en cas de viol ou de raison médicale liée à la santé de la femme

Jusqu'à 24 semaines d'aménorrhée, pour anomalie et malformation foetales graves

Délai de réflexion de 3 jours

République tchèque

10 semaines de grossesse

(12 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 12 semaines d'aménorrhée pour raisons médicales

Royaume-Uni

(hors Irlande du Nord)

22 semaines de grossesse

(24 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de la 24 e semaine d'aménorrhée dans des circonstances limitées (risque pour la vie de la femme, atteinte grave du foetus)

Suède

16 semaines de grossesse

(18 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de la 18 e semaine d'aménorrhée, après avis du conseil national pour la santé ( socialstyrelsen ) en cas de risque pour la santé de la femme, de maladie ou de malformation grave du foetus

Les avortements pour raisons médicales liées à l'état de santé de la mère sont généralement autorisés par le conseil national jusqu'au stade de la viabilité du foetus (soit environ 22 semaines d'aménorrhée).

Suisse

10 semaines de grossesse

(12 semaines d'aménorrhée)

Peut aller au-delà de 12 semaines d'aménorrhée si un avis médical démontre que l'interruption est nécessaire pour écarter le danger d'une atteinte grave à l'intégrité physique ou d'un état de détresse profonde de la femme enceinte

*Selon l'usage en France, le terme de « grossesse » utilisé dans le présent tableau a pour point de départ la fécondation ; l'aménorrhée correspond au premier jour des dernières règles. Certains pays (Danemark, Finlande, Irlande...) utilisent uniquement le terme de « grossesse » mais en la définissant comme débutant à partir du premier jour des dernières règles.

Les délais mentionnés s'entendent jusqu'à l'atteinte effective de la semaine complète indiquée. Certains États permettent d'ajouter à ce délai le délai de réflexion.

Points de vigilance sur la comparaison des délais légaux
d'interruption de grossesse entre pays

En France, la loi fixe le délai d'interruption de grossesse en nombre de « semaines de grossesse », comptabilisées à partir du jour estimé de la fécondation, et non en nombre de semaines d'aménorrhée.

Or tous les pays ne retiennent pas la même approche pour comptabiliser le délai légal d'interruption de grossesse. De plus, le terme de « grossesse » recouvre parfois des significations différentes, ce qui peut entraîner des confusions lorsque l'on souhaite comparer les délais en vigueur dans différents pays.

L'Allemagne et la Belgique retiennent une approche comparable à celle de la France : l'article 218a du Code pénal allemand établit que le délai légal d'interruption volontaire de grossesse ne doit pas dépasser « 12 semaines depuis la conception ». La loi belge fixe également le délai légal d'IVG à « 12 semaines de grossesse » à compter de la conception. Le planning familial allemand et le planning familial belge précisent que ces délais correspondent à 14 semaines d'aménorrhée.

En revanche, une grande majorité de pays européens se fonde sur le premier jour des dernières règles pour établir le délai d'interruption volontaire de grossesse. La législation suisse fixe ainsi ce délai à « 12 semaines suivant le début des dernières règles ». La loi irlandaise précise quant à elle que « les 12 semaines doivent être interprétées en accord avec le principe médical selon lequel la grossesse est généralement datée à compter du premier jour des dernières règles d'une femme ».

L'Autriche, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni conçoivent également le délai légal d'IVG en « semaines de grossesse » comptabilisées à partir des dernières règles - ce qui correspond alors à l'aménorrhée - sans toutefois que ceci soit indiqué directement dans la loi. Les sites internet gouvernementaux, de municipalités, de plannings familiaux ou d'associations précisent toutefois que les semaines de « grossesse » sont calculées à partir du premier jour des dernières règles (voir par exemple le site du NHS britannique, du gouvernement autrichien ou du Service national de santé portugais).

Les pays scandinaves - Danemark, Suède - et la Finlande se réfèrent également aux dernières règles pour comptabiliser le délai légal d'IVG, tout en utilisant le terme générique de « semaines de grossesse ». Si la méthode de comptabilisation et la terminologie ne sont pas définis dans la loi, ni explicités dans les sites d'information grand public, des lignes directrices officielles confirment la référence aux dernières règles. A titre d'exemple, au Danemark, le délai légal d'IVG est fixé à 12 semaines de « grossesse » selon la traduction littérale de la loi, ce qui correspond à 10 semaines de grossesse et 12 semaines d'aménorrhée selon l'approche française.

En Espagne, la loi organique de 2010 fixe le délai légal d'IVG à « 14 semaines de gestation », sans définir ce terme. Le ministère de la santé espagnol, dans le cadre de la présentation des statistiques annuelles d'interruption de grossesse, se borne à indiquer que les semaines de gestation sont « évaluées par le médecin ». Les recherches n'ont pas permis d'identifier de définition officielle de ce concept de « gestation » dans la réglementation, la jurisprudence ou même les sites d'information grand public. Une marge d'appréciation de la part du corps médical semble donc exister pour apprécier le délai légal.

Enfin, aux États-Unis, chaque État fédéré est compétent pour adapter le cadre général d'autorisation de l'IVG fixé par l'arrêt de la Cour suprême Roe vs. Wade . Ainsi, non seulement les délais varient très fortement d'un État à l'autre (de 18 semaines à aucun délai) mais aussi leur modalité de comptabilisation. Par exemple, la Virginie et le Kansas fixent le délai limite pour avorter à compter des dernières règles (semaines d'aménorrhée), le Texas et une majorité d'autres États à partir de la fécondation et le Massachussetts à partir de l'implantation (nidation) du foetus.

Source : Division de la législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations

En outre, la durée du délai légal d'accès à l'IVG ne semble pas avoir d'impact sur la proportion des IVG par rapport au nombre de naissances. Comme le rappelle le comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) dans son avis 15 ( * ) du 8 décembre 2020 sur l'allongement du délai légal d'IVG, le nombre d'IVG rapporté annuellement au nombre total de naissances vivantes s'est établi en France à 0,31 en 2019, soit un ratio similaire à celui enregistré au Royaume-Uni et en Suède (0,32) qui ont pourtant des délais légaux d'accès à l'IVG significativement plus longs que le délai français. Le ratio français est même sensiblement supérieur au ratio espagnol (0,22) et au ratio néerlandais (0,18), alors que ces deux pays ont fixé un délai légal d'accès à l'IVG respectivement à la fin de la 14 e et de la 22 e semaine de grossesse.

2. Un système de soins qui n'offre pas de réponse adaptée aux femmes ayant dépassé le délai légal des douze semaines de grossesse

Le développement des IVG médicamenteuses , notamment en ville 16 ( * ) , a significativement bouleversé les équilibres entre les méthodes abortives. Les IVG instrumentales ne représentent désormais plus que 30 % du total des IVG réalisées. En outre, un peu plus de 25 % des IVG pratiquées dans l'hexagone l'ont été en dehors d'une structure hospitalière, cette part atteignant près de 42 % dans les DROM.

La rapporteure rappelle néanmoins que le développement de l'offre d'orthogénie médicamenteuse en ville et à l'hôpital ne doit pas s'envisager comme une solution de substitution aux insuffisances de l'offre en IVG instrumentale, au risque de compromettre la liberté de la femme dans le choix de la méthode abortive 17 ( * ) par la systématisation de la prescription d'une IVG médicamenteuse avant sept semaines de grossesse. Les femmes doivent pouvoir choisir elles-mêmes la méthode d'IVG qu'elles souhaitent et les deux options doivent leur être proposées.

L'enquête réalisée à la demande de la ministre des solidarités et de la santé par les ARS en 2019 sur les obstacles à l'accès à l'IVG fait état de « difficultés d'accès voire [de] refus ponctuels de prise en charge des IVG tardives », c'est-à-dire au-delà de 10 semaines de grossesse. Selon l'étude précitée de la Drees de 2020, les IVG tardives, réalisées entre les 10 e et 12 e semaines de grossesse, représenteraient 5 % des IVG pratiquées en 2017.

Dans sa contribution transmise à la rapporteure, le conseil national de l'ordre des sages-femmes rappelle qu'en 2018, 13 % des établissements publics n'ont pas réalisé d'IVG tardive et que cette proportion fait plus que doubler dans le secteur hospitalier privé qui affiche un taux de 30 % d'établissements n'ayant pas réalisé d'IVG tardive. L'IVG n'est donc pas partout un droit réel tel que la loi le garantit pourtant.

Selon des données communiquées par le CNOSF, le Planning familial comptabiliserait en 2018 pas moins de 45 hôpitaux où les IVG instrumentales ne sont plus réalisées après 12 semaines d'aménorrhée 18 ( * ) .

Les IVG de patientes résidant en France et réalisées à l'étranger au-delà du délai légal de la fin de la 12 e semaine de grossesse sont désormais une réalité de mieux en mieux objectivée.

Le CCNE situe le nombre de femmes se rendant au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Espagne pour recourir à un avortement dans une fourchette de 1 500 à 2 000 en 2018 19 ( * ) .

Une étude de septembre 2020 montre qu'au sein d'un échantillon de 204 femmes 20 ( * ) s'étant rendues dans ces trois pays pour effectuer une IVG entre juillet 2017 et mars 2019, « 70 % d'entre elles ont fait le diagnostic de grossesse après 14 semaines d'aménorrhée pour diverses raisons incluant notamment l' irrégularité des cycles menstruels , l' absence de signes cliniques de grossesse et parfois la persistance des menstruations » 21 ( * ) . Par ailleurs, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales de 2009 22 ( * ) relevait le niveau préoccupant des échecs contraceptifs , en rappelant que « 72 % des IVG sont réalisées par des femmes qui étaient sous contraception » et que « dans 42 % des cas, cette contraception reposait sur une méthode médicale, théoriquement très efficace (pilule ou stérilet) » 23 ( * ) .

Au-delà des situations de découverte tardive de la grossesse, d'autres facteurs peuvent expliquer l'impossibilité pour certaines femmes d'exercer leur droit à l'IVG dans le respect du délai légal :

- des changements notables peuvent intervenir dans la situation matérielle, sociale ou affective 24 ( * ) de la patiente à la fin ou au-delà du délai de 12 semaines de grossesse ;

- certaines femmes peuvent se voir proposer un rendez-vous bien trop tardif par rapport au terme de la grossesse, soit en raison d'un manque d'offre d'orthogénie , soit en raison d'une mauvaise prise en compte de l'urgence de la situation par les services d'orthogénie.

Outre le coût d'une IVG effectuée à l'étranger qui demeure à la charge de la femme enceinte - le CCNE évalue le montant des procédures d'IVG réalisées à l'étranger entre 800 et 950 euros, mais la consultation de sites de centres d'IVG espagnols fait apparaître des coûts variant de 300 euros à 2 200 euros selon la méthode et l'état d'avancement de la grossesse -, cette situation emporte des conséquences sanitaires potentiellement lourdes dès lors que l'intéressée ne bénéficie pas toujours d'un suivi médical à son retour en France pour prévenir d'éventuelles complications.

Par ailleurs, les données disponibles sur le nombre de femmes résidant en France et contraintes de recourir à une IVG à l'étranger ne tiennent pas compte d'une situation par nature délicate à objectiver : le nombre de grossesses non désirées mais poursuivies en raison de l'impossibilité pour la femme d'exercer son droit à l'IVG .

Enfin, le recours à une interruption médicale de grossesse (IMG) pour motif de détresse psychosociale ne constitue pas toujours une réponse adaptée à la situation dans laquelle se retrouvent des femmes n'ayant pu recourir à une IVG dans le respect du délai légal. Au-delà du caractère plus long et contraignant de la procédure d'IMG qui peut aggraver la souffrance psychique de la patiente, la décision de réaliser l'IMG échappe en grande partie à la femme : sa réalisation reste en effet subordonnée à l'appréciation de deux médecins, membres d'une équipe pluridisciplinaire 25 ( * ) , qui doivent attester de la mise en péril de la santé de la femme ou de l'existence d'une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection particulièrement grave et incurable au moment du diagnostic.

L' article 1 er de la proposition de loi, qui prévoit un allongement du délai légal de recours à l'IVG de deux semaines, le rendant possible jusqu'à la fin de la 14 e semaine de grossesse, soit 16 semaines d'aménorrhée, répond à une nécessité sanitaire et sociale.

L'allongement du délai légal d'accès à l'IVG est désormais conforté par l'avis du CCNE du 8 décembre 2020.

Le CCNE estime en effet, dans son avis précité du 8 décembre 2020, que les conditions ne sont aujourd'hui pas pleinement réunies pour permettre à toutes les femmes d'exercer leur droit à l'IVG dans des conditions optimales, identifiant parmi ces conditions notamment « une information exhaustive et accessible à tous », « un accès équitable à l'IVG » et « une prise en charge dans des délais considérant la situation d'une femme choisissant d'avoir recours à l'IVG comme une situation d'urgence ».

Or le délai national moyen de 7,4 jours constaté entre la formulation de la première demande d'IVG et la réalisation effective de l'acte ne permet pas, selon le CCNE, « une prise en charge suffisamment rapide et les déficits d'information, d'éducation et d'égalité territoriale participent à rallonger le temps potentiel d'errance de la femme en amont même de sa première demande de rendez-vous ».

Soulignant qu'« il n'existe que peu, voire pas de différence entre 12 et 14 semaines de grossesse » et « en axant sa réflexion sur les principes d'autonomie, de bienfaisance, d'équité et de non malfaisance à l'égard des femmes », le CCNE a ainsi considéré qu'« il n'y a pas d'objection éthique à allonger le délai d'accès à l'IVG de deux semaines passant ainsi de 12 à 14 semaines de grossesse ». Le CCNE insiste néanmoins sur le fait que l'allongement du délai légal, s'il est mis en oeuvre, ne doit pas être envisagé comme un palliatif des déficiences de notre politique publique de santé reproductive mais doit s'accompagner de mesures propres à garantir une prise en charge la plus précoce possible des femmes désirant interrompre leur grossesse.

II. UNE PROBLÉMATIQUE QUI APPELLE UNE RÉFORME PLUS LARGE DE NOTRE POLITIQUE DE SANTÉ SEXUELLE ET REPRODUCTIVE

A. L'INDISPENSABLE REVALORISATION DE L'ACTE D'IVG

Dans leur rapport d'information 26 ( * ) de septembre 2020 sur l'accès à l'IVG, les députées Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti font le constat d'une activité de l'IVG largement déconsidérée au sein de la communauté médicale et de plus en plus délaissée par notre système de soins hospitaliers . Partageant cette analyse, des représentants des gynécologues-obstétriciens et des centres d'IVG et de planning familial ont alerté la rapporteure sur la situation préoccupante des services d'orthogénie qui servent trop souvent de variable d'ajustement des établissements hospitaliers dans la gestion de leurs moyens humains, techniques et financiers.

1. Une clause de conscience spécifique à l'IVG qui continue d'entretenir une stigmatisation de l'IVG

Comme le reconnaît le CCNE dans son avis précité du 8 décembre 2020, la clause de conscience spécifique à l'IVG constituait l'un des deux éléments de compromis ayant contribué à l'adoption de la loi « Veil » 27 ( * ) en 1975 face à un Parlement fortement divisé sur la question de la dépénalisation de l'IVG, avec la condition de situation de détresse de la femme enceinte, condition supprimée en 2014 28 ( * ) . Le collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et le syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof) ont chacun rappelé leur attachement au maintien de cette clause de conscience spécifique. Dans son avis précité du 8 décembre 2020, le CCNE s'est rangé à cette position, estimant que « la clause de conscience spécifique souligne la singularité de l'acte médical que représente l'IVG ».

En revanche, le conseil national de l'ordre des sages-femmes considère que la suppression de la clause de conscience spécifique « pourrait avoir un fort impact sociétal en affirmant que l'IVG est à la fois un acte médical comme un autre sans clause de conscience spécifique et un droit à part entière » et que cette mesure « pourrait participer à une meilleure acceptation sociale de l'IVG » 29 ( * ) . Dans ses réponses adressées au questionnaire de la rapporteure, l'association nationale des centres d'IVG et de contraception (Ancic) s'est également prononcée en faveur de la suppression de la conscience spécifique.

45 ans après l'adoption de la loi « Veil », la question de la pertinence de cette clause de conscience spécifique doit être examinée à la lumière d'un contexte où, bien qu'il s'agisse d'un droit fondamental, l'IVG continue d'être considérée comme un acte « tabou » par une part non négligeable de professionnels de santé et reste peu valorisée dans la pratique de gynécologie-obstétrique . Or la consécration du droit à l'IVG comme une des composantes acquises du droit des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur parcours sexuel et reproductif implique de ne plus le présenter symboliquement comme un drame culpabilisant pour la femme et inacceptable pour des soignants. Il convient de ne plus l'isoler dans un cadre médical distinct des autres actes de la médecine sexuelle et reproductive, comme la prescription de la contraception.

Comme l'a rappelé la commission spéciale du Sénat lors de l'examen, début 2020, du projet de loi « Bioéthique », une clause de conscience générale , permettant de ne pas accomplir un acte contraire à ses convictions, bénéficie en effet déjà aux professionnels de santé intervenant dans la réalisation des procédures d'IVG ou d'IMG. Cette clause de conscience générale est inscrite dans les codes de déontologie respectifs des médecins, des sages-femmes et des infirmiers, dont l' opposabilité juridique est garantie par leur intégration dans la partie réglementaire du code de la santé publique.

Dès lors, la commission spéciale du Sénat s'est opposée en février 2020 à l'introduction dans le code de la santé publique d'une clause de conscience spécifique à l'IMG à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi « Bioéthique ».

Elle a ainsi opté pour une formulation équilibrée qui maintient dans la loi le principe selon lequel tout refus de pratiquer une IMG s'accompagne d'une obligation de référer la patiente à un praticien susceptible de réaliser l'intervention. En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté conforme la rédaction votée par le Sénat.

En cohérence, l' article 2 de la proposition de loi aligne la rédaction de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique sur celle envisagée par le projet de loi « Bioéthique » pour les conséquences qu'emportent les refus opposés par les professionnels de santé à des demandes d'IMG sur le fondement de leur clause de conscience générale : la référence explicite à une clause de conscience spécifique à l'IVG est ainsi supprimée et est préservée l'obligation pour tout professionnel de santé refusant de pratiquer une IVG d'informer sans délai l'intéressée de son refus et de lui communiquer le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention .

2. Accompagner l'extension de la compétence des sages-femmes en matière d'IVG

Depuis la loi « Santé » 30 ( * ) du 26 janvier 2016, les sages-femmes se sont vu reconnaître la compétence pour prescrire et pratiquer des IVG médicamenteuses. Les IVG médicamenteuses représentent désormais 70 % des IVG réalisées en 2019, contre 30 % en 2001 31 ( * ) .

Selon des données transmises par le CNOSF, 3,5 % des sages-femmes libérales sont conventionnées avec un établissement pour pratiquer des IVG médicamenteuses, soit un peu plus de 200 sages-femmes en 2018. Celles-ci ont réalisé 5 100 IVG en 2018, soit près de 10 % des IVG pratiquées hors établissement de santé.

Le CNOSF indique que près de 400 sages-femmes devraient être conventionnées en 2020 . Le succès de cette extension de la compétence des sages-femmes en matière d'IVG tient au renforcement du suivi gynécologique dans la formation initiale des sages-femmes et à leur pratique quotidienne, ainsi qu'au développement d'une formation complémentaire de qualité et d'une bonne coopération avec les établissements et centres pratiquant des IVG.

Dans le souci de renforcer l'offre territoriale de soins et donc l'accès à l'IVG, l' article 1 er bis de la proposition de loi vise à autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG chirurgicales jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse. L'objectif de cette extension a finalement été repris par l' article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 32 ( * ) qui prévoit l' expérimentation pour une durée de trois ans de l'extension aux sages-femmes de la possibilité de réaliser des IVG instrumentales en établissement de santé, sous réserve du suivi d'une formation complémentaire spécifique et d'un niveau de pratique suffisant.

3. Réhabiliter l'acte d'IVG comme un soin prioritaire dans notre système hospitalier

La rapporteure se félicite de l'introduction dans la proposition de loi de dispositions complémentaires de nature à améliorer l'accès à l'IVG, dont certaines ont d'ores et déjà été rendues effectives par la LFSS pour 2021 :

- l'extension du tiers payant à la prise en charge des frais relatifs à une IVG et la consécration du principe de la protection du secret pour la prise en charge de l'IVG et de l'anonymat pour toutes les personnes intéressées, prévues par l' article 1 er ter A , ont été intégralement reprises à l' article 63 de la LFSS pour 2021 ;

- l' article 1 er ter supprime le délai de deux jours que la femme enceinte doit observer à l'issue de l'entretien psychosocial - dans le cas où elle accepte de recevoir un tel entretien - avant de confirmer par écrit son souhait de recourir à une IVG. Il s'agit du seul délai de réflexion obligatoire qui subsiste encore en droit en matière d'IVG ;

- le dernier alinéa de l'article 2 prévoit la publication par les agences régionales de santé (ARS) d'un répertoire recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé et les structures pratiquant l'IVG ;

- l'article 2 bis A permet de préciser qu'un professionnel de santé qui refuse la délivrance d'un contraceptif en urgence méconnaît ses obligations professionnelles et peut être sanctionné à ce titre dans le cadre du dispositif de sanction des refus de soins.

Si elles participent indéniablement d'une sécurisation du parcours de soins des femmes souhaitant interrompre leur grossesse, ces mesures ne permettront toutefois pas de répondre dans sa globalité à la problématique d'une activité d'orthogénie et de planning familial jugée non rentable et devenue le parent pauvre de la politique d'organisation des soins conduite par la plupart des établissements de santé. Peu valorisée sur le plan tarifaire et encore relativement déconsidérée dans la pratique de gynécologie-obstétrique, l'IVG n'est en effet pas considérée comme prioritaire dans les besoins de recrutement des établissements hospitaliers, notamment de praticiens hospitaliers et de secrétaires. Dans ces conditions, en dépit de l'interdiction pour tout établissement disposant d'un service de gynécologie ou de chirurgie de refuser de pratiquer des IVG 33 ( * ) , le principe selon lequel une offre d'orthogénie doit être proposée par tout établissement doté d'un service de gynécologie ou de chirurgie n'est , selon les termes du CCNE, « respecté que très inégalement sur le territoire » 34 ( * ) .

Face à une rémunération peu attractive de l'activité d'IVG 35 ( * ) , le CNGOF propose que les actes liés à l'IVG soient revalorisés sur le plan tarifaire ou que des crédits des missions d'intérêt général et de l'aide à la contractualisation (Migac) puissent être mobilisés pour financer cette activité , au titre de l'amélioration de la qualité de la prise en charge. Pour sa part, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes préconise la suppression de la forfaitisation de l'IVG . Enfin, le CNGOF recommande que des postes de praticiens hospitaliers soient fléchés sur l'activité d'IVG , les recrutements pouvant être assortis d'un engagement sur un volume d'activité, dans le sillage de la proposition n° 11 du rapport d'information précité de septembre 2020 de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale.

Les difficultés persistantes d'accès à l'IVG requièrent une intervention résolue de l'État dans l'amélioration de l'offre de soins en orthogénie, sans quoi sa responsabilité pourrait, selon la rapporteure, être engagée à l'occasion de contentieux pour négligence ou inaction . L'État a en effet déjà été condamné à plusieurs reprises pour défaut d'organisation du service public. Il a par exemple déjà fait l'objet d'une condamnation pour faute lourde en mars 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, en raison d'une « négligence fautive » des services de police qui n'ont pas mis tout en oeuvre pour prévenir la commission de trois assassinats dont un féminicide.

B. RÉFLÉCHIR À LA MISE EN PLACE D'UN VÉRITABLE PILOTAGE NATIONAL DE NOTRE POLITIQUE DE SANTÉ SEXUELLE ET REPRODUCTIVE

Pour nécessaire qu'elle soit, la proposition de loi n'offre cependant qu'une réponse partielle à l'enjeu de l'équité dans l'accès à l'IVG et de la prévention des grossesses non désirées.

Sur les 35 recommandations formulées en 2013 par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes sur l'accès à l'IVG, 15 n'avaient été mises en oeuvre que partiellement et 9 étaient encore restées sans suite en 2016 36 ( * ) .

C'est pourquoi la rapporteure appelle de ses voeux la mise en place d'un véritable pilotage national de l'activité d'IVG et, plus largement, de notre politique de santé sexuelle et reproductive . Afin que l'IVG ne serve plus de variable d'ajustement dans les arbitrages budgétaires des établissements de santé et dans le souci de garantir l'équité territoriale dans l'accès aux soins en matière de santé sexuelle et reproductive, elle invite le Gouvernement et le Parlement à engager une réflexion sur la création d'un institut national de la santé sexuelle et reproductive .

Sur le modèle de l'Institut national du cancer (INCa), compétent dans le pilotage de l'offre de soins en cancérologie et dans la définition de notre stratégie nationale de lutte contre le cancer, cet institut pourrait être chargé :

- de piloter l'offre nationale de soins en orthogénie et de planning familial , notamment par l'élaboration d'un cahier des charges des centres d'IVG et de planning familial , le soutien aux associations et l'animation de réseaux d'acteurs non hospitaliers investis dans les activités de santé sexuelle et reproductive (centres d'IVG et de planning familial, réseaux de sages-femmes habilitées pour les IVG médicamenteuses et instrumentales, réseaux de médecins libéraux, réseaux des maisons médicales pluridisciplinaires, réseaux de santé en périnatalité...). Ce pilotage devra être réalisé en lien étroit avec les collectivités territoriales , en particulier les départements qui agréent les centres de planification ou d'éducation familiale ;

- d' élaborer et de réactualiser la stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive , en fixant en particulier des objectifs en termes de maillage équilibré du territoire en soins d'orthogénie ou encore de formation des professionnels de santé aux activités d'IVG et de prévention en santé sexuelle et reproductive. Cette stratégie pourrait être définie en partenariat avec Santé publique France, le Haut Conseil de la santé publique et le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, les représentants des professions médicales et paramédicales concernées, les réseaux d'établissements proposant un accès à l'IVG, à la contraception et à la prévention contre les infections sexuellement transmissibles et les réseaux associatifs. À l'heure actuelle, une stratégie nationale de santé sexuelle fixe 95 objectifs pour la période 2017-2030 et se décline en feuilles de route à trois ans pour sa mise en oeuvre dont la première couvre la période 2018-2020. Son pilotage est censé être assuré par un comité national de pilotage de la stratégie de santé sexuelle 37 ( * ) animé par la direction générale de la santé ;

- de contrôler le respect par les établissements de santé de leurs obligations dans le déploiement d'une offre d'orthogénie . En application de l'article R. 2212-4 du code de la santé publique, « les établissements publics qui disposent de lits ou de places autorisés en gynécologie-obstétrique ou en chirurgie ne peuvent refuser de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse ». Si les établissements privés peuvent être exonérés de cette obligation 38 ( * ) , les établissements privés d'intérêt collectif ne peuvent se prévaloir de cette exemption si aucun autre établissement n'est en mesure de répondre aux besoins locaux 39 ( * ) .

Selon le ministère des solidarités et de la santé, des données de 2017 montrent néanmoins qu'un certain nombre d'établissements publics, certes « très faible » selon le ministère, autorisés pour ces activités n'assurent pas l'activité d'IVG en méconnaissance de leurs obligations règlementaires. Lors de leur audition, les services du ministère ont évoqué une vingtaine d'établissements publics et 22 maternités à but non lucratif qui ne réaliseraient pas d'IVG, sur un total d'un peu plus de 500 établissements autorisés à la gynécologie-obstétrique. Le contrôle du respect par les établissements de leurs obligations en matière d'IVG et de l'adaptation du dimensionnement de l'offre hospitalière d'IVG aux besoins territoriaux devra être effectué en coordination avec les ARS qui doivent veiller sur le terrain à ce que les établissements autorisés à la gynécologie-obstétrique ou à la chirurgie assurent bien une activité d'IVG ;

- d' évaluer, en lien avec les ARS, la qualité de l'offre d'orthogénie dans les établissements de santé et les centres de santé ou de planification et de surveiller la qualité de l'information sur les méthodes abortives ;

- d' améliorer l'accès à la prévention en santé sexuelle et reproductive pour les jeunes, notamment par le renforcement des compétences et moyens des services de médecine scolaire ou universitaire .

Cet institut pourrait ainsi organiser, chaque année et en partenariat avec Santé publique France et le Haut Conseil de la santé publique, les acteurs associatifs, les professionnels de santé et les services de médecine scolaire ou universitaire, une campagne thématique d'information et de sensibilisation en lien avec la santé sexuelle et reproductive , par exemple sur la contraception, les droits sexuels et reproductifs ou la prévention des infections sexuellement transmissibles.

À cet égard, la rapporteure relève que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a formulé en 2016 40 ( * ) 30 recommandations sur l'éducation à la sexualité dont la mise en oeuvre et l'évaluation pourraient utilement s'appuyer sur un organisme pilote national. Alors que le Haut Conseil préconisait de « renforcer de manière ambitieuse la politique interministérielle d'éducation à la sexualité », la rapporteure constate que la mise en place obligatoire de trois séances annuelles d'éducation à la vie affective et sexuelle dans les collèges et lycées ne progresse pas. Au-delà des réticences manifestées par certaines familles à l'égard des associations susceptibles d'intervenir pour animer ces séances, des résistances peuvent également être observées au sein même de la communauté éducative. Comme le prônait le Haut Conseil dans la recommandation n° 6 de son rapport précité de 2016, la rapporteure appelle dès lors à la désignation dans les meilleurs délais et dans chaque région d'un délégué académique à l'éducation à l'égalité et l'éducation à la sexualité afin de veiller au déploiement effectif dans l'ensemble des établissements scolaires du second degré des séances d'éducation à la vie affective et sexuelle.

En conclusion, la rapporteure souscrit aux objectifs poursuivis par la proposition de loi et se prononce en faveur de son adoption afin que son examen se poursuive dans le cadre de la navette parlementaire.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Allongement de deux semaines du délai de recours
à l'interruption volontaire de grossesse

Cet article étend jusqu'à la fin de la 14 e semaine de grossesse le délai au-delà duquel ne peut être pratiquée une IVG sans conditions.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - L'allongement du délai légal d'accès à l'IVG : la traduction législative d'un objectif de sécurisation du parcours de soins de femmes confrontées à une IVG tardive

• L' article 1 er de la proposition de loi étend jusqu'à la fin de la 14 e semaine de grossesse - soit 16 semaines d'aménorrhée - le délai limite pour réaliser une IVG sans conditions. L'article L. 2212-1 du code de la santé publique fixe, à l'heure actuelle, ce délai à la fin de la 12 e semaine de grossesse - soit 14 semaines d'aménorrhée - pour les IVG autorisées librement, sans motif médical.

Cette disposition s'inscrit dans le sillage de la recommandation n° 18 du rapport d'information précité de septembre 2020 de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale, qui préconisait d'« allonger le délai de l'IVG chirurgicale de deux semaines, pour le faire passer de douze à quatorze semaines de grossesse, afin d'éviter que les femmes confrontées à des difficultés en début de parcours (errance médicale, délais de rendez-vous trop longs...), se trouvent hors délai et dans l'impossibilité de faire pratiquer une IVG en France ».

• En séance, les députés ont complété l'article 1 er de la proposition de loi, à la faveur d'un amendement présenté par Mme Marie-Pierre Rixain (La République en marche) et d'autres députés issus de différents groupes politiques de la majorité et de l'opposition, par un alinéa prévoyant de systématiser l'information de la femme sur les méthodes abortives disponibles.

Cette disposition est la traduction de la recommandation n° 21 du rapport d'information précité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale, qui vise à « améliorer l'information des femmes sur leur droit au choix de la méthode d'IVG, en recommandant notamment aux médecins de présenter systématiquement les différentes méthodes à chaque femme se présentant pour une IVG et de lui rappeler qu'elle a le choix de la méthode ».

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

La question de l'allongement du délai légal de l'IVG a été débattue à plusieurs reprises dans la période récente au Sénat :

- lors de l'examen en première lecture au Sénat de la loi « Santé » 41 ( * ) du 26 juillet 2019, un amendement de Mme Laurence Rossignol et plusieurs sénateurs du groupe socialiste étendant le délai à la fin de la 14 e semaine de grossesse a été adopté. Toutefois, à l'occasion d'une seconde délibération, cette disposition a été supprimée, les auteurs de l'amendement de suppression estimant que le débat sur le délai d'accès à l'IVG nécessitait une concertation préalable avec la communauté scientifique et médicale et qu'un texte sur l'organisation du système de santé ne constituait pas un véhicule pertinent ;

- lors de l'examen en première lecture au Sénat de plusieurs projets de loi en lien avec l'état d'urgence sanitaire, des amendements de Mme Rossignol et plusieurs sénateurs socialistes tendant à allonger le délai légal de l'IVG, à titre temporaire pour la durée de la crise sanitaire, ont été écartés.

La rapporteure souligne que l'allongement du délai légal d'accès à l'IVG a vocation à apporter une solution à un nombre circonscrit de femmes qui, chaque année, se retrouvent dans l'impossibilité d'exercer leur droit à l'IVG pour des motifs tenant à une découverte tardive de leur grossesse, à des changements inattendus de leur situation personnelle, familiale ou matérielle ou à une offre de soins d'orthogénie ne leur permettant pas de respecter le délai de 12 semaines de grossesse. Il doit permettre de prendre en charge des situations d'urgence auxquelles le système de soins actuel n'offre pas de réponse satisfaisante et pour lesquelles les femmes concernées sont confrontées à des alternatives inacceptables : partir à l'étranger pour recourir à une IVG sous réserve d'en avoir les moyens, recourir à une IMG ou poursuivre une grossesse non désirée.

Toutefois, la commission des affaires sociales considère que l'amélioration de l'accès à l'IVG passe par un renforcement de la prévention des grossesses non désirées et de l'information sur la contraception et les dispositifs permettant une prise en charge précoce des femmes envisageant d'interrompre leur grossesse.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 1er bis
Extension de la compétence des sages-femmes à la méthode
chirurgicale d'IVG jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse

Cet article autorise les sages-femmes à pratiquer des IVG chirurgicales jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - La poursuite de l'élargissement des compétences des sages-femmes en orthogénie

• L' article 1 er bis de la proposition de loi, inséré au stade de l'examen en commission à l'Assemblée nationale, reconnaît aux sages-femmes la possibilité de réaliser des IVG par voie chirurgicale jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse. Cette disposition est la traduction de la recommandation n° 13 du rapport d'information précité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale, qui préconise d'« autoriser la pratique de l'IVG chirurgicale sous anesthésie locale par les sages-femmes, dans les établissements et les centres de santé habilités, sur la base du volontariat ».

À l'heure actuelle, les sages-femmes ne peuvent réaliser, en application du premier alinéa de l'article L. 2212-2 du code de la santé publique, que des IVG médicamenteuses, et ce jusqu'à cinq semaines de grossesse en ville 42 ( * ) et jusqu'à sept semaines en milieu hospitalier. En raison de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, le délai de l'IVG médicamenteuse en ville a néanmoins été temporairement étendu à sept semaines par un arrêté du 14 avril 2020 43 ( * ) .

• Un amendement de la députée Annie Vidal (La République en marche) a été adopté en séance afin de qualifier le métier de sage-femme de « profession médicale à part entière, quel que soit son lieu d'exercice ». Cette disposition n'emporte néanmoins pas de conséquence concrète pour le statut des sages-femmes dont les organisations représentatives réclament de longue date la reconnaissance de la dimension médicale de leur activité.

En effet, les sages-femmes ne figurent toujours pas parmi les personnels médicaux et pharmaceutiques exerçant au sein des établissements publics de santé : en application de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, ceux-ci ne comprennent encore que des médecins, des odontologistes et des pharmaciens.

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

La rapporteure souscrit à l'extension aux sages-femmes de la compétence chirurgicale en matière d'IVG, pour laquelle elle avait déjà plaidé en déposant des amendements en ce sens à l'occasion de l'examen de projets de loi de financement de la sécurité sociale, du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé et de plusieurs projets de loi relatifs à l'état d'urgence sanitaire.

Elle relève néanmoins que l'objectif poursuivi par l'article 1 er bis est désormais en grande partie satisfait par l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 qui prévoit l'expérimentation pour une durée de trois ans de l'extension aux sages-femmes de la possibilité de réaliser des IVG instrumentales, sous réserve du suivi d'une formation complémentaire spécifique et d'une pratique suffisante.

En outre, la rapporteure plaide pour une pérennisation, hors crise sanitaire, de l'alignement du délai de l'IVG médicamenteuse en ville sur celui de l'IVG médicamenteuse en milieu hospitalier. Selon une enquête de l'association nationale des centres d'IVG et de contraception (Ancic) auprès de 346 professionnels réalisant des IVG sur les mesures prises pendant la crise sanitaire pour faciliter les parcours d'IVG, 75 % des professionnels interrogés souhaitent voir ces mesures prolongées. L'Ancic se prononce ainsi en faveur d'une augmentation pérenne du délai de l'IVG médicamenteuse à domicile afin de donner aux femmes un choix supplémentaire, sous réserve d'une formation renforcée des médecins et des sages-femmes exerçant en ville, compte tenu des risques de saignements plus importants.

Elle insiste néanmoins sur la nécessité pour le développement de l'offre d'IVG médicamenteuse en ville et à l'hôpital de ne pas s'opérer au détriment de la liberté pour les femmes de choisir la méthode abortive : une IVG médicamenteuse ne saurait être prescrite systématiquement avant la fin de la 7 e semaine de grossesse et tout professionnel de santé doit veiller à informer la patiente de l'ensemble des méthodes disponibles afin qu'elle puisse procéder à un choix éclairé qui tienne compte de l'impact de la méthode considérée sur sa situation personnelle.

Enfin, la rapporteure se prononce en faveur d'une modification de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique afin d'inscrire les sages-femmes parmi les professionnels médicaux des établissements publics de santé et de consacrer ainsi la dimension médicale de cette profession.

En cohérence avec sa demande de suppression de l'expérimentation de l'extension aux sages-femmes de la compétence instrumentale en matière d'IVG lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, la commission des affaires sociales a rappelé que cette extension n'est pas accueillie favorablement par les représentants des gynécologues-obstétriciens et a souligné la technicité requise pour un geste endo-utérin pratiqué sous anesthésie et susceptible d'emporter des complications sérieuses.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 1er ter A
Extension du tiers payant et protection du secret
pour la prise en charge de l'IVG

Cet article étend le tiers payant à la prise en charge des frais relatifs à une IVG et consacre dans la loi le principe de la protection du secret et de l'anonymat pour la prise en charge de l'IVG.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - La garantie de la gratuité et de l'anonymat dans la prise en charge de l'IVG : des conditions indispensables pour l'exercice effectif d'un droit fondamental

Le I de l' article 1 er ter A de la proposition de loi, inséré par l'Assemblée nationale en séance à la faveur d'un amendement du groupe La République en marche, prévoit l'extension du tiers payant à la prise en charge des frais relatifs à une IVG, afin de faire bénéficier de la dispense d'avance de frais à toutes les femmes, majeures et mineures, recourant à une IVG, quelle que soit la situation. Si les frais liés à une IVG sont déjà pris en charge à 100 % par l'assurance maladie, la systématisation du tiers payant participerait, selon les motifs avancés par les auteurs de l'amendement, de la garantie du respect du secret pour les assurées concernées.

Le II inscrit par ailleurs, dans le code de la santé publique, le principe de la protection du secret pour la prise en charge de l'IVG et de l'anonymat pour toutes les personnes intéressées.

Les III et IV procèdent aux coordinations législatives requises pour l'application de ces dispositions à Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon.

Ces dispositions constituent la traduction législative de la recommandation n° 1 du rapport d'information précité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale, qui visait à « mettre en place une exonération généralisée d'avance de frais pour les femmes souhaitant recourir à une IVG », et de la recommandation n° 2 du même rapport, qui appelait à « clarifier la réglementation afin de garantir le droit à l'anonymat et à la confidentialité de l'IVG pour toutes les femmes en établissant des procédures spécifiques, que ce soit en établissement de santé ou en ville ».

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

La rapporteure soutient pleinement aux dispositions de l'article 1 er ter A qui sont désormais satisfaites par l'article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 1er ter
Suppression du délai de réflexion de deux jours pour confirmer
une demande d'IVG en cas d'entretien psychosocial préalable

Cet article supprime le délai de deux jours que la femme enceinte doit observer à l'issue de l'entretien psychosocial, dans le cas où elle accepte de recevoir un tel entretien, avant de confirmer par écrit son souhait de recourir à une IVG.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - La suppression du dernier délai législatif subsistant en matière d'IVG

L' article 1 er ter de la proposition de loi, inséré au stade l'examen en commission à l'Assemblée nationale par la voie d'un amendement du groupe La République en marche, supprime le délai de deux jours que la femme enceinte doit observer à l'issue de l'entretien psychosocial 44 ( * ) avant de confirmer par écrit son souhait de recourir à une IVG.

En application de l'article L. 2212-4 du code de la santé publique, l'entretien psychosocial est systématiquement proposé aux femmes majeures qui conservent la possibilité de choisir d'y recourir ou pas, et n'est obligatoire que pour les femmes mineures non émancipées. Il s'agit du seul délai légal de réflexion obligatoire qui subsiste encore en matière d'IVG ; il figure à l'article L. 2212-5 du code de la santé publique.

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

La rapporteure considère que la suppression de ce délai participe de la fluidification du parcours des femmes envisageant de recourir à une IVG, à l'heure où le délai moyen national de 7,4 jours observé entre la demande d'IVG et la réalisation de l'acte pourrait utilement être ramené, par l'amélioration de la réactivité des services d'orthogénie et la suppression d'un certain nombre de lourdeurs administratives, à cinq jours.

La commission des affaires sociales estime néanmoins que ce délai demeure indispensable pour permettre à la femme enceinte de mûrir sereinement une décision qui ne doit pas être opérée dans la précipitation.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 2
Suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG

Cet article supprime la clause de conscience spécifique des professionnels de santé en matière d'IVG.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Une clause de conscience spécifique redondante avec la clause de conscience générale des professionnels de santé

• Le I de l' article 2 de la proposition de loi supprime la clause de conscience spécifique des professionnels de santé en matière d'IVG, inscrite à l'article L. 2212-8 du code de la santé publique. Il maintient l'obligation pour le médecin ou la sage-femme, qui refuserait de pratiquer une IVG sur le fondement de sa clause de conscience générale, d'informer immédiatement l'intéressée de son refus et de lui communiquer le nom de praticiens susceptibles de réaliser l'IVG.

Cette disposition met en oeuvre la recommandation n° 17 du rapport d'information précité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale.

• L'article 2 a été complété par un II , introduit à la faveur d'un amendement du groupe La République en marche adopté au stade de l'examen en commission, qui prévoit la publication par les ARS d'un répertoire recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé et les structures pratiquant l'IVG.

Cette disposition est la traduction de la recommandation n° 12 du rapport d'information précité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale.

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

À l'instar de la position suivie par la commission spéciale du Sénat au sujet de l'IMG lors de l'examen en première lecture du projet de loi « Bioéthique », la rapporteure souligne qu'une clause de conscience générale permet déjà aux professionnels de santé concernés de ne pas accomplir un acte contraire à leurs convictions :

- l'article R. 4127-47 du code de la santé publique, qui reprend l'article 47 du code de déontologie des médecins, prévoit que, « hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles » ;

- les sages-femmes bénéficient de la même clause de conscience générale en application de l'article R. 4127-328 du code de la santé publique. Il en va de même pour les infirmiers en application de l'article R. 4312-12 du même code.

Outre le CNOSF, la rapporteure relève que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes s'était déjà prononcé en faveur de la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG en 2017, afin de « conforter le droit à l'avortement et [d'] assurer son plein accès pour toutes les femmes » 45 ( * ) .

La suppression de cette clause de conscience spécifique serait du reste cohérente avec la suppression de la clause de conscience spécifique prévue en matière d'IMG, suppression opérée par un amendement de notre collègue Bernard Jomier au projet de loi « Bioéthique » et adoptée conforme à l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

En cohérence avec la position adoptée par le CCNE dans son avis du 8 décembre 2020, la commission des affaires sociales juge toutefois nécessaire de conserver cette clause spécifique au regard du caractère sensible de l'acte d'IVG.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 2 bis A
Sanction du refus de délivrance d'un moyen de contraception en urgence

Cet article vise à renforcer l'effectivité des sanctions auxquelles s'exposent les professionnels de santé qui refuseraient de délivrer un moyen de contraception d'urgence.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le rappel des obligations des professionnels de santé dans la délivrance de moyens de contraception d'urgence

Introduit en séance par la voie d'un amendement déposé par plusieurs députés du groupe La République en marche, l' article 2 bis A de la proposition de loi tend à modifier :

- l'article L. 1110-3 du code de la santé publique afin de préciser qu'un professionnel de santé ne peut refuser de délivrer un moyen de contraception en urgence ( I ) ;

- l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale afin de préciser que les professionnels de santé qui refusent la délivrance d'un contraceptif en urgence s'exposent aux sanctions prévues en cas de refus de soins susceptibles d'être prononcées par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ( II ).

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

La rapporteure souscrit à l'objectif de renforcement des sanctions des professionnels de santé qui méconnaîtraient leurs obligations professionnelles en cas de refus de délivrance d'un moyen de contraception d'urgence, notamment en pharmacie.

En complément, la rapporteure estime nécessaire de renforcer les sanctions applicables aux professionnels de santé qui ne respecteraient pas leur obligation légale de rediriger une femme vers un praticien ou une structure pratiquant l'IVG dans le cas où il refuserait de réaliser cette intervention sur le fondement de sa clause de conscience. Les représentants du ministère des solidarités et de la santé ne disposent en effet d'aucune donnée, à ce jour, laissant entendre qu'une sanction disciplinaire ou ordinale aurait déjà été prononcée à l'encontre de professionnels de santé qui n'auraient pas respecté cette obligation.

En conséquence, elle préconise une modification de l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale afin d'étendre le pouvoir de sanction du directeur d'un organisme local d'assurance maladie aux cas de professionnels de santé qui méconnaîtraient l'obligation qui leur est faite, en application de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique, d'orienter la patiente vers un autre praticien ou une autre structure susceptible de réaliser une interruption volontaire de grossesse.

La commission des affaires sociales considère, pour sa part, que l'état du droit en vigueur permet déjà de sanctionner les professionnels qui refuseraient de délivrer de tels produits de santé.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 2 bis
Rapport du Gouvernement sur l'application de la législation
relative au délit d'entrave à l'IVG

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur l'application de la législation relative au délit d'entrave à l'IVG.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - La nécessité d'un bilan sur la répression du délit d'entrave à l'IVG face à la diffusion d'une désinformation persistante

L' article 2 bis de la proposition de loi, introduit en séance par la voie d'un amendement de plusieurs députés du groupe socialiste, prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur l'application de la législation relative au délit d'entrave à l'IVG identifiant, le cas échéant, des pistes d'amélioration du dispositif.

Pour mémoire, ce délit, défini à l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, a été renforcé à l'occasion de l'adoption de la loi n° 2017-347 du 20 mars 2017 relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, résultant d'une proposition de loi du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

Si la rapporteure partage le souci de dresser le bilan de la lutte contre la désinformation relative à l'IVG, la commission des affaires sociales a rappelé sa position constante contre les demandes de rapport adressées au Gouvernement.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 2 ter
Rapport du Gouvernement sur l'évaluation du dispositif d'accès à l'IVG

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport d'évaluation du dispositif d'accès des femmes à l'IVG.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - La pertinence d'une évaluation de l'accès à l'IVG dans la perspective d'une réforme globale de l'offre de soins en orthogénie

L' article 2 ter de la proposition de loi, introduit en séance par la voie d'un amendement de Mme Agnès Firmin Le Bodo, prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport destiné à évaluer les conditions d'accès des femmes à l'IVG, notamment les effets résultant des dispositions de la présente proposition de loi.

II - Les positions de la rapporteure et de la commission

La rapporteure considère qu'une telle évaluation permettrait d'identifier l'ensemble des points d'amélioration qui pourraient faire l'objet d'une réforme plus globale de notre système de soins en orthogénie, dans le souci d'une plus grande équité territoriale et d'une sécurisation du parcours de soins des femmes concernées. Elle souligne que le dernier exercice d'évaluation d'une ampleur comparable a été effectué par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport précité de 2013, et regrette que l'intégralité de l'étude commandée en 2019 par la ministre des solidarités et de la santé aux ARS sur les problèmes d'accès à l'IVG n'ait pas été rendue publique 46 ( * ) .

La commission des affaires sociales a néanmoins rappelé sa position constante contre les demandes de rapport adressées au Gouvernement.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 3
Gage

Cet article gage les conséquences financières de l'adoption de la présente proposition de loi sur les finances de l'État et des organismes de sécurité sociale sur une augmentation de la fiscalité sur les produits du tabac.

La commission n'a pas adopté cet article.

En conséquence, la commission des affaires sociales n'a pas adopté la proposition de loi.

En application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance publique sur le texte de la proposition de loi transmis par l'Assemblée nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 13 janvier 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de Mme Laurence Rossignol, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 23, 2020-2021) visant à renforcer le droit à l'avortement.

Mme Catherine Deroche , présidente. - Nous allons examiner le rapport de notre collègue Laurence Rossignol sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l'avortement. Ce texte a été inscrit à l'ordre du jour du mercredi 20 janvier au sein de l'espace réservé au groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure. - En ce début d'année, je souhaite à notre commission une année de travaux utiles. Dans la crise sanitaire actuelle, nous avons un rôle déterminant à jouer pour établir des diagnostics et formuler des propositions.

La proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement a été déposée par une députée actuellement non inscrite, Albane Gaillot, et cosignée par de nombreux députés, de différents groupes.

De manière assez inhabituelle, nous avons donc demandé l'inscription à l'ordre du jour, dans le cadre de notre espace réservé, d'un texte qui n'est issu ni de nos rangs ni de ceux nos correspondants directs à l'Assemblée nationale. C'est qu'il vise un objectif que nous soutenons et qui, j'imagine, est assez largement partagé : sécuriser le parcours de soins des femmes ayant recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG).

Avant tout, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère que le périmètre du texte comprend les dispositions relatives aux conditions de réalisation d'une IVG, aux protections des femmes recourant à l'IVG et à leurs conditions d'accès à celle-ci, ainsi qu'aux compétences et obligations des professionnels de santé en matière d'IVG.

En revanche, des amendements relatifs aux conditions de réalisation d'une interruption médicale de grossesse (IMG), à la contraception ou à la prévention des infections sexuellement transmissibles ne me sembleraient pas présenter de lien, même indirect, avec le texte en discussion - même si ces sujets pourront être abordés dans nos débats sur la politique générale de santé sexuelle et reproductive.

Dépénalisée par la loi Veil - qu'on pourrait peut-être appeler la loi Veil-Halimi -, l'interruption volontaire de grossesse reste un sujet politiquement sensible. Voilà quarante-six ans, les femmes ont conquis un droit : celui de disposer de leur corps dans des conditions garantissant leur santé et leur sécurité, en dehors de toute pression et sans rencontrer d'obstacle financier ou matériel.

L'effectivité du droit à l'IVG requiert une vigilance constante. Ainsi, pendant la crise sanitaire, les mesures de confinement et les perturbations de l'offre de soins en ville comme à l'hôpital ont fortement pesé sur l'accès des femmes les plus vulnérables à l'IVG. Le retour à la normale ne signera pourtant pas la fin de ces difficultés d'accès, qui sont d'ordre structurel.

De fait, l'activité d'IVG reste bien souvent marginalisée, voire négligée, dans l'organisation des soins hospitaliers. Dans un contexte où le nombre de centres habilités à pratiquer l'IVG diminue et où certaines femmes sont contraintes de parcourir de longues distances pour avorter, nous devons garder à l'esprit que rien ne sera acquis en matière de droit à l'IVG tant que l'effectivité de celui-ci ne sera pas garantie en tout point du territoire.

La présente proposition de loi aborde deux questions majeures, dont nous avons déjà eu l'occasion de débattre : l'allongement de deux semaines du délai légal d'accès à l'IVG et la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG.

Ces deux avancées, mon groupe a déjà tenté de les faire adopter, avec le soutien d'autres groupes et collègues, notamment lors de l'examen des projets de lois de financement de la sécurité sociale (PLFSS), de la dernière loi « Santé » et des textes relatifs à l'état d'urgence sanitaire. À chaque fois, on nous a opposé que le véhicule législatif n'était pas le bon, ces questions appelant un débat éthique.

Les conditions exigées me paraissent aujourd'hui réunies : nous examinons une proposition de loi spécifiquement consacrée à l'accès à l'IVG, à la suite d'un rapport d'information très fourni de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et à la lumière d'un avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), demandé par le ministre des solidarités et de la santé et publié en décembre dernier.

L'article 1 er de la proposition de loi allonge de deux semaines le délai légal de l'IVG, qui pourrait donc être pratiquée sans condition jusqu'à la fin de la quatorzième semaine de grossesse. Il s'agit de répondre à des situations certes limitées par leur nombre, mais inacceptables sur le plan social comme médical. En effet, un certain nombre de femmes ne sont pas en mesure d'exercer leur droit à l'IVG dans le délai actuel de douze semaines de grossesse - ou quatorze semaines d'aménorrhée -, pour plusieurs raisons.

Bien souvent, les femmes concernées ne découvrent leur grossesse que tardivement, en raison de l'irrégularité de leurs cycles menstruels ou de l'absence de signes cliniques de grossesse. Trois fois sur quatre, l'IVG est pratiquée pour des femmes sous contraception : le temps pour comprendre qu'on est malgré tout enceinte est plus long dans ce cas.

En outre, certaines femmes peuvent être confrontées à des changements importants dans leur situation matérielle, sociale ou affective, qui ne leur permettent plus de poursuivre leur grossesse : séparation, exclusion familiale, perte d'emploi ou de logement...

Il faut songer aussi aux très jeunes filles, qui, bien souvent, ne savent pas interpréter les signes d'une grossesse.

À ces femmes, notre système de soins n'apporte aucune réponse satisfaisante. Certaines se voient proposer un rendez-vous trop tardif par rapport au terme de la grossesse, soit en raison d'un manque d'offre d'orthogénie, soit parce que les services d'orthogénie ne traitent pas leur demande avec la priorité absolue qui devrait s'imposer.

Trois options, tout aussi insatisfaisantes, se présentent alors, devant lesquelles les femmes sont placées en situation non seulement d'inégalité, mais aussi de stress psychologique.

D'abord, la femme peut se rendre à l'étranger, le plus souvent au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Espagne, à condition d'en avoir les moyens : sans compter le coût du déplacement, une IVG pratiquée en Espagne coûte entre 300 à 2 200 euros. En 2018, entre 1 500 et 2 000 femmes se sont rendues dans ces trois pays pour recourir à un avortement.

Ensuite, la femme peut solliciter une interruption médicale de grossesse (IMG) pour détresse psychosociale. Outre que cette procédure est longue, contraignante et susceptible d'aggraver sa souffrance psychique, elle n'assure pas son autonomie décisionnelle, puisqu'elle requiert l'accord préalable d'une équipe pluridisciplinaire.

Enfin, la grossesse non désirée peut être néanmoins poursuivie, la femme n'ayant pas été en mesure d'exercer un de ses droits fondamentaux.

L'allongement du délai ne placerait pas nécessairement la France dans une position singulière parmi les pays industrialisés. En effet, si plus de la moitié des pays européens ont fixé le délai légal de l'IVG à douze semaines de grossesse, ce délai est supérieur dans plusieurs pays : quatorze semaines de grossesse en Espagne et en Autriche, dix-huit semaines d'aménorrhée en Suède, vingt-deux semaines de grossesse aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

L'allongement du délai légal entraîne-t-il un recours plus tardif à l'IVG ? La réponse est non. Ainsi, en 2019, 82 % des avortements pratiqués au Royaume-Uni l'ont été avant la dixième semaine de grossesse ; le nombre d'IVG pratiquées entre la dixième et la douzième semaine de grossesse a même diminué de 2 % par rapport à 2018.

En outre, il n'y a pas d'augmentation du risque de complications entre douze et quatorze semaines de grossesse, comme l'a souligné le CCNE, qui a conclu à l'absence d'objection éthique à l'allongement proposé. Il a ajouté qu'il ne saurait s'agir d'un palliatif des défaillances de notre politique publique de santé reproductive : j'en suis d'accord et je formulerai une proposition à cet égard à la fin de mon intervention.

L'article 2 de la proposition de loi supprime la clause de conscience spécifique à l'IVG, l'un des éléments du compromis de 1975, à une époque où le Parlement était fortement divisé sur la dépénalisation de l'IVG. Quarante-six ans plus tard, la pertinence de cette clause doit être réexaminée à la lumière des évolutions de la société.

Comme il a été rappelé lors de l'examen en première lecture du projet de loi de bioéthique, la clause de conscience générale, permettant de ne pas accomplir un acte contraire à ses convictions, peut être invoquée par les professionnels de santé intervenant dans les procédures d'IVG et d'IMG. Cette clause de conscience générale est inscrite dans les codes de déontologie des médecins, des sages-femmes et des infirmiers, dont l'opposabilité juridique est garantie par leur intégration au code de la santé publique.

C'est pourquoi la commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi a opté, en matière d'IMG, pour la solution équilibrée proposée par notre collègue Bernard Jomier, écartant l'inscription dans la loi d'une clause de conscience spécifique et maintenant l'obligation pour tout professionnel de santé faisant valoir la clause de conscience générale d'orienter la patiente vers un praticien susceptible de réaliser l'IMG. Cette rédaction de compromis a été adoptée par le Sénat, puis votée conforme par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Par cohérence, la présente proposition de loi aligne le dispositif de l'IVG sur celui de l'IMG. Elle rappelle ainsi que tout professionnel de santé refusant de pratiquer une IVG est tenu de rediriger la patiente vers une structure qui pourra la prendre en charge.

J'insiste : la possibilité pour un professionnel de santé de ne pas réaliser d'IVG au titre de sa clause de conscience générale ne serait nullement remise en cause par la suppression de la clause de conscience spécifique.

En complément, il est prévu que les agences régionales de santé (ARS) publient un répertoire recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé et structures pratiquant l'IVG.

Par ailleurs, au cours de son examen à l'Assemblée nationale, la proposition de loi a été enrichie de plusieurs dispositions tendant à renforcer l'accès des femmes à l'IVG.

L'article 1 er bis autorise les sages-femmes à pratiquer des IVG chirurgicales jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit déjà, dans le cadre d'une expérimentation pour trois ans, l'extension aux sages-femmes de la possibilité de réaliser des IVG instrumentales en établissement de santé, sous réserve du suivi d'une formation complémentaire spécifique et d'une pratique suffisante.

L'article 1 er ter supprime le délai de deux jours que la femme enceinte doit observer à l'issue de l'entretien psychosocial avant de confirmer par écrit son souhait de recourir à une IVG. Il s'agit du seul délai de réflexion obligatoire subsistant en matière d'accès à l'IVG. La suppression de ce délai, qui ne s'impose de toute façon que si la femme accepte l'entretien psychosocial, participerait de la fluidification du parcours des femmes envisageant de recourir à une IVG.

L'article 2 bis A précise qu'un professionnel de santé refusant la délivrance d'un contraceptif en urgence méconnaît ses obligations professionnelles et peut être sanctionné à ce titre pour refus de soins.

Enfin, l'Assemblée nationale a ajouté dans le texte deux demandes de rapport.

Reste que ces mesures ne constituent qu'une réponse partielle à la problématique d'une activité d'orthogénie et de planning familial devenue le parent pauvre de la politique d'organisation des soins dans la plupart des établissements, car jugée non rentable. Peu valorisée sur le plan tarifaire et relativement déconsidérée dans la pratique de la gynécologie obstétrique, l'IVG n'est pas considérée comme prioritaire dans les recrutements des établissements hospitaliers.

Alors que l'offre de soins en cancérologie fait l'objet d'un pilotage national et d'une stratégie nationale spécifiques, mis en oeuvre par l'Institut national du cancer, notre offre de soins en orthogénie et, plus largement, notre politique de santé sexuelle et reproductive ne font l'objet d'aucun pilotage national proactif les identifiant comme une dimension prioritaire de notre politique de santé publique.

Pour que l'IVG ne serve plus de variable d'ajustement dans les arbitrages budgétaires des établissements de santé et pour garantir l'équité territoriale dans l'accès aux soins en matière de santé sexuelle et reproductive, je propose dans mon rapport une réflexion sur la création d'un institut national de la santé sexuelle et reproductive, chargé notamment de piloter l'offre de soins en matière d'orthogénie et de planning familial.

Ce pilotage devrait être assuré en lien étroit avec les agences régionales de santé et les collectivités territoriales, en particulier les départements, qui agréent les centres de planification ou d'éducation familiale.

Mes chers collègues, je vous propose d'adopter cette proposition de loi, dont l'examen nous offre l'occasion de débattre de solutions pour rendre effectif le droit à l'IVG pour toutes.

Mme Élisabeth Doineau . - Compte tenu de son importance, je regrette que ce sujet n'ait pas été abordé dans le cadre de la loi de bioéthique, ce qui aurait permis d'aller plus loin dans le débat.

Souvenons-nous des images de liesse en Argentine à la fin de l'année dernière : voir ces femmes obtenir enfin l'IVG était touchant et marquant. Je pense aussi à la situation en Pologne. L'IVG est un droit pour lequel il ne faut jamais cesser de se battre.

Si je ne suis pas opposée à l'allongement de deux semaines, je suis beaucoup plus réservée sur la suppression de la clause de conscience spécifique, quelque exhaustive qu'ait été Mme la rapporteure dans son argumentation. Tant que les principaux intéressés, les médecins, ne sont pas unanimement d'accord pour accepter ce rétrécissement de leur latitude d'action, je pense qu'il ne faut pas changer le dispositif en vigueur.

Mme Pascale Gruny . - Les questions médicales ne sont pas mes sujets de prédilection, mais j'ai été sollicitée par les gynécologues et les sages-femmes, que cette proposition de loi inquiète beaucoup.

Les sages-femmes sont contre l'idée de pratiquer l'IVG instrumentale, parce qu'elles ne seront pas en mesure de réparer en cas d'accident ; elles s'inquiètent aussi de leur responsabilité. Elles pensent que, si leur ordre s'est prononcé en faveur du texte, c'est surtout pour obtenir un peu de la reconnaissance que la profession demande depuis longtemps.

En ce qui concerne les gynécologues, ils ne veulent pas que la clause de conscience actuelle soit modifiée. Au reste, parmi ceux que j'ai rencontrés, un seul la fait valoir. Leur principale inquiétude tient au fait que, à quinze semaines d'aménorrhée, le sexe de l'enfant est connu. En outre, du point de vue de l'état-civil, un acte de décès est établi en cas d'accouchement à seize semaines : en cas d'IVG, on considère qu'on est en présence de déchets anatomiques...

Les gynécologues voient de plus en plus de femmes qui ne prennent pas la pilule, considérant que ce n'est pas naturel ; finalement, l'IVG devient leur méthode contraceptive.

Qu'il y ait des inégalités sociales et territoriales, ils l'entendent, même si, dans mon département, le délai d'accès est de sept jours. Il faut dire que nous avons beaucoup de chômage et qu'on fait des bébés alimentaires.

Les gynécologues proposent l'inscription dans la loi de la prolongation de l'IVG médicamenteuse à domicile, un recours accru à la télémédecine et, surtout, l'interdiction de donner le sexe de l'enfant avant seize semaines.

Mme Laurence Cohen . - Je remercie Laurence Rossignol pour la clarté de son rapport et pour le combat qu'elle mène.

Cette proposition de loi est transpartisane : après avoir été promue par une partie des députés La République En Marche, elle est défendue au Sénat par le groupe socialiste. Preuve que, quand il s'agit de l'intérêt des femmes, nous pouvons réussir à dépasser nos clivages. Chaque fois qu'il y a une avancée dans ce domaine, c'est parce que nous parvenons à le faire au nom de l'intérêt primordial des femmes.

Il faut rappeler que l'interruption volontaire de grossesse n'est jamais un choix léger, fait de gaieté de coeur.

En matière de droits des femmes, quel que soit le ministre compétent, ce n'est jamais ni le bon moment ni le bon véhicule législatif... En l'occurrence, je ne vois pas pourquoi ce texte ne serait pas la bonne occasion de débattre de manière sereine et approfondie de ces questions essentielles.

S'agissant de la clause de conscience spécifique, je voudrais bien qu'on m'explique au nom de quels arguments scientifiques un tel mécanisme est prévu pour l'avortement et pour lui seul, étant entendu que la clause générale suffit. Laurence Rossignol a fort bien rappelé que ce dispositif avait permis l'adoption de la loi en 1975. Mais enfin, depuis lors, nous avons évolué...

Il faudrait, nous dit-on, attendre l'unanimité des médecins. Je ne suis pas médecin et je pense qu'il est important que la commission des affaires sociales ne soit pas composée que de médecins.

M. René-Paul Savary . - C'est très juste !

Mme Laurence Cohen . - L'unanimité existe-t-elle dans un seul domaine de la médecine ? Pourquoi ce blocage au sujet de l'avortement ?

Quant à l'IVG instrumentale, madame Gruny, nous ne devons pas rencontrer les mêmes sages-femmes. Dans mon département comme au niveau syndical, celles que j'ai rencontrées insistent beaucoup pour pouvoir pratiquer l'IVG instrumentale. Les quelques professionnelles qui y sont hostiles ne seront forcées à rien.

Sachons évoluer avec les besoins des femmes, car il est préoccupant que, chaque année, 3 000 à 4 000 d'entre elles soient obligées d'avorter à l'étranger. Une situation source de discriminations, car toutes les femmes n'ont pas les moyens de le faire, ce qui entraîne un certain nombre de drames.

Mme Michelle Meunier . - Je suis évidemment favorable à ce texte, qui s'inscrit dans la continuité des propositions que notre groupe et d'autres ont formulées pendant le confinement en matière d'allongement des délais.

Il offre aussi l'occasion de reparler de l'accès à l'IVG. Dans mon département, la population a considérablement augmenté en vingt ans, sans que l'offre de soins se développe de même.

Un vrai pilotage national de la politique de santé sexuelle et reproductive me paraît nécessaire, comme l'a souligné Laurence Rossignol.

En revanche, je suis en total désaccord avec Mme Doineau, car l'IVG n'est pas une question d'éthique, mais de santé publique. Et je suis particulièrement surprise des propos tenus par Mme Gruny, qui ne lui ressemblent pas vraiment. Pour ma part, je ne connais aucune sage-femme ayant la vision dont elle s'est fait l'écho, d'autant que mettre au monde un enfant est techniquement plus risqué que pratiquer une IVG par aspiration...

M. Xavier Iacovelli . - J'appuie l'argumentation de la rapporteure. Si nous attendons l'unanimité des médecins, nous pouvons abandonner tout espoir de légiférer sur l'IVG...

Mme Doineau a affirmé que les médecins sont les premiers concernés. Je considère, quant à moi, que les femmes sont les premières concernées. C'est dans cette perspective que nous devons mener notre réflexion.

Non, madame Gruny, l'IVG n'est pas un moyen de contraception pour celles qui refusent la pilule ; cet acte est traumatisant, et on ne peut laisser penser qu'il serait fait à la légère ou par confort. Le propos sur les bébés alimentaires m'a aussi quelque peu interpellé...

Une grande partie des membres de mon groupe votera cette proposition de loi.

M. Daniel Chasseing . - Entre la demande d'IVG et la réalisation, il s'écoule souvent près de huit jours ; il doit être possible de réduire ce délai. Par ailleurs, les femmes ont parfois du mal à s'informer, trouver des interlocuteurs et connaître les praticiens. L'engorgement de certains centres hospitaliers et la désertification médicale aggravent ces difficultés.

Tous ces problèmes, il est possible d'y remédier en améliorant l'information dans les collèges et les lycées, en étendant la compétence des sages-femmes à la dixième semaine, en supprimant le délai de réflexion de deux jours, en obligeant les médecins qui recourent à la clause de conscience à adresser la femme à un confrère et en poursuivant l'IVG médicamenteuse à cinq semaines à domicile et à sept en établissement.

Si le délai est allongé à quatorze semaines, un plus grand nombre de médecins et de sages-femmes refuseront de pratiquer l'IVG, en sorte qu'il y aura moins de professionnels pour prendre en charge les demandes.

En outre, d'après les spécialistes, l'augmentation de la taille du foetus entre douze et quatorze semaines augmente les risques, notamment d'hémorragie et d'accouchement prématuré lors des grossesses ultérieures.

Bref, je considère qu'il faut renforcer les moyens et mieux accompagner les femmes pour que toutes les IVG puissent être réalisées avant la fin de la douzième semaine.

Mme Florence Lassarade . - Daniel Chasseing a raison : sur nos territoires, l'accès à l'IVG n'est pas toujours conforme à ce que prévoit la loi ; c'est pourquoi des femmes se retrouvent près du délai limite. Je ne suis pas du tout favorable à l'extension, mais il faut que la prise en charge des femmes soit correctement assurée dans le délai actuel.

Il est vrai que toutes les sages-femmes ne souhaitent pas pratiquer l'IVG instrumentale, compte tenu des enjeux de responsabilité. Une expérimentation est prévue : prenons le temps de voir ce qu'elle donne. Les nouvelles sages-femmes sont sans doute beaucoup plus proactives dans ce domaine. En tout état de cause, le régime de responsabilité doit être bien défini.

Mme Laurence Garnier . - L'Académie de médecine s'est prononcée contre l'allongement du délai de recours à l'IVG, compte tenu des risques de complications pour les femmes à court et moyen terme. Cette position n'est pas éthique ou idéologique, mais relève du rôle d'alerte que joue cette instance sur le plan médical. Madame la rapporteure, avez-vous pris en compte ces arguments et comment y répondez-vous ?

M. Alain Milon . - Je comptais n'intervenir qu'en séance, mais je me sens obligé de répondre à certains propos.

Certes, monsieur Iacovelli, les femmes sont les plus directement concernées ; mais les médecins, qui réalisent l'acte chirurgical, sont concernés directement eux aussi.

En outre, il y a un troisième acteur : l'enfant à naître, qui ne naîtra pas... C'est pourquoi, madame Cohen, il y a bien une raison scientifique en même temps que morale à la clause de conscience : le médecin, en prêtant le serment d'Hippocrate, s'engage à donner et à maintenir la vie, pas à l'interrompre. De ce point de vue, la loi Veil est extrêmement bien faite ; il ne faut pas la modifier en profondeur.

Le nombre annuel d'IVG est compris entre 200 000 et 250 000, et il y a 700 000 accouchements chaque année. En d'autres termes, sur un million de grossesses, un quart sont interrompues. Nous devons mieux accompagner les femmes enceintes, plutôt que de leur dire : puisque vous ne pouvez ou ne voulez pas, on va interrompre. Il est nécessaire que cette solution existe, mais je considère que c'est une solution de facilité.

En outre, dans le cadre du projet de loi de bioéthique, les députés ont insisté sur l'IMG pour un motif psychosocial. C'est une mesure que je réprouve, mais qui répond aux problèmes que Mme la rapporteure a décrits.

M. Bernard Jomier . - Sur un sujet de cette nature, je ne m'exprime pas en fonction de mon appartenance politique.

Je respecte parfaitement ceux qui, pour des raisons philosophiques, religieuses ou autres, sont opposés à l'IVG de toute façon ; ils sont naturellement hostiles aux mesures visant à rendre plus effectif l'accès des femmes à ce droit.

Étendre le délai de l'IVG n'est pas affaire de militantisme : personne ne souhaite obtenir plus par principe, comme c'est le cas dans d'autres domaines. À mon sens, il s'agit de s'assurer qu'un droit formel devient un droit réel.

Or, depuis des années, l'application effective de ce droit est difficile, pour de multiples raisons. Les propositions présentées ce matin sont avancées depuis des années, sans que la situation change. L'allongement de deux semaines pourrait - même si je n'en suis pas certain - rendre plus effective et plus simple l'application de ce droit. Je ne vois en tout cas aucun obstacle majeur à cette mesure, ni pratique ni éthique. C'est pourquoi je la soutiens.

La clause de conscience doit exister, et elle existe. D'ailleurs, quelle femme voudrait qu'un médecin pratique une IVG sur elle en y étant contraint ? Comme médecin, je suis attaché à ce qu'on respecte le droit d'un confrère à ne pas pratiquer une IVG. Simplement, la clause de conscience générale suffit. Le président de l'Ordre des médecins m'a écrit pour défendre la double clause, mais son argumentation n'est pas juste.

Madame Doineau, vous savez très bien que, si l'on avait attendu l'unanimité des médecins ou même l'accord de leur ordre, il n'y aurait toujours pas de contraception et d'IVG dans notre pays... Heureusement, les positions historiques sur ces sujets ont changé.

La double cause a été supprimée pour l'IMG, et on verra bien qu'aucun médecin ne sera contraint de pratiquer un tel acte contre sa volonté. Il serait logique que le législateur adopte la même position sur l'IVG.

Enfin, monsieur Milon, l'IMG pour raison psychosociale existait déjà. Les députés ont simplement voulu le rappeler, pour une raison que je n'ai pas bien saisie.

Mme Élisabeth Doineau . - Moi non plus...

Mme Véronique Guillotin . - L'accès à l'IVG doit être effectif pour toutes. L'allongement du délai résoudra-t-il les difficultés ? Je n'en suis pas persuadée. Ce qu'il faut, c'est régler les problèmes d'accès aux soins en comblant les lacunes sur les territoires et en améliorant l'éducation.

Le CCNE considère qu'il n'y a pas d'obstacle éthique. À titre personnel, je n'en vois pas non plus, mais l'allongement me paraît une solution facile à un problème complexe. En outre, il faudrait voir si, dans les pays où le délai est plus long, des complications ne sont pas constatées. Il serait dommage de faire courir des risques aux femmes alors que les difficultés peuvent être réglées par d'autres moyens.

La clause de conscience, qui rassure l'ensemble des praticiens, doit être maintenue, d'autant que la France n'est pas l'Italie ; il n'y a pas d'obstruction majeure dans notre pays.

Quant à l'IVG instrumentale, il est vrai que certaines sages-femmes sont réticentes.

De façon générale, je rejoins la position de Daniel Chasseing : efforçons-nous d'améliorer l'accès à l'IVG. C'est une question de santé publique, certes, mais elle a une dimension éthique, comme M. Milon l'a rappelé : on peut comprendre que pratiquer une IVG heurte la conscience de certains médecins - ce débat existe aussi pour la fin de vie.

Mme Émilienne Poumirol . - Je suis d'accord avec Bernard Jomier : l'allongement du délai n'est pas une fin en soi, mais on constate que, compte tenu des conditions actuelles, 2 000 femmes sont obligées de partir à l'étranger chaque année pour avorter, ce qui est source d'inégalités sociales. Il s'agit de résoudre ce problème, étant entendu qu'une très grande majorité des IVG interviennent avant dix semaines.

Alors que la clause de conscience générale concerne tous les actes médicaux, le maintien de la double clause donne à l'IVG la connotation d'un acte médical très spécifique. Cela n'est pas justifié, car le droit des femmes à l'IVG est acquis. Au reste, comme médecin, je n'ai jamais rencontré une femme qui l'ait exercé par facilité.

Les inégalités territoriales et sociales sont réelles. L'accès à l'IVG est difficile dans nombre de départements, ce qui oblige des femmes à parcourir une longue distance. Notre politique en la matière doit être beaucoup plus incisive, et le pilotage national proposé par Laurence Rossignol peut y contribuer.

Toutes les femmes, où qu'elles habitent et quelles que soient leurs conditions de vie, doivent pouvoir accéder à l'IVG rapidement.

Mme Raymonde Poncet Monge . - J'attends depuis longtemps de ceux qui défendent cette clause spécifique de conscience qu'ils me donnent une explication. Mais je crois qu'il n'y en a pas !

Cette clause stigmatise, culpabilise, comme si l'IVG posait un « super cas de conscience », mais n'accorde aucun droit supplémentaire au médecin. On peut bien sûr toujours en discuter, mais il faut alors nous convaincre de ce qu'elle apporte par rapport à la clause de conscience « classique ». S'il s'agit de dire autre chose, il faut avoir le courage de l'expliciter.

Mme Corinne Imbert . - Je voudrais tout d'abord remercier les différents intervenants, car ce sujet sensible méritait un débat aussi serein et respectueux.

Oui, il s'agit bien d'une question d'éthique. Le CCNE, saisi par le ministre des solidarités et de la santé, s'est d'ailleurs montré favorable au maintien de la clause de conscience spécifique. Cette clause empêche-t-elle les IVG ? Non, puisqu'une grossesse sur quatre commencée en France se termine par une IVG.

Je rejoins ceux de nos collègues qui ont souligné le manque de moyens accordés à cette politique essentielle pour les femmes. Aujourd'hui, 65 % des interruptions volontaires de grossesse concernent des femmes de 19 à 25 ans. Ce serait une erreur de voter une extension du délai d'IVG de douze à quatorze semaines pour pallier ce manque de moyens et les dysfonctionnements qui l'accompagnent. Ne nous trompons de sujet.

Comme l'a souligné Mme la rapporteure, l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a validé une expérimentation de trois ans de la pratique de l'IVG instrumentale par les sages-femmes. Il me semble donc quelque peu prématuré de voter une extension générale. Pascale Gruny nous a justement fait part des interrogations des sages-femmes sur cette question.

Le rapport dispose que 82 % des femmes, au Royaume-Uni, demandent une IVG avant la dixième semaine de grossesse. En France, ce taux s'élève à 95 %. Seules 5 % des femmes ayant recours à une IVG en France le font donc au cours des deux dernières semaines. Certes, 1 500 femmes vont à l'étranger chaque année pour des raisons que nous ne discutons pas - problème de contraception, déni de grossesse...

Notre groupe ne votera pas ce texte, mais nous souhaitons pouvoir en débattre en séance publique - le sujet le mérite. Toutefois, nous présenterons une motion tendant à poser la question préalable.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure. - Je tiens également à remercier tous les intervenants pour la qualité de ce débat. Nous discutons régulièrement de ces questions, plusieurs de nos collègues portant souvent des avancées pour faire en sorte que ce droit conquis par les femmes en 1975 ne soit pas que formel, mais bien réel et effectif.

L'adoption de cette proposition de loi permettrait-elle d'apporter toutes les réponses aux problèmes rencontrés dans l'accès à l'IVG en France ? La réponse est non, car ces difficultés sont en partie liées à l'offre de soins. En quinze ans, le nombre d'établissements réalisant des IVG a diminué de 22 %. Nous avons été plusieurs, ces dix dernières années, à souligner, lors de l'examen des différentes lois santé ou portant réorganisation de l'hôpital, que la fermeture de maternités ou d'établissements hospitaliers s'accompagnait souvent de celle d'un centre d'orthogénie. Il s'agit d'une réalité physique et territoriale que cette proposition de loi ne peut régler.

Il y aura toujours des IVG : trois IVG sur quatre concernent des femmes sous contraception. Vous pouvez organiser l'offre de soins de manière aussi performante que possible, il y aura toujours un nombre important d'IVG, car il y aura toujours des accidents de contraception. C'est un droit que les femmes exercent, et c'est bien ainsi. À nous de faire en sorte que toutes puissent exercer ce droit.

Le recours à l'IVG ne doit pas non plus être la conséquence d'une sous-information en termes d'éducation sexuelle. Cela fait dix ans que l'éducation à la vie sexuelle et affective à l'école est totalement défaillante. Il ne s'agit pas seulement d'un manque de moyens, c'est aussi un enjeu idéologique. Que dit-on aux enfants sur leur sexualité ? Certaines personnes refusent que l'on informe les jeunes sur la contraception d'urgence, c'est-à-dire sur la pilule du lendemain, parce qu'ils y voient un acte abortif. Encore une fois, la proposition de loi ne pourra pas régler ce genre de questions idéologiques ou politiques.

On ne constate nulle part dans les pays occidentaux de corrélation entre allongement des délais et pratique eugéniste qui permettrait, par exemple, de choisir le sexe de l'enfant. Ce n'est pas un danger. Pour le CCNE, l'allongement des délais ne pose pas de question éthique. Ces questions ont été tranchées voilà quarante-cinq ans.

Comme d'autres ici, je n'ai toujours pas compris pourquoi la clause de conscience générale ne suffirait pas. Un chirurgien sollicité pour pratiquer une double mastectomie sur une femme qui n'a pas encore développé de cancer du sein, mais qui craint d'en développer en raison d'antécédents familiaux, peut très bien refuser de le faire en invoquant la clause de conscience. Tous les professionnels de santé sont déjà protégés dans leur liberté de pratique. La double clause de conscience sert donc seulement à rappeler que l'IVG n'est pas un acte médical comme les autres. Cette double clause de conscience n'est pas justifiée par la déontologie, mais par notre conception du droit des femmes à accéder à l'IVG. Je pense qu'elle n'a plus de raison d'être. De très nombreux pays ne connaissent pas cette double clause, ce qui n'empêche pas les médecins de refuser de pratiquer une IVG s'ils ne le souhaitent pas.

Madame Gruny, j'ai pu auditionner le Conseil national de l'ordre des sages-femmes qui m'a indiqué que de plus en plus de sages-femmes se spécialisaient et conventionnaient en orthogénie. Une sage-femme qui ne veut pas faire d'orthogénie sera libre de ne pas en faire. Le conseil national de l'ordre et les associations représentatives sont favorables aux dispositifs prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Il faut mettre en place un pilotage national de la santé sexuelle et reproductive qui ne doit plus naviguer au gré de la territorialité de l'offre de soins, des fermetures de maternités et d'hôpitaux, de l'ajustement des services d'orthogénie en situation de sous-effectif perpétuel... Mon attention va vers les médecins qui considèrent qu'il est de leur rôle de continuer, contre vents et marées, de défendre cette activité dans l'hôpital. J'ai davantage de compassion et d'empathie pour ces derniers que pour ceux qui se retranchent derrière la double cause de conscience.

Je veux bien croire que les solutions sont ailleurs, mais cela fait des années que rien ne bouge.

Mme Catherine Deroche , présidente. - Selon moi, l'allongement du délai légal pose tout de même un problème éthique. Il ne faut pas y voir le dernier recours quand le reste ne marche pas.

Je rejoins les propos de Laurence Rossignol sur l'éducation à la vie sexuelle et affective. Lors de nos travaux sur les violences sexuelles, nous avons vu combien l'éducation nationale était défaillante. Dans ma région des Pays de la Loire, j'ai milité pour le maintien du Pass contraception, aujourd'hui intégré à un Pass santé global pour les jeunes. Il faut une meilleure information et faire en sorte que les jeunes, notamment les mineurs, puissent accéder à des consultations gratuites.

EXAMEN DES ARTICLES

Les articles 1 er , 1 er bis , 1 er ter A , 1 er ter , 2 bis A, 2 bis, 2 ter et 3 ne sont pas adoptés.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera en conséquence sur le texte de la proposition de loi transmis par l'Assemblée nationale.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3 DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

___________

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 47 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 48 ( * ) .
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 49 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 50 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents le 20 mars 2019, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 13 janvier 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- aux conditions de réalisation d'une interruption volontaire de grossesse (IVG) ;

- aux protections des femmes recourant à l'IVG et à leurs conditions d'accès à l'IVG ;

- aux compétences et obligations des professionnels de santé en matière d'IVG.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , des amendements relatifs :

- aux conditions de réalisation d'une interruption médicale de grossesse (IMG) ;

- à la contraception ;

- à la prévention des infections sexuellement transmissibles.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

Conseil national de l'ordre des sages-femmes (CNOSF)

Anne-Marie Curat , présidente

David Meyer , chef de cabinet et conseiller technique

Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof)

Dr Bertrand de Rochambeau , président

Dr Élisabeth Paganelli , secrétaire générale

Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)

Dr Joëlle Belaisch-Allart , présidente

Pr Alexandra Benachi , vice-présidente

Dr Olivier Multon , vice-président

Pr Cyril Huissoud , secrétaire général

Albane Gaillot , députée

Cécile Muschotti , députée

Maison des femmes de Saint-Denis

Dr Ghada Hatem , médecin-chef

Association nationale des centres d'IVG et de contraception (Ancic)

Dr Nathalie Trignol-Viguier , co-présidente

Dr Laura Marin Marin , co-présidente, référente du centre d'orthogénie du CHU Bretonneau, Tours

Le Planning familial

Sarah Durocher , co-présidente

Bénédicte Paoli , membre du bureau national, référente du numéro vert national contraception sexualité IVG (NVN)

Association nationale des sages-femmes orthogénistes (ANSFO)

Chantal Birman , co-présidente

Delphine Giraud , co-présidente

Cécile Wallart , secrétaire adjointe

Marie-Pierre Rixain , députée, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale

Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof) Direction générale de l'offre de soins (DGOS) - Sous-direction de la régulation de l'offre de soins

Anne Hegoburu , adjointe de la sous-directrice

Céline Castelain-Jédor , cheffe du bureau Prises en charge hospitalières aiguës et plateaux techniques

Éric Maurus , chef du bureau Exercice, déontologie et développement professionnel continu

Direction générale de la santé (DGS) - Sous-direction de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques

Laure Marie Issanchou , adjointe de la sous-directrice de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques

Dr Soraya Belgherbi , médecin responsable de la politique de santé reproductive

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-023.html


* 1 Drees, Les interruptions volontaires de grossesse : une hausse confirmée en 2019 , collection « Études et résultats », n° 1163, septembre 2020.

* 2 Ce taux s'établit à 28,2 dans les départements et régions d'outre-mer (DROM).

* 3 Department of Health and Social Care, Abortion Statistics, England and Wales : 2019 , 11 juin 2020.

* 4 Telles que la méthode « Ogino » consistant à s'abstenir d'avoir des rapports sexuels non protégés pendant la période dite « fertile » entourant l'ovulation.

* 5 Delphine Rahib, Mireille Le Guen et Nathalie Lydié, Baromètre santé 2016 - Contraception, « Quatre ans après la crise de la pilule, les évolutions se poursuivent », Études et enquêtes , Santé publique France, 2017.

* 6 Une échographie pré-IVG est normalement facturée à 35,65 euros.

* 7 Communiqué de presse du ministère des solidarités et de la santé du 27 septembre 2019.

* 8 François Béguin, Mathilde Costil et Sylvie Guittus, « Près de 8 % des centres pratiquant l'IVG en France ont fermé en dix ans », Le Monde , publié le 27 septembre 2019.

* 9 Tribune d'un collectif de gynécologues publiée dans Le Monde dans son édition du 31 mars 2020.

* 10 La grossesse est calculée en Suède à compter du premier jour des dernières règles, soit le même calcul qu'en France pour les semaines d'aménorrhée. Par conséquent, le délai de 18 semaines de grossesse correspond, en Suède, à l'équivalent de 18 semaines d'aménorrhée en France. Le délai peut être allongé à 22 semaines sous conditions, voire au-delà en fonction de la situation. Une disposition prévoit néanmoins que l'IVG ne peut être autorisée au-delà d'un stade pour lequel il y a lieu de considérer que le foetus est viable, en dehors d'une interruption pour motif médical.

* 11 Des IVG pour raisons médicales peuvent être réalisées jusqu'à 24 semaines de grossesse.

* 12 En théorie, l'IVG doit être justifiée par un risque pour la santé physique ou mentale de la femme, mais la plupart des médecins considèrent que la poursuite d'une grossesse non souhaitée représente un danger suffisamment sérieux pour la santé de la femme pour justifier l'IVG.

* 13 Fédération du Québec pour le planning des naissances ( http://www.fqpn.qc.ca/public/informez-vous/grossesse-non-planifiee/avortement/ ).

* 14 La coalition pour le droit à l'avortement au Canada, Statistiques - Avortement au Canada , mis à jour le 27 mars 2020.

* 15 Opinion du CCNE du 8 décembre 2020 sur l'allongement du délai légal d'accès à l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, réponse à la saisine du ministre des solidarités et de la santé du 2 octobre 2020.

* 16 Les médecins libéraux sont autorisés à pratiquer une IVG médicamenteuse depuis 2004 et les sages-femmes depuis 2016.

* 17 Liberté de choix inscrite au deuxième alinéa de l'article L. 2212-1 du code de la santé publique.

* 18 Données rappelées dans la contribution du CNOSF adressée à la rapporteure.

* 19 Opinion du CCNE du 8 décembre 2020 sur l'allongement du délai légal d'accès à l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, réponse à la saisine du ministre des solidarités et de la santé du 2 octobre 2020.

* 20 Dont 47 Françaises.

* 21 Données de l'étude de Zordo S., Zanini G., Mishtal J., Garnsey C., Ziegler A.-K., Gerdts C. (2020), « Gestational age limits for abortion and cross-border reproductive care in Europe: a mixed-methods study », BJOG , 25 septembre 2020, ( https://doi.org/10.1111/1471-0528.16534 ), reprises dans l'avis du CCNE du 8 décembre 2020.

* 22 Claire Aubin, Danièle Jourdain Menninger et Laurent Chambaud, Évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse suite à la loi du 4 juillet 2001 , rapport de synthèse de l'inspection générale des affaires sociales, n° RM2009-112P, octobre 2009.

* 23 Équipe COCON, « Contraception: from accessibility to efficiency », Human Reproduction , Vol. 18, n° 5, 2003.

* 24 Perte d'emploi ou de logement, séparation, exclusion familiale, etc.

* 25 Prévue à l'article L. 2213-1 du code de la santé publique.

* 26 Rapport d'information n° 3343 de Mmes Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale, sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, enregistré le 16 septembre 2020.

* 27 Loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 28 Par l'article 24 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

* 29 Contribution adressée à la rapporteure.

* 30 Article 127 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 31 Drees, Les interruptions volontaires de grossesse : une hausse confirmée en 2019 , collection « Études et résultats », n° 1163, septembre 2020.

* 32 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 33 Article R. 2212-4 du code de la santé publique.

* 34 Opinion du CCNE du 8 décembre 2020 sur l'allongement du délai légal d'accès à l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, réponse à la saisine du ministre des solidarités et de la santé du 2 octobre 2020.

* 35 Lors de son audition par la rapporteure, le CNGOF a ainsi relevé que le tarif d'une aspiration pour fausse couche (57,60 euros) est supérieur à celui pratiqué pour une IVG par aspiration, pouvant conduire certains médecins à faire passer des IVG pour des fausses couches afin de pratiquer des dépassements d'honoraires.

* 36 Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Accès à l'avortement : d'importants progrès réalisés, un accès réel qui peut encore être conforté , bilan de la mise en oeuvre des recommandations formulées par le Haut Conseil à l'égalité depuis 2013, réalisé à l'occasion du 42 e anniversaire de la loi « Veil », publié le 17 janvier 2017.

* 37 Présidé en 2017 par le Pr Patrick Yeni.

* 38 Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique, « un établissement de santé privé peut refuser que des IVG soient pratiquées dans ses locaux ».

* 39 Quatrième alinéa de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique.

* 40 Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d'égalité femmes-hommes , rapport relatif à l'éducation à la sexualité, rapport n° 2016-06-13-SAN-021, publié le 13 juin 2016.

* 41 Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 42 Article R. 2212-10 du code de la santé publique.

* 43 Arrêté du 14 avril 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 44 Cette consultation, prévue par l'article L. 2212-4 du code de la santé publique, est réalisée avec une personne ayant satisfait à une formation qualifiante en conseil conjugal ou toute autre personne qualifiée dans un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé.

* 45 Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Accès à l'avortement : d'importants progrès réalisés, un accès réel qui peut encore être conforté , bilan de la mise en oeuvre des recommandations formulées par le Haut Conseil à l'égalité depuis 2013, réalisé à l'occasion du 42 e anniversaire de la loi « Veil », publié le 17 janvier 2017.

* 46 Seule une synthèse de cette étude a été mise en ligne sur le site du ministère.

* 47 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 48 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 49 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 50 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page