TITRE III

APPUYER LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES
ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT
DES PRINCIPES ÉTHIQUES

Article 10
Consentement à l'examen des caractéristiques génétiques

Cet article ouvre la possibilité d'informer la personne, sous réserve de son consentement, de découvertes de caractéristiques génétiques sans relation avec l'indication initiale de l'examen dès lors que cette information peut permettre à cette personne ou à ses apparentés de bénéficier de mesures de prévention ou de soins.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la disposition tendant à interdire tout démarchage publicitaire portant sur l'examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d'une personne.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif initial

Cet article ouvre la possibilité qu'une personne soit informée, sous réserve de son consentement exprès, de la découverte de caractéristiques génétiques incidentes ou secondaires, sans relation avec l'indication initiale de l'examen mais susceptibles de permettre à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention ou de soins.

En première lecture, l'Assemblée nationale a inséré une précision tendant à interdire tout démarchage publicitaire portant sur l'examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d'une personne.

II - Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

La commission avait supprimé en première lecture la précision introduite par l'Assemblée nationale posant l'interdiction de toute publicité en faveur de tests génétiques.

La réalisation d'examens génétiques en dehors du cadre légal
- notamment de tests génétiques disponibles sur Internet et effectués en dehors d'une consultation de génétique médicale - fait en effet déjà l'objet de sanctions pénales 57 ( * ) . En outre, la publicité en faveur de tests génétiques commerciaux disponibles en accès libre relève de pratiques commerciales trompeuses qui exposent également leurs auteurs à des sanctions pénales 58 ( * ) .

III - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a rétabli en séance la disposition tendant à interdire tout démarchage publicitaire portant sur l'examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d'une personne.

IV - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 11
Encadrement du recours à un traitement algorithmique
de données massives à des fins médicales

Cet article tend à encadrer l'utilisation de traitements algorithmiques de données massives lors d'actes médicaux.

En première lecture, le Sénat avait réécrit l'article pour renforcer les garanties apportées au patient.

L'Assemblée nationale a globalement rétabli en deuxième lecture le texte du projet de loi initial, tout en imposant au praticien d'informer préalablement le patient de l'utilisation de cette technologie, comme l'avait souhaité le Sénat.

Dans un état d'esprit constructif, la commission a, en substance, conservé le texte adopté par l'Assemblée nationale. Elle l'a complété des apports de première lecture du Sénat qu'elle a jugé les plus importants, parmi lesquels le principe selon lequel aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d'un tel traitement algorithmique.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I - Le dispositif initial

Le présent article tend à introduire un article L. 4001-3 dans le code de la santé publique aux fins de créer un cadre juridique spécifique à l'utilisation de traitements algorithmiques de données massives en santé, lors de la réalisation d'un acte médical à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique.

Dans la version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, qui n'avait pas modifié l'esprit du projet de loi initial, ce texte visait à préserver une forme de « garantie humaine » lors de l'utilisation de tels traitements algorithmiques. Il poursuivait pour cela trois objectifs permettant d'assurer :

- l'intervention d'un professionnel de santé dans le paramétrage du traitement algorithmique ;

- l'information du patient par le professionnel de santé au moment de la communication des résultats ;

- et la « traçabilité » dudit traitement pour éviter un fonctionnement de type « boîte noire », c'est-à-dire dont il serait impossible de reconstituer les processus.

II - Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

En première lecture, le Sénat avait réécrit l'article 11 en adoptant en commission plusieurs amendements du rapporteur, Olivier Henno, afin de renforcer les garanties apportées au patient et aux professionnels de santé dans l'utilisation des traitements algorithmiques . Le texte de la commission n'avait pas été modifié en séance publique.

Le Sénat avait tout d'abord étendu le champ d'application du nouvel article L. 4001-3 du code de la santé publique à tous les traitements algorithmiques et pas seulement ceux construits sur des « données massives », considérant que cette définition n'était pas consensuelle et susceptible d'exclure certains traitements algorithmiques.

Il avait imposé l'information du patient préalablement à toute utilisation d'un traitement algorithmique afin de lever toute ambiguïté . Le texte initial laissait entendre que le patient n'en serait informé qu'au moment des résultats, ce qui aurait été en contradiction avec le droit commun de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique et aurait pu entretenir une forme de confusion.

Toujours dans l'esprit de garantir la supervision humaine de ces technologies, le Sénat avait souhaité que la saisie d'informations dans le traitement algorithmique se fasse sous le contrôle du professionnel de santé et, surtout, qu' aucune décision médicale ne puisse être prise sur le seul fondement d'un traitement algorithmique .

Enfin, il avait substitué à l'obligation de « traçabilité » des traitements algorithmiques, dont le texte ne précisait pas à qui elle incombait, une obligation de « transparence » du fonctionnement des traitements imposée à leurs concepteurs , selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

III - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

À l'initiative du rapporteur Philippe Berta, la commission a adopté un amendement rétablissant le texte du projet de loi initial nonobstant quelques différences notables .

La rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale rétablit tout d'abord le champ d'application initial du texte, en visant les seuls traitements algorithmiques de données massives . Elle supprime la prohibition introduite par le Sénat de toute décision médicale prise sur le seul fondement d'un tel traitement , ainsi que l'obligation de supervision par le professionnel de santé de la saisie d'informations sur le patient dans l'outil.

L'Assemblée nationale a toutefois conservé le principe de l'information préalable du patient lors de l'utilisation d'un traitement algorithmique de données massives, puisque le « le professionnel de santé qui décide de cette utilisation [devra s'assurer] que la personne concernée en a été informée au préalable et qu'elle est, le cas échéant, avertie de l'interprétation qui en résulte ». À cet égard, comme l'a confirmé lors des débats en séance publique Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, l'article L. 1111-4 du code de la santé publique qui impose le consentement du patient aux décisions concernant sa santé est également requis 59 ( * ) .

Elle a rétabli sa rédaction imposant que la « traçabilité » des traitements algorithmiques de données massives « soit assurée ». Cette obligation a été complétée en séance publique d'un renvoi à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique qui régit l'hébergement des données de santé, par l'adoption avec le double avis favorable du Gouvernement et de la commission d'un amendement de Christine Hennion.

Enfin, l'Assemblée nationale a substitué au décret en Conseil d'État après avis de la CNIL introduit par le Sénat un arrêté du ministre chargé de la santé précisant, d'une part, la liste des traitements algorithmiques concernés après avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et, d'autre part, la nature et la durée de conservation des données après avis de la CNIL.

IV - La position de la commission

La commission a abordé le présent article dans un esprit constructif, en maintenant en grande partie la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui a évolué positivement depuis la première lecture. Elle y a toutefois apporté plusieurs modifications en adoptant un amendement COM-58 du rapporteur, Olivier Henno.

En premier lieu, la commission a rétabli le principe selon lequel aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement algorithmique tel que défini par l'article L. 4001-3 du code de la santé publique, considérant que cette garantie apportée par le Sénat méritait d'être conservée.

Elle a ensuite précisé que la « traçabilité » des actions et des données utilisées par les traitements algorithmiques, destinée à éviter un fonctionnement sous forme de « boîte noire », devait être assurée par leurs fabricants au risque, sans cette précision, que ce principe reste lettre morte.

À cet égard, la commission rappelle que le renvoi au pouvoir réglementaire de la « liste des types de traitements algorithmiques » entrant dans le champ d'application de la loi ne saurait s'interpréter, sans être contraire à son esprit, comme restreignant son application. Tel qu'il est rédigé, le cadre juridique défini par le nouvel article L. 4001-3 du code de la santé publique a vocation à s'appliquer à tous les traitements algorithmiques de données massives. Le rapporteur a estimé que cet ajout de l'Assemblée nationale avait simplement pour objet de clarifier l'application du principe auprès des professionnels et des fabricants. Pour cette raison, cette liste devrait être régulièrement mise à jour . La commission l'a donc formellement précisé.

Enfin, la commission a complété le contenu des mesures renvoyées au pouvoir réglementaire du ministre de la santé . Elle y a ajouté la liste des personnes habilitées à accéder aux données du traitement algorithmique ou à en être destinataires. Enfin, elle a soumis l'ensemble de l'arrêté du ministre au double avis de la HAS et de la CNIL , considérant que les éléments étant liés les uns aux autres, il serait incohérent pour l'une et l'autre des autorités de se prononcer sur certains éléments sans analyser l'ensemble du dispositif.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 12
Encadrement du recours aux techniques d'imagerie cérébrale
et interdiction des discriminations fondées sur les résultats
de ces techniques en matière d'assurance

Cet article tend à modifier l'encadrement de l'utilisation des techniques d'imagerie cérébrale et à exclure le recours à l'imagerie cérébrale fonctionnelle lors des expertises judiciaires. Il vise également à interdire et sanctionner pénalement les discriminations en matière d'assurance fondées sur les résultats des techniques d'imagerie cérébrale.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait modifié la terminologie utilisée dans le code civil et renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir des techniques interdites. Considérant qu'il n'était opportun ni d'étendre le champ d'application de ces dispositions adoptées lors de la loi de bioéthique de 2011, ni d'exclure l'utilisation de l'imagerie cérébrale fonctionnelle lors des expertises judiciaires, le Sénat avait préféré en rester au droit en vigueur. Il n'avait approuvé que l'interdiction des discriminations sur le fondement des techniques d'imagerie cérébrale.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a finalement limité la modification de l'article 16-14 du code civil à la seule interdiction de l'imagerie cérébrale fonctionnelle dans le cadre d'expertises judiciaires, seul point de divergence demeurant avec le Sénat.

Toujours pas convaincue de l'intérêt de cette modification, la commission spéciale a rétabli le texte adopté par le Sénat en première lecture et maintenu l'article 16-14 du code civil dans sa version en vigueur.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I - Le dispositif initial

L'article 12 tend à modifier l'article 16-14 du code civil issu de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique qui n' autorise le recours aux techniques d'imagerie cérébrale qu'à des fins médicales, de recherche scientifique ou dans le cadre d'expertises judiciaires .

Il a trois objets.

Il tend en premier lieu, dans le projet de loi initial, à exclure le recours à l'imagerie cérébrale fonctionnelle - qui vise à observer l'activité cérébrale afin d'en déduire des conséquences sur le psychisme - lors des expertises judiciaires . La rédaction issue des travaux de première lecture de l'Assemblée nationale excluait non plus l'imagerie cérébrale fonctionnelle, mais le recours aux techniques « d'enregistrement de l'activité cérébrale » et aux « explorations » cérébrales définies par pouvoir réglementaire.

Il tend en second lieu à étendre le champ d'application de l'article 16-14 du code civil . Le droit en vigueur ne vise que « l'imagerie » cérébrale, tandis que le projet de loi initial visait « l'enregistrement » et, enfin, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale adopté en première lecture « l'imagerie et l'exploration ».

Il tend, en troisième et dernier lieu, à interdire et sanctionner pénalement les discriminations en matière d'assurance fondées sur les résultats des techniques d'imagerie cérébrale .

II - Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Considérant que le risque de recours abusif aux techniques d'imagerie cérébrale fonctionnelle était faible en matière d'expertises judiciaires, le Sénat avait préféré en rester au droit en vigueur s'agissant de l'encadrement des techniques d'imagerie cérébrale fixé à l'article 16-14 du code civil . Il avait donc adopté le texte issu des travaux de la commission spéciale, amendé à l'initiative du rapporteur, Olivier Henno.

En ne modifiant pas le droit existant, le Sénat avait également repoussé l'extension de son champ d'application à « l'exploration » ou à « l'enregistrement » de l'activité cérébrale, leur définition n'étant pas consensuelle et en tout état de cause moins pertinente que celle de « l'imagerie cérébrale » qui figure dans le droit en vigueur.

Le Sénat n'avait approuvé que l'interdiction des discriminations sur le fondement des techniques d'imagerie cérébrale .

III - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Contre l'avis du rapporteur, Philippe Berta, la commission spéciale a rétabli, à l'initiative de Jean-François Éliaou, le texte de l'Assemblée nationale adopté en première lecture.

L'Assemblée nationale est toutefois revenue sur sa position en séance publique en adoptant un nouvel amendement du même député, avec l'avis favorable de la commission cette fois-ci. Le texte issu de ses travaux limite finalement la modification de l'article 16-14 du code civil à la seule interdiction de l'imagerie cérébrale fonctionnelle dans le cadre d'expertises judiciaires, seul point de divergence demeurant avec le Sénat .

IV - La position de la commission

Fidèle à la position du Sénat retenue en première lecture, la commission a souhaité en rester au droit en vigueur de l'article 16-14 du code civil , en adoptant à cette fin un amendement COM-59 du rapporteur, Olivier Henno. Selon ce dernier, nul besoin d'interdire l'utilisation de l'imagerie cérébrale fonctionnelle en matière judiciaire alors qu'elle peut être utile au juge sans se substituer à son appréciation et que le législateur de 2011 n'a jamais entendu permettre le recours à ces techniques aux fins de détecter le mensonge.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 13
Interdiction par décret des dispositifs ayant pour effet de modifier
l'activité cérébrale en cas de danger pour la santé humaine

Cet article tend à permettre au ministre de la santé d'interdire par décret tout dispositif ayant pour effet de modifier l'activité cérébrale, en cas de danger grave ou suspicion de danger grave pour la santé humaine.

En première lecture, le Sénat avait exclu les dispositifs médicaux du champ d'application de ce texte, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) détenant déjà des pouvoirs de police ayant le même objet. L'Assemblée nationale a, en deuxième lecture, rétabli le texte du projet de loi initial.

Dans un état d'esprit constructif, la commission spéciale s'est ralliée à cette rédaction, considérant qu'il reviendrait à ces deux pouvoirs de police de se coordonner.

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article, adopté au bénéfice de modifications rédactionnelles par l'Assemblée nationale en première lecture, permet au ministre chargé de la santé d'interdire par décret , pris après avis de la Haute Autorité de santé, tout dispositif de neuro-modulation qui présenterait un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine .

En première lecture , outre une modification rédactionnelle, le Sénat avait exclu les dispositifs médicaux du champ d'application de cet article, car l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) détient déjà de l'article L. 5312-1 du code de la santé publique des pouvoirs de police ayant le même objet .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli cet article dans les mêmes termes que lors de son adoption en première lecture, en conservant la modification rédactionnelle du Sénat.

Ce sujet n'étant pas un enjeu majeur de divergence , la commission spéciale s'est ralliée à la rédaction de l'Assemblée nationale en estimant qu'il reviendrait à ces deux pouvoirs de police de se coordonner.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 57 Articles 226-25 et 226-28-1 du code pénal.

* 58 9° de l'article L. 121-4 et article L. 132-2 du code de la consommation.

* 59 Frédérique Vidal, compte rendu de la première séance publique du vendredi 31 juillet 2020.

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