B. UNE AUTORISATION EXCEPTIONNELLE D'EMPRUNT ASSORTIE D'UN RELÈVEMENT TEMPORAIRE DES PLAFONDS DE CRÉDITS D'ENGAGEMENT ET DE PAIEMENT...

Le 1 de l'article 5 de la DRP habilite la Commission à emprunter des fonds sur les marchés de capitaux au nom de l'UE à hauteur de 750 milliards d'euros aux prix de 2018, dont 360 milliards d'euros pour fournir des prêts et 390 milliards d'euros pour des subventions. Les montants sont ajustés sur la base d'une inflation de 2 % par an et aucun nouvel emprunt net ne doit intervenir après 2026 .

Cet emprunt doit être réalisé « à la seule fin de faire face aux conséquences de la crise de la Covid-19 » et l'article 4 interdit à l'UE d'utiliser les fonds levés « pour le financement de dépenses opérationnelles ».

En application du 2 de l'article 5, le remboursement du capital et des intérêts est à la charge du budget de l'Union européenne. Le remboursement du capital ne devrait toutefois débuter qu'en 2028 , sauf si le budget prévu pour les intérêts dans le cadre du CFP - soit 12,9 milliards d'euros 30 ( * ) - n'est pas entièrement épuisé, et devra s'achever en 2058 au plus tard .

En sus du paiement des intérêts, l'UE ne peut rembourser annuellement plus de 7,5 % du capital , soit 29,3 milliards d'euros (prix 2018), ce qui limite la somme en théorie appelable pour la France au titre du remboursement du principal à 5,1 milliards d'euros par an (prix 2018). D'après les premières estimations de la direction du budget, le remboursement du capital à la charge de la France à compter de 2028 devrait toutefois s'élever à 2,5 milliards d'euros (prix courant), sur la base d'un amortissement linéaire des emprunts contractés.

Si le service juridique du Conseil de l'Union européenne a donné un avis favorable à cette autorisation exceptionnelle d'emprunt 31 ( * ) , il doit être noté que la doctrine reste divisée sur sa conformité aux traités 32 ( * ) . En effet, il était traditionnellement considéré que l'UE ne pouvait recourir à l'emprunt pour financer des dépenses, dès lors que l'article 310 du TFUE dispose que « le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses ». Il était en revanche admis que l'UE emprunte pour effectuer des prêts, puisque ces opérations financières ne sont pas considérées comme des dépenses par les comptables nationaux.

Pour répondre à cette difficulté, la construction juridique de l'instrument de relance européen repose sur deux innovations.

Tout d'abord, sur le fondement de l'article 122 du TFUE 33 ( * ) , qui prévoit la possibilité pour le Conseil de l'UE de déroger aux règles habituelles dans des situations de crise exceptionnelles, les fonds levés et attribués aux différents programmes de dépenses sont qualifiés de « recettes affectées externes » 34 ( * ) et, à ce titre, s'ajoutent au budget annuel. Ainsi que le résume la Commission européenne, « ils ne font partie ni des recettes, ni des dépenses au titre du budget annuel », soumis au principe d'équilibre 35 ( * ) .

En outre, l'autorisation exceptionnelle d'emprunt s'accompagne dans la décision « ressources propres » d'un relèvement temporaire des plafonds de crédits d'engagement et de paiement .

En application de l'article 6, ces derniers sont « temporairement relevés de 0,6 point de pourcentage » à la seule fin de couvrir l'ensemble des engagements de l'UE résultant de l'emprunt exceptionnel.

En effet, il est apparu juridiquement nécessaire « que le plafond des ressources propres soit suffisamment élevé pour garantir chaque année une marge de manoeuvre financière suffisante pour couvrir la totalité du passif de l'Union » 36 ( * ) , afin de respecter le principe de discipline budgétaire (paragraphe 4 de l'article 310 du TFUE) ainsi que l'obligation pour les institutions de veiller à ce que l'Union puisse s'acquitter de leurs obligations financières envers des tiers (article 323 du TFUE).

Dès lors que, contrairement aux États, l'Union européenne ne peut pas s'appuyer sur des revenus futurs tirés des prélèvements obligatoires pour rembourser ses emprunts, ce relèvement permet de garantir immédiatement les moyens financiers nécessaires à leur remboursement.

Dans ce cadre, si les crédits autorisés inscrits au budget ne sont pas suffisants pour remplir ses obligations résultant de l'emprunt ou si un pays n'honore pas ses engagements, l'article 9 autorise la Commission européenne, en dernier ressort, à faire contribuer les États membres jusqu'à un montant maximum correspondant à leur part du plafond des ressources propres temporairement relevé, soit 0,6 % du RNB . Pour la France, cela représente une contribution maximale de l'ordre de 15 milliards d'euros courants.

En l'absence de nouvelles ressources propres, le remboursement des subventions sera donc calculé sur la base de la part de chaque État membre dans le revenu national brut (RNB) total de l'Union européenne, et s'ajoutera aux contributions nationales habituelles.


* 30 « Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission sur le traitement des frais d'intérêts et des remboursements afférents à Next Generation EU dans le CFP 2021-2027 », 2020/C 444 I/04, Journal officiel de l'Union européenne, 22 décembre 2020.

* 31 Agence Europe, « EU Council lawyers validate architecture of Next Generation EU », Europe Daily Bulletin No. 12516, 30 juin 2020.

* 32 Voir par exemple : Päivi Leino, « Next Generation EU - Breaking a taboo or breaking the law? », CEPS, 24 juin 2020.

* 33 Voir les visas du règlement (UE) 2020/2094 du Conseil du 14 décembre 2020 établissant un instrument de l'Union européenne pour la relance en vue de soutenir la reprise à la suite de la crise liée à la COVID-19.

* 34 Voir notamment l'article 3 du règlement (UE) 2020/2094 précité ainsi que l'article 5 du compromis final sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience.

* 35 Commission européenne, « Questions - Réponses : Next Generation EU - Construction juridique », 9 juin 2020.

* 36 Ibid .

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