EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER

EXERCICE EN PRATIQUE AVANCÉE
ET PROTOCOLES DE COOPÉRATION

Article premier
Rapport d'évaluation sur la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération

Cet article, dans la rédaction initiale de la proposition de loi, pose les bases à la création d'une profession médicale intermédiaire exercée par des auxiliaires médicaux. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, contestée par les professionnels de santé, pour y substituer une demande de rapport au Parlement dressant un état des lieux des pratiques avancées et protocoles de coopération.

La commission a supprimé cet article privé de réelle portée.

I - Un dispositif initial contesté : la création d'une profession médicale intermédiaire aux contours indéfinis

• Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, cet article inscrit au sein du code de la santé publique un titre nouveau relatif à une « profession médicale intermédiaire » dont l'exercice est ouvert à des auxiliaires médicaux 2 ( * ) selon des conditions renvoyées à un décret en Conseil d'État. Dans l'attente des « conclusions du rapport des conseils nationaux des ordres des infirmiers et des médecins » sur la base desquelles serait pris ce décret, les contours de cette profession ne sont pas précisément définis : le rapport établi au nom de la commission des affaires sociales par l'auteure de la proposition de loi précise ainsi que le texte proposé ne préjuge pas « du nom exact de cette profession ou des missions précises qui lui seront confiées ».

De même, la définition des domaines d'intervention ainsi que des conditions et règles d'exercice de cette profession, est renvoyée à un décret pris « après avis de l'Académie nationale de médecine et des représentants des professionnels de santé concernés » .

• Cette disposition a vocation à traduire la mesure 7 du Ségur de la santé dont les conclusions ont été présentées par le ministre en charge de la santé en juillet 2020 3 ( * ) : celle-ci préconise le lancement d'une « réflexion » sur la création d'une telle profession médicale intermédiaire, ciblée sur le milieu hospitalier, en associant les ordres professionnels et en concertation avec l'ensemble des acteurs. Cette mesure inscrite dans le dossier de presse du Ségur ne constituait pas cependant une recommandation du rapport remis simultanément par la mission coordonnée par Nicole Notat.

• La création précipitée d'une profession médicale intermédiaire aux contours mal cernés, sans concertation préalable avec les acteurs concernés, a suscité toutefois de vives critiques chez une grande partie des représentants des professionnels de santé tant hospitaliers que libéraux .

L'Ordre des médecins, dans un communiqué du 13 novembre 2020, a indiqué n'avoir reçu aucune lettre de mission pour le pilotage d'une mission exploratoire avec le conseil national de l'Ordre des infirmiers et ne pas souhaiter conduire une telle mission sur la création d'une nouvelle profession unanimement rejetée par les représentants de médecins, des universités, du collège de médecine générale et des conseils nationaux professionnels. D'autres professions de santé, à l'instar des masseurs-kinésithérapeutes, ont justement relevé qu'une telle mission ne saurait être circonscrite à ces deux professions de médecins et d'infirmiers.

La réflexion autour d'une profession intermédiaire médico-soignante, dont certains directeurs d'hôpitaux perçoivent aujourd'hui l'intérêt, n'est pas nouvelle : dans un contexte marqué par les pathologies liées au vieillissement, le développement des maladies chroniques et les enjeux de santé publique, elle était au coeur d'un rapport remis en janvier 2011 aux ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur par Laurent Hénart, le Pr Yvon Berland et Danielle Cadet 4 ( * ) .

Elle s'inscrit toutefois, depuis, dans un paysage renouvelé avec l'inscription dans la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016 des auxiliaires médicaux en pratiques avancées.

Les critiques formulées par les représentants des professionnels de santé ont conduit les députés à abandonner le principe de la création de cette profession intermédiaire, proposition que la rapporteure a jugée « sans doute prématuré[e] » , au profit d'un état des lieux préalable des autres « leviers efficaces et pertinents » à disposition.

II - Un article largement remanié par l'Assemblée nationale : l'abandon de la création de la profession médicale intermédiaire au profit d'un bilan des pratiques avancées et protocoles de coopération

• En commission , une nouvelle rédaction globale de l'article a été actée par l'adoption de deux amendements identiques présentés par la rapporteure ainsi que par Jean-Louis Tourenne et les membres du groupe La République en marche 5 ( * ) .

Celle-ci tend à solliciter un rapport du Gouvernement au Parlement dressant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération. Ce rapport devra faire des propositions pour accélérer le déploiement de ces dispositifs, les simplifier et les améliorer, dans le double objectif d'un décloisonnement des professions de santé et d'un meilleur accès aux soins. Sa remise est attendue dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi.

L'exercice en pratique avancée et les protocoles de coopération

Les pratiques avancées, une possibilité ouverte par la loi « santé » de 2016, appliquée depuis aux seuls infirmiers dans certains domaines d'intervention

L'article 119 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a ouvert la possibilité pour les auxiliaires médicaux d'exercer en pratique avancée au sein d'une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant, au sein d'une équipe de soins en établissement de santé ou médico-social coordonnée par un médecin ou en assistance d'un médecin spécialiste en pratique ambulatoire.

Cette pratique s'adresse en priorité aux infirmiers ayant trois ans d'expérience professionnelle et diplômés au grade de Master soit après un an de formation dans le cadre d'une validation d'études supérieures soit après deux ans de formation.

Plusieurs textes réglementaires ( décrets n° 2018-629 et 2018-633 du 18 juillet 2018 et arrêtés publiés à la même date) ont précisé les domaines d'intervention ouverts à l'exercice infirmier en pratique avancée, les prérogatives élargies correspondantes et les conditions du diplôme d'État d'infirmier en pratique avancée.

Trois domaines sont concernés : les pathologies chroniques stabilisées (suivant une liste établie par arrêté, comportant notamment l'accident vasculaire cérébral, la cardiopathie, le diabète de type 1 et 2, l'insuffisance respiratoire chronique, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, l'épilepsie) ; l'oncologie et hémato-oncologie ; la maladie rénale chronique, dialyse, transplantation rénale.

Le décret n° 2019-836 du 12 août 2019 a étendu ces domaines d'intervention à la psychiatrie et santé mentale.

D'après les données de la DGOS, 57 infirmiers de pratique avancée ont été diplômés pour la première fois en juillet 2019 ; ils sont à ce jour 549. Un nouveau domaine d'intervention - la médecine d'urgence - fait l'objet de travaux pour une ouverture de la mention dédiée en septembre 2021.

Les protocoles de coopération, un levier pour réorganiser les modes d'intervention des professionnels de santé auprès du patient

Institués par l'article 51 de la loi « HPST » du 21 juillet 2009, ces protocoles permettent aux professionnels de santé d'opérer des transferts d'activités ou d'actes de soins entre eux. Si la majorité concerne la pratique en établissements de santé, le dispositif de coopération entre médecins généralistes et infirmiers, Action de santé libérale en équipe (Asalée), concerne environ 700 infirmiers et 3 000 médecins et permet d'améliorer la prise en charge des patients souffrant de maladies chroniques grâce à l'éducation thérapeutique et à une délégation d'actes.

Le cadre juridique de ces protocoles a été rénové par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019.

Depuis fin 2019, au titre de ce nouveau dispositif, 12 protocoles nationaux ont été autorisés et trois autres sont en cours d'autorisation. 40 protocoles conclus avant 2019 devraient être prolongés en tant que protocoles nationaux.

• En séance publique , l'Assemblée nationale a apporté plusieurs ajustements à la rédaction adoptée en commission :

- pour réduire à six mois au lieu d'un an après la promulgation de la loi le délai de remise de ce rapport (cinq amendements identiques présentés par des députés issus de différents groupes 6 ( * ) , adoptés avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement) ;

- pour intégrer à l'évaluation ainsi sollicitée une réflexion sur les questions de formation et de rémunérations , afin de contribuer en particulier au développement des pratiques avancées (amendement de Jean-Louis Tourenne et des membres du groupe La République en marche, sous-amendé par Marie Tamarelle-Verhaeghe pour substituer à la notion d'accès aux « soins » celle d'accès à la « santé » et par la rapporteure pour des précisions rédactionnelles, adopté ainsi modifié avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement) ;

- pour préciser que ce rapport évalue en outre « les besoins et les moyens en matière de réingénierie des formations des auxiliaires médicaux, notamment en vue de réformer les référentiels de ces formations, d'améliorer l'accès à ces formations et de poursuivre leur universitarisation » (amendement présenté par Annie Chapelier et des membres du groupe Agir ensemble, adopté avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement). Pour les auteurs de l'amendement, cette évaluation vise à permettre l'harmonisation de la formation et des statuts de différentes professions non médicales (kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthoptistes, orthésistes, manipulateurs-radio, ergothérapeutes...) dont les formations ne correspondent plus toujours aux réalités du terrain, et dont l'« universitarisation » s'effectue au cas par cas et dans un manque de cohérence ;

- pour préciser que ce rapport « étudie également la possibilité d'accompagner la délégation de tâches avec un transfert des responsabilités » (amendement présenté par Julien Borowczyk, adopté contre les avis défavorables de la commission et du Gouvernement). Pour l'auteur de l'amendement, cette précision se justifie dans la mesure où les soignants doivent être responsables des actes qu'ils pratiquent, « sans couverture d'une délégation purement subsidiaire » . La rapporteure y a opposé le fait que l'infirmier en pratique avancée est déjà responsable des actes qu'il réalise dans le cadre de ses fonctions.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié .

III - La position de la commission : la suppression d'un article vidé de toute portée

• Le rapporteur rejoint les critiques légitimes exprimées par les professionnels de santé à l'égard de la création d'une profession médicale intermédiaire, envisagée sans concertation avec les acteurs concernés et sans articulation claire avec les métiers existants. Il se rallie au retrait opportun de cette mesure du texte de la proposition de loi.

Évoquant pour certains les anciens « officiers de santé » et des risques d'une médecine à deux vitesses, la création d'une nouvelle profession qui ajouterait une nouvelle « strate » serait susceptible en outre de brouiller la lisibilité d'un système de santé dont l'organisation est déjà complexe à appréhender. Elle se superposerait à l'exercice en pratique avancée qui commence à peine et timidement à se déployer, en étant pour l'instant limité aux seuls infirmiers.

De l'avis de nombreux représentants entendus, une priorité serait déjà de travailler sur les contours des métiers de santé et les missions socles des professions existantes, souvent trop méconnues et insuffisamment valorisées, ou encore de poursuivre le déploiement de l'exercice avancé à d'autres auxiliaires médicaux, par exemple les masseurs-kinésithérapeutes qui attendent l'ouverture de discussions à ce sujet, en s'attachant à renforcer l'attractivité de cette pratique en termes de rémunération ou de conditions d'exercice. Le déploiement d'outils simples et interopérables de coordination, suivant des préconisations concrètes formulées en ce sens par la mission Notat, pourrait contribuer à rendre plus efficace la coopération entre les différents acteurs intervenant auprès d'un patient.

• S'il est certes préférable de dresser le bilan des dispositifs existants, dont le déploiement n'a pas encore porté ses pleins effets, avant d'envisager toute nouvelle évolution potentiellement déstructurante, la disposition « de repli » inscrite par l'Assemblée nationale - une demande de rapport - présente une rédaction confuse et une portée marginale .

Ce rapport est sollicité dans un délai relativement court de 6 mois alors même que les dispositifs visés n'ont pas encore atteints, à ce jour, leur pleine portée ou ont fait l'objet de récentes réformes, s'agissant des protocoles de coopération faisant par ailleurs, avant même les conclusions de ce rapport, l'objet d'une nouvelle refonte à l'article 1 er bis ci-après : le bilan sollicité risque ainsi de manquer de recul.

Dans tous les cas, suivant la position habituelle de la commission concernant les demandes de rapport, cette disposition sans portée normative n'a pas à figurer dans un texte de loi, a fortiori au sein d'un article premier tendant à l'ériger en l'une des dispositions phares du texte.

La commission a adopté les amendements COM-74 de son rapporteur et COM-42 de Bernard Jomier et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain de suppression de l'article .

La commission a supprimé cet article .

Article 1er bis A
Coopération entre les professionnels de santé et sociaux de l'éducation nationale

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à affirmer le principe de travail en coopération des professionnels de santé et sociaux de l'éducation nationale chargés de contribuer aux missions de promotion de la santé à l'école.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : affirmer la coopération entre les professionnels de santé et sociaux de l'éducation nationale

Cet article modifiant le code de l'éducation a été inséré par l'Assemblée nationale par l'adoption, en séance publique, d'un amendement présenté par Marie Tamarelle-Verhaeghe (La République en marche), sous-amendé par le Gouvernement.

D'après son exposé sommaire, il vise à « rendre effective la coopération entre les professionnels de santé et sociaux de l'éducation nationale » qui « reste l'un des derniers champs d'action où la coordination des professionnels n'est pas formalisée », induisant des pratiques hétérogènes sur le territoire et des carences en termes de cohérence des prises en charge pointées par la Cour des comptes dans un rapport de mai 2020 sur la politique de santé scolaire.

Le complète la liste des professionnels chargés de contribuer « en priorité » aux missions de promotion de la santé à l'école telles que définies à l'article L. 121-4-1 du code de l'éducation : celle-ci est étendue des médecins et infirmiers de l'éducation nationale - actuellement visés - aux « professionnels médicaux, infirmiers, assistants de service social et psychologues de l'éducation nationale, travaillant ensemble de manière coordonnée ». Le sous-amendement du Gouvernement a substitué à la notion de travail en « équipes pluri-professionnelles » des professionnels, susceptible d'évoquer chez certains un fonctionnement hiérarchisé, celle de travail « ensemble de manière coordonnée » 7 ( * ) .

Le modifie « en miroir » l'article L. 541-1 du même code, précisant en outre que « l'ensemble des personnels de la communauté éducative » participe à la mission de promotion de la santé des élèves .

II - La position de la commission : la suppression de l'article

Cet article répond à une ambition légitime. Il présente toutefois une portée limitée et ne lèvera en rien les difficultés liées aux carences en effectifs de médecins, infirmiers ou encore psychologues scolaires dans les écoles, collèges et lycées, pointées depuis de nombreuses années.

En outre, le texte tel qu'adopté par l'Assemblée nationale ne permet pas de dissiper toutes les inquiétudes quant à l'organisation souhaitée des acteurs de la santé scolaire, remettant en question le travail important de coordination fourni notamment par les infirmiers de l'éducation nationale.

Enfin, la justification de la place de cet article dans une proposition de loi relative au système de santé est discutable.

Pour ces raisons, la commission a adopté l'amendement COM-75 de son rapporteur de suppression de l'article.

La commission a supprimé cet article .

Article 1er bis
Extension des protocoles locaux de coopération

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, complète le cadre juridique applicable aux protocoles locaux de coopération entre professionnels de santé pour étendre les dispositions en vigueur au sein des équipes hospitalières aux professionnels de santé exerçant en ambulatoire, à ceux exerçant dans des établissements médico-sociaux et, enfin, entre des professionnels de santé exerçant à la fois en ambulatoire et dans un ou plusieurs établissements de santé ou médico-sociaux.

La commission a proposé une nouvelle rédaction de cet article tendant à revenir au cadre juridique des protocoles locaux issu de la loi « santé » de juillet 2019, abrogé avant d'avoir pu entrer en application.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : la définition d'un nouveau cadre juridique pour l'établissement de protocoles locaux de coopération en ville ou en établissement médico-social

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte en commission, par l'adoption d'un amendement de sa rapporteure.

Il complète le cadre juridique applicable aux protocoles de coopération entre professionnels de santé, déjà remis à plat par la loi « santé » de juillet 2019 8 ( * ) et ajusté par la loi « ASAP » de décembre 2020 9 ( * ) , en complétant les dispositions du code de la santé publique de huit nouveaux articles (L. 4011-4-1 à L. 4011-4-8).

A. Les protocoles de coopération : un cadre juridique mouvant

Institués par l'article 51 de la loi « HPST » du 21 juillet 2009, les protocoles de coopération entre professionnels de santé leur permettent d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leur mode d'intervention auprès du patient.

Afin de rendre ces démarches plus opérationnelles et d'en favoriser le déploiement, la loi « santé » de juillet 2019 a engagé la refonte d'un cadre juridique perçu comme complexe et lourd 10 ( * ) , en distinguant deux types de procédures :

- des « protocoles nationaux » (article L. 4011-3) à déployer sur l'ensemble du territoire et auxquels peuvent adhérer les professionnels de santé volontaires, suivant une liste de priorités proposée par un comité national des coopérations interprofessionnelles réunissant des représentants de l'assurance maladie, de la HAS, des ministères concernés et des ARS. Les protocoles autorisés sur cette base concernent par exemple les interventions suivantes : réalisation de sutures de plaies simples par un infirmier en lieu et place d'un médecin ; prise en charge du traumatisme en torsion de la cheville ou de la douleur lombaire aiguë inférieure à 4 semaines par le masseur-kinésithérapeute dans le cadre d'une structure pluri-professionnelle ; première consultation d'alcoologie par une infirmière, pour des patients adressés par un service des urgences, etc. ;

- des « protocoles expérimentaux locaux » (article L. 4011-4), laissés à l'initiative des professionnels de santé et intégrés au cadre général d'expérimentations à dimension régionale instauré par l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 en ce qui concerne leurs conditions d'instruction, d'autorisation et d'évaluation.

Le dispositif des « protocoles expérimentaux locaux » a été dans un second temps réécrit par l'article 97 de la loi « ASAP », issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture alors que le Sénat avait été saisi en premier de ce texte.

Cet article a proposé une nouvelle rédaction de l'article L. 4011-4 du code de la santé publique afin de permettre une application de la mesure 9 du plan « Investir pour l'hôpital » du 20 novembre 2019 visant à faire confiance aux équipes de soins pour accélérer le déploiement des protocoles de coopération et à engager, d'après l'exposé sommaire de l'amendement, « une simplification majeure » pour leur élaboration et leur mise en oeuvre.

Il ouvre ainsi la possibilité pour des professionnels de santé exerçant en établissement de santé public ou privé ou au sein d'un groupement hospitalier de territoire (GHT) d'élaborer et mettre en oeuvre à leurs niveaux de tels protocoles sur décision du directeur de l'établissement - après avis conforme des instances médicales compétences - et après une déclaration auprès de l'ARS. Comme les protocoles nationaux, ces protocoles doivent satisfaire aux exigences essentielles de qualité et de sécurité fixées par voie réglementaire après avis de la HAS 11 ( * ) .

Le rapport de la mission présidée par le Pr Claris sur la gouvernance hospitalière constatait également des processus trop longs pour apporter des bénéfices rapides pour les prises en charge et appelait à une simplification et une décentralisation du recours aux protocoles de coopération. Il proposait à cet égard une instruction à l'échelon régional, prenant appui sur un comité interprofessionnel régional, composé de représentants des établissements (médicaux et paramédicaux), des ordres et des URPS.

La procédure issue de la loi ASAP a retenu des modalités différentes, se substituant à celle jusqu'alors prévue pour les expérimentations de dimension régionale (sélection par l'ARS sur la base d'un cahier des charges voire d'un appel à projets, autorisation par arrêté du directeur général de l'ARS après le cas échéant avis conforme de la HAS).

Cette simplification s'est toutefois accompagnée d'un recentrage de ces dispositions sur les seules équipes hospitalières, alors que les dispositions issues de la loi « santé » de 2019 visaient tous les professionnels de santé travaillant en équipe.

D'après la DGOS, aucun protocole local n'avait été mis en place depuis 2019 sur la base de ces dispositions. Lors de la loi ASAP, la priorité allait au déploiement des protocoles à l'hôpital sans que l'hypothèse de leur déclinaison à la ville soit alors suivie d'effet dans le contexte de mobilisation de ses acteurs par la crise sanitaire.

B.  La proposition de loi étend des dispositions recentrées par la loi ASAP sur le seul cadre hospitalier aux acteurs de la ville et du médico-social

L'article 1 er bis décline la procédure introduite par la loi ASAP à l'article L. 4011-4 du code de la santé publique pour les équipes de professionnels de santé hospitalières aux acteurs suivants :

- les professionnels de santé exerçant au sein des équipes de soins primaires, des équipes de soins spécialisés et des communautés professionnelles territoriales de santé, à condition que celles-ci soient signataires d'un accord conventionnel interprofessionnel avec l'assurance maladie. Le protocole est alors intégré à leur projet de santé ;

- les professionnels de santé exerçant dans un même établissement médico-social public ou privé, sur direction du directeur et, pour les Ehpad, après avis conforme de la commission de coordination gériatrique ;

- les professionnels de santé exerçant à la fois en ambulatoire dans le cadre d'une équipe de soins ou CPTS, dans un ou plusieurs établissements de santé ou médico-sociaux, sur décision des « entités décisionnaires » concernant chacune de ces catégories de professionnels.

Dans tous les cas, les protocoles ainsi conclus ne sont valables qu'au sein de l'équipe ou de l'établissement qui en est à l'initiative.

Ces protocoles font l'objet d'une déclaration au directeur général de l'ARS et d'un suivi annuel sur la base d'indicateurs par les responsables concernés. Leur déploiement sur l'ensemble du territoire, en tant que protocole national, pourra être proposé par l'équipe instigatrice, après un examen par le comité national des coopérations interprofessionnelles et un avis conforme de la HAS.

II - La position de la commission : éviter une nouvelle évolution du cadre juridique des protocoles de coopération qui ne lève pas, en l'état, toutes les interrogations des professionnels de santé concernés

Pour le rapporteur, il est étonnant de placer sous l'aune de la confiance et de la simplification recherchés par ce texte une nouvelle refonte des protocoles de coopération, la troisième en moins de deux ans.

La rédaction proposée, créant huit nouveaux articles au sein du code de la santé publique, ne traduit pas spontanément l'exigence de souplesse recherchée. Pour les professionnels exerçant en ville, le dispositif se limite aux professionnels structurés en équipes de soins ou communautés professionnelles territoriales de santé ayant conclu un accord conventionnel avec l'assurance maladie, ce qui en limitera la portée. Dans le secteur médico-social, ils n'incluent pas les services tels que les SIAAD (service intervention aide à domicile) travaillant en étroite coopération avec les établissements. En outre, des acteurs ordinaux, notamment le conseil national de l'ordre des médecins et celui des sages-femmes, ont émis des réserves quant à l'absence de regard extérieur sur les protocoles établis, au regard des exigences de qualité et de sécurité des soins, et quant aux disparités de pratiques qui en résulteront.

Il apparaît souhaitable pour le rapporteur d'avoir plus de recul sur la refonte des protocoles locaux à l'hôpital engagée par la loi ASAP avant d'étendre le dispositif aux autres acteurs, en concertation avec eux. A cet égard, il est étonnant que la proposition de loi porte à la fois cette réforme et, dans son article 1 er , affiche l'objectif de dresser le bilan des protocoles de coopération en vue de simplifier - une nouvelle fois - ce dispositif.

Dans la mesure cependant où la loi ASAP a supprimé toute possibilité pour les professionnels de santé n'exerçant pas au sein d'un établissement de santé de prendre l'initiative de tels protocoles locaux, la commission a adopté l'amendement COM-76 de son rapporteur visant à rétablir, pour les acteurs de l'ambulatoire et du secteur médico-social, dans l'attente d'un éventuel réexamen, les dispositions issues de la loi « santé » de juillet 2019 qui n'avaient pas encore trouvé le temps de s'appliquer .

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 1er ter A (nouveau)
Participation de représentants du ministre en charge du handicap au comité national des coopérations interprofessionnelles

La commission a adopté, avec l'avis favorable du rapporteur, l' amendement COM-46 de Bernard Jomier et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, tendant à insérer un article additionnel.

Celui-ci modifie l'article L. 4011-3 du code de la santé publique afin d'intégrer dans la composition du comité national des coopérations interprofessionnelles, chargé de se prononcer sur le déploiement des protocoles nationaux de coopération entre professionnels de santé, des représentants du ministre en charge du handicap. Cela vise à mieux prendre en compte les enjeux de prise en charge et d'accès aux soins des personnes en situation de handicap dans ces protocoles.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 1er ter
Association de l'UNPS aux travaux sur les protocoles de coopération

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, propose d'associer l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS) aux travaux du comité national des coopérations interprofessionnelles chargé du pilotage des protocoles nationaux de coopération entre professionnels de santé.

La commission l'a adopté sans modification.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : associer l'UNPS aux travaux du comité national des coopérations interprofessionnelles

Cet article a été inséré en séance publique, avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement, à l'initiative d'Annie Vidal et des membres du groupe La République en marche.

Il complète l'article L. 4011-3 du code de la santé publique relatif au comité national des coopérations interprofessionnelles, institué par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé de juillet 2019 à l'occasion de la refonte du cadre juridique des protocoles de coopération entre professionnels de santé. Ce comité, qui réunit des représentants de l'assurance maladie, de la Haute Autorité de santé, des services ministériels et des agences régionales de santé, est chargé de proposer la liste des protocoles nationaux de coopération à élaborer et à déployer sur l'ensemble du territoire et d'apporter un appui aux professionnels de santé dans l'élaboration de ces protocoles.

Les conseils nationaux professionnels 12 ( * ) (CNP) et les ordres des professions concernées sont associés aux travaux de ce comité, cette précision étant issue d'un amendement adopté au Sénat lors de la discussion du projet de loi « santé » en 2019.

Cet article étend ces dispositions à l'Union nationale des professions de santé (UNPS) afin d'associer également aux travaux de ce comité cette organisation interprofessionnelle réunissant, aux termes de l'article L. 182-4 du code de la sécurité sociale, des représentants de l'ensemble des professions de santé libérales.

II - La position de la commission : une disposition permettant d'impliquer des représentants de professionnels libéraux

L'UNPS, créée par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, regroupe 22 organisations syndicales de professionnels de santé en exercice libéral et représente 12 professions de santé 13 ( * ) . Elle a notamment pour buts d'émettre des propositions relatives à l'organisation du système de santé ainsi qu'à tout sujet d'intérêt commun aux professions de santé, ainsi que des avis sur des propositions de décisions de l'Uncam.

Le rapporteur ne voit pas d'opposition à associer cette organisation aux travaux sur les protocoles de coopération, certaines professions de santé représentées au sein de l'UNPS étant par ailleurs dépourvues d'une instance ordinale ou d'un conseil national professionnel.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 2 Les auxiliaires médicaux visés par le code de la santé publique (Livre III du la quatrième partie) sont : les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les ergothérapeutes et psychomotriciens, les orthophonistes et orthoptistes, les manipulateurs d'électroradiologie médicale, les audioprothésistes, les opticiens-lunetiers, les prothésistes et orthésistes pour l'appareillage des personnes handicapées et les diététiciens.

* 3 Le dossier de presse du Ségur de la santé, à l'appui de cette mesure, dresse le constat suivant, sous la forme d'une citation : « Notre hôpital manque de médecins, de longue date. A chaque fois qu'un patient a besoin d'une radio ou d'une prescription de médicament, je dois appeler le médecin de garde pour qu'il vienne prescrire sur notre logiciel de service. Infirmière depuis 20 ans dans l'unité de soins, je ne peux pourtant pas le faire moi-même. Avant, nous avions un interne, c'était plus pratique. Ca évitait de prendre du temps à nos médecins, déjà débordés. L'an dernier, un médecin diplômé de Guinée était venu, lui avait le droit de prescrire. Dommage qu'en France, on n'ait personne entre le bac + 3 de l'infirmière et le bac + 10 du docteur. »

* 4 « Rapport relatif aux nouveaux métiers en santé de niveau intermédiaire. Professionnels d'aujourd'hui et nouveaux métiers : des pistes pour avancer », rapport à Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée de la santé, présenté par Laurent Hénart, député de Meurthe-et-Moselle, Yvon Berland, professeur de médecine, président de l'Université Aix-Marseille II et Danielle Cadet, coordinatrice générale des soins à l'APH-HP, janvier 2011.

* 5 La commission a également adopté, par coordination, un amendement de sa rapporteure modifiant l'intitulé du chapitre Ier du projet de loi.

* 6 Amendements présentés par Dino Cinieri, Les Républicains, Thibault Bazin, Les Républicains, Jeanine Dubié, Libertés et Territoires, Gisèle Biémouret, Socialistes et apparentés, et Sereine Mauborgne, La République en marche.

* 7 Ce sous-amendement a également supprimé la modification identique à celle inscrite à l'article L. 541-1 du code de l'éducation qu'il était proposé d'introduire en miroir dans code de la santé publique à l'article L. 2325-1 relatif aux visites médicales obligatoires des enfants.

* 8 Article 66 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 9 Articles 96 et 97 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

* 10 Comme le rapporteur l'avait mis en avant dans un rapport d'information établi au nom de la commission des affaires sociales en janvier 2014 avec Catherine Génisson (rapport n° 318).

* 11 Ces exigences essentielles de qualité et de sécurité des protocoles de coopération entre professionnels de santé ont été définies par le décret n° 2019-1482 du 27 décembre 2019.

* 12 Les conseils nationaux professionnels, mentionnés à l'article L. 4021-3 du code de la santé publique, regroupent, pour chaque profession de santé ou, le cas échéant, pour chaque spécialité, les sociétés savantes et les organismes professionnels. Le décret n° 2019-17 du 9 janvier 2019 assigne notamment à ces conseils la mission de « contribuer à analyser et à accompagner l'évolution des métiers et des compétences des professionnels de santé ».

* 13 Ces professions sont les suivantes : audioprothésistes, chirurgiens-dentistes, biologistes responsables, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs, médecins généralistes et spécialistes, orthophonistes, orthoptistes, pédicures-podologues, pharmaciens titulaires d'officine, transporteurs sanitaires, sages-femmes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page