N° 505

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mars 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux (procédure accélérée),

Par Mme Françoise GATEL,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

377 et 506 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le 31 mars 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois du Sénat a examiné, sur le rapport de Françoise Gatel (Union Centriste - Ille-et-Vilaine), le projet de loi n° 377 (2020-2021) ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux et des élus des communes de Nouvelle-Calédonie .

Ces ordonnances constituent le volet législatif d'une réforme d'ensemble , attendue de longue date, tendant à apporter une réponse bienvenue aux difficultés d'un dispositif considéré, de l'avis général, comme largement dysfonctionnel.

La commission a ainsi approuvé la ratification des deux ordonnances précitées. Elle a néanmoins souhaité, par l'adoption de 15 amendements , renforcer les garanties relatives aux droits des élus à la formation, améliorer la prévisibilité financière du système , affermir le contrôle des organismes de formation et préserver les droits acquis à la formation des élus.

I. LE RECOURS À DES ORDONNANCES POUR UNE RÉFORME D'ENSEMBLE NÉCESSAIRE

A. UN DROIT À LA FORMATION DES ÉLUS LOCAUX INSUFFISAMMENT EFFECTIF

1. Un droit à la formation reposant sur deux dispositifs complémentaires

Avant d'être reconnue comme un droit dans la loi, la formation des élus locaux reposait largement sur des initiatives ponctuelles, mal encadrées juridiquement et portées à titre principal par des structures de nature politique ou associative . À la suite du premier acte de décentralisation de 1982, la reconnaissance de compétences accrues aux collectivités territoriales a renforcé la technicité des fonctions exercées par les élus locaux.

En conséquence, le droit à la formation des élus locaux a été créé par les articles 9 à 14 de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux . Ce premier dispositif est financé par les collectivités, qui sont tenues d'inscrire ces dépenses à hauteur d'un montant compris entre un plancher de 2 % du total des indemnités dues aux élus et un plafond de 20 % de ce même montant 1 ( * ) . Le contenu de ces formations doit être lié à l'exercice du mandat.

Face à l'inefficacité d'un système garantissant des droits très largement sous-exécutés, les sénateurs Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur avaient suggéré l'instauration d'un droit individuel à la formation des élus locaux (DIFE), dans le cadre d'une proposition de loi devenue la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Ce DIFE est constitué d'un crédit annuel de vingt heures de formation, cumulable sur la durée du mandat, et financé par « une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, prélevée sur les indemnités de fonction perçues » par les élus. La mise en oeuvre de ce droit individuel, exercé sans intervention de la collectivité dont l'élu concerné est membre, « relève de l'initiative de chacun des élus et peut concerner des formations sans lien avec l'exercice du mandat » comme, le cas échéant, des formations visant à « l'acquisition des compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle à l'issue du mandat ».

2. Un système aujourd'hui à bout de souffle

La mise en oeuvre du dispositif du DIFE s'est néanmoins accompagnée de difficultés réelles . Un rapport commun de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), rendu en 2020, dresse ainsi le constat d'un échec patent.

Cet échec est avant tout celui de la soutenabilité financière du dispositif , particulièrement précaire, qui n'est aujourd'hui garantie que par le recours extrêmement faible des élus à leur DIFE : moins de 3 % d'entre eux en bénéficient actuellement. En effet, les recettes alimentant le fonds sont plafonnées à 1 % du montant des indemnités des élus, soit 17 millions d'euros à ce jour 2 ( * ) . Or, il n'y a, à l'inverse, pas de plafonnement des dépenses au titre du DIFE : une heure de formation peut donc potentiellement avoir un coût extrêmement élevé 3 ( * ) .

Il résulte de cette asymétrie que l'équilibre du dispositif ne peut être assuré qu'au prix d'une concentration extrême de la consommation des droits 4 ( * ) , dont moins de 3 % des élus bénéficient effectivement : dans l'hypothèse d'un coût horaire plafonné à 80 euros, les recettes annuelles ne couvriraient ainsi que la consommation de 2,13 % des élus 5 ( * ) .

Le défaut d'encadrement du dispositif s'est traduit par certains abus. Faute d'un contrôle suffisant, le recours généralisé à la sous-traitance 6 ( * ) prive d'effet l'agrément accordé aux organismes de formation. Il n'existe au demeurant pas de réel contrôle de la qualité des actions de formation. Un tel contrôle est d'autant plus difficile à réaliser qu'aucun référentiel permettant de définir l'éligibilité des formations au financement par le fonds DIFE n'existe, ce qui peut conduire à des décisions d'inéligibilité dépourvues de fondement juridique solide.


* 1 Le plafonnement, qui existait dès la loi du 3 février 1992, avait été élargi par la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale : auparavant limitée au montant total des crédits ouverts au titre des indemnités de fonction des élus locaux, cette proportion est désormais calculée sur les indemnités de fonction susceptibles d'être allouées aux élus, afin d'éviter que les élus refusant leur indemnité soient privés de droits. Au surplus, le plancher de 2 % a été ajouté par la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

* 2 Le montant total des indemnités des élus locaux s'élève à 1,7 milliard d'euros. Par conséquent, les recettes du fonds de financement du DIFE, qui représentent 1 % de ce montant, s'élèvent à 17 millions d'euros.

* 3 Cette absence de plafonnement a généré des abus : le rapport de janvier 2020 de l'IGA et de l'IGAS précité mentionne ainsi le cas de formations très généralistes représentant un coût de plusieurs milliers d'euros.

* 4 De fait, cette concentration du marché du côté de la demande trouve son pendant du côté de l'offre : un nombre restreint d'organismes de formation concentre une part importante des recettes.

* 5 Rapport de l'IGA et de l'IGAS, précité, p. 33.

* 6 Le recours à la pratique du « porte-avions », par lequel un organisme agréé fait bénéficier par sous-traitance un nombre parfois important de structures ne bénéficiant pas de l'agrément, est particulièrement bien documenté dans le secteur.

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