B. SI LE GOUVERNEMENT A BIEN UN OBJECTIF D'AMÉLIORATION DES COMPTES PUBLICS EN SORTIE DE CRISE, IL N'A PAS DE STRATÉGIE POUR L'ATTEINDRE

1. Malgré un objectif de consolidation important, un retour à l'équilibre des comptes publics sera moins rapide pour la France que pour ses partenaires

Comme le rapporteur général l'avait indiqué à l'occasion du programme de stabilité, la France a présenté une trajectoire de consolidation des comptes publics à l'horizon 2027.

Celle-ci repose sur l'amélioration progressive de son déficit public à compter de 2023 afin de revenir sous la barre des 3 % de PIB à compter
de 2027.
D'après les données du programme de stabilité, l'effort devrait porter exclusivement sur des mesures en dépenses.

Dans la mesure où la prévisibilité en matière de prélèvements obligatoires apparaît comme un facteur clé pour favoriser la désépargne des ménages - qui pourraient, en cas contraire, anticiper des hausses d'impôts -, le rapporteur général adhère à la décision de faire reposer l'effort sur la dépense publique. À ceci s'ajoute évidemment le niveau déjà très élevé des prélèvements obligatoires en France, y compris par comparaison avec ses voisins européens.

De même, alors que l'écart de production devrait se refermer en 2023 selon les prévisions du Gouvernement, le point de départ de cet effort paraît pertinent.

En effet, les multiplicateurs budgétaires sont plus faibles en haut de cycle économique - lorsque l'écart de production est refermé ou positif -, ce qui implique que l'impact d'une baisse de la dépense publique sur le PIB sera moins important qu'en bas de cycle - lorsque l'écart de production est négatif comme aujourd'hui .

Toutefois, la France reviendra à l'équilibre des comptes publics moins rapidement que ses partenaires européens et ce malgré un objectif ambitieux de réduction de la dépense publique de l'ordre de 68 milliards d'euros.

Ainsi, d'après les données communiquées à la Commission européenne dans le cadre du programme de stabilité, les quatre principales économies de la zone euro projettent un effort de consolidation bien plus rapide.

Prévision d'évolution du solde public de
certains États membres de la zone euro

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances du Sénat d'après le programme de stabilité des États membres

Cette différence peut s'expliquer par le fait que la France entretenait déjà, avant la crise, des niveaux de déficit public plus important que ceux de ses partenaires.

En conséquence, alors que la sortie de la crise sanitaire et des mesures de soutien entraîne un « retour à la normale », ces pays reviennent plus rapidement à l'équilibre des comptes publics que la France.

Alors que le Sénat rappelait fréquemment la nécessité de profiter de la relativement bonne santé économique du pays pour redresser les comptes publiques avant la crise, les efforts se sont avérés insuffisants et désormais, le retour à un niveau raisonnable du déficit et de l'endettement sera plus long et probablement douloureux que pour nos voisins.

L'effort de réduction de l'endettement public projeté par la France est également un facteur de distinction puisqu'il se traduirait par une hausse annuelle moyenne de 0,05 point de PIB entre 2021 et 2024.

Dans le même temps, nos partenaires réduiraient leur endettement de l'ordre de :

- 0,7 point de PIB par an en Allemagne ;

- 0,8 point de PIB par an au Pays-Bas ;

- 1,8 point par an en Espagne ;

- 1,7 point par an en Italie.

Là-encore, il s'agit moins pour le rapporteur général de plaider pour une accélération de cet objectif de désendettement dont la trajectoire apparaît crédible et raisonnable que d'observer que la France se démarque de ses partenaires.

Par ailleurs, l'ampleur des consolidations qui sont proposées par nos partenaires interroge quant à l'impact négatif qu'elles pourraient avoir sur la croissance de la zone euro . En effet, aucun d'entre eux n'aura refermé son écart de production au moment où il mettra en oeuvre cet effort.

2. À ce jour, la France n'a pas défini les moyens permettant de respecter sa trajectoire de baisse des dépenses

Comme le rapporteur général l'a relevé récemment, l'objectif d'amélioration des comptes publics proposé par la France impliquerait, en première analyse, de contenir la croissance de la dépense publique en dessous de 0,7 % par an à compter de 2022.

En réalité et compte tenu du scénario gouvernemental concernant l'évolution de la charge de la dette, la croissance de la dépense publique primaire devrait être contenue à 0,4 % par an pour atteindre les objectifs visés.

À partir des travaux réalisés par la commission pour l'avenir des finances publiques 17 ( * ) , qui estimait le tendanciel de croissance des dépenses publiques à 0,95 % par an à politique inchangée, le rapporteur général avait déjà estimé lors de l'examen du programme de stabilité que l'effort requis s'élevait à 41 milliards d'euros au cours du prochain quinquennat.

En tenant compte d'hypothèses plus proches des observations empiriques - concernant, en particulier l'indexation du point d'indice de la fonction publique et la croissance de l'ONDAM -, il est permis d'estimer que l'effort à réaliser serait plus proche de 68 milliards d'euros.

En tout état de cause, quels que soient les montants réellement en jeu, ces efforts sont considérables et n'ont fait l'objet d'aucune documentation au programme de stabilité ou dans les débats ultérieurs .

Plus encore, certaines pistes d'économies dont le rendement était déjà insuffisant - notamment la réforme des retraites - apparaissent aujourd'hui écartées ou reportées.

Le rapporteur général regrette que le Gouvernement ne présente à ce jour aucune stratégie permettant de respecter la trajectoire de consolidation.


* 17 « Nos finances publiques post-Covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu », commission pour l'avenir des finances publiques, mars 2019.

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