II. LA VACCINATION UNIVERSELLE OBLIGATOIRE : SEULE VOIE RÉALISTE POUR VAINCRE L'ÉPIDÉMIE

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE EXTENSION DE L'OBLIGATION VACCINALE EN POPULATION GÉNÉRALE

1. Les limites du passe sanitaire

Bien que l'annonce de l'extension du passe sanitaire ait permis une augmentation spectaculaire des vaccinations au cours de la seconde moitié du mois de juillet dernier, il n'est toutefois pas suffisant pour atteindre un niveau de couverture vaccinale permettant de maîtriser durablement l'épidémie, avec en particulier une vaccination des personnes âgées qui ne progresse désormais plus qu'à la marge. Même si l'on peut s'attendre à un rebond des injections de premières doses à compter de la fin de la gratuité des tests de dépistage hors prescription médicale prévue le 15 octobre 2021, il devrait être limité dans son ampleur et ne concerner qu'un nombre limité de personnes ayant jusqu'ici préféré se faire tester plutôt que se faire vacciner.

Par ailleurs, le passe sanitaire présente plusieurs inconvénients tant sur le plan socioéconomique que sur le plan des libertés individuelles. Les personnes défavorisées ou isolées sont en effet représentées de façon disproportionnée chez les personnes les plus éloignées de la vaccination. Les restrictions d'accès à certains lieux dans le cadre de la mise en oeuvre du passe sanitaire sont donc susceptibles de les pénaliser plus fortement dans l'accès à des structures de loisirs, de culture ou de socialisation. De plus, la mise en oeuvre du passe sanitaire pose des difficultés pratiques , notamment s'agissant des modalités de son contrôle à l'entrée de certains lieux collectifs, comme les établissements de santé, les Ehpad et les restaurants.

Enfin, comme l'a souligné le Pr Arnaud Fontanet, le maintien, au travers du passe sanitaire dans sa configuration actuelle, de la possibilité de se rendre des lieux collectifs en étant seulement testé négatif avec un recul pouvant aller jusqu'à 72 heures, sans disposer d'une immunité vaccinale ou naturelle, reste problématique au regard du risque de contracter la covid-19 dans des lieux où le respect des gestes barrières se relâche inévitablement .

Selon le rapporteur, l'impact du passe sanitaire sur la circulation du virus reste ainsi discutable car, au-delà de ces failles méthodologiques, des personnes non vaccinées et non testées peuvent être tentées de se reporter en plus grand nombre sur des lieux collectifs non soumis au passe sanitaire (transports infrarégionaux, espaces commerciaux...).

2. Un appel à la responsabilité de la part de représentants de la communauté médicale et hospitalière

La mise en place d'une obligation vaccinale pour faire face à une menace épidémique n'est pas nouvelle en France : elle a été instituée contre la variole de 1902 à 1984, contre la diphtérie en 1938, contre le tétanos en 1940, contre la tuberculose en 1950 28 ( * ) et contre la poliomyélite en 1964.

Dans un communiqué en date du 8 septembre 2021 29 ( * ) , l'académie nationale de médecine a appelé à « ne pas renoncer à l'immunité collective ». Mettant en avant « la nécessité de compléter rapidement la couverture vaccinale pour atteindre cette immunité collective », elle préconise de « remplacer au plus tôt le passe sanitaire par un passe vaccinal ». La position de l'académie en faveur de l'obligation vaccinale de l'ensemble des Français est constante, puisqu'elle plaidait déjà, dans un communiqué en date du 19 juillet 2021 30 ( * ) , pour « ne rendre obligatoire qu'une seule mesure : la vaccination contre la covid-19 de tous les Français âgés de 12 ans et plus ».

Pour sa part, dans un communiqué en date du 9 juillet 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) a insisté sur le fait qu'au-delà de la vaccination obligatoire des professionnels de santé, « il est nécessaire d'entamer dès à présent la réflexion sur une extension plus importante de cette obligation vaccinale en population générale afin de pouvoir prendre à temps cette décision si elle s'imposait ». Rappelant que l'obligation vaccinale était un débat politique qu'il n'appartient pas à la HAS de trancher, sa présidente, la Pr Dominique Le Guludec, a souligné en septembre 2021 lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat 31 ( * ) , qu'« aujourd'hui l'épidémie décroît, mais nul ne sait si cela durera. La couverture vaccinale n'est pas encore suffisante pour garantir que l'hôpital ne sera pas saturé en cas d'apparition d'un nouveau variant virulent . »

Par ailleurs, le président de la fédération hospitalière de France, Frédéric Valletoux, s'est prononcé, dans un entretien à la presse le 31 juillet 2021, en faveur de la vaccination obligatoire pour tous, en estimant que « c'est une mesure simple, claire et efficace, quand la mise en oeuvre du passe s'annonce, elle, d'une complexité rare , notamment dans les hôpitaux pour tracer une frontière entre les patients pour lesquels il sera demandé à l'entrée, et les autres » 32 ( * ) .

Dans un rapport de juillet 2021 33 ( * ) , la mission d'information du Sénat sur les effets des mesures en matière de confinement a mis en avant, à partir d'une étude réalisée par l'institut Pasteur, le fait que « la dynamique infectieuse, très majoritairement imputable aux personnes de moins de 60 ans, sera efficacement endiguée par une large diffusion du vaccin ». Estimant que les dispositifs d'incitation à la vaccination ne permettront pas d'atteindre les niveaux de couverture vaccinale requis pour maîtriser l'épidémie, elle appelle dès lors à faire le choix d'une obligation vaccinale étendue progressivement par tranches d'âge . Pourraient ainsi être concernées par l'obligation vaccinale, dans un premier temps, les personnes les plus vulnérables et susceptibles d'être hospitalisées, à savoir les personnes de plus de 60 ans. La vaccination obligatoire pourrait ensuite être étendue vers les classes d'âge intermédiaire de plus de 24 ans.

Interrogé le 15 juillet 2021 sur l'intérêt d'une vaccination obligatoire pour tous, M. Gérard Larcher, président du Sénat, voyant dans la vaccination « un acte de solidarité collective », a déclaré que « si nous voyons que c'est nécessaire, alors il faudra y aller », estimant que ce sujet devra être réexaminé au dernier trimestre 2021.

3. Une obligation vaccinale pour tous déjà expérimentée en Nouvelle-Calédonie

Avant l'arrivée du variant Delta sur son territoire en septembre 2021, la Nouvelle-Calédonie était parvenue à maintenir une vie quotidienne quasi normale grâce à la mise en place d'un « sas sanitaire » imposant à tous les entrants sur le territoire de se soumettre à leur arrivée à une quatorzaine en milieu hôtelier. Ce sas sanitaire, qui avait jusqu'alors permis à la Nouvelle-Calédonie de conserver son statut de « territoire 0 covid », a néanmoins fait l'objet de contentieux qui ont conduit à exempter un certain nombre de personnes d'observer une quatorzaine à leur entrée sur le territoire.

Face au risque que faisait peser cette remise en cause du sas sanitaire pour la maîtrise de la circulation du virus, les autorités de la collectivité ont, dans un premier temps, envisagé de subordonner toute entrée sur le territoire à la présentation d'un justificatif vaccinal . Compte tenu du risque contentieux pour motif de rupture d'égalité que courrait cette mesure si elle était prise isolément, l'État, seul compétent pour définir les conditions d'entrée sur le territoire calédonien, a informé les responsables politiques locaux qu'il n'était prêt à considérer cette solution que si le territoire imposait une obligation vaccinale en population générale.

Dans ces conditions, un projet de délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie a été amendé afin de soumettre l'ensemble des résidents du territoire à une obligation vaccinale qui devra être satisfaite au plus tard le 31 décembre 2021. Cette délibération a été adoptée à l'unanimité en commission permanente du congrès le 3 septembre 2021 34 ( * ) .

Dans un premier temps, la mise en place de cette obligation ne s'accompagne pas de sanction en cas de non-respect. Seules certaines catégories de professionnels 35 ( * ) s'exposent, en l'absence de justificatif vaccinal à compter du 31 octobre 2021, à une amende administrative légèrement inférieure à 1 500 euros 36 ( * ) . En fonction de l'évolution du taux de couverture vaccinale du territoire, il est prévu que le congrès puisse, par délibération ultérieure, décider de sanctions applicables à la population générale.

La courbe des vaccinations en Nouvelle-Calédonie s'est fortement accélérée au début du mois de septembre : dès la semaine suivant l'adoption de la délibération, le nombre d'injections hebdomadaire a augmenté de 16 % par rapport à la semaine précédente, alors qu'il n'avait progressé au mois d'août qu'à un rythme de 4 % par semaine. Il est néanmoins difficile à ce stade de mesurer l'impact direct de cette obligation vaccinale sur l'évolution du taux de vaccination. En effet, le 6 septembre 2021, le variant Delta a fait son entrée en Nouvelle-Calédonie , suscitant au sein de la population un sentiment de crainte puissant qui a pu contribuer à l'intensification du recours à la vaccination, au sein d'un territoire dont 67,3 % de la population adulte est en surpoids 37 ( * ) - dont 37,7 % est obèse - et qui compte près de 20 000 personnes diabétiques 38 ( * ) .

Évolution du nombre de personnes vaccinées en Nouvelle-Calédonie

Source : Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie


* 28 Cette obligation a été suspendue en population générale en 2007 (décret n° 2007-1111 du 17 juillet 2007).

* 29 Académie nationale de médecine, « Ne pas renoncer à l'immunité collective », communiqué du 8 septembre 2021.

* 30 Académie nationale de médecine, « Vaccination ou isolement : du bon usage de l'obligation », communiqué du 19 juillet 2021.

* 31 Audition du 22 septembre 2021.

* 32 Zoé Lastennet, « Le président de la Fédération hospitalière de France appelle à la vaccination obligatoire pour tous », Le Journal du dimanche , édition du 31 juillet 2021.

* 33 La stratégie vaccinale à mettre en oeuvre pour limiter la quatrième vague de la pandémie , rapport d'information n° 727 (2020-2021) de M. Bernard Jomier, fait au nom de la mission d'information sur les effets des mesures en matière de confinement, déposé le 1 er juillet 2021.

* 34 Délibération n° 44/CP du 3 septembre 2021 instaurant une obligation vaccinale contre le virus SARS-CoV-2 en Nouvelle-Calédonie.

* 35 Personnels du transport maritime et aérien, personnels des établissements de quarantaine, personnels des établissements sanitaires, personnels indispensables au fonctionnement du pays et à la sécurité.

* 36 175 000 francs Pacifique (1 458 euros).

* 37 « Baromètre santé » de 2015 de l'agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie ( http://www.santepourtous.nc/les-thematiques/mange-mieux-bouge-plus/obesite-en-nc/epidemiologie ).

* 38 http://www.caledonia.nc/actualite/le-diabete-cette-maladie-silencieuse (11 juin 2019).

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