EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 2 novembre 2021, sous la présidence de M. Dominique de Legge, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur spécial, sur la mission « Pouvoirs publics ».

M. Jean-Michel Arnaud , rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics » . - La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit qu'une mission spécifique regroupe les crédits alloués sous forme de dotations aux pouvoirs publics pour lesquels le juge constitutionnel a rappelé le principe d'autonomie financière qui relève de la séparation des pouvoirs.

Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont relativement constants depuis 2012. En 2022, cependant, des dépenses liées aux échéances électorales et des investissements importants pour le maintien en l'état du patrimoine nécessitent une hausse des dotations d'environ 5 %.

Au cours des dernières années, l'effort fourni par les pouvoirs publics en termes d'économies apparait notable ; il s'inscrit dans une démarche d'efficience et de modernisation. À titre d'illustration, le gel de la dotation du Sénat depuis 2008 représente un montant équivalant à une année et demie de dotation perdue.

Chaque institution a exécuté ses budgets à dotation quasi constante depuis plusieurs années, en prélevant dans ses fonds disponibles.

La dotation demandée pour la présidence de la République s'établit à 105,3 millions d'euros en crédits de paiement, soit une légère diminution par rapport à l'exercice 2021, après deux hausses constatées en 2018 et 2020 de respectivement 3 millions d'euros et 2 millions d'euros.

En raison de la crise sanitaire, les exercices 2020 et 2021 ont enregistré une forte baisse du poste consacré aux déplacements présidentiels, dont les crédits ont été réorientés vers les dépenses d'investissement. Le schéma immobilier pluriannuel 2019-2022 entrera dans sa dernière année avec notamment une opération importante concernant l'aménagement et la relocalisation de l'État-major particulier à l'Hôtel de Marigny. Ce programme immobilier est financé grâce au budget de la présidence, à un abondement du ministère de la culture et à un versement du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » qui s'établira, en 2022, à 12 millions d'euros, sous forme d'avances. Je regrette que ces financements extérieurs ne permettent pas d'appréhender la totalité des crédits dont dispose la présidence de la République et que devrait refléter la dotation.

Les dotations des assemblées parlementaires étaient gelées depuis l'exercice 2012. Leur stabilisation en euros courants sur dix exercices n'a été possible, compte tenu de la hausse tendancielle des charges liée à l'inflation, que grâce à des efforts d'économies significatifs.

Pour 2022, cet effort est maintenu s'agissant des charges de fonctionnement. Toutefois, la dépense exceptionnelle liée au renouvellement des députés - jusqu'à 50 % des effectifs selon les prévisions - et plusieurs projets d'investissements ont conduit la commission commune à octroyer une enveloppe supplémentaire de 34,6 millions d'euros à l'Assemblée nationale et de 15 millions d'euros au Sénat.

Le budget du Sénat - il est d'usage ici de ne pas évoquer en détail celui de l'Assemblée nationale - est marqué par un effort d'investissement exceptionnellement élevé de 32,9 millions d'euros, financé par une augmentation de la dotation et par un prélèvement sur les disponibilités, lesquelles s'établissent à 133 millions d'euros. En contrepartie, les dépenses de fonctionnement restent stables.

J'attire votre attention sur le recours récurrent aux réserves ; ces dernières vont s'amenuiser, posant inévitablement la question de la soutenabilité de ce modèle à long terme.

Le budget des chaînes parlementaires est reconduit à l'identique. J'aimerais m'intéresser de manière plus approfondie à ce sujet dans les prochains mois, en lien avec nos autorités et l'Assemblée nationale, car je sais l'importance de l'autonomie et l'indépendance de chaque chambre en la matière.

Le budget du Conseil constitutionnel comprend, pour sa part, la dotation traditionnelle, reconduite cette année, et deux dépenses exceptionnelles. La première concerne le dispositif mobilisé pour l'élection présidentielle, dont le coût de 2,5 millions d'euros est accru par les règles de précaution sanitaire. La seconde, que je salue, relève de la mise en place, en lien avec les juridictions, d'un véritable suivi de la question prioritaire de constitutionnalité, qui représente désormais près de 80 % de l'activité du Conseil constitutionnel. Ce dispositif sera déployé d'ici à 2022.

Enfin, la dotation de la Cour de justice de la République - 984 000 euros - augmente, afin de tenir compte de l'impact de la crise sanitaire sur le nombre de plaintes reçues. Au 1 er octobre, la Cour a été saisie de plus de 19 000 plaintes, qui engendreront d'importants frais de justice.

Au vu de ces observations, je propose à la commission des finances un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. Vincent Delahaye . - À combien estimez-vous le montant des réserves de l'Assemblée nationale ? Quel coût les pensions de nos collègues députés représentent-elles chaque année pour le budget de l'État ?

Par souci d'équité, il me semblerait logique que la dotation de la chambre haute varie chaque année en fonction de l'évolution du niveau des dépenses de l'État - celles-ci ont augmenté de 5 % cette année hors dépenses exceptionnelles. Il n'y a aucune raison que le Sénat fasse davantage d'efforts que l'État dans ce domaine.

Je suis par ailleurs assez surpris du montant des crédits demandés par le Conseil constitutionnel pour la prochaine élection présidentielle : comment seront dépensés ces 2,5 millions d'euros ?

Autre sujet que j'aimerais évoquer, la rémunération des membres du Conseil constitutionnel. À l'origine, les Sages bénéficiaient d'un taux d'abattement pour frais professionnels de 50 %, autrement dit d'une exonération d'impôt sur le revenu sur la moitié de leur indemnité. Cet avantage a été supprimé au début des années 2000, mais a été remplacé par une indemnité de fonction complémentaire censée le compenser. La validité juridique de l'indemnité est contestée, car cet élément de rémunération n'a pas été fixé, comme il aurait dû l'être, dans le cadre d'une loi organique. Nous serions bien inspirés ici, au Sénat, de faire des propositions en la matière : après tout, la rigueur doit s'imposer à tous.

Enfin, je suis contre l'augmentation de la dotation allouée à la Cour de justice de la République. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles je ne voterai pas les crédits de la mission.

Mme Isabelle Briquet . - Comme en 2017, l'Assemblée nationale demande qu'on lui octroie des crédits en hausse en 2022. En revanche, la chambre basse ne fera pas appel à ses réserves, comme il y a cinq ans, pour financer ses dépenses. Est-ce un réel choix de sa part ? À quel niveau se situent ces réserves aujourd'hui ?

Comme chaque année, on observe des lacunes dans les documents budgétaires relatifs au Conseil constitutionnel. Pourrait-on obtenir davantage d'informations ?

Mme Christine Lavarde . - A-t-on une idée des recettes que l'Élysée parvient à collecter grâce à sa boutique officielle ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Je remercie M . le rapporteur spécial avec qui j'ai eu grand plaisir à échanger sur ces questions.

Je rappelle que, depuis 2008, la dotation du Sénat est gelée en euros courants. Pour vous donner une idée, même si l'on prend en compte l'augmentation de la dotation de 15 millions d'euros en 2022, les effets conjugués de l'inflation et de la diminution de 1,3% de la dotation en 2012 équivaudront, pour notre assemblée sur la période, à la perte d'une année et demie de dotation. Pour relever ce défi, nous avons dû nous résigner à effectuer un certain nombre de coupes budgétaires et de prélèvements sur nos disponibilités. Je pense que, de ce point de vue, nous commençons à sentir les limites de l'exercice, d'autant que les perspectives d'évolution du niveau de nos réserves se détériorent au regard de l'importance des investissements que nous devons programmer pour entretenir le patrimoine qui nous est confié. Peu d'institutions se seront livrées à un programme de rigueur budgétaire comme le Sénat l'a fait.

Le rapporteur spécial a souligné nos efforts d'investissement - 32,9 millions d'euros l'an prochain -, destinés pour l'essentiel à prendre en compte un certain nombre d'enjeux patrimoniaux. D'ailleurs, si le Sénat demande qu'on lui octroie 15 millions d'euros supplémentaires, c'est pour une très large part parce que l'entretien du patrimoine du Sénat suppose des moyens importants.

Des travaux sont actuellement en cours dans le Palais et ses dépendances, dont certains ont été retardés à cause de l'épidémie de covid-19. Des chantiers importants sont à venir en 2022, comme celui de la salle Clemenceau ou celui des toitures et façades Est du Palais qui feront l'objet de travaux de rénovation particulièrement complexes. S'y ajouteront d'autres opérations telles la rénovation du cabinet des ministres ou de la création d'une nouvelle salle de presse. Je citerai enfin la nécessaire mise aux normes du bâtiment dit « Boffrand », qui abrite le restaurant du Sénat et les espaces de réception et que nous devons envisager dans un avenir proche.

Pour ce qui est de Public Sénat, la loi a récemment ouvert aux chaînes parlementaires la possibilité de diffuser des campagnes d'intérêt général. Le montant de ces nouvelles recettes propres est difficile à évaluer à ce stade. En tout état de cause, dans le cadre du futur contrat d'objectifs et de moyens, nous demanderons à Public Sénat de respecter une stabilité de sa dotation budgétaire en euros courants.

Je ne ferai aucun commentaire sur le budget de l'Assemblée nationale. Je pense tout de même pouvoir dire qu'elle puise dans ses réserves depuis quelques années pour assurer son fonctionnement.

M. Jean-Michel Arnaud , rapporteur spécial . - En réponse à Vincent Delahaye, on évalue les réserves de l'Assemblée nationale à 290 millions d'euros, soit l'équivalent de sept mois de dépenses de fonctionnement de la chambre basse. Ce chiffre est à comparer aux réserves du Sénat qui représentent, elles, l'équivalent de cinq mois de dépenses de fonctionnement de notre institution. Ces sommes peuvent paraître élevées, mais elles sont en réalité assez modestes, car il convient de les rapporter au coût de fonctionnement de chacune des assemblées et aux charges annuelles qu'elles supportent.

Je ne sais pas précisément ce que coûtent à l'État les pensions servies aux députés. En revanche, je confirme que l'État consent une subvention d'équilibre au régime de retraite de l'Assemblée nationale.

Les dépenses exceptionnelles du Conseil constitutionnel en vue de l'élection présidentielle me semblent justifiées, dans la mesure où la surveillance générale de chaque tour de scrutin est assurée par 1 800 magistrats administratifs et judiciaires désignés par le Conseil pour contrôler les opérations de vote et le dépouillement sur place.

M. Vincent Delahaye . - Ces moyens logistiques viennent-ils en complément des commissions de contrôle habituellement mises en place lors de l'élection présidentielle ?

M. Jean-Michel Arnaud , rapporteur spécial . - Non, il s'agit justement des commissions de contrôle.

Pour ce qui est du régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel, je n'ai à ma disposition que la réponse tautologique que m'a adressée le secrétaire général du Conseil, à savoir que ce régime est réglé par une loi organique et qu'à ce titre, il ne peut pas la commenter, car, si la loi organique venait à changer, le Conseil constitutionnel aurait à en contrôler la conformité à la Constitution.

Ce point mériterait d'être approfondi : le Conseil constitutionnel, comme les assemblées parlementaires ou toute assemblée territoriale, devrait être en mesure de fournir des informations claires et précises sur son fonctionnement.

S'agissant de la Cour de justice de la République, je souhaite relativiser le chiffre que j'ai cité tout à l'heure : les 19 000 dépôts de plaintes résultent pour l'essentiel de l'initiative d'un seul et même avocat ; il s'agit d'une « manoeuvre » qui sera certainement suivie d'un certain nombre de désistements.

Je fais mienne la remarque de notre collègue Isabelle Briquet : nous aurions besoin de documents d'information plus circonstanciés de la part du Conseil constitutionnel.

Certains d'entre vous s'interrogent sur la légitimité d'une hausse du budget de l'Assemblée nationale. Je vous informe que, si l'Assemblée nationale n'obtenait pas les 34,6 millions d'euros de crédits supplémentaires qu'elle demande, elle devrait prélever 90 millions d'euros sur ces réserves ! J'ajoute que le Premier questeur de l'Assemblée nationale m'a indiqué lors d'un récent entretien prendre des initiatives pour réduire les dépenses de fonctionnement de l'institution.

J'ai une bonne nouvelle pour Mme Lavarde : les recettes perçues par la boutique de l'Élysée sont attendues à hauteur de 200 000 euros pour 2022 soit le double du montant inscrit l'année précédente. Cette hausse significative symbolise la réussite de cette démarche commerciale.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

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Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.

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