EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 19 octobre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 42 rattaché).

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

M. Marc Laménie , rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » . - Cette année voit une fois de plus les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » diminuer à mesure du nombre de ces derniers.

S'établissant à 2,016 milliards d'euros, la budgétisation 2022 avait cependant de quoi susciter l'espoir d'un rebond de l'action publique portée par cette mission : des crédits globalement en hausse, notamment l'action « liens avec la Nation » en hausse de plus de 10 %, et une revalorisation exceptionnelle par voie législative du point de la pension militaire d'invalidité (PMI), qui est le point d'indice sur lequel sont adossées les rentes viagères dont bénéficient les anciens combattants et les invalides de guerre.

De plus, après deux années passées à devoir composer avec la crise sanitaire, l'année 2022 laisse poindre la possibilité d'un retour à la normale pour la gestion des crédits et l'organisation des actions de la mission.

L'espoir laisse cependant bien vite place à la déception lors d'une étude plus approfondie de ces crédits.

Déception sur la revalorisation du point PMI d'abord. Si la revalorisation est bienvenue et va avec évidence dans le bon sens, elle est insuffisante, incomplète et inachevée.

Insuffisante, car elle ne vise qu'à combler la perte de pouvoir d'achat accusée par le point PMI entre 2018 et 2021, alors que ce dernier entraine une sous-revalorisation par rapport à l'inflation depuis plus d'une décennie.

Incomplète, car le Gouvernement ne respecte pas ses propres prévisions d'inflation pour le calcul de cette compensation, préférant appliquer à l'année 2021 une inflation théorique de 0,6 % plutôt que son hypothèse de 1,5 %.

Inachevée, car si une modification des modalités de revalorisation du point PMI doit être déterminée par décret en Conseil d'État, il restera indexé sur l'évolution de la rémunération des agents publics, indexation qui est à l'origine de la perte de pouvoir d'achat que la présente compensation a pour objet de combler.

Malgré cette compensation, les crédits des rentes viagères sont en diminution de plus de 80 millions d'euros par rapport à 2021, montant à comparer avec le « coût », qui est à vrai dire une moindre économie, de 30 millions d'euros entrainé par la compensation.

Déception, ensuite, sur le renforcement des crédits consacrés au lien avec la Nation qui financent la journée défense et citoyenneté (JDC) et le service militaire volontaire (SMV). Cette augmentation des crédits est largement faciale puisque plus de 80 % du financement de la JDC et du SMV proviennent de la mission « Défense ».

Déception sur les crédits accordés aux opérateurs de la mission, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et l'Institution nationale des invalides (INI). Si ces derniers sont en légère hausse, il ne s'agit que de compenser ce qui s'apparentait les années précédentes à des ponctions sur leurs fonds de roulement, qui ont été fortement mis à contribution au cours de ces dernières années. La trésorerie de l'ONACVG se verra par ailleurs à nouveau prélevée de 1 million d'euros en 2022.

Cette tendance est d'autant plus inquiétante que l'ONACVG est en cours de restructuration dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) visant à le faire fonctionner avec moins d'agents et plus de dématérialisation et que l'INI procède à un renouvellement important et couteux de ses infrastructures.

Déception pour le programme 158, enfin. Les crédits dédiés à la réparation des spoliations antisémites et l'indemnisation des orphelins de victimes de violences antisémites et d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale sont quasi stables. Cependant, la dette de la Nation reste toujours aussi importante et plus de 10 000 dossiers de demandes d'indemnisation d'orphelins sont encore en attente de traitement alors qu'il n'en est pas traité 100 par an.

Les crédits affectés à la mémoire restent eux aussi stables, avec une légère augmentation. Il n'est pas prévu de réalisation exceptionnelle en l'absence de cycle mémoriel d'importance.

Ainsi, malgré quelques effets principalement optiques, la budgétisation 2022 de la mission « Anciens combattants » est une budgétisation sans véritable ambition dans la droite ligne des budgets précédents.

Je veux souligner combien cette mission budgétaire tient une place importante dans la continuité même de notre Nation, il y va de la mémoire de ceux qui ont fait des sacrifices pour notre pays, et de leurs familles. Je salue l'action de toutes les associations et des porte-drapeaux, ainsi que de l'ONACVG, nous restons attachés à ses 104 implantations, à ses moyens humains et ses relais ; ce sont des interlocuteurs du monde combattant.

Bien que déplorant cette baisse des crédits - la solidarité envers le monde combattant doit être confortée - je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et à celle de l'article 42 qui y est rattaché.

Mme Jocelyne Guidez , rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales . - Je rejoins mon collègue Marc Laménie, la revalorisation du point d'indice de la PMI aurait pu être plus forte, de même que l'indemnisation de transport. Je regrette qu'on ne procède pas à la simplification des démarches administratives, sachant que 95 % des blessés de guerre ne vont pas au bout de leurs démarches pour obtenir une indemnisation complète : nous avons du travail pour améliorer les choses.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Pourrait-on envisager une présentation complète des crédits consacrés à la JDC et au SMV, sachant qu'ils relèvent de la mission « Défense » et de la mission « Anciens combattants », mais aussi de crédits régionaux et, pour une part qui n'est pas chiffrée, ce qui est gênant pour le document budgétaire, de crédits privés ? Peut-on envisager une telle présentation pour l'an prochain ?

Ensuite, alors que les anciens combattants sont chaque année moins nombreux, comment continuer de transmettre les valeurs et la mémoire des combattants auprès des jeunes qui s'engagent, dans l'armée, mais aussi dans les forces de l'ordre et de sécurité ? Faut-il de nouveaux moyens, de nouveaux types d'actions ?

Mme Christine Lavarde . - Pourquoi la JDC et le SMV relèvent-ils de deux missions budgétaires : ne peut-on pas regrouper leurs crédits en une seule, y compris les reliquats qui peuvent se trouver, par exemple, dans la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ? Ensuite, les actions mémorielles prises à l'initiative du Président de la République sont-elles financées par des crédits relevant de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », ou bien par ceux de l'Élysée ?

M. Thierry Cozic . - Les deux rapporteurs conviennent qu'il faudrait relever davantage le point d'indice de la PMI : à quel niveau et pour quel coût ? Peut-on le faire ? Ensuite, à quel montant se chiffre le schéma directeur d'infrastructure pour la rénovation de l'INI ?

M. Michel Canévet . - Les veuves d'anciens combattants qui sont morts avant 65 ans demandent à pouvoir bénéficier de la demi-part supplémentaire. Le Gouvernement y est-il prêt ?

L'ONACVG doit encore piocher dans son fonds de roulement pour équilibrer son budget : est-ce à dire que, depuis plusieurs années, la subvention ne lui suffit pas ?

M. Jean-Claude Requier . - La Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca) a réuni récemment son conseil parlementaire. Auparavant, ses demandes portaient sur la guerre d'Algérie et le 19 mars. Désormais, ses revendications portent sur le point PMI et les veuves qui ont des revenus insuffisants. L'année 2022 marquera le 70 e anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie. À cette occasion, la Fnaca souhaite un contingent spécial de médaillés militaires ainsi qu'une cérémonie aux Invalides. Actuellement, l'État organise un hommage aux Invalides pour les morts en opérations extérieures, alors que durant la guerre d'Algérie, les obsèques se déroulaient dans les communes.

Quel est l'avenir de ces associations ? Les anciens combattants vieillissent, et la pandémie a suspendu de nombreuses assemblées générales ou congrès. Or il faut assurer un devoir de mémoire et renouveler les porte-drapeaux. Certains sont âgés et ont désormais du mal à les porter...

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Je vous remercie de ces débats, et je remercie particulièrement Mme Jocelyne Guidez. Le budget des anciens combattants comporte un volet social fondamental, avec une forte valeur symbolique.

Une grosse part des financements de la JDC et du SMV font partie du budget de la Défense. En 2016, j'avais rédigé un rapport d'information sur la JDC, en lien avec la Cour des comptes, et avec le concours des ministères de la défense et de l'éducation nationale. Il faudrait effectivement avoir plus de lisibilité et distinguer ce qui relève de l'État, des collectivités territoriales et des associations. Dans les Ardennes, des classes de défense et de sécurité globale (CDSG) sont organisées dans les collèges et lycées, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale. Nous proposerons une analyse plus précise du sujet.

Vous rencontrez tous, régulièrement, les bénévoles des associations patriotiques et de mémoire. Elles disposent de peu de recettes, hormis les cotisations qui reviennent à leur section lorsqu'elles sont membres de grandes associations nationales. Or certaines dépenses sont très coûteuses - un drapeau coûte 1 200 euros. Qui plus est, elles participent au financement des gerbes.

J'attire votre attention sur les frais de tenue de compte de certains établissements bancaires. Certaines associations, très modestes, se voient facturer 90 euros de frais de comptes, le même montant que pour de grandes associations, alors qu'elles ont peu de mouvements sur leurs comptes.

Le concours national de la Résistance et de la Déportation fait aussi le lien entre l'Éducation nationale, les collectivités territoriales et les associations.

Madame Lavarde, il faut effectivement plus de lisibilité, et il faudrait interroger Mme Geneviève Darrieussecq. Souvent, la réponse se trouve à Bercy.

Je rejoins les propos de Thierry Cozic : la revalorisation du point PMI du 1 er janvier 2022 reste très modeste. C'est une des revendications les plus fortes des associations patriotiques. J'avais également rédigé un rapport d'information sur l'INI. L'ONACVG et l'INI sont les deux opérateurs de l'État. Les effectifs de l'ONACVG se réduisent.

Monsieur Canévet, la demi-part fiscale pour les veuves est aussi une revendication de la Fnaca. Or elle dépend de l'âge de décès du conjoint. La Médaille militaire est une décoration tout comme la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite.

M. Jean-Claude Requier . - C'est la Légion d'honneur des sous-officiers !

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Il y a des sections départementales de la Société nationale d'entraide de la Médaille militaire, dont il faut tenir compte.

Je vous remercie de ces débats qui contribuent à ma réflexion sur les moyens de faire évoluer le contenu de cette mission pour plus de lisibilité.

Cette mission ne comprend plus que deux programmes : le programme 169, principal, qui contient notamment les pensions militaires et de retraite, et le programme 158, plus modeste, qui inclut la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation, rattachée directement au Premier ministre, et sur laquelle portait un de mes rapports d'information en 2018.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Article 42

M. Claude Raynal , président . - L'article 42 vise à revaloriser le point de PMI. Selon le rapporteur spécial, cela va dans le bon sens, même si c'est insuffisant.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42.

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Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission. Elle a également confirmé sa décision d'adopter l'article 42 sans modification.

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