EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 19 JANVIER 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP), nous sommes réunis cet après-midi pour examiner, en nouvelle lecture, le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi relative à l'adoption.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - La nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale s'est achevée hier soir, vers 19 h 30, si bien que nous ne disposons toujours pas du texte définitif adopté par les députés. Vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, que ces conditions de travail sont parfaitement inadmissibles.

Je veux rappeler le contexte du dépôt de cette proposition de loi par notre collègue députée Monique Limon : il a fait suite au rapport qu'elle a rédigé, en octobre 2019, avec notre collègue sénatrice Corinne Imbert et dont l'ambition, partagée par tous, était de « donner une famille à un enfant », et non l'inverse.

La commission avait fait le choix de ne retenir de la proposition de loi que ce qui découlait naturellement du rapport Limon-Imbert et de ne pas conserver un certain nombre de modifications qui y ont été apportées à l'initiative du Gouvernement sans être particulièrement documentées. Nombre de difficultés actuellement rencontrées pour l'adoption ne se résoudront pas en effet par une modification législative mais appellent une évolution des pratiques et des mentalités.

Des points d'accord ont émergé entre les deux assemblées : ainsi, la mesure phare de la proposition de loi, à savoir l'élargissement de la possibilité d'adopter aux personnes liées par un pacte civil de solidarité ou par un concubinage, a été adoptée par la commission, puis par le Sénat.

Plusieurs avancées ont également été adoptées, à l'instar du consentement du mineur de treize ans à son changement de nom, ainsi que diverses mesures de bon sens, comme la formation des membres du conseil de famille ou la préparation des personnes sollicitant un agrément, même si, en la matière, les pratiques des conseils départementaux suffisaient largement, ou encore la sécurisation du statut des jeunes pupilles, avec un suivi renforcé des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) porté jusqu'à l'âge de trois ans.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a partiellement tenu compte de nos arguments. Ainsi, elle nous a suivis sur une modification de pur bon sens de la proposition de loi, qui prévoyait le placement chez l'adoptant en vue d'une adoption simple. Or je rappelle que cette procédure concerne, en grande majorité, l'adoption d'enfants majeurs par le conjoint de leur parent : autant dire que, lorsque l'adoptant réside dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le placement n'aurait aucun sens !

Nous avons également été suivis sur la prohibition de l'adoption conduisant à une « confusion des générations », expression qui était toute sociologique et n'avait rien de juridique.

Sur le plan de la méthode, il me paraissait relativement important, par respect pour les praticiens et dans un souci d'intelligibilité de la loi, de renoncer à réécrire des sections entières du code de l'action sociale et des familles, alors qu'il ne s'agissait d'en modifier que quelques éléments. Là aussi, nous avons été suivis.

En outre, alors que trois textes relatifs à la protection de l'enfance étaient discutés en même temps, nous avons souhaité renvoyer les mesures liées à la structuration de la protection de l'enfance dans le texte examiné par la commission des affaires sociales. Nous avons, là encore, été suivis.

Par conséquent, je vous propose aujourd'hui, en contrepartie de ce qu'a accepté l'Assemblée nationale et pour donner de la lisibilité à notre position, que nous acceptions nous aussi un certain nombre de dispositifs relativement secondaires, pour nous focaliser sur cinq points politiques, sur lesquels j'ai déposé des amendements en vue de marquer la position de la commission et du Sénat.

Tout d'abord, je vous propose de conserver l'écart d'âge maximal entre adoptant et adopté, la validité du consentement des parents à l'adoption de leur enfant, le consentement de l'enfant à son changement de nom lors d'une adoption simple. La définition de l'adoption internationale est sans conséquences juridiques : je vous propose également de la conserver.

La procédure et la durée de l'agrément délivré aux organismes autorisés pour l'adoption (OAA) constituait un problème réel. L'Assemblée nationale a assoupli sa position sur ce point, acceptant le principe d'une procédure en deux temps et renvoyant cette durée au décret, alors qu'elle devait être fixée à cinq ans dans le texte. Je pense que nous pouvons nous rallier à cette nouvelle version.

Nous étions opposés au principe du suivi par une OAA ou par l'ASE des enfants placés en vue de l'adoption, mais ce suivi paraît plus acceptable dès lors que sa durée est passée de deux ans à un an. Je vous propose d'y consentir.

Je vous propose également de conserver la composition et le fonctionnement des conseils de famille dans la version de l'Assemblée nationale, ainsi que la reconnaissance de plusieurs associations départementales d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance (Adepape), au lieu d'une seule. De fait, il semblerait que d'autres associations puissent jouer ce rôle et faire partie de la composition des conseils de famille.

Concentrons-nous sur cinq points, qui feront l'objet d'autant d'amendements.

Premièrement, je vous propose que nous continuions à nous opposer à la diminution à la fois de l'âge et de la durée de communauté de vie pour pouvoir adopter. Je rappelle que la proposition de loi prévoit de passer à 26 ans ou un an de communauté de vie, contre 28 ans ou deux ans de communauté de vie aujourd'hui. Ces conditions paraissent insuffisantes.

Deuxièmement, je vous propose de supprimer l'article 9 bis , inspiré par le Gouvernement et la majorité En Marche, qui a causé l'échec de la CMP. Celui-ci permet l'adoption forcée en cas d'assistance médicale à la procréation (AMP) pratiquée à l'étranger par un couple de femmes avant le texte qui l'a légalisée en France : le tribunal pourrait prononcer l'adoption de l'enfant par la femme n'ayant pas accouché, donc qui n'est pas la mère. Nous avons considéré, en accord avec les personnes que nous avons auditionnées sur ce point et les associations, que cette disposition se préoccupait moins de l'intérêt de l'enfant que de régler un litige au sein d'un couple séparé. Cela ne paraît donc conforme ni à l'intérêt de l'enfant ni à l'objectif même de la proposition de loi.

Troisièmement, je vous propose, à l'article 11 bis , de conserver la possibilité, pour les familles souhaitant confier leur enfant à l'adoption, de choisir entre l'aide sociale à l'enfance et un organisme autorisé pour l'adoption. Souvent, les femmes qui préfèrent se tourner vers une association sont elles-mêmes passées par l'ASE et ne souhaitent pas que leurs enfants connaissent le même parcours. Du reste, il n'y a qu'une OAA à ce jour qui exerce une activité de recueil d'enfants pour l'adoption en France. Manifestement, le Gouvernement n'en veut pas, mais cette possibilité paraît devoir être conservée - en première lecture, nous étions à peu près tous d'accord sur ce point.

J'en viens, quatrièmement, au sujet délicat du consentement à l'adoption des personnes qui confient leur enfant à l'ASE. La proposition de loi profitait de l'ambiguïté des textes pour supprimer ce consentement. Soyons clairs : que les parents consentent ou non à l'adoption, c'est, au bout du compte, le conseil de famille qui tranche lorsque l'enfant est pupille de l'État, mais il paraît essentiel pour l'enfant que les parents qui le confient à l'ASE puissent indiquer leur souhait qu'il soit adopté. Ainsi, quand il aura grandi, l'enfant saura que ses parents ont voulu lui donner un autre départ et lui offrir ce qu'eux-mêmes ne pouvaient assurer.

Le texte de l'Assemblée nationale reste très ambigu sur ce point. Nous avons voulu clarifier les choses en prévoyant que le consentement soit sollicité.

Cinquièmement, enfin, le Gouvernement souhaite toujours légiférer par ordonnance pour modifier les dispositions du code civil et du code de l'action sociale et des familles en matière d'adoption, de déclaration judiciaire de délaissement parental, de tutelle des pupilles de l'État et de tutelle des mineurs. Cela paraît beaucoup... Le Parlement doit conserver ses prérogatives, sans laisser au Gouvernement le soin de refondre des dispositions aussi importantes, qui relèvent de la matière législative.

Telles sont les modifications que je vous propose d'apporter au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, mes chers collègues.

Mme Laurence Harribey . - Je remercie Mme le rapporteur pour ses efforts de conciliation à l'égard de l'Assemblée nationale, ainsi que pour l'esprit de concertation dans lequel nous avons travaillé. Nous nous associons à ses propositions, qui recoupent les amendements que nous avons présentés. D'ailleurs, nous nous sommes abstenus de déposer d'autres amendements, sachant qu'elle proposerait de modifier le texte dans le sens que nous souhaitions.

Je déplore moi aussi le manque de sérieux de nos conditions de travail.

Je regrette que nous n'ayons pu déjà adopter l'article 2, dont nous avons longuement débattu.

Depuis la première lecture, des éléments ont été intégrés au projet de loi relatif à la protection des enfants, ce qui veut dire que nos remarques n'étaient pas totalement infondées.

M. François-Noël Buffet , président . - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, qui pose la règle de l'entonnoir, je vous propose d'arrêter le périmètre de ce texte en nouvelle lecture qui inclurait les dispositions restant en discussion de la proposition de loi : la filiation adoptive ; la procédure d'agrément en vue de l'adoption ; le statut des pupilles de l'État, leurs organes de tutelle et leur procédure d'adoption ; le recours contre les décisions du conseil de famille des pupilles de l'État ; le rôle des commissions d'examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) ; la tutelle départementale.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Mon amendement COM-4 maintient les conditions en vigueur d'âge et de durée de communauté de vie requises pour adopter : 28 ans et deux ans de vie commune.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 (supprimé)

L'article 3 demeure supprimé.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

L'article 8 est adopté sans modification.

Article 9

L'article 9 est adopté sans modification.

Article 9 bis

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Mon amendement COM-5 supprime le dispositif transitoire d'adoption « forcée » d'un enfant issu d'une AMP à l'étranger par la mère d'intention.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 9 bis est supprimé.

Article 10

L'article 10 est adopté sans modification.

Article 10 bis

L'article 10 bis est adopté sans modification.

Article 10 ter

L'article 10 ter est adopté sans modification.

Article 11

L'article 11 est adopté sans modification.

Article 11 bis

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'article 11 bis . J'en sollicite le retrait, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.

En effet, l'article 11 bis présente deux aspects. Le premier est relatif à la procédure d'autorisation et habilitation des OAA ; comme je l'ai indiqué, je pense qu'il faut, sur ce sujet, accepter la nouvelle position de l'Assemblée nationale, qui a progressé sur ce point.

Le second aspect est relatif à la suppression de la possibilité pour les OAA de recueillir des enfants en vue de l'adoption en France. Je souhaite y revenir, de sorte que cet amendement est incompatible avec ma proposition.

Mme Laurence Harribey . - Dans la mesure où notre amendement de repli a de bonnes chances d'être adopté, nous retirons l'amendement.

L'amendement COM-2 est retiré.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Mon amendement COM-6 et l'amendement identique COM-3 rectifié visent à offrir aux parents une alternative à l'aide sociale à l'enfance.

Les amendements COM-6 et COM-3 rectifié sont adoptés.

L'article 11 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11 ter

L'article 11 ter est adopté sans modification.

Article 11 quater

L'article 11 quater est adopté sans modification.

Article 11 quinquies

L'article 11 quinquies est adopté sans modification.

Article 11 sexies

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Mon amendement COM-7 et l'amendement identique COM-1 tendent à supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance qui fait l'objet de l'article 11 sexies .

Les amendements COM-7 et COM-1 sont adoptés.

L'article 11 sexies est supprimé.

Article 12

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Mon amendement COM-8 a pour objet de rétablir le consentement à l'adoption des parents qui confient leur enfant à l'aide sociale à l'enfance en vue de son admission au statut de pupille de l'État.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

L'article 14 est adopté sans modification.

Article 15

L'article 15 est adopté sans modification.

Article 17

L'article 17 est adopté sans modification.

Article 19

L'article 19 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 2

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

4

Maintien des conditions en vigueur d'âge ou de durée de communauté de vie requises pour adopter

Adopté

Article 9 bis

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

5

Suppression du dispositif transitoire d'adoption d'un enfant issu d'une AMP à l'étranger par la mère d'intention

Adopté

Article 11 bis

Mme HARRIBEY

2

Suppression de l'article 11 bis

Retiré

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

6

Rétablissement de la possibilité pour les OAA de recueillir des enfants en vue de l'adoption en France

Adopté

Mme HARRIBEY

3 rect.

Rétablissement de la possibilité pour les OAA de recueillir des enfants en vue de l'adoption en France

Adopté

Article 11 sexies

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

7

Suppression de l'article 11 sexies

Adopté

Mme HARRIBEY

1

Suppression de l'article 11 sexies

Adopté

Article 13

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

8

Rétablissement du consentement à l'adoption des parents qui confient leur enfant à l'aide sociale à l'enfance (ASE) en vue de son admission au statut de pupille de l'État.

Adopté

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