III. DES DÉSACCORDS PERSISTANTS FONT OBSTACLE À LA POURSUITE DE L'EXAMEN DU TEXTE AU SÉNAT

Si le texte adopté par les députés porte, à maints égards, la marque du Sénat, les désaccords qui subsistent à l'issue de la CMP rendent tout accord en nouvelle lecture hors de portée .

A. UN DÉSACCORD FONDAMENTAL SUR L'APPLICATION DU PRINCIPE DE LAÏCITÉ DANS LE SPORT

1. Un article adopté au Sénat pour interdire le port des signes religieux ostensibles dans le sport

Alors que les cas d'atteintes au principe de laïcité se sont multipliés ces derniers mois, le débat au Sénat en première lecture a été l'occasion pour les sénateurs d'adopter un article 1 er quinquies C prévoyant d'interdire le port de signes religieux ostensibles pour la participation aux événements sportifs et aux compétitions sportives organisés par les fédérations sportives et les associations affiliées.

Cette initiative a suscité une opposition du Gouvernement au motif que la rédaction de l'amendement aurait pour effet de fragiliser la tenue en France de compétitions internationales comme les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Les échanges menés avec les députés ont également mis en évidence leurs craintes qu'une interdiction générale puisse empêcher l'organisation d'événements sportifs à dimension essentiellement sociale.

Afin de répondre à ces deux objections, le rapporteur a transmis aux députés, dans le cadre de la préparation de la CMP, une nouvelle rédaction de cet amendement sur la laïcité dans le sport (voir encadré ci-après) qui répondait aux difficultés soulevées par le Gouvernement et les députés.

2. La vaine recherche d'un compromis inspiré de la loi de 2004 pour préserver un accord en CMP

La rédaction de compromis préparée par le rapporteur visait à définir précisément les conditions de la mise en oeuvre du principe de laïcité dans les compétitions sportives officielles organisées en France.

Elle prévoyait l'interdiction du port de signes ou tenues par les licenciés sportifs lors des seules compétitions sportives officielles organisées par les fédérations délégataires . Cette interdiction ne concernerait pas les sportifs membres de fédérations sportives étrangères afin de ne pas interférer avec les règles édictées par le CIO ou les fédérations internationales. Elle ne concernait pas, non plus, les événements sportifs de nature « sociale » organisés en dehors de toute compétition officielle .

De manière similaire aux dispositions prévues par l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation qui concernent le port de signes religieux ostensibles à l'école, le second alinéa de la rédaction proposée prévoyait que le comité d'éthique créé par chaque fédération délégataire serait chargé de faire appliquer cette interdiction en favorisant le dialogue et, en cas d'échec, en saisissant les organes disciplinaires compétents.

La nouvelle rédaction de l'article 1 er quinquies C proposée par le rapporteur

Après l'article L. 131-22 du code du sport, il est inséré un article L. 131-23 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-23 : Le port de signes ou tenues par lesquels les personnes détentrices d'une licence mentionnée à l'article L. 131-6 manifestent ostensiblement une appartenance religieuse lors des compétitions sportives mentionnées à l'article L. 131-15 est interdit.

Le comité d'éthique prévu à l'article L. 131-15-1 est chargé de veiller à l'application du précédent alinéa et habilité, à l'issue d'un dialogue avec les intéressés, à saisir les organes disciplinaires compétents. »

La rédaction proposée par la commission de la culture du Sénat lors de la préparation de la CMP était donc équilibrée et prudente . Elle répondait aux objections soulevées par le Gouvernement et les députés de la majorité en ne visant que les compétitions officielles et en instituant une démarche de dialogue directement inspirée de la loi de 2004 sur l'application du principe de laïcité à l'école .

Malgré cette nouvelle rédaction, il est apparu clairement au cours des échanges menés avec le Gouvernement et les députés de la Majorité que ces derniers n'étaient pas opposés au port du voile islamique par les sportives, y compris dans le cadre de compétitions officielles .

3. Le refus du Gouvernement d'étendre la loi de 2004 au sport fragilise son application à l'école

Le refus du Gouvernement et de sa Majorité à l'Assemblée nationale d'adopter une mesure visant à interdire le port de signes religieux ostensibles lors des compétitions sportives constitue une véritable source d'inquiétude .

Compte tenu de la multiplication des incidents liés au non respect de la laïcité dans le sport, il est en effet devenu urgent de se demander si le sport n'est pas devenu le moyen pour les Islamistes de s'immiscer dans le fonctionnement de l'école publique pour y imposer des règles contraires aux valeurs républicaines .

Il existe, en effet, une relation très étroite entre le sport et l'école. Or comment serait-il possible d'appliquer des règles différentes pour des compétitions sportives organisées dans un cadre scolaire, sur des terrains municipaux et donc en dehors de l'école et des compétitions organisées par des clubs sur les mêmes terrains ou dans les mêmes gymnases ?

Le refus du Gouvernement et de sa Majorité de défendre la laïcité dans le sport ouvre en réalité une brèche qui pourrait remettre en cause la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux à l'école .

Dans ces conditions, il n'était pas possible pour le Sénat de renoncer à inscrire dans ce texte une disposition visant à défendre l'application du principe de laïcité dans le sport et l'accord en CMP devenait hors de portée tout comme l'élaboration d'un texte commun en nouvelle lecture.

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