N° 495

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 février 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d' organisation de l' élection présidentielle dans le contexte lié à l' épidémie de covid-19 et sur la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d' organisation des élections législatives dans le contexte lié à l' épidémie de covid-19 ,

Par Mme Nadine BELLUROT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

346 , 351 , 496 et 497 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le 16 février 2022 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois du Sénat a adopté , sur le rapport de Nadine Bellurot (Les Républicains - Indre), la proposition de loi organique n° 346 (2021-2022) visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, et la proposition de loi n° 351 (2021-2022) visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, présentées par Philippe Bonnecarrère (Union Centriste - Tarn) et plusieurs de ses collègues.

Alors que le Gouvernement ne paraît pas avoir pris toute la mesure du risque que la persistance de l'épidémie de covid-19 pourrait faire peser aussi bien sur la participation des électeurs aux deux rendez-vous démocratiques majeurs à venir que sont l'élection présidentielle et les élections législatives, que sur la sécurité sanitaire des personnes chargées de les organiser, la commission a souscrit sans réserve aux objectifs poursuivis par ces deux textes .

Elle en a adopté les dispositions, qui visent à adapter certaines règles du droit électoral au contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19 , en ouvrant la possibilité à une même personne de se voir confier deux procurations, en assouplissant les modalités d'établissement des procurations à domicile, en permettant aux préfets de dédoubler les bureaux de vote en cas de risque épidémique particulier, ou encore en mettant l'accent sur les obligations qui reposent sur les médias audiovisuels en termes de couverture de la campagne électorale, notamment par la diffusion d'au moins un débat entre l'ensemble des candidats, afin de renforcer l'expression du pluralisme .

I. À LA VEILLE DE RENDEZ-VOUS DÉMOCRATIQUES MAJEURS, UNE ABSENCE D'ANTICIPATION REGRETTABLE DE LA PART DU POUVOIR EXÉCUTIF

A. DES CONDITIONS DE VOTE ADAPTÉES POUR TENIR COMPTE DE LA CRISE SANITAIRE LORS DES ÉLECTIONS LOCALES DE 2020 ET 2021

Si le premier tour des dernières élections municipales s'est tenu à la date prévue, soit le 15 mars 2020, sans adaptation particulière sur le plan sanitaire en dépit de l'apparition, quelques semaines auparavant, de la pandémie de covid-19, le second tour a été repoussé au 28 juin et s'est accompagné de mesures destinées à adapter le droit électoral à la situation sanitaire.

Ainsi, le droit à la double procuration 1 ( * ) a été consacré à titre provisoire par la loi ; le régime d' établissement des procurations à domicile a été considérablement assoupli ; enfin, la mise à disposition d' équipements de protection a été prévue pour les électeurs ainsi que pour les personnes intervenant dans les bureaux de vote 2 ( * ) .

Ces trois mesures ont été reconduites pour les élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021, pour lesquelles, en outre, a été mis à la charge du service public de l'audiovisuel le soin d' assurer la couverture du débat électoral relatif à ces deux scrutins 3 ( * ) .

B. UN ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE VOTE PAR PROCURATION, QUI PARAÎT INSUFFISANT, À LUI SEUL, POUR GARANTIR LA BONNE TENUE DES ÉLECTIONS DANS LE CONTEXTE SANITAIRE ACTUEL

Deux évolutions importantes du droit des procurations sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2022 :

- d'une part, en application d'une disposition votée dans la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique du 27 décembre 2019 4 ( * ) , un électeur peut dorénavant donner procuration à un mandataire inscrit sur la liste électorale d'une autre commune que la sienne (c'est ce qu'on appelle la « déterritorialisation » des procurations). Corrélativement, les procurations sont désormais centralisées dans le répertoire électoral unique (REU), qui contrôle automatiquement l'inscription du mandant et du mandataire sur une liste électorale, ainsi que le plafond de procurations détenues par ce mandataire, ce qui permet d'éviter des fraudes ;

- d'autre part, le régime d'établissement des procurations à domicile a été assoupli par un décret du 22 décembre 2021 5 ( * ) .

Si ces deux mesures apportent, de manière générale, davantage de souplesse au vote par procuration, et peuvent constituer une réponse utile pour les personnes que la situation sanitaire dissuaderait de se déplacer le jour du scrutin, elles ne sont toutefois pas à la hauteur des enjeux sanitaires et démocratiques que soulèvent les élections à venir.

Les chiffres clés des élections de 2022

Nombre d'inscrits
sur les listes électorales 6 ( * )

Nombre
de bureaux
de vote

Nombre moyen d'électeurs
par bureau de vote 7 ( * )

Taux de participation moyen
en 2017

élection présidentielle

élections législatives

II. DEUX TEXTES BIENVENUS POUR SÉCURISER LE DÉROULEMENT DES ÉLECTIONS À VENIR ET PRÉVENIR LE RISQUE D'ABSTENTION

Les propositions de loi organique et ordinaire comportent plusieurs mesures destinées à sécuriser les conditions d'organisation des scrutins présidentiel et législatifs et à prévenir l'abstention.

A. LE DROIT À LA DOUBLE PROCURATION

Les deux textes visent tout d'abord à reconduire, pour les élections de 2022, le droit de chaque mandataire à se voir confier deux procurations établies en France , selon les mêmes modalités que celles prévues pour le second tour des élections municipales et les élections départementales et régionales.

Cette mesure paraît aujourd'hui se heurter à un obstacle technique : en effet, le REU, qui est opérationnel depuis le 1 er janvier 2022, a été paramétré pour n'accepter qu'une seule procuration établie en France.

La commission regrette amèrement ce manque d'anticipation peu compréhensible de la part des services du ministère de l'intérieur. En effet, les difficultés liées à la configuration du REU ne présentent en tout état de cause pas de caractère insurmontable. Elle souligne l'intérêt de cette mesure qui, si elle n'a concerné que 8 % des mandataires qui ont bénéficié d'une procuration établie par voie électronique lors des élections départementales et régionales de 2021, pourrait cette année intéresser un plus grand nombre d'électeurs, au regard de l'engouement traditionnel des citoyens pour l'élection présidentielle et compte tenu de la déterritorialisation en vigueur depuis le 1 er janvier 2022. Aussi la commission a-t-elle souhaité la reconduire pour les deux élections à venir.

B. L'ÉTABLISSEMENT DES PROCURATIONS À DOMICILE

Par ailleurs, les propositions de loi organique et ordinaire visent à assouplir encore les conditions dans lesquelles un électeur peut établir ou retirer sa procuration depuis son domicile, en faisant pour cela appel aux services de police ou de gendarmerie, le cas échéant par simple appel téléphonique, afin que toutes les personnes vulnérables qui ne pourraient ou ne souhaiteraient pas, notamment pour des raisons liées à la situation épidémique, se déplacer au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie puissent en bénéficier.

La commission a salué une disposition qui, en offrant aux électeurs davantage de souplesse et de simplicité que le droit existant, évite que le contexte sanitaire ne constitue un frein à la participation électorale .

C. L'AMÉNAGEMENT DES BUREAUX DE VOTE

Alors que le droit en vigueur n'autorise les préfets à modifier le périmètre des bureaux de vote, s'il y a lieu, qu'au plus tard le 31 août de l'année précédant l'élection en cause, les propositions de loi organique et ordinaire leur ouvrent une souplesse supplémentaire en leur permettant, dans des conditions définies par voie réglementaire, d'augmenter le nombre de bureaux de vote après cette date, si la situation épidémique le rend nécessaire.

La commission a adopté cette disposition qui constitue un outil utile à la main des préfets pour adapter les modalités du vote à la réalité locale de l'épidémie le jour du scrutin .

D. LA COUVERTURE DE LA CAMPAGNE ÉLECTORALE PAR LES MÉDIAS AUDIOVISUELS

Enfin, la proposition de loi organique prévoit, pour la seule élection présidentielle, d'obliger l'ensemble des chaînes placées sous le contrôle de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à consacrer au moins quatre heures d'antenne par semaine, chacune, à la couverture de la campagne électorale, afin notamment de compenser la plus grande difficulté rencontrée par les candidats à faire campagne sur le terrain dans le contexte de la crise sanitaire.

Si l'objectif poursuivi par cette proposition paraît satisfait en pratique, compte tenu de la large couverture déjà accordée par les chaînes d'information en continu à l'actualité politique, et si sa rédaction pourrait peut-être également susciter des difficultés sur le plan juridique, la commission a néanmoins estimé que cette proposition avait le mérite de mettre en évidence les difficultés particulières rencontrées par les candidats, et notamment les plus « petits » d'entre eux, à faire entendre leur voix dans le contexte que nous traversons depuis deux ans, à rebours de l'objectif démocratique et constitutionnel essentiel que constitue l'expression du pluralisme politique en démocratie.

Cette proposition met également en évidence le manque de débats entre candidats déclarés ou présumés, chacun d'entre eux faisant campagne « en silo » sans que les propositions des uns et des autres soient véritablement soumises à la contradiction et au débat entre l'ensemble des prétendants à la fonction présidentielle.

Afin de remédier à cette situation, la commission a, sur proposition de la rapporteure, substitué au dispositif initialement proposé par la proposition de loi organique une disposition prévoyant qu'un débat, au moins, sera organisé entre l'ensemble des candidats avant le premier tour de scrutin , sous le contrôle de l'Arcom et dans le respect des principes d'équité et d'égalité qui gouvernent le traitement de la campagne présidentielle par les médias audiovisuels. Afin de ne pas interférer avec la politique éditoriale des chaînes, les modalités de ce ou ces débats seront définies en concertation avec l'ensemble des éditeurs soumis à la régulation de l'Arcom. Elle a adopté cette disposition de la proposition de loi organique ainsi modifiée.

La commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée et la proposition de loi sans modification.
Ces textes seront examinés en séance publique le 25 février 2022.


* 1 Y compris lorsque les procurations sont toutes deux établies en France.

* 2 Article 1 er de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

* 3 Article 2 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique ; article 14 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

* 4 Article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 5 Décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021, qui a modifié les articles R. 72-1 et R. 73 du code électoral.

* 6 Soit 94 % des Français en âge de voter (source : Institut national de la statistique et des études économiques, juin 2021).

* 7 Chiffres de 2021 (source : ministère de l'intérieur).

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