B. UNE PROCÉDURE PENSÉE POUR SIMPLIFIER LE FONCTIONNEMENT DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE AU DÉTRIMENT DES COMMUNES

La procédure de changement de nom par décret instituée par l'article 61 du code civil est critiquée depuis des années pour son caractère long, coûteux et aléatoire . En 2018 9 ( * ) , le Défenseur des droits avait indiqué être très régulièrement saisi de réclamations relatives aux délais de traitement des demandes de changement de nom par le ministère de la justice et constatait que les délais de traitement pouvaient atteindre plus de six années durant lesquelles, de surcroît, les usagers sont dans l'impossibilité d'obtenir des informations sur l'état d'instruction de leur demande .

Curieusement, la lenteur et la lourdeur de cette procédure ont été les premiers arguments mis en avant pour justifier la mise en place d'une procédure déclarative « décentralisée » auprès des communes , alors que l'organisation des services de l'administration centrale du ministère de la justice aurait pu être améliorée sans même l'intervention d'une loi 10 ( * ) , en modifiant le cadre réglementaire 11 ( * ) .

La procédure choisie dans le cadre de l'article 2 de la proposition de loi semble avoir été conçue pour pallier l'abandon du projet de numérisation et de dématérialisation de la procédure conduite par la section du sceau de la direction des affaires civiles et du sceau et les difficultés liées à la crise sanitaire . Le transfert d'une partie de son activité aux officiers de l'état civil arriverait ainsi à point nommé pour soulager un service qui subit un retard de traitement d'un an.

En première lecture, la commission a proposé à titre d'alternative une procédure simplifiée qui resterait - comme aujourd'hui - centralisée auprès du ministère de la justice. Il s'agissait d'une procédure sur simple arrêté, et non plus sur décret du Premier ministre, que le ministère aurait pu engager par téléprocédure, avec un formulaire Cerfa, pour rendre cette démarche facile et accessible à tous sur tout le territoire.

Pour empêcher toute demande irréfléchie, la commission avait institué dans ce cadre l'obligation de confirmer la demande initiale au bout de trois mois . Par ailleurs, afin de protéger les enfants mineurs d'un « effet ricochet » du changement de nom de l'un de leurs parents, une telle procédure simplifiée n'aurait été ouverte qu'aux personnes n'ayant pas d'enfants mineurs . Seuls auraient pu y avoir recours les majeurs avant la naissance de leurs enfants ou une fois leurs enfants âgés de plus de 18 ans.

Cette solution aurait eu également l'avantage de garder un caractère solennel - arrêté publié au Journal officiel - à un acte juridiquement et psychologiquement structurant , qui a des impacts de très long terme sur la personne et les membres de sa famille.

Cette solution du « juste milieu » n'a pas trouvé d'écho auprès des députés qui sont revenus à leur procédure initiale , sans autre changement que de prévoir un délai de réflexion d'un mois, ce qui semble insuffisant au regard de la portée de la démarche.


* 9 Décision du Défenseur des droits n° 2018-252 du 4 décembre 2018.

* 10 L'article 61 du code civil n'édicte que deux conditions : la nécessité d'un intérêt légitime et l'autorisation par décret.

* 11 Décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom et décret n° 2015-1411 du 5 novembre 2015 relatif aux exceptions à l'application du droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique.

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