N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6a
COHÉSION DES TERRITOIRES - LOGEMENT ET VILLE
(Programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion
des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement »,
135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat »
et 147 « Politique de la ville »)

Rapporteur spécial : M. Jean-Baptiste BLANC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Ce rapport porte sur les programmes de la mission « Cohésion des territoires » relatifs aux politiques d'hébergement, du logement, de l'urbanisme et de la ville, soit les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ».

Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » passent de 17,2 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2022 à 17,9 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023 en crédits de paiement. Par rapport aux crédits totaux ouverts en 2022, et compte tenu de la prévision d'inflation, toutefois, la diminution est de 1,9 % en euros constants.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires »

(en millions d'euros et en pourcentage)

LFI 2022

Crédits totaux 2022

format 2023

PLF 2023

PLF 2023 / crédits totaux 2022 format 2023

FDC
et ADP 2023

montant

en %

corrigé inflation

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 785,8

3 019,4

2 755,7

- 263,7

- 8,7%

- 12,5%

CP

2 677,5

2 911,1

2 780,4

- 130,6

- 4,5%

- 8,4%

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 079,4

13 156,2

13 371,3

+ 292,1

+ 2,2%

- 2,0%

CP

13 079,4

13 156,2

13 371,3

+ 292,1

+ 2,2%

- 2,0%

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

529,5

559,3

803,1

+ 268,7

+ 50,3%

+ 44,1%

764,0

CP

529,5

541,6

780,8

+ 264,1

+ 51,1%

+ 44,9%

365,0

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

244,2

295,7

329,4

+ 50,0

+ 17,9%

+ 13,0%

51,4

CP

247,0

286,3

262,4

- 7,6

- 2,8%

- 6,8%

51,4

147 - Politique de la ville

AE

558,0

591,5

597,5

+ 25,0

+ 4,4%

+ 0,1%

0,4

CP

558,0

591,5

597,5

+ 25,0

+ 4,4%

+ 0,1%

0,4

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

98,4

104,5

85,8

- 14,4

- 14,3%

- 17,9%

72,2

CP

92,3

98,1

61,6

- 32,2

- 34,3%

- 37,0%

42,9

Total mission

AE

17 295,4

17 726,6

17 942,8

+ 357,7

+ 2,0%

- 2,2%

887,8

CP

17 183,7

17 584,6

17 854,0

+ 410,8

+ 2,4%

- 1,9%

459,6

Crédits totaux 2022 format 2023 : loi de finances initiale (LFI) + décret d'avance du 7 avril + loi de finances rectificative du 16 août + second projet de loi de finances rectificative + modifications de périmètre en PLF 2023. AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. FDC : fonds de concours. ADP : attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission « Cohésion des territoires » est, parmi celles du budget général, celle à laquelle est rattaché le plus important volume de dépenses fiscales (15,9 milliards d'euros). Elle se caractérise aussi par un niveau élevé de fonds de concours et attributions de produits (459,6 millions d'euros) et de ressources affectées (1,1 milliard d'euros).

Moyens globaux alloués à la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Crédits des opérateurs hors transferts

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

I. LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT ET D'ACCÈS AU LOGEMENT (PROGRAMME 177)

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Pour 2023, les crédits demandés par le projet de loi de finances sont de 2,8 milliards d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement .

Si les crédits sont en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 (+ 102,9 millions d'euros en crédits de paiement), ils sont en diminution par rapport à ceux ouverts en cours d'année (- 131,4 millions d'euros). En euros constants, la diminution est de 8,8 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement. Une fois de plus, le programme 177 entame l'année avec des crédits qui pourraient bien apparaître comme sous-évalués en cours d'année , compte tenu du maintien des besoins à un niveau élevé.

La politique du « Logement d'abord » , qui vise à faire passer les personnes directement de la rue à un logement, avec un accompagnement, a certes produit des résultats quantitatifs notables pour ce qui concerne le logement adapté (nombre de places ouvertes en intermédiation locative, création de pensions de famille, attribution de logement sociaux à des personnes sans abri...).

Elle n'a toutefois pas permis de réduire les besoins en hébergement d'urgence, qui n'ont jamais été aussi élevés . Le niveau de 200 000 places du parc d'hébergement, qui a augmenté en principe temporairement de 40 000 places lors de la crise sanitaire en 2020, semble désormais constituer un plateau dont il est difficile de redescendre : le Gouvernement vient une nouvelle fois de renoncer à diminuer le nombre de places, demandant l'ouverture de 40 millions d'euros de crédits supplémentaires dans le texte du projet de loi de finances considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Crédits des actions d'hébergement et de logement adapté
entre 2016 et 2023

(en millions d'euros)

Crédits de l'hébergement d'urgence : données retraitées entre 2016 et 2019. Hébergement d'urgence : y compris ouvertures de crédits en cours d'année pour 2022, ainsi que dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale sur le PLF 2023.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

II. LES AIDES AU LOGEMENT (PROGRAMME 109)

Le programme 109 porte principalement les aides personnelles au logement (APL), soit 13,4 milliards d'euros sur le budget de l'État, en évolution de + 2,2 % en valeur et - 2,0 % en volume.

Six millions de ménages bénéficient d'une aide au logement, qui contribue à réduire leurs dépenses de logement : le taux d'effort des ménages, qui est de 20,0 % avec les aides, serait supérieur à 40 % sans ces aides.

Évolution du taux d'effort des ménages éligibles aux APL
selon le type de logement et de ménage

(en % du revenu hors aides au logement)

Taux d'effort : part du revenu des allocataires effectivement consacrée à la dépense de logement. Numérateur : somme du loyer et des charges forfaitaires ou de la mensualité d'emprunt minorées de l'aide au logement. Dénominateur : revenu hors aides au logement.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Toutefois, les prestations sociales couvrent une part de plus en plus réduite des dépenses courantes des ménages pour les logements ordinaires, hors locaux d'hébergements collectifs : elle est de 4,4 % en 2021, contre 4,7 % en 2019 et 5,3 % en 2015.

En outre, le modèle de financement des aides à la pierre, qui repose en partie sur une contribution des employeurs, devra être revu d'ici à 2025 car la loi organique relative aux lois de finances supprime à cette échéance la possibilité d'affecter une imposition à un fonds sans personnalité juridique. Or Action Logement, qui a été mis à contribution plusieurs fois au cours des années récentes, voit ses marges de plus en plus limitées.

III. LA POLITIQUE DE L'HABITAT ET DE L'URBANISME (PROGRAMME 135)

Le programme 135 , pivot des politiques du logement et de l'urbanisme, porte des actions diverses relatives à la construction, l'habitat et l'urbanisme, pour un montant de crédits budgétaires de 780,8 millions d'euros, complété par des fonds de concours d'un niveau de 365 millions d'euros et des dépenses fiscales d'un niveau prévisionnel de près de 15 milliards d'euros.

A. ALORS QUE LA SITUATION DANS LE SECTEUR DU LOGEMENT EST PARTICULIÈREMENT INCERTAINE...

Le secteur de la construction a été atteint en 2022 par les tensions sur les prix , qui ne devraient pas s'atténuer en 2023, ainsi que la difficulté à obtenir des permis de construire.

- Les mises en chantier sont au niveau le plus bas depuis 2016, hors période de fermeture des chantiers en 2020 : la reprise semble déjà marquer le pas et la remontée sensible des taux risque de freiner les dépôts de permis de construire dans les mois et années à venir.

Évolution des coûts des matériaux de construction
et du prix de l'énergie

(référence 100 en 2015)

Source : commission des finances, à partir des données de l'INSEE

Dans le même temps, l'objectif de 250 000 logements sociaux agréés en 2021 et 2022 , annoncé par le précédent Gouvernement, a été abandonné et le nombre d'agréments reste égal, voire inférieur à 100 000 logements .

La hausse du livret A, représente une charge importante à court terme pour les organismes de logements sociaux. Elle s'ajoute au maintien de la réduction de loyer de solidarité (RLS), dont l'article 41 ter du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Cohésion des territoires », suspend une nouvelle fois l'indexation afin de limiter la charge qu'elle représente pour les bailleurs.

Or les investissements prévus dans le parc social dans les années à venir sont tout à fait considérables et représentent un effort historique pour le secteur. Aux besoins de production de logements sociaux neufs, même si ceux-ci se limitaient à 100 000 par an, s'ajoutera la nécessaire rénovation du parc existant.

B. LE NOUVEAU QUINQUENNAT N'AFFICHE AUCUNE STRATÉGIE POUR LA POLITIQUE DU LOGEMENT

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a vu son budget multiplié par cinq depuis 2019.

La subvention du programme 135 passe de 170 à 403 millions d'euros, montants auxquels il faut ajouter notamment la dotation sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (2,3 milliards d'euros) et l'affectation du produit de la vente des quotas carbone (700 millions d'euros).

Si MaPrimeRénov' rencontre un grand succès, les effets sur la diminution du parc de logements sont insuffisants à long terme et il est nécessaire de mettre l'accent sur la rénovation globale . Or celle-ci souffre du manque d'entreprises et de la difficulté à appréhender la complexité des travaux pour les particuliers.

Dans le même temps, un acteur majeur, Action Logement, est soumis à une double pression qui menace sa capacité à accomplir ses missions en faveur du logement.

D'une part, l'article 16 du projet de loi de finances prévoit une nouvelle ponction de 300 millions d'euros sur ses ressources, cette fois pour contribuer au financement du fonds national des aides à la pierre (FNAP).

D'autre part, le classement, par l'INSEE, d'Action Logement Services en administration publique a pour effet d'intégrer sa dette à la dette publique et, à terme, d'empêcher l'organisme d'emprunter pour plus de douze mois.

Ces décisions unilatérales pourraient affecter la participation d'Action Logement aux politiques publiques dont la mise en oeuvre dépendent de sa contribution, à commencer par le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), dont il est de loin le principal financeur, mais aussi au financement de l'ensemble du logement social dont Action Logement est un acteur important.

Alors que l'aide aux « maires densificateurs » (aide à la relance de la construction durable, puis contrats de relance du logement) n'a plus de financement en 2023 , l'État ne définit pas non plus de modèle de financement pour la politique de sobriété foncière :

Le fonds friche, qui a suscité en 2021 et 2022 l'émergence de nombreux projets de réhabilitation de friches dans les territoires, est désormais intégré dans un « fonds vert » , ou fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dont les modalités de financement n'ont toujours pas été définies.

Alors que l'objectif de « zéro artificialisation nette » a été gravé dans la loi à l'été 2021, ce projet de loi de finances ne contient que très peu de mesures tendant à faciliter ou rendre « désirable » l'objectif de sobriété foncière pour les communes .

Le rapporteur spécial souligne l'urgence de poursuivre les travaux , sur la base notamment du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, afin de « climatiser » réellement la fiscalité et les ressources des collectivités territoriales .

IV. LA POLITIQUE DE LA VILLE (PROGRAMME 147)

Le programme 147 porte les crédits de la politique de la ville , pour un montant de crédits de 597,5 millions d'euros en 2023, en hausse de 4,4 % en valeur et stable en euros constants.

Le dispositif « Quartiers d'été » , financé par des crédits ouverts en cours d'année depuis 2020, est enfin intégré à la budgétisation initiale.

En revanche, les moyens relatifs à l'éducation dans les quartiers de la politique de la ville sont de 169,7 millions d'euros, soit une diminution de 3,8 millions d'euros .

La question de la spécificité des crédits dédiés à la politique de la ville demeure posée : au-delà des crédits budgétaires du programme 147, les quartiers font l'objet de nombreuses lignes de crédits dont une traçabilité insuffisante permet difficilement d'évaluer l'impact.

Le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), dont le démarrage a été lent depuis 2014, entre dans une phase active avec des dépenses estimées de 568 millions d'euros en 2022.

Il demeure toutefois financé principalement par Action Logement et les bailleurs sociaux, alors que l'État tarde à apporter le financement promis de 1,2 milliard d'euros .

Financement de l'ANRU par les crédits budgétaires du programme 147

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois et projets de loi de finances initiale et de règlement des comptes

Réunie le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Elle a proposé en revanche l'adoption de l'article 41 ter , rattaché à la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions .

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues pour le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 93 % pour les programmes 109 « Aide à l'accès au logement » et 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 77 % pour le programme 147 « Politique de la ville ». Il convient de souligner le niveau élevé de ce taux, par rapport au taux plus faible de réponses observé sur certains de ces programmes il y a quelques années.

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