ANNEXE II : LA PRODUCTION D'HYDROGÈNE BAS-CARBONE EN EUROPE

France :

En France, la prise en compte de l'hydrogène bas-carbone dans la stratégie énergétique nationale est récente.

La loi Énergie-Climat de 2019 a ainsi introduit un objectif et prévu une habilitation sur l'hydrogène (articles 1 er et 52). De plus, la loi Climat-Résilience de 2021 a inscrit l'hydrogène dans la loi quinquennale sur l'énergie et la réforme du code minier et a prévu son intégration à un appel d'offres sur le stockage de l'énergie, une souplesse pour son implantation sur le domaine public de l'État et une faculté de transfert des garanties de traçabilité et d'origine vers les collectivités territoriales (articles 81 et 87).

À ce stade, l'article 16 duodecies de la loi d'Accélération des énergies renouvelables de 2022, en cours d'examen au Parlement, propose d'intégrer l'hydrogène dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et les comités régionaux de l'énergie (CRE), de confier un rôle de promotion à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et aux autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), de permettre des mutualisations dans le cadre de plateformes industrielles et enfin d'instituer un référent unique à titre expérimental.

Sur le plan de la stratégie, l'article L. 100-4 du code de l'énergie (CE) prévoit de « développer l'hydrogène bas-carbone et renouvelable et ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, avec la perspective d'atteindre environ 20 à 40 % des consommations totales d'hydrogène et d'hydrogène industriel à l'horizon 2030 » . De plus, la Stratégie française pour un hydrogène décarboné, règlementaire, fixe un objectif de 6,5 GW de capacités d'électrolyse.

S'agissant de la définition, l'article L. 811-1 du CE distingue l'hydrogène « bas-carbone » , « renouvelable » et « carboné » .

Pour ce qui est de régulation, si la CRE est compétente en matière d'énergie, elle ne l'est pas formellement s'agissant de l'hydrogène : l'article L. 851-1 du CE dispose en effet que « les activités de vente et de production d'hydrogène renouvelable s'exercent au sein des marchés concurrentiels et ne sont pas régulées [par le code de l'énergie] » .

Pour autant, le transport, la distribution et la vente d'hydrogène sont encadrés (articles L. 831-1, L. 832-2, L. 841-1 et L. 851-1 du CE).

Enfin, il existe plusieurs dispositifs de soutien à l'hydrogène :

- un soutien budgétaire pour les installations de production d'hydrogène renouvelable et bas-carbone par électrolyse de l'eau attribué par appel d'offres (article L. 812-1 du CE) ;

- des dispositions sur l'autoconsommation (article L. 813-1 du CE) ;

- des garanties de traçabilité et d'origine (article L. 821-1 du CE).

Allemagne :

En Allemagne, une stratégie nationale portant sur l'hydrogène a été mise en oeuvre en juin 2020 (Nationale Wasserstoffstrategie, NWS ) 89 ( * ) . La NWS poursuit cinq objectifs clefs : (1) l'établissement d'hydrogène à base d'énergies renouvelables dans la transition énergétique, (2) la construction de capacités de production, (3) le développement de technologies d'utilisateur afin de créer un marché domestique du côté de la demande, (4) la fixation d'un cadre légal pour le développement d'une infrastructure de transport et de distribution, (5) le renforcement de la compétitivité des entreprises allemandes par des aides de recherche et innovation et d'export.

Entre temps, le Gouvernement a publié un rapport d'évaluation en mai 2022 90 ( * ) . L'hydrogène est prévu de préférence là où l'utilisation immédiate d'électricité n'est pas possible. Le Gouvernement a doublé les cibles de la capacité d'électrolyse à 10 GW jusqu'en 2030 mais compte importer environ 75 % de son hydrogène afin de satisfaire la demande domestique. L'Allemagne compte notamment sur le développement d'un réseau d'hydrogène européen ( EU Hydrogen Backbone ). Le réseau allemand lui-même sera pour la plupart développé par un rezonage des gazoducs existants et non par la construction de nouveaux gazoducs.

De plus, l'Allemagne a établi un certain nombre de coopérations avec des États hors-UE (Maroc, Tunisie, Brésil, Afrique du Sud, Algérie) pour l'importation d'hydrogène et ses produits dérivés. Cela s'effectue au sein de l'initiative « H2Global » . Le rôle que pourrait jouer l'hydrogène bleu est encore en évaluation. Un examen des mesures pour accélérer les procédures de planification et d'autorisation est en cours. L'examen de la continuation de la NWS est prévu pour la fin 2022 au Cabinet des ministres. Les Länder d'Allemagne sont inclus dans cette procédure par un groupe de travail sur l'hydrogène ( Bund-Länder-Arbeitskreis Wasserstoff ).

Le domaine de l'énergie fait partie de la compétence législative concurrente de l'article 74 1 er alinéa N° 11 de la Loi fondamentale, dont la Fédération s'est saisie. Les États constituants d'Allemagne (Länder) ne peuvent donc plus exercer de compétence législative. Le cadre juridique en matière d'énergie en Allemagne est complexe, non consolidé et consiste en environ 28 lois fédérales et une trentaine d'ordonnances fédérales, exigences européennes exclues 91 ( * ) .

Centrale dans le domaine de l'hydrogène est la loi sur la transposition des obligations de l'Union européenne et pour régler les réseaux d'hydrogène pur au sein du droit de l'économie d'énergie du 16 juillet 2021 ( Bundesgesetzblatt 2021, Teil I S. 3026 ). Cette loi a introduit des amendements à huit lois fédérales et huit ordonnances portant sur le sujet. L'hydrogène est notamment réglementé par la transposition allemande de la directive européenne sur l'énergie renouvelable (RED II) et la loi sur les énergies renouvelables ( Erneuerbare Energiengesetz, EEG ), la loi de l'industrie de l'énergie ( Energiewirtschaftsgesetz, EnWG ) et la loi fédérale sur le contrôle de la pollution ( Bundesimmissionsschutzgesetz, BImSchG ). Cette loi est seulement vue comme une solution temporaire jusqu'à ce qu'une solution européenne soit mise en place. Jusqu'à l'entrée en vigueur de législation européenne, l'EnWG donne la possibilité d'un « opt-in » parmi lequel les opérateurs d'un réseau peuvent choisir les règles auxquelles ils seront soumis. Si l'option n'est pas exercée, le réseau ne sera pas soumis à l'EnWG.

Le EnWG, qui règle les réseaux de gaz et de l'électricité contient depuis la loi de 2021 un nouveau § 3 Nr. 14 EnWG définissant le terme d'énergie (le terme d'hydrogène à côté du gaz a été ajouté). De plus, le § 3 N° 19a EnWG prévoit que l'hydrogène produit avec l'électrolyse tombe sous la définition de gaz. Jusqu'à présent, peu des gazoducs ont été utilisés exclusivement pour le transport d'hydrogène. Ces gazoducs d'hydrogène étaient règlementés par le § 110 EnWG portant seul sur des gazoducs à circuit fermé. Le nouveau § 112b EnWG vise à adopter un cadre commun pour les réseaux de gaz et d'hydrogène.

La loi a créé une nouvelle section 3b du EnWG contenant la réglementation des réseaux d'hydrogène dans les §§ 28j-28q EnWG. À noter est le § 28m EnWG, qui interdit aux opérateurs d'un réseau d'hydrogène de construire ou d'opérer des capacités propres de production, de stockage et de distribution d'hydrogène. Cela vise à éviter des subventions croisées et des discriminations. De plus, § 28p EnWG prévoit des exigences pour des subventions suite à un audit de l'Agence fédérale des réseaux ( Bundesnetzagentur, BNetzA ).

Le cadre juridique des renouvelables a été modifié ainsi pour prendre en compte l'hydrogène : le § 69b EEG crée la possibilité d'exemption du prélèvement EEG pour la production d'hydrogène. Cette règle fut concrétisée par modification de l'ordonnance sur les énergies renouvelables (EEV) définissant ce qu'est l'hydrogène vert. L'ordonnance prévoit que l'hydrogène est vu comme « vert » ; s'il est produit (1) avec l'électricité d'une installation au sens du EEG ; (2) avec 80 % d'électricité de la zone de tarifs allemande, au maximum 20 % d'une zone connectée, (3) sans aide pour les KWh utilisés dans le processus de l'électrolyse (§ 12 i Abs. 1 EEV). Ces règles ne sont pas en vigueur jusqu'à la décision de la Commission européenne sur les aides d'État. La décision finale a été reportée lors des travaux européens sur un acte délégué sur l'hydrogène vert.

Un électrolyseur est considéré comme une installation soumise à autorisation de la loi fédérale sur le contrôle de la pollution (BImSchG). L'utilisation d'hydrogène vert comme carburant basé sur l'électricité sera pris en compte de manière plus pesante dans le calcul du quota des gaz à effet de serre (GES) par le § 37a 4 e alinéa BImSchG, ce qui concerne notamment les raffineries.

Le Bundestag a ainsi voté le 9 novembre 2022 un projet de loi sur la traçabilité et l'origine de gaz, hydrogène, chaleur, froideur issus d'énergies renouvelables ( Herkunftsnachweisregistergesetz, HkNRG ) 92 ( * ) . Parmi le standard ISO 14 687-2 est définie la pureté de l'hydrogène.

Une loi sur la procuration publique de véhicules propres ( Saubere-Fahrzeuge-Beschaffungsgesetz ) prévoit des obligations des marchés publics à établir une flotte aux émissions basses.

La NWS institue un nombre de dispositifs de soutien budgétaires, fiscaux ou extra-budgétaires (garanties ou certificats) : le budget fédéral 2023 prévoit des aides pour promouvoir l'hydrogène d'environ 223 millions d'euros, notamment le concept des contrats d'écart compensatoire ( Carbon Contracts for Difference, CCfD ).

Royaume-Uni :

Au Royaume-Uni, les règles en vigueur portant sur l'hydrogène datent des années 1980, avant que l'hydrogène ne soit considéré comme carburant. L'hydrogène est règlementé par le « Gas Act » de 1986. Une autorisation est nécessaire pour transporter ou fournir l'hydrogène. La production ne nécessite pas de licence, mais elle doit être découplée du transport et de la fourniture. Cependant, l'hydrogène est considéré comme une substance dangereuse par le Règlement SI 2015/627. Une autorisation est donc nécessaire pour le stockage de plus de 2 tonnes d'hydrogène. L'hydrogène doit se conformer aux exigences du règlement sur la sécurité des gazoducs ( Pipelines Safety Management Regulations, PSMR ) de 1996. Ce règlement ne permet pas le transport d'une concentration de plus de 0.1 % dans les gazoducs.

En août 2021, le Gouvernement a publié une stratégie hydrogène, jugée peu concrète par les experts de la filière. Une révision du « Gas Act » n'a pas encore été déposée. En juin 2022, le Gouvernement britannique a publié un document de suivi.

La stratégie vise aussi à développer les capacités du « nouveau nucléaire » afin d'éviter une déviation de capacités d'électricité des consommateurs vers la production d'hydrogène. La stratégie britannique sur la sécurité d'approvisionnement d'énergie vise à ajouter 24 GW de capacités nucléaires. Elle est la seule stratégie hydrogène portant sur le nucléaire, à l'exception de la France.

Belgique :

La Belgique a publié une stratégie fédérale le 21 octobre 2021. Elle consiste pour la plupart en des mesures exécutives, par exemple un forum « d'hydrogène vert ». Les buts sont de : (1) positionner la Belgique comme plaque tournante d'importation de molécules renouvelables en Europe, (2) renforcer le leadership belge dans les technologies de l'hydrogène, (3) établir un marché robuste de l'hydrogène, (4) investir dans la coopération comme facteur clé de succès. La stratégie ne mentionne pas le nucléaire, vu que le Gouvernement fédéral belge a adopté un accord sur l'énergie qui prévoit la sortie du nucléaire. En même temps, l'accord prévoit une enquête sur les possibilités de Small modular reactors (SMR) dès 2040.

Au sein d'une consultation, le Gouvernement fédéral a annoncé un projet de loi portant sur la régulation du transport d'hydrogène par canalisations et des infrastructures associées. Ce projet de loi n'a pas encore été déposé.

La région de la Flandre a aussi formulé une stratégie hydrogène régionale en 2020 93 ( * ) . Dans toutes les régions de la Belgique se trouvent des appels à projets dans le domaine de l'hydrogène.

Pays-Bas :

Les Pays-Bas ont adopté une stratégie hydrogène ( Nationaal Waterstof Programma, NWP ). Le Gouvernement a adopté une ordonnance sur l'infrastructure sur les carburants alternatifs et une sur un programme de subvention.

De plus les Pays-Bas ont adopté un règlement sur le transport d'énergie 94 ( * ) . Ainsi la loi portant sur le gaz (« Gaswet ») est appliquée sur au secteur d'hydrogène. Toute activité économique autour de l'hydrogène est soumise à autorisation de l'ACM ( Authoriteit Consument & Markt ).

Les Pays-Bas possèdent une centrale nucléaire à Borssele d'une capacité de 485 MW. Il est prévu que le Gouvernement étudie la construction de deux nouvelles centrales nucléaires mais pas avant 2023. Vu les préconditions de la directive Renewable Energy II (RED II) , l'hydrogène produit avec de l'énergie nucléaire ou l'hydrogène bleu n'est pas considéré comme durable dans la feuille de route du NWS.


* 89 https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Wasserstoff/home.html

* 90 https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Wasserstoff/Downloads/fortschrittsbericht-nws.pdf?__blob=publicationFile&v=8

* 91 Tableau du Ministère de l'énergie et de la protection du climat https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/gesetzeskarte.pdf?__blob=publicationFile&v=47

* 92 Drucksache 20/3870 Gesetzentwurf der Bundesregierung Entwurf eines Gesetzes zu Herkunftsnachweisen für Gas, Wasserstoff, Wärme oder Kälte aus erneuerbaren Energien und zur Änderung der Fernwärme- oder Fernkälte-Verbrauchserfassungs- und -Abrechnungsverordnung (bundestag.de)

* 93 https://www.waterstofnet.eu/_asset/_public/WIC/2020-12-7-Flemish-Hydrogen-Strategy_Hydrogen-Industry-Cluster.pdf

* 94 https://wetten.overheid.nl/jci1.3:c:BWBR0041050&z=2022-01-01&g=2022-01-01

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