Rapport n° 236 (2022-2023) de M. Daniel GREMILLET , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 11 janvier 2023

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N° 236

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 janvier 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi relatif à l' accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (procédure accélérée),

Par M. Daniel GREMILLET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

100 , 233 et 237 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Mercredi 11 janvier 2023, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées aux constructions de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes . Ce texte vise à accélérer la construction de nouveaux réacteurs pour réaliser la relance de l'énergie nucléaire, annoncée par le Président de la République, dans le discours de Belfort, le 10 février 2022. Il prévoit aussi d'améliorer la sûreté des réacteurs existants, lors de leur réexamen ou de leur arrêt.

La commission rappelle que le Gouvernement a trop longtemps délaissé la filière du nucléaire . Jusqu'au discours de Belfort, il a appliqué une politique de fermeture des réacteurs existants, avec 14 arrêts prévus en 20 ans, dont les 2 de la centrale de Fessenheim dès 2020, et une politique d'attentisme pour les nouveaux réacteurs, aucune décision n'ayant été prise lors de la révision de notre planification énergétique, par la loi « Énergie-Climat » de 2019 puis la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de 2020.

Les conséquences de ce désintérêt sont aujourd'hui dramatiques . Ainsi, RTE a placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu'en 2024 sur le plan de la sécurité d'approvisionnement. De son côté, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) relève une « érosion tendancielle » de la production nucléaire en 10 ans et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un système électrique désormais « sans marge ».

Un an après le discours de Belfort, les annonces opportunément faites par le Président de la République en faveur d'une relance du nucléaire, à la toute fin du premier quinquennat, n'ont été que peu suivies d'effets ! Ce texte en est l'illustration, dans la mesure où il n'est pas à la hauteur, ni sur le fond, ni sur la méthode, des enjeux auxquels est confrontée la filière du nucléaire.

Pour autant, soucieuse d'accompagner cette relance du nucléaire, la commission a estimé crucial de consolider et de compléter le texte, selon 4 directions . Elle a entendu combler ses angles morts, en révisant la planification énergétique et en prévoyant que la prochaine loi quinquennale sur l'énergie acte la construction des réacteurs et résolve les enjeux du financement ou des compétences. Elle a aussi voulu renforcer la sécurité et la sûreté nucléaires, en légiférant sur la résilience des réacteurs au changement climatique et sur leur cyber-résilience. De plus, elle a souhaité mieux associer les collectivités territoriales et le public à la relance du nucléaire. Enfin, elle s'est attachée à renforcer la sécurité juridique, notamment en cas d'expropriation ou de contentieux.

I. UN CONTEXTE PRÉOCCUPANT POUR UNE ÉNERGIE INDISPENSABLE POUR RENFORCER NOTRE SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE ET ATTEINDRE LA NEUTRALITÉ CARBONE D'ICI 2050

En déclin depuis les années 2010 et confrontée à des indisponibilités à court terme, et à un « effet falaise » à long terme, la filière du nucléaire a besoin de prérequis - stratégiques, financiers et humains - pour réussir sa relance.

A. UN REGRETTABLE DÉCLIN DEPUIS LES ANNÉES 2010

Autrefois très dynamique, la filière du nucléaire est aujourd'hui en déclin, faute d'une politique cohérente et d'investissements suffisants . Portée par la mise en service de 58 réacteurs dans les années 1970-1980, elle a connu un ralentissement, avec l'arrêt de 2 réacteurs, la construction de 1 seul réacteur et l'abandon de 1 projet, dans les années 2010. Jusqu'en 2022, le Gouvernement a entendu fermer 14 réacteurs. En stoppant les 2 réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020, il a privé la France d'une puissance de 1,8 gigawatt (GW), soit 1 800 éoliennes ou 15 centrales thermiques, et d'une production de 11 térawattheures (TWh), soit jusqu'à 10 M de tonnes d'économies de CO 2 . De plus, il n'a pas lancé de nouveaux réacteurs. Le seul chantier conduit est donc celui de l'EPR de Flamanville 3 depuis 2007, les autres autorisations remontant à 1991, pour Civaux 2, et 1984, pour Chooz B1. Enfin, le Gouvernement a raboté la recherche et le développement (R&D) dans le domaine du nucléaire. Confronté à une baisse de 70 M€ de son budget, de 2017 à 2021, le Commissariat à l'énergie nucléaire et aux énergies alternatives (CEA) a stoppé le projet Astrid en 2019.

B. DES DIFFICULTÉS CONJONCTURELLES ET STRUCTURELLES

Dans ce contexte, deux difficultés conjoncturelles éprouvent la filière du nucléaire . La première est la faible disponibilité du parc. Cela s'explique par la densité du programme du Grand Carénage, l'impact de la crise de la Covid-19 sur le programme d'« arrêts de tranches » et le phénomène de « corrosion sous contrainte ». Mi-novembre, 28 réacteurs ont été mis à l'arrêt, dont 16 pour ce phénomène, selon EDF. De plus, EDF a évalué sa production entre 275 et 285 TWh pour 2022, en baisse de 15 % par rapport aux prévisions initiales. La seconde est la flambée des prix. Cela résulte de la reprise de l'économie mondiale, au sortir de la crise de la Covid-19, puis de la guerre russe en Ukraine. Mi-décembre, les prix de marché de l'électricité ont dépassé les 700 €/MWh, soit une multiplication par 35 par rapport au printemps 2020. De plus, les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) augmenteront de 15 % en 2023, après une hausse de 4 % en 2022, en dépit de l'application du « bouclier tarifaire », reconduit en loi de finances initiale pour 2023.

À plus long terme, la filière du nucléaire est confrontée à des perspectives complexes . Pour réaliser la neutralité carbone, la Commission européenne anticipe un doublement de la production d'électricité et l'Agence internationale de l'énergie (AIE) un doublement de celle d'origine nucléaire. Or, le parc fait face à deux défis, selon Réseau de transport d'électricité (RTE) : d'une part, la consommation d'électricité pourrait croître jusqu'à 90 %, en cas de réindustrialisation ; d'autre part, les réacteurs actuels devraient arriver en fin de vie, avec un « effet falaise », de 400 TWh, à compter de 2040. Dans ce contexte, RTE estime que « seule une décision politique sur la construction de nouveaux réacteurs au cours de l'année 2022 ou 2023 permettrait de disposer de nouvelles tranches à l'horizon 2035 » . Or, la capacité de renouvellement du parc est limitée par des délais incompressibles et des ressources limitées. Grevé d'une dette de 43 Mds€, le groupe EDF a ainsi perdu 18,1 Mds€ avec le phénomène de « corrosion sous contrainte » et 10,2 Mds€ avec le « bouclier tarifaire ». Or, il doit financer le Grand Carénage, 65 Mds€ sur 2014-2028, et les EPR, dont 12,7 Mds€ pour Flamanville, 30 Mds€ pour Hinkley Point et 46 Mds€ pour les 6 nouveaux EPR.

C. UNE RELANCE DU NUCLÉAIRE NÉCESSITANT DES PRÉREQUIS

Pour réussir sa relance, la filière du nucléaire doit s'appuyer sur un cap clair, des actes concrets et des moyens massifs . Les annonces politiques doivent être clarifiées, car le discours de Belfort évoque 25 GW de « nouveau nucléaire », avec la construction de 6 EPR, l'étude de 8 autres et le développement de 1 SMR, assortis d'une prolongation des réacteurs existants au-delà de 50 ans. Or, le scénario le plus nucléarisé de RTE, « N03 » , prévoit 27 GW de « nouveau nucléaire », ce qui suppose la construction de 14 EPR et de 4 GW de SMR et la prolongation des réacteurs existants au-delà de 60 ans. De plus, il est nécessaire de tenir compte de deux alertes : pour RTE, jusqu'à 3 EPR supplémentaires (soit 5 GW) seraient nécessaires si la prolongation des réacteurs existants au-delà de 60 ans n'était pas possible et jusqu'à 9 autres (soit 15 GW) en cas de réindustrialisation. De plus, les objectifs programmatiques doivent être révisés, car le code de l'énergie tout comme la PPE n'intègrent en rien la construction de nouveaux réacteurs et, pire, prévoient toujours la fermeture de ceux existants... Enfin, des prérequis sont indispensables : un modèle de financement solide, qui doit passer par la révision de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), de même que la consolidation des compétences, de l'exploitant comme des autorités en charge de la sûreté, et une dynamisation de la R&D en direction de la fermeture du « cycle du combustible ».

Au total, la commission estime indispensable de construire plus d'EPR et de SMR que ceux annoncés, de les construire plus vite et surtout de les assortir de moyens budgétaires et humains . C'est à ces conditions que l'énergie nucléaire pourra rester un levier essentiel de notre souveraineté énergétique, puisque cette énergie représente 69 % de notre production d'électricité en 2021 et un levier de transition énergétique, avec moins de 6 grammes de CO 2 par kWh.

II. DES DISPOSITIONS TRÈS EN DEÇÀ DES ENJEUX DE LA FILIÈRE DU NUCLÉAIRE NÉANMOINS IMPORTANTES

Dans ce contexte préoccupant, le projet de loi comporte 11 articles, d'une portée limitée comparée aux enjeux de la filière du nucléaire, qui ont été examinés par le rapporteur Daniel Gremillet pour la commission des affaires économiques.

A. CONSTRUIRE DE NOUVELLES INSTALLATIONS

Le titre premier concerne la construction de nouvelles installations nucléaires.

Son champ vise les réacteurs électronucléaires installés à l'intérieur ou à proximité immédiate du périmètre d'une installation nucléaire de base (INB) existante, dès lors que leur demande d'autorisation de création est déposée dans un délai de 15 ans ( article 1 er ).

Les mesures de simplification proposées sont de plusieurs ordres :

• l' article 2 propose que les projets de réacteurs soient qualifiés de « projets d'intérêt général » (PIG) par décret en Conseil d'État, et qu'ils bénéficient à ce titre de plusieurs dérogations en matière d'urbanisme. En particulier, la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme sera simplifiée, via un engagement direct de procédure par le préfet et une simple mise à disposition du projet au public ;

• l' article 3 vise à dispenser les projets de réacteurs d'autorisations d'urbanisme, en prévoyant que la conformité de ces projets aux règles d'urbanisme soit vérifiée par l'État dans le cadre des demandes d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création qui sont par ailleurs requises. Il prévoit également des coordinations visant à assurer la continuité de la perception de la taxe d'aménagement par les collectivités territoriales, en l'absence de permis de construire ;

• l' article 4 propose que l'autorisation environnementale soit délivrée par décret en Conseil d'État, au vu d'une étude d'impact portant sur l'ensemble du projet. Il permet également que les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création des réacteurs puissent être réalisés à compter de la délivrance de l'autorisation environnementale, sous réserve de leur conformité aux règles d'urbanisme. Quant à la construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, elle ne peut l'être qu'après la délivrance de l'autorisation de création ;

• l' article 5 permet d'exonérer les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la création ou à l'exploitation d'un réacteur, ainsi que leurs ouvrages de raccordement, des dispositions de la loi « Littoral », à proximité immédiate ou à l'intérieur de l'INB ;

• l' article 6 propose de simplifier la procédure d'octroi des concessions d'utilisation du domaine public maritime pour la construction de réacteurs, en prévoyant que l'obtention d'une telle concession par décret en Conseil d'État vaille déclaration d'utilité publique, sous réserve de la bonne réalisation de l'enquête publique et de l'engagement pris par l'exploitant de respecter un cahier des charges ;

• l' article 7 vise à appliquer la procédure d'expropriation d'extrême urgence, pour la prise de possession de terrains ou d'immeubles, bâtis ou non, nécessaires aux projets de réacteurs. Ce dispositif s'applique, d'une part, aux installations ou aménagements directement liés à la préparation des travaux réalisés en vue de la création d'un réacteur et, d'autre part, aux constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de cette création, ainsi qu'aux équipements et installations nécessaires à leur exploitation et aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité. Un délai de 10 ans est prévu entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.

B. AMÉLIORER LES INSTALLATIONS EXISTANTES

Le titre II concerne le fonctionnement des installations nucléaires existantes.

• l' article 9 propose de clarifier les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs, notamment au-delà de leur 35 e année de fonctionnement. Pour ce faire, il cible la participation du public sur les conclusions du réexamen et les dispositions proposées par l'exploitant, supprime un rapport intermédiaire sur l'état des équipements remis tous les 5 ans et prévoit que les modifications puissent être réalisées après déclaration ou autorisation auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou au terme d'une nouvelle autorisation ;

• l' article 10 propose d'ajuster la procédure de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à 2 ans. Dans cette perspective, il remplace la mise à l'arrêt automatique par le recours à un décret, pris après avis de l'ASN, après que l'exploitant a eu la possibilité de présenter ses observations.

C. AJUSTER DIVERSES DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE NUCLÉAIRE

Le titre III porte sur des dispositions diverses, avec la ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses mesures en matière nucléaire ( article 11 ).

III. UN OBJECTIF PARTAGÉ MAIS UNE MÉTHODOLOGIE PERFECTIBLE

La commission des affaires économiques, et le Sénat dans sa quasi-totalité, partagent l'objectif de la relance de la filière du nucléaire .

A. UNE FORTE IMPLICATION SÉNATORIALE EN FAVEUR DU NUCLÉAIRE

Au reste, la commission est très impliquée en faveur de l'énergie nucléaire .

Dans la loi Énergie-Climat, de 2019, elle a décalé de 10 ans, de 2025 à 2035, l'objectif de réduction de 50 % de cette énergie. Dans la loi ASAP, de 2020, elle a maintenu et consolidé la commission en charge du contrôle des charges de démantèlement des INB, en lui permettant de consulter l'Autorité de contrôle prudentiel (ACPR). Dans la loi Climat-Résilience de 2021, elle a permis de conditionner toute fermeture de réacteur à la prise en compte de son impact sur la sûreté nucléaire, la sécurité d'approvisionnement et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans ces textes, elle a aussi prévu que l'hydrogène bas-carbone, issu de l'énergie nucléaire, soit intégré à la planification énergétique et bénéficie de dispositifs de soutien ou de mesures de simplification.

Ce faisant, la commission s'est positionnée avant et, bien souvent, contre le Gouvernement.

Au-delà de son activité législative, elle a fait adopter une résolution sur la relance de l'énergie nucléaire, en février 2021, et une autre sur l'intégration de cette énergie à la taxonomie verte européenne, en décembre de la même année.

Plus récemment, la mission d'information transpartisane sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone , confiée à Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a proposé d'acter la construction de 14 EPR et de 4 GW de SMR, pour maintenir un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050, afin de réaliser concrètement le scénario précité le plus nucléarisé de RTE, « N03 » .

B. UNE LARGE CONCERTATION CONDUITE PAR LE RAPPORTEUR

Dans le cadre de ses travaux préalables, le rapporteur a procédé à l'audition de 100 personnalités issues de 50 organismes et a reçu 40 contributions . Il a ainsi entendu les représentants de la filière du nucléaire, des organismes en charge de la sûreté, des associations environnementales et des collectivités territoriales, dont celles éventuellement concernées par la construction des 6 premiers EPR.

Le 14 décembre, une table ronde de la commission des affaires économiques a permis d'auditionner le président-directeur général d'EDF, le président de l'ASN, l'administrateur général du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi que deux directeurs d'Orano et de RTE.

Le même jour, le groupe d'études « Énergie » a reçu le président de la commission spéciale de la Commission nationale du débat public (CNDP) chargée d'organiser le débat public sur plusieurs sujets nucléaires.

C. DE LOURDES DIFFICULTÉS DE MÉTHODE DE LA PART DU GOUVERNEMENT

À l'issue de ses travaux préalables, le rapporteur a constaté les difficultés méthodologiques posées par le projet de loi .

Tout d'abord, le Gouvernement légifère dans le désordre , car il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire le projet de loi quinquennale sur l'énergie, puis le projet de loi sur l'accélération du nucléaire et enfin le projet de loi sur l'accélération des renouvelables.

Plus encore, le Gouvernement légifère dans la précipitation , le Sénat ayant été informé mi-décembre de l'examen du projet de loi relatif nucléaire début janvier et de la tenue de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi afférent aux renouvelables fin janvier.

Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours , la CNDP ayant été chargée de plusieurs débats sur l'évolution du mix énergétique, le programme de nouveaux réacteurs et la construction de 2 EPR sur le site de Penly.

Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification , éludant les questions pourtant cruciales relatives à l'actualisation de la planification énergétique, et notamment à la revalorisation de l'énergie nucléaire dans le mix électrique, à la décision effective de construction des EPR, les 6 annoncés comme les 8 à l'étude, et enfin aux moyens financiers et humains nécessaires, dont le devenir de la nouvelle régulation du nucléaire.

D. DES GAINS DE TEMPS PERMIS PAR LE TEXTE ENCORE HYPOTHÉTIQUES

En dépit de cette méthodologie déficiente, le projet de loi laisse espérer des gains de temps importants pour accompagner la relance de l'énergie nucléaire .

D'une part, certaines procédures , telles que celles relatives à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme (article 3) et à l'anticipation de certains travaux (article 4) sont porteuses en tant que telles de gains significatifs .

D'autre part, les recours doivent être optimisés . En effet, le texte réduit le nombre d'actes, compte tenu de la suppression de l'autorisation d'urbanisme (article 3), de la dérogation à la loi « Littoral » (article 5) ou de la dispense de déclaration d'utilité publique (article 6). Pour les actes subsistant, dont la qualification de projet d'intérêt général (article 1 er ), l'autorisation environnementale (article 4), la concession d'utilisation du domaine public maritime (article 6) ou la procédure d'expropriation d'extrême urgence (article 7), le projet de loi garantit la prise d'un décret, ce qui signifie que les contentieux relèveront, en premier et dernier ressorts, du Conseil d'État.

Au total, le rapporteur retient de ces travaux que les mesures de simplification doivent permettre une accélération de plusieurs années , tant selon EDF que le Gouvernement.

Articles

Estimation EDF

Estimation Gouvernement

2

12 mois

1 à 2 ans

3

3 mois

1 à 2 ans

4

2 ans

1 à 2 ans

5

-

Plusieurs années

6

5 mois

6 à 8 mois

7

12 mois

Plusieurs années

Contentieux

-

2 à 3 ans

Les chiffres-clés du projet de loi « Nouveau nucléaire »

Des travaux ayant permis d'auditionner

Une accélération espérée jusqu'à

Un parc nucléaire existant de

Une production à renouveler de

Des émissions maximales de

personnalités issues
de 50 organismes

de la construction
des réacteurs,
selon EDF

avec une capacité de 61,4 GW
et une production de 360,7 TWh
en 2021

avec un
« effet falaise » d'ici 2040

de CO 2 /kWh

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION : POUR UN NUCLÉAIRE PLUS RAPIDE, SÛR, PROPRE ET INNOVANT

Le rapporteur a entendu consolider et compléter le texte, selon 4 axes .

A. COMBLER LES ANGLES MORTS DU TEXTE

En premier lieu, le rapporteur a souhaité combler les angles morts du texte, qui pâtit, d'un manque de vision stratégique, de neutralité technologique et de suivi démocratique .

Tout d'abord, il a présenté 4 amendements pour coordonner la planification énergétique avec la relance du nucléaire, poursuivie par le projet de loi.

Le premier ( article 1 er A ) abroge les verrous posés à cette relance du nucléaire en :

• supprimant l'objectif de réduction à 50 % de de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici 2035 ;

• supprimant la limitation a priori à 63,2 GW des autorisations d'exploitation des installations de production d'énergie nucléaire ;

• prévoyant une révision simplifiée de la PPE pour y retirer la trajectoire de fermeture des 12 réacteurs, hors Fessenheim.

Le deuxième ( article 1 er B ) propose une nouvelle stratégie en matière de nucléaire.

Pour ce faire, il inscrit des objectifs de :

• maintien de la production d'électricité nucléaire à plus de 50 % d'ici 2050, pour relancer la filière du nucléaire ;

• décarbonation du mix électrique, à hauteur de 100 %, et du mix énergétique, à hauteur de 50 % d'ici 2030, pour cesser d'opposer énergies nucléaire et renouvelables ;

• production d'électricité nucléaire à partir de matières recyclées, à hauteur de 20 % d'ici 2030, pour valoriser le cycle du combustible ;

• capacités de production de 6,5 GW d'hydrogène décarboné produit par électrolyse d'ici 2030, pour favoriser l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire ;

• soutien à la recherche et à l'innovation en direction de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène bas-carbone (EPR2, SMR, réacteurs de « 4 e génération », projet ITER, couplage nucléaire-hydrogène, PIIEC hydrogène).

De plus, l'amendement prévoit que le Gouvernement expose sa politique en matière d'énergie nucléaire, dans les débat et synthèse relatifs à la PPE.

Le troisième ( article 1 er C ) prévoit que la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, attendue avant le 1 er juillet de 2023, fixe des objectifs de « décarbonation », plutôt que de « diversification » du mix électrique, qui devront, en matière d'énergie nucléaire :

• acter la construction des EPR et des SMR à l'horizon 2050 ;

• préciser les moyens financiers et humains, les enjeux de sûreté et de sécurité, l'effort de recherche et d'innovation et, le cas échéant, le dimensionnement des installations du cycle du combustible, dont celles de retraitement-recyclage et de stockage.

Le dernier ( article 1 er D ) prévoit qu'une évaluation soit réalisée d'ici cette loi quinquennale sur les besoins induits par les 14 EPR mentionnés par le Gouvernement et les 9 autres étudiés par RTE sur la situation du groupe EDF, des finances publiques et du marché de l'électricité, les besoins en termes de métiers et de compétences, la sûreté et la sécurité et le cycle du combustible.

Plus encore, le rapporteur a présenté 3 amendements à l' article 1 er , pour clarifier les modalités d'application des mesures de simplification prévues pour les nouveaux réacteurs :

• d'une part, le rapporteur a allongé de 15 à 20 ans leur durée, afin de permettre qu'elles intègrent pleinement l'ensemble de la relance du nucléaire, les 6 EPR annoncés mais aussi les 8 autres à l'étude ;

• d'autre part, il a ciblé le champ d'application du dispositif, pour exclure des sites d'implantation potentiels les centres de stockage géologique profond et les accélérateurs de particules, et prévoir que la notion de « proximité immédiate » soit définie par décret en Conseil d'État, dans la limite du plan particulier d'intervention (PPI) associé au site, soit un rayon de 20 kilomètres autour de ce dernier ;

• le rapporteur a aussi souhaité garantir la neutralité technologique, en intégrant pleinement, aux côtés des EPR2, les SMR, les électrolyseurs d'hydrogène mais aussi les installations de stockage du combustible liées aux réacteurs. Il a prévu une clause de revoyure, dans un délai de 5 ans, pour intégrer, le cas échéant, d'autres technologies et d'autres sites ;

• enfin, il entendu renforcer la reddition des comptes, en prévoyant une évaluation annuelle de l'application des mesures de simplification, comprenant un rappel des objectifs et une justification des écarts, notamment en termes de délais. Il a prévu que la première évaluation précise les sites envisagés pour la construction des 6 EPR annoncés et des 8 autres à l'étude, le Gouvernement devant clarifier son intention.

B. GARANTIR LA SÛRETÉ ET LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS

En deuxième lieu, le rapporteur a entendu garantir la sûreté et la sécurité des installations, face aux nouveaux risques liés notamment au changement climatique et à la cybersécurité .

À l' article 6 , il a ainsi présenté 2 amendements pour préciser le contenu du cahier des charges de l'exploitant, afin d'éclairer au mieux la décision de l'État. Il s'agit de « rendre compte » des mesures de sûreté prises dès le stade de la conception pour limiter les risques de submersion et d'inondation, intégrer le recul du trait de côte et les évolutions prévisibles du climat.

À l' article 9 , le rapporteur a présenté 1 amendement pour clarifier les modalités de réalisation du réexamen décennal des réacteurs, notamment au-delà de leur 35 e période de fonctionnement en :

• maintenant le principe d'un rapport intermédiaire sur la sûreté, devant être remis tous les 5 ans, en ajustant son champ, pour qu'il porte sur l'application des prescriptions de l'ASN et non sur l'état des équipements, dont l'intérêt s'est révélé limité ;

• précisant les conditions de réalisation de l'enquête publique, qui devra porter sur le rapport de réexamen et les conclusions et propositions qu'il comporte ;

• clarifiant le fait que les modifications des réacteurs nécessitent une nouvelle autorisation, en cas de modification substantielle, ou une autorisation ou une déclaration auprès de l'ASN, en cas de modification notable.

Le rapporteur a précisé que les travaux soumis à déclaration seront mineurs, puisqu'ils ne pourront modifier le rapport de sûreté ou l'étude d'impact. Ils devront être précisés par une liste fixée par l'ASN et homologuée par le ministre en charge de la sûreté. En cas de besoin, l'ASN pourra les soumettre à des prescriptions complémentaires.

Le rapporteur a également présenté un amendement ( article 9 bis ) visant à mieux intégrer la résilience des réacteurs au changement climatique ainsi que leur cyber-résilience.

• pour ce faire, il prévoit que la démonstration de sûreté, lors de l'autorisation de création ou du réexamen décennal, porte sur l'impact du changement climatique sur la nature, l'intensité et le cumul des aléas, notamment les conditions climatiques extrêmes et les inondations ;

• de plus, il intègre la cyber-sécurité parmi la protection des actes de malveillance faisant l'objet d'un contrôle, dans le cadre de l'autorisation de détention du combustible.

À l' article 10 , le rapporteur a présenté 1 amendement pour ajuster les modalités de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à 2 ans pour :

• prévoir le recours à un décret en Conseil d'État, la suspension des observations de l'exploitant en cas d'urgence et la nécessité de protéger les intérêts liés à la sécurité, à la salubrité et à la santé publique ou à la protection de la nature et de l'environnement, comme dans les autres procédures du même ordre ;

• corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui prévu par la puissance publique, dans le décret précité, sur celui indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire.

À l' article 11 , le rapporteur a présenté 1 amendement corrigeant sur plusieurs points l'ordonnance du 16 février 2016 pour :

• améliorer le fonctionnement de la commission des sanctions de l'ASN, en y décentralisant le pouvoir de sanction de l'autorité et en facilitant la désignation de ses membres ;

• consolider le cadre applicable aux règles générales des INB pour protéger les intérêts précités, aux évaluations et prescriptions de l'ASN en cas de menace pour ces intérêts, ainsi qu'aux infractions aux règles de radioprotection pouvant être recherchées par ses inspecteurs.

C. MIEUX ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LE PUBLIC

En troisième lieu, le rapporteur a voulu mieux associer les collectivités territoriales et le public à la relance du nucléaire, en veillant à la réalisation des consultations préalables, au contenu des études d'impact et à l'absence d'effet de bord, en matière de fiscalité ou de politique de lutte contre l'artificialisation notamment .

À l' article 2 , il a présenté 3 amendements pour s'assurer :

• d'une part, que le débat public soit bien mené à son terme avant que le projet ne soit validé et déclaré PIG, car il faut faire les choses dans l'ordre ;

• d'autre part, que les collectivités territoriales puissent entrer dans un dialogue avec l'État dans le cadre de la modification de leurs documents d'urbanisme, car une évolution efficace ne veut pas dire unilatérale.

À l' article 3 , le rapporteur a proposé 9 amendements visant notamment à :

• exclure l'éventuelle artificialisation résultant des nouveaux réacteurs du décompte de l'objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s'agit de projets d'ampleur nationale, voire européenne, qui ne doivent pas peser sur les seules collectivités territoriales d'accueil ;

• garantir que la taxe d'aménagement perçue par les collectivités territoriales ne soit pas remise en cause par la dispense de permis de construire.

À l' article 4 , il a fait adopter 4 amendements notamment pour :

• prévoir que l'anticipation des travaux intervienne à la demande de l'exploitant et à ses frais et risques, sous réserve que le public ait été informé de cette possibilité ;

• garantir le contenu de l'étude d'impact, qui doit comprendre, outre les éléments communs à tous les projets, des compléments spécifiques aux seuls projets nucléaires (prélèvements, rejets, déchets, incidences sur l'eau, l'air et les sols) ;

• préciser les modalités de réalisation de l'enquête publique et de consultation de l'ASN ;

• prévoir que la liste des travaux pouvant ou non être anticipés soit précisée par décret en Conseil d'État, après avis de l'ASN.

D. RENFORCER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES PROCÉDURES

Enfin, le rapporteur a entendu renforcer la sécurité juridique des procédures, en encadrant certaines procédures dérogatoires mais aussi en veillant à l'accélération des contentieux et en facilitant la réalisation des travaux .

À l' article 5 , le rapporteur a présenté 1 amendement encadrant la dérogation à la loi « Littoral » prévue pour les ouvrages de raccordement, en prévoyant, non une exemption, mais une autorisation préfectorale, soumise à l'avis de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS).

À l' article 7 , il a proposé 1 amendement ajustant la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation afin :

• d'appliquer les mêmes garanties que celles de droit commun, c'est-à-dire le recours à un décret sur l'avis conforme du Conseil d'État et la fixation de conditions en matière notamment de relogement des habitants ou d'indemnisation des commerçants et artisans ;

• de cibler le champ du dispositif, en excluant les équipements et installations liés à l'exploitation des réacteurs et les ouvrages de raccordement, qui interviennent dans un second temps ;

• de réduire de 10 à 6 ans le délai entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.

Le rapporteur a également présenté 1 amendement ( 7 bis ) instituant une procédure de régularisation de l'instance permettant de limiter la portée de l'annulation ou de surseoir à statuer dans la résolution des litiges liés aux nouveaux réacteurs.

Enfin, le rapporteur a présenté 1 amendement ( article 9 ter ) dispensant de permis de construire les travaux d'adaptation des réacteurs nucléaires existants, ce qui pourra être utile pour l'application notamment du Grand Carénage.

Les apports essentiels de la commission

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE Ier - MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES
À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS
Article 1er A (nouveau) - Abrogation ou révision de dispositions du code de l'énergie par coordination avec la relance du nucléaire poursuivie par le présent projet de loi

Introduit par un amendement ( COM-34 ) présenté par le rapporteur, cet article vise à abroger ou à réviser plusieurs dispositions du code de l'énergie par coordination avec la relance du nucléaire poursuivie par le présent projet de loi.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé .

En l'état actuel du droit, plusieurs dispositions entravent encore la relance de l'énergie nucléaire .

Certaines sont d'ordre législatif , dans la mesure où la loi « Transition énergétique » de 2015 1 ( * ) , prévoit :

- l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans l'électricité à 50 % à l'horizon 2035, mentionné au 5° de l'article L. 100-4 du code de l'énergie ;

- le plafonnement a priori des autorisations d'installations de production d'électricité d'origine nucléaire à 63,2 gigawatts (GW), prévu par l'article L. 311-5-5 du même code.

Une autre est de nature réglementaire , étant donné que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2 ( * ) prévoit l'arrêt de 12 réacteurs, hors ceux de la centrale de Fessenheim, à l'échéance de leur 5 e visite décennale, entre 2029 et 2035, ainsi que de 2 réacteurs, en 2024-2025 et de 2 réacteurs, en 2027-2028.

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté un amendement (COM-34) proposant de procéder aux coordinations nécessaires dans le code de l'énergie pour permettre la relance du nucléaire poursuivie par le projet de loi, en :

- abrogeant l'objectif de réduction à 50 % d'ici 2035 et le plafonnement a priori de 63,2 GW , prévus aux articles L. 100-4 et L. 311-5-5 de ce code ;

- prévoyant que le Gouvernement recoure à une révision simplifiée , mentionnée à l'article 141-4 du même code, pour mettre en conformité la PPE avec les constructions de réacteurs nucléaires ou leurs prolongations , permises par le présent projet de loi.

Ce faisant, l'amendement fait suite au rapport de la mission d'information transpartisane de la commission, confiée à MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, de juillet 2022 3 ( * ) , dont la préconisation n° 1 propose de revenir sur l'objectif de réduction de 50 % de l'énergie nucléaire d'ici 2035 et la fermeture des 12 réacteurs, et la préconisation n° 2 d'abroger le plafonnement a priori des autorisations nucléaires de 63,2 GW.

Jugeant ces entraves contraires à la relance du nucléaire, annoncée par le discours de Belfort, du 10 février 2022, et prévue par le présent projet de loi, la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur ( COM-34 ) et, par voie de conséquence, l'article en étant issu .

La modification de ces dispositions dans le cadre de ce projet de loi est nécessaire, car elle conditionne directement la définition des projets de réacteurs électronucléaires mentionnés à l'article 1 er et l'application des mesures de simplification prévues aux articles 2 à 7 ; aussi présente-t-elle un lien avec le projet de loi. Elle est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui indique : « La production d'électricité d'origine nucléaire doit [...] être sécurisée dans la durée et poursuivre son développement. »

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 1er B (nouveau) - Coordination de la stratégie énergétique nationale en direction de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène bas-carbone, avec la relance du nucléaire poursuivie par le présent projet de loi

Introduit par un amendement ( COM-37 ) présenté par le rapporteur, cet article vise à coordonner la stratégie énergétique nationale,
en direction de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène en étant issu,
avec la relance du nucléaire poursuivie par le présent projet de loi.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Au regard de notre cadre juridique, la stratégie énergétique nationale est lacunaire en matière d'énergie nucléaire et d'hydrogène en étant issu.

En effet, l'article L. 100-4 du code de l'énergie fixe un objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité de 50 % à l'horizon 2035 (5°) et de développement de la part de l'hydrogène bas-carbone ou renouvelable entre 20 et 40 % des consommations d'hydrogène industrielle et totale à l'horizon 2030 (10°). De plus, il prévoit que toute éventuelle décision d'arrêt d'exploitation d'un réacteur tienne compte de la sécurité d'approvisionnement, de la sûreté nucléaire et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) (I bis ).

De son côté, l'article L. 100-2 du même code mentionne un objectif de préservation de la santé humaine et de l'environnement, notamment en garantissant la sûreté nucléaire (4°).

Ces objectifs sont issus des lois « Transition énergétique », de 2015 4 ( * ) , « Énergie-Climat », de 2019 5 ( * ) , et « Climat et résilience », de 2021 6 ( * ) .

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-37 ) proposant de coordonner la stratégie énergétique nationale, en direction de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène en étant issu, avec la relance du nucléaire poursuivie par le présent projet de loi.

D'une, part, l'amendement propose de réviser l'article L. 100-4 du code de l'énergie en :

- remplaçant l'objectif de réduction de 50 % de l'énergie nucléaire d'ici 2035 par un objectif de maintien à 50 % au moins à l'horizon 2050, pour relancer la filière nucléaire ;

- introduisant un objectif de décarbonation pour les mix électrique (100 % d'ici 2030) et énergétique (50 % d'ici 2030), pour cesser d'opposer énergies nucléaire et renouvelable ;

- introduisant un objectif de production d'énergie nucléaire à partir de matières recyclées (20 % d'ici 2030), pour valoriser le cycle du combustible ;

- introduisant un objectif de production de 6,5 GW d'hydrogène par électrolyse d'ici 2030, pour favoriser l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire.

D'autre part, l'amendement propose de réviser l'article L. 100-2 du même code, afin d'y sanctuariser l'effort de R&D nucléaire à la planification énergétique (EPR2, SMR, projet ITER, réacteurs de « 4 e génération », projets importants d'intérêt européen commun - PIIEC - sur l'hydrogène).

Enfin, l'amendement propose d'intégrer la politique conduite par le Gouvernement en matière d'énergie nucléaire et d'hydrogène bas-carbone aux débat et synthèse de la future programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), aux articles L. 141-1 et L. 141-4 du même code.

Ce faisant, l'amendement fait suite au rapport de la mission d'information transpartisane de la commission, confiée à MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, de juillet 2022 7 ( * ) , dont la préconisation n° 1 propose d'intégrer ces objectifs d'au moins 50 % de production d'énergie nucléaire d'ici 2050, 100 % de décarbonation du mix électrique et 50 % de celui énergétique d'ici 2030, 20 % de réemploi de matières recyclées d'ici 2030 et 6,5 GW d'électrolyseurs d'hydrogène d'ici 2030. Elle propose également d'inclure l'énergie nucléaire dans l'effort de R&D ainsi qu'aux débat et synthèse de la future PPE.

Estimant indispensable de réviser la stratégie énergétique nationale à l'aune de la relance du nucléaire, annoncée par le discours de Belfort, du 10 février 2022, et prévue par le présent projet de loi, la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur ( COM-37 ) et, par voie de conséquence, l'article en étant issu .

L'amendement présente un lien avec le projet initial, car il concerne les constructions des nouvelles installations (titre I er ), et notamment les projets de réacteurs électronucléaires, visés à l'article 1 er . Il est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui indique : « La production d'électricité d'origine nucléaire doit [...] être sécurisée dans la durée et poursuivre son développement. »

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 1er C (nouveau) - Coordination du contenu, en matière d'énergie nucléaire, de la loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de juillet 2023, avec la relance du nucléaire, poursuivie par le présent projet de loi

Introduit par un amendement ( COM-38 ), présenté par le rapporteur, cet article vise à coordonner le contenu, en matière d'énergie nucléaire, de la loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de juillet 2023, avec la relance du nucléaire, poursuivie par le présent projet de loi.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Selon le droit en vigueur, le I de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie , dans sa rédaction issue de la loi « Énergie-Climat », de 2019 8 ( * ) , prévoit qu'une loi détermine les objectifs et les priorités de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique , avant le 1 er juillet 2023 puis tous les cinq ans.

Si l'hydrogène renouvelable comme bas-carbone a été intégré au champ de cette loi quinquennale, par la loi « Climat et résilience », de 2021 9 ( * ) , l'énergie nucléaire est peu évoquée, ou alors par la négative, puisque le 2° du I de l'article dispose que cette loi fixe « les objectifs de diversification du mix de production d'électricité, pour deux périodes successives de cinq ans ».

Pour remédier à cette difficulté, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-38 ) visant à coordonner le contenu de cette loi quinquennale, en matière d'énergie nucléaire, avec la relance du nucléaire, poursuivie par le présent projet de loi :

- d'une part, en préférant des objectifs de « décarbonation » à des objectifs de « diversification » du mix de production d'électricité , sur deux périodes successives de cinq ans, pour cesser d'opposer énergies renouvelables et nucléaire ;

- d'une part, en prévoyant que l'objectif de décarbonation porte, pour la production d'électricité d'origine nucléaire, sur la construction de réacteurs pressurisés européens et de petits réacteurs modulaires à l'horizon 2050 , et précise les modes de financement, les moyens en termes de métiers et de compétences, l'effort de recherche et d'innovation en direction de la fermeture du cycle du combustible, les moyens en termes de sûreté et de sécurité et, le cas échéant, le dimensionnement des installations de retraitement-recyclage et de stockage des déchets requis.

Ce faisant, l'amendement fait suite au rapport de la mission d'information transpartisane de la commission, confiée à MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, de juillet 2022 10 ( * ) , dont les préconisations n° 2, 3, 4 et 9 proposent d'acter dans cette loi quinquennale la construction de 14 EPR2 et de 4 GW de SMR mais aussi d'examiner le financement du nucléaire, de fixer un objectif de formation, en veillant à la féminisation et à la diversification, et d'examiner la pérennisation des usines de retraitement-recyclage au-delà de 2040.

Estimant indispensable d'intégrer la relance du nucléaire, annoncée par le discours de Belfort, du 10 février 2022, et prévue par le présent projet de loi, à la loi quinquennale sur l'énergie de 2023, la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur ( COM-38 ) et, par voie de conséquence, l'article en étant issu.

L'amendement présente un lien avec le projet initial, car il concerne les constructions des nouvelles installations (titre I er ), et notamment les projets de réacteurs électronucléaires, visés à l'article 1 er . Il est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui indique : « La production d'électricité d'origine nucléaire doit [...] être sécurisée dans la durée et poursuivre son développement . »

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 1er D (nouveau) - Coordination de l'évaluation, en matière d'énergie nucléaire, de la loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de juillet 2023, avec la relance du nucléaire, poursuivie par le présent projet de loi

Introduit par un amendement ( COM-39 ) présenté par le rapporteur, cet article vise à coordonner l'évaluation, en matière d'énergie nucléaire, de la loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de juillet 2023, avec la relance du nucléaire, poursuivie par le présent projet de loi.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Comme indiqué précédemment, le droit applicable prévoit qu'une loi détermine, avant le 1 er juillet 2023 puis tous les cinq ans, les objectifs et les priorités de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique, en application du I de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, dans sa rédaction issue de la loi « Énergie-Climat », de 2019 11 ( * ) .

Dans cette perspective, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-39 ) visant à coordonner l'évaluation, en matière d'énergie nucléaire, de cette loi quinquennale, avec la relance du nucléaire, poursuivie par le présent projet de loi.

L'enjeu est d'évaluer, d'ici cette loi, l'impact de la construction de 14 EPR2, mentionnés par le Président de la République, et de 9 EPR2 supplémentaires, étudiés par Réseau de transport d'électricité (RTE), sur la situation du groupe EDF, du marché de l'électricité et des finances publiques, les besoins en termes de métiers et de compétences, la sûreté et la sécurité nucléaires ainsi que le cycle du combustible.

Ce faisant, l'amendement fait suite au rapport de la mission d'information transpartisane de la commission, confiée à MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, de juillet 2022 12 ( * ) , dont les préconisations n° 2, 3, 4 et 9 proposent d'évaluer, d'ici la loi précitée, l'incidence de la relance du nucléaire sur différents enjeux, omis par les annonces du Président de la République : la sécurité et la sûreté, le financement, les métiers et les compétences et le cycle du combustible.

Estimant crucial de renforcer l'information des parlementaires sur la relance du nucléaire, annoncée par le discours de Belfort, du 10 février 2022 et prévue par le présent projet de loi, dans la perspective des décisions qui devront être examinées dans le cadre de cette loi quinquennale, la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur ( COM-39 ) et, par voie de conséquence, l'article en étant issu.

L'amendement présente un lien avec le projet initial, car il concerne les constructions des nouvelles installations (titre I er ), et notamment les projets de réacteurs électronucléaires, visés à l'article 1 er . Il est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui indique : « La production d'électricité d'origine nucléaire doit [...] être sécurisée dans la durée et poursuivre son développement ».

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 1er - Conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

Cet article détermine les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires, en visant ceux localisés à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'une installation nucléaire de base (INB) existante et pour lesquels une demande d'autorisation de création est déposée dans les 15 ans suivant la promulgation de la loi.

Le rapporteur a présenté trois amendements ( COM-32 , COM-60 , COM-61 ) visant à clarifier ces conditions d'application :

Le premier amendement propose :

- d'allonger de 15 à 20 ans leur durée, afin de permettre qu'elles intègrent pleinement l'ensemble de la relance du nucléaire, les 6 EPR2 13 ( * ) annoncés par le Gouvernement mais aussi les 8 autres à l'étude ;

- de cibler le champ d'application du dispositif, pour exclure des sites d'implantation potentiels les centres de stockage géologique profonds et les accélérateurs de particules, et prévoir que la notion de « proximité immédiate » soit définie par décret en Conseil d'État, dans la limite du plan particulier d'intervention (PPI) existant associé au site ;

- de veiller à la neutralité technologique, en intégrant pleinement, les SMR 14 ( * ) aux côtés des EPR2 et en prévoyant une clause de revoyure, dans un délai de 5 ans, pour inclure, le cas échéant, d'autres technologies et d'autres sites.

Le deuxième amendement suggère de renforcer cette neutralité technologique en visant, au-delà des réacteurs de 3 e génération, les installations d'entreposage du combustible liées aux réacteurs nucléaires ainsi que les électrolyseurs d'hydrogène.

Le dernier amendement entend renforcer la reddition des comptes, en prévoyant une évaluation annuelle de l'application des mesures de simplification, comprenant un rappel des objectifs et une justification des écarts, notamment en termes de délais. Il est prévu que la première évaluation précise les sites envisagés pour la construction des 6 EPR2 annoncés et des 8 autres à l'étude, le Gouvernement devant clarifier son intention sur ce sujet.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un droit complexe et peu utilisé, en l'absence de lancement de construction de projets de réacteurs électronucléaires depuis 2007

A. Le droit applicable aux projets de réacteurs électronucléaires est complexe

En l'état actuel du droit, les projets de réacteurs électronucléaires sont soumis à plusieurs étapes :

- un débat public sur le projet , organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), le maître d'ouvrage devant publier un acte sur le principe et les conditions de la poursuite du projet, en précisant les modifications devant y être apportées et les mesures nécessaires pour répondre aux enseignements tirés du débat public (articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'environnement) ;

- une autorisation environnementale , regroupant les autorisations au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), au titre des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l'eau (IOTA), de défrichement ou de destruction des espèces protégées (article L. 181-1 à L. 181-4 du code de l'environnement) ;

- une autorisation de création , au titre des installations nucléaires de base (INB) (article L. 593-7 du code de l'environnement) ;

- la qualification de projet d'intérêt général pour les projets d'ouvrages, de travaux ou de protection ayant un caractère d'utilité publique (article L. 102-1 du code de l'urbanisme) ;

- la mise en compatibilité des documents d'urbanisme (MECDU), en l'espèce les plans locaux d'urbanisme (PLU), les cartes communales (CC) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT) (titres IV, V et VI du livre I er du code de l'urbanisme) ;

- la déclaration d'utilité publique et la concession d'utilisation du domaine public maritime (CUDMP) (articles L. 2124-2 à L. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques) ;

- la prise de possession immédiate (articles L. 231 à L. 232-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique).

B. Aucun projet de réacteur électronucléaire n'a été engagé, depuis celui de l'EPR de Flamanville 3 en 2007

Dans son discours de Belfort, du 10 février 2022, le Président de la République a annoncé plusieurs mesures en direction de la relance du nucléaire :

- demander à EDF d'étudier les conditions de prolongation des réacteurs existants au-delà de 50 ans , en lien avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ;

- lancer un programme de nouveaux réacteurs nucléaires , de 25 GW d'ici 2050, en construisant 6 EPR, avec une mise en chantier en 2028 et une mise en service en 2035, et en étudiant 8 additionnels ;

- investir 1 Md€ dans de nouveaux réacteurs , dont 500 M€ pour le SMR Nuward et 500 M€ pour les réacteurs innovants « permettant de fermer le cycle et de produire moins de déchets » ;

- développer la filière hydrogène, notamment bas-carbone , confirmant l'engagement de l'État dans des projets d'électrolyseurs d'hydrogène (114 M€) et de réservoirs d'hydrogène (246 M€).

Ce faisant, le Président de la République a mis fin à une politique d'attrition du secteur du nucléaire. Dans son discours du 27 novembre 2018, il avait annoncé :

- arrêter 14 réacteurs existants d'ici 2035 , dont les 2 de la centrale de Fessenheim dès 2020 ;

- attendre le retour d'expérience de l'EPR de Flamanville 3 , avant de prendre une décision sur la construction de nouveaux réacteurs.

Dans ce contexte, aucune construction de nouveaux réacteurs n'a été proposée par le Gouvernement , lors de la dernière révision législative 15 ( * ) , en 2019, et réglementaire 16 ( * ) , en 2020, de notre planification énergétique nationale.

Aussi, les dernières autorisations de construction sont anciennes, remontant à 1984 (pour Chooz B1), 1991 (pour Civaux 2) et 2007 (pour Flamanville 3).

II. Le dispositif envisagé - Des conditions d'application, précises et transitoires, des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

A. Le dispositif proposé détermine les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

L' article premier applique le titre I er de la loi aux réacteurs électronucléaires dont l'installation est envisagée à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'une installation de base existante et pour lesquels la demande d'autorisation de création, mentionnée à l'article L. 593-7 du code de l'environnement est déposée dans les 15 ans suivant la promulgation de la loi.

B. Le dispositif n'a pas soulevé de difficulté dans l'avis préalable du Conseil d'État

Dans son avis sur le projet de loi 17 ( * ) , le Conseil d'État a estimé que « la durée de quinze ans est adaptée à l'objectif poursuivi », ajoutant qu' « il admet le choix du Gouvernement de ne pas codifier ces dispositions, conçues comme temporaires, même si leur durée d'application aurait permis cette codification ».

En revanche, il a indiqué que « la mesure de proximité immédiate pourra, le cas échéant, être précisée par voie réglementaire ».

Dans son avis sur ce texte 18 ( * ) , le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a estimé qu'il « souligne son attachement à la concertation la plus large et la plus en amont possible, pour favoriser la transparence, interroger l'acceptabilité de l'insertion des nouvelles constructions dans les territoires au regard de leur écosystème économique et pour fournir aux habitants proches des sites toutes les informations en matière de sûreté nucléaire ».

Tout comme le Conseil d'État, il a précisé qu'il « souhaite que soit précisée dans la loi la notion de proximité des sites électronucléaires existants, eu égard aux emprises foncières inhérentes aux projets ».

III. La position de la commission - Des conditions d'application légitimes, mais devant être consolidées, pour permettre de réaliser la relance du nucléaire

A. Le rapporteur déplore la méthode avec laquelle le Gouvernement a engagé l'examen du projet de loi

Certes, le rapporteur a procédé aux consultations nécessaires avec le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), le 6 octobre 2022, le Conseil national de la transition écologique (CNTE), le 19 octobre 2022, la Mission interministérielle de l'eau (MIE), du 28 septembre au 5 octobre 2022, et du Conseil d'État, le 27 octobre 2022.

Pour autant, le rapporteur observe de lourdes difficultés méthodologiques :

- le Gouvernement légifère dans le désordre , car il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire le projet de loi quinquennale sur l'énergie, puis le projet de loi sur l'accélération du nucléaire et enfin le projet de loi sur l'accélération des renouvelables ;

- le Gouvernement légifère dans la précipitation , le Sénat ayant été informé mi-décembre de l'examen du projet de loi nucléaire pour début janvier et de la tenue de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi renouvelable pour fin janvier ;

- le Gouvernement omet les consultations en cours , la Commission nationale du débat public (CNDP) ayant été chargée de débats sur l'évolution du mix énergétique, le programme de nouveau nucléaire et la construction de deux EPR2 sur le site de Penly ;

- le Gouvernement se focalise sur la simplification , éludant les questions pourtant cruciales relatives à l'actualisation de la planification énergétique, et notamment à la revalorisation de l'énergie nucléaire dans le mix électrique, à la décision effective de construction des EPR2, les 6 annoncés comme les 8 à l'étude, et enfin aux moyens financiers et humains nécessaires, dont le devenir de la nouvelle régulation du nucléaire.

Sur les consultations, il retient de l'audition de la Commission nationale du débat public (CNDP) que « l'existence même de ce PJL et la publicité qui lui est donnée, alors que son utilité directe paraît faible, laisse à penser que de toute façon les consultations ne servent à rien, ce qui n'est pas un très bon signal donné pour les consultations à venir ».

Sur les omissions, il observe que la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) lui ont indiqué que « la plupart des points que vous mentionnez seront donc traités dans le cadre de ces instances et le Gouvernement portera dans ce cadre la relance ambitieuse d'une politique électronucléaire en France, dans le prolongement du discours du Président de la République de février 2022 ».

B. Le rapporteur s'interroge sur le bénéfice des mesures de simplification appliquées aux projets de réacteurs électronucléaires

Or, l'étude d'impact est très parcellaire sur ce sujet.

C'est pourquoi le rapporteur a souhaité interroger directement EDF, la DGPR et la DGEC.

Les éléments indicatifs recueillis à cette occasion sont précisés dans le tableau ci-après :

Articles

Estimation EDF

Estimation Gouvernement

Étude d'impact

2

12 mois

1 à 2 ans

-

3

3 mois

1 à 2 ans

-

4

2 ans

1 à 2 ans

1 à 2 ans

5

-

Plusieurs années

-

6

5 mois

6 à 8 mois

-

7

12 mois

Plusieurs années

1 an

Contentieux

-

2 à 3 ans

-

Total

-

Plusieurs années

-

Au total, le rapporteur retient de ces travaux que les mesures de simplification doivent permettre une accélération des procédures de plusieurs années, utile à la relance du nucléaire.

D'une part, certaines procédures , telles que celles relatives à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme, à l'article 3, et à l'anticipation de certains travaux, à l'article 4 , sont porteuses en tant que telles de gains de temps significatifs .

C'est pourquoi la DGPR et la DGEC ont indiqué que « le gain de temps en procédure le plus significatif porte, d'une part, sur la mise en conformité des documents d'urbanisme par un acte national et, d'autre part, par les nouvelles dispositions de l'article 4, dont le gain de temps estimé est d'une à deux années pour le début des travaux préalables sur le terrain ».

De son côté, EDF a précisé que « le projet de loi devrait permettre des gains de planning, par exemple l'article 3 pourrait faire gagner de l'ordre de 3 mois sur la durée d'instruction en dispensant de formalités d'urbanisme (dont la durée réglementaire est précisément de 3 mois). L'article 4 permet de sécuriser la durée de l'instruction en limitant les risques d'allongement (potentiellement jusqu'à 2 ans d'instruction complémentaire d'après le retour d'expérience observé). »

D'autre part, certains recours doivent être optimisés . En effet, le projet de loi réduit le nombre d'actes, compte tenu de la suppression de l'autorisation d'urbanisme, à l'article 3, de l'application de la loi « Littoral », à l'article 5, ou d'une déclaration d'utilité publique, à l'article 6. Pour les actes subsistant, et notamment la qualification de projet d'intérêt général, à l'article 1 er , l'autorisation environnementale, à l'article 4, la concession d'utilisation du domaine public maritime, à l'article 6, ou la prise de possession d'extrême urgence, à l'article 7, le texte garantit la prise d'un décret, ce qui signifie que les contentieux relèveront, en premier et dernier ressort, du Conseil d'État.

Aussi la DGPR et la DGEC ont-elles indiqué qu'« un gain de temps hypothétique de deux à trois ans peut également être avancé concernant d'éventuelles procédures de recours cumulatives et successives contre les divers actes encadrant la construction d'un EPR2. En effet, le présent projet de loi prévoit que les actes administratifs soient publiés par décret. Ainsi, les éventuels recours relèveraient en premier et dernier ressort du Conseil d'État ».

Dans le même esprit, EDF a précisé que « s'agissant des dispositions qui relèvent de la sécurisation juridique, leur gain n'est pas quantifiable en termes de temps gagné mais néanmoins indispensable. À titre d'illustration, les articles 3 et 6 suppriment chacun une autorisation administrative susceptible de recours, plus globalement différents articles du projet de loi permettraient une centralisation des recours devant le Conseil d'État en premier et dernier ressort. »

Pour autant, le rapporteur observe que les gains de temps ne sont qu'estimatifs , dans la mesure où d'autres facteurs interviennent, qu'il s'agisse de la célérité de l'instruction - incombant à l'État - ou de l'ingénierie - incombant à EDF.

Il retient que la DGPR et la DGEC ont indiqué qu' « il est rappelé également que le processus d'autorisation du projet n'est bien entendu pas la seule activité sur le chemin critique du projet. C'est également le cas, par exemple, des activités d'ingénierie et de conception et, plus globalement, du bon niveau de préparation de la filière électronucléaire, avec les enjeux en termes de recrutement, de formation et d'attractivité associés ».

De son côté, EDF a précisé que « s'agissant des gains chiffrés présentés dans la suite du questionnaire, leur chiffrage découle d'estimations résultant : des durées réglementaires allouées à certaines étapes procédurales ; des durées généralement observées pour l'instruction, l'obtention des autorisations administratives ou le dénouement des contentieux. »

Au total, la CNDP est très réservée sur l'utilité même du texte : « Il paraît surtout très peu utile : le retour d'expérience de Flamanville ne fait apparaître à aucun moment les procédures comme un élément déterminant du délai de réalisation du projet. La réalisation des études d'ingénierie est beaucoup plus déterminante, et les procédures sont menées en parallèle à la conduite de ces études, de fait en temps masqué. »

Il en est de même de Greenpeace et de Réseau Sortir du nucléaire (RSN) : « Là encore, il faut insister : ce ne sont pas les procédures d'instruction des demandes d'autorisations ou les procédures contentieuses engagées contre les décisions prises sur ces demandes qui sont à l'origine de l'important retard des chantiers EPR à travers le monde, notamment à Flamanville, mais bien les défaillances techniques des différents opérateurs en charge de la conception et des travaux de construction des réacteurs nucléaires de nouvelle génération ».

C. Le rapporteur juge crucial de prévoir une durée d'application suffisante pour les mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

L'article 1 er applique ces mesures aux projets de réacteurs électronucléaires pour lesquels une demande d'autorisation de création (AC) est déposée dans un délai de 15 ans suivant la promulgation de la loi.

Si la loi était promulguée en 2023, cela autoriserait donc de tels dépôts jusqu'en 2038.

EDF a indiqué au rapporteur que « la durée de 15 ans semble appropriée en ce qu'elle devrait permettre la réalisation du programme de trois paires de réacteurs EPR2 (sous réserve de leur autorisation) ainsi que la réalisation de l'extension du programme évoquée par le Président Macron dans son discours de Belfort si celle-ci est décidée. »

Pour autant, le groupe a précisé qu' « une clause de revoyure à l'issue de ce délai pourrait néanmoins ménager une meilleure adaptabilité pour d'autres décisions futures en matière nucléaire. »

De leur côté, la DGPR et la DGEC ont affirmé que « les six premiers EPR2 seraient dans les délais mentionnés à l'article 1 er du projet de loi. Ce projet de loi prend également en considération les éventuels huit autres réacteurs additionnels dont le Président de la République a demandé le lancement des études dans son discours du 10 février 2022 à Belfort. Ces huit autres EPR2 [...] sont également compatibles avec le cadre d'application. »

Pour autant, elles ont précisé que « le Gouvernement n'a pas de position de principe défavorable à une éventuelle clause de revoyure étendant la durée d'application de ce cadre d'accélération après les 15 ans d'application initialement prévus ».

Ces directions ont rappelé que le calendrier envisagé, du rapport Travaux relatifs au nouveau nucléaire , publié en février 2022 19 ( * ) , est le suivant :

- pour les 6 EPR2 annoncés, la mise en service est envisagée en 2037, avec une autorisation de création en 2026 et un premier béton en 2028 pour le Gouvernement. Cela correspond à un calendrier de 2 ans supérieur à celui proposé par EDF. Le groupe envisage en effet un dépôt des autorisations de création en 2023 pour Penly, 2025 pour Gravelines et 2027 pour Bugey ou Le Tricastin et une mise en service en 2036-2037, 2039-2040 ou 2043-2044. Il estime les durées de construction à 9 ans, 7,5 ans ou 6 ans, avec une pause de 4 ans entre chaque paire et 18 mois entre chaque réacteur. Au total, la durée de construction de la première tranche s'élève à 13,5 ans, dont 26,5 mois de marges et de provisions.

- pour les 8 EPR2 éventuels, les directions indiquent qu'EDF peut déposer des autorisations de création de 2027 à 2035.

Fait notable, les directions ont précisé au rapporteur qu' « un nouvel audit des coûts, des risques et du calendrier du projet sera prochainement mené » , ce qui signifie que les hypothèses susmentionnées seront actualisées... après l'examen du présent projet de loi.

Au total, l'Union française de l'électricité (UFE) a indiqué au rapporteur que « selon l'UFE, la durée visée de 15 ans (soit 2038) est probablement un peu juste si l'on vise un programme de 6 + 8, soit 14 EPR2 qui est l'ambition minimale pour un scénario de réindustrialisation du pays ».

Dans le même esprit, le Mouvement des entreprises de France (Medef) a précisé au rapporteur : « Les 15 ans sont un peu justes compte tenu du cycle industriel de l'industrie nucléaire. Une durée de 20 ans serait plus réaliste. »

De plus, le rapporteur retient de ses précédents travaux, du rapport Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir , publié en juillet 2022 20 ( * ) , que :

- le calendrier du projet de SMR Nuward est de parvenir à un avant-projet sommaire (APS), en 2022, à un avant-projet détaillé (APD), de 2023 à 2026 et aux conception et certification, de 2027 à 2030, pour aboutir à un premier démonstrateur, à l'horizon 2030 ;

- le calendrier du projet d'électrolyseur à très haute température (EHT) Genvia est de parvenir à une industrialisation, à l'horizon 2026.

D. Le rapporteur estime nécessaire de prévoir un champ d'application approprié pour les mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

L'article 1 er applique ces mesures aux projets de réacteurs électronucléaires dont l'installation est envisagée à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'une installation nucléaire de base existante.

Cette rédaction soulève au moins trois interrogations :

• En premier lieu, l'article est focalisé sur les réacteurs électronucléaires , de type EPR2, excluant donc en tout ou partie les autres technologies nucléaires utiles, comme les SMR ou les électrolyseurs d'hydrogène.

Le rapporteur constate que l'article 1 er vise les « réacteurs électronucléaires » , c'est-à-dire ceux produisant de l'électricité d'origine nucléaire, en l'espèce les EPR2. Or, l'article L. 593-2 du code de l'environnement porte actuellement sur les « réacteurs nucléaires » . Aussi, la terminologie ici proposée, plus restrictive, exclut les usages non-électrogènes des SMR (chaleur, hydrogène, désalinisation) ou encore les électrolyseurs d'hydrogène couplés aux réacteurs nucléaires.

C'est une difficulté, dans la mesure où Réseau de transport d'électricité (RTE), dans son étude Futurs énergétiques à l'horizon 2050 21 ( * ) , prévoit, à l'horizon 2050, 4 gigawatts (GW) de SMR dans son scénario « N03 » et 130 térawattheures (TWh) d'hydrogène bas-carbone, dans son scénario « Hydrogène + ». Dans son discours de Belfort, du 10 février 2022, le Président de la République a lui-même évoqué les SMR et l'hydrogène bas-carbone...

Interrogées sur ce sujet, la DGEC et la DGPR ont indiqué que « le projet de loi concerne bien la catégorie des petits réacteurs nucléaires (SMR) dont la finalité est de produire de l'électricité. Il ne s'applique en revanche pas aux électrolyseurs d'hydrogène »

De son côté, EDF a précisé que « le projet de loi ne discrimine pas selon les technologies susceptibles de produire de l'électricité d'origine nucléaire. Le texte est circonscrit aux réacteurs nucléaires en tant qu'installations de production pour permettre des accélérations en réponse à la crise énergétique. D'autres textes ultérieurs relatifs à la politique énergétique notamment, pourront utilement traiter d'autres typologies d'installations si cela s'avère nécessaire ».

Le groupe a ajouté que « pour être utile au programme de réacteurs EPR2 annoncés par le Président de la République à Belfort, le projet de loi doit être adopté dans des délais contraints afin de bénéficier au premier site. Le besoin d'assouplissement pour d'autres technologies moins matures pourrait faire l'objet de textes ultérieurs adaptés aux spécificités de ces installations quand [ces technologies] auront été identifiées. ».

Enfin, France Hydrogène a précisé que « ce projet de loi ne concerne pas directement la filière et les technologies hydrogène ».

Autres points, le rapporteur constate que l'article 1 er vise les réacteurs, et non les projets, et la DAC, et non les autres autorisations.

La DGEC et la DGPR se sont justifiées sur ces points, indiquant qu' « il serait effectivement opportun de viser les projets plutôt que les réacteurs eux-mêmes » et que « le dossier d'autorisation de création est obligatoire et central dans les autorisations de constructions des projets de réacteurs ».

• En deuxième lieu, l'article vise les INB , intégrant donc des sites allant au-delà des centres de production d'électricité nucléaire.

En effet, l'article L. 593-2 du code de l'environnement définit les INB comme les réacteurs nucléaires, les installations de préparation, d'enrichissement, de fabrication, de traitement ou d'entreposage de combustibles ou de traitement, d'entreposage ou de stockage de déchets radioactifs, les installations contenant des substances radioactives ou fissiles, les accélérateurs de particules et les centres de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs.

Sollicitées sur ce point, la DGEC et la DGPR ont indiqué que « la volonté du Gouvernement est bien d'envisager une installation possible à proximité de toutes les catégories d'installations nucléaires de base. Les premiers projets EPR2 identifiés (Penly, Gravelines) seraient situés à proximité de réacteurs électronucléaires. Cependant [...] le Gouvernement souhaite également développer des projets de petits réacteurs modulaires (ou SMR) à objectif de production de l'électricité. Ces derniers pourront par exemple venir s'implanter sur des installations nucléaires de base qui ne sont pas des centrales nucléaires existantes, par exemple des sites nucléaires existants du CEA ».

Point important, les directions ont indiqué que le site de Fessenheim, dès lors qu'il n'est pas déclassé, est concerné par le projet de loi : « Tant que l'installation nucléaire de Fessenheim n'est pas déclassée au sens de l'article L. 592-30 du code de l'environnement, opération qui interviendra à la fin du démantèlement de centrale, le projet de loi s'y applique également ».

Pour ce qui le concerne, EDF a précisé que « l'ensemble du projet de loi utilise le terme de réacteur nucléaire ce qui permet de viser une seule typologie des installations nucléaires de base visées à l'article L. 593-2 du code de l'environnement. À l'inverse, le terme de centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) ne figure pas dans le code de l'environnement. »

• En troisième lieu, l'article autorise la construction de réacteurs électronucléaires à proximité immédiate des INB , ou à l'intérieur du périmètre de ces dernières.

Le rapporteur retient de ses auditions que cette notion de « proximité immédiate » est discutée. Il rappelle que les emprises foncières sont limitées entre 100 à 200 hectares par paires d'EPR2, en incluant celles temporaires, selon l'étude d'impact. Pour autant, EDF indique que les besoins d'éloignement sont « en centaines de mètres voire parfois en kilomètres » .

Cette notion est discutée par les organismes consultatifs. D'une part, si le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a donné un avis favorable sur le projet de loi, l'Association des maires de France (AMF) a indiqué qu' « une proposition serait de coordonner cette notion avec le périmètre de distribution des comprimés d'iode. La mise en oeuvre de cette mesure serait facilitée si l'installation existante et la nouvelle installation à proximité généraient le même périmètre de 20 km, c'est-à-dire si elles étaient situées à moins d'un kilomètre l'une de l'autre. » De plus, l'Association nationale des élus du littoral (ANEL) a précisé que « la notion de proximité, qui n'est pas définie par la loi, peut être sujette à interprétation. Elle sera vraisemblablement précisée postérieurement par voie réglementaire, mais il serait intéressant que le Gouvernement la définisse plus clairement lors de l'examen du texte au Parlement. » Dans le même esprit, l'Association des départements de France (ADF) a affirmé que « la notion de proximité d'une installation existante est très vague. Il est prévu de la définir par voie réglementaire. Or, il s'agit d'un point important et son interprétation extensive ne doit pas conduire à détourner l'esprit de la loi, en permettant d'installer de nouvelles installations plus ou moins loin d'une installation existante. » D'autre part, si le CNTE a lui aussi donné un avis favorable sur le projet de loi, il a indiqué qu'il « souhaite que soit précisée dans la loi la notion de proximité des sites électronucléaires existants, eu égard aux emprises foncières inhérentes aux projets ». En outre, l'Autorité environnementale (AE) a précisé qu' « il conviendrait de mieux définir la notion de "proximité immédiate" ».

Cette notion est discutée par les acteurs de la filière nucléaire. Ainsi, EDF a indiqué qu' « une notion objective limitant l'application du texte à la création de réacteurs nucléaires au sein du périmètre PPI de sites existants pourrait effectivement proposer une alternative plus harmonieuse et intelligible du grand public ainsi que des services instructeurs dès lors qu'elle est retenue comme valeur de référence et non pas attachée à l'arrêté préfectoral qui le matérialise. » De son côté, l'ASN a estimé que « l'objectif visé par le texte est de faciliter l'extension de centrales nucléaires existantes, sans créer de nouveau site nucléaire. Parmi ces différentes formulations, celle relative au périmètre du plan particulier d'intervention se distingue par une portée bien supérieure, pouvant s'appliquer à un nouveau site nucléaire situé à plusieurs kilomètres d'un site existant. » Enfin, l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) a indiqué que « la notion de proximité immédiate doit être précisée dans la loi, et non " le cas échéant, par voie réglementaire" ».

Cette notion est d'autant plus problématique s'agissant des SMR, qui ont vocation à être installés, non à proximité des lieux de production mais à proximité des lieux de consommation : ainsi, selon la CNDP, « se pose cependant la question des SMR, dont la décision de mise en oeuvre pourrait intervenir dans le délai de 15 ans fixé pour la loi, et qui poseraient alors une question non résolue quant à la notion de proximité de sites existants : il n'y a pas de raison que ces SMR soient tous sur des sites nucléaires existants. »

À la demande du rapporteur, la DGPR et la DGEC ont affirmé préférer « la notion de proximité immédiate [...] qui sera précisée dans le décret en Conseil d'État prévu à l'article 8 du projet de loi », aux « notions de continuité ou de contiguïté [qui seraient] beaucoup trop restrictives » et à « la notion de périmètre du PPI [qui serait] trop large, puisque cela dessine habituellement une zone de 20 km de rayon ». Elles ont ajouté que « la notion de périmètre d'une INB est par ailleurs une notion bien définie dans la réglementation, qui permet de délimiter notamment la zone où s'exerce la police de l'installation nucléaire ».

La précision réglementaire de la notion de proximité immédiate apparaît utile, le Conseil d'État ayant indiqué, dans son avis sur le projet de loi que « la mesure de proximité immédiate pourra, le cas échéant, être précisée par voie réglementaire ».

E. Le rapporteur s'interroge sur les implications des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires sur le plan de la sûreté et de la sécurité nucléaires

Il retient de ces échanges avec l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) que le choix du périmètre, et notamment la définition de la notion de proximité immédiate, est « sans conséquence » sur le plan de la sûreté.

Pour autant, la densification des réacteurs à l'intérieur d'une INB pose des enjeux particuliers.

Pour l'ASN, « accroître le nombre d'installations à risques sur un même site augmente les enjeux liés aux agressions externes touchant simultanément plusieurs d'entre elles, notamment le séisme et l'inondation. Si les réacteurs nucléaires ne sont de manière générale pas concernés par un effet domino de l'un sur l'autre, la survenue d'un tel événement peut conduire à des accidents simultanés, dont la gestion est alors plus complexe. Dans le cadre du retour d'expérience de l'accident de Fukushima, l'ASN a imposé à EDF de renforcer son organisation et ses capacités d'intervention vis-à-vis de telles situations. EDF construit ainsi des centres de crise dimensionnés pour pouvoir gérer des accidents touchant simultanément tous les réacteurs d'un même site. EDF a également mis en place une " force d'action rapide nucléaire ", permettant de projeter des moyens supplémentaires sur un site accidenté. »

Pour l'IRSN, « le retour d'expérience de l'accident de la centrale de Fukushima Daiichi au Japon en 2011 a mis en évidence le risque d'effet domino et les difficultés de gestion d'un accident affectant plusieurs réacteurs simultanément, notamment en cas de fusion du coeur d'un réacteur, du fait d'une ambiance radiologique dégradée sur le site. Des dispositions de sûreté ont été mises en oeuvre à la suite des évaluations complémentaires de sûreté pour prendre en compte les enseignements. Dans le même temps, la présence de plusieurs réacteurs sur un même site facilite le développement et la gestion des compétences sur le site. »

De plus, la diversification des technologies à l'intérieur d'une INB, pose également des enjeux spécifiques.

Si ce n'est pas le cas « du point de vue de l'IRSN », l'ASN a précisé que « l'implantation d'un site de production d'hydrogène à proximité d'une centrale nucléaire nécessiterait de considérer les risques d'une explosion d'hydrogène sur les installations existantes. Cela pourrait le cas échéant conduire à devoir renforcer la protection des bâtiments et des équipements contre le risque de surpression ou d'explosion d'un nuage de gaz dérivant. »

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté trois amendements ( COM-32, COM-60, COM-61 ) visant à clarifier les conditions d'application exposées plus haut.

Le premier amendement propose :

- d'allonger de 15 à 20 ans leur durée, afin de permettre qu'elles intègrent pleinement l'ensemble de la relance du nucléaire, les 6 EPR2 annoncés par le Gouvernement mais aussi les 8 autres à l'étude ;

- de cibler le champ d'application du dispositif, pour exclure des sites d'implantation potentiels les centres de stockage géologique profonds et les accélérateurs de particules, et prévoir que la notion de « proximité immédiate » soit définie par décret en Conseil d'État, dans la limite du PPI existant associé au site ;

- de veiller à la neutralité technologique, en intégrant pleinement, les SMR aux côtés des EPR2 et en prévoyant une clause de revoyure, dans un délai de 5 ans, pour inclure, le cas échéant, d'autres technologies et d'autres sites.

Le deuxième amendement suggère de renforcer cette neutralité technologique en visant, au-delà des réacteurs de 3 e génération, les installations d'entreposage du combustible liées aux réacteurs nucléaires, ainsi que les électrolyseurs d'hydrogène.

Le dernier amendement entend renforcer la reddition des comptes, en prévoyant une évaluation annuelle de l'application des mesures de simplification, comprenant un rappel des objectifs et une justification des écarts, notamment en termes de délais. Il est prévu que la première évaluation précise les sites envisagés pour la construction des 6 EPR2 annoncés et des 8 autres à l'étude, le Gouvernement devant clarifier son intention sur ce sujet.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 - Adaptation de la qualification de projet d'intérêt général et de la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme aux projets de réacteurs électronucléaires

Cet article propose d'apporter plusieurs adaptations aux procédures relatives aux projets d'intérêt général (PIG) et à la mise en compatibilité de documents d'urbanisme, lorsque ces procédures sont appliquées à la construction de réacteurs électronucléaires. En particulier, il prévoit que la qualification de PIG soit décidée par décret en Conseil d'État, et que la déclaration d'utilité publique d'un projet de réacteur puisse valoir qualification de PIG. La mise en compatibilité des documents d'urbanisme à laquelle il peut être recouru dans ce cadre est simplifiée, via un engagement de procédure par le préfet directement, et via une simple mise à disposition du projet au public.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté trois amendements. Ils visent à assurer que le débat public préalable soit mené à son terme avant que la procédure administrative de projet d'intérêt général (PIG) ne soit déclenchée ; et à ce que le dialogue entre État et collectivités territoriales soit préservé dans le cadre de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme locaux.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Le projet d'intérêt général et la mise en compatibilité : deux procédures dérogatoires d'urbanisme au bénéfice des projets relevant de l'intérêt général

Certains projets d'aménagement ou de construction relevant de l'intérêt général peuvent bénéficier, au titre du code de l'urbanisme, de procédures spécifiques permettant de faciliter la mise en compatibilité des documents d'urbanisme locaux.

Au titre de l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme, l'autorité administrative compétente de l'État peut ainsi qualifier de « projet d'intérêt général » tout projet présentant un caractère d'utilité publique et répondant à deux conditions cumulatives :

• être destiné à la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipement, au fonctionnement d'un service public, à l'accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles, à l'aménagement agricole et rural ou à la préservation ou remise en bon état des continuités écologiques ;

• avoir fait l'objet soit d'une décision d'une personne ayant la capacité d'exproprier, arrêtant le principe et les conditions de réalisation du projet, et que cette décision ait été mise à la disposition du public , soit d'une inscription dans un des documents de planification prévus par les lois et règlements, approuvée par l'autorité compétente et ayant fait l'objet d'une publication.

L'article R. 102-1 du code de l'urbanisme précise que la qualification de projet d'intérêt général (PIG) intervient par arrêté préfectoral (mais peut également être décidée par décret). Cette qualification vaut pour un délai de trois ans, et peut être renouvelée.

La qualification d'intérêt général ouvre à l'État la possibilité d'assurer que les documents de planification locaux n'empêcheront pas la réalisation du projet .

Il peut ainsi recourir à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme que sont le plan local d'urbanisme (PLU), le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et des documents de planification régionaux : le schéma de la région d'Île-de-France (SDRIF), le schéma d'aménagement régional (SAR), le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

Dans le cas où une telle mise en compatibilité est nécessaire, l'article R. 102-1 du code de l'urbanisme prévoit alors que le préfet notifie l'arrêté ou le décret qualifiant l'opération de PIG à la personne publique élaborant le document d'urbanisme devant être modifié et lui précise les incidences du projet sur le document, c'est-à-dire les incompatibilités identifiées entre le projet et le document. Au titre de l'article L. 153-49 du code de l'urbanisme, le préfet informe ainsi la commune ou l'EPCI compétent pour élaborer le plan local d'urbanisme (PLU) de la nécessité de le rendre compatible avec le projet d'intérêt général.

La commune, l'EPCI ou le groupement de collectivités dispose alors d'un délai d'un mois pour confirmer au préfet qu'elle entend engager la procédure de mise en compatibilité, puis d'un délai de six mois afin de délibérer pour l'approuver. À défaut, le préfet engage directement cette mise en compatibilité .

La mise en compatibilité, qui intervient sous la forme d'une modification simplifiée , fait l'objet d'un examen conjoint de la commune ou de l'EPCI, des personnes publiques associées (PPA) et de l'État, puis est soumise à enquête publique . La commune ou EPCI émet alors un avis sur la mise en compatibilité dans un délai de deux mois. Enfin, la mise en compatibilité est approuvée par arrêté préfectoral . La procédure de mise en compatibilité offre ainsi une procédure moins complexe et longue que les procédures de modification ou de révision ordinaires prévues par le code de l'urbanisme.

Au titre du droit existant, les projets de réacteurs électronucléaires pourront être qualifiés de PIG, dès lors qu'ils répondent aux deux conditions fixées par la loi : ils feront l'objet de décisions de la part de l'État prises après information du public, et ils correspondront à une opération d'aménagement et d'équipement et au fonctionnement d'un service public.

L'étude d'impact de l'article 3 du présent projet de loi indique toutefois que « ces procédures restent trop longues au regard des enjeux et objectifs évoqués et augmentent le risque contentieux en raison du nombre d'étapes procédurales qu'elles impliquent » , sans toutefois apporter d'éléments chiffrés ou factuels à l'appui de cette analyse. Elle conclut que « ces procédures existantes sont non seulement incompatibles avec la complexité d'un projet de réacteur électronucléaire, mais elles conduiraient à augmenter de plusieurs années la durée de construction et créeraient des risques supplémentaires pour le projet, notamment contentieux, en raison de la multiplicité des étapes procédurales. »

II. Le dispositif envisagé - Une procédure ad hoc visant à adapter le projet d'intérêt général et la mise en compatibilité aux projets de réacteurs électronucléaires

A. Une qualification de projet d'intérêt général qui interviendra par décret en Conseil d'État, ou simultanément à la déclaration d'utilité publique

Le I de l'article 2 dispose tout d'abord que la qualification de projet d'intérêt général des projets de réacteurs électronucléaires (incluant le réacteur lui-même ainsi que l'ensemble des travaux et bâtiments liés à sa création ou à son exploitation, ainsi que les ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité) devra obligatoirement être prononcée par décret en Conseil d'État , en lieu et place d'un arrêté préfectoral ou d'un décret dans le droit existant.

Le I précise également qu'une éventuelle déclaration d'utilité publique (DUP), qui pourrait être décidée au profit du projet de réacteur, vaudrait dans ce cas qualification de projet d'intérêt général.

B. Une mise en compatibilité simplifiée des documents d'urbanisme locaux à la main de l'État

La qualification de PIG du projet ouvrirait alors, au titre du I, le bénéfice d'une procédure adaptée de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, qui offrirait plusieurs simplifications supplémentaires.

Si, dans le droit existant, l'autorité administrative compétente de l'État notifie la collectivité ou le groupement de collectivité compétent afin que celle-ci ou celui-ci décide, ou non, d'engager sous un mois la mise en compatibilité et la mène à bien dans un délai de six mois ; le II de l'article 2 prévoit que l'autorité administrative de l'État engage directement, et sans délai, la modification du document d'urbanisme local (SCoT, PLU, CC). Il est précisé que les documents d'urbanisme visés par une mise en compatibilité ne pourront être par ailleurs modifiés ou révisés durant la conduite de la procédure (V).

La mise en compatibilité fera l'objet d'un examen conjoint par l'État, l'établissement porteur de SCoT, l'EPCI compétent ou la commune compétente, ainsi que par les personnes publiques associées (II).

Elle sera ensuite soumise à évaluation environnementale , le cas échéant, puis à une procédure de participation du public, par voie électronique ou par une simple mise à disposition (respectivement, si le projet est soumis à évaluation environnementale ou non) (III).

La mise en compatibilité fera par ailleurs l'objet d'un avis de l'établissement porteur de SCoT, de l'EPCI ou de la commune compétent (IV).

Enfin, la mise en compatibilité sera adoptée par décret (IV).

La procédure adaptée telle que proposée par l'article 2 du projet de loi est résumée comme suit dans l'étude d'impact du texte.

SCHÉMA SYNTHÉTIQUE DE LA PROCÉDURE PROPOSÉE AFIN DE QUALIFIER
LES PROJETS DE RÉACTEUR DE PROJETS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL ET DE METTRE
EN COMPATIBILITÉ DES DOCUMENTS D'URBANISME LOCAUX

Source : étude d'impact du projet de loi.

III. La position de la commission - Des adaptations proportionnées, de nature à accélérer et simplifier la réalisation des projets de réacteurs électronucléaires, qui doivent préserver la participation du public et le dialogue avec les collectivités territoriales

Les simplifications portées par le présent article sont de nature à accélérer et faciliter la traduction concrète des projets de nouveaux réacteurs au sein des documents d'urbanisme locaux.

Le rapporteur rappelle tout d'abord que cet article n'emporte aucun transfert de compétences des collectivités territoriales vers l'État, ni d'atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, comme l'a confirmé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de texte.

Le code de l'urbanisme prévoit déjà plusieurs procédures dérogatoires au droit commun qui permettraient à l'État de faire valoir l'intérêt général des projets de réacteurs et de bénéficier en conséquence de dérogations diverses (les opérations d'intérêt national, les projets d'intérêt général...). Ces procédures éprouvées sont régulièrement utilisées et sont bien admises par les collectivités concernées.

En outre, le droit existant prévoit déjà la compétence du préfet pour délivrer les autorisations d'urbanisme relatives aux installations nucléaires de base, et non celle de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale par ailleurs compétent. À ce titre, les associations d'élus locaux et les représentants des communes concernées par les projets de réacteurs électronucléaires, entendus par le rapporteur, n'ont émis aucune objection à la mesure proposée, considérant qu'elle ne fait qu'acter une situation qui prévaut déjà et qu'elle est cohérente avec le pilotage par l'État des projets de réacteurs.

L'article 2 du projet de loi propose donc un approfondissement de la logique des PIG, déjà bien appréhendés par les acteurs locaux et des administrations centrales, plutôt qu'un outil nouveau, ce qui semble être gage d'efficacité.

Il convient par ailleurs de souligner que la mise en compatibilité des documents d'urbanisme effectuée directement, par l'État, présente également l'avantage de confier à l'État la responsabilité budgétaire et opérationnelle des modifications, plutôt qu'aux collectivités concernées. Interrogés par le rapporteur, les services compétents de l'administration centrale ont par exemple indiqué les différents sites identifiés pour l'implantation possible des six premiers réacteurs électronucléaires (Penly, Gravelines, Bugey ou Tricastin), relèvent de cinq communes et EPCI différents, et sont couverts par cinq plans locaux d'urbanisme et deux SCoT, qui devront tous être modifiés pour prendre en compte les projets d'aménagement des sites. Or, une modification de ces documents d'urbanisme peut représenter une durée d'environ un an, tandis que le délai laissé par la loi pour une mise en compatibilité est de six mois seulement : c'est donc une charge opérationnelle et d'ingénierie conséquente pour ces petites communes. Toute simplification réglementaire ou opérationnelle permettant de faciliter ces procédures, dans le respect des collectivités territoriales et de la participation du public, est donc la bienvenue.

La mesure proposée permettra en outre un gain de temps, bien que celui-ci ne puisse être évalué avec certitude en l'absence de contrefactuel type (comme le souligne le Conseil d'État dans son avis). D'une part, ce gain résultera de la disparition du délai d'attente de six mois qui sépare, dans le droit commun, la notification du besoin de mise en compatibilité des documents d'urbanisme aux collectivités territoriales, et l'échéance du délai laissé à celles-ci pour la mener à bien. Une modification directe par l'autorité administrative, en bonne intelligence avec les collectivités locales concernées, pourra se faire plus rapidement. D'autre part, la réalisation d'une mise à disposition du public (ou d'une participation du public par voie électronique pour les projets soumis à évaluation environnementale) permettra un gain de temps estimé à un à deux mois par le Gouvernement. Le rapporteur souligne néanmoins que les personnes auditionnées ont principalement cité la complexité et la technicité des études d'ingénierie, ainsi que la disponibilité des compétences, comme principales sources de délais et de retards dans la réalisation des réacteurs électronucléaires, et non les procédures relevant des aspects urbanistiques des projets.

L'article 2 présente enfin l'avantage d'apporter une articulation bienvenue entre les différents actes administratifs nécessaires aux projets. Prévoir que toute déclaration d'utilité publique visant un projet de réacteur (lorsque celui-ci nécessite des expropriations) vaut qualification de PIG est vecteur de simplification : cela permet de remplacer deux actes réglementaires par un acte unique, qui concentrera la justification de l'intérêt général du projet, les procédures de participation du public mais aussi les éventuelles actions en justice ultérieures. L'exigence de recours au décret en Conseil d'État permettra une plus grande sécurisation juridique des projets, et confirmera que ces projets seront pilotés au plus haut niveau.

À l'issue de ses travaux et de ses auditions sur cet article, le rapporteur a néanmoins souhaité apporter plusieurs précisions, par le biais de trois amendements adoptés par la commission :

• d'abord, il convient de préciser la séquence temporelle des projets, et notamment le moment auquel interviendra la qualification de projet d'intérêt général . Une qualification en amont permet certes de déclencher plus rapidement les diverses opérations préalables nécessaires (comme la modification des documents d'urbanisme), mais le rapporteur estime nécessaire de respecter l'ensemble des étapes du débat public et de procéder dans l'ordre. La loi prévoyant un débat public obligatoire sur les projets de réacteurs, sous l'égide de la CNDP, il faut évidemment que celui-ci soit mené à bien avant qu'une décision de l'État ne soit prise (ce débat a actuellement cours pour la première paire d'EPR2 envisagée sur le site de Penly, et devrait se terminer à la fin du mois de février 2023).

L'amendement COM-45 du rapporteur précise donc que la qualification de projet d'intérêt général par l'État ne pourra intervenir qu'après la fin du débat public qui se tiendra sous l'égide de la CNDP, lorsque la décision d'implantation et les caractéristiques du projet auront été présentées au public et ajustées en fonction des enseignements du débat.

• ensuite, le rapporteur estime que, dans le cadre de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme locaux, efficacité n'implique pas unilatéralisme. Si l'on peut admettre que l'État puisse, par dérogation, mettre en compatibilité directement les documents d'urbanisme des collectivités territoriales, il faut néanmoins préserver une phase de dialogue et d'échange entre élus locaux et État au cours de cette procédure . En effet, les modifications des documents nécessaires pour la réalisation des réacteurs peuvent avoir des répercussions plus générales sur l'équilibre des documents d'urbanisme (par exemple sur les orientations du PADD du PLU ou du PAS du SCOT), qu'il faut pouvoir examiner précisément et conjointement.

Pour aller plus loin que le simple examen conjoint d'un projet de mise en compatibilité déjà élaboré par l'État, l'amendement COM-46 du rapporteur prévoit donc que les établissements publics et communes compétents puissent faire parvenir, dès réception de la notification de mise en compatibilité, des observations et remarques à l'État. Cela permettra de mieux identifier, dès l'amont, les éventuels ajustements ou problèmes relevés par les acteurs de terrain et qui devront être pris en compte dans le cadre de la mise en compatibilité.

• enfin, la commission a adopté un amendement COM-55 du rapporteur apportant plusieurs coordinations et précisions juridiques .

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 - Simplification des régimes d'autorisation pour les projets de réacteurs électronucléaires et leurs équipements

Cet article vise à dispenser les projets de réacteurs électronucléaires (constructions, aménagements, installations, travaux) et les équipements et installations nécessaires à leur exploitation d'autorisation d'urbanisme. La conformité de ces projets aux règles d'urbanisme fixées par la loi ou le règlement sera vérifiée dans le cadre de la demande d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création du réacteur. L'article adapte en outre les dispositions relatives à la taxe d'aménagement, en ce que la dispense d'autorisations d'urbanisme pourrait modifier le droit applicable.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté neuf amendements qui confortent l'objectif de simplification tout en s'assurant du respect des règles d'urbanisme, de la participation du public et des droits des collectivités territoriales. En particulier, elle a précisé le cadre applicable à la dispense de permis de construire (pièces du dossier, autorité habilitée à y accéder, information du public et des collectivités, vérification dans le temps...). Elle a également adopté deux amendements visant d'une part à assurer que la perception de la taxe d'aménagement par les collectivités territoriales ne soit pas retardée ; d'autre part, à considérer les nouveaux réacteurs comme des « grands projets » au regard des objectifs de « zéro artificialisation nette », afin que ceux-ci ne soient pas imputés aux collectivités d'implantation.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Les projets de réacteurs électronucléaires sont soumis à plusieurs régimes d'autorisation, en sus des autorisations d'urbanisme nécessaires aux constructions et travaux

A. Un régime spécifique d'autorisations d'urbanisme pour les projets de réacteurs électronucléaires, sous l'égide du préfet

Comme tout projet incluant l'édification de constructions, la réalisation de travaux ou l'implantation d'installations, les projets de réacteurs électronucléaires seraient soumis, dans le droit commun, à plusieurs types d'autorisations d'urbanisme, en sus d'autres régimes d'autorisation prévus par la loi 22 ( * ) .

En effet, la construction de nouvelles unités de production d'électricité d'origine nucléaire recouvre de nombreux bâtiments et aménagements, regroupés en plusieurs « ilots » selon leur nature et leur fonction. L'ilot nucléaire comprend ainsi le bâtiment réacteur ainsi que les bâtiments liés à l'alimentation en combustible ; l'ilot conventionnel rassemble d'autres bâtiments liés à l'alimentation en énergie ; l'ilot « source froide » comprend l'ensemble du système de refroidissement par pompage d'eau et enfin, les autres ouvrages comprennent les bâtiments administratifs, industriels ou nécessaires à la vie quotidienne du site et des personnels.

Dans le droit commun, ces constructions et aménagements seraient normalement soumis à :

• pour les travaux, installations et aménagements affectant l'utilisation des sols, notamment les opérations préalables d'affouillement, d'exhaussement ou de terrassement, un permis d'aménager (article L. 421-2 du code de l'urbanisme) ;

• pour les constructions, qu'elles soient essentielles au réacteur (enceinte du réacteur), accessoires (bureaux, autres types de locaux) ou liées aux besoins des travaux, un permis de construire (article L. 412-1 ) ;

• pour d'autres types de constructions, aménagements, installations ou travaux de portée plus limitée (y compris l'abattage d'arbres dans certains cas), une déclaration préalable (article L. 421-4) ;

• en cas de démolitions préalables en vue de libérer les sites, un permis de démolir (article L. 412-3) .

Ces différents régimes d'autorisation ordinaires visent à vérifier la conformité des travaux envisagés aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l'utilisation des sols, l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et l'aménagement de leurs abords, ainsi que la compatibilité de ces travaux avec d'éventuelles déclarations d'utilité publique (article L. 421-6 du code de l'urbanisme) .

Le règlement impose ainsi à l'autorité compétente de se prononcer sur les demandes d'autorisation d'urbanisme dans un délai limité (articles R. 423-23 et suivants du code de l'urbanisme) , sur la base d'un dossier de demande d'autorisation dont les pièces sont également définies par décret (article L. 423-1 et articles R. 413-1 à R. 431-34-1). Ce dossier comprend notamment l'identification des terrains concernés, la nature des travaux et la destination des différentes constructions, la puissance électrique nécessaire à l'alimentation du projet, ainsi que divers plans détaillés du projet (plan de situation, plan de masse des constructions, plan des façades et des toitures, plan de coupe, documents graphiques...) .

C'est l'octroi des autorisations nécessaires - soumises à un délai de recours - qui conditionne la possibilité de démarrer les travaux et constructions nécessaires à la réalisation des projets.

Toutefois, les spécificités des installations nucléaires de base (INB) - en particulier au regard des enjeux de sécurité publique - ont justifié la mise en place d'un régime spécifique pour les INB au regard du droit de l'urbanisme :

• Les articles L. 422-2 et R. 422-2 du code de l'urbanisme prévoient, par exception, la compétence de l'autorité administrative de l'État (et non de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunal (EPCI) compétent en matière d'autorisations d'urbanisme) pour se prononcer sur les projets portants sur « les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, ainsi que ceux utilisant des matières radioactives » : c'est donc le préfet qui octroie ou refuse les différentes autorisations nécessaires aux constructions et travaux relatifs aux INB . Il est néanmoins tenu, au titre du même article, de recueillir l'avis du maire ou du président d'EPCI compétent.

• Le règlement a également prévu une dispense de certaines autorisations d'urbanisme pour les projets d'INB . L'article R. 425-27 du code de l'urbanisme prévoit ainsi spécifiquement que l'autorisation de création, nécessaire à la réalisation de tout projet de réacteur électronucléaire, vaut déclaration préalable et permis d'aménager pour les travaux nécessaires au projet (affouillement ou exhaussement du sol).

Cette dispense n'est toutefois pas prévue pour les permis de construire ni pour les permis de démolir (à l'inverse, par exemple, de ce qui existe pour les éoliennes terrestres, pour lesquelles l'obtention de l'autorisation environnementale vaut dispense de permis de construire au titre de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme).

B. Les projets de réacteurs électronucléaires sont également soumis à d'autres régimes d'autorisation, pour lesquelles la loi prévoit des articulations limitées avec les procédures d'urbanisme

L'édification de réacteurs électronucléaires, et de l'ensemble des constructions et aménagements nécessaires à l'exploitation et au raccordement des réacteurs, relève également d'autres types d'autorisations .

En particulier, au titre du code de l'environnement, ils sont tenus d'obtenir une autorisation environnementale, eu égard à leur impact sur l'environnement. Cette autorisation recouvre notamment plusieurs autres autorisations au titre de l'impact sur l'eau et les milieux aquatiques ; des autorisations de défrichement, les autorisations liées au régime d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE, notamment pour les centrales à béton), ou encore le régime de préservation des espèces protégées.

Ils doivent également recueillir l' autorisation de création spécifique aux installations nucléaires, visant à limiter les risques technologiques et à contrôler les bonnes conditions d'exploitation de l'installation.

Le tableau ci-dessous présente de manière synthétique quatre types d'autorisations distinctes pouvant intervenir dans le cadre d'un projet de réacteur électronucléaire.

RÉGIMES D'AUTORISATION ET PROCÉDURES POUVANT INTERVENIR DANS LE CADRE DE LA RÉALISATION D'UN RÉACTEUR ÉLECTRONUCLÉAIRE

Autorisation

Objectif

Procédure

Autorisation de création d'une installation nucléaire de base (INB), y compris les équipements de son périmètre nécessaires à l'exploitation

Article L. 593-7
du code de l'environnement

Vérifier que les caractéristiques de l'installation et de son exploitation sont de nature à prévenir et à limiter de manière suffisante les risques et inconvénients

Enquête publique

Avis de l'Autorité de sûreté nucléaire

Décision par décret du ministre chargé du nucléaire

Autorisation de mise en service

Autorisation environnementale

qui tient lieu de diverses autorisations (ICPE, IOTA - incidence sur l'eau, autorisation de défrichement, habitats et espèces protégées...) selon la nature des activités et des impacts

Articles L. 181-1 et L. 181-2 du code de l'environnement

Assurer la prévention des dangers et des risques pour l'environnement (eau, milieux et habitats, sols, arbres...)

Étude d'impact ou étude d'incidence environnementale

Examen de la demande d'autorisation par le préfet de département (instruction interservices), consultations obligatoires

Enquête publique (ou participation du public par voie électronique)

Autorisation par décret du ministre chargé de l'environnement

Autorisations d'urbanisme

(permis de construire, permis d'aménager, déclaration préalable) selon les caractéristiques

Article L. 421-1 du code de l'urbanisme

Vérifier la compatibilité des constructions, travaux et aménagements aux règles d'urbanisme fixées par la loi et le règlement

Instruction par les services déconcentrés de l'État

Autorisation par le préfet de département

Déclaration d'utilité publique (DUP)

Articles L. 121-4 et L. 122-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Justifier l'utilité publique d'un projet afin que des expropriations puissent être conduites et que des procédures dérogatoires puissent être mises en oeuvre (telles que la mise en compatibilité des documents d'urbanisme locaux)

Constitution du dossier

Enquête publique

Décret en Conseil d'État

Source : Commission des affaires économiques du Sénat, étude d'impact du projet de loi,
réponses aux questionnaires transmis par les personnes auditionnées.

Ces diverses procédures, qui font intervenir des autorités et organismes distincts, sont menées en parallèle avant que ne commence la réalisation concrète du projet de réacteur électronucléaire.

La loi et le règlement prévoient déjà des articulations temporelles et procédurales, pour faciliter la mise en oeuvre de ces différents régimes d'autorisation.

Ainsi, le code de l'urbanisme impose par exemple de différer le début des travaux (qui peuvent en théorie débuter dès l'octroi de l'autorisation d'urbanisme), dans les cas où le projet doit obtenir des autorisations complémentaires relevant d'autres régimes d'autorisation prévus par la loi. Ainsi, et entre autres :

• si le projet relève du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), les travaux ne peuvent débuter avant la décision d'enregistrement du projet au titre des ICPE (article L. 425-10) ;

• pour les installations nucléaires de base soumises à autorisation de création, les travaux ne peuvent débuter avant la clôture de l'enquête publique menée dans le cadre de cette procédure d'autorisation (article L. 425-12) ;

• pour les projets soumis à autorisation environnementale , le projet ne peut être réalisé avant obtention de cette autorisation, sauf exceptions très encadrées (article L. 425-14) .

C. L'autorisation d'urbanisme conditionne la perception de la taxe d'aménagement

Pour les projets de travaux et de construction, la délivrance d'une autorisation d'urbanisme emporte certains effets juridiques. En particulier, au titre de l'article L. 1635 quater B 23 ( * ) du code général des impôts, les aménagements, constructions et installations soumis à un régime d'autorisation en vertu du code de l'urbanisme donnent lieu au paiement de la taxe d'aménagement .

Cette taxe est instituée par les communes ou établissements publics de coopération intercommunale , ou encore par les départements ou la région d'Île-de-France pour couvrir certaines de leurs dépenses (article 1635 quater A du même code). Elle est acquittée par la personne bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme (article 1635 quater C).

LA TAXE D'AMÉNAGEMENT

La taxe d'aménagement se compose de trois parts, perçues par trois bénéficiaires distincts : la part « locale », perçue par les communes ou les EPCI compétents en matière de plan local d'urbanisme ; la part départementale ; et la part régionale en Île-de-France.

Ainsi, elle est instituée de plein droit dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme, dans les communautés urbaines et les métropoles, sauf délibération contraire. Dans les autres communes et dans les EPCI compétents dont les communes membres leur en ont donné l'accord, dans les départements et dans la région d'Île-de-France, elle est instituée par délibération.

Les différentes collectivités ou EPCI bénéficiaires de la taxe percevront chacune une partie du produit de la taxe d'aménagement liée au projet. Le taux d'imposition de la part communale ou intercommunale est compris entre 1 % et 5 % par secteur, avec une majoration possible dans la limite de 20 %, instaurée par délibération motivée de la collectivité. Le taux d'imposition de la part départementale est inférieur ou égal à 2,5 %.

Le produit de la taxe d'aménagement est affecté en section d'investissement du budget des communes ou des EPCI et a vocation à financer les équipements publics (voirie, réseaux, etc.) nécessaires aux futures constructions et aménagements. Le produit de la part départementale a le caractère d'une recette de fonctionnement, afin de financer la politique de protection des espaces naturels sensibles ainsi que les dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.

Enfin, le taux de la part versée à la région Île-de-France est limité à 1 %, avec une possibilité d'appliquer des taux différents par département. Pour la région d'Île-de-France, le produit de la taxe est affecté en section d'investissement du budget en vue de financer des équipements collectifs, principalement des infrastructures de transport rendues nécessaires par l'urbanisation.

Source : Direction de la législation fiscale, ministère de l'économie,
des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Le fait générateur de la taxe est la date de délivrance de l'autorisation initiale de construire ou d'aménager, au titre de l'article 1635 quater F du code général des impôts (ou la date de naissance de l'autorisation tacite). Elle est exigible (article 1635 quater G) à la date d'achèvement des opérations imposables . Par exception, les très grandes opérations (d'une surface de construction supérieure à 5000 mètres carrés) sont tenues de verser deux acomptes, de 50 % et de 35 % respectivement, au neuvième et au dix-huitième mois suivant celui de la délivrance de l'autorisation (article 1679 nonies ).

II. Le dispositif envisagé - Intégrer le contrôle de la conformité aux règles d'urbanisme aux procédures d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création du réacteur

A. Dispenser d'autorisation d'urbanisme, mais assurer le contrôle du respect des règles d'urbanisme dans le cadre des autres procédures d'autorisation nécessaires

L'article 3 prévoit tout d'abord (II) de dispenser « d'autorisation ou de déclaration en matière d'urbanisme » les projets de constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création d'un réacteur électronucléaire, ainsi que les équipements et installations nécessaires à leur exploitation (au sens de l'article L. 593-3 du code de l'environnement qui définit les équipements et installations nécessaires à l'exploitation d'une installation nucléaire de base).

En conséquence, il est prévu que le contrôle de la conformité de ces projets avec les dispositions législatives et réglementaires d'urbanisme, habituellement effectué dans le cadre de l'instruction de l'autorisation d'urbanisme, soit réalisé « dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création », dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État.

La rédaction précise d'une part que ces projets se verront appliquer les mêmes règles que ceux dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ; d'autre part que les sanctions et contrôles prévus par le titre VIII du livre IV du code de l'urbanisme, en cas d'infraction aux règles d'urbanisme sont maintenus à l'identique.

B. Des dérogations spécifiques visant à assurer la continuité de la perception de la taxe d'aménagement

La dispense d'autorisations d'urbanisme qu'il est proposé d'appliquer aux projets de réacteurs électronucléaires aurait pour effet, en application du droit existant (article 1635 quater B du code général des impôts) de les dispenser dans le même temps de taxe d'aménagement.

Le II de l'article 2 vise donc à maintenir en vigueur le fonctionnement existant de la taxe d'aménagement, y compris après que les réacteurs électronucléaires ont été dispensés d'autorisation d'urbanisme :

• il maintient la soumission des projets de réacteurs et leurs équipements au paiement de la taxe d'aménagement (1°) ;

• il précise que la personne redevable de la taxe est l'exploitant du réacteur électronucléaire (2°) ;

• il désigne l'octroi de l'autorisation de création du réacteur comme fait générateur de la taxe (3°) et maintient le paiement d'acomptes dans les mêmes délais, mais après l'octroi de l'autorisation de création plutôt qu'après l'octroi de l'autorisation d'urbanisme (4°).

III. La position de la commission - Une mesure de simplification bienvenue, qui doit toutefois être ajustée pour encadrer son caractère dérogatoire

A. Une portée simplificatrice incontestable...

Le rapporteur rappelle que la dispense d'autorisations d'urbanisme proposée par le présent article se réduit en réalité à une dispense de permis de construire et de permis de démolir, les autres autorisations faisant déjà l'objet d'une dispense en application du droit existant. La mesure proposée par l'article 3 approfondit donc l'intention simplificatrice qui préside déjà à l'article R. 425-27 du code de l'urbanisme, et la consacre au niveau législatif. Cette simplification incontestable sert de multiples motifs :

• D'abord, elle limite les risques en matière de sécurité et contribuera à protéger les projets d'éventuelles intentions malveillantes. Le nombre d'autorisations nécessaires pour chaque projet de réacteurs multiplie d'autant les interlocuteurs et personnes habilitées à accéder aux éléments précis des dossiers. Or, les dossiers de permis de construire, en particulier, doivent comporter des documents très sensibles , tels que les plans détaillés des bâtiments, de leurs façades, des informations sur la destination de chaque construction... Certaines de ces exigences sont disproportionnées eu égard au caractère confidentiel des modalités de conception et de fonctionnement des centrales électronucléaires. Ces raisons ont d'ores et déjà conduit le législateur à prévoir, à l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme (et à l'article R. 421-8 par exemple) une dispense de formalité pour certains projets « du fait qu'ils nécessitent le secret pour des raisons de sûreté ou que la préservation de leur confidentialité est nécessaire pour la sauvegarde des intérêts de la défense nationale » ;

• Ensuite, elle facilitera l'articulation entre les différents régimes d'autorisation applicables aux projets de réacteurs. L'ensemble du projet sera consolidé et contrôlé, à divers égards, à deux moments bien définis : celui de l'instruction de l'autorisation environnementale et celui de l'instruction de l'autorisation de création. De plus, dans ce cadre, le respect des règles d'urbanisme par le projet sera considéré au vu de l'ensemble des éléments constitutifs du fonctionnement de la centrale, et non du seul point de vue des bâtiments individuels. Enfin, le cadre juridique actuel du permis de construire impose la complétude du dossier d'autorisation avant que l'instruction ne puisse démarrer : une instruction au fil de l'eau et jointe avec celle des autres autorisations permettra une évolution plus souple des caractéristiques du projet, sans devoir à chaque étape solliciter un permis modificatif ;

• Dans l'étude d'impact, la réduction de l'aléa contentieux est également mise en avant : la consolidation des diverses procédures autour de deux autorisations, l'autorisation environnementale et l'autorisation de création, permettra de concentrer les éventuels recours sur ces deux actes et devant le Conseil d'État, plutôt que de multiplier les autorisations et donc les éventuelles procédures en justice, au prix à chaque fois de nouveaux délais. Le rapporteur s'est néanmoins assuré que les conditions de recours applicables à l'autorisation environnementale et à l'autorisation de création sont au moins équivalentes à celles prévues pour les autorisations d'urbanisme, afin d'éviter toute régression en matière de droit au recours . De plus, le rapporteur souligne que le corollaire de cette réduction du risque contentieux est la garantie de l'effectivité du contrôle de la conformité du projet aux règles d'urbanisme tout au long du projet, sous peine de reporter ce risque juridique sur les deux autres autorisations visées ;

• L'argument d'un gain de temps significatif avancé par l'étude et le Gouvernement (estimé d'un à deux ans par celui-ci, et à trois mois par EDF) doit être relativisé, comme l'a noté le Conseil d'État dans son avis sur le texte. En effet, même en l'absence de permis de construire, les autres autorisations devront tout de même être recueillies, dans des délais parfois bien plus significatifs (jusqu'à cinq ans d'instruction par exemple pour l'autorisation de création). Ce gain de temps ne sera atteint, de manière générale, qu'au prix d'un véritable effort sur les moyens et l'efficacité de l'instruction de l'ensemble des autorisations par les pouvoirs publics. En particulier, il appartiendra au Gouvernement de renforcer l'action des administrations centrales, puisque la compétence d'instruction des dossiers en matière d'urbanisme leur sera remontée, et des services déconcentrés (qui interviendront dans le cadre de l'autorisation environnementale). Or, pour ces derniers, la Cour des comptes a souligné dans un récent rapport que les services déconcentrés de l'urbanisme ont porté la majorité des suppressions de poste au cours des dernières décennies 24 ( * ) .

B. ...qui doit cependant faire l'objet d'ajustements pour encadrer son caractère dérogatoire

Soutenant pleinement l'intention simplificatrice de l'article, le rapporteur a néanmoins proposé à la commission d'adopter plusieurs amendements porteurs d'ajustements, afin d'encadrer le caractère dérogatoire de l'article.

Concernant la dispense d'autorisations d'urbanisme prévue par l'article, la commission a adopté des amendements du rapporteur visant à :

• apporter, par le biais du décret en Conseil d'État auquel il est renvoyé, plusieurs précisions et garde-fous à la procédure envisagée . Celles-ci concerneront notamment la manière dont les aspects urbanistiques seront inclus dans les procédures de participation du public menées dans le cadre des autres autorisations (a) , le dialogue avec les collectivités territoriales (b) , la composition du dossier d'autorisation (c) , les personnes habilitées à mener l'instruction des dossiers (d) , les vérifications applicables si le projet de réacteur évolue entre les deux échéances de contrôle de conformité aux règles de l'urbanisme prévues (e) , et les modalités d'information du public (f) ( COM-49 ) ;

• confier explicitement au ministre de l'urbanisme la compétence de vérification du respect des règles d'urbanisme par les projets de réacteurs, dans le cadre de l'autorisation environnementale ou de l'autorisation de création ( COM-54 ) ;

• articuler le champ des constructions , travaux, installations et aménagements visés par l'article avec celui de l'article 2 du projet de loi, puisque l'ensemble du projet visé qualifié de projet d'intérêt général (PIG) a vocation à bénéficier des mêmes simplifications ( COM-57 ) ;

• préciser, en l'absence de permis, la date à laquelle les travaux pourront être exécutés, en coordination avec l'article 4 du projet de loi. Il est notamment proposé de permettre une modulation de cette date ( COM-48 ) ;

• faire prévaloir la formulation existant déjà dans le code de l'urbanisme de « dispense de toute formalité au titre du code de l'urbanisme » ( COM-47 ) ;

• apporter des coordinations et précisions juridiques diverses ( COM-53 et COM-50 ).

Concernant les coordinations relatives au régime juridique de la taxe d'aménagement , la commission a adopté un amendement du rapporteur visant à éviter tout retard dans la perception, par les collectivités territoriales concernées, du produit de la taxe d'aménagement .

La rédaction du texte initial propose de retenir l'autorisation de création du projet comme fait générateur de substitution. Or, l'autorisation de création interviendra tardivement dans l'élaboration du projet (l'instruction seule pouvant durer jusqu'à cinq ans au titre de l'article R. 593-28 du code de l'environnement). Cette date apparaît d'autant plus tardive que l'article 4 du projet de loi autorise a contrario à exécuter par anticipation des travaux et constructions dès la délivrance de l'autorisation environnementale, qui interviendra, elle, de manière plus précoce.

Il ne paraît pas souhaitable que le fait générateur soit repoussé à l'autorisation de création, délivrée après des années, alors même que les travaux pourront avoir débuté concrètement bien avant cette date. Il s'agirait d'une injustice pour les communes, EPCI et départements , qui percevraient alors, chacun à hauteur de leur part, le produit de cette taxe bien plus tardivement que dans le droit actuel .

L'amendement COM-51 du rapporteur, adopté par la commission propose donc, en cas de travaux anticipés réalisés dès la délivrance de l'autorisation environnementale comme le permet l'article 4, que cette autorisation environnementale soit regardée comme le fait générateur de la taxe d'aménagement . Cela évitera un retard injustifié dans le versement de la taxe, en comparaison avec le droit existant, et améliorera la cohérence globale du dispositif de l'article 3.

Enfin, sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-52 visant à considérer les nouveaux réacteurs électronucléaires comme des « grands projets » au regard des objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN) , afin que leur éventuel impact en termes d'artificialisation ne soit pas imputé aux collectivités d'implantation 25 ( * ) .

Ces équipements nécessaires à la souveraineté énergétique du pays répondent à un intérêt général avéré. Ils bénéficieront à l'ensemble de la Nation, voire même à l'espace énergétique européen tout entier. À ce titre, ils ne doivent pas peser sur les « comptes fonciers » individuels des collectivités territoriales impactées, ni même être simplement mutualisés à une échelle régionale.

La mesure proposée est proportionnée, puisqu'elle aura un impact très limité sur l'atteinte des objectifs globaux de réduction de l'artificialisation à l'échelle de la France : elle représentera moins de 1 % de l'enveloppe d'artificialisation prévue jusqu'à 2031. Inversement, elle aura un impact très conséquent sur l'acceptabilité de ces réacteurs à un niveau local par la population et les collectivités territoriales concernées.

Il s'agit surtout d'une mesure de justice territoriale, les différents territoires français n'offrant pas le même potentiel en matière d'implantation de nouveaux réacteurs électronucléaires. L'effort porté par les collectivités qui accueilleront les réacteurs sera ainsi réparti plus équitablement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4 - Faculté d'anticipation de certains constructions, aménagements, installations ou travaux liés aux projets de création des réacteurs électronucléaires, dès la réception de l'autorisation environnementale

Cet article vise à permettre une anticipation des constructions, aménagements, installations ou travaux liés aux projets de réacteurs électronucléaires, dès la réception de l'autorisation environnementale.

Le rapporteur a présenté 4 amendements ( COM-35 , COM-58 , COM-59 , COM-62 ) pour consolider les conditions d'application de cette anticipation de travaux.

Le premier vise à maintenir des garanties en matière d'évaluation environnementale et de participation du public, en précisant :

- le contenu de l'étude d'impact, qui doit comprendre, outre les éléments communs à tous les projets, des compléments spécifiques aux seuls projets nucléaires (prélèvements, rejets, déchets, incidences sur l'eau, l'air et les sols) ;

- les modalités de réalisation de l'enquête publique et de consultation de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Le deuxième amendement, déposé à l'identique par le rapporteur pour avis pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable Pascal Martin ( COM-66 ), prévoit que la liste des travaux pouvant ou non être anticipés soit précisée par décret en Conseil d'État, après avis de l'ASN.

Le troisième amendement, également déposé à l'identique par le rapporteur pour avis ( COM-65 ), propose de préciser que l'anticipation des travaux intervient par dérogation à l'article L. 425-12 du code de l'urbanisme, qui prohibe l'exécution des travaux avant la clôture de l'enquête publique requise pour la procédure d'autorisation de création, mentionnée à l'article L. 593-7 du code de l'environnement.

Le dernier amendement suggère d'introduire des garanties sur les conditions, le déroulement et l'autorité en charge de l'anticipation des travaux, en précisant qu'elle intervient :

- à la demande de l'exploitant et à ses frais et risques ;

- sous réserve que la possibilité d'anticipation des travaux ait été préalablement portée à la connaissance du public ;

- sous le contrôle du ministre chargé de l'urbanisme.

La commission propose d'adopter l'article ainsi modifié .

I. La situation actuelle - Une obligation de détenir une autorisation environnementale et une autorisation de création et une interdiction de réaliser les travaux portant sur une installation nucléaire de base avant la clôture de l'enquête publique applicable à cette seconde autorisation

A. La création d'une installation nucléaire de base (INB) requiert l'obtention d'une autorisation environnementale (AE) et d'une autorisation de création (AC)

En l'état actuel du droit, outre l'autorisation d'urbanisme (article R. 422-2 du code de l'urbanisme), la qualification d'intérêt général (article L. 102-1 du même code), la mise en compatibilité des documents d'urbanisme (titres IV, V et VI du livre I er du même code) ainsi que la déclaration d'utilité publique et la concession d'utilisation du domaine public maritime (articles L. 2124-2 à L. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques), la création des INB est soumise à plusieurs autorisations :

- une autorisation environnementale (AE) , une étude d'impact et une enquête publique, mentionnées aux articles L. 181-1, L. 121-1, 123-1 et R. 122-5 du code de l'environnement, dès lors que les INB nécessitent des autorisations au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l'eau et les milieux aquatiques (IOTA), de défrichement ou de destruction des espèces protégées ;

- une autorisation de création (AC) 26 ( * ) , assortie de consultations locales et d'une enquête publique, mentionnées aux articles L. 593-7, L. 593-8, R. 593-21 et R. 593-22 du code de l'environnement, dès lors que les INB sont assujetties au régime légal afférent, en application des articles L. 593-1 et L. 593-3 du même code.

Le délai d'instruction de l'AE est en moyenne d'un an ; elle prévoit une étude d'impact (article R. 122-5 du code de l'environnement) et une enquête publique (article L. 123-1 du même code).

Le délai d'instruction de l'autorisation de création est de trois ans, prolongeable de deux ans (article R. 593-28 du code de l'environnement) ; elle prévoit aussi une étude d'impact (article R. 593-16 du même code) et une enquête publique (article R. 593-22 du même code).

B. L'exécution des travaux afférents aux INB avant la clôture de l'enquête publique liée à l'AC est interdite

En application de l'article L. 425-12 du code de l'urbanisme, les travaux portant sur une installation nucléaire de base ne peuvent être exécutés qu'à compter de la clôture de l'enquête publique requise pour la procédure d'autorisation de création, mentionnée à l'article L. 593-7 du code de l'environnement.

C. Le contenu de l'étude d'impact requise dans le cadre de l'AC appliquée aux INB est exigeant

L'article R. 593-16 du code de l'environnement dispose que la demande d'autorisation de création est accompagnée de l'étude d'impact, mentionnée à l'article R. 122-5 du même code, dont le contenu est défini à l'article R. 593-17 du même code.

L'article R. 122-5 du code de l'environnement définit les éléments constituant l'étude d'impact, mentionnée à l'article L. 122-1 du même code ; cette étude d'impact comporte notamment une description de « l'ensemble du projet » , et notamment « les effets directs et, le cas échéant, [des] effets indirects secondaires, cumulatifs, transfrontaliers, à court, moyen et long termes, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet ».

De plus, selon l'article R. 593-7 du code de l'environnement :

- la description du projet comprend les prélèvements d'eau et les rejets d'effluents liquides ou gazeux envisagés et les déchets qui seront produits par l'ensemble des installations et équipements situés dans le périmètre de l'installation, qu'ils soient radioactifs ou non ;

- la description de l'état initial de l'environnement comporte un état radiologique de l'environnement portant sur le site et son voisinage.

- la description des incidences notables sur l'environnement distingue les différentes phases de construction et de fonctionnement de l'installation et prend en compte les variations saisonnières et climatiques, les incidences sur la ressource en eau et le milieu aquatique, les incidences sur la qualité de l'air et des sols, l'exposition du public aux rayonnements ionisants du fait de l'installation, les incidences sur le plan de protection de l'atmosphère et le respect du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs ;

- la description des incidences négatives attendues du projet et des mesures prévues par le maître d'ouvrage porte sur l'utilisation des meilleures techniques disponibles, dont les performances attendues pour la protection des eaux souterraines, les conditions d'apport des matières, de transport des produits et d'utilisation de l'énergie, les solutions retenues pour contrôler les prélèvements d'eau et les rejets et pour minimiser les volumes de déchets et leur toxicité.

D. L'enquête publique prévue dans le cadre de l'AC appliquée aux INB est semblable à celle prévue par le code de l'environnement, à l'exception de l'absence de divulgation d'éléments sensibles

L'article R. 593-22 du code de l'environnement dispose que la demande d'autorisation de création et le dossier dont elle est assortie sont soumis à l'enquête publique prévue à l'article L. 593-8 du même code, dans les conditions énoncées à la section 1 du chapitre III du titre II du livre I er du même code.

Les articles R. 593-16 et R. 593-21 du code de l'environnement disposent que le dossier de demande de création et le dossier dont elle est assortie excluent la divulgation des éléments visés au I de l'article L. 124-4 du code de l'environnement (de nature à porter atteinte à la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique et à la sécurité des personnes) et au II de l'article L. 124-5 du même code (de nature à porter atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales et à des droits de propriété intellectuelle).

II. Le dispositif envisagé - Une faculté d'anticipation de certains constructions, aménagements, installations ou travaux liés aux projets de création de réacteurs électronucléaires, dès la réception de l'AE

A. Le dispositif proposé consiste en une faculté d'anticipation de certaines constructions, aménagements, installations ou travaux liés aux projets de création de réacteurs électronucléaires, dès la réception de l'AE

L' article 4 prévoit que l'AE requise pour le projet de création du réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation, à raison des constructions, aménagements, installations ou travaux réalisés en vue de cette création, assujettis en application de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, sur l'AE, de l'article L. 593-1 du même code, sur les INB, et de l'article L. 593-3 du même code, sur l'exploitation de l'installation et des équipements et des installations y étant implantés, est délivrée ou modifiée par décret, au vu d'une étude d'impact portant sur l'ensemble de ce projet.

Ces travaux peuvent être exécutés à compter de la date de délivrance de l'AE, sous réserve que leur conformité aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à l'urbanisme, définies à l'article 3, a été vérifiée par l'autorité administrative.

La construction des bâtiments, y compris les fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires et à héberger des matériels de sauvegarde, ne peut être entreprise, sous la même réserve, qu'après la délivrance de l'AC, mentionnée à l'article L. 593-7 du même code.

B. Si le dispositif proposé a fait l'objet de commentaires dans l'avis du Conseil national de la transition écologique (CNTE), il n'a pas soulevé d'objections juridiques dans l'avis du Conseil d'État

Dans son avis sur le projet de loi 27 ( * ) , le Conseil d'État a indiqué que « l'autorisation environnementale requise à raison des constructions, aménagements, installations ou travaux nécessaires à la construction d'un réacteur électronucléaire et des installations ou travaux nécessaires à son exploitation, au sens de l'article L. 593-3 du code de l'environnement, qui n'en sont pas dispensés en application des dispositions combinées des articles L. 593-1 et L. 593-3 du même code, sera délivrée globalement, après enquête publique, au vu d'une étude d'impact portant sur l'ensemble du projet ».

Il a précisé que « le Conseil d'État considère que, par cohérence avec les modifications apportées aux autres décisions nécessaires à la création d'un réacteur électronucléaire, cette autorisation environnementale, et celles qui les modifieront, le cas échéant, devraient être délivrées par décret » ; c'est pourquoi « il propose [...] l'ajout d'une disposition en ce sens dans le projet de loi ».

Dans son avis sur ce texte 28 ( * ) , le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a quant à lui indiqué qu'il « insiste sur la nécessaire prise en compte des enjeux connexes attachés à ces constructions pour assurer la qualité environnementale de ces projets et de leur cycle de vie, tout en respectant les impératifs de protection de la biodiversité et de la participation du public.

Il a ajouté que « certains considèrent que même si les travaux portant sur l'îlot nucléaire ne pourraient plus commencer avant l'obtention du décret de création des centrales, l'engagement d'une partie des travaux de construction, avant enquête publique, constitue une atteinte à ces impératifs ».

III. La position de la commission - Une anticipation de certains travaux critique pour la tenue des délais de construction, nécessitant toutefois d'être ajustée pour mieux prendre en compte la sûreté nucléaire, les impacts environnementaux et la participation du public

A. Le rapporteur observe que les différentes autorisations et études intervenant dans le projet de construction d'un projet de réacteur électronucléaire ne présentent pas la même importance

Il retient de ces échanges que l'AE est moins importante que l'AC dans le cas d'une telle construction d'un projet de réacteur.

La DGEC et la DGPR ont ainsi rappelé que l'AE joue un rôle limitée et transitoire dans la qualification du projet : « L'autorisation environnementale initiale ne couvre pas l'essentiel de l'installation. Elle est motivée par les travaux de terrassement initiaux, éventuels défrichement et destruction d'espèces protégées, installations de création à béton pour le chantier, etc. En pratique, l'autorisation environnementale couvrira les ICPE ou IOTA rendues nécessaires pour le chantier mais qui ne sont pas pérennes. »

À l'inverse, les directions ont indiqué que l'AC joue un rôle central et pérenne dans cette qualification : « L'autorisation "principale" est l'autorisation de création de l'INB. [...] Les installations nécessaires à l'exploitation du réacteur sont assimilées à l'INB, à laquelle elles sont étroitement liées. Elles sont donc considérées comme telles dès l'origine ».

Le rapporteur constate que les modalités d'application de ces autorisations, proposées par l'article 4, sont perfectibles.

D'une part, si les modalités de délivrance et de modification de l'AE, qui doivent intervenir par décret, sont précisées, rien n'est indiqué s'agissant de l'abrogation.

Interrogées sur ce point, la DGEC et la DGPR ont affirmé qu' « il est possible de décider que l'abrogation d'un acte pris par décret devra respecter le principe de parallélisme des formes ».

D'autre part, si la délivrance de l'AC relèvera du décret, sur rapport du ministre en charge de la sûreté, comme le prévoit l'article R. 593-26 du code de l'environnement, l'autorité administrative en charge de vérifier l'AE n'est pas précisée.

À la demande du rapporteur, la DGEC et la DGPR ont indiqué que l'autorité administrative ici visée est « le ministère chargé de l'urbanisme » .

S'agissant de l'étude d'impact, elle couvre l'ensemble du projet et des autorisations, comme l'ont indiqué ces directions : « L'étude d'impact est commune à toutes les procédures afin d'assurer une meilleure lisibilité du projet. Elle contribue donc bien à l'ensemble des dossiers d'autorisation et pourra être mise à jour ou précisée au fur et à mesure de l'avancement des procédures. »

Le rapporteur constate qu'elle ne porte que marginalement sur la résilience du projet aux nouveaux risques climatiques ou numériques, qui relèvent plutôt de la démonstration de sûreté, ainsi que l'ont précisé ces directions : « La résilience des projets de réacteurs au changement climatique est analysée dans le rapport de sûreté qui figure dans le dossier de demande d'autorisation de création. Un renvoi y est fait dans l'étude d'impact. Les aspects cyber-résilience sont traités dans un dossier séparé au titre de la sécurité nucléaire, déposé auprès du Haut fonctionnaire de défense et de sureté - HFDS - et qui conditionne l'autorisation de recevoir sur site des matières nucléaires ».

Au total, EDF s'est montré satisfait de l'élévation de l'AE au niveau du décret, comme c'est le cas actuellement pour l'AC : « L'évocation de cette autorisation préfectorale au rang d'un décret ministériel permet utilement d'homogénéiser le délai et la juridiction compétente ainsi que de centraliser les autorisations nécessaires à la réalisation de projets de nouveau nucléaire auprès du Conseil d'État en premier et dernier ressort. »

Il en va de même de l'anticipation de certains travaux dès la délivrance de l'AE, sans attendre la clôture de l'enquête publique de l'AC : « La précision du séquençage des travaux pouvant commencer à compter de l'autorisation environnementale contre ceux conditionnés à l'autorisation de création des installations nucléaires paraît effectivement adaptée. »

De même, l'Autorité environnementale (AE) a estimé que l'article 4 clarifie le droit en vigueur : « [Les dispositions de] l'article 4 semblent proposer des dispositions conservatoires permettant de lever des doutes sur l'interprétation de la réglementation en vigueur. Elles clarifient les compétences et procédures. »

B. Le rapporteur constate que la disposition proposée, si elle concerne peu de projets de réacteurs électronucléaires, est de nature à accélérer fortement leurs délais de construction

EDF a indiqué que 5 communes pourraient être concernées par l'application de cette disposition, pour la réalisation du programme de 6 EPR2. Le groupe a précisé qu'à date, les communes susceptibles d'être visées par l'extension du programme ou les SMR ne sont pas connues.

Le gain permis est important : il est estimé à 1 à 2 ans par la DGPR et la DGEC, et à 2 ans par EDF. Pour ce dernier, « en permettant de dissocier l'obtention et la réalisation de la demande d'autorisation environnementale nécessaire au lancement des travaux préparatoires, de l'instruction du décret d'autorisation de création par l'ASN, le projet de loi devrait fait disparaître le principal risque du planning lié à une prolongation de l'instruction [de] 24 mois. »

C. Le rapporteur observe que la disposition proposée est conforme au cadre européen, et notamment à la directive 2013/59 Euratom du 5 décembre 2013

L'article 5 de la directive 2013/59 Euratom du 5 décembre 2013 29 ( * ) dispose que « les États membres établissent des exigences légales et un régime adapté de contrôle réglementaire s'inscrivant, pour toutes les situations d'exposition, dans un système de radioprotection fondé sur les principes de justification, d'optimisation et de limitation des doses », tandis que l'article 9 dispose que « les États membres veillent à ce que les limites de dose pour l'exposition professionnelle s'appliquent à la somme des expositions professionnelles annuelles d'un travailleur du fait de toutes les pratiques autorisées, de l'exposition professionnelle au radon sur le lieu de travail devant être notifiée » et l'article 12 que « les États membres veillent à ce que les limites de dose pour l'exposition du public s'appliquent à la somme des expositions annuelles d'une personne du public du fait de toutes les pratiques autorisées ».

Pour autant, l'article 4 est sans incidence sur ces modalités de prise en compte de la radioprotection, auprès du personnel ou du public.

D. En revanche, le rapporteur constate que l'anticipation proposée de certains travaux soulève plusieurs interrogations

• En premier lieu, le rapporteur rappelle que les réacteurs électronucléaires construits dans le passé ont pu bénéficier d'une anticipation de travaux

En prévoyant une possibilité d'anticiper certains travaux, l'article 4 revient ainsi à l'état du droit du début des années 2000.

Selon EDF, cette disposition permet de rétablir le cadre appliqué à la construction des réacteurs existants : « Elle permet de reconduire la pratique qui a présidé lors de la construction du parc nucléaire. La situation actuelle (impossibilité de réaliser les travaux préparatoires avant la clôture de l'enquête publique de la demande d'autorisation de création d'installations nucléaires) est la résultante d'un empilement d'évolutions législatives dont fait partie : la loi ENL du 8 décembre 2005 qui a consacré le principe selon lequel les travaux préparatoires à des travaux couverts par un permis de construire en font partie intégrante et ne peuvent être exécutés en amont de l'obtention de ce dernier ; l'article L. 425-12 du code de l'urbanisme, qui conditionne le début des travaux à la clôture de l'enquête publique requise par la procédure d'autorisation de création des installations nucléaires ; l'article L. 122-1 du code de l'environnement, qui implique de qualifier précisément ce qui appartient au périmètre d'un projet unique et de n'anticiper aucuns travaux du projet avant une première autorisation sur celui-ci. »

Si certains membres du CNTE ont estimé que l'anticipation des travaux constitue une « atteinte [aux] impératifs de préservation de protection de la biodiversité et de participation du public », le Conseil d'État a considéré que cette disposition « ne soulève pas d'objection juridique ».

• Pour autant, le rapporteur s'interroge sur la définition des travaux pouvant être anticipés

L'article 4 permet d'exécuter les constructions, aménagements, installations et travaux à compter de la délivrance de l'AE ; à l'inverse, il n'autorise les constructions de bâtiments, y compris leurs fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, qu'après la délivrance de l'AC.

Selon l'étude d'impact, les travaux pouvant ainsi être anticipés « vont des activités "préalables", c'est-à-dire liées aux aménagements "préalables" (travaux d'affouillements, d'exhaussements, de terrassement, de construction, de parking, locaux administratifs et autres infrastructures de supports, qui seront nécessaires au projet), aux activités liées au réacteur électronucléaire lui-même (coulage du radier nucléaire, construction de l'enceinte du bâtiment réacteur, etc.) ».

Elle indique que « les travaux réalisés en vue de la création des bâtiments dont les caractéristiques techniques ont un impact sur la sûreté, y compris leurs fondations, comme le bâtiment réacteur et le bâtiment des auxiliaires de sauvegarde, y compris leurs radiers, ne peuvent débuter avant la publication du décret d'autorisation de création sous réserve que leur conformité aux règles d'urbanisme ait été vérifiée pour l'ensemble du projet, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création de réacteur ».

Elle précise qu' « en revanche, les travaux des autres bâtiments, i.e. des bâtiments dont les caractéristiques techniques n'ont pas ou peu d'impact sur la sûreté (comme la station de pompage, le bâtiment de traitement des effluents, les diverses entreprises de maintenance et autres, la cantine, etc.) peuvent être exécutés après la délivrance d'une autorisation environnementale, prise en application de l'article L. 181-11 du code de l'environnement et sous réserve de leur conformité aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées au premier alinéa du I de l'article 3 ait été vérifiée par l'autorité administrative ».

Le rapporteur retient de ces échanges avec la DGPR et la DGEC qu'une définition positive des travaux pouvant être anticipés n'a pas été trouvée : « les travaux pouvant être anticipés ne sont pas définis positivement car, d'une part, ils sont dépendants du contexte du site et, d'autre part, ils sont très nombreux et obéissent à une grande variété de typologie : terrassement, creusement de galeries, construction de bâtiment, mises en place de réseaux, etc. »

Les directions ont précisé que les travaux ne pouvant pas être anticipés correspondent à ceux liés à l'îlot nucléaire : « Ces bâtiments recouvrent l'îlot nucléaire, qui comporte principalement le bâtiment réacteur contenant notamment le circuit primaire, le bâtiment combustible où sont effectués la manutention du combustible neuf et l'entreposage du combustible irradié, les bâtiments diesel et les bâtiments électriques et de systèmes de sauvegarde. Les fondations sont précisées car c'est un élément essentiel de l'îlot nucléaire. »

De plus, ces directions ont ajouté que les travaux liés à l'exploitation du réacteur et aux ouvrages de raccordement n'ont pas à être anticipés : « On ne souhaite pas viser les travaux liés à l'exploitation du réacteur et leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité, qui interviennent dans un calendrier beaucoup trop tardif. Leur inclusion serait sans effet ».

Cependant, ces directions se sont dites ouvertes à des évolutions sur la définition des travaux pouvant ou non être anticipés : « le Gouvernement n'est cependant pas fermé à une rédaction plus ouverte sur ce point, sous réserve qu'elle soit effective ».

Pour EDF, la définition proposée des travaux pouvant ou non être anticipés est suffisamment solide : « À date, il ne semble pas nécessaire que l'étude d'impact du projet de loi ou un texte d'application précise par une liste indicative les principaux travaux relevant du champ des travaux préparatoires. »

Le rapporteur retient de ses échanges avec l'ASN que l'article 4 « est sans conséquence sur le plan de la sûreté » car « le jalon retenu par le projet de loi, qui correspond à la coulée du radier de l'îlot nucléaire, correspond à une étape clé de tout projet de centrale nucléaire ».

Il retient également de ses échanges avec l'IRSN que l'article 4 « n'a pas d'impact en termes de sûreté » car « dès lors qu'ils ne concernent pas l'îlot nucléaire, l'engagement des travaux, à compter de cette autorisation, ne soulève pas de commentaires particuliers. Les échanges avec l'exploitant et l'ASN sur les aléas à considérer pour le projet font l'objet de discussions en amont. Il n'est donc pas nécessaire de préciser, dans l'étude d'impact, les travaux pouvant être anticipés. »

• De plus, le rapporteur s'interroge sur l'articulation entre l'anticipation des travaux et le droit de l'urbanisme

En effet, l'article 4 est muet sur son articulation avec le droit général prévu par le code de l'urbanisme ou celui de l'environnement.

Or, l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme dispose que « lorsque le projet porte sur une installation nucléaire de base soumise à une autorisation de création en vertu de l'article L. 593-7 du code de l'environnement ou à une nouvelle autorisation en vertu du II de l'article L. 593-14 du même code, les travaux ne peuvent être exécutés avant la clôture de l'enquête publique préalable à cette autorisation »

Interrogées sur ce point, la DGEC et la DGPR ont admis que « le II de l'article 4 de la présente loi a justement pour objet de déroger aux dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme ».

De son côté, EDF a estimé qu' « afin d'éviter tout doute, mais sans que cette mention soit obligatoire pour être effective, il pourrait être fait mention de cette dérogation de manière expresse ».

• Autre sujet, le rapporteur s'interroge sur l'articulation entre l'anticipation des travaux et le droit de l'environnement

En effet, l'article 4 a pour conséquence qu'une enquête publique soit réalisée avant la délivrance de l'AE puis de l'AC.

Il n'est pas prévu de disposition similaire à l'article L. 181-30 du code de l'environnement qui prévoit, dans le cas de l'exécution des permis et des décisions d'urbanisme avant la délivrance de l'AE, « une information sur la possibilité de commencer les travaux par anticipation ».

Pour la CNDP, les modalités proposées pour la réalisation de l'enquête publique sont peu lisibles pour le public : « C ette disjonction entre décret AE et décret DAC, qui n'apporte sans doute pas grand-chose globalement, a le défaut de rendre les consultations du public très difficiles à comprendre par le public : pourquoi deux consultations à quelques mois d'intervalle ? L'expérience montre que la multiplication des procédures de concertation ou consultation sur le même projet est toujours complexe à comprendre par le public non spécialiste, et source de méfiance ».

Quant à l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI), elle est réservée sur le principe même d'une anticipation des travaux, en raison de son impact sur la participation du public : « Construire (quoi que ce soit) avant l'obtention de l'autorisation de création [représente] un mauvais message envers les citoyens ("la décision est déjà prise") ».

Il en est de même de Greenpeace et de Réseau Sortir du nucléaire (RSN) : « Si le chantier du nouvel EPR peut débuter avant la fin de l'enquête publique organisée dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de création de l'INB, le public aura le sentiment, bien légitime, d'avoir été dupé sur sa capacité à peser sur le sens de la décision à intervenir. »

• En outre, le rapporteur s'interroge sur les conséquences financières de l'anticipation des travaux dès la délivrance de l'AE, dans l'hypothèse où l'AC ne serait finalement pas obtenue

En effet, l'article 4 ne prévoit aucune condition financière encadrant les travaux pouvant être anticipés.

Or, dans le cas précité de l'exécution des permis et des décisions d'urbanisme avant la délivrance de l'AE, autorisé à l'article L. 181-30 du code de l'environnement, il est précisé que cette exécution intervient « à la demande du pétitionnaire et à ses frais et risques » 30 ( * ) .

Sur ce point, la DGEC et la DGPR ont indiqué que « le maître d'ouvrage est responsable du projet qu'il porte. Il lui appartient de définir sa stratégie de gestion du risque et de non-aboutissement du projet et de définir les méthodes appropriées de comptabilisation des provisions pour risques ».

L'Assemblée des départements de France (ADF) a soulevé ce risque financier en ces termes : « Une question nous interpelle. Il est possible de débuter les travaux de construction de la partie non nucléaire avant d'avoir reçu les autorisations pour le stockage de combustible et le réacteur. Que deviendraient ces équipements si l'autorisation pour la partie nucléaire était refusée ? »

L'ANCCLI a évoqué une difficulté proche : « Construire (quoi que ce soit) avant l'obtention de l'autorisation de création [représente] des risques d'impacts financiers et environnementaux non utiles si finalement l'autorisation de création n'est pas accordée. »

Il en est de même de Greenpeace et de RSN : « Sans cette autorisation, ces équipements et bâtiments ne serviront à rien et il serait absurde, tant du point de vue du porteur de projet que de celui de la protection de l'environnement, de gaspiller des ressources naturelles et financières sans avoir l'assurance de pouvoir exploiter un jour la centrale ».

• Enfin, le rapport s'interroge sur le rôle joué par l'ASN dans l'anticipation des travaux

L'autorité administrative prévue par l'article 4 est exclusivement étatique puisque l'AE est vérifiée par le ministre chargé de l'urbanisme et l'AC délivrée par le Premier ministre.

S'agissant des compétences de l'ASN, la DGEC et la DGPR ont précisé que « l'ASN émet bien un avis sur l'étude d'impact [...] et sur le projet de décret ».

Ces directions ont ajouté que lui confier un avis sur la définition des travaux ne leur semble pas opportun : « Le projet de loi propose une typologie claire des travaux pouvant être anticipés et de ceux ne le pouvant pas. L'ASN aura déjà fort à faire avec l'instruction technique, sur le fond, de l'AC du réacteur, qui est également sur le chemin critique du projet. Il apparaît inutile de prévoir une instruction complémentaire à l'appui d'un avis, dans un contexte d'effort global d'accélération de toutes ces procédures à un niveau de sûreté inchangé. »

Relevant que l'étude d'impact évoque l'anticipation de travaux « dont les caractéristiques techniques n'ont pas ou très peu d'impact sur la sûreté » , l'ANCCLI s'est interrogée sur cette situation en ces termes : « Qui établit la liste des bâtiments dont les caractéristiques techniques n'ont pas ou très peu d'impact sur la sûreté ? Que signifie "très peu" ? Dans le domaine nucléaire, on parle d'équipement "important" pour la sûreté. D'où sort cette notion "pas ou très peu d'impact sur la sûreté" ? »

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté 4 amendements ( COM-35, COM-58, COM-59, COM-62 ) pour consolider les conditions d'application de la faculté d'anticipation de travaux susmentionnée.

Le premier vise à maintenir des garanties en matière d'évaluation environnementale et de participation du public, en précisant :

- le contenu de l'étude d'impact, qui doit comprendre, outre les éléments communs à tous les projets, des compléments spécifiques aux seuls projets nucléaires (prélèvements, rejets, déchets, incidences sur l'eau, l'air et les sols) ;

- les modalités de réalisation de l'enquête publique et de consultation de l'ASN.

Le deuxième amendement, déposé à l'identique par le rapporteur pour avis pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable Pascal Martin ( COM-66 ), prévoit que la liste des travaux pouvant ou non être anticipés soit précisée par décret en Conseil d'État, après avis de l'ASN.

Le troisième amendement, également déposé à l'identique par le rapporteur pour avis ( COM-65 ), propose de préciser que l'anticipation des travaux intervient par dérogation à l'article L. 425-12 du code de l'urbanisme, qui prohibe l'exécution des travaux avant la clôture de l'enquête publique requise pour la procédure d'AC, mentionnée à l'article L. 593-7 du code de l'environnement.

Le dernier amendement suggère d'introduire des garanties sur les conditions, le déroulement et l'autorité en charge de l'anticipation des travaux, en précisant qu'elle intervient :

- à la demande de l'exploitant et à ses frais et risques ;

- sous réserve que la possibilité d'anticipation des travaux ait été préalablement portée à la connaissance du public ;

- sous le contrôle du ministre chargé de l'urbanisme.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 5 - Dérogation à la loi « Littoral » pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires

Cet article vise à déroger aux dispositions de la loi dite « Littoral » pour faciliter les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la création ou à l'exploitation d'un réacteur électronucléaire, ainsi que leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté deux amendements visant notamment à encadrer la dérogation à la loi Littoral applicable aux ouvrages de raccordement du réseau de transport d'électricité.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - La loi « Littoral », entrée en vigueur après la construction du parc nucléaire actuel, encadre strictement les conditions d'urbanisation dans les communes situées en zones littorales, sous réserve des différentes dérogations existantes

A. Les grands principes limitant l'urbanisation dans les communes situées en zone littorale

La loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral 31 ( * ) , dite loi « Littoral », concerne plus de 1 200 communes riveraines de la mer, des grands lacs, des estuaires et des deltas.

Aujourd'hui, certaines de ces communes accueillent sur leur territoire des installations nucléaires de base (INB) 32 ( * ) , notamment des réacteurs nucléaires dont la construction a précédé l'entrée en vigueur de cette loi, à l'exception de l'EPR de Flamanville 3.

En l'état actuel du droit, la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre des installations existantes situées sur le territoire de l'une des plus de 1 200 communes concernées par la loi « Littoral » serait soumise aux dispositions de cette loi.

En effet, visant un aménagement durable des territoires littoraux en conciliant des objectifs de développement économique et de préservation des espaces naturels, la loi « Littoral » fixe plusieurs conditions à l'extension de l'urbanisation en zones littorales.

Premièrement, cette loi fixe un principe d'urbanisation en continuité de l'urbanisation existante . En effet, sur le territoire d'une commune littorale, les nouvelles installations et constructions ne sont autorisées que si elles sont réalisées « en continuité avec les agglomérations et villages existants » 33 ( * ) .

Néanmoins, dans les espaces déjà urbanisés et en dehors de la bande des 100 mètres et des espaces proches du rivage ou des rives, les constructions et installations peuvent être autorisées lorsqu'elles améliorent l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation des services publics, sous réserve qu'elles n'étendent pas le périmètre bâti existant, ni ne modifient de manière significative ses caractéristiques. Cette autorisation est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) et est refusée lorsque ces constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement et aux paysages.

Deuxièmement, cette loi fixe un principe d'urbanisation limitée dans les espaces proches du rivage . En effet, dans les espaces proches du rivage, des rives des plans d'eau intérieurs et des estuaires les plus importants, seule une « extension limitée de l'urbanisation » 34 ( * ) est permise.

Troisièmement, cette loi fixe un principe d'inconstructibilité, en dehors des espaces déjà urbanisés, dans une bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eaux intérieurs 35 ( * ) .

Enfin, cette loi fixe un dernier grand principe de préservation des coupures d'urbanisation 36 ( * ) .

B. Les dérogations existantes permettant l'urbanisation sélective dans les communes situées en zone littorale

Depuis l'entrée en vigueur de la loi « Littoral », des dérogations ont toutefois été prévues et ajoutées par le législateur afin de faciliter l'urbanisation des communes littorales, notamment pour :

- les installations, les constructions et les aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale et à la sécurité civile, par dérogation à l'ensemble de la loi 37 ( * ) ;

- les stations d'épuration d'eaux usées, par dérogation à l'ensemble de la loi 38 ( * ) ;

- les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines, par dérogation au principe de continuité de l'urbanisation existante 39 ( * ) ;

- les ouvrages nécessaires à la production d'électricité à partir d'éoliennes terrestres, lorsqu'ils sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées, par dérogation au principe de continuité de l'urbanisation existante 40 ( * ) ;

- les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau, par dérogation au principe d'interdiction de l'urbanisation dans la bande littorale 41 ( * ) ;

- les aménagements légers dans les espaces remarquables ou les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques 42 ( * ) ;

- l'atterrage des canalisations et leurs jonctions ou l'établissement des réseaux ouverts au public de communications électroniques 43 ( * ) ;

- les secteurs de la zone dite des cinquante pas géométriques située dans les parties urbanisées de la bande littorale 44 ( * ) ;

- les secteurs occupés par une urbanisation diffuse dans la bande littorale 45 ( * ) .

Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, le Sénat a adopté deux dérogations supplémentaires à la loi « Littoral ».

D'une part, l'article 9 prévoit que, par dérogation au principe de continuité de l'urbanisation existante, les ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique peuvent être autorisés sur des sites dégradés et sur les bassins industriels de saumure saturée.

D'autre part, l'article 16 prévoit que les ouvrages de raccordement au réseau public de transport d'électricité peuvent être autorisés, sous certaines conditions, en zone littorale, après un avis de la commission départementale de la nature, des sites et des paysages (CDNSP) et en accordant une préférence à l'enfouissement souterrain des lignes électriques.

II. Le dispositif envisagé - Une dérogation générale aux dispositions de la loi relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur du littoral

A. Une dérogation supplémentaire aux dispositions de la loi « Littoral »

L'article 5 prévoit que les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la création ou à l'exploitation d'un réacteur électronucléaire, ainsi que leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité, prévus à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'un réacteur électronucléaire existant, ne sont pas soumis aux dispositions du chapitre I er du titre II du livre I er du code de l'urbanisme, qui portent sur l'aménagement et la protection du littoral.

B. Une dérogation qui ne méconnaît pas les principes de la Charte de l'environnement

Dans son avis sur le projet de loi 46 ( * ) , le Conseil d'État a rappelé qu' « une partie des réacteurs auprès desquels pourraient être construits de nouveaux réacteurs dans les conditions prévues par la présente loi sont situés sur le littoral (Penly, Gravelines, Paluel, Flamanville et Le Blayais). Ces ouvrages ont été construits avant l'entrée en vigueur de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral (codifiée au chapitre I er du titre II du livre I er du code de l'urbanisme), à l'exception du dernier réacteur de Flamanville, dont le juge administratif a jugé que son implantation ne méconnaissait pas les dispositions de cette loi (CAA Nantes, 22 avril 2008 CRIILAN et autres, n° 07NT01 013) ».

Le Conseil d'État constate également que « deux des sites jugés les plus propices au nouveau programme de construction (Penly et Gravelines) sont situés sur le littoral, que la proximité de la mer est nécessaire au fonctionnement de ces réacteurs, que le nombre maximum de lieux susceptibles d'être concernés, le cas échéant, est limité à cinq au total, que des réacteurs y sont déjà implantés, et que les nouveaux réacteurs seront installés à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre des anciens réacteurs, la superficie nécessaire sur chaque site étant évaluée par l'étude d'impact entre 100 et 200 hectares, y compris la surface nécessaire au chantier ».

Le Conseil d'État a conclu que « l'objet de cette dérogation et son caractère strictement délimité permettent de considérer qu'elle respecte le principe de préservation de l'environnement posé par l'article 1 er de la Charte de l'environnement ainsi que l'obligation faite aux politiques publiques par l'article 6 de cette Charte de concilier la protection et la mise en valeur de l'environnement avec le développement économique, et ne se heurtent à aucun autre obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel ».

III. La position de la commission - Une dérogation générale à la loi « Littoral » qui se justifie au regard des impératifs du « temps industriel » nécessaire à la construction de nouveaux réacteurs

A. Une dérogation générale justifiée par la nécessité de faciliter l'aménagement des « zones de chantier »

Alors que l'exposé des motifs du projet de loi mentionne une dérogation limitée à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, qui pose un principe d'urbanisation en continuité de l'urbanisation existante, l'article 5 déroge à l'ensemble des dispositions de la loi « Littoral » et inclut les constructions, installations, aménagements et ouvrages liés à la construction de nouveaux réacteurs.

Les auditions menées par le rapporteur ont permis de confirmer la nécessité de maintenir une dérogation large sur le fond mais dont le périmètre d'application géographique demeure restreint. En effet, au-delà de la construction stricto sensu des nouveaux réacteurs nucléaires, l'exploitant et les collectivités locales concernées devront faciliter l'organisation des « zones de chantier » (parkings, zones de stockage et de déport, travaux de voirie, construction de logements et d'infrastructures de services supplémentaires, etc.).

En effet, comme le rappelle EDF 47 ( * ) , « chaque projet du « programme de Belfort » situé en bord de mer (Penly et Gravelines) implique à la fois la construction des installations de production, des aménagements préalables, la création et la mise en service d'équipements nécessaires à son exploitation ainsi que la création de zones de chantier. L'ensemble de ces zones et de ces activités nécessaires au projet auront besoin de bénéficier de l'application homogène du dispositif » .

L'audition des élus des communes de Penly et de Gravelines notamment 48 ( * ) a confirmé ce besoin de faciliter, temporairement et dans un cadre géographique délimité, l'aménagement de ces zones de chantier. Ainsi, il est estimé que jusqu'à 8 000 travailleurs seront nécessaires sur le site de Penly, le chantier du nouvel EPR 2 pouvant être localement complexifié par la présence d'autres chantiers simultanés, dont celui relatif à l'atterrage des câbles d'alimentation des éoliennes en mer, celui de la création d'une nouvelle ligne électrique de 400 000 volts jusqu'à Amiens ou encore celui du doublement des voies de circulation sur la route départementale.

Dans une perspective d'accélération et de facilitation des chantiers de construction des nouveaux réacteurs nucléaires, le rapporteur a souhaité maintenir cette dérogation générale à la loi « Littoral ». En effet, l'exploitant comme les élus locaux anticipent ainsi des gains de temps, à la fois par la limitation du risque contentieux et par la facilitation de la gestion des zones de chantier.

La commission a ainsi adopté un amendement de coordination juridique COM-41 du rapporteur qui remplace notamment le terme de « réacteur électronucléaire » par celui « d'installation nucléaire de base », ce qui a pour conséquence d'élargir le périmètre géographique concerné par cette dérogation à la loi « Littoral », en coordination avec les modifications apportées aux articles 1 er et 2 du projet de loi.

B. Une dérogation spécifiquement encadrée pour les ouvrages de raccordement au réseau de transport d'électricité

Si le rapporteur est sensible au « temps industriel », long et complexe, inhérent à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et justifiant une dérogation générale à la loi « Littoral », les auditions menées ont mis en évidence un moindre besoin de facilitation et d'accélération pour les ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité.

Dans la continuité des dispositions votées par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production des énergies renouvelables, la commission des affaires économiques a adopté un amendement COM-42 du rapporteur visant à encadrer l'application de la dérogation à la loi « Littoral » pour les ouvrages de raccordement au réseau de transport d'électricité par :

- l'accord du représentant de l'État dans le département après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ;

- la possibilité de refuser l'autorisation si le projet est de nature à porter une atteinte excessive aux sites et paysages remarquables.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6 - Modification du régime de concession d'utilisation du domaine public maritime

Cet article vise à délivrer, de façon dérogatoire, la concession d'utilisation du domaine public maritime nécessaire à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre des installations nucléaires de base déjà situées en façade maritime, à l'issue de l'enquête publique environnementale et sans déclaration d'utilité publique préalable.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté deux amendements visant notamment à préciser le contenu du cahier des charges que l'exploitant sera tenu de respecter afin d'obtenir une concession d'utilisation du domaine public maritime, dans un double objectif de renforcement de la sûreté nucléaire et d'adaptation aux aléas climatiques.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une procédure encadrée d'octroi par l'État d'une concession d'utilisation du domaine public maritime

A. Le périmètre du domaine public maritime

Le domaine public maritime de l'État comprend à la fois le domaine public maritime dit « naturel » et le domaine public maritime dit « artificiel ». D'une part, le domaine public maritime naturel 49 ( * ) comprend notamment :

- le sol et le sous-sol de la mer entre, côté mer, la limite extérieure de la mer territoriale qui s'étend jusqu'à douze milles marins comptés à partir des lignes de base et, côté terre, le rivage de la mer 50 ( * ) ;

- le sol et le sous-sol des étangs salés en communication directe, naturelle et permanente avec la mer ;

- les lais et relais de la mer ;

- les terrains réservés en vue de la satisfaction des besoins d'intérêt public d'ordre maritime, balnéaire ou touristique et qui ont été acquis par l'État ;

- les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés.

D'autre part, le domaine public maritime naturel est complété par un domaine public maritime artificiel 51 ( * ) qui comprend :

- des ouvrages ou installations appartenant à une personne publique qui sont destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime ;

- à l'intérieur des limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers, situés en aval de la limite transversale de la mer et concourant au fonctionnement d'ensemble des ports maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d'eau lorsqu'ils sont individualisables.

B. La procédure d'octroi d'une concession d'utilisation

Le représentant de l'État chargé du domaine public maritime peut accorder une concession d'utilisation de ce domaine à des communes, des groupements de communes, des métropoles ainsi qu'à des personnes publiques ou privées, comme EDF.

Après transmission au préfet puis instruction administrative du dossier de demande d'occupation du domaine public maritime, la concession est approuvée par arrêté du préfet ou par arrêté conjoint des préfets intéressés. En cas d'avis défavorable du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, le préfet peut néanmoins approuver la convention par arrêté motivé.

La décision d'occupation du domaine public maritime est encadrée aux niveaux législatif et réglementaire par les principales dispositions suivantes :

- la concession comporte le maintien des terrains concédés dans le domaine public 52 ( * ) ;

- la durée ne peut excéder trente ans, ou quarante ans pour les concessions relatives aux ouvrages de production d'énergie renouvelable en mer, leurs ouvrages connexes et les ouvrages des réseaux publics d'électricité 53 ( * ) ;

- la prise en compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants 54 ( * ) ;

- la prise en compte des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques 55 ( * ) ;

- la compatibilité avec les objectifs environnementaux du plan d'action pour le milieu marin prévus aux articles L. 219-9 à L. 219-18 du code de l'environnement 56 ( * ) .

Au-delà de ces principales dispositions, l'octroi de nouvelles concessions d'occupation du domaine public maritime pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'installations nucléaires de base déjà implantées en façade maritime emporte deux spécificités procédurales susceptibles d'allonger les délais .

Premièrement, la nécessaire réalisation d'une enquête publique conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du livre I er du code de l'environnement. En effet, la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en façade maritime s'apparente à un « changement substantiel d'utilisation de zones du domaine public maritime » 57 ( * ) .

Deuxièmement, la nécessaire obtention d'une déclaration d'utilité publique . En effet, par principe, il ne peut « être porté atteinte à l'état naturel du rivage de la mer, notamment par endiguement, assèchement, enrochement ou remblaiement » 58 ( * ) pour les activités qui ne relèvent pas des opérations de défense contre la mer, de la défense nationale, de la pêche maritime, de la saliculture et des cultures marines.

Cependant, par exception, les ouvrages ou installations liés à l'exercice d'un service public ou l'exécution d'un travail public dont la localisation au bord de mer s'impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives peuvent porter atteinte à l'état naturel du rivage de la mer, sous réserve de l'obtention d'une déclaration d'utilité publique.

Or, au regard des auditions menées par le rapporteur, la construction et l'exploitation de nouveaux réacteurs électronucléaires en façade maritime sont susceptibles d'être choisies pour au moins deux raisons . D'une part, car les sites de Penly et de Gravelines ont déjà été sélectionnés par EDF pour accueillir deux nouvelles paires d'EPR2. D'autre part, car la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en bord de mer sera favorisée au regard d'éventuelles difficultés de refroidissement constatées en période de sécheresse pour les réacteurs situés le long des cours d'eau intérieurs.

II. Le dispositif envisagé - Un allègement de la procédure d'octroi d'une concession d'utilisation du domaine public maritime pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires

A. Une dispense de déclaration d'utilité publique mais le maintien d'une enquête publique environnementale

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, les concessions d'utilisation du domaine public maritime demandées pour la construction et l'exploitation de nouveaux réacteurs électronucléaires implantés en façade maritime pourront être octroyées sans obtention préalable d'une déclaration d'utilité publique , même s'il s'agit d'un travail public dont la localisation au bord de mer s'impose pour des raisons techniques impératives.

Autrement dit, cela signifie qu' il sera possible de porter atteinte à l'état naturel du rivage de la mer, notamment par endiguement, assèchement, enrochement ou remblaiement , pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre des installations nucléaires de base déjà implantées en façade maritime.

La concession d'utilisation du domaine public maritime ne pourra toutefois être octroyée qu'à l'issue de l'enquête publique prévue à l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques et conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du livre I er du code de l'environnement.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité, à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre des installations nucléaires de base déjà implantées en façade maritime. En effet, selon les informations communiquées par RTE au rapporteur, la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires, destinés à accroître la production d'électricité, nécessitera la construction de plusieurs nouvelles lignes électriques aériennes de haute tension.

B. Des dérogations considérées par le Conseil d'État comme compatibles avec la Charte de l'environnement

Dans son avis sur le projet de loi, rendu public par le Gouvernement, le Conseil d'État considère que « ce régime dérogatoire, qui ne concerne, au plus, que quelques projets qui seront nécessairement situés dans le prolongement d'installations existantes déjà implantées sur le domaine public maritime naturel, et qui mutualise les phases procédurales de la délivrance de la concession d'utilisation tout en préservant l'exigence d'une enquête publique environnementale, ne méconnaît ni les exigences constitutionnelles qui s'attachent à la protection de la propriété publique, ni celles qui s'attachent aux principes posés par la Charte de l'environnement dans ses articles 1 er , 3, 6 et 7, ni aucune autre exigence constitutionnelle ou conventionnelle » 59 ( * ) .

C. L'encadrement de la concession d'utilisation du domaine public maritime par un cahier des charges contraignant pour l'exploitant

L'article 6 du projet de loi précise que l'exploitant, en l'espèce EDF, devra s'engager à respecter un cahier des charges , faisant l'objet de conditions générales complétées et de conditions spécifiques, afin d'obtenir la concession d'utilisation du domaine public maritime. Toutefois, l'article ne précise pas de quelles conditions il s'agit.

Contrairement au droit actuellement en vigueur, cette concession est accordée par décret en Conseil d'État et non par arrêté préfectoral, ce qui peut se justifier par l'importance des projets de réalisation de nouveaux réacteurs nucléaires et leur nombre limité.

III. La position de la commission - Un allègement procédural nécessaire mais qui nécessite une meilleure prise en compte des risques littoraux

A. Une simplification procédurale souhaitable pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs

Actuellement, chaque site du parc nucléaire implanté en zone littorale dispose d'une occupation du domaine public maritime ou fluvial, les cinq sites situés en bord de mer (Penly, Gravelines, Paluel, Flamanville et Blayais) ayant soit des conventions d'occupation soit des autorisations d'utilisation du domaine public maritime.

Le rapporteur estime que la simplification procédurale prévue, consistant à dispenser le projet de déclaration d'utilité publique sous réserve de l'octroi d'une concession d'utilisation du domaine public maritime et de la bonne réalisation de l'enquête publique environnementale est souhaitable. Selon les estimations transmises par la direction générale de la prévention des risques (DGPR), le gain de temps est estimé entre 6 et 18 mois 60 ( * ) .

Par ailleurs, cette simplification procédurale permet un autre gain de temps, plus difficilement quantifiable, qui correspond à celui d'un moindre risque de contentieux juridique en cas de contestation de l'acte administratif déclarant l'utilité publique du projet de construction de réacteur.

B. Un cahier des charges à préciser dans un double objectif de renforcement de la sûreté nucléaire et d'adaptation face aux aléas climatiques

Le rapporteur a toutefois souhaité préciser le contenu du cahier des charges que l'exploitant devra s'engager à respecter afin d'obtenir de nouvelles concessions d'utilisation du domaine public maritime.

D'une part, afin de renforcer les exigences de sûreté nucléaire et leur visibilité à toutes les étapes. Si les mesures relatives à la sûreté sont plus spécifiquement évaluées, détaillées et prises en compte lors du rapport de sûreté, le rapporteur considère que l'exploitant doit rendre compte des mesures prises plus tôt dans le processus administratif.

D'autre part, dans un objectif de renforcement des exigences de sûreté nucléaire et d'adaptation face aux aléas climatiques, en attestant de la réalité du recul du trait de côte, des aléas climatiques et des risques littoraux inhérents à l'implantation de centrales nucléaires en bord de mer.

Dans cette perspective, la commission a adopté un amendement COM-44 précisant que les conditions suivantes devront figurer dans le cahier des charges :

- la durée de la concession, ses modalités de renouvellement ou de prorogation ainsi que ses modalités éventuelles de retrait, de révocation ou de résiliation ;

- les conditions financières encadrant la concession ;

- les conditions de remise en état des lieux et du rivage naturel de la mer en fin de concession ;

- les modalités de contrôle du respect par l'exploitant des conditions du cahier des charges ;

- la prise en compte, en l'état des connaissances disponibles, des évolutions prévisibles du climat pour une durée représentative de la durée de vie envisageable des réacteurs électronucléaires ;

- la prise en compte, en l'état des connaissances disponibles, de l'érosion côtière, des projections du recul du trait de côte à l'horizon de trente ans et à un horizon compris entre trente et cent ans ;

- la prévention des risques littoraux, notamment ceux liés à la submersion marine, aux inondations et à l'élévation du niveau de la mer ;

- la préservation des espaces remarquables et milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques ;

- la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes.

Par ailleurs, la commission a également adopté un autre amendement COM-43 du rapporteur effectuant des coordinations juridiques.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7 - Application de la procédure d'extrême urgence pour la prise de possession de certains immeubles bâtis ou non liés aux projets de création des réacteurs électronucléaires

Cet article vise à appliquer la procédure d'extrême urgence pour la prise de possession de certains immeubles bâtis ou non aux projets de création des réacteurs électronucléaires.

Le rapporteur a présenté un amendement ( COM-36 ) visant à ajuster cette procédure d'extrême urgence afin :

- d'appliquer les mêmes garanties que celles de droit commun, c'est-à-dire le recours à un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'État et de conditions en matière notamment de relogement des habitants ou d'indemnisation des commerçants et des artisans ;

- de cibler le champ du dispositif, en excluant les équipements et les installations liés à l'exploitation des réacteurs ainsi que les ouvrages de raccordement, qui interviennent dans un second temps ;

- de réduire, de 10 à 6 ans, le délai entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.

La commission a adopté l'article ainsi modifié .

I. La situation actuelle - Une procédure d'extrême urgence pour la prise de possession de certains immeubles bâtis ou non ne visant pas actuellement les projets de création des réacteurs électronucléaires

A. La procédure d'extrême urgence pour la prise de possession de certains terrains ou immeubles est issue d'une ordonnance du 6 novembre 2014

Créés par l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 61 ( * ) , les articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (CECUP) prévoient une procédure d'extrême urgence pour la prise de possession de certains immeubles bâtis ou non.

L'article L. 522-1 du même code dispose ainsi qu'un décret, pris après avis conforme du Conseil d'État, peut, à titre exceptionnel, autoriser la prise de possession d'un ou de plusieurs terrains non bâtis, situés sur l'emprise d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemin de fer, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre et d'oléoducs régulièrement déclarés d'utilité publique, lorsque l'exécution des travaux risque d'être retardée par des difficultés tenant à cette prise de possession.

L'article L. 522-2 du même code dispose que la prise de possession a lieu dans les conditions prévues au chapitre premier du titre II du livre V du CECUP, qui autorise le fait de pénétrer sur des propriétés privées (article L. 521-2 du même code), oblige à payer une indemnité provisionnelle (article L. 521-3 du même code), fixe à un mois le délai entre la prise de possession et la procédure d'expropriation (article L. 521-4 du même code), prévoit l'attribution par le juge d'une indemnité spéciale aux personnes intéressées justifiant d'un préjudice causé par la rapidité de la procédure (article L. 521-5 du même code), prévoit la notification dans un délai d'un mois de l'abandon de certaines des propriétés dont le maître d'ouvrage a pris possession aux personnes intéressées (article L. 521-6 du même code), précise les modalités de règlement de l'indemnité due pour les dommages causés par les études ou par l'occupation temporaire des propriétés à défaut d'accord amiable (article L. 521-7 du même code), prévoit le recours un décret en Conseil d'État pour les détermination des conditions dans lesquelles le Conseil d'État est saisi et l'autorité compétente de l'État prend les actes nécessaires à la prise de possession (article L. 521-8 du même code).

L'article L. 522-3 du même code dispose que la prise de possession ne peut avoir lieu qu'après le paiement provisionnel d'une somme égale à l'évaluation de l'autorité administrative compétente pour l'effectuer ou à l'offre de l'autorité expropriante si celle-ci est supérieure ou, en cas d'obstacle au paiement, par une obligation de consigner la somme correspondante.

L'article L. 522-4 du même code précise, qu'à défaut de la poursuite de la procédure d'expropriation dans le mois suivant la prise de possession, le juge, saisi par le propriétaire, prononce le transfert de propriété et, en tout état de cause, fixe le prix du terrain et, éventuellement, l'indemnité spéciale, prévue à l'article L. 521-5 du même code.

B. Récemment, cette procédure de prise de possession d'extrême urgence a été appliquée aux installations liées aux Jeux olympiques et aux immeubles présentant des risques par deux lois des 26 mars et 23 novembre 2018

D'une part, depuis la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 62 ( * ) , la procédure prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du CECUP peut être appliquée en vue de la prise de possession immédiate, par le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique (DUP), de tous les immeubles bâtis ou non bâtis dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires aux compétitions des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, figurant dans le dossier de candidature auquel se réfère le contrat de ville hôte, dans les conditions prévues aux mêmes articles L. 522-1 à L. 522-4 du même code, les décrets pris sur avis conforme du Conseil d'État et devant être publiés au plus tard le 1 er janvier 2022.

D'autre part, depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 63 ( * ) , l'article L. 522-1 du CECUP dispose qu'un décret, pris sur l'avis conforme du Conseil d'État, peut autoriser la prise de possession d'un ou de plusieurs immeubles dégradés situés dans le périmètre défini par le décret mentionné à l'article L. 741-2 du code de la construction et de l'habitation, dont l'acquisition est prévue pour la réalisation d'une opération d'aménagement déclarée d'utilité publique, lorsque des risques sérieux pour la sécurité des occupants rendent nécessaires la prise de possession anticipée et qu'un projet de plan de relogement des occupants a été établi.

C. Au-delà de la procédure de prise de possession d'extrême urgence, le CECUP offre des possibilités d'expropriation pour les projets d'installations, dont les réacteurs nucléaires et leurs ouvrages de raccordement

En dehors de la procédure de prise de possession immédiate, il est possible de recourir à la procédure d'expropriation générale, dès lors que les travaux ont été déclarés d'utilité publique, en application du CECUP.

Interrogé par le rapporteur, EDF a ainsi indiqué que « la mise en oeuvre du programme nucléaire français à la fin des années 70 et au début des années 80 a nécessité le recours à plusieurs procédures d'expropriation ».

De son côté, Réseau de transport d'électricité (RTE) a ajouté que « cette procédure est déjà applicable aux ouvrages du réseau public de transport d'électricité déclarés d'utilité publique ».

II. Le dispositif envisagé - L'application d'une procédure d'extrême urgence pour la prise de possession de certains immeubles, bâtis ou non, liés aux projets de création des réacteurs nucléaires

A. Le dispositif proposé consiste en l'application de la procédure d'extrême urgence pour la prise de possession de certains immeubles, bâtis ou non, liés aux projets de création des réacteurs nucléaires

L' article 7 prévoit que la procédure d'extrême urgence, prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du CECUP, peut être appliquée en vue de la prise de possession immédiate, par le bénéficiaire de la DUP, de tous les immeubles, bâtis ou non bâtis, dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation :

- d'installations ou d'aménagements directement liés à la préparation des travaux réalisés en vue de la création des réacteurs électronucléaires ;

- des constructions, d'aménagements, d'installations et de travaux réalisés en vue de la création des réacteurs électronucléaires et des équipements et installations nécessaires à leur exploitation ainsi que des ouvrages permettant le raccordement aux réseaux de transport d'électricité.

Les décrets en Conseil d'État pris en application des articles précités doivent être publiés dans un délai de dix ans à compter de la date de publication du décret en Conseil d'État déclarant d'utilité publique les projets de réacteurs électronucléaires.

B. Si le Conseil d'État a considéré, dans son avis, le dispositif proposé conforme à l'ordre constitutionnel et conventionnel, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a insisté, dans le sien, sur la nécessité de le limiter strictement aux besoins de construction et d'exploitation

Dans son avis sur le projet de loi 64 ( * ) , le Conseil d'État a indiqué qu' « une disposition législative expresse est nécessaire afin de permettre de recourir, le cas échéant, à la procédure exceptionnelle de prise de possession immédiate de terrains, bâtis ou non bâtis, en ce qui concerne les opérations concourant à la réalisation d'installations ou d'aménagements directement liés à la préparation, à la construction et à la mise en service des réacteurs électronucléaires et des équipements et installations nécessaires à leur fonctionnement ainsi que pour la réalisation des ouvrages de raccordement aux réseaux publics d'électricité, dès lors que leur objet n'est pas au nombre de ceux énumérés par l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui institue une telle procédure, et que cet article exclut la prise de possession de terrains bâtis ».

Il a précisé qu '« en cela le projet se place dans la continuité de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche (II de l'article 39), s'agissant de l'itinéraire routier destiné à desservir le projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER implanté à Cadarache, et, plus récemment, de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2008 relative à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (article 23) ».

Il a conclu que « ces dispositions ne soulèvent pas d'objection d'ordre constitutionnel ou conventionnel ».

S'agissant du Conseil national de la transition écologique (CNTE) 65 ( * ) , il s'est penché sur la procédure de prise de possession d'extrême urgence, puisqu'il a indiqué dans son avis qu'il « souhaite que le recours aux mesures de prise de possession soit strictement limité aux besoins de construction et d'exploitation, au regard de son entrave au droit de propriété ».

III. La position de la commission - Une procédure utile devant toutefois être encadrée dans ses délais, son champ et ses conditions, afin notamment d'offrir davantage de garanties pour le relogement des habitants et l'indemnisation des commerçants et des artisans

A. Le rapporteur observe que les réacteurs électronucléaires construits dans le passé n'ont pas nécessité le recours à une procédure de prise de possession d'extrême urgence

La construction des réacteurs électronucléaires existant a cependant nécessité le recours à des procédures d'expropriation classiques.

À titre d'illustration, des DUP ont été déclarées pour les projets de Cruas et de Cattenom, les 27 février 1978 et 11 octobre 1978, selon EDF.

B. Le rapporteur constate qu'une procédure de prise de possession d'extrême urgence a été instituée dans plusieurs cas, dont le domaine du nucléaire

Il en va ainsi récemment du tracé routier du projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER (article 39 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche) et de la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires aux compétitions pour les Jeux de Paris de 2024 (article 13 de loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024).

D'autres précédents existent, pour les Jeux de Grenoble de 1968 (loi n° 65-496 du 29 juin 1965), ceux d'Albertville de 1992 (loi n° 87-1132 du 31 décembre 1987), la coupe du monde de football de 1998 (loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993) et l'itinéraire à grand gabarit entre Bordeaux et Toulouse (loi n° 2001-454 du 29 mai 2001), selon la Direction des affaires civiles et du sceau (DACS).

On peut y ajouter ceux pour les établissements pénitentiaires, (loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002), le Grand Paris (loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris), ou le tramway entre Clichy-sous-Bois et Montfermeil (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010).

C. Le rapporteur relève que la procédure de prise de possession d'extrême urgence n'a quasiment jamais été appliquée dans le domaine du nucléaire

D'une part, EDF a indiqué : « Nous ne disposons d'aucun autre exemple concernant le recours à la procédure prévue aux articles L. 522-1 et suivants dans le cadre de projets nucléaires. »

D'autre part, la DACS a affirmé qu'elle « n'a pas connaissance d'un usage effectif de cette disposition (absence d'identification de décrets en Conseil d'État autorisant la prise de possession immédiate sur ce fondement) ».

Quant à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et à la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), elles ont précisé que « seul l'itinéraire routier destiné à desservir le projet ITER a bénéficié en 2006 des dispositions proposées au présent projet d'article ».

D. Le rapporteur constate que la procédure de prise de possession d'extrême urgence est de nature à accélérer la réalisation des chantiers mais aussi à en renchérir les coûts

S'agissant des délais, l'étude d'impact anticipe un gain d'au moins 1 an et le groupe EDF de 12 mois.

Pour ce qui concerne le coût, le groupe estime qu'il sera plus élevé qu'en l'absence de recours à toute procédure d'expropriation, car il sera majoré de l'indemnité, d'autant que les emprises industrielles nécessitent une indemnisation pour les activités réalisées en complément du foncier.

De leur côté, la DGPR et la DGEC ont précisé qu' « on peut estimer le gain de l'ordre d'une à plusieurs années », relevant que « sans cette mesure, le risque de retard sur le calendrier du programme pourrait être très important, en cas d'échec des discussions à l'amiable. »

E. Le rapporteur souligne que la procédure de prise de possession d'extrême urgence n'est susceptible de concerner qu'un nombre très limité de sites nucléaires

Selon EDF, cette procédure ne s'appliquerait que pour la troisième paire d'EPR2 en bord de Rhône, qu'elle soit installée sur le site du Bugey (communes de Saint-Vulbas et de Loyettes) ou sur celui du Tricastin (commune de Pierrelatte).

Il s'agit en très grande majorité d'emprises industrielles, appartenant à des exploitants de carrières, dans le premier cas, et au groupe Orano, dans le second.

Moins d'une dizaine de personnes sont susceptibles d'être concernées sur ces deux sites.

EDF a précisé que l'issue des négociations engagées en bord de Rhône reste incertaine, en ces termes : « À date, les discussions à l'amiable sont en cours avec les propriétaires et les exploitants des carrières sans garantie qu'elles aboutissent favorablement. L'expropriation est une solution de dernier ressort à laquelle il n'est recouru qu'en cas d'échec des discussions à l'amiable. EDF cherche à éviter autant que possible le recours à l'expropriation notamment du fait de la dégradation possible de l'acceptabilité de ses projets ».

Le groupe a indiqué son incapacité à évaluer les autres besoins en termes d'expropriation, au-delà des 6 EPR2 annoncés, reconnaissant toutefois le manque de foncier industriel dont il dispose : « Il n'est pas possible de prédire les besoins en expropriation dans le cas d'une éventuelle extension au-delà des 3 premières paires ainsi que pour la réalisation de SMR. De façon générale, EDF dispose de réserves de foncier industriel sur beaucoup de sites mais de façon insuffisante pour réaliser les chantiers dans de bonnes conditions. La disponibilité du foncier fait partie des critères de choix des futurs sites d'implantation. »

F. Le rapporteur observe que la procédure de prise de possession d'extrême urgence est conforme à notre cadre constitutionnel et conventionnel

Certes, l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

Or, la procédure de prise de possession d'extrême urgence conduit à déroger au caractère préalable de cette indemnité.

Pour autant, cette disposition ne soulève pas de difficulté au regard de la protection de la propriété privée, ni d'ailleurs des autres principes de valeur constitutionnelle, selon DACS : « Le Conseil constitutionnel a reconnu la régularité de la procédure de prise de possession immédiate qui, tant en raison de son champ d'application étroitement circonscrit, que de l'ensemble des garanties prévues au profit des propriétaires intéressés, n'est pas contraire à l'article 17 de la DDHC précité, ne méconnaît pas non plus l'importance des attributions conférées à l'autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière par les PFRLR et qui, enfin, ne viole pas le principe d'égalité s'agissant d'une différence de traitement justifiée et proportionnée (Conseil constitutionnel, 25 juillet 1989, n° 89-256). »

De plus, l'article 1 er de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) dispose que « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

Là encore, la protection de la propriété privée est suffisamment souple pour admettre la procédure de prise de possession d'extrême urgence.

Ainsi, la DACS s'est exprimé en ce sens : « Dans l'ordre juridique international, la Convention européenne des droits de l'homme ne fait pas exigence d'une indemnisation préalable dès lors que l'indemnisation est juste et effective. La mesure paraît donc pleinement compatible avec les engagements de la France en matière de protection des droits fondamentaux. »

Dans le même esprit, la DGEC et la DGPR ont indiqué que « la prise de possession immédiate semble proportionnée. Le Conseil d'État a souligné dans son avis que cette procédure ne soulevait pas d'objection d'ordre constitutionnel ou conventionnel ».

G. Cependant, le rapporteur constate que les conditions de mise en oeuvre de la procédure de prise de possession d'extrême urgence soulèvent plusieurs interrogations.

• En premier lieu, le champ de cette procédure paraît large

Dans la rédaction initiale de l'article 7, ce champ englobe « les immeubles bâtis ou non bâtis dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation : 1° D'installations ou d'aménagements directement liés aux travaux réalisés en vue de la création de réacteurs nucléaires ; 2° Des constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires et des équipements et installations nécessaires à leur exploitation ainsi que des ouvrages permettant le raccordement aux réseaux de transport d'électricité ».

Interrogé sur ce point, EDF a indiqué que « la terminologie retenue permet de couvrir l'intégralité des composantes du projet (zone de chantier indispensable à la conduite du projet, zone de réalisation des installations industrielles et nucléaires) ».

Il a précisé que « la procédure d'expropriation couvre l'ensemble des ouvrages nécessaires au projet dont la réalisation des ouvrages, travaux et aménagements non destinés à recevoir des combustibles nucléaires qui devront par ailleurs obtenir toutes les autres autorisations administratives nécessaires. »

Il a ajouté qu' « en tout état de cause dans l'hypothèse de recours à cet article, le périmètre sera précisé in concreto lors de l'adoption du décret reconnaissant d'utilité publique du projet afin de limiter au strict nécessaire le bénéfice du dispositif. »

Au total, EDF a estimé que « par suite, il ne paraît pas nécessaire de faire évoluer la formulation retenue dans le projet de loi. »

Pour ce qui concerne les ouvrages de raccordement, RTE s'est exprimé en ces termes sur leur intégration à la procédure de prise de possession d'extrême urgence : « RTE a rarement besoin d'exproprier pour ses projets de lignes. Les servitudes d'utilité publique nous permettent d'occuper des terrains qui n'appartiennent pas à RTE. Dans certains cas d'opposition, et de manière exceptionnelle, le préfet prend un arrêté d'utilité publique qui mène à l'expropriation. En revanche, concernant les constructions de postes électriques, les expropriations peuvent être plus fréquentes. »

Enfin, la DGEC et la DGPR ont indiqué que l'application de la procédure de prise de possession d'extrême urgence aux constructions, installations, aménagements et travaux pour les bâtiments non destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde « pourrait, en théorie subvenir ». La DACS a ajouté que « cela semble effectivement être l'objet du premier item : réalisation d'installations ou d'aménagements directement liés à la préparation, à la construction et à la mise en service de réacteurs électronucléaires ».

Les directions ont également convenu que « la procédure peut s'appliquer aussi aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport des réacteurs nucléaires ».

• En second lieu, les conditions de la procédure semblent perfectibles

Pour ce qui est de ses conditions, elles évoquent « la procédure prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ».

Cette procédure fixe des garanties spécifiques : recours à un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'État et à titre exceptionnel, exigence d'un risque de retard lié à la prise de possession d'un ou plusieurs terrains situés sur l'emprise de l'ouvrage et nécessité que les immeubles soient dégradés, présentent des risques sérieux et soient assortis de plans de relogement (article L. 522-1 du CECUP) ; exigence de notification individuelle des propriétaires prévue par les articles 1 er à 7 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics (article L. 522-2 du même code) ; paiement ou consignation préalable d'une indemnité provisionnelle égale à l'évaluation de l'autorité administrative ou à l'offre de l'autorité expropriante (article L. 522-3 du même code), obligation de poursuivre la procédure d'expropriation dans le mois suivant la prise de possession des lieux, le juge prononçant le transfert de propriété ainsi que le prix du terrain ou l'indemnité spéciale (article L. 522-4 du même code).

Pour la DACS, la DGEC et la DGPR, « par rapport à la procédure normale d'expropriation, dont les garanties restent applicables, [des] garanties supplémentaires [...] viennent en contrepartie de ces conditions de dépossession ».

En dehors de la procédure de prise de possession d'extrême urgence, d'autres garanties générales s'appliquent, en effet : DUP à l'issue d'une enquête parcellaire - impliquant la notification individuelle des propriétaires potentiellement concernés - et d'un arrêté de cessibilité - impliquant la fixation de la liste des propriétaires effectivement concernés (articles R. 131-6 et R. 132-1 du CECUP) ; ordonnance d'expropriation, transférant la propriété au profit de l'entité expropriante, ne pouvant être exécutée qu'après avoir été notifiée à chacun des propriétaires concernés (article R. 221-8 du même code) ; offres d'indemnité, notifiées au propriétaire par l'entité expropriante, conditionnant la recevabilité de l'action en fixation judiciaire des indemnités en l'absence d'accord (articles L. 311-1 et R. 311-1 du même code).

Au total, selon la DACS, la DGEC et la DGPR, « le propriétaire concerné par l'engagement d'une prise de possession immédiate est donc nécessairement informé de l'existence de la procédure, compte tenu de ces étapes préalables. »

S'agissant de l'enjeu du relogement, la DACS estime que la disposition de droit commun de l'article L. 423-1 du CECUP trouvera à s'appliquer : « Sur la question du relogement, pour le cas de l'expropriation d'un immeuble bâti servant de domicile à son propriétaire ou à un occupant, les dispositions de droit commun de l'article L. 423-1 du même code restent applicables, soit : une offre préalable d'indemnisation comportant une offre de relogement, lorsque les ressources de l'intéressé sont inférieures au plafond pour l'attribution d'un logement HLM, avec droit de priorité pour la location ou les programmes d'accession à la propriété. La question de l'adéquation de la proposition aux besoins du foyer peut être soumise au juge judiciaire. »

De plus, la DGEC et la DGPR ont précisé qu' « à [leur] connaissance, ces cas ne devraient concerner que des activités commerciales et industrielles » .

• Enfin, la temporalité de la procédure est en débat

D'une part, dans la mesure où l'article 4 autorise la réalisation de constructions, d'aménagements, d'installations et de travaux à compter de la délivrance de l'autorité environnementale (AE), et non de l'autorisation de création (AC), dès lors qu'il ne s'agit pas des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, et que l'article 7 vise les installations ou aménagements directement liés à la préparation des travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires, ce dernier article permettrait des expropriations avant la délivrance de cette seconde autorisation.

D'autre part, étant donné que l'article 1 er applique les mesures de simplification prévues par le titre I er aux projets de réacteurs électronucléaires pour lesquels une AC est déposée dans les 15 ans suivant la promulgation de la loi, et que l'article 7 applique la procédure de prise de possession d'extrême urgence jusqu'à 10 ans après la DUP, ce dernier article pourrait s'appliquer jusqu'en 2048...

H. Le rapporteur observe que la disposition proposée fait l'objet de critiques de la part de certaines personnes auditionnées

L'ANCCLI s'est interrogée sur l'opportunité de l'expropriation, en ces termes : « L'ANCCLI se demande si la prise de possession immédiate est nécessaire et respecte bien les Droits de l'Homme. Pour l'ANCCLI, l'expropriation n'est à mettre en oeuvre que dès lors qu'aucune solution n'est possible. L'ANCCLI entend bien que cette disposition d'expropriation est très relative à la définition de proximité citée dans l'article premier de ce projet de loi ».

Pour Greenpeace et Réseau Sortir du nucléaire (RSN), « compte tenu de l'absence de précision exacte sur les sites envisagés (en dehors de Penly à ce jour), de l'absence de précision sur le périmètre exact dans les articles du projet de loi des futurs terrains des EPR2 et de l'absence de certitude quant au nombre futur des EPR2, le bénéfice octroyé de facto à EDF de procédures d'extrême urgence en matière d'expropriation crée, dans ces conditions, une insécurité juridique considérable. »

Pour autant, aucun des élus locaux concernés, ni a fortiori des communes du Bugey ou du Tricastin, n'ont alerté le rapporteur au sujet de la procédure de prise de possession d'extrême urgence.

I. Enfin, le rapporteur constate que la disposition proposée est sans incidence sur le plan de la sûreté nucléaire

L'ASN a indiqué que « c es dispositions sont sans conséquence en termes de sûreté ».

Dans le même esprit, l'IRSN a précisé qu'il « n'identifie pas de gain ou de perte en termes de sûreté ».

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-36 ) visant à ajuster la procédure d'extrême urgence présentée plus haut, afin :

- d'appliquer les mêmes garanties que celles de droit commun, c'est-à-dire le recours à un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'État et de conditions en matière notamment de relogement des habitants ou d'indemnisation des commerçants et des artisans ;

- de cibler le champ du dispositif, en excluant les équipements et les installations liés à l'exploitation des réacteurs ainsi que les ouvrages de raccordement, qui interviennent dans un second temps ;

- de réduire, de 10 à 6 ans, le délai entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7 bis (nouveau) - Application d'une procédure de régularisation de l'instance dans le cadre du contentieux afférent aux procédures appliquées aux constructions de nouvelles installations nucléaires

Introduit par un amendement ( COM-33 ) présenté par le rapporteur, cet article vise à appliquer une procédure de régularisation de l'instance, dans le cadre du contentieux afférent aux procédures appliquées aux constructions de nouvelles installations nucléaires.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Le projet de loi ne comporte pas de dispositions destinées à accélérer la résolution des contentieux .

Or, une telle procédure est prévue s'agissant du contentieux de l'autorisation environnementale (article L. 181-18 du code de l'environnement) et du contentieux des titres miniers (article L. 115-2 du code minier).

Ainsi que l'a indiqué la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), la gestion des contentieux est un facteur clef pour accélérer les constructions, ce qui a d'ailleurs justifié la suppression de certains actes administratifs ou leur élévation au niveau du décret : « En outre, un gain de temps hypothétique de deux à trois ans peut également être avancé concernant d'éventuelles procédures de recours cumulatives et successives contre les divers actes administratifs encadrant la construction d'un EPR2. En effet, le présent projet de loi prévoit que les actes administratifs soient publiés par décret. Ainsi, les éventuels recours relèveraient en premier et dernier ressort du Conseil d'État. »

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-33 ) visant à appliquer une procédure de régularisation de l'instance au contentieux afférent aux procédures appliquées aux constructions de nouvelles installations nucléaires.

Constatant qu'une résolution rapide des litiges peut permettre de réaliser des gains significatifs dans la construction des réacteurs nucléaires, la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur ( COM-33 ) et, par voie de conséquence, l'article en étant issu .

Ce faisant, l'amendement présente un lien avec le projet initial, car il concerne les constructions de nouvelles installations (titre I er ), et participe à la simplification des procédures applicables aux réacteurs électronucléaires, mentionnés à l'article 1 er . Il est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs, qui indique : « le traitement des contentieux éventuels en premier et dernier ressort par le Conseil d'État, en raison de la nature des décisions prises, permettra également une sécurisation juridique rapide et tout aussi robuste. »

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 8 - Renvoi à un décret en Conseil d'État de l'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

Cet article vise à prévoir le recours à un décret en Conseil d'État pour l'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. Le dispositif envisagé - Le renvoi à un décret en Conseil d'État de l'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

A. Le dispositif proposé prévoit le recours à un décret en Conseil d'État pour l'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

L' article 8 précise que les conditions d'application du titre I er de la loi devront être définies par un décret en Conseil d'État.

B. Ce dispositif a été introduit à l'initiative du Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi

Dans cet avis 66 ( * ) , ce dernier a indiqué que « le Conseil d'État propose l'insertion d'un article supplémentaire renvoyant à un décret en Conseil d'État l'ensemble des précisions nécessaires à l'application du titre I er de la loi ».

II. La position de la commission - Un renvoi à un décret en Conseil d'État plus protecteur juridiquement

Le rapporteur est favorable au recours à un décret en Conseil d'État, qui offre une garantie juridique supplémentaire pour assurer la conformité des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires avec notre cadre constitutionnel et conventionnel.

La commission a adopté l'article sans modification.

TITRE II - MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES
Article 9 - Clarification des modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs électronucléaires, notamment au-delà de leur 35e année de fonctionnement

Cet article vise à clarifier les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs électronucléaires, notamment au-delà de leur 35 e année de fonctionnement.

Le rapporteur a présenté un amendement ( COM-31 ) visant à consolider ces modalités de réalisation en :

- maintenant le principe d'un rapport intermédiaire sur la sûreté, devant être remis tous les 5 ans, en ajustant son champ, pour qu'il porte sur l'application des prescriptions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et non sur l'état des équipements, dont l'intérêt s'est révélé limité ;

- précisant les conditions de réalisation de l'enquête publique, qui devra porter sur le rapport de réexamen et les conclusions et propositions qu'il comporte ;

- clarifiant le fait que les modifications des réacteurs nécessitent une nouvelle autorisation, en cas de modification substantielle, ou une autorisation ou une déclaration auprès de l'ASN, en cas de modification notable.

Définis par une liste, fixée par l'ASN et homologuée par le ministre en charge de la sûreté, les travaux soumis à déclaration ne pourront modifier significativement le rapport de sûreté ou l'étude d'impact du réacteur électronucléaire et pourront être soumis à des prescriptions complémentaires de l'ASN en cas de besoin.

La commission a adopté l'article ainsi modifié .

I. La situation actuelle - Des modalités de réexamen périodiques issues de l'ordonnance du 5 janvier 2012 et modifiées par la loi « Transition énergétique » du 17 août 2015

A. Le cadre juridique actuel a été institué par l'ordonnance du 5 janvier 2012, modifiée par la loi du 17 août 2015

Créé par l'ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 67 ( * ) et modifié par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 68 ( * ) , l'article L. 593-19 du code de l'environnement précise les conditions de mise en oeuvre des réexamens périodiques des réacteurs électronucléaires existants, mentionnés à l'article L. 593-18 du même code.

B. Le code de l'environnement fixe les conditions du réexamen périodique des réacteurs électronucléaires, notamment au-delà de leur 35 e année de fonctionnement, en prévoyant dans ce cas une enquête publique et une autorisation de modification

L'article L. 593-18 du code de l'environnement dispose que l'exploitant d'une installation nucléaire de base procède à son réexamen périodique, au moins tous les dix ans, en prenant en compte les meilleures pratiques internationales.

Ce réexamen doit permettre d'apprécier sa situation au regard des règles applicables et d'actualiser les risques et inconvénients au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même code, en tenant compte de l'état de l'installation, de l'expérience acquise au cours de l'exploitation, de l'évolution des connaissances et des règles applicables aux installations nucléaires.

Pour ce faire, l'exploitation établit un rapport de réexamen communicable à toute personne, en application de l'article L. 125-10 du code de l'environnement, et, le cas échéant, un rapport séparé pour les éléments dont il estime que la divulgation serait de nature à porter atteinte à l'un des intérêts mentionnés à l'article L. 124-4 du même code.

L'article L. 593-19 du code de l'environnement précise que l'exploitant adresse à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et au ministre chargé de la sûreté nucléaire le rapport comportant les conclusions du réexamen périodique et, le cas échéant, les dispositions qu'il envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même code.

L'ASN réalise une analyse du rapport et peut imposer de nouvelles prescriptions, qu'elle communique au ministre chargé de la sûreté nucléaire.

Les dispositions proposées par l'exploitant lors des réexamens périodiques au-delà de la 35 e année de fonctionnement sont soumises par l'ASN, après enquête publique, soit à la procédure d'autorisation de l'ASN en cas de modification notable, en application de l'article L. 593-15 du code de l'environnement, soit à une nouvelle autorisation en cas de modification substantielle, en application de l'article L. 593-14 du même code.

Les prescriptions de l'ASN comprennent des dispositions relatives au suivi régulier du maintien dans le temps des équipements importants pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même code.

Cinq ans après la remise du rapport de réexamen, l'exploitant remet un rapport intermédiaire sur l'état de ces équipements, au vu duquel l'ASN complète éventuellement ses prescriptions.

Les articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l'environnement précisent les modalités de modification des installations nucléaires de base, qui relèvent :

- d'une nouvelle autorisation, « en cas de changement d'exploitant » ou « en cas de modification substantielle » , mentionnés aux I et II de l'article L 593-14 du même code 69 ( * ) ;

- d'une déclaration ou d'une autorisation auprès de l'ASN, pour « les modifications notables d'une installation nucléaire de base, de ses modalités d'exploitation autorisées, des éléments ayant conduit à son autorisation ou à son autorisation de mise en service », et « en fonction de leur importance », mentionnées à l'article L. 593-15 du même code 70 ( * ) .

Comme indiqué plus haut, les dispositions proposées par l'exploitation lors des réexamens périodiques au-delà de la 35 e année de fonctionnement relèvent actuellement de la procédure d'autorisation, mentionnée à l'article L. 594-14 du code de l'environnement, en cas de modification substantielle, ou de celle mentionnée à l'article L. 594-15 du même code, en cas de modification notable.

Une nouvelle autorisation est assortie d'une enquête publique et d'une consultation locale (article R. 593-21 du code de l'environnement), le silence gardé par l'ASN valant rejet (article 593-98 du même code). Une autorisation de l'ASN est elle aussi assortie d'une enquête publique (article R. 593-57 du même code), le silence gardé par l'ASN valant également rejet (R. 593-58 du même code).

S'agissant de la déclaration à l'ASN, l'article R. 593-59 du code de l'environnement précise que les modifications survenant après la mise en service ne doivent pas remettre en cause de manière significative le rapport de sûreté ou l'étude d'impact de l'installation. Une liste est fixée par décision de l'ASN, en tenant compte de la nature de l'installation et de l'importance des risques et des inconvénients ainsi que des capacités techniques de l'exploitant et du contrôle interne.

II. Le dispositif envisagé - Une clarification des modalités de réalisation des réexamens périodiques, en particulier de la procédure d'autorisation, de l'enquête publique et du rapport de sûreté

A. Le dispositif proposé consiste en une clarification des modalités de réalisation des réexamens périodiques

L' article 9 du projet de loi modifie la procédure de réexamen périodique des réacteurs électronucléaires, mentionnée à l'article L. 593-19 du code de l'environnement.

Tout d'abord, il prévoit que l'exploitant adresse au ministre chargé de la sûreté nucléaire et à l'ASN le rapport comportant les conclusions du réexamen périodique, mentionné à l'article L. 593-18 du même code, et, le cas échéant, les mesures qu'il envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts, mentionnés à l'article L. 593-1 du même code.

Pour les réexamens au-delà de la 35 e année de fonctionnement, les conclusions du réexamen périodique, de même que les dispositions proposées par l'exploitant font l'objet d'une enquête publique.

L'ASN analyse le rapport et peut imposer à l'exploitant de nouvelles prescriptions techniques, mentionnées à l'article L. 593-10 du même code. Elle communique cette analyse et ces prescriptions au ministre chargé de la sûreté nucléaire.

Pour les réexamens au-delà de la 35 e année de fonctionnement, l'ASN tient compte des conclusions de l'enquête publique dans son analyse et ses prescriptions.

Les modifications envisagées par l'exploitant font l'objet, le cas échéant, d'une déclaration ou d'une autorisation, dans les conditions prévues au II de l'article L. 593-14 ou de l'article L. 593-15 du même code.

B. Le dispositif proposé n'a pas soulevé d'observation particulière dans les avis du Conseil d'État ou du Conseil national de la transition écologique (CNTE)

Dans son avis sur le projet de loi 71 ( * ) , le Conseil d'État a indiqué que « l'enquête publique est opportunément élargie aux conclusions du rapport à l'issue de l'examen décennal prévu à l'article L. 593-18 du même code afin de permettre au public d'être mieux éclairé pour donner un avis sur les dispositions spécifiques que l'exploitant se propose de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts publics mentionnés à l'article L. 593-1 de ce code. »

Il a précisé que « les modifications sont, quant à elles, soumises, selon leur ampleur, soit à déclaration auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire, soit à un régime d'autorisation par cette autorité, dans les conditions prévues aux articles L. 593-14 et L.593-15 du code ».

Il a conclu que « ces différentes mesures, à la fois de simplification des procédures et de renforcement de la participation du public, ne soulèvent pas d'objection juridique ».

En revanche, il a observé que « la suppression du rapport intermédiaire, prévu à l'article L. 593-19 du code de l'environnement, sur l'état des équipements importants pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même code, que l'exploitant doit remettre cinq ans après le réexamen des réacteurs électronucléaires au-delà de leur 35 e année de fonctionnement, si elle n'appelle pas davantage d'objections d'ordre constitutionnel et conventionnel, ne fait pas l'objet, dans l'étude d'impact, d'une évaluation tenant suffisamment compte des contraintes qu'est susceptible d'induire l'exploitation, prolongée pour une longue durée, de ces installations », ajoutant que « l'étude d'impact devra donc être également complétée sur ce point avant le dépôt du projet de loi au Parlement ».

Pour ce qui concerne le Conseil national de la transition écologique (CNTE) 72 ( * ) , sans trancher sur l'opportunité ou non de prolonger les réacteurs existants, il a rappelé le besoin de garantir la sûreté nucléaire, puisque son avis « souligne à cet égard l'importance des rôles respectifs de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, pour s'assurer que les investissements proposés par les exploitants répondent à la garantie d'un haut niveau de sûreté et que les programmes de maintenance prévus et réalisés garantissent un haut niveau de fiabilité des équipements nécessaires à la protection des personnes et de l'environnement ».

De plus, il a mis en lumière l'intérêt de la participation du public dans le domaine du nucléaire, puisque son avis « souligne la nécessité, sur un sujet qui concerne autant les populations, d'une démarche de formation, d'appropriation et de culture du risque ».

III. La position de la commission - Une clarification compréhensible appelant toutefois à être consolidée, afin de renforcer la sûreté nucléaire et la participation du public

A. Le rapporteur observe que l'évolution proposée résulte du retour d'expérience du réacteur de Tricastin 1

En effet, l'ASN, la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ont indiqué que « l'application de ce dispositif au réacteur 1 de la centrale du Tricastin a mis en évidence le caractère inadapté des modalités de participation du public prévues et des incohérences conduisant à des difficultés pratiques. [...] Le conditionnement de l'autorisation des modifications à la clôture de l'enquête publique conduit à une période de gel des améliorations entre le dépôt du rapport de conclusion de réexamen et la clôture de l'enquête publique, ce qui n'est pas satisfaisant en termes de sûreté. »

De son côté, le groupe EDF a précisé qu' « il importe de souligner que cette enquête publique post 35 ans a été mise en oeuvre avec succès deux fois : la première fois pour le réacteur n° 1 de Tricastin en janvier et février 2022, la seconde pour l'enquête publique du réacteur n° 2 de Tricastin (novembre-décembre 2022), et les enquêtes suivantes vont s'enchaîner en 2023 et suivantes au rythme d'environ 5 par année jusqu'en 2027. Cependant, comme l'a précisé la Commission d'enquête de Tricastin 1 : " Ce n'est donc pas sur la poursuite du fonctionnement du réacteur au-delà 40 ans " que doit s'exprimer le public et la Commission d'enquête, mais sur les " dispositions proposées " par EDF pour poursuivre le fonctionnement du réacteur au-delà de40 ans, pour que l'ASN puisse, ou non, donner son autorisation à celles-ci. Car aucune intervention pour travaux ne peut être réalisée sur le réacteur n° 1 depuis la remise du rapport de conclusions du réexamen (RCR), le14 février 2020, sans cette autorisation. »

B. Le rapporteur constate que l'évolution proposée est conforme au cadre européen et aux pratiques internationales

L'article 8 quater de la directive 2009/71/EURATOM du Conseil du 25 juin 2009 73 ( * ) dispose que « les États membres veillent à ce que le cadre national exige que [...] le titulaire d'une autorisation sous le contrôle réglementaire de l'autorité de réglementation compétente réévalue systématiquement et régulièrement, au moins tous les dix ans, la sûreté de l'installation nucléaire ».

Or, cette obligation de réexamen périodique demeure inchangée, et notamment sa périodicité, au moins tous les dix ans.

C. Le rapporteur observe que l'évolution proposée vise à mieux allouer la charge administrative reposant tant sur l'ASN que sur EDF, à niveau de sûreté inchangé

L'ASN, la DGPR et la DGEC ont indiqué que « l'objectif premier de cet article est de définir des modalités de mise en oeuvre des conclusions des réexamens cohérentes avec les objectifs recherchés. En prévoyant des modalités permettant une prise en compte effective de la contribution du public, il renforce la crédibilité de la démarche de participation du public. En mobilisant les ressources de l'exploitant et de l'Autorité de sûreté nucléaire de manière proportionnée aux enjeux de sûreté, il permet une meilleure allocation de celles-ci, ce qui est favorable à la sûreté. »

De son côté, EDF a précisé que « concernant la sûreté, l'article permet de favoriser un déploiement plus efficient des dispositions proposées, en évitant de " placer " l'enquête publique comme un préalable à la réalisation des dispositions proposées. À ce titre, les améliorations de sûreté interviennent dans de meilleurs délais. La modification de l'article L.593-19 contribue à une forme d'accélération des dispositions proposées par l'exploitant. En termes de coût, la situation actuelle peut conduire à des mobilisations des prestataires non adaptées car soumises à des fluctuations de calendrier (calage de l'enquête publique par les préfectures indépendamment des contraintes industrielles, durée de la procédure variable, délai de traitement des conclusions de la commission d'enquête par l'ASN incertain, risques de recours en lien avec la procédure d'enquête publique elle-même...). Le coût est donc afférent aux " heures perdues ", en lien avec l'inactivité des prestataires dont les ressources avaient été réservées sur une période donnée. En termes de temps, le réexamen est borné dans le temps. Or, les périodes d'enquêtes publiques sont des périodes pendant lesquelles certaines activités sont " gelées ". Indirectement cela contraint les activités d'ingénierie d'EDF et certaines activités de prestataires d'EDF dans un tissu industriel déjà très contraint. »

Enfin, l'IRSN « n'identifie pas de gain ou de perte en termes de sûreté ».

D. Le rapporteur constate que l'évolution proposée est susceptible d'être fréquemment utilisé ces prochaines années

Il retient de ses échanges qu'une trentaine de réacteurs pourraient être concernés par les réexamens décennaux les cinq prochaines années.

Pour l'ASN, la DGPR et la DGEC, la disposition s'appliquera à 17 réacteurs de 900 mégawatts (MW) et 3 réacteurs de 1 300 MW d'ici 2025. Pour l'IRSN elle concernera 4 réacteurs en 2023 et une trentaine d'ici 2025.

Ces estimations sont convergentes avec celle d'EDF, qui envisage 8 enquêtes publiques en 2023 et 25 d'ici 2025.

E. Le rapporteur observe que l'évolution proposée entraîne plusieurs modifications

• En premier lieu, le nouvel article applique l'enquête publique aux conclusions du réexamen et aux dispositions proposées par l'exploitant dans le rapport afférent , plutôt qu'aux dispositions proposées par l'exploitant lors de ce réexamen

Cette évolution convient à l'ASN, qui indique « considérer qu'il serait encore plus cohérent que l'objet de l'enquête publique soit exactement celui de l'instruction à laquelle elle est rattachée, c'est-à-dire le rapport mentionné au premier alinéa de l'article L. 593-19. Ce rapport inclut les conclusions du réexamen et les dispositions proposées par l'exploitant ».

Dans le même esprit, la DGPR et la DGEC ont affirmé que « l'enquête publique doit porter sur le même périmètre que la procédure à laquelle elle est rattachée, c'est-à-dire celle à l'issue de laquelle l'ASN adopte la décision concluant le réexamen ».

Elles ont précisé que cette enquête publique « en application de l'article 593-62-2 du code de l'environnement, est régie par les dispositions de la section 2 du chapitre III du titre II du livre I er , sous réserve des dispositions des articles R. 593-62-3 à R. 593-62-8 », ajoutant que « l'article R. 593-62-5 du code de l'environnement, qui est bien applicable à cette enquête publique, dispose que “l'Autorité de sûreté nucléaire, de sa propre initiative ou sur proposition de l'exploitation ou du ministre chargé de la sûreté nucléaire, exclut du dossier qu'elle transmet au préfet les éléments dont elle considère que la divulgation serait de nature à porter atteinte à des intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4 ou au II de l'article L. 124-5.” »

L'évolution proposée soulève une réserve de la part d'EDF, qui a indiqué : « Concernant l'ajout des conclusions du réexamen dans l'enquête publique, cela conduit à un exercice plus complexe, et donc peu souhaitable. Il s'agit en effet d'associer le public afin qu'il dispose d'une bonne compréhension des objectifs du réexamen en vue de se positionner sur les conclusions du réexamen, c'est-à-dire l'atteinte des objectifs du réexamen au regard de l'ensemble des dispositions réalisées ou envisagées par EDF. Il serait donc pertinent que le public soit plutôt interrogé sur le rapport de conclusion de réexamen et les dispositions prises par l'exploitant. »

Quant à l'IRSN, il considère le changement envisagé « adapté » .

• En deuxième lieu, le nouvel article prévoit que l'ASN analyse le rapport de l'exploitant et tienne compte des conclusions de l'enquête publique dans cette analyse et ses prescriptions

Cette évolution convient également à l'ASN, qui « considère que ces dispositions sont appropriées et permettent d'améliorer la prise en compte de la contribution du public. Cette procédure se conclut par la décision de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui définit les conditions de cette poursuite de fonctionnement en s'appuyant sur l'ensemble des éléments disponibles. »

De leur côté, la DGPR et la DGEC ont ajouté que « ce dispositif vise à ce que : d'une part, l'ASN examine le rapport produit par l'exploitant à l'issue du réexamen, afin de se prononcer sur les conditions dans lesquelles l'exploitant envisage la poursuite du fonctionnement de son installation ; d'autre part, le public puisse donner son avis sur les conditions dans lesquelles l'exploitant envisage la poursuite du fonctionnement de son installation, et que cet avis soit pris en compte ».

Cette évolution convient aussi à EDF, qui a indiqué : « Dans cette enquête publique, le public se prononce sur les conditions de poursuite de l'exploitation à la suite du réexamen, c'est-à-dire la suffisance des dispositions proposées par EDF suivant sa perception. Ce sujet de la suffisance des dispositions proposées par EDF à la suite du réexamen, pour la tenue des objectifs du réexamen, est bien celui évalué par l'ASN dans sa décision portant sur le rapport de conclusions et qui la conduira éventuellement à formuler des prescriptions. Le fait de placer l'enquête publique en amont de la position de l'ASN donne de l'importance à l'avis du public. »

Pour autant, Greenpeace et Réseau Sortir du nucléaire (RSN) ont déploré le changement envisagé, en ces termes : « Il en résulte que les travaux issus de ces modifications à l'initiative de l'exploitant pourront être exécutés avant que l'enquête publique n'ait lieu et que la procédure de réexamen de sûreté au-delà de la 35 e année se trouve, en quelque sorte, banalisée. Cette modification, qui est présentée comme une simple mise au point par le Gouvernement, apparaît problématique au regard du principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement garanti par l'article 7 de la Charte de l'environnement »

• De plus, le nouvel article fait référence aux dispositions techniques, mentionnées à l'article 593-10 du code de l'environnement, plutôt qu'aux prescriptions relatives au suivi régulier du maintien dans le temps des équipements importants, pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même code

Cette évolution est positive pour l'ASN, la DGPR et la DGEC, selon lesquelles : « En pratique, la très grande majorité des prescriptions prises par l'ASN à l'issue d'un réexamen relèvent : de la définition d'une exigence permanente, telle que le niveau de séisme ou de température auquel l'installation doit pouvoir faire face ; de l'imposition d'améliorations supplémentaires par rapport à celles que l'exploitant a proposées ; du calendrier de mise en oeuvre des dispositions. De telles prescriptions ne relèvent pas du suivi régulier du maintien dans le temps des équipements. C'est pourquoi il est fait référence à l'article L. 593-10, qui constitue la base légale pour "les prescriptions relatives [...] à l'exploitation de l'installation". »

L'ASN a précisé que « l'adoption par l'ASN de dispositions relatives au suivi régulier du maintien dans le temps des équipements pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 ne concerne que les réexamens au-delà de 35 ans ».

Pour EDF, l'évolution proposée n'est pas problématique : « Il s'agit de deux éléments qui ne viennent pas nécessairement se substituer. En tout état de cause, le réexamen périodique qu'il arrive après la 35 e année de fonctionnement ou avant, inclut le maintien dans le temps au même titre que d'autres sujets. »

Le changement suggéré paraît aussi « pertinent » pour l'IRSN.

• Autre évolution, le nouvel article vise, non seulement les régimes de l'autorisation, mais encore celui de la déclaration, prévus aux articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l'environnement

Cette évolution est bienvenue pour l'ASN, la DGPR et la DGEC, qui précisent : « Le régime des modifications des installations nucléaires de base prévoit, dans une approche proportionnée, trois procédures différentes selon les enjeux de sûreté et de protection de l'environnement de la modification envisagée : les modifications substantielles (article L. 593-14) ; les modifications notables soumises à autorisation (L. 593-15) ; les modifications notables soumises à déclaration (L. 593-15). Il convient de faire usage de ces dispositions, qui conduisent à produire des dossiers proportionnés aux enjeux de sûreté et de protection de l'environnement, et évitent ainsi de mobiliser des ressources de l'exploitant et de l'Autorité de sûreté nucléaire sur des sujets qui ne le méritent pas. »

L'ASN a ajouté que « cela permet également d'éviter la situation incohérente dans laquelle, une modification est soumise à un régime différent selon qu'elle ait été imaginée dans le cadre d'un réexamen ou non. Il est rappelé que ces procédures ne visent pas à évaluer le gain de sûreté apporté par une modification (c'est l'objet du réexamen), mais de s'assurer que les risques et inconvénients associés à sa mise en oeuvre sont suffisamment maîtrisés. »

Pour EDF, l'évolution proposée est proportionnée : «  Cela participe du retour d'expérience, le projet d'article permet de restituer une procédure similaire pour tous les réacteurs indépendamment de leur durée de fonctionnement. Le fait de viser une déclaration est une simplification. Par ailleurs, le fait de mentionner la déclaration ou l'autorisation permet d'homogénéiser cet article avec la décision de l'ASN concernant les "modifications notables". La gradation d'une modification notable en "modification soumise à déclaration ou à autorisation" vise à proportionner la modification aux enjeux de sûreté et de solliciter l'ASN en conséquence. »

Là encore, le changement suggéré paraît « pertinent » pour l'IRSN.

• Enfin, le nouvel article supprime le rapport intermédiaire afférent au vieillissement des équipements

Cette suppression est jugée utile pour l'ASN, la DGEC et la DGPR, qui indiquent que « la remise d'un rapport sur l'état des installations cinq ans après le réexamen n'est pas cohérente avec la démarche de maîtrise du vieillissement mise en oeuvre sur les installations nucléaires, qui repose sur la démonstration de cette maîtrise pour dix ans, incluant des contrôles avec une périodicité adaptée à chaque équipement. »

L'ASN a précisé que « cette suppression permet d'éviter la mobilisation de ressources de l'exploitant et de l'Autorité de sûreté nucléaire sur une démarche qui ne présente pas de valeur ajoutée en termes de sûreté par rapport à la pratique établie. »

De plus, la DGEC et la DGPR ont ajouté que « des échanges annuels ont néanmoins lieu, sur de nombreux sujets thématiques, entre l'exploitant et l'ASN. Le rapport qui était préconisé au bout de 5 ans conduit donc, de fait, à simplement compiler dans un long document l'ensemble des échanges annuels pendant les 5 années précédentes, sans nouvelle information décisive ».

Pour EDF, la suppression proposée est pertinente : « La suppression de ce rapport intermédiaire semble pertinente. Au regard de la dynamique des réexamens, et des mécanismes de vieillissement des installations qui sont en général très lents, il n'est pas attendu que ce rapport comporte de nouvelles dispositions concernant le vieillissement. Cela resterait marginal. Ce rapport présente en revanche une contrainte en termes de cadencement général du réexamen, car ces sujets du vieillissement sont d'ores et déjà pesés dans le cadre du rapport du [réexamen]. À noter qu'il est déjà attendu dans le rapport du [réexamen] de conclure sur la maîtrise du vieillissement jusqu'au réexamen suivant. EDF, en tant qu'exploitant responsable, exerce une surveillance sur ces sujets liés au vieillissement. Le cadrage réglementaire, au-delà d'alourdir les procédures des réexamens au niveau des échanges avec l'autorité compétente, ne semble pas permettre d'amélioration supplémentaire sur ce champ. La suppression du rapport intermédiaire est une source de simplification sans remettre en cause la sûreté nucléaire. »

Pour ce qui la concerne, l'ANCCLI s'est interrogée sur « le réel impact de la suppression de ce rapport intermédiaire, tant en termes de sûreté, de contrôle de l'ASN, que de transparence vis-à-vis du public, notamment des commissions locales d'informations - CLI ».

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-31 ) visant à clarifier les modalités de réalisation des réexamens périodiques précités, en :

- maintenant le principe d'un rapport intermédiaire sur la sûreté, devant être remis tous les 5 ans, en ajustant son champ, pour qu'il porte sur l'application des prescriptions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et non sur l'état des équipements, dont l'intérêt s'est révélé limité ;

- précisant les conditions de réalisation de l'enquête publique, qui devra porter sur le rapport de réexamen et les conclusions et propositions qu'il comporte ;

- clarifiant le fait que les modifications des réacteurs nécessitent une nouvelle autorisation, en cas de modification substantielle, ou une autorisation ou une déclaration auprès de l'ASN, en cas de modification notable.

Définis par une liste, fixée par l'ASN et homologuée par le ministre en charge de la sûreté, les travaux soumis à déclaration ne pourront modifier significativement le rapport de sûreté ou l'étude d'impact du réacteur électronucléaire et pourront être soumis à des prescriptions complémentaires de l'ASN en cas de besoin.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 9 bis (nouveau) - Intégration de la résilience au changement climatique et de la cyber-résilience aux autorisations et procédures requises pour les installations nucléaires de base

Introduit par un amendement ( COM-40 ) présenté par le rapporteur, cet article vise à mieux intégrer la résilience au changement climatique et la cyber-résilience dans les autorisations et procédures requises pour les installations nucléaires de base.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

En l'état actuel du droit , les installations nucléaires de base prennent en compte la résilience au changement climatique , dans l'autorisation de création, mentionnée à l'article L. 593-7 du code de l'environnement, ainsi que dans le réexamen décennal , mentionné à l'article L. 593-18 du même code.

Ainsi, un arrêté du 7 février 2012 74 ( * ) impose aux exploitants de prendre en compte plusieurs agressions dans la démonstration de sûreté (dont les risques liés à la foudre, aux conditions climatiques ou météorologiques extrêmes, aux inondations) ainsi que leur cumul.

De plus, ces installations prennent en compte la cyber-résilience, dans l'autorisation de détention du combustible, mentionnée à l'article L. 1333-2 du code de la défense. La cyber-résilience est une composante de la protection des matières nucléaires contre la perte, le volume ou le détournement, et notamment les actes de malveillance.

Sur ce point, un arrêté du 5 août 2011 75 ( * ) impose aux exploitants de justifier d'une étude de sécurité pour disposer d'une autorisation de détention du combustible.

Pour mieux intégrer ces nouveaux risques, dès la conception des réacteurs nucléaires, et à l'occasion de leur prolongation, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-40 ) pour prendre en compte la résilience au changement climatique et la cyber-résilience .

D'une part, l'amendement prévoit que la démonstration de sûreté réalisée pour la délivrance de l'autorisation de création, mentionnée à l'article L. 593-7, et pour la réalisation du réexamen périodique, mentionné à l'article L. 593-18, tienne compte des effets du dérèglement climatique sur la nature, l'intensité et le cumul des agressions internes et externes à prendre en considération. Il est précisé qu'elle porte notamment sur l'opérabilité des équipements en cas de conditions météorologiques ou climatiques extrêmes et d'inondations. Pour l'autorisation, cette démonstration doit intervenir pour la durée de vie prévisible de l'installation et, pour le réexamen, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

D'autre part, l'amendement intègre la cybersécurité parmi les composantes de la protection contre les actes de malveillance, mentionnée à l'article L. 1333-3 du code de la défense, pour l'autorisation de détention du combustible, mentionné à l'article L. 1333-2 du même code.

Soucieuse de bien articuler la relance du nucléaire avec les risques contemporains, la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur ( COM-40 ) et, par voie de conséquence, l'article en étant issu .

Ce faisant, l'amendement fait suite au rapport de la mission d'information transpartisane de la commission, confiée à MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, de juillet 2022 76 ( * ) , dont la préconisation n° 6 prévoit de mieux intégrer le changement climatique dans la sûreté nucléaire, par une réflexion en amont dans la sélection des sites des nouveaux réacteurs ou des plans d'adaptation des réacteurs existants et la cybersécurité dans la sécurité nucléaire, en envisageant de préciser en ce sens le contenu des demandes d'autorisation du combustible.

L'amendement présente un lien avec le projet loi initial, puisqu'il porte, tant sur la construction de nouvelles installations nucléaires (titre I er ), que sur le fonctionnement des installations nucléaires existantes (titre II), les articles L. 593-7 et L. 593-18 du code de l'environnement étant d'ailleurs visés dans ce texte initial. De plus, il concerne également les dispositions diverses (titre III), puisque l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016, ratifiée par l'article 11, concerne à la fois, la sûreté nucléaire, visée par le code de l'environnement, et la sécurité nucléaire, visée par le code de la défense. Enfin, les enjeux liés au climat et à la sécurité sont évoqués par le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi. D'une part, il indique que « le présent projet de loi a pour objectif de simplifier et d'accélérer la mise en oeuvre de projets de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en France [...] tout en garantissant la protection de l'ensemble des intérêts mentionné à l'article L. 593-1 du code de l'environnement (sécurité, santé et salubrité publiques, protection de la nature et de l'environnement) ». D'autre part, il affirme que « cette bataille pour le climat [...] nécessite des mesures adaptées à l'enjeu. »

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 9 ter (nouveau) - Dispense d'autorisation d'urbanisme pour les travaux portant sur les réacteurs électronucléaires existants et leurs équipements

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement portant article additionnel visant à dispenser d'autorisation d'urbanisme les projets de travaux portant sur les réacteurs électronucléaires existants, afin de transposer aux réacteurs du parc actuel la mesure prévue par l'article 3 du texte.

Cette dispense temporaire, pour une durée de vingt ans, permettra notamment de conduire certains travaux nécessaires dans le cadre du Grand carénage, ou en vue de l'application de normes de sûreté plus exigeantes dans le cadre de réexamens. La conformité de ces projets aux règles d'urbanisme sera vérifiée dans le cadre de la demande d'autorisation modificative soumise à l'État ou à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), selon les cas : elle sera contrôlée par le ministre chargé de l'urbanisme. La mesure prévoit également le maintien des règles régissant la perception de la taxe d'aménagement.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Comme le détaille le commentaire de l'article 3 du présent projet de loi, les constructions, travaux, installations et aménagements sont soumis, dans le droit commun et selon leur nature, à plusieurs types d'autorisations d'urbanisme (permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir, déclaration préalable). Celles-ci sont délivrées, par exception, par l'autorité administrative de l'État (articles L. 422-2 et R. 422-2 du code de l'urbanisme) .

Dans le cas particulier des réacteurs électronucléaires et des équipements nécessaires à leur exploitation, le règlement a toutefois prévu une dérogation spécifique : les affouillements ou exhaussements du sol touchant aux installations nucléaires de base (INB) sont ainsi dispensés de la déclaration préalable et du permis d'aménager qu'ils seraient sinon tenus d'obtenir ( article R. 425-27 du code de l'urbanisme ).

Toutefois, cette simple dérogation s'avère insuffisante pour répondre aux enjeux d'évolution et de modernisation du parc nucléaire existant . En effet, comme l'a indiqué l'exploitant des réacteurs nucléaires au rapporteur, le renforcement des normes de sécurité , en particulier dans la période postérieure à l'accident de Fukushima, implique la création de nouveaux bâtiments et aménagements (centre de crise, aménagements de sûreté, postes de secours...). D'autre part, le Grand carénage, qui vise à assurer la continuité de l'exploitation efficace et sécurisée du parc nucléaire, engendre de nouveaux besoins (chantiers, stockage de matériaux, constructions...).

Or, la dispense prévue actuellement par le règlement ne concerne pas les permis de construire (à l'inverse, par exemple, de ce qui existe pour les éoliennes terrestres, pour lesquelles l'obtention de l'autorisation environnementale vaut dispense de permis de construire au titre de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme). Pour ces permis de construire, une procédure longue, exposée à de nombreux recours et faisant intervenir des informations très sensibles est toujours nécessaire .

Par ailleurs, le caractère réglementaire de la dispense existante qui concerne les déclarations préalables et les permis d'aménager appelle à ce qu'elle soit élevée au niveau législatif , afin de la sécuriser juridiquement. En outre, la rédaction de cette mesure ne fait référence qu'à l'autorisation de création délivrée aux nouveaux projets de réacteurs, et non aux autorisations modificatives, laissant douter de son application aux travaux portant sur les réacteurs existants .

Dans la même logique que celle qui a présidé à l'adoption et à la modification de l'article 3 du présent texte, le rapporteur a donc proposé à la commission, par l'amendement COM-56 , de dispenser d'autorisation d'urbanisme les travaux portant sur les installations nucléaire de base.

Comme le rapporteur l'a souligné dans le commentaire de l'article 3, une telle dispense d'autorisation d'urbanisme serait de nature à faciliter et accélérer la modernisation du parc nucléaire existant, à sécuriser juridiquement ces opérations, et à limiter les risques de sûreté liés à la confidentialité et à la sensibilité des informations composant les dossiers d'autorisation .

La rédaction proposée par le rapporteur et adoptée par la commission s'inspire de l'article 3 du présent projet de loi, mais prend en compte les spécificités liées aux réacteurs existants . Ainsi :

• elle vise les INB ayant déjà été autorisées et mises en service , et non les nouveaux projets de réacteurs visés par l'article 1 er du projet de loi ;

• elle prévoit la vérification de la conformité aux règles d'urbanisme dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation modificative , et non de la demande d'autorisation de création du réacteur (qui ne s'applique qu'aux nouveaux réacteurs). Les travaux significatifs portant sur les réacteurs existants sont en effet soumis à autorisation de l'État ou de l'ASN, selon leur portée. La vérification sera aussi effectuée lors de l'autorisation environnementale, dans le cas où les travaux envisagés y sont soumis ;

• pour tenir compte de la compétence de l'ASN pour délivrer l'autorisation modificative, lorsque celle-ci relève de l'article L. 593-15 du code de l'environnement, la rédaction prévoit un avis conforme du ministre chargé de l'urbanisme , afin que celui-ci puisse faire valoir ses conclusions quant au respect des règles d'urbanisme par le projet ;

• elle renvoie à un décret en Conseil d'État pour préciser les modalités d'information et de participation du public applicables, afin que celles-ci s'intègrent au mieux dans les procédures existantes (notamment prévues par l'article L. 593-15 du code de l'environnement) ;

• les coordinations prévues par l'article 3 du texte et relatives à la taxe d'aménagement sont reprises, mais le fait générateur serait la délivrance de l'autorisation modificative ;

• enfin, dans la logique temporaire portée par le projet de loi visant à créer un « choc » de relance et de modernisation du parc nucléaire, cette simplification est prévue pour les projets de travaux ayant fait l'objet d'une demande d'autorisation au cours des vingt prochaines années .

L'amendement présente un lien avec le projet de loi initial, qui porte tout à la fois sur la construction (titre Ier) et le fonctionnement (titre II) des installations nucléaires de base. En particulier, ses articles 2 et 3 concernent les autorisations, procédures et documents d'urbanisme. Enfin, il est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui évoque « l'urbanisme » s'agissant de « l'articulation entre les différentes procédures ».

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 10 - Ajustement des modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans

Cet article vise à ajuster les modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans.

Le rapporteur a présenté un amendement ( COM-30 ) pour préciser ces modalités de mise en oeuvre, afin de :

- prévoir le recours à un décret en Conseil d'État, la suspension du recueil des observations de l'exploitant en cas d'urgence et la nécessité de protéger les intérêts liés à la sécurité, à la salubrité et à la santé publique ou à la protection de la nature et de l'environnement, comme dans les autres procédures du même type ;

- corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui prévu par la puissance publique, dans le décret en Conseil d'État précité, sur celui indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un arrêt des installations nucléaires de base introduit par l'ordonnance du 5 janvier 2012 et rendu automatique par la loi « Transition énergétique » du 17 août 2015

A. Le cadre juridique actuel a été institué par l'ordonnance du 5 janvier 2012, modifiée par la loi du 17 août 2015

Créé par l'ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 77 ( * ) et modifié par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 78 ( * ) , l'article L. 593-24 du code de l'environnement précise les conditions de mise à l'arrêt définitif et, au-delà, de démantèlement, des installations nucléaires de base (INB) ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans, dont l'inobservation est sanctionnée par des sanctions prévues à l'article L. 593-11 du même code.

B. Le code de l'environnement fixe les conditions de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une durée supérieure à deux ans, d'autres arrêts pouvant être prononcés sur d'autres fondements légaux

L'article L. 593-24 du code de l'environnement dispose que l'arrêt d'une INB, sur une durée continue supérieure à deux ans, est réputé définitif. Cette durée peut, par arrêté motivé du ministre chargé de la sûreté nucléaire, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), être prorogée de trois ans.

Au terme de cette période, l'exploitant de l'INB n'est plus autorisé à la faire fonctionner. Il souscrit, dans les meilleurs délais, la déclaration prévoyant l'arrêt définitif de l'installation, visée à l'article L. 593-26 du code de l'environnement. Cette déclaration est portée à la connaissance de la commission locale d'information (CLI), prévue à l'article L. 125-17 du même code, et mise à disposition du public par voie électronique par l'exploitant.

Les articles L. 593-27 à L. 593-31 du code de l'environnement relatifs au démantèlement de l'installation s'appliquent, le délai de dépôt du dossier précisant et justifiant les opérations de démantèlement, mentionné à l'article L. 593-27 du même code étant fixé par décision de l'ASN.

Ces articles portent respectivement sur le dossier de démantèlement, le décret, pris après avis de l'ASN, les prescriptions de l'ASN nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même, la décision de classement, faisant l'objet d'une homologation du ministre chargé de la sûreté nucléaire, ainsi que l'adaptation de ces dispositions aux installations nucléaires de base de stockage de déchets radioactifs.

Jusqu'à l'entrée en vigueur du décret de démantèlement, mentionné à l'article L. 593-28 du même code, l'installation reste soumise aux dispositions de son autorisation, mentionnée à l'article L. 593-7 du même code, et aux prescriptions définies par l'ASN, ces dernières pouvant être complétées ou modifiées en tant que de besoin.

L'article L. 596-11 du code de l'environnement puni de 3 ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait de faire fonctionner une INB après la date d'arrêt définitif déclarée en application de l'article L. 593-26 ou si elle réputée définitivement arrêtée en application de l'article L. 593-24.

Ces peines d'emprisonnement et d'amende sont doublées lorsque les faits portent gravement atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même code.

L'article R. 593-74 du code de l'environnement précise les modalités de mise en oeuvre de la prorogation, prévue par l'article L. 592-24 du même code, explicitées dans le tableau ci-après :

Article R. 593-74
du code de l'environnement

Conditions prévues par le II

Conditions prévues par le III

Dépôt de la demande
par l'exploitant

L'exploitant d'une INB qui souhaite proroger au-delà de 2 ans le délai au terme duquel cet arrêt est réputé définitif dépose une demande de prorogation motivée au ministre chargé de la sûreté et adresse un exemplaire à l'ASN au plus tard 18 mois après le début de l'arrêt de fonctionnement.

L'exploitant d'une INB qui souhaite proroger en-deçà de 2 ans le délai au terme duquel cet arrêt est réputé définitif, dès lors que cette durée ne peut être respectée du fait d'événements imprévisibles au cours des travaux ou lors des opérations de redémarrage, dépose une demande de prorogation justifiant le caractère imprévisible des événements un mois avant la fin de l'arrêt de fonctionnement.

Avis de l'ASN

L'avis de l'ASN sur le projet d'arrêt motivé du ministre en charge de la sûreté est réputé favorable à l'issue d'un délai de 2 mois, qui peut être réduit en cas d'urgence motivée par ce ministre.

L'avis de l'ASN sur le projet d'arrêt motivé du ministre en charge de la sûreté est rendu dans un délai de 8 jours.

Réponse du ministre
en charge de la sûreté

La demande de prorogation est réputée rejetée en l'absence de réponse du ministre en charge de la sûreté à l'issue d'un délai de 6 mois, à compter de son dépôt.

La demande de prorogation est réputée accordée en l'absence de réponse du ministre en charge de la sûreté à l'issue d'un délai de 1 mois, à compter de son dépôt.

Délai de la prolongation

La prorogation porte sur une période de 3 ans au plus.

La prorogation porte sur une période de 6 mois au plus.

Conditions de l'arrêt

L'arrêté fait l'objet de mesures de notification, de communication et de publication.

L'arrêté fait l'objet de mesures de notification, de communication et de publication.

Au-delà de l'article L. 593-24 du code de l'environnement, d'autres bases légales permettent de mettre à l'arrêt une INB, rappelées dans le tableau ci-après :

Articles du code de l'environnement

L. 593-20

L. 593-21

L. 593-22

L. 592-23

Dispositif

En cas de menace pour les intérêts mentionnés à l'article L. 593-1, et même si la menace est constatée après le déclassement de l'installation, l'ASN peut, à tout moment, prescrire les évaluations et la mise en oeuvre des dispositions rendues nécessaires.

Sauf en cas d'urgence, l'exploitant est préalablement mis à même de présenter ses observations.

Elle les communique au ministre chargé de la sûreté nucléaire.

S'il apparaît qu'une INB présente des risques graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 593-1, le ministre chargé de la sûreté nucléaire peut, par arrêté, prononcer la suspension de son fonctionnement pendant le délai nécessaire à la mise en oeuvre des mesures propres à faire disparaître ces risques graves.

Sauf cas d'urgence, l'exploitant est mis à même de présenter ses observations sur la suspension envisagée et l'avis préalable de l'ASN est recueilli.

En cas de risques graves et imminents, l'ASN suspend, si nécessaire, à titre provisoire et conservatoire, le fonctionnement de l'installation.

Elle en informe sans délai le ministre chargé de la sûreté nucléaire.

Un décret en Conseil d'État pris après avis de l'ASN peut ordonner la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement d'une INB qui présente, pour les intérêts mentionnés à l'article L. 593-1, des risques graves que les mesures prévues par le présent chapitre et le chapitre VI ne sont pas de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante.

II. Le dispositif envisagé - Un ajustement des modalités de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans, pour en supprimer le caractère automatique

A. Le dispositif proposé consiste en un ajustement de modalités de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans

L' article 10 du projet de loi modifie la procédure au terme de laquelle l'arrêt du fonctionnement d'une INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux est réputé définitif.

D'une part, son I modifie l'article L. 593-24 du code de l'environnement pour prévoir qu'un décret, pris après avis de l'ASN peut ordonner la mise à l'arrêt définitif, après que l'exploitant a été mis à même de présenter ses observations.

Ce décret ne permet plus à l'exploitant de l'installation de la faire fonctionner à compter de sa notification.

Il fixe un délai à l'exploitant pour souscrire la déclaration, mentionnée à l'article L. 593-26 du même code, par laquelle l'exploitant prévoyant d'arrêter définitivement tout ou partie d'une exploitation le déclare au ministre chargé de la sûreté et à l'ASN.

Cette déclaration est portée à la connaissance de la CLI mentionnée à l'article L. 125-17 du même code et mise à la disposition du public par voie électronique.

D'autre part, son II modifie l'article L. 596-11 du même code, pour prévoir qu'est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait de faire fonctionner une INB à compter de la date de notification précitée.

B. Le dispositif proposé n'a pas soulevé d'observation particulière dans les avis du Conseil d'État ou du Conseil national de la transition écologique (CNTE)

Dans son avis sur le projet de loi 79 ( * ) , le Conseil d'État a indiqué que « cette mesure, destinée à améliorer la gestion des arrêts prolongés ou successifs de fonctionnement de ces installations, ne soulève pas d'objection juridique ».

S'agissant du Conseil national de la transition écologique (CNTE) 80 ( * ) , il s'est prononcé plus largement sur les modalités, et non l'opportunité, de prolonger les réacteurs, soulignant « l'importance des rôles respectifs de l'Autorisé de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire », de même que « la nécessité, sur un sujet qui concerne autant les populations, d'une démarche de formation, d'appropriation et de culture du risque ».

III. La position de la commission - Un ajustement compréhensible appelant toutefois à être conforté, afin de consolider la sécurité juridique et, partant, la sûreté nucléaire

A. Le rapporteur constate que le dispositif proposé tient compte du retour d'expérience des réacteurs de Paluel 2, Bugey 5 et Flamanville 2

L'ASN, la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ont ainsi rappelé que le dispositif d'arrêt du fonctionnement des INB réputé définitif a connu trois difficultés d'application récentes.

« Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel s'est arrêté du 16 mai 2015 au 24 septembre 2018. Il a été marqué par trois aléas importants : le 2 juillet 2015, un incendie a touché le condenseur de la salle des machines, dans la partie non nucléaire de l'installation, conduisant à d'importants dégâts sur la turbine ; le 3 décembre 2015, lors d'essais de remise en service du portique de levage [...], ses deux palonniers [...] ont chuté de manière impromptue [...] ; le 31 mars 2016, un générateur de vapeur usé a chuté en cours de manutention, dans le cadre du remplacement des quatre générateurs de vapeur [...]. Ces aléas ont entraîné un allongement significatif de la durée de l'arrêt. Un arrêté ministériel du 26 janvier 2017 a prorogé de deux ans la durée au-delà de laquelle l'arrêt du réacteur aurait été réputé définitif [...], soit jusqu'au 15 mai 2019.

« Le réacteur 5 de la centrale nucléaire du Bugey s'est arrêté du 29 août 2015 au 23 juillet 2017. Cet arrêt a été marqué par la découverte d'un défaut d'étanchéité de son enceinte de confinement. [...] Alors que ces travaux étaient terminés bien avant l'échéance des deux ans, une succession d'événements mineurs a conduit à reporter à plusieurs reprises le démarrage du réacteur. Le réacteur a été reconnecté au réseau électrique moins d'une semaine avant l'échéance des deux ans. La survenue d'un aléa mineur supplémentaire aurait pu conduire à devoir instruire en urgence au milieu de l'été une demande de prorogation afin d'éviter la mise à l'arrêt définitif d'office du réacteur. Depuis lors, EDF anticipe la préparation des dossiers de demandes de prorogation de la durée, même lorsque le planning de l'arrêt ne conduit pas a priori à dépasser l'échéance des deux ans. »

« Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Flamanville s'est arrêté du 10 janvier 2019 au 12 décembre 2020. La durée de cet arrêt, initialement estimée à quatre mois, a été prolongée du fait de la réalisation de contrôles et travaux non prévus à la suite de la détection de multiples écarts de conformité des installations et de mise en oeuvre des programmes de maintenance. EDF a déposé une demande de prorogation de la durée de l'arrêt en novembre 2020. Le réacteur a finalement redémarré après 23 mois d'arrêt, rendant sans objet la demande d'EDF. »

Dans ce contexte, l'autorité et les directions ont rappelé que le nouvel article entend répondre à ce retour d'expérience : « Sont visées tout particulièrement par le projet de loi les situations de retard de redémarrage pour raisons opérationnelles, à l'instar des situations décrites pour les réacteurs de Paluel 2, Flamanville 2 et Bugey 5 ».

B. Le rapporteur constate que l'article proposé est conforme au cadre européen et aux pratiques internationales

L'article 2 quater de la directive 2009/71/EURATOM du Conseil du 25 juin 2009 81 ( * ) dispose que « les États membres établissent et maintiennent un cadre national [qui] établit les responsabilités pour [...] les mesures de police, y compris la suspension de l'exploitation et la modification ou la révocation d'une autorisation ».

De plus, son article 5 précise que « les États membres s'assurent que l'autorité de réglementation compétente possède les compétences juridiques, ainsi que les ressources humaines et financières nécessaires pour remplir ses obligations [...] pour [...] les mesures de police, y compris la suspension de l'exploitation et la modification ou la révocation d'une autorisation ».

Or, le cadre général des mesures de police applicable aux INB, et notamment à la suspension ou à l'abrogation des autorisations, n'évolue pas substantiellement.

C. Le rapporteur observe que l'article proposé est de nature à mieux allouer la charge administrative reposant tant sur l'ASN que sur EDF, à niveau de sûreté inchangé

L'ASN a ainsi souligné que « cet article permettra d'éviter aux exploitants de bonne foi de devoir déposer des demandes de prorogation d'arrêt lorsqu'ils font face à des difficultés dont le traitement nécessite un temps significatif. Même si le gain reste modeste, il évitera à l'ASN, et aux services du Gouvernement, d'instruire ces demandes, qui consomment des ressources sans valeur ajoutée pour la sûreté ».

De leur côté, la DGPR et la DGEC ont affirmé que « cet article permet d'éviter d'instruire des procédures inutiles (pour l'exploitant, les services de l'État et l'ASN) si l'exploitant rencontre des aléas techniques sur une installation qui a manifestement vocation à continuer de fonctionner ».

Dans le même esprit, EDF a précisé que « l'exploitant évite d'entreprendre des études tendant à démontrer que malgré l'arrêt, le réacteur fonctionnera à l'avenir. De même, l'administration évite d'instruire cette demande. C'est donc un gain de temps effectif et de simplification. Cette disposition n'a pas d'impact sur la sûreté nucléaire. »

Enfin, l'IRSN « n'identifie pas de gain ou de perte en termes de sûreté ».

D. Le rapporteur constate que l'article proposé est insusceptible d'être fréquemment utilisé ses prochaines années

Il retient de ses échanges, qu'à cadre juridique inchangé, le phénomène de « corrosion sous contrainte » pourrait justifier des demandes de prorogation pour au moins 2 réacteurs en 2023.

L'ASN, la DGPR et la DGEC ont indiqué, qu'en cas d'évolution législative, les exploitants concernés, seraient ceux d'INB ne respectant pas leur obligation : « Cette disposition n'est pas spécifique aux réacteurs et s'applique à l'ensemble des installations nucléaires de base. Contrairement à la situation actuelle, où elle peut concerner tout exploitant faisant face à un aléa conduisant à un arrêt prolongé de son installation, elle ne trouvera plus à s'appliquer qu'aux exploitants n'assumant pas leurs obligations au titre de l'article L. 592-26 du code de l'environnement relatives à la déclaration d'arrêt définitif. »

De plus, l'ASN a ajouté, qu'en l'absence de modification législative, le phénomène de « corrosion sous contrainte » pourrait nécessiter des demandes de prorogation, pour 2 réacteurs, afin d'éviter que leur arrêt ne soit réputé définitif : « Plusieurs réacteurs sont actuellement arrêtés depuis plus d'un an à la suite de la découverte de fissuration par corrosion sous contrainte sur certains de leurs circuits. Ces réacteurs sont actuellement en réparation, et EDF prévoit leur redémarrage d'ici la fin de l'hiver, avant l'atteinte du seuil des deux ans. En cas d'aléa nouveau de nature à prolonger significativement ces arrêts, EDF devra déposer une demande de prorogation de la durée d'arrêt, potentiellement d'ici la fin du premier semestre 2023 pour les réacteurs de Penly 1 et Civaux 1. »

Pour l'IRSN, si le phénomène de « corrosion sous contrainte » doit faire l'objet d'une attention spécifique, aucune visibilité n'existe sur les réacteurs susceptibles d'être concernés par une demande de prorogation : « L'IRSN n'a pas de visibilité sur les arrêts qui pourraient être prolongés au-delà de deux ans. Certains réacteurs sont arrêtés depuis plus d'un an du fait de la détection de fissures de corrosion sous contrainte sur les systèmes d'injection de sécurité. Leur redémarrage est annoncé par EDF avant l'échéance de deux ans. »

Cette absence de visibilité, inhérente au caractère imprévisible des demandes de prorogation, a été rappelée par EDF également : « Ce régime survient généralement lors d'un événement imprévisible ; le caractère imprévisible est un événement qui survient alors qu'il n'était pas prévu initialement (événement météorologique, catastrophe naturelle, crise sanitaire, accident de type de la chute de générateur de vapeur de Paluel). Il est donc difficile de le prévoir. »

Interrogées par le rapporteur, l'ASN, la DGPR et la DGEC ont précisé que l'article proposé ne concerne pas les installations de Fessenheim car « l'article 10 ne permet que de mettre définitivement à l'arrêt une installation, pas le contraire ».

De même, EDF a indiqué que « les éléments techniques ne permettent plus de réautoriser le fonctionnement des réacteurs de Fessenheim. », tandis que l'IRSN a précisé qu' « une partie des équipements et composants ont été enlevés [et] l'entretien et les contrôles réguliers permettant de garantir le respect des exigences applicables pour un réacteur en fonctionnement [n'ont] pas été réalisés ».

E. Le rapporteur observe que la disposition proposée entraîne plusieurs modifications

• En premier lieu, le nouvel article met fin à l'automaticité de l'arrêt des INB ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans

La fin de cette automaticité est perçue positivement par l'ASN, la DGPR et la DGEC qui indiquent que « ce dispositif a vocation à traiter la situation exceptionnelle dans laquelle un exploitant refuse d'engager le démantèlement de son installation. En pratique, il ne s'est appliqué qu'à des cas où la volonté et la capacité de l'exploitant à redémarrer son réacteur à la suite d'aléas techniques étaient manifestes. Cela a conduit ce dernier à préparer, et les services de l'État à instruire, des dossiers ne présentant pas d'enjeu en termes de sûreté. Il est donc pertinent de revenir à l'approche qui prévalait antérieurement à loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dans laquelle c'est la puissance publique, constatant la défaillance d'un exploitant, qui engage la procédure de mise à l'arrêt définitif. »

Elle est également accueillie positivement par EDF : « Il s'agit d'une simplification puisque la charge de la preuve est renversée ; c'est à l'administration de démontrer que le réacteur ne fonctionnera plus et si elle n'entreprend pas cette démarche, le réacteur continuera de fonctionner. »

En revanche, Greenpeace et Réseau Sortir du nucléaire (RSN) s'en sont inquiétés en ces termes : « Cette modification, qui remet en cause la déchéance de l'autorisation d'exploitation d'une INB, est contraire au principe de prévention des risques d'atteinte à l'environnement garanti par l'article 3 de la Charte de l'environnement. La déchéance de l'autorisation d'exploitation d'une installation - ICPE ou INB - à l'arrêt depuis plus de deux ans, est une règle que l'on retrouve dans toutes les polices environnementales. »

De plus, l'ANCCLI s'est interrogée sur « le réel objectif poursuivi par cette proposition de modification du code de l'environnement » .

• En deuxième lieu, le nouvel article n'empêche pas l'arrêt d'INB sur le fondement d'autres bases légales que celle prévue à l'article L. 593-24 du code de l'environnement

S'agissant de la faculté de mettre à l'arrêt et démanteler une INB présentant des risques graves pour les intérêts protégés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement, l'ASN a ainsi rappelé que « cette disposition, qui figure à l'article L. 593-23 du code de l'environnement, n'est pas modifiée par le projet de loi ».

Dans le même esprit, EDF a indiqué que « les articles L.593-20, L. 593-21 et L. 593-22 qui portent sur les risques graves [et] menaces continuent de s'appliquer et ne sont pas impactés par la modification ».

• De plus, le nouvel article laisse inchangées les modalités de participation du public à l'arrêt des installations nucléaires de base

L'actuel article L. 593-24 du code de l'environnement dispose que la déclaration prévue à l'article L. 592-26 du code est portée à la connaissance de la CLI et mise à la disposition du public : ces modalités de participation du parc sont reconduites à l'identique par le nouvel article.

L'IRSN et EDF ont estimé que ces modalités sont « adaptées ».

De son côté, l'ASN a ainsi précisé qu' « il est cohérent de ne pas prévoir de participation du public dans le cadre de la mise en oeuvre de moyens de coercition visant à faire respecter ses obligations par un exploitant. L'article L. 593-26 dispose que la déclaration d'arrêt définitif est portée à la connaissance de la commission locale d'information. La participation du public est prévue dans le cadre de la prescription du démantèlement, en application de l'article L. 593-28 ».

Dans le même ordre d'idées, la DGPR et la DGEC ont ajouté qu' « il n'est pas prévu d'enquête publique car ces dispositions constituent un mécanisme de coercition en regard d'un exploitant ne respectant pas les obligations au titre de l'article L. 593-26. L'enquête publique se tiendra à un stade ultérieur, lors de la prescription du démantèlement de l'installation, en application de l'article L. 593-28. »

• Autre point, le nouvel article interroge quant à l'articulation entre le délai prévu à l'article L. 593-24 et celui prévu à l'article L. 593-26 du code de l'environnement

Le nouvel article L. 593-24 du code de l'environnement dispose que l'exploitant n'est plus autorisé à faire fonctionner son installation à compter de la notification du décret ordonnant sa mise à l'arrêt définitif.

Or, ce même article prévoit également que l'exploitant souscrive à la déclaration mentionnée à l'article L. 593-26 du code de l'environnement, dans laquelle il doit préciser la date à laquelle l'arrêt doit intervenir.

Dans ce contexte, le rapporteur s'est interrogé sur la date d'entrée en vigueur de l'arrêt précité.

L'ASN, la DGPR et la DGEC ont admis la difficile articulation entre le délai prévu à l'article L. 593-24 et celui visé à l'article L. 593-26, tout en précisant que la souscription de la déclaration mentionnée à ce second article est nécessaire : « À l'adoption du décret, l'arrêt de l'installation, qui dure depuis au moins deux ans, devient définitif. Si la déclaration devient alors sans effet sur le caractère définitif de l'arrêt, qui aura été préalablement prononcé par décret, elle doit être maintenue à deux titres. D'une part elle constitue le point de départ du délai mentionné à l'article L. 593-27 pour transmettre le dossier de démantèlement de l'installation. D'autre part cette déclaration doit mentionner les opérations que l'exploitant envisage de mener dans l'attente de l'engagement du démantèlement pour réduire les risques et inconvénients de son installation. »

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-30 ) visant à préciser les modalités susmentionnées de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans, afin de :

- prévoir le recours à un décret en Conseil d'État, la suspension du recueil des observations de l'exploitant en cas d'urgence et la nécessité de protéger les intérêts liés à la sécurité, à la salubrité et à la santé publique ou à la protection de la nature et de l'environnement, comme dans les autres procédures du même type ;

- corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui prévu par la puissance publique, dans le décret en Conseil d'État précité, sur celui indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

TITRE III - DISPOSITIONS DIVERSES
Article 11 - Ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire

Cet article vise à ratifier l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire.

Le rapporteur a présenté un amendement ( COM-29 ) visant à corriger sur plusieurs points cette ordonnance pour :

- améliorer le fonctionnement de la commission des sanctions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en lui décentralisant le pouvoir de sanction de l'autorité et en facilitant la désignation de ses membres ;

- consolider le cadre applicable aux règles générales des installations nucléaires de base, pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement (sécurité, santé et salubrité publiques, protection de la nature et de l'environnement), aux évaluations et prescriptions de l'ASN en cas de menace pour ces intérêts, ainsi qu'aux infractions aux règles de radioprotection pouvant être recherchées par ses inspecteurs.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une ordonnance modifiant plusieurs dispositions en matière nucléaire, en garantissant leur conformité avec le cadre européen

A. L'ordonnance du 10 février 2016 est issue de la loi « Transition énergétique » du 17 août 2015

La loi « Transition énergétique », du 17 août 2015 82 ( * ) , a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance via plusieurs articles :

- l'article 123 a prévu une habilitation ayant pour objet :

§ d'étendre, avec les adaptations nécessaires, à l'ensemble des intérêts protégés mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement, le champ d'application des informations et déclarations prévues aux articles L. 125-10, L. 125-15 et L. 591-5 du même code ;

§ de créer un régime de servitudes d'utilité publique instituées par l'autorité administrative applicable aux terrains, constructions ou ouvrages qui peuvent occasionner une exposition des personnes aux effets nocifs des rayonnements ionisants justifiant un contrôle de radioprotection, en vue de prévenir une telle exposition ou d'en réduire les effets.

- l'article 128 a prévu une habilitation ayant pour objet :

§ de renforcer l'efficacité du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection :

a) en modulant les pouvoirs de contrôle et de sanction de l'ASN et de ses inspecteurs, notamment en dotant l'autorité du pouvoir de prononcer des astreintes et en créant un régime de sanctions pécuniaires ;

b) en procédant à la réforme et à la simplification tant des dispositions relatives au contrôle et aux sanctions administratives que des dispositions de droit pénal et de procédure pénale applicables en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, en les harmonisant avec les dispositions de même nature prévues au code de l'environnement tout en tenant compte des exigences particulières liées à la protection des intérêts et des principes mentionnés à l'article L. 593-1 du même code et à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique ;

c) en étendant les dispositions mentionnées au b du présent 1° aux activités participant aux dispositions techniques ou d'organisation mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 593-7 du code de l'environnement exercées par l'exploitant nucléaire, ses fournisseurs, prestataires ou sous-traitants, y compris hors des installations nucléaires de base (INB) ;

d) en instituant, au sein de l'ASN, une commission des sanctions ;

e) en prévoyant des dispositions particulières pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense ;

§ d'aménager les compétences, les attributions et les pouvoirs de l'ASN, afin qu'elle puisse :

a) faire réaliser des tierces expertises, des contrôles et des études dans ses domaines de compétences, aux frais des assujettis, par des organismes choisis avec son accord ou qu'elle agrée, en complément éventuel des missions d'expertise et de recherche effectuées, dans lesdits domaines, par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui est également rendue destinataire de l'ensemble des rapports produits par lesdits organismes ;

b) d'exercer, au sein des INB, certaines des compétences de l'autorité administrative concernant les déchets, les produits et équipements à risques et les produits chimiques ;

c) veiller à l'adaptation de la recherche publique aux besoins de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ;

d) procéder, en concertation avec le ministre chargé de la sûreté nucléaire, à l'évaluation périodique du dispositif normatif en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et présenter les propositions en vue de l'amélioration de ce dispositif.

§ de compléter, en ce qui concerne les INB, la transposition des directives 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) et 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiant puis abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil, et rendre applicables ces dispositions, avec les adaptations nécessaires, à l'ensemble des INB ;

§ d'instituer un dispositif de contrôle et de sanction gradués des dispositions du chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la défense et des textes pris pour son application, pouvant comprendre des astreintes et des sanctions pécuniaires ;

§ de soumettre les responsables d'activités nucléaires mentionnées à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique à l'obligation de prendre des mesures de protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance, pouvant inclure des enquêtes administratives individuelles, et en confier le contrôle à l'ASN ou aux autres autorités administratives selon une répartition tenant compte des régimes d'autorisation auxquels ces responsables d'activités sont par ailleurs déjà soumis ;

§ de transposer la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 modifiant la directive 2009/71/Euratom établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires ainsi que la directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom ;

§ d'opérer des ajustements de coordination, de mise en cohérence et de correction formelle au sein du code de l'environnement, du code de la santé publique, du code du travail, du code de la défense et du code des douanes dans les domaines de la sûreté et de la sécurité nucléaires, de la radioprotection et de l'information du public en ces matières.

- l'article 129 a prévu une habilitation ayant pour objet :

§ de transposer la directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs ;

§ d'adapter la législation existante aux dispositions transposant cette directive, sans remettre en cause l'interdiction du stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que celui de déchets radioactifs issus du traitement de combustibles usés et de déchets radioactifs provenant de l'étranger prévue à l'article L. 542-2 du code de l'environnement, et préciser les conditions d'application de cette interdiction ;

§ de définir une procédure de requalification des matières en déchets radioactifs par l'autorité administrative ;

§ de renforcer les sanctions administratives et pénales existantes et prévoir de nouvelles sanctions en cas de méconnaissance des dispositions applicables en matière de déchets radioactifs et de combustible usé ou en cas d'infraction à ces dispositions.

B. L'ordonnance du 10 février 2016 modifie les règles relatives à la sûreté et la sécurité nucléaires, ainsi qu'à la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs

Le chapitre I er de l'ordonnance (articles 1 à 17) porte sur la « gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs ».

Modifiant le code de l'environnement, il transpose la directive 2011/70/EURATOM du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, dite « déchets radioactifs ».

Dans cette perspective :

- il prévoit que l'État est responsable en dernier ressort de la gestion des déchets radioactifs et des combustibles usés, dont il peut charger l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) (article L. 542-1) ;

- il définit la gestion des déchets comme « toutes les activités liées à la manipulation, au prétraitement, au traitement, au conditionnement, à l'entreposage et au stockage des déchets radioactifs, à l'exclusion du transport hors site » et celle des combustibles usés comme « toutes les activités liées à la manipulation, à l'entreposage, au retraitement ou au stockage des combustibles usés, à l'exclusion du transport hors site » (article L. 542-1-1) ;

- il complète les dispositions relatives au plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR). Établi tous les cinq ans par le Gouvernement, ce plan doit fixer les objectifs, échéances et calendriers, ainsi que les objectifs des déchets ne faisant pas l'objet d'un mode de gestion définitif. Il doit organiser la mise en oeuvre des recherches et études sur la gestion des matières et déchets radioactifs. Il doit aussi définir les personnes responsables et des indicateurs de surveillance. Il doit enfin préciser une estimation des coûts de gestion et des mécanismes de financement (article L. 542-1-2) ;

- il introduit le principe de l'autorisation et du consentement pour les transferts entre États de déchets radioactifs et de combustibles usés (article L. 542-1-4) ;

- il ajuste l'obligation de stockage sur le territoire national de déchets radioactifs nationaux et l'interdiction de stockage sur le territoire national de déchets radioactifs étrangers, en excluant les sources radioactives scellées, les substances et équipements radioactifs à des fins de traitement ou de recherche ou encore les déchets radioactifs monégasques (articles L. 542-2 et L. 542-2-2) ;

- il clarifie le statut des échantillons importés à des fins de recherche, en prévoyant leur inscription dans le rapport comportant l'inventaire des combustibles usés et déchets radioactifs provenant de l'étranger (article L. 542-2-1) ;

- il prévoit l'application de sanctions en cas de manquement aux principes précités de l'autorisation et du consentement, d'interdiction de stockage sur le territoire national de déchets radioactifs étrangers ou d'inscription dans le rapport comportant l'inventaire des combustibles usés et déchets radioactifs (article L. 542-2-3) ;

- il prévoit l'organisation par les ministres chargés de l'énergie et de la sûreté d'une évaluation décennale du dispositif juridique et organisationnel en matière de gestion des combustibles et déchets radioactifs et sa mise en oeuvre, complétée par une évaluation décennale internationale par l'ASN (article L. 542-3) ;

- il complète les missions de l'Andra en matière de gestion des déchets radioactifs et de sites pollués par des substances radioactives, en lui ouvrant les droits reconnus aux parties civiles et le remboursement des frais exposés (article L. 542-12) ;

- il permet à l'autorité administrative, après avis de l'ASN, de requalifier les matières en déchets radioactifs, si les perspectives de valorisation ne sont pas suffisamment établies (article L. 542-13-2) ;

- il renforce le dispositif de financement des charges de gestion des déchets radioactifs, en permettant à l'autorité administrative d'imposer la constitution des provisions et des actifs, de demander tous renseignements, documents ou éclaircissements ou de faire réaliser des études complémentaires (articles L. 594-1 à L. 594-6) ;

- il prévoit la mise en oeuvre d'un réexamen et d'une actualisation de l'exploitation ainsi que d'un système de gestion intégré des substances radioactives sous forme non scellée, des déchets radioactifs et des effluents radioactifs, qui doit comporter une garantie de qualité (article L. 515-43).

Le chapitre II de l'ordonnance (articles 18 à 36) porte sur la « sûreté nucléaire, transparence et installations nucléaires ».

Modifiant également le code de l'environnement, il transpose la directive 2009/71/EURATOM du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires, modifiée par la directive 2014/87/EURATOM du Conseil du 8 juillet 2014, dite « sûreté » et la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles, dite « IED ».

À cette fin :

- il étend l'obligation d'information obtenue par les citoyens ou figurant dans le rapport annuel, de la sûreté nucléaire, à l'ensemble des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1, et l'obligation de déclaration des incidents et accidents significatifs, au-delà de ceux ayant un impact sur la sûreté nucléaire et la radioprotection (articles L. 125-10, L. 125-15 et L. 593-1) ;

- il introduit le principe selon lequel l'État « veille à ce que la réglementation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, ainsi que son contrôle, soient évalués et améliorés le cas échéant, en tenant compte de l'expérience acquise dans le cadre de l'exploitation, des enseignements tirés des analyses de sûreté nucléaire effectuées pour des installations nucléaires en exploitation, de l'évolution de la technologie et des résultats de la recherche en matière de sûreté nucléaire, si ceux-ci sont disponibles et pertinents » (article L. 591-2) ;

- il prévoit l'évaluation, par le ministre chargé de la sûreté et l'ASN, tous les dix ans, du cadre réglementaire et législatif en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, et tous les six ans, d'un thème spécifique lié à la sûreté nucléaire et à la radioprotection, en soumettant les éléments pertinents ou les accidents aboutissant à des mesures d'intervention d'urgence à un examen international par les pairs (articles L. 591-2 et L. 591-6 à L. 591-8) ;

- il consolide les missions de l'ASN (articles L. 592-1, L. 592-19 à L. 594-24, L. 592-31-1, L. 592-41 à L. 592-44) pour :

o prévoir sa participation à l'information du public et à la transparence dans l'ensemble de ses domaines de compétences ;

o expliciter ses attributions, en portée (installations nucléaires de base, transport de substances radioactives, équipements sous pression nucléaires, activités nucléaires) et en substance (décisions réglementaires, décisions individuelles, contrôles) ;

o permettre le recours à des tierces expertises et aux frais des assujettis ;

o prévoir l'organisation d'un suivi des travaux de recherche et de développement nationaux et internationaux ainsi qu'un avis sur les programmes nationaux de recherche publique ;

o instituer une commission des sanctions, chargée de prononcer des sanctions administratives pécuniaires.

- il ajuste le régime des INB (articles L. 593-1, L. 593-2, L. 593-6, L. 593-7, L. 593-11, L. 593-18 et L. 593-19-1) pour :

o permettre à l'ASN de décider d'une mise en service partielle et de prescriptions portant sur les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure ;

o prévoir que l'exploitant :

§ accorde une priorité à la sûreté, dispose des ressources techniques, financières et humaines adéquates et mette en place un système de management intégré ;

§ réalise un réexamen périodique, dont la périodicité ne peut être inférieure et dix ans et portant, non seulement sur la sûreté, mais aussi sur l'ensemble des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 ;

§ procède au recensement des substances et mélanges dangereux susceptibles d'être présents dans l'INB.

o préciser que le propriétaire ne peut s'opposer à la mise en oeuvre par l'exploitant des prescriptions de l'administration et que cette dernière peut se retourner contre lui en cas de défaillance de l'exploitant ;

- lorsqu'une INB est soumise à ce régime du fait d'activité non nucléaire, il prévoit que l'exploitant décrive l'état initial du site dans un rapport, intègre les meilleures pratiques aux conditions de conception, de construction, d'exploitation et de démantèlement, procède à leur réexamen et actualisation et adresse un rapport de réexamen (article L. 593-32) ;

- il renforce les compétences de l'ASN à l'égard (article 593-33 du code de l'environnement) :

o des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou des installations, ouvrages, travaux ou activités soumis à la loi sur l'eau (IOTA) situées à l'intérieur d'une INB ;

o des appareils à pression implantés à l'intérieur d'une INB ;

o de certaines activités importantes situées à l'extérieur d'une INB, par l'exploitant ou ses fournisseurs, prestataires ou sous-traitants ;

- il renforce les pouvoirs des inspecteurs de l'ASN (en matière de sûreté nucléaire, radioprotection, équipements sous pression nucléaires), en consolidant les amendes (10 M€ en matière d'INB, 1 M€ pour équipements sous pression nucléaires et 30 000 € pour le transport de substances radioactives), astreintes (15 000 €) et sanctions (100 000 € en cas de violation d'une mise en demeure et 10 M€ en cas d'exploitation non autorisées) pouvant être prononcées par la commission des sanctions de l'ASN (articles L. 171-2, L. 171-4, L. 171-5-1 et L. 596-1 à L. 596-14) ;

- il étend le droit d'antériorité, permettant de prendre en compte les situations existantes, aux INB secrètes déclassées (article L. 593-35) ;

- il précise les dispositions relatives au transport de substances radioactives et celles relatives aux équipements sous pression nucléaire, en consolidant les pouvoirs de l'ASN (articles L. 595-1 et L. 595-2) ;

- il précise l'articulation du régime des INB avec le code du travail et le code de la santé publique, et notamment les obligations de l'exploitant à l'égard de la protection collective des personnels intervenant dans l'installation (articles L. 593-41 à L. 593-43).

Le chapitre III de l'ordonnance (articles 37 à 43) porte sur les « activités nucléaires relevant du code de la santé publique ».

Modifiant pour l'essentiel le code de la santé publique, il permet la transposition de la directive 2013/59/EURATOM du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisants, dite « normes de base », et complète celle de la directive dite « déchets radioactifs ».

C'est pourquoi :

- il définit le champ du contrôle réglementaire, en visant les activités nucléaires de même que les décisions, interventions, actions nécessaires pour réduire les risques dans les situations d'exposition existante et d'urgence (article L. 1333-1) ;

- il consolide plusieurs principes (de justification, d'optimisation et de limitation) (articles L. 1333-1 à L. 1333-4) ainsi que l'inventaire national des sources radioactives (article L. 1333-5) ;

- il explicite l'obligation pour les responsables d'activités nucléaires de mettre en oeuvre les moyens et mesures permettant d'assurer la protection de la santé publique, de la salubrité et de la sécurité publiques ainsi que de l'environnement contre les risques et les inconvénients résultant des rayonnements ionisants, en ajoutant aux risques à prendre en compte ceux liés à des actes de malveillance (article L. 1333-7) ;

- il modernise le régime actuel de déclaration et d'autorisation encadrant les activités nucléaires (articles L. 1333-8 et L. 1333-9), en prévoyant des exigences d'enquêtes, de système qualité, de plans d'urgence interne, de formation continue à la radioprotection et d'information des acquéreurs sur les risques des rayonnements ionisants (articles L. 1333-11, L. 1333-12, L. 1333-13, L. 1333-14 et L. 1333-25) ;

- il institue un régime de servitudes d'utilité publique aux terrains, constructions ou ouvrages pouvant occasionner une exposition des personnes aux effets nocifs des rayons ionisants (article L. 1333-26) ;

- il rénove le système de contrôle et de sanction administratifs (articles L. 1333-29 à L. 1333-31), en prévoyant la protection des personnels (article L. 1333-27), une prescription de trente ans (article L. 1333-28), et une actualisation des sanctions pénales (article L. 1337-1) ;

- il intègre la gestion du risque lié au radon dans deux politiques publiques environnementales : l'amélioration de la qualité de l'air intérieur et l'information préventive des populations des risques naturels (articles L. 125-5 et L. 221-1 du code de l'environnement) ;

Le chapitre IV de l'ordonnance (articles 44 à 51) porte sur les « contrôle et sanctions gradués des dispositions relatives à la protection des matières nucléaires ».

Il modifie sur plusieurs points le code de la défense :

- il soumet à autorisation ou déclaration et à contrôle l'importation, l'exportation, l'élaboration, la détention, l'utilisation et le transport de matières premières, ainsi que les activités nucléaires, pour la protection contre les actes de malveillance (article L. 1333-2) ;

- il prévoit l'application de spécifications générales, via les arrêtés, ou individuelles, via les autorisations (article L. 1333-3) ;

- il fixe un cadre gradué de sanctions administratives calqué sur le droit de l'environnement (suspension, amende, astreinte, consignations, travaux d'office), confié aux inspecteurs de la sécurité des matières nucléaires, de leurs installations et de leurs transports, pouvant conduire à 15 000 € d'astreinte et 10 M€ d'amende (L. 1333-4, L. 1333-4-1, L. 333-5 et L. 1333-8) ;

- il adapte les sanctions pénales, en abandonnant les notions de matières et d'établissements, obsolètes, et en prévoyant une sanction jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende en cas d'inobservation de certaines prescriptions (L. 1333-9, L. 1333-10 et L. 1333-12).

C. L'ordonnance du 10 février 2016 a d'ores et déjà fait l'objet d'un projet de loi de ratification

Un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire a ainsi été déposé au Sénat le 27 avril 2016.

II. Le dispositif envisagé - Une ratification expresse de l'ordonnance du 10 février 2016

A. Le dispositif proposé consiste en une ratification expresse de l'ordonnance du 10 février 2016

L' article 11 propose de ratifier l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire.

B. Ce dispositif n'a pas soulevé d'observation particulière dans l'avis du Conseil d'État

Dans son avis sur le projet de loi 83 ( * ) , ce dernier a indiqué que « les autres dispositions du projet de loi n'appellent pas de remarque de la part du Conseil d'État ».

III. La position de la commission - Une adoption de dispositions techniques et consensuelles, sous réserve d'ajustements et de compléments

A. Le rapporteur déplore que la ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 ne fasse pas l'objet d'une étude d'impact approfondie

En effet, il rappelle que cette étude d'impact précise que « la ratification de l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 étant "sèche", elle se situe hors périmètre de l'étude d'impact ».

B. De plus, le rapporteur s'interroge sur l'opportunité de ratifier une ordonnance six ans après le dépôt du projet de loi de ratification devant le Parlement

Sollicitées sur ce point, la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ont indiqué que « la ratification de l'ordonnance [...] n'a pas été programmée à l'ordre du jour des travaux parlementaires », ce qui explique que « cette disposition est [...] incluse dans le présent projet de loi par opportunité ».

Les directions ont précisé qu' « il n'est pas envisagé de modifier ou de compléter les dispositions de cette ordonnance ».

C. Pour autant, le rapporteur n'est pas opposé à la ratification de l'ordonnance du 10 février 2016, compte tenu de son caractère technique et consensuel

Constatant la nature technique de cette ratification d'ordonnance et l'absence d'opposition de la part des personnes auditionnées, il a ainsi proposé à la commission d'adopter l'article de ratification.

D. En revanche, le rapporteur a identifié plusieurs scories dans la rédaction des dispositions issues de l'ordonnance du 10 février 2016

La première porte sur l'article L. 592-41 du code de l'environnement , sur les compétences de la commission des sanctions de l'ASN.

Si cette commission a reçu pouvoir pour prononcer des sanctions administratives, au titre des articles L. 171-8, L. 229-8 et L. 229-10 du code de l'environnement, l'article L. 557-58 du même code n'a pas été visé.

Or, cet article donne à l'ASN pouvoir pour prononcer des sanctions d'un montant inférieur à 15 000 € ou des astreintes d'un montant inférieur à 1 500 €, en cas de non-respect, par des équipements sous pression nucléaires, d'exigences concernant les produits et équipements à risques.

La deuxième scorie concerne l'article L. 593-4 du code l'environnement , sur l'encadrement des installations de stockage de déchets radioactifs, en cas de menace pour les intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du même code, en l'espèce la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement.

Il permet, par arrêté du ministre chargé de la sûreté nucléaire, de leur appliquer des règles relatives à leur conception, construction, fonctionnement, mise à l'arrêt, démantèlement et fermeture.

Or, il est fait référence à la mise à la fermeture de ces installations, plutôt qu'à leur mise à l'arrêt, les termes ayant été intervertis.

La troisième scorie a trait à l'article L. 593-20 du code de l'environnement , sur les évaluations et dispositions, en cas de menace pour ces mêmes intérêts, mentionnés au même article L. 593-1.

Il prévoit la faculté pour l'ASN de prescrire, à tout moment, de telles évaluations ou dispositions, l'exploitant étant mis à même de présenter ses observations, communiquées par elle au ministre chargé de la sûreté nucléaire.

Or, la communication porte sur les observations de l'exploitant, et non les évaluations et les dispositions de l'ASN, contrairement à la rédaction retenue à l'article L. 593-19 du même code.

La dernière scorie vise l'article L. 1337-1-1 du code de la santé publique , sur les compétences, droits et prérogatives des inspecteurs de la radioprotection de l'ASN.

Elle prévoit que ces inspections puissent rechercher un certain nombre d'infractions, y compris au titre du code du travail, telles que les règles de prévention pour la santé et la santé des travailleurs, mentionnées à l'article L. 4451-1 du code de l'environnement.

Or, il est fait mention des communications du médecin du travail, visées à l'article L. 4451-2, plutôt que des règles de prévention des risques d'exposition aux rayons ionisants, prévues à l'article L. 4451-4.

Ces quatre dispositions, comportant des scories, sont issues de l'ordonnance du 10 février 2016, et plus précisément de ses articles 28, 33, 35 et 39.

La troisième scorie a été indiquée au rapporteur par EDF et les autres par l'ASN, la DGPR ayant été consultée au préalable. La DGPR et la DGEC ont d'ailleurs indiqué, dans leur contribution écrite adressée au rapporteur, « qu'à ce stade, le Gouvernement pourrait considérer favorablement des modifications de rédaction proposées par l'ASN pour corriger des imprécisions ou des coquilles législatives ».

Les modifications ainsi proposées contribueront à clarifier le cadre juridique, donc à renforcer la sûreté nucléaire.

Dans ce contexte, le rapporteur a présenté un amendement ( COM-29 ) visant à corriger sur les points précités l'ordonnance du 10 février 2016, pour :

- améliorer le fonctionnement de la commission des sanctions de l'ASN, en lui décentralisant le pouvoir de sanction de l'autorité et en facilitant la désignation de ses membres ;

- consolider le cadre applicable aux règles générales des installations nucléaires de base, pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement (sécurité, santé et salubrité publiques, protection de la nature et de l'environnement), aux évaluations et prescriptions de l'ASN en cas de menace pour ces intérêts, ainsi qu'aux infractions aux règles de radioprotection pouvant être recherchées par ses inspecteurs.

L'amendement présente un lien avec le projet de loi initial, puisqu'il complète l'article 11 ratifiant l'ordonnance n°2016-128 du 10 février 2016, de même que les articles 9 et 10 de ce texte initial, sur le fonctionnement des installations nucléaires de base existantes.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 12 (nouveau) - Renforcement de la composition paritaire du collège de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Introduit par un amendement ( COM-28 ) présenté par le sénateur Bernard Buis, cet article vise à renforcer l'application, au sein du collège de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), des règles relatives à l'égal accès des femmes et des hommes.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé .

En l'état actuel du droit, la composition du collège de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) doit respecter des exigences relatives à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes (AAI) , issues de l'ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 84 ( * ) .

Ainsi, l'article L. 592-2 du code de l'environnement prévoit que :

- s'agissant des deux membres désignés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme est une femme ;

- parmi les trois membres désignés par le Président de la République, l'écart entre le nombre d'hommes et le nombre de femmes ne doit pas être supérieur à un .

Ces règles de désignation n'assurent pas une parité effective dans la composition du collège de l'ASN, qui comprend cinq membres.

Au regard de la composition actuelle de ce collège, le maintien des règles existantes pourrait conduire à une absence de parité dès 2023, lors du remplacement de deux de ses membres, désignés par le président du Sénat et le Président de la République. Afin de respecter les dispositions énoncées au troisième alinéa de l'article L. 592-2 du code de l'environnement, le candidat désigné par le président du Sénat devra être un homme. Sans dispositions particulières assurant la parité générale du collège, la désignation d'un homme par le Président de la République donnera lieu à un déséquilibre qui durera jusqu'à fin 2024, voire fin 2026. Dans cette hypothèse, une seule femme siégera au collège de l'ASN pendant au minimum une année.

Dans ce contexte , le sénateur Bernard Buis a présenté un amendement ( COM-28 ) visant à modifier le troisième alinéa de l'article L. 592-2 du code de l'environnement , afin d'en clarifier la rédaction et d'y inscrire des conditions de désignation visant à assurer une représentation paritaire au sein du collège de l'ASN.

Cette nouvelle rédaction obligera le Président de la République à procéder à la désignation de ses trois candidats, en tenant compte du genre des membres nommés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, de façon à ce que l'écart entre les hommes et les femmes au sein du collège ne soit pas supérieur à un.

Une telle composition paritaire est actuellement en vigueur dans plusieurs AAI, notamment au sein de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dont les règles de composition sont précisées à l'article L. 132-2 du code de l'énergie, mais également au sein de l'Autorité de régulation des transports (ART) ou de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA).

Les règles de composition de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) comprennent également un critère d'alternance entre les membres hommes et femmes et une obligation générale de parité, décrits à l'article L. 130 du code des postes et communications électroniques.

Compte tenu des dispositions intéressant l'ASN, mentionnés dans le projet de loi, et des précédents en matière de représentation paritaire des AAI, la commission a adopté, avec l'avis de sagesse du rapporteur, l'amendement ( COM-28) et, par voie de conséquence, l'article en étant issu .

La modification de ces dispositions dans le cadre du projet de loi présente un lien avec ce dernier, car elle concerne l'ASN, dont l'organisation, le fonctionnement ou les attributions sont modifiées par l'article 9 et surtout par l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016, ratifiée par l'article 11.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

TRAVAUX EN COMMISSION

Table ronde « Relance du nucléaire »
regroupant M. Luc Rémont, président-directeur général d'EDF,
M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN),
M. François Jacq, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), M. Thomas Veyrenc, directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE
et M. Guillaume Dureau, président d'Orano Projets SAS, directeur Innovation R&D nucléaire médical
(Mercredi 14 décembre 2022)

Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui cinq intervenants majeurs de la filière française du nucléaire et de sa régulation : M. Luc Rémont, président-directeur général du groupe EDF ; M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; M. François Jacq, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; M. Thomas Veyrenc, directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de Réseau de transport d'électricité (RTE) ; et M. Guillaume Dureau, président d'Orano Projets SAS, directeur Innovation - R&D - nucléaire médical.

Notre commission, et le Sénat dans sa quasi-totalité, se réjouissent de la relance de la filière du nucléaire, annoncée - enfin ! - par le Président de la République, dans son discours de Belfort, le 16 février dernier, et présentée par le Gouvernement, dans le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, qui sera examiné par le Sénat début janvier 2023.

Notre commission s'est d'ailleurs prononcée, dans un rapport d'information de juillet dernier, intitulé Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir , pour le maintien d'un mix majoritairement nucléaire à l'horizon de 2050, ce qui supposerait de construire au moins quatorze European Pressurized Reactors 2 ( EPR2 ), contre six annoncés actuellement. Pour réussir cette relance du nucléaire, il faut s'en donner les moyens politiques, financiers, mais aussi humains.

Naturellement, il ne faut surtout pas omettre les enjeux liés au cycle du combustible, de même que ceux liés à la sûreté et à la sécurité, que nous avons tenu à mêler, dans le choix même des intervenants ici présents. C'est l'approche retenue par notre commission depuis longtemps : une vision moderne, complexe et transparente du nucléaire. Débattons de tout, rationnellement et - j'ajouterais - scientifiquement.

Je vous propose de poser à chacun d'entre vous une question liminaire, puis notre collègue Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie » et rapporteur pour notre commission sur le projet de loi précité, vous interrogera à son tour.Je salue la présence à cette table ronde de M. Philippe Martin, rapporteur pour avis sur ce texte au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (CATDD). Ce sont autant de voix expertes et diverses du Sénat qui vous questionneront sur le devenir, crucial, du nucléaire.

Tout d'abord, je souhaiterais que le PDG d'EDF nous indique si le projet de loi lui paraît suffisant pour relancer la filière du nucléaire en France. Les souplesses administratives proposées sont-elles de nature à accélérer vraiment les délais de construction ? Ne manque-t-on pas encore de l'essentiel : la stratégie et le financement ? Où en est la sélection des sites : si Penly et Gravelines sont en lice, qu'en est-il du Bugey et du Tricastin ?

Plus encore, je voudrais que le président de l'ASN nous précise si le projet de loi lui semble bien intégrer les enjeux de sûreté et de sécurité. Les missions de l'ASN sont modifiées pour les prolongations ou les arrêts des réacteurs : est-ce pertinent ? Les modalités d'association du public sont elles aussi ajustées : ces évolutions garantissent-elles, tout de même, une participation et une information suffisantes ? Enfin, les moyens de coercition et de sanction dont disposent désormais l'ASN, récemment dotée d'une commission des sanctions, sont-ils adaptés à la relance de la filière du nucléaire ?

En outre, je proposerais que l'administrateur général du CEA nous précise la nature du rôle d'appui du CEA à la relance du nucléaire, indiquée par le Président de la République, dans son discours de Belfort du 16 février dernier. Comment intervenez-vous, à la fois dans le processus de conception et dans le contrôle des projets ?

Par ailleurs, j'aimerais que le président d'Orano Projets nous dise s'il considère le cycle du combustible comme le parent pauvre du projet de loi. En effet, ce texte se focalise surtout sur la construction des réacteurs. Une relance du nucléaire ne doit-elle pas également prendre en compte l'aval du cycle - la question des combustibles -, mais aussi l'amont - celle des déchets ? Si oui, comment ? Pourriez-vous nous dire un mot de la disponibilité, en France, des compétences nécessaires à ce cycle ? C'est l'un des enjeux relevés par notre commission, dans son rapport d'information sur la souveraineté économique, publié en juin dernier.

Enfin, je voudrais que le directeur exécutif de RTE nous indique si le projet loi lui paraît susceptible de garantir un mix électrique solide. Dans son étude intitulée Futurs énergétiques à l'horizon de 2050 , RTE a relevé que la durée de construction des réacteurs est passée de six à huit ans dans les années 1980 à une période de douze à seize ans actuellement. Qu'est-ce qui explique cet allongement ? Est-il propre à la France ? Le projet de loi permettra-t-il de retrouver cette agilité des années 1980 ?

RTE a souligné qu'il était nécessaire de prendre des décisions dès 2022-2023 pour obtenir des réacteurs en service d'ici à 2035-2037. C'est crucial pour éviter l'« effet falaise » anticipé à l'horizon de 2040, c'est-à-dire l'arrêt concomitant des réacteurs actuels, arrivés en fin de vie. En renvoyant toute décision à la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, qui ne sera pas examinée avant la fin de l'année 2023, le projet de loi ne manque-t-il pas sa cible ?

M. Luc Rémont, président-directeur général d'EDF . - L'accélération des procédures relatives au nucléaire est un sujet essentiel, sachant qu'en parallèle vous travaillez également à l'accélération des procédures relatives au renouvelable. Dans les deux cas, il s'agit de réduire le temps de développement des nouveaux moyens de production de l'électricité décarbonée. Vues d'EDF, ces deux ambitions sont nécessaires, voire indispensables.

Tout cela s'inscrit dans une politique énergétique définie par le Gouvernement et le Parlement. Le Président de la République a fixé un cap à l'occasion du discours de Belfort de 2février 022. Le Parlement définira à l'été 2023 le cadre plus général de la politique énergétique pour les dix ans à venir dans la loi de programmation énergie et climat, avec des objectifs précis pour la France.

Le groupe EDF, en tant qu'énergéticien, est présent dans la production et la fourniture de plusieurs technologies, dans plusieurs pays du monde. Il dispose d'une expérience et d'une vision industrielle pour faire face aux enjeux de décarbonation et de souveraineté. De ce point de vue, le nucléaire constitue une solution efficace et compétitive. Le défi consiste à remplacer la plus grande part possible de nos consommations de pétrole et de gaz par celle d'électricité décarbonée, ce qui passe par davantage d'efficacité et de sobriété. Je salue la mobilisation des Français à l'heure qui nous aide à passer la première vague de froid de l'hiver sans problème sur le système électrique. Au-delà, nous devons travailler à un niveau de production qui nous permette de soutenir les besoins en électricité décarbonée. Dans ce cadre, le nucléaire est une technologie indispensable, notamment dans les phases hivernales.

Quel est le facteur de compétitivité du futur parc nucléaire ? Principalement le temps que nous mettons à développer des réacteurs dans les délais de construction raisonnables. Les nouveaux réacteurs sont certes plus complexes, notamment parce que les exigences de sûreté sont très importantes. Nos procédures se sont aussi complexifiées par rapport aux années 1980. Le projet de loi que vous examinez visera à simplifier l'ensemble des procédures. EDF ne peut que s'en féliciter. Ce texte doit nous permettre de réaliser avec succès le programme du nouveau nucléaire, avec au minimum six EPR2. La première paire serait réalisée sur le site de Penly, en Seine-Maritime. Le débat public est en cours. Le deuxième site candidat pour accueillir une autre paire d'EPR2 est celui de Gravelines. Quant au troisième site, des études techniques sont en cours pour comparer les mérites propres de Bugey dans l'Ain et de Tricastin dans la Drôme.

Cette loi sera-t-elle suffisante ? Naturellement, énormément de travail ne relève pas du législatif. Je pense au travail sur la filière, sur les coordinations entre les différentes instances afin de rendre les phases de développement fluides. Pour ce qui relève du législatif, il serait utile dans un futur proche d'examiner la faculté de désigner des sites qui ne sont pas à proximité de sites existants, essentiellement pour avoir la chance de développer d'autres types de réacteurs en France lorsque les Small Modular Reactors (SMR) seront disponibles. Il serait utile notamment d'en installer sur des sites industriels, à proximité de leurs clients. Il serait également utile d'intégrer les besoins de l'amont et de l'aval du cycle, c'est-à-dire de l'ensemble du cycle du combustible.

EDF et l'ensemble de la filière doivent également réaliser un travail important. J'avais lors de mon audition eu l'occasion de mentionner le défi humain que représente la filière nucléaire : c'est bien là que se trouve le principal défi. Nous devons en effet être capables de régénérer et d'attirer des compétences dans la filière nucléaire. À titre d'exemple, une visite décennale ou un chantier lié au Grand carénage nécessite l'embauche de 4 000 salariés. Nous devons pouvoir les trouver dans le bassin d'emploi concerné. La construction d'un EPR2 nécessitera, quant à elle, entre 7 500 et 10 000 salariés. Cela appelle un travail fondamental sur les compétences, sur l'attractivité du métier, sur l'intégration de ces projets dans le territoire. C'est naturellement dans cet esprit que nous allons travailler avec l'ensemble des membres de la filière.

En ce qui concerne les souplesses administratives, il faudra sans doute en trouver beaucoup d'autres, mais cela ne relève pas forcément du niveau législatif. En tout état de cause, nous travaillerons avec les administrations de l'État pour simplifier au maximum nos processus et raccourcir les délais de construction.

M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire . - Vous m'avez questionné sur le projet de loi, puis vous m'avez posé des questions plus ciblées sur les moyens dont dispose l'ASN, notamment en matière de coercition ou de sanctions liées au nouveau projet nucléaire.

Le projet de loi concerne l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires de type EPR, notamment sur les sites nucléaires existants. Je rejoins la remarque du PDG d'EDF concernant l'extension éventuelle de ce projet à d'autres types de réacteurs, comme les SMR.

Ce texte vise à faciliter les procédures administratives - relatives à l'environnement et à la gestion du droit du sol - dans une phase préliminaire à la construction nucléaire elle-même. Il s'agit de gagner du temps sur les étapes non nucléaires. Ces premières étapes sont essentiellement composées de travaux permettant de préparer le site avant la pose du « premier béton nucléaire », soit le T0 à partir duquel on commence à décompter la durée du projet.

Le projet de loi ne modifiera absolument pas les exigences ni les procédures existantes en matière de sûreté nucléaire pour les nouveaux projets. Les enjeux de sûreté nucléaire sont essentiellement portés par l'autorisation de création de l'installation dont la demande sera instruite par l'ASN, suivant le processus actuel et avec les mêmes étapes de concertation et d'association du public. La délivrance de l'autorisation de création n'est pas sur le chemin critique des projets d'EPR2.

Si ce projet de loi est bien évidemment important, il n'est pas le seul élément qui permette d'accélérer un projet de construction d'installation nucléaire. Je rejoins également la remarque du président d'EDF : il y a un travail commun d'anticipation à réaliser pour pouvoir accélérer la partie industrielle de la construction nucléaire elle-même. Indépendamment des instructions, l'ASN n'attend pas que la demande d'autorisation de création soit déposée pour avancer sur ce projet avec EDF. Nous avons déjà commencé à travailler avec les équipes d'EDF sur une version préliminaire du rapport de sûreté. C'est une pièce essentielle dans le dépôt de la demande d'autorisation de création. Nous le faisons avec l'appui de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) afin d'identifier les points durs.

De la même manière, nous sommes sollicités par Framatome pour travailler sur la qualification des pièces forgées les plus importantes qui permettront la fabrication des cuves ou des générateurs de vapeur, et ce bien en amont de l'autorisation du projet. C'est un risque industriel pris par Framatome, car les délais industriels sont un élément fondamental dans la conduite du projet.

Ce projet de loi ne comporte pas qu'un titre I dont je viens de parler, qui est celui de l'accélération des procédures administratives relatives au droit du sol, mais comporte également un titre II dont l'ASN est à l'origine et qui concerne le parc existant. Il porte sur un point très particulier des dispositions législatives actuelles relatives aux décisions qui sont prises à l'issue des réexamens de sûreté, notamment à partir du quatrième réexamen de sûreté après trente-cinq années de fonctionnement. Il s'agit d'amener leur niveau de sûreté le plus près possible des réacteurs de dernière génération.

Ces améliorations de sûreté ont deux sources essentielles. Elles sont une première source qui vient de l'exploitant lui-même, qui mène le travail et qui propose un certain nombre de modifications pour améliorer la sûreté. Ces modifications doivent actuellement être soumises à enquête publique. Il existe en parallèle une procédure d'adoption par l'ASN de prescriptions techniques complémentaires qui résulte des débats et des discussions techniques que nous avons avec l'exploitant. Mais le droit en vigueur ne définit pas l'articulation entre ces deux procédures. Nous proposons donc, à travers le projet de loi, de corriger et de simplifier le dispositif actuel en reliant l'enquête publique à l'adoption par l'Autorité de sûreté nucléaire des prescriptions techniques complémentaires. Ce dispositif simplifiera le processus actuel et le rendra plus robuste.

Par ailleurs, une deuxième modification du titre II consistera à remplacer une disposition actuelle conduisant à l'arrêt définitif de plein droit d'une installation nucléaire qui n'a pas fonctionné pendant deux ans par un acte positif, éventuellement de fermeture, au regard des enjeux si ce délai est dépassé. La consultation du public se fera sur la base du projet de décret de fermeture. En ce qui concerne l'ASN, il s'agira donc de dispositions d'allégement n'ayant pas d'impact sur les projets de nouveau nucléaire puisqu'elles concernent les installations en service.

Vous m'avez ensuite questionné sur les moyens de coercition et de sanction dont dispose l'ASN. Effectivement, elle dispose d'une palette de pouvoirs à la fois d'injonctions et de sanctions. Ces pouvoirs importants ont été renforcés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), avec une possibilité d'amendes administratives dès lors que nous avons l'accord du comité des sanctions. Ces moyens sont utilisés de manière adaptée au contexte nucléaire, qui est tout à fait différent de celui des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Il y a plusieurs dizaines de milliers d'installations classées, mais il n'y a en revanche que très peu d'exploitants nucléaires. Par ailleurs, les exploitants nucléaires disposent en général d'une forte structure d'ingénierie. Nous sommes aussi dans un dialogue technique permanent avec eux, afin de bien calibrer les dispositions réglementaires ou les prescriptions que nous imposons, ce qui est assez différent dans le domaine des installations classées.

Ces moyens de coercition sont donc mis en oeuvre de manière relativement modeste en nombre lorsqu'on les compare aux installations classées. L'ASN ne fait pas plus d'une dizaine de mises en demeure par an et il n'y a pas eu depuis 2014 d'exigence d'exécution de travaux d'office. La commission des sanctions, depuis sa mise en oeuvre, n'a ainsi jamais été sollicitée puisque nous avons toujours réussi à régler les problèmes en amont.

Je ne pense pas que les projets liés à la relance du nucléaire changent quoi que ce soit à cette situation. Depuis le début du chantier de l'EPR de Flamanville, par exemple, nous n'avons procédé qu'à deux mises en demeure : une pour des raisons de sûreté et une en termes d'inspection du travail.

M. François Jacq, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives . - Le CEA est un organisme de recherche intégré. Nous nous intéressons à l'énergie nucléaire, mais pas uniquement. Sans empiéter sur ce que dira mon collègue de RTE, il importe de mettre l'accent sur toutes les formes d'énergies décarbonées. Au-delà du nucléaire, nous travaillons aussi sur l'hydrogène, les batteries, les dispositifs de stockage et les réseaux intelligents, à savoir sur tout ce qui permettra un fonctionnement harmonieux du système énergétique dans des évolutions de paradigme. Nous défendons donc une vision intégrée.

Nous sommes par ailleurs un organisme de recherche : nous avons une vision d'ensemble sur toutes les questions nucléaires, de l'amont à l'aval. Cette compétence de recherche tangente l'ingénierie, mais ne va pas jusqu'à elle : nous ne sommes pas non plus des concepteurs de produits industriels.

Comme j'ai eu l'occasion de le souligner, nous ne sommes pas concernés au premier chef par ce projet de loi, je ne prétendrai donc pas juger de sa pertinence juridique. Pour autant, l'intention générale me paraît fondamentale : nous n'avons pas de temps à perdre et il convient d'actionner tous les leviers permettant de raccourcir les processus.

J'en viens au rôle du CEA dans ce process de reprise du nucléaire.

Premier aspect, nous apportons un soutien à la filière et à son développement. Nous disposons ainsi d'un socle de compétences et d'installation, qui constituent les voies de recours lorsque des difficultés surgissent dans l'exploitation industrielle. Nous l'avons fait encore récemment pour un réacteur de type EPR qui n'est pas installé en France, à la satisfaction des uns et des autres. Il s'agit là de notre coeur de métier et nous devons y être attentifs : quand certaines compétences ne servent pas, on dit qu'elles coûtent, mais quand elles manquent, on est bien ennuyé. C'est un message que je martèle d'audition en audition, mais c'est important. En matière d'ingénierie, nombre de difficultés rencontrées sur les projets nucléaires sont liées à un manque d'anticipation : peut-être faut-il instaurer un lien plus solide entre ingénierie et recherche ? Cela vaut pour le parc en fonctionnement comme pour les EPR2 à venir.

Deuxième aspect, nous préparons et nous ouvrons des voies différentes. Je pense, notamment, à tous les petits réacteurs innovants, mais il peut également s'agir du cycle. De ce point de vue, nos activités s'articulent totalement avec celles d'EDF, qui est le chef de file en ce qui concerne les SMR. Je rejoins les propos de M. Luc Rémont : dans les paradigmes énergétiques de demain, cela n'aura aucun sens d'installer ces petits réacteurs sur des sites déjà occupés par des installations nucléaires. Quant aux Advanced Modular Reactors (AMR), il s'agit de projets beaucoup plus futuristes et avancés : nucléaire de quatrième génération, réacteurs nucléaires à sels fondus, etc. Ce sont des projets qui devraient nous permettre de mieux traiter le cycle, à condition que l'on ne fasse pas de réacteur sans le cycle, ce qui est tout de même notre péché majeur en France !

Enfin, par rapport à l'usage du nucléaire, ne restons pas focalisés sur l'électrification et la seule électricité, car nous aurons des besoins en chaleur. Il y aura de la décarbonation de la chaleur qui ne sera pas facile à faire sur un certain nombre de grands process industriels, comme l'a souligné M. Rémont en évoquant la capacité à combiner. Je pense à l'hydrogène, mais pas uniquement. Le chimiste américain Dow Chemical commence, par exemple, à se poser la question de savoir s'il ne va pas installer un réacteur sur un de ses sites industriels pour obtenir la chaleur.

Quant au projet de loi, je ne peux que souscrire modestement aux remarques de M. Rémont : c'est certainement un ingrédient important, mais il va falloir en réunir beaucoup d'autres pour que nous puissions tenir les délais. Installer aussi bien des EPR ou des SMR au milieu de la décennie 2030 constitue des projets ambitieux, il faut le savoir.

M. Guillaume Dureau, président Orano Projets SAS, directeur Innovation - R&D - nucléaire médical . - Orano est une entreprise française qui propose des produits et services sur tout le cycle du combustible nucléaire. Nos activités démarrent au niveau de la mine - il n'y en a plus en France, mais nous en avons à l'étranger - et passent par tous les processus de transformation chimique pour arriver au processus de transformation physique et d'enrichissement de l'uranium utilisé dans les réacteurs. Nous nous occupons aussi de l'aval du cycle, qui consiste essentiellement à s'assurer du traitement et potentiellement du recyclage. C'est l'une des caractéristiques françaises, sur laquelle je reviendrai, du cycle. Orano compte environ 17 000 collaborateurs, dont 13 500 en France, pour 4,7 milliards de chiffre d'affaires.

Notre conviction profonde, c'est que le succès du nucléaire en France, pour les années à venir, ne pourra être assuré que si les constructeurs de nouveaux réacteurs s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble du cycle, qui couvre à la fois l'approvisionnement en uranium enrichi - c'est-à-dire l'amont - et les solutions à retenir pour la gestion des combustibles - c'est-à-dire l'aval. Ce sont précisément les deux principaux métiers du groupe Orano. De de point de vue, la France est l'une des rares nations à disposer d'une maîtrise industrielle de l'intégralité de la chaîne de valeur du nucléaire, ce qui constitue l'un de ses éléments fondamentaux et essentiels en matière de souveraineté énergétique.

En ce qui concerne l'amont du cycle, Orano a fait le choix d'investir 5 milliards d'euros ces dix dernières années dans le renouvellement de son outil industriel sur la plateforme du Tricastin, qui dispose ainsi d'une des usines les plus modernes au monde à la fois pour la conversion et l'enrichissement. La tension observée sur les marchés, très directement reliée à la crise et à la guerre que pratique la Russie en Ukraine, entraîne une montée des cours, à la fois sur la conversion et sur l'enrichissement. C'est un véritable enjeu pour nous et pour l'indépendance énergétique de la France que d'être capables, au-delà de la maîtrise de ces étapes du cycle, non seulement de conserver, mais potentiellement d'étendre les capacités de production de nos usines d'enrichissement en France, à la fois en nous projetant sur le long terme et en étant certains d'assurer une capacité de réponse en matière d'approvisionnement pour l'ensemble du monde occidental, pas uniquement pour la France.

Dans ce contexte géopolitique, nous sommes bien évidemment attentifs à l'évolution du marché et aux attentes de nos clients. Sous réserve d'engagements de long terme de leur part, nous envisageons d'augmenter nos capacités d'enrichissement jusqu'à 30 % - ce qui est énorme - pour répondre aux besoins des clients qui souhaitent réduire leurs importations d'uranium naturel de Russie. Depuis le mois de mars, nos équipes travaillent sur différents scénarios en France, en Europe ou aux États-Unis.

Le scénario le plus rapide serait l'extension de notre usine actuelle d'enrichissement Georges-Besse II. Nous avons d'ailleurs d'ores et déjà lancé le processus de concertation en saisissant la Commission nationale du débat public (CNDP). Les choix qui seront retenus sont soumis aux enjeux de planning, de coûts et de contractualisation des clients. Autrement dit, comme l'a indiqué M. Bernard Doroszczuk, les temps industriels existent. Si l'on prend une décision en 2023, le premier module pourra fonctionner en 2028, et encore en avançant très rapidement !

Du côté de l'aval du cycle, l'industrie française est le leader mondial en matière de traitement et du recyclage des combustibles nucléaires usés. C'est une technologie qui permet d'économiser les ressources naturelles en recyclant la matière énergétique encore contenue dans le combustible nucléaire et en sortie de réacteur. De plus, cette technique réduit fortement la radiotoxicité et le volume des déchets nucléaires, et permet d'en assurer le confinement sous une forme sûre et stable à long terme.

Hormis les États-Unis, toutes les grandes puissances nucléaires civiles, comme le Japon, la Chine, l'Inde et la Russie, ont envisagé et mis en oeuvre à des niveaux de maturité différents le traitement-recyclage. Aucun autre pays n'a cependant maîtrisé son déploiement industriel complet.

Toutefois, à la différence des usines de l'amont, celles de l'aval du cycle - essentiellement les usines de La Hague et de Melox - ont démarré dans les années 1990. La question de leur renouvellement va devoir être décidée dans un futur proche.

Vous m'avez posé la question de la disponibilité en France des compétences nécessaires. En ce qui concerne le cycle, les enjeux de court terme sont directement traités pour pouvoir faire fonctionner en toute sécurité nos usines. Nous avons créé un campus MOX à proximité de l'usine de Melox ainsi qu'une école des métiers au Tricastin. Un certain nombre d'actions visent également à augmenter notre notoriété et à renforcer l'apprentissage. En tant que patron de l'ingénierie d'Orano, je dois recruter cette année un peu moins de 400 ingénieurs, ce qui n'est pas simple ! Il importe donc de garantir l'attractivité des métiers et de donner des perspectives aux jeunes.

Nous nous sommes également engagés dans un certain nombre de formations sur les métiers en tension. Au-delà des ingénieurs, nous avons besoin de cols bleus. Le pôle d'excellence de soudage à Cherbourg, où nous sommes impliqués aux côtés d'EDF, de Naval Group et des Constructions mécaniques de Normandie (CMN), est une belle illustration.

En revanche, tout comme pour la construction d'EPR, il est évident qu'au moment du renouvellement des usines de l'aval du cycle la question des compétences, notamment en termes de main-d'oeuvre disponible, sur les deux sites, en particulier sur celui de La Hague, sera colossale. Il nous faudra trouver une réponse.

Pour en revenir plus spécifiquement au projet de loi, je ne peux que saluer l'ambition qui vise à accélérer les procédures en cas de décision de construction de nouveaux réacteurs. Je m'inscris complètement dans ce qui a été dit à la fois par MM. Rémont et Jacq : il ne saurait être simplement question des réacteurs électronucléaires et les nouveaux sites ne doivent pas forcément être implantés à côté des installations nucléaires de base (INB). Très clairement, il serait pertinent que les dispositions relatives à l'accélération des procédures liées à la construction appréhendent l'ensemble des nouveaux réacteurs. Je rappelle que France 2030 prévoit un appel à projets pour la construction de nouveaux types de réacteurs. Il faut donc aussi envisager une accélération des procédures pour pouvoir développer ce type de technologie. Cela vaut également pour l'ensemble des installations du cycle du combustible. L'objectif de l'extension et donc double : c'est à la fois une exigence d'intelligibilité du droit et en même temps une prise en compte de l'ensemble des besoins globaux de la filière nucléaire.

M. Thomas Veyrenc, directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de Réseau de transport d'électricité . - RTE a trois rôles. Le premier, que l'on connaît bien en ce moment, est d'exploiter le système électrique, quel que soit son état. Le deuxième est de développer notre grand réseau national pour connecter, notamment, les réacteurs nucléaires, les centres de consommation, les renouvelables. Le troisième est de réaliser un certain nombre d'études de nature prospective ou prévisionnelle. J'ai l'impression, madame la présidente, que votre première question sur la solidité du mix se rattache plutôt à cette dernière mission.

Qu'est-ce qu'un mix solide ? C'est premièrement un mix qui nous permette d'atteindre nos objectifs climatiques. L'électricité concentre beaucoup de nos débats citoyens, pour autant elle représente 25 % de l'énergie que l'on consomme : elle est omniprésente, mais pas dominante dans notre mix. Quoi qu'il en soit, nous devons nous projeter dans un monde où l'on est sorti complètement des énergies fossiles. Or ces dernières représentent actuellement 60 % de la consommation énergétique en France. C'est dans ce contexte de consommation croissante de moyen et de long termes que nous devons intégrer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.

Un mix solide c'est aussi un mix qui garantisse la sécurité d'approvisionnement et qui soit compétitif d'un point de vue économique. RTE a rendu public fin 2021-début 2022 les résultats de ses scénarios à l'horizon de 2050. Ce travail a mobilisé tout notre écosystème pendant deux ans. Il existe deux grilles de lecture potentiellement différentes. La première consiste à essayer de voir ce qui oppose les filières. Ce n'est pas celle que je privilégie, car le nucléaire, le renouvelable, la rénovation thermique, la réindustrialisation, le réseau, le stockage ont une seule et même structure économique : elles demandent beaucoup d'investissement au départ, mais les coûts de fonctionnement sont plus faibles ensuite. Le facteur temps est également essentiel, comme l'ont souligné plusieurs intervenants avant moi. Entre le moment où l'on va appuyer sur l'accélérateur et le moment où notre mix énergétique va changer, il va se passer plusieurs années. Par ailleurs, il s'agit de solutions que nous allons devoir faire fonctionner ensemble.

En ce qui concerne les scénarios de réinvestissement dans le parc nucléaire, différents rythmes sont proposés. Un scénario où l'on construirait six nouveaux réacteurs nucléaires au rythme d'une paire tous les cinq ans - en 2035, en 2040 et en 2045 - nous conduit à terme à un mix majoritaire en énergies renouvelables pour atteindre nos objectifs climatiques. Pourquoi ? Tout simplement parce que nos installations - c'est vrai pour le nucléaire, mais c'est vrai également pour les autres filières - doivent être mises à l'arrêt pour des raisons d'âge. Les réacteurs nucléaires de deuxième génération ont été construits de manière très concentrée entre la fin des années 1970 et le début des années 1990. Mais cela vaut aussi pour les éoliennes, pour les panneaux solaires et pour toutes les installations industrielles : on peut certes prolonger leur durée de vie, mais c'est un problème auquel on est bien obligé d'être confronté lorsqu'on réalise une prospective énergétique.

En tout état de cause, même en construisant six réacteurs nucléaires de troisième génération, selon un scénario que nous avons appelé N1, il nous faudra recourir à beaucoup d'énergie renouvelable pour boucler nos trajectoires. À tel point que RTE ne considère pas qu'il y aurait, d'un côté, les scénarios avec du nouveau nucléaire et, de l'autre, les scénarios sans nouveau nucléaire. Au contraire, le scénario N1 doit nous conduire à réussir également tous les paris technologiques des scénarios à très hautes parts de renouvelables. C'est un travail que nous avons fait avec l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Ce n'est pas exactement le cas du scénario N2, qui inclut la construction de quatorze réacteurs. Avec un socle d'une quarantaine de gigawatts de centrales nucléaires maintenus durablement - à l'horizon de 2040, de 2050 et de 2060 -, une partie des besoins de flexibilité sont réellement traités par le nucléaire. Il faut donc moins de moyens de stockage. La différence entre le scénario N1 à six réacteurs et le scénario N2 à quatorze réacteurs n'est pas uniquement symbolique, elle est aussi technique. La numérotation des scénarios renvoie ainsi à des différences plus fondamentales dans la façon dont nous allons construire et faire fonctionner notre système électrique.

Le travail de concertation mené pendant deux ans avec les différents opérateurs industriels de la filière montre que l'accélération, dans le cas du scénario à quatorze réacteurs, ne sera pas visible sur la période 2030-2040, mais plutôt durant la décennie 2040-2050. On en revient donc au facteur temps.

De tels délais sont-ils propres à la France ? Un objectif de réacteurs nucléaires opérationnels en 2035-2037 me paraît raisonnablement ambitieux : ce n'est donc pas propre à la France. Vous avez souligné, madame la présidente, que la durée de construction des réacteurs est passée de six à huit ans dans les années 1980 à une période de douze à seize ans actuellement. En réalité, les délais de construction des réacteurs de deuxième génération du palier N4 étaient déjà beaucoup plus importants que ceux des réacteurs de 900 mégawatts des années 1970. Tout le programme de deuxième génération n'a donc pas été construit très rapidement et nous ne connaissons pas aujourd'hui un ralentissement : ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent. Le projet de loi permettra certes d'accélérer un certain nombre de procédures, mais il ne nous permettra pas d'en revenir au rythme de construction des années 1970.

Ce qui est plus propre à la France, en réalité, ce sont les délais de construction des énergies renouvelables, mais c'est un autre problème.

Ce texte intervient-il tard ? Je pense qu'il s'agit du bon moment. Quel que soit le scénario retenu, il convient d'enclencher la démarche industrielle. Cette table ronde montre que la situation a changé depuis notre publication d'octobre 2021. Nous ne nous attendions pas qu'un cap soit fixé aussi rapidement. Il faudra, bien évidemment, le traduire dans une loi de programme, mais j'ai le sentiment que la publication de nos scénarios a réussi à faire passer le message qu'il était nécessaire d'accélérer, ce dont je me félicite.

Ce projet de loi est-il utile ? Oui, ne serait-ce que pour tenir le timing annoncé par le Gouvernement. Pour que de nouveaux réacteurs soient en service en 2035-2037, ce projet de loi est absolument essentiel. Les documents publiés par l'État nécessitaient des saisines de la CNDP en 2021. Nous sommes en 2022, il convient donc d'accélérer sur le nucléaire, mais cela vaut également pour les énergies renouvelables ou pour le réseau, si nous voulons répondre aux enjeux énergétiques.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci de ces précisions. Quelques points n'ont pas été abordés, je pense aux capacités ou aux perspectives de financement. Par ailleurs, nous sommes certes dans l'accélération des ouvertures de sites, mais les décrets prévoient toujours pour l'instant la fermeture de certains réacteurs.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je souhaite, à mon tour, remercier nos intervenants de leur participation à cette table ronde. De mémoire sénatoriale, c'est une première que de vous réunir tous aujourd'hui. Je remercie également le rapporteur pour avis Pascal Martin.

Comme vous le savez, nous préparons actuellement l'examen du très attendu projet de loi d'accélération du nucléaire ; nous avons largement entamé nos auditions et avons entendu, juste avant vous, devant le groupe d'études « Énergie », M. Michel Badré, président de la formation de la CNDP chargée du débat public sur la construction de nouveaux réacteurs, dont ceux de Penly.

S'agissant de la méthode retenue par le Gouvernement, je regrette qu'il légifère dans le désordre : pour bien faire, il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire la programmation, puis le nucléaire, puis le renouvelable. Je déplore également qu'il impose des délais d'examen très resserrés puisque ce texte serait examiné en séance publique mi-janvier : plus d'organisation, plus d'anticipation et plus de coconstruction auraient été nécessaires sur un sujet aussi important. Où est la nouvelle méthode promise par le Gouvernement ?

Concernant l'évolution proposée par le Gouvernement, nous ne pouvons que nous réjouir de la relance du nucléaire, tout en rappelant que cette relance intervient tardivement et partiellement : les annonces du Gouvernement font, pour l'instant, davantage office de « rattrapage » que de « relance ». Je rappelle que la commission des affaires économiques a alerté sur l'impact de la crise de la Covid-19 sur les prix des énergies et le décalage du programme d'arrêts de tranches, dès son rapport sur cette crise de juin 2020 ; elle a aussi alerté sur l'impact de la guerre russe en Ukraine et du phénomène de corrosion sous contrainte, dès son rapport sur le risque de black-out de février 2022.

Comme l'a indiqué notre présidente, nous avons aussi plaidé pour une relance complète du nucléaire, dans notre rapport de juillet 2022. La position de notre commission a donc été celle de la constance, avant et, bien souvent, contre celle du Gouvernement ! Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs existants, dans la loi « Énergie-Climat » de 2019. Ce ne fut pas simple d'interdire toute fermeture de réacteur, dès lors qu'elle présente un risque sur la sécurité d'approvisionnement, la sûreté nucléaire ou les émissions de gaz à effet de serre (GES), dans la loi « Climat-Résilience » de 2021. Nous étions bien seuls à l'époque !

Mais cessons de remuer le passé pour évoquer l'avenir, celui de la filière nucléaire et, au-delà, de notre compétitivité économique et notre vie sociale. C'est pourquoi je compléterais brièvement les questions posées par notre présidente.

En premier lieu, je souhaiterais que le PDG d'EDF nous indique où en est la résolution du phénomène de corrosion sous contrainte : avez-vous une visibilité sur les indisponibilités prévisibles pour les prochains mois ?

Un mot sur l'application du programme Excell serait également précieux : sommes-nous prêts, sur le plan de la formation et des compétences, pour la construction annoncée de nouveaux réacteurs. C'est un sujet de préoccupation relevé par notre commission dans son rapport sur la filière nucléaire, de juillet dernier. Un mot aussi sur les modalités de financement : la Cour des comptes a clairement indiqué qu'EDF ne pouvait financer seul cette relance du nucléaire. Qu'en pensez-vous ? Faut-il préférer un financement par fonds propres, par emprunt, par prix régulé ou encore par participations de consommateurs électro-intensifs, comme pratiqué ailleurs en Europe ?

En second lieu, je voudrais que l'ASN nous indique son opinion sur les EPR2 et les SMR qui pourraient être construits ? Sont-ils plus sûrs que les réacteurs plus anciens ? Sont-ils moins producteurs de déchets ? Je m'interroge notamment sur les risques liés à la construction des nouveaux réacteurs. Les extensions de sites existants impliquent-elles des risques cumulés, dont la gestion par les collectivités territoriales ou les services déconcentrés concernés ne doit pas être simple ? Les implantations d'installations en bord de mer présentent-elles des risques spécifiques, liés par exemple à la submersion ou à l'érosion ? Si oui, comment les prévenir ?

Concernant le CEA, j'aimerais qu'il nous précise si la recherche nucléaire lui semble pouvoir être davantage prise en compte dans le projet de loi : au-delà de la construction d'EPR2, peut-on y développer les SMR ? Peut-on y promouvoir le couplage nucléaire-hydrogène ?

Pour ce qui est du groupe Orano, je souhaiterais qu'il fasse état de son opinion sur le devenir des usines de retraitement-recyclage. L'État ne devrait-il pas prendre une décision sur leur pérennisation, car on sait que ces installations arriveront à leur cinquantième année de fonctionnement dès 2040 ?

S'agissant enfin de RTE, je ne pourrais résister à la question que tous mes collègues et beaucoup de Français se posent : quelles sont vos prévisions sur la sécurité d'approvisionnement électrique ? Combien de délestages risquent de se produire cet hiver ? Pouvez-vous nous préciser les périodes et les régions les plus critiques ?

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Madame la présidente, mes chers collègues, je vous remercie pour l'invitation à cette table ronde. En tant que rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je me concentrerai sur le contenu de ce texte et partagerai quelques observations et interrogations issues du cycle d'auditions que nous avons commencé la semaine passée dans un excellent climat avec mon collègue rapporteur Daniel Gremillet.

Le titre I ne concerne que les réacteurs électronucléaires. Par ailleurs, il ne vise que les projets situés à proximité de sites nucléaires existants. Enfin, les demandes d'autorisation ne concernent que celles déposées dans une durée de quinze ans à compter de la promulgation de ce texte. C'est donc une ambition mesurée.

Une observation tout d'abord : l'étude d'impact du projet de loi est, une nouvelle fois, lacunaire. Aucune estimation du gain de temps global pour la construction des nouveaux EPR n'est fournie par le Gouvernement. C'est très dommageable pour un texte dont l'ambition est justement de gagner du temps !

Ma première question est donc très simple : avez-vous une idée du gain de temps permis par ce texte ? Si oui, pouvez-vous préciser à quel stade de la construction de nouveaux réacteurs et pour quel type d'autorisations ces gains de temps interviennent ?

Ma deuxième question porte sur la notion qui fait débat de « proximité immédiate » des centrales existantes, utilisée à l'article 1 er . Concrètement, à quelle distance maximale des centrales existantes les nouveaux EPR seront-ils construits ?

Pour éviter des contentieux, ne faudrait-il pas mieux définir cette notion de « proximité immédiate », par exemple en considérant que cette notion s'entend comme une zone d'implantation ne nécessitant pas de modification des plans particuliers d'intervention (PPI) ?

Enfin, l'article 4 du projet de loi reporte dans le temps la réalisation des bâtiments à plus forts enjeux de sûreté, car il faudra maintenant attendre l'octroi de l'autorisation de création par l'ASN pour commencer ces travaux.

Ma dernière question sera directe : s'agit-il de tirer les conséquences des difficultés initiales de Flamanville, en particulier de l'insuffisance des études d'avant-projet, comme l'a relevé la Cour des comptes en 2020 ?

M. Luc Rémont . - Je commencerai par faire un bref point sur le raccordement progressif au réseau de nos réacteurs après traitement des problèmes de corrosion sous contrainte.

À ce jour, quarante et un réacteurs sont connectés au réseau pour une puissance productive de 41,3 gigawatts, ce qui nous a permis, grâce au soutien des Français, de passer cette première phase de froid sans difficulté sur le réseau. Trois réacteurs supplémentaires seront connectés d'ici à Noël : Gravelines 3, Saint-Alban 2 et Dampierre 2. Nous travaillons également pour recoupler Gravelines 4 au réseau le plus rapidement possible en 2023.

En ce qui concerne les chantiers de corrosion sous contrainte, l'entreprise a identifié le problème en peu de temps et a travaillé sur des instruments de mesure permettant de le caractériser de façon non destructive. Nous avons mis en place un processus de réparation grâce à notre collaboration avec l'Autorité de sûreté. Nous allons le plus vite possible. Je peux témoigner de la mobilisation totale de toute la filière, qu'il s'agisse des salariés d'EDF ou de nos partenaires. Certains de nos réacteurs sont encore en réparation, mais pas forcément pour des questions de corrosion sous contrainte. Certains réacteurs, par exemple, sont en visite décennale, ce qui nécessite un arrêt de plusieurs mois. L'accélération de l'ensemble de ces processus est un élément-clé de la disponibilité du parc et de notre capacité à produire.

Vous m'avez interrogé sur Excell. C'est un plan très bien monté de professionnalisation, d'accélération et d'industrialisation des projets. Il nous aide notamment à tirer toutes les leçons de Flamanville 3. Il y a quelques semaines à peine, le patron du projet Excell a remis un rapport public sur le déroulement du plan. Mon ambition est d'en étendre la portée à toutes les dimensions de l'entreprise avec la même logique industrielle.

Nous devons encore travailler sur les modalités de financement. Mon souhait est naturellement de faire en sorte que la performance de l'entreprise contribue largement au financement de son futur, qui est de continuer à produire et donc de créer des instruments en faveur de sa production future. Notre capacité à recoupler les réacteurs actuels au réseau est une condition indispensable, mais pas suffisante, pour faciliter le financement du futur. Une partie de la réponse se trouve dans la régulation. J'ai souligné lors d'une audition précédente que l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) était à bout de souffle. Je le confirme ici. La crise énergétique européenne doit nous amener à revoir l'ensemble des modalités des règles de marché pour l'électricité. C'est indispensable pour qu'EDF puisse faire son travail et offrir aux Français une électricité à un prix compétitif, mais dans des conditions qui n'obligent pas EDF soit à vendre à un prix cassé, soit à vendre en étant l'objet des fluctuations excessives, tout en étant taxée ensuite. Un tel modèle économique permet à peine à EDF de soutenir son activité. Comment pourrait-il lui permettre de financer le futur ? Le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet dans les discussions communautaires. Je souhaite travailler avec lui pour trouver un équilibre économique qui permette à EDF et à l'ensemble de la filière d'avoir suffisamment de visibilité économique à moyen terme. Nous travaillerons également avec les pouvoirs publics pour donner des perspectives financières de plus long terme.

Monsieur Martin, vous me posez la question du temps gagné grâce à ce projet de loi ; je serai honnête : je ne le sais pas. Le temps gagné me paraît significatif, il se compte probablement en années, mais je ne saurais être plus précis. Je tâcherai de l'estimer plus précisément et de vous fournir la réponse.

Vous me posez la question du périmètre concerné par les projets. Il s'agit d'emprises extrêmement proches, sur les sites. Je ne saurais pas vous donner une définition de la distance envisagée, je ne sais pas si c'est possible, mais on parle de sites ayant une capacité supplémentaire et pouvant accueillir une activité industrielle plus importante.

Sur la réalisation des bâtiments, un travail important a été accompli depuis plusieurs années, dans la définition même du projet EPR 2, afin de tirer toutes les leçons de Flamanville 3. Ces nombreuses leçons ont été tirées par EDF avec l'ASN.

M. Bernard Doroszczuk. - J'ai noté trois questions principales qui m'étaient adressées. Je reviendrai ensuite sur la question générale de l'anticipation et du respect des délais.

M. Gremillet pose d'abord la question du niveau de sûreté des EPR2 et des SMR.

Pour ce qui concerne le projet EPR2, l'ASN a émis deux avis - l'un en 2juillet 019 et l'autre en 2septembre 021 - sur l'option de sûreté de ce réacteur. Ces avis concluent de manière positive sur les options de sûreté retenues, après un débat sur les options envisagées lors de la construction de l'EPR de Flamanville, notamment la question de l'exclusion de rupture. Nous avons approfondi le sujet et nous avons élaboré une position donnant assez de visibilité pour poursuivre les études de conception.

Nous sommes encore en train de finaliser avec EDF les éléments d'entrée dans ces études de conception. J'ai demandé à EDF de faire un point complet des arbitrages à rendre avec l'ASN, afin de finaliser les études détaillées de conception. C'est important pour le respect du planning. Il faut achever ces études détaillées de conception avant de lancer les projets, afin de ne pas rencontrer les mêmes difficultés. Quand on étudie les évolutions de l'EPR2 par rapport à l'EPR de Flamanville, en intégrant le retour d'expérience tiré du fonctionnement des EPR de Taishan et de Olkiluoto, on peut considérer que la première paire de réacteurs à Penly sera une quasi-tête de série. D'où l'importance d'achever les études détaillées de conception, afin de maîtriser les délais. Du point de vue de la sûreté, le niveau de l'EPR2 sera équivalent à celui de Flamanville et, s'agissant d'un réacteur de troisième génération, il n'y aura pas d'évolution significative en matière de production de déchets.

Pour les SMR ou AMR, les petits réacteurs avancés, la situation pourrait être différente. Eu égard à leur taille, ces réacteurs pourraient permettre des progrès en matière de sûreté. En cas d'accident, la puissance résiduelle à évacuer serait plus faible ; on pourrait donc imaginer que ces réacteurs soient munis de dispositifs passifs permettant d'assurer, dans une situation accidentelle, leur refroidissement sans avoir besoin de recourir à des sources d'alimentation électrique ou à des capacités supplémentaires en eau. C'est un avantage important par rapport aux gros réacteurs, comme les EPR, dont il faut assurer en permanence le refroidissement, même à l'arrêt. C'est une différence fondamentale.

Les projets de ce type avancent en France et l'ASN est en relation avec quatre porteurs de projet, reposant chacun sur une technologie différente.

Le projet Nuward d'EDF, TechnicAtome et Naval Group, est le plus avancé et il repose sur une technologie maîtrisée : les réacteurs à eau sous pression. Il ne présente pas de différence, en matière de gestion de combustible et de déchets, avec le parc actuel. Nous avons pris l'initiative d'associer les autorités de sûreté tchèque et finlandaise - deux pays susceptibles d'être intéressés par ce projet -, pour définir ensemble une position sur les options de sûreté de ce réacteur. Cela donne une visibilité internationale au projet.

Les autres réacteurs envisagés reposent sur des technologies différentes : le refroidissement au plomb ou au sel fondu et un réacteur haute température. La maturité technologique de ces projets est très différente de Nuward ; ils nécessitent encore des travaux d'innovation et de recherche et ils arriveront à maturité plus tardivement. La compétition internationale est rude avec les compétiteurs américains, chinois ou russes, qui sont puissants. Ces pays développent des politiques agressives en matière de compétitivité prix, mais également en termes d'influence géopolitique pour imposer leurs projets, y compris en Europe de l'Est. Attention donc à ce que Nuward n'arrive trop tard...

Le réacteur Nuward ne présentera pas de différence en matière de gestion des déchets, mais il pourrait en aller différemment pour les réacteurs à neutrons rapides. La technologie de refroidissement au sodium pourrait en outre bénéficier des retours d'expérience de ce type de réacteurs développés en France voilà quelques années.

J'attire par ailleurs votre attention sur trois points de préoccupation de l'ASN.

D'abord, il faut porter une plus grande attention au cycle du combustible. En effet, parmi les 100 projets de SMR dans le monde, très peu y accordent une attention suffisante : ils ne précisent ni d'où vient le combustible ni ce que l'on fait des déchets en aval du cycle. Or il faut tout prendre en compte pour que les projets soient sincères, il faut avoir une vision intégrée. La France a un avantage sur le sujet, car elle maîtrise les technologies.

Ensuite, la possibilité d'implanter les réacteurs de petite taille en dehors des sites existants nucléaires soulève la question de la sécurité ; je le rappelle, la sûreté, dont s'occupe l'ASN, est relative au risque d'accident nucléaire et la sécurité consiste en la lutte contre les actes de malveillance : attaques criminelles, attentats, cybersécurité. Ce sujet est plus complexe, car un petit réacteur implanté dans une zone industrielle ou près d'une agglomération présente un risque plus important qu'un réacteur implanté sur un site nucléaire existant et déjà sécurisé ; de tels sites disposent en effet d'importants moyens d'intervention pour intervenir en attendant l'arrivée des forces de l'ordre en cas d'intrusion criminelle. C'est un sujet important pour les futurs exploitants des SMR. Il est justifié de s'interroger sur l'usage des petits réacteurs pour produire de la chaleur ou de l'hydrogène et pour accompagner la décarbonation de l'industrie, ce qui implique d'implanter ces réacteurs ailleurs que dans les gros sites, pour proposer des usages immédiats, locaux, sans transport, mais la sécurité peut devenir un sujet plus lourd que la sûreté.

Enfin, je veux aborder le niveau de sûreté des SMR à exiger. Dans la compétition internationale, ce niveau fait l'objet de beaucoup de débats. Certains estiment que le niveau de sûreté des réacteurs de troisième génération doit être le standard d'exigence pour les SMR ; d'autres, comme l'ASN, considèrent qu'il faut fixer un niveau d'exigence permettant d'exploiter toutes les potentialités d'amélioration des SMR à un coût économiquement acceptable : si l'on peut aller plus loin que le niveau de sûreté des réacteurs de troisième génération, il faut le faire ! En effet, il faut garder en tête que l'engouement pour les SMR est tel que, si tous les projets se réalisent, on trouvera des réacteurs nucléaires dans beaucoup de pays qui n'ont aujourd'hui aucune centrale, qui n'ont aucune expérience nucléaire, aucune autorité de sûreté ; une quarantaine de pays ont déjà fait part de leur intérêt à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Il y a donc un risque à implanter dans de tels pays des centrales pouvant poser problème. Or ne perdons pas de vue que la confiance dans la sûreté et l'engouement ou le rejet du nucléaire peuvent être liés à des évènements qui se produisent loin de chez nous. Ainsi, s'il est possible d'avoir des SMR plus sûrs, il ne faut pas s'en priver. Certains SMR peuvent aller plus loin en matière de gestion des déchets, comme les SMR à neutrons rapides, qui permettraient de réduire les déchets, voire d'utiliser des matières nucléaires n'ayant pas d'usage aujourd'hui.

Sur les risques liés à la construction de nouvelles centrales et à l'extension des sites, les risques d'agression naturelle - subversion marine, réchauffement climatique, tornades, séismes... - doivent être pris en compte sur toute la durée de vie des projets, qui peut s'étendre sur un siècle. Il faut s'appuyer sur les prévisions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), lesquelles peuvent du reste évoluer. En France, nous faisons un réexamen de sûreté tous les dix ans, et nous incluons les aléas climatiques, afin d'ajuster la sûreté par rapport aux risques extérieurs, y compris par rapport aux installations industrielles voisines. Lorsque nous avons fait cet exercice à Gravelines, par exemple, nous avons pris en compte les évolutions du terminal gazier situé à proximité, et nous avons prescrit des rehaussements de digue.

Dernier sujet : celui de l'anticipation et de la gestion du temps. Le parc nucléaire existant a été construit, à 75 %, dans les années 1980. En 2050, ces réacteurs auront donc 70 ans, soit plus que la durée de vie sur laquelle nous nous sommes prononcés, à savoir cinquante ans. Ainsi, au-delà du débat sur le nouveau nucléaire et sur le présent projet de loi, il faudra, l'année prochaine, s'interroger sur les mesures d'accompagnement permettant d'anticiper l'échéance de 2050 pour les réacteurs en service ; il faut le faire très en avance. Dans les années qui viennent, il faut mener une analyse de fond pour étudier la durée de vie du parc d'EDF, avec assez d'anticipation pour pouvoir ajuster, entre autres, le nombre de réacteurs à produire. Il faut lier les deux aspects ; on ne peut séparer les nouveaux réacteurs de la durée de vie des réacteurs en cours. En tant que président de l'ASN, je ne puis accepter que la poursuite de l'exploitation des réacteurs nucléaires soit la variable d'ajustement d'une politique énergétique mal calibrée.

Je termine en évoquant la capacité industrielle à faire, facteur crucial pour respecter le calendrier. Il y a deux enjeux fondamentaux dans la filière. D'une part, il faut renforcer substantiellement l'attractivité de la filière pour recruter et conserver les compétences, dans tous les métiers et à tous les niveaux, des cols blancs aux cols bleus. On observe aujourd'hui un déficit important dans tous les métiers. Si les compétences ne sont pas disponibles au bon moment dans tous les métiers, quels que soient les textes, les projets ne pourront être mis en oeuvre. D'autre part, il faut reconstituer la capacité à faire au bon standard. Dans les constructions récentes, ce standard n'a pas été atteint. Pour l'ASN, la qualité et la rigueur de la conception, de la fabrication et du contrôle sont les premières barrières de sûreté. En parallèle se pose la question de la gestion et du pilotage des projets : avoir les compétences ne suffit pas, il faut aussi savoir les articuler et gérer les projets.

M. François Jacq. - Je veux insister sur les apports de la recherche à la cohérence des trajectoires. Il y a diverses technologies, qui ne sont pas en compétition les unes contre les autres, mais qui doivent être articulées les unes avec les autres. Si l'on n'a pas une bonne maîtrise des feuilles de route de ces technologies, de leurs jalons, de leurs points de rendez-vous, on aura du mal à bâtir un mix solide. C'est donc bien en prenant en compte, à l'avance, les feuilles de route technologiques que l'on doit oeuvrer.

La recherche est parfois considérée comme une commodité, elle est tenue pour acquise. Ce n'est pas le cas. Sans doute, il faut souligner la mobilisation et le caractère exceptionnel des équipes du CEA qui ont maintenu à un niveau élevé, y compris dans des circonstances difficiles, leurs compétences au niveau mondial - si le Department of Energy (DOE) américain prend le temps de discuter avec nous, c'est parce que nous sommes compétents et que nous sommes un alter ego pertinent -, mais il faut être vigilant. Le projet de loi ne prend pas en compte la recherche, c'est normal, il a vocation à accélérer les projets industriels, à se focaliser sur l'industrie, mais il faudra bien garder en tête, lors des étapes ultérieures, le continuum entre la recherche et l'exploitation.

Sur les SMR, je suis d'accord avec le président de l'ASN. Il faut bien que l'on s'entende : les SMR ne sont pas la panacée et celui qui sait comment leur exploitation se passera, comment leurs modèles économiques se construiront est très fort. Néanmoins, et je le dis depuis 2018, c'est une voie qui doit être considérée, explorée avec attention. Il faut en étudier tous les aspects, y compris la sécurité, comme le dit le président de l'ASN. Il faudra être raisonnable, respecter le principe de proportionnalité par rapport aux enjeux. Si l'on applique à ces réacteurs des cadres qui ne sont pas adaptés à leur nature, en leur imposant toutes les contraintes maximales, on n'arrivera pas à les développer.

Un petit réacteur, pouvant produire un peu de chaleur et un peu d'électricité, pouvant être couplé en permanent et en continu avec une installation d'électrolyse haute température, sera plus simple à gérer. Ces réacteurs peuvent aussi avoir des usages de chaleur beaucoup plus importants. Les réacteurs avancés ont deux vocations principales : l'une concerne le cycle, le recyclage de la matière et, si l'on n'y réfléchit pas en avance, ces SMR seront plus chers ; l'autre concerne la production de chaleur à très haute température, qui ne peut sortir d'un réacteur à eau pressurisée.

Sur les déchets, je me méfie de toutes les démarches dites « zéro déchet ». Le « zéro déchet » n'existe pas : quand on fait des réactions de fission, il y a des produits de fission, donc des déchets, c'est inévitable. Si on ne le dit pas clairement, on aura de gros problèmes avec le public...

La recherche est solidaire de votre démarche, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle ne sera pas visée directement par le projet de loi, mais nous, les chercheurs, aurons vocation à revenir vous voir pour aborder la question du bon développement des petits réacteurs, comme l'a dit Bernard Doroszczuk.

M. Guillaume Dureau. - Je souhaite dire quelques mots sur le vieillissement et la prolongation de l'outil industriel en fin de cycle, notamment des usines qui arriveront à leur cinquantième année de fonctionnement en 2040. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2028 confirme la stratégie française de traitement-recyclage jusqu'à l'horizon de 2040, mais laisse la question ouverte pour la suite.

La prochaine PPE doit donc y répondre : soit on s'oriente vers l'ouverture du cycle et vers l'entreposage, soit, et c'est souhaitable, la forte avance technologique française en la matière permet de réaffirmer la stratégie de traitement-recyclage au-delà de 2040. Dans ce cas, compte tenu du temps industriel - conception et construction -, il faut prendre des décisions très en amont ; pour être très direct, ces décisions doivent être prises dans le quinquennat en cours et avant 2025. En outre, au-delà de la question des compétences déjà abordée, il y a la question de l'expérience : nous sommes dans la dernière décennie pendant laquelle on peut encore bénéficier du retour d'expérience de ceux qui ont construit ces usines. Il ne faut pas le négliger...

Les SMR et les AMR ont besoin de combustible. On a tendance à penser que, une fois le réacteur conçu, il est facile d'y mettre du combustible et de le faire tourner, alors qu'ils ont besoin d'un combustible spécifique, le plutonium. Par conséquent, il faut penser l'outil industriel adéquat. C'est une raison supplémentaire pour se demander ce que l'on fera des usines actuelles, comment on les prolongera, comment on les renouvellera.

M. Thomas Veyrenc. - L'anticipation est en effet centrale. Notre ambition avec nos scénarios était de faire émerger des rétroplannings, afin d'intégrer l'effet de falaise et le renouvellement des infrastructures de retraitement-recyclage, et d'éviter de subir les variables d'ajustement.

Nos scénarios ne sont pas figés, ils ne s'imposent pas ; nous consacrons une partie de notre rapport d'activité aux incertitudes. La courbe de consommation d'électricité s'infléchira à la hausse, on le sait, mais on ne sait pas quand : cela peut être en 2023 ou en 2026. De même, l'accélération de la production issue des énergies renouvelables n'est pas immédiate, il faut du temps entre le lancement et la connexion des installations. Par ailleurs, la production du parc nucléaire actuel - post-Grand carénage et post-corrosion sous contrainte - présente des incertitudes en matière de volume. Bref, les incertitudes sont nombreuses et il faut que la stratégie énergétique permette de gérer les écarts par rapport aux hypothèses, avec un peu de jeu ; si nous n'avions plus de jeu du tout, les variables d'ajustement seraient alors subies.

En outre, on ne doit pas oublier la question du réseau et de la planification géographique : selon les sites, les périodes de construction et les types de réacteurs, on n'aura pas besoin du même réseau. Il faut prendre ces décisions très en amont.

Sur la sécurité de l'approvisionnement, les inquiétudes exprimées dans les médias portent beaucoup sur les volumes d'électricité, mais la dimension prix est au moins aussi importante, car, si on n'a jamais encore eu de réel problème de volume pour l'instant, même si on est en situation tendue, les conséquences sur les prix sont déjà manifestes et entraînent des tensions.

Cet hiver, nous subissons trois crises imbriquées : la crise de l'approvisionnement en gaz, qui durera plusieurs années, la crise de la production nucléaire, liée à la corrosion sous contrainte, et la crise de la production hydraulique, deuxième source de production d'électricité. On oublie souvent cette source de production, qui est renouvelable et qui est source de flexibilité.

Notre analyse globale de septembre présentait trois grands scénarios. On a d'ores et déjà écarté le pire. En effet, la consommation d'électricité publiée tous les mardis soirs, retraitée des aléas météorologiques, montre une diminution de 9 % sur les quatre dernières semaines par rapport à la moyenne, sur même période, de 2014-2019. C'est considérable et ce n'était pas gagné d'avance. Quelque chose s'est donc passé. Dans le secteur industriel, l'effet de prix a joué, mais aussi la sobriété, qui n'est plus une chimère, l'effet est très net. Vu les températures actuelles, sans cette sobriété, la situation serait tout autre.

Sur le nucléaire, on est revenu sur notre courbe prévisionnelle de septembre. La situation souhaitable pour passer l'hiver, c'était une disponibilité de 41 gigawatts de production nucléaire au 1 er décembre et de 45 gigawatts début janvier. Notre production nucléaire disponible dépasse légèrement 41 gigawatts ; c'est sous les minima requis, mais c'est tout de même satisfaisant. Je remercie tous ceux qui se sont mobilisés sur la maintenance pour atteindre ce niveau. On sait quels réacteurs sont concernés. Des protocoles ont été mis en oeuvre. Il y a moins d'incertitude qu'au printemps et à l'été derniers. On n'est pas dans le bas du faisceau.

Sur l'hydraulique, la situation s'est améliorée. À la fin de l'été dernier, les niveaux de stock hydraulique étaient catastrophiques. Les stocks sont revenus à des niveaux historiques, grâce à une gestion prudente. C'est satisfaisant.

Dernier point qui fonctionne très bien : les interconnexions européennes. On nous demande souvent si les autres pays nous fourniront aussi de l'électricité. Je rappelle d'abord que ce ne sont pas les pays qui s'échangent de l'électricité, ce sont les producteurs et les fournisseurs qui s'en achètent. Par ailleurs, le système fonctionne bien, de manière très fluide, au-delà de nos prudences. On a encore exporté avant-hier de l'électricité au Royaume-Uni.

La situation exige toujours une grande vigilance, mais la période très risquée de la fin du mois de novembre, quand l'écart entre la disponibilité nucléaire projetée et la disponibilité nucléaire historique était le plus fort, est derrière nous. Il reste le mois de janvier, qui fait l'objet, comme tous les ans, d'une vigilance particulière. En matière de risque, nous avons les moyens d'éviter les coupures, les délestages, si nous maintenons les taux actuels d'économie d'énergie, qui sont importants, et si notre mobilisation est importante lors des signaux ÉcoWatt. La réaction des Français est à la hauteur de la situation, on le constate.

M. Franck Montaugé . - Monsieur Doroszczuk, vous ne souhaitez pas que le parc actuel soit la variable d'ajustement de la production électrique française. Je conclus de ces propos qu'il existe un risque que les six EPR2 projetés ne puissent être mis en service aux dates prévues, 2035 ou 2037. Dans cette situation, quelle serait la variable d'ajustement ?

Monsieur Rémont, quel est le montage financier des six ou huit EPR2 ? Créez-vous des sociétés de projet ? Qui a accès à leur capital ? Le législateur doit-il avoir sa place dans cette question ? Vous avez évoqué la révision des règles de marchés ; quelle réforme européenne serait nécessaire pour qu'EDF retrouve un modèle économique et financier équilibré à long terme ?

Sur le cycle, j'avais compris que le centre de stockage industriel en couches géologiques profondes des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue (Cigéo) avait été conçu pour le parc actuel et l'EPR de Flamanville. Sera-t-il disponible pour les EPR2 futurs ? Sinon, quelle serait la solution ?

Sur le risque géopolitique d'approvisionnement en uranium, quelles sont les solutions de couverture des risques, indépendamment de la « prolifération » des SMR ?

M. Jean-Claude Tissot . - La mine d'uranium de Saint-Priest-la-Prugne, dans mon département, a été exploitée pendant des années. Depuis la fin de l'exploitation, les déchets radioactifs sont recouverts d'une nappe d'eau, mais cette protection atteint ses limites et, durant l'été dernier, nos craintes se sont réalisées : l'eau contaminée est passée par-dessus la digue et la station de traitement n'a pas été efficace. Monsieur Rémont, comment imaginez-vous l'aménagement de ce site pour l'après-mine ?

M. Jean-Jacques Michau . - Si je vous ai bien compris, monsieur Rémont, il restera une dizaine de réacteurs à l'arrêt au début de l'année 2023. Combien de ces arrêts sont liés à l'entretien normal - Grand carénage ou autre ? Combien le sont aux problèmes de corrosion sous contrainte ?

Comment éviter ces problèmes de corrosion sous contrainte pour les 6 à 14 réacteurs à venir ?

M. Serge Mérillou . - Ma question s'adresse au PDG d'EDF. Durant la dernière décennie, EDF a regretté, à juste titre, le manque de cap du Gouvernement sur l'énergie nucléaire. Considérez-vous que la création des 6 réacteurs soit contradictoire avec l'arrêt d'autres réacteurs ? Comment analysez-vous ce double signal, qui peut sembler contradictoire ?

Cela m'amène à la question de la mobilisation de la ressource humaine : une filière sans avenir a du mal à mobiliser des jeunes.

Un certain nombre de résultats très intéressants sur la fusion nucléaire sont parus ces derniers jours. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Je crains que le prix de l'énergie électrique en 2023 ne crée une sobriété subie, avec un impact terrible sur l'agriculture, l'artisanat et l'industrie. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous pouvons avoir une pensée pour M. Bernard Bigot, qui nous avait présenté Iter lors d'une audition remarquée.

M. Daniel Salmon . - Je reviens sur la question de la crédibilité et de la sincérité de la programmation. Comment comptez-vous atteindre vos objectifs en termes de calendrier et de coûts ?

L'écart est immense avec la vitrine que devait constituer le nucléaire français grâce à l'EPR de Flamanville. Les évolutions espérées, très ambitieuses, n'ont jamais pu être constatées dans la filière industrielle nucléaire. Ne péchez-vous pas par excès d'optimisme ?

Nous savons que les cuves de l'EPR de Taishan posent des problèmes d'hydraulique. Cette question est-elle réglée ? L'EPR disposera-t-il de cuves de même type ? M. Doroszczuk a dit qu'on était plutôt là sur un prototype, une tête de série. Cela aussi doit être pris en compte dans le calendrier.

Sur la filière aval, qu'en est-il des saturations des piscines de La Hague à l'échéance de 2030, qui risquent de poser de sérieux problèmes de gestion des combustibles usés ?

Mme Amel Gacquerre . - Le coût de 3,3 milliards d'euros à 13 milliards d'euros pour le projet de Flamanville interroge. La production en série pour les 6 EPR2 annoncés est souvent évoquée pour rassurer sur une meilleure maîtrise des coûts à l'avenir. On parle notamment de 50 milliards d'euros pour trois nouvelles paires de réacteurs. Quelles seront les modalités exactes de financement ?

Il est impensable de parler de relance nucléaire sans évoquer la question des déchets ni celle du démantèlement d'installations actuelles.

S'agissant des déchets, je pense qu'un réel effort de pédagogie et de transparence est nécessaire pour rassurer nos concitoyens, très préoccupés par cette question.

Le démantèlement est une vraie question. Compte tenu du vieillissement de notre parc nucléaire, 9 réacteurs sont en cours de démantèlement. Confirmez-vous le coût de 400 millions d'euros par réacteur ? Concrètement, quel plan de déconstruction est envisagé ? À quelle échéance ?

M. Fabien Gay . - Comme pour les énergies renouvelables, on a du mal à voir avec quelles filières industrielles et avec quels métiers on va développer les choses. On sait que la filière nucléaire était peu attractive, puisqu'il n'y avait aucun projet. Quels que soient les aléas politiques qui ont conduit à cette situation, recruter et former prend du temps.

Les syndicalistes disent que, à EDF, on a des compétences, mais que la mise en oeuvre est difficile. Ils comparent EDF à un gros bateau avec beaucoup de barreurs, mais peu de rameurs. Il faut recruter de nombreuses personnes, notamment des ingénieurs - il n'y a pas que chez les soudeurs qu'il y a des difficultés. J'entends beaucoup parler d'université du nucléaire, mais cela reste pour l'instant largement hors sol, avec des formations « maison ». On est loin des écoles de métiers. Il faudra un vrai plan de formation pour mettre en oeuvre ce que nous aurons décidé.

N'est-il pas problématique de programmer la fermeture de 12 à 14 réacteurs et, dans le même temps, de se lancer dans un nouveau programme nucléaire ? Pensez-vous qu'il faudra revenir sur ces fermetures dans le projet de loi dont nous allons débattre ?

Au reste, qui va payer ? Nous devons le savoir avant l'ouverture du débat, le 17 janvier ! Quel sera précisément le montage financier ? EDF ne peut pas tout payer et, dans quinze ans, être obligée de vendre ses bijoux de famille aux acteurs privés. Si EDF paie à 100 %, il ne peut plus y avoir d'Arenh 2.0, surtout dans la situation actuelle. Ce discours était ultraminoritaire lorsque je le tenais il y a trois ans, mais la situation politique a évolué, et aujourd'hui tout le monde le dit. Je m'en réjouis, mais il faut réformer.

J'ai une vision de ce que doit être le marché européen, mais nous aurons l'occasion d'en discuter en janvier prochain.

Nous devons avoir, sur cette question, des réponses précises, qui devront figurer dans le projet de loi. Il ne faudrait pas que l'on nous reproche, dans quinze ans, de ne pas avoir été prévoyants au moment de notre vote.

Mme Sylviane Noël . - On mesure, à travers votre exposé, le travail colossal qui vous attend pour tenter de sortir notre pays de la grave crise énergétique que nous rencontrons après une série de renoncements, très emblématiques du passage d'un État stratège à un État très bavard et impotent.

Vous nous parlez de 2035 pour la mise en oeuvre de ces nouveaux réacteurs. Cela m'inquiète : comment satisfaire d'ici là nos besoins énergétiques, qui ne feront que croître ? Va-t-on devoir s'habituer à des périodes de délestage et à des coûts d'électricité difficilement supportables ?

Enfin, pouvez-vous nous expliquer pourquoi notre pays n'a pas encore réussi à obtenir la décorrélation des prix de l'électricité et du gaz, comme l'Espagne et le Portugal ont réussi à le faire ?

Mme Anne-Catherine Loisier . - Monsieur Veyrenc, vous avez évoqué la disponibilité aujourd'hui, qui, avec 41,3 gigawatts, est supérieure à celle que l'on pouvait espérer. Si les trois réacteurs que vous avez évoqués sont opérationnels d'ici à Noël, et si un autre l'est au début du mois de janvier, quelle sera la capacité disponible ?

Comment appréhendez-vous notre niveau actuel de dépendance aux compétences étrangères ? Nous avons entendu, voilà quelques jours, que des ingénieurs américains étaient mobilisés sur un certain nombre de nos sites.

Dans la même ligne, pensez-vous que le maillon des sous-traitants et des industriels de l'amont soit aujourd'hui solide et capable de répondre aux enjeux ? Sinon, que préconisez-vous ?

M. Patrick Chauvet . - Si l'on a souffert d'un manque de stratégie, je suis heureux que l'on ait maintenant une démarche prospective.

Je me réjouis également que l'on ait rappelé l'existence, en France, d'une production d'origine hydroélectrique - ce n'est pas rien.

Je suis surpris que vous n'ayez pas évoqué les nouvelles technologies, notamment le projet Iter, quand les États-Unis progressent sur le projet de fusion. Cela veut-il dire que vous n'y croyez pas ? Dans le cas contraire, nous serons très proches des échéances que vous évoquez, et, en cas de succès, cela changera la donne du programme.

M. Thomas Veyrenc. - Sur la disponibilité du nucléaire, nos prévisions ne sont pas construites réacteur par réacteur : nous estimons la disponibilité globale du parc, sur le fondement d'une vision probabiliste des aléas. Nos trajectoires ont été largement respectées au cours des trois derniers mois. On atteindra, je pense, une disponibilité de 41 ou 42 gigawatts au début du mois de janvier 2023. Bien sûr, je préférerais que l'on ait 55 gigawatts, comme c'était le cas naguère, mais notre adaptation à la situation actuelle - notre parc nucléaire qui produisait plus de 400 térawattheures n'en produira que 280 cette année - relève tout de même de la prouesse. Si nous atteignons 45 gigawatts en janvier, la situation sera meilleure que celle que nous projetions en septembre dernier.

Devrons-nous prévoir des délestages au cours des prochaines années ? Je ne crois pas, en tout cas, je ne l'espère pas. La France était un pays exportateur d'électricité et je pense qu'elle le redeviendra. Elle exportait beaucoup d'électricité, 80 térawattheures entre 2000 et 2010 et on pouvait encore exporter 50 ou 60 térawattheures il y a quelques années. Cette année, exceptionnellement, la France est importatrice d'électricité, mais elle ne devrait plus l'être en 2023 et devrait retrouver ensuite un solde positif.

Pour boucler notre trajectoire, il nous faut augmenter la production, notamment décarbonée, d'électricité, en actionnant plusieurs leviers : garder le parc nucléaire existant, donc ne pas fermer de réacteur ; permettre à notre parc de retrouver son niveau de production antérieur - je pense que l'on n'atteindra plus 400 térawattheures, mais une production de 350 térawattheures serait beaucoup plus confortable pour nous - ; et développer les énergies renouvelables. RTE a dit clairement dans son rapport sur Futurs énergétiques 2050 que, à l'horizon de 2030, le scénario le plus efficace du point de vue économique, des émissions de CO 2 et de la sécurité de l'approvisionnement sera celui qui combine le maintien du parc existant et le développement des énergies renouvelables, tout en faisant des efforts d'efficacité énergétique, voire de sobriété.

M. Guillaume Dureau. - Sur l'approvisionnement d'uranium, je rappelle que nous proposons de la fourniture d'uranium, mais qu'EDF décide ensuite souverainement de sa politique d'achat et il est de bonne politique de diversifier ses sources d'approvisionnement.

Orano a une politique volontaire de diversification des mines : nous avons des mines au Niger, au Canada, au Kazakhstan, nous mettons en place des pilotes en Mongolie et nous avons de projets miniers en Ouzbékistan. Cela couvre un spectre assez large de pays et de techniques. L'enjeu est de le développer l'outil industriel en France.

Sur le développement des métiers, tout ne se fait pas en un instant, mais il y a une volonté forte d'avancer dans la filière, au sein du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (Gifen), qui a constitué une université fédérant les formations dont les donneurs d'ordre et le tissu industriel ont besoin. Nous avons besoin de « cols bleus », les soudeurs en sont un exemple, mais ce n'est pas le seul métier. Nous devons faire évoluer ces métiers pour les adapter aux connaissances du XXI e siècle ; par exemple, la radioprotection ne se fait plus de la même manière qu'il y a vingt ans. Nous avons également besoin d'ingénieurs. On cite souvent les écoles d'ingénieurs, mais on forme aussi à l'université de très bons ingénieurs, qui n'en ont pas forcément le diplôme. Un master 2 peut avoir le niveau de compétences requis et nous y avons recours.

EDF a le plan Excell ; son pendant chez Orano est le plan Boost. En tant que sponsor de ce plan, j'échange très régulièrement avec le responsable du plan Excell chez EDF. Nous avons décidé ensemble de clore le plan pour passer à la phase de déploiement, qui comprend la maîtrise des projets et qui garantit que nous n'entrions pas dans une guerre de talents entre nous. Nous devons au contraire travailler dans une concertation intelligente.

Sur la saturation des piscines de La Hague, nous tâchons de résoudre ce problème avec EDF et sous l'oeil vigilant de l'ASN. C'est une menace d'engorgement pour la filière. La première piste consiste à étudier comment densifier ces piscines. La date de 2030 a été citée, la saturation peut intervenir un peu plus tard. Nous avons un peu de temps, mais nous n'ignorons pas le sujet.

Monsieur Tissot, vous me posez une question spécifique sur le site des Bois Noirs. Je n'ai pas tous les éléments de réponse. Je n'avais pas connaissance de la lame d'eau. La station de traitement mise en place avait une efficacité de 98 % et des améliorations du procédé ont été entreprises par filtration sur zéolithes dans les grands bassins, en septembre dernier. Le passage de débordement que vous évoquez semble postérieur à cette date. Je ne sais pas exactement vous répondre. Je vous communiquerai les éléments ultérieurement.

M. François Jacq. - En complément des propos de M. Guillaume Dureau sur l'approvisionnement en uranium et notre dépendance vis-à-vis de l'étranger, je souhaite rétablir quelques ordres de grandeur sur notre consommation et notre dépendance en uranium. Des dépendances vis-à-vis de l'étranger, nous en aurons toujours, il est illusoire de penser que l'on peut viser l'autarcie. L'essentiel est de cartographier et de savoir gérer ces dépendances, sur des métaux critiques, l'uranium ou autre. Sur l'approvisionnement en uranium, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) précise que, pour le parc mondial actuel, nous disposons de 135 années de stock, éventuellement 90 à 100 années si l'on accroît fortement le parc. Cela fixe l'horizon de temps du cycle et le moment auquel nous aurons besoin de réacteurs d'une autre nature, comme les protons rapides, qui permettrait une meilleure consommation de la matière et de ne plus dépendre de l'approvisionnement en uranium naturel. Cela n'exonère pas de s'en occuper dès maintenant, mais il faut savoir raison garder.

Je passe à la question des déchets. Vous avez raison, il faut faire de la pédagogie sur les déchets. Je suis étonné de ce point de fixation dans le public, alors que le traitement est extrêmement bien géré, avec beaucoup de rigueur, par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). On peut expliquer aux citoyens assez facilement que le risque lié aux déchets doit être relativisé. Il en va de même avec les questions liées à Cigéo. Ce centre a des flexibilités, des inventaires permettant de traiter les marges. Ce sujet n'est pas figé, il y aura toujours de la production de déchets, mais le fait d'avoir prouvé une faisabilité, d'en avoir évalué la sûreté nous met sur la voie du traitement des déchets. Ce point ne m'inquiète pas outre mesure.

Sur les formations, un chercheur, c'est cinq ans de formation : la thèse et le post-doctorat. Donc, ne rêvons pas : il ne sera pas évident de faire des milliers de recrutements. En revanche, le fait d'avoir une perspective, de l'innovation nous permet d'attirer les jeunes.

J'en viens aux annonces du DOE de mardi dernier. Il s'agit de fusion par confinement inertiel. Ce sont des lasers ; rien à voir avec la voie d'Iter. Le National Ignition Facility (NIF) , au Lawrence Livermore National Laboratory , correspond, plus ou moins, en France, au programme Laser Mégajoule de la direction des applications militaires : il s'agit d'une installation permettant de conduire des expériences de simulation quand on ne peut plus faire d'essais d'armes nucléaires. Le NIF a obtenu un stade dit de break even : la quantité d'énergie renvoyée par une microbille de tritium deutérium a été supérieure à l'énergie envoyée. Cela ne veut pas dire que le processus est producteur d'énergie parce que, si l'on intègre toute l'énergie consommée, tout au long de la chaîne, ce n'est pas globalement positif. Ce n'est que comparé à l'énergie qui arrive sur la sphère que la production est positive. C'est une magnifique réalisation toutefois et nous en aurons des échos du côté de la direction des applications militaires, car le projet Laser Mégajoule est tout aussi excellent et devrait produire le même genre d'effets.

Je termine avec la voie dite par confinement magnétique. Il s'agit non de faire des microcibles avec des lasers, mais d'étudier des processus ayant vocation à devenir industriels plus rapidement. Il s'agit de confinement par des aimants - on rapproche les particules - dans un tokamak. Vous me demandez quand le projet Iter, ou son successeur, produira de l'énergie de fusion. Selon moi, au cours de la deuxième moitié de ce siècle, au plus tôt. M. Bernard Bigot était plus optimiste, j'ai une pensée émue pour lui, mais, pour ma part, je pense que ce sera à la fin du siècle.

M. Bernard Doroszczuk. - Monsieur Salmon, nous avons demandé à EDF de tenir compte, pour l'EPR2, du retour d'expérience de l'EPR de Taishan sur le combustible et l'hydraulique dans la cuve.

Sur la saturation des piscines d'entreposage de La Hague, tout passera par l'anticipation, c'est le mot clef. Ce phénomène était anticipé depuis plus de dix ans. La nécessité de prévoir un projet complémentaire développé par EDF, avec une piscine centralisée, était prescrite par voie réglementaire. Les échéances n'ont pas été respectées. Aujourd'hui, le projet connaît des difficultés et il ne sera pas disponible avant 2034, alors que les piscines seront saturées avant 2030, peut-être en 2029. Il faudra donc gérer la période 2029-2034. Nous travaillons donc sur les demandes d'Orano pour pouvoir densifier les piscines actuelles, afin de trouver une parade. Cela illustre parfaitement l'enjeu de l'anticipation.

Monsieur Montaugé, j'évoquais le risque d'avoir la prolongation des réacteurs actuels comme variable d'ajustement ; c'est, là encore, un défaut d'anticipation. Nous devons absolument programmer rapidement les opérations de toute nature requises pour passer la période 2022-2035 - l'augmentation des besoins en énergie électrique sans projet nucléaire nouveau - et la période au-delà de 2035, notamment l'effet falaise : les réacteurs actuels s'arrêteront bien un jour et 75 % d'entre eux ont été construits sur une période de dix ans. Aussi, sur une période de dix ans, ces 75 % s'arrêteront.

M. Franck Montaugé . - Sommes-nous certains de la disponibilité des EPR2 en 2035 ou 2037 ?

M. Bernard Doroszczuk. - On n'est sûr de rien. On n'a rien démontré à ce stade, mais je ne dis pas non plus qu'il est impossible de poursuivre l'exploitation des réacteurs actuels au-delà de cinquante ou soixante ans. Pour l'instant, nous nous sommes limités à autoriser une exploitation jusqu'à l'échéance de cinquante ans, car c'était ce qui nous était demandé. Toutefois, pour se projeter au-delà, il faut s'en préoccuper maintenant, car la hauteur de la marche est considérable. Il faut avoir une vision planifiée, qui n'inclut pas que le nucléaire, mais qui intègre aussi le renouvelable, l'efficacité énergétique, etc. C'est indispensable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Personne ne coordonne tout cela ?

M. Bernard Doroszczuk . - Monsieur Michau, vous soulevez la question des réacteurs souffrant de corrosion sous contrainte. La corrosion sous contrainte est un sujet sérieux, mais traité très sérieusement par EDF. Les décisions prises au premier semestre 2022 ont été lourdes de conséquences sur la disponibilité du parc, mais elles étaient indispensables. Il n'y avait aucun moyen de savoir où étaient les fissurations, quelle était la faille, ni la matière de les traiter. Il n'existait aucun retour d'expérience international permettant de faire autrement. Nous disposons maintenant d'une analyse étayée, sur le fondement de laquelle nous avons accepté la priorisation proposée. La priorité porte sur 16 réacteurs et certains d'entre eux ont déjà été mis à l'arrêt et réparés. Ce problème n'explique donc pas toute l'indisponibilité des réacteurs. Ces 16 réacteurs - les 4 réacteurs N4 et les 12 réacteurs du palier P'4 - doivent être réparés par EDF à l'occasion des arrêts programmés d'ici à fin 2023. Telle est la stratégie d'EDF.

Monsieur Tissot, je confirme les propos de François Jacq : on n'évitera jamais les déchets. Je confirme aussi que nous n'avons pas à rougir de notre gestion des déchets, nous ne souffrons pas de la comparaison avec le reste du monde. Nous nous attirons plutôt les louanges de l'AIEA sur notre gestion des déchets. Pour le projet Cigéo, nous sommes parmi les pays du monde les plus avancés pour trouver une solution à ce problème.

Cela illustre bien le fait que, dans vos discussions, vous devez avoir une approche systémique : nous sommes face à un système, on ne peut pas séparer la production électronucléaire de l'aval ni de l'amont du cycle, ni non plus de la gestion des déchets. C'est l'ensemble du système qui doit faire l'objet d'une vision intégrée et d'une programmation.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Personne n'en est chargé, c'est terrifiant...

M. Luc Rémont. - Sur le risque que les EPR 2 ne soient pas prêts à temps et que le parc actuel soit la variable d'ajustement, je vais répéter les propos du président Doroszczuk : nous devons aborder la prolongation de la durée de vie du parc avec un prisme industriel et une vision de la sûreté. Nous apprenons énormément en travaillant sur la corrosion sous contrainte, un phénomène inattendu, en examinant l'état des tuyauteries et des soudures. Nous aborderons donc les visites décennales suivantes forts de ces leçons. L'objectif est de convaincre d'abord nous-mêmes puis l'ASN de la possibilité de prolonger au-delà de cinquante ans l'exploitation des réacteurs existants, car c'est l'intérêt du pays. Je ne vois pas, à ce stade, de raison de ne pas pouvoir aller au-delà de cinquante ans, comme les Américains l'ont fait sur des réacteurs de conception proche, à condition d'étudier cela de façon systémique.

Néanmoins, il est indispensable d'aller le plus vite possible sur la construction d'un parc neuf, parce que la consommation électrique augmente et parce que, quand notre parc nucléaire n'est pas en mesure de produire au maximum de ses capacités, la stabilité de l'ensemble de notre production électrique ne suffit pas à assurer notre autosuffisance, ce qui nous contraint à importer.

Le législateur a-t-il une place dans la définition du montage financier ? Soyons clairs, à la fin, il n'y a que deux personnes qui peuvent payer : le client - ou usager, selon la terminologie que l'on choisit - et le contribuable.

M. Jean-Claude Tissot . - Ce sont les mêmes !

M. Luc Rémont . - Non : le client veut des mégwattheures en échange, il paie pour un service. Le contribuable vous délègue la faculté de décider à sa place l'usage des sommes collectées. EDF vend un service à ses clients et elle souhaite vendre un service au prix correspondant aux coûts engagés sur la durée, ce qui doit inclure les coûts complets du cycle et du renouvellement. Peut-elle le faire dans l'état actuel du droit ? Non.

M. Fabien Gay . - Alors, il faut le dire !

M. Luc Rémont. - Mais je le dis. C'est un des sujets sur lesquels nous devons travailler. J'ai commencé à le faire, mais je ne suis là que depuis trois semaines, il me faut encore un peu de temps pour faire évoluer les règles de marché dans cette voie, de concert avec les autorités gouvernementales et communautaires.

Du reste, cela peut ne pas suffire. Il y a d'autres industries énergétiques qui ne trouvent pas leur financement complet au travers de leurs ventes ; ils recourent donc au soutien public, comme les énergies renouvelables, mais également les centrales à gaz. Le fait d'avoir un modèle économique qui soit le plus proche possible du coût complet peut ne pas suffire dans le dispositif de financement, auquel cas, il faudra définir un dispositif qui permette de le compléter, par des garanties ou par des financements publics, comme cela existe dans d'autres pays.

Nous avons d'ailleurs récemment conclu un accord sur le projet Sizewell, avec un dispositif de financement accompagné par les autorités britanniques. C'est l'ensemble de ce dispositif qu'il nous faudra élaborer, mais il nous reste un peu de temps puisque nous sommes à plus d'une année de la décision finale d'investissement.

Quelles réformes de marché faut-il prévoir ? Le marché d'aujourd'hui a des qualités : il permet notamment l'équilibre de court terme. Mais il a aussi des défauts, mis en lumière par la situation de crise énergétique à l'échelle européenne. Tout d'abord, le couplage gaz-électricité induit une hyper volatilité des prix de l'électricité. Ensuite, dans la mesure où le marché est orienté vers le court terme, il ne donne pas de signal d'investissement et il ne permet pas d'établir un équilibre de long terme entre des producteurs et des clients finaux. Il revient aux autorités gouvernementales de définir les règles de marché à l'échelle communautaire - je sais que le gouvernement français y travaille très activement. Il faudrait, selon moi, mettre davantage l'accent sur la faculté de conclure des contrats de long terme à la place d'une régulation qui oblige l'exploitant nucléaire à vendre sa production à un prix fixé de façon administrative. C'est sur cet axe-là qu'il faudrait, à mon sens, forger les futures règles de marché.

Je ne reviens pas sur Cigéo, largement évoqué par François Jacq, ni sur le risque géopolitique puisque Guillaume Dureau vous a répondu. J'ajoute simplement que la stratégie d'approvisionnement d'EDF repose très fortement sur une collaboration étroite avec Orano, mais pas uniquement. Nous avons aussi une stratégie de contrats de long terme et de sources diversifiées d'approvisionnement afin de limiter nos risques, comme le ferait n'importe quel industriel.

M. Michau m'a demandé combien de réacteurs seraient à l'arrêt début 2023. Aujourd'hui, quinze réacteurs sont en arrêt pour travaux, dont huit en arrêt programmé au titre des visites décennales et des visites périodiques. Six réacteurs sont encore en travaux dans le cadre de la corrosion sous contrainte. Ces travaux vont se poursuivre dans les semaines et les mois qui viennent, même si nous essayons de faire le plus vite possible. Par ailleurs, le réacteur de Flamanville 1 fait encore l'objet de contrôles dans le cadre de la corrosion sous contrainte. En janvier, la vie du parc va continuer : un certain nombre de réacteurs vont être rattrapés par les besoins qu'il s'agisse de rechargement de combustible, de visites périodiques, de visites décennales, etc. Je ne suis donc pas en train de vous dire que nous allons raccorder tous les réacteurs au fur et à mesure. L'objectif est simplement d'atteindre en janvier une disponibilité de 45 gigawatts.

Vous m'avez questionné sur la sobriété. Le prix de l'électricité est certes un élément déterminant pour les clients, mais tous, selon leur catégorie, n'ont pas la même réaction face à l'augmentation des prix. Pour autant, les particuliers ont suivi de façon assez remarquable les différents appels à la sobriété qui ont été lancés. Ils ont ainsi massivement contribué au fait que nous soyons aujourd'hui en situation d'équilibre. S'agissant des entreprises, je suis extrêmement sensible - je l'avais déjà précisé lors de mon audition - à l'impact qu'ont les prix sur certaines d'entre elles. Nous avons exécuté le plus vite possible les dispositions décidées par le Gouvernement pour mettre en place des amortisseurs sur les prix. Quoi qu'il en soit, la logique de sobriété devra être respectée tout l'hiver même si nous sommes en train de discuter de règles de marché pour calmer la volatilité des prix.

Pour ce qui concerne EDF, si nous étions autorisés à conclure avec la plupart de nos clients des contrats de long terme compatibles avec le coût complet du renouvellement de notre parc, nous serions très en dessous des prix du marché actuel. Mais il faudrait que les règles de marché nous le permettent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

En réponse à M. Salmon, je reprends à mon compte les propos de M. Bernard Doroszczuk sur les conclusions tirées de Taishan. J'ajoute que pour la partie combustible et assemblage, nous en avons tiré les conséquences dès Flamanville 3. Pour l'EPR2, cela se fera directement sur le circuit hydraulique.

En ce qui concerne l'aval et la saturation des piscines de La Hague, je souscris à la réponse de M. Guillaume Dureau. Nous travaillons main dans la main avec l'ASN et Orano pour trouver une solution. J'ajoute que je me suis rendu dès ma prise de fonction auprès des élus de la Manche pour discuter avec eux de ce sujet, après avoir visité Flamanville 3.

Mme Gacquerre a soulevé la question des modalités de financement. Il va falloir me laisser encore un peu de temps, mais je prends l'engagement de revenir devant vous dès qu'un dispositif sera complètement instruit. Sur la gestion des déchets, je partage les propos de mes collègues : il s'agit effectivement d'un élément clé de l'ensemble du cycle. L'économie du futur du nucléaire devra absolument intégrer l'aval du cycle. En ce qui concerne les démantèlements, neuf réacteurs sont en cours de démantèlement. Je ne peux pas vous confirmer le chiffre que vous citez de 400 millions d'euros par réacteur, car EDF révise régulièrement ses coûts. Nous commençons à démanteler les premiers réacteurs à eau pressurisée. Nous pouvons aussi tirer les leçons de ces premiers démantèlements pour optimiser les procédures et amener l'exercice au bon niveau de maîtrise industrielle.

J'espère avoir répondu à la question de savoir qui allait payer, posée par M. Gay. L'attractivité de la filière nucléaire est un sujet absolument essentiel. Pour m'être beaucoup déplacé sur le terrain, je ne suis pas inquiet en termes de qualité des compétences. Nous avons en revanche un problème de quantité, car la filière n'a pas construit depuis longtemps de façon industrielle. Notre pays s'est également un petit peu contracté sur les métiers techniques en général. Par ailleurs, nous allons avoir besoin de beaucoup de main-d'oeuvre. C'est le cas temporairement aujourd'hui à cause de la corrosion sous contrainte, mais ce sera aussi le cas demain où nous devrons cumuler à la fois la construction neuve et les travaux de maintenance du parc, qui sont aussi compliqués à mettre en oeuvre que la construction neuve. Nos besoins vont donc croître massivement, même par rapport à ce que nous avons connu lors de la construction neuve du premier parc. L'effet démographique se fera sentir sur tous les métiers techniques lesquels sont tous d'égale importance. Voilà ce qui nous attend pour les deux prochaines décennies. Nous le prenons comme un plan industriel, nous allons continuer à engager des initiatives. L'école des métiers, par exemple, que certains ont évoquée, est un concept dans lequel je crois.

Enfin, nous sommes un grand pays, mais notre population n'est pas non plus infinie. Lorsqu'EDF continue de faire des projets à l'étranger, c'est aussi pour étendre notre bassin d'emplois, notamment au moment des pics. Nous n'allons pas avoir affaire à un plateau uniforme pendant vingt ans et nous aurons besoin, sur des périodes limitées, à toutes les compétences possibles.

Mme Noël m'a demandé comment remplir les besoins énergétiques d'ici à l'arrivée des nouveaux réacteurs. Nous avons d'autres investissements que le nucléaire, comme l'a précisé Thomas Veyrenc. Peu importe de savoir quel sera modèle le plus exact à vingt ans, car si l'on procède ainsi on est sûr de se tromper ! Ce qui compte, c'est d'avoir une carte des possibilités, comme le propose RTE. À nous d'apprendre à naviguer au sein de cette carte en fonction de ce que nous parviendrons à faire dans toutes les technologies. Ma seule certitude à ce stade, compte tenu des besoins de décarbonation, c'est qu'il nous faut faire tout ce que nous pouvons le plus vite possible. Toutes les technologies n'ont pas le même temps. Le temps du nucléaire est le plus long, d'où l'objet de votre projet de loi qui permet de le comprimer le plus possible pour la partie autorisations et préchantiers. Nous essayons d'en faire autant pour la partie chantiers, mises en service, etc.

J'ai répondu à la question de Mme Loisier sur notre dépendance aux compétences étrangères. En ce qui concerne la qualité de la filière sous-traitance, ma réponse sur les compétences au sein d'EDF vaut pour toute la filière. Nous avons une filière de qualité, le problème porte plutôt, encore une fois, sur la quantité si nous voulons être capables de répondre aux enjeux d'avenir.

M. Chauvet a obtenu de mes collègues une réponse assez précise sur l'arrivée de nouvelles technologies. J'y crois moi-même beaucoup. Je viens d'une entreprise de technologie, il ne faut surtout pas que nous sous-estimions ce que la technologie peut continuer de nous apporter. François Jacq a parlé de stockage, de nouveaux types de réacteurs, de gestion intelligente des réseaux : ce sont autant d'éléments clés sur lesquels nous travaillons main dans la main avec le CEA.

Mme Sophie Primas , présidente . - Il me reste à vous remercier tous les cinq de cette audition certes un peu longue, mais qui méritait le temps que nous lui avons consacré.

Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher,
ministre de la transition énergétique
(Mardi 10 janvier 2023)

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques. - Madame la ministre, mes chers collègues de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, permettez-moi au préalable de vous adresser tous mes voeux pour cette nouvelle année.

Je remercie Mme la ministre chargée de la transition énergétique de nous présenter aujourd'hui le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dont l'examen a été confié à notre rapporteur Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie ».

Je remercie vivement de leur présence nos collègues Jean-François Longeot, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, avec laquelle nous conduisons conjointement cette audition, et Pascal Martin, rapporteur pour avis, qui devront toutefois quitter l'audition à 9 heures, en raison de leur propre ordre du jour.

Nous terminerons l'audition de Mme la ministre vers 9 heures 45 ; les questions seront limitées à une minute par orateur.

Madame la ministre, les dispositions du texte que le Sénat s'apprête à examiner visent avant tout la simplification normative. Or les enjeux sont bien plus nombreux, puisque la relance du nucléaire concerne la planification, le financement, la formation, la recherche, la sûreté, la sécurité, ou encore le cycle du combustible. C'est l'un des enseignements de notre table ronde sur la relance du nucléaire, tenue en décembre dernier.

Dans ces conditions, à quelle date le Gouvernement prévoit-il de lancer la construction de nouveaux réacteurs ? De plus, pourquoi le Gouvernement n'abroge-t-il pas les dispositions règlementaires, désormais obsolètes, de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs, hors ceux de Fessenheim ?

Il existe dans l'Union européenne des financements par fonds propres, par emprunt, par prix régulé ou encore par participations de consommateurs électro-intensifs : quel modèle de financement a la préférence du Gouvernement ?

Par ailleurs, la filière a conduit un effort de redressement, au travers du plan Excell d'EDF ou du plan Boost d'Orano : la formation ne devrait-elle pas être davantage soutenue par l'État ?

La relance du nucléaire n'impose-t-elle pas de revaloriser les moyens de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ?

Par ailleurs, quand l'État décidera-t-il de pérenniser les installations de retraitement-recyclage, qui arriveront à leur cinquantième année de fonctionnement au cours de la décennie 2040 ? Pourquoi ne pas avoir évalué l'impact de la construction de quatorze EPR2 - European Pressurized Reactors 2 -, et non de six, sur les installations de stockage gérées par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) ?

M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je suis heureux que nous puissions nous retrouver pour cette audition conjointe sur un sujet cher à nombre de sénateurs.

Depuis le début de l'année, nos deux commissions ont été mobilisées - chacune dans leur domaine de compétences - par l'importante séquence parlementaire consacrée à notre politique énergétique, qui a débuté avec l'examen projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, et se poursuit avec ce texte, sur lequel reviendront les rapporteurs dans leur présentation.

L'annonce de la relance de la filière nucléaire par le Président de la République rompt avec près d'une décennie d'atermoiements. L'actuel projet de loi suscite certaines frustrations. Madame la ministre, pourriez-vous préciser le calendrier prévisionnel du Gouvernement pour l'examen du projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) ? Pouvez-vous rappeler le montant des investissements prévus par le plan France Relance et le plan France 2030 pour soutenir les filières industrielles qui participeront à la construction des nouveaux réacteurs ? Enfin, quels sont précisément vos objectifs en matière de gestion des compétences et des emplois pour la filière industrielle ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présente mes meilleurs voeux pour cette année 2023, qui s'ouvre de la meilleure des manières avec l'examen de ce texte important.

Ce projet de loi vise à accélérer les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en France afin de raccourcir les délais de réalisation de ces projets et à baisser leur coût, en réduisant la capitalisation d'intérêt et la prime de risque. Pour rappel, les charges de capital peuvent représenter, pour un projet de nouveau nucléaire, plus de 50 % du coût complet de l'électricité.

Le projet de loi s'inscrit dans le contexte de l'urgence de la crise climatique, qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et l'avenir de nos enfants. Cette crise doit nous conduire à réduire drastiquement et durablement nos émissions de gaz à effet de serre (GES) pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.

Il s'inscrit également dans le contexte de la crise énergétique que connaissent notre pays et notre continent depuis l'année dernière. La guerre en Ukraine remet profondément en cause notre approvisionnement et fragilise notre économie. Ces deux crises ont la même cause : notre dépendance aux énergies fossiles, qu'il s'agisse du gaz, du charbon ou du pétrole.

C'est la raison pour laquelle l'ambition du Président de la République et de la Première ministre est de faire de la France le premier grand pays industriel à sortir de cette dépendance aux énergies fossiles. C'est impératif pour le climat, pour le pouvoir d'achat des Français, pour la capacité d'investissement de nos collectivités territoriales, pour la compétitivité de nos entreprises et pour notre indépendance énergétique, liée à l'indépendance politique.

Notre stratégie pour sortir des énergies fossiles repose, vous le savez bien, sur quatre piliers : la sobriété et l'efficacité énergétiques - la consommation a réduit de 8,5 % depuis le lancement du plan « Sobriété » en octobre 2022 -, l'augmentation drastique de notre production d'énergie décarbonée, les énergies renouvelables et la relance d'un programme nucléaire. Le Gouvernement recommande la construction d'EPR2 et la prolongation des réacteurs en exercice. D'ailleurs, nombre de nos partenaires européens - la République tchèque, la Finlande, les Pays-Bas, la Roumanie, ou encore la Suède - ont manifesté leur souhait de se doter de nouvelles capacités de production nucléaire ou de prolonger l'utilisation de leurs capacités nucléaires existantes, tout en misant sur les énergies renouvelables.

Le projet de loi introduit un cadre d'accélération du processus d'autorisations administratives pour les futurs projets nucléaires, mais ne vise pas à décider de la place de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, ni des détails d'un programme de nouveau nucléaire. Ce n'est pas un texte de programmation énergétique. Ces aspects seront traités d'abord lors de la grande concertation qui sera conclue, du 19 au 22 janvier 2023, par un forum des jeunesses réunissant 200 jeunes de 18 à 35 ans, et dont la Commission nationale du débat public (CNDP) restituera les travaux. Ensuite, ils feront l'objet d'une étude en vue d'un projet de loi qui sera présenté, je l'espère, au Parlement au mois de juin prochain.

Cette programmation pluriannuelle de l'énergie abordera la question de notre mix énergétique et le dimensionnement du programme nucléaire - le Président de la République a annoncé la création de quatorze EPR2, ce qui correspond aux capacités indiquées par la filière d'ici 2050. Nous avons lancé la construction de six premiers EPR2 et lancé une étude pour l'installation de huit autres.

L'accélération et la sécurisation juridique permises par ce texte tendront également à ne pas compliquer les procédures administratives pour garantir la construction des réacteurs nucléaires à horizon 2035-2037. Le texte permettra également de réduire le coût complet de l'électricité et de sécuriser juridiquement ces processus.

Notre stratégie énergétique et climatique ne repose pas sur la perte de compétitivité de notre économie ni sur la décroissance. De plus, le coût de l'énergie nucléaire produite par ce nouveau programme doit être compétitif. Aujourd'hui, le coût de sortie des énergies renouvelables est compris entre 40 et 60 euros, par exemple, pour le photovoltaïque et les éoliennes marines. Il faudrait tendre vers ce niveau de prix pour le nucléaire. Sur la partie existante, et donc déjà amortie, du nucléaire, la Cour des comptes a estimé qu'un prix de 49 euros n'était pas déraisonnable.

Le texte ne modifie ni le processus d'autorisation environnementale ni le processus d'autorisation de création, qui traitent des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations restent en place, de la même manière que les deux enquêtes publiques préalables.

Le texte ne modifie pas non plus le processus de débat public, qui se fait sous l'égide de la CNDP avant tout projet. Il n'interfère donc pas sur le déroulement du débat relatif à la construction d'une première paire de réacteurs EPR2 à Penly, qui a été lancé le 27 octobre 2022 et qui s'achèvera le 27 février 2023.

Enfin, ce cadre d'accélération ne s'applique que pour les projets de construction de réacteurs nucléaires qui produisent de l'électricité, qui sont localisés à proximité du périmètre de sites nucléaires existants, et dont la demande d'autorisation de création est déposée dans les quinze ans qui suivent la promulgation du présent projet de loi. Cela permet d'éviter la création de nouveaux sites nucléaires isolés sur le territoire et d'être compatible avec la relance de notre politique électronucléaire, sans verrouiller les orientations en matière de technologie de réacteur.

Le nucléaire demande du temps et de l'anticipation : la durée de quinze ans semble correcte pour mettre en oeuvre l'ambition, fixée par le Président de la République, de construire six réacteurs et de lancer les études pour les huit autres. Ainsi, le texte ne tend pas à cranter la technologie des réacteurs, bien que le Gouvernement souhaite recourir à la technologie EPR2, qui est actuellement disponible.

Une fois ces précisions apportées, je tiens à vous exposer le contenu du projet de loi.

Tout d'abord, ce texte rend possible la mise en compatibilité des documents locaux d'urbanisme, car les procédures actuelles sont incompatibles avec la complexité d'un projet de réacteur électronucléaire, et leur nécessaire mise à jour conduirait à augmenter de plusieurs années la durée de construction. Il vise également à réduire le risque juridique des projets.

Ce projet de loi a ensuite pour objet de garantir le contrôle de la conformité au respect des règles d'urbanisme, tout en dispensant de permis de construire les installations et les travaux portant sur la création d'un réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation. Cela permet de limiter les contentieux sur la forme, tout en laissant possible celui sur le fond.

À compter de l'obtention de la première autorisation environnementale, le texte garantit également l'instruction de l'autorisation de création et, en parallèle, les activités relatives aux constructions, aménagements, installations et travaux préalables liés aux projets de réacteurs nucléaires. Ces activités recouvrent, par exemple, les travaux de terrassement ou de construction des bureaux, clôtures et parkings nécessaires au chantier. Les activités liées à la spécificité du nucléaire - la construction de bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires, par exemple - ne débuteront que si elles ont obtenu l'autorisation de création.

Sans rentrer dans le détail de toutes les dispositions de ce projet de loi très technique, j'indique que certaines d'entre elles tendent à modifier la loi Littoral, à l'instar des mesures propres au projet de construction de la première paire d'EPR2 à Penly et de la deuxième paire à Gravelines.

Le texte contient également des mesures d'expropriation pour les projets de réacteurs électronucléaires reconnus d'utilité publique, à l'instar des dispositions prises pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.

Ce texte rassemble, dans différents articles, la gestion des autorisations nécessaires à la réalisation du projet dans les mains du Gouvernement afin d'en renforcer le pilotage. L'octroi de ces autorisations par décret sécurise juridiquement le projet ; les contentieux sont gérés directement par le Conseil d'État en premier et en dernier ressort.

De manière plus subsidiaire, ce texte vise à sécuriser certaines procédures administratives relatives à la prolongation des réacteurs nucléaires existants, et clarifie la procédure de réexamen périodique des réacteurs électronucléaires, qui a lieu tous les dix ans.

Nos réacteurs nucléaires ont été construits pour quarante ans, nous avons décidé de les prolonger jusqu'à cinquante ans. Si nous souhaitons les prolonger de nouveau - l'échéance arrivera en 2035 -, ils devront passer une visite exigeante, pour garantir toute la sécurité. Sur le décret de l'actuelle PPE, vous aurez l'occasion de l'ajuster dans quelques mois. Il n'y a pas de difficulté sur le chemin critique de ces décisions.

Enfin, le texte vise à ratifier l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire et à corriger certaines incohérences sur la caractérisation d'un arrêt définitif de réacteur, au regard du retour d'expérience de certains arrêts longs résultants de difficultés techniques, comme à Flamanville.

Sur la date de lancement de nouveaux réacteurs, la décision appartient au Parlement, qui se prononcera lors de l'examen du projet de la loi sur l'énergie et le climat à l'été prochain, mais le Gouvernement a déjà anticipé la modernisation des procédures administratives d'installation de réacteurs nucléaires. Le programme des fermetures prévues par la PPE sera également revu à cette occasion. Je serai très claire : le Gouvernement se donne les moyens de prolonger les réacteurs nucléaires le plus longtemps possible.

Sur la question du mode de financement, nous n'avons pas encore arbitré celui que nous choisirons. L'enjeu sera celui de la régulation, dans le cadre du fonctionnement du marché de l'électricité européen.

Au sujet de la formation, le Gouvernement accompagne l'effort de la filière nucléaire qui a signé, en 2019, un contrat stratégique qui était doté d'un volet formation important, par ailleurs accompagné par les plans France Relance et France 2030. D'ailleurs, le Gouvernement a validé un projet de 40 millions d'euros de soutien aux formations nucléaires, afin de venir en appui aux projets menés à Penly et Gravelines.

Par ailleurs, les décisions relatives à la pérennisation des installations de recyclage seront abordées lors du prochain comité de politique nucléaire, qui se tiendra au début du mois de février prochain.

Enfin, le plan France Relance consacre 470 millions d'euros à la mise à niveau de la filière nucléaire, notamment sur la digitalisation des entreprises de la sous-traitance, et le plan France 2030 attribue 2 milliards d'euros à l'innovation, à la recherche et au développement (R&D) et à la réindustrialisation, pour des projets relatifs aux Small Modular Reactors (SMR) et aux enjeux du combustible.

M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires économiques. - Je salue la présence du rapporteur pour avis Pascal Martin avec qui je conduis actuellement mes travaux préalables.

Les auditions que j'ai menées ont permis d'entendre cents personnalités à l'occasion de cinquante auditions. Je retiens de ces échanges un large consensus sur l'objet du texte, qui permettrait des gains de temps substantiels, mais aussi des critiques sur la méthode utilisée par le Gouvernement, qui légifère dans le désordre. Il aurait en effet fallu soumettre à l'examen parlementaire la loi de programmation de l'énergie, puis celle sur le nucléaire, et enfin celle sur le renouvelable. Dans cet ordre. De plus, le Gouvernement légifère sans cesse : nous en sommes au troisième texte énergétique depuis juillet, avec les lois sur le pouvoir d'achat, le renouvelable et le nucléaire. Le Gouvernement légifère dans la précipitation, omettant la tenue d'un débat public en cours. Enfin, il légifère sur la simplification, sans répondre aux autres enjeux soulevés par la Présidente.

Face à ces difficultés, je souhaiterais votre éclairage sur plusieurs points.

En ce qui concerne l'article 1 er , le champ de la relance du nucléaire ne pourrait-il pas être étendu ? Les professionnels nous ont indiqué que le délai de quinze ans était un peu juste pour réaliser le programme complet de quatorze EPR2. Par ailleurs, ne pourrait-on pas prévoir une plus grande neutralité technologique du texte, qui semble focalisé sur les EPR2, au détriment des SMR, des électrolyseurs d'hydrogène ou des réacteurs de quatrième génération ?

S'agissant des articles 2 et 3, entendez-vous consolider une forme de pilotage interne spécifique aux procédures d'urbanisme, pour mieux coordonner l'ensemble ? Prévoyez-vous d'augmenter les moyens ou les effectifs des administrations concernées, afin de garantir que les délais d'instruction ne soient pas un frein à la relance du nucléaire ?

Sur l'article 4, pourrions-nous préciser la définition actuelle des travaux - selon qu'ils puissent être anticipés ou non -, en permettant à l'ASN de donner un avis, pour prévenir tout risque relatif à la sûreté ? Par ailleurs, ne devrions-nous pas compléter les garanties prévues pour l'étude d'impact et pour l'enquête publique, qui sont lacunaires ?

Les articles 5 et 6, visant à faciliter la construction de réacteurs sur la façade maritime, dérogent à la loi « Littoral ». Si je comprends bien tout l'intérêt pour l'exploitant et les collectivités territoriales concernées de bénéficier de ces facilitateurs, pensez-vous que ce projet de loi s'attaque suffisamment à la question des risques littoraux et de la vulnérabilité face aux aléas climatiques ? Est-ce qu'il n'y aurait pas des marges de manoeuvre supplémentaires sur ce point, afin d'accélérer la production d'électricité nucléaire, tout en tirant les conséquences du changement d'époque dans lequel nous nous trouvons ?

La nécessité de libérer du foncier, prévue par la procédure d'expropriation d'extrême urgence de l'article 7, est légitime. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue les garanties, constitutionnelles, du droit de propriété. Pourquoi ne pas avoir repris les mêmes mesures que celles qui sont prévues pour le projet de l' International Thermonuclear Experimental Reactor (Iter), en matière de relogement des occupants ou d'indemnisation des commerçants ? De plus, ne pourrions-nous pas préférer une expropriation simple, à une expropriation d'extrême urgence ; pour les installations liées à l'exploitation et aux ouvrages de raccordement ?

En ce qui concerne l'article 9, relatif aux modalités de réalisation du réexamen décennal, ne devrions-nous pas maintenir le principe d'un rapport intermédiaire, quitte à ajuster son objet, de manière à prévoir un point d'étape entre l'exploitant et l'ASN ? Par ailleurs, ne faudrait-il pas clarifier les conditions dans lesquelles une modification peut être soumise à déclaration ou à autorisation, selon qu'elle soit notable ou substantielle ? Enfin, l'essentiel n'est-il pas oublié, à savoir la résilience des réacteurs au changement climatique dans la démonstration de sûreté ?

En ce qui concerne l'article 10, relatif à la mise à l'arrêt définitif des réacteurs, les délais prévus n'appellent-ils pas à être clarifiés, pour faire prévaloir le délai fixé par la puissance publique dans le décret, à celui qui est proposé par l'exploitant dans la déclaration ?

Enfin, à propos de l'article 11, quel est votre avis sur le souhait de l'ASN de déléguer davantage de pouvoirs de sanctions à sa commission ?

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Le projet de loi qui nous est soumis permettra d'accélérer les procédures d'urbanisme et d'environnement nécessaires à la construction de nouveaux réacteurs EPR2 - le gain serait évalué à plusieurs mois, si l'on prend en compte les mesures réduisant les contentieux potentiels. Quels seront les délais d'instruction des autorisations de création, sous l'égide de l'ASN, et quels seront vos objectifs précis de mise en service de vos premières paires d'EPR2 ?

Par ailleurs, les moyens humains de l'ASN vous semblent-ils adaptés au nombre des demandes d'instruction qui va augmenter sous l'effet des nouveaux projets EPR2 ?

Enfin, la notion de « proximité immédiate », inscrite à l'article 1 er du texte, pourrait être précisée, à partir du périmètre actuel des plans particuliers d'intervention (PPI). La définition retenue dans le projet de loi paraît trop imprécise et serait source de contentieux. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous comptez inscrire dans le décret en Conseil d'État, prévu à l'article 8 du texte, et qui a pour objet de définir plus précisément cette notion ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Monsieur le rapporteur Gremillet, le texte ne se focalise pas sur les EPR2 - il ne cite aucune technologie particulière -, mais concerne l'ensemble des réacteurs qui produisent de l'électricité.

Sur la question de la méthode, le Gouvernement souhaite respecter la chronologie des débats publics lancés par la CNDP, relatifs au mix énergétique et à la construction d'un nouveau programme de réacteurs. Nous anticipons le vote du Parlement sur leur construction en mettant à jour l'ensemble des procédures administratives afin de tenir les délais de construction. Gouverner, c'est prévoir ! La durée de quinze ans renvoie au délai pour déposer les autorisations et non pour construire les réacteurs.

La distinction des travaux entre ceux qui relèvent du coeur du réacteur et les autres - parkings, bureaux, etc. - pourrait être clarifiée, mais l'avis de l'ASN serait une charge supplémentaire inutile, car elle a d'autres missions que de se préoccuper de parkings... Cela retarderait et complexifierait le projet.

Les risques littoraux sont bien pris en compte dans le plan d'adaptation au changement climatique d'EDF. À très court terme, c'est la mise à niveau des réseaux de transport qui doit retenir notre attention, car les variations de température et les aléas climatiques peuvent avoir des effets importants sur les postes sources. De gros travaux ont déjà été réalisés sur les installations nucléaires, à la suite de la catastrophe de Fukushima.

J'entends votre question sur l'expropriation, et nous y apporterons une réponse.

Sur la question du rapport intermédiaire de l'article 10, il me semble que dans cinq ans, nous aurons encore trop peu de recul. Je le redis, en matière de nucléaire, c'est l'échelle du temps long qui compte. De plus, les dossiers de création tiennent bien compte, dans l'analyse de la sûreté, du sujet du changement climatique.

Sur la suggestion de l'ASN à l'article 11, la question des sanctions me semble opportune. En matière d'emplois, en 2023, il y aura six équivalents temps plein (ETP) de plus, monsieur le rapporteur Martin. Pour rappel, nous instituons une délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire. Cette dernière sera dotée de quinze collaborateurs, et s'assurera de la bonne coordination entre l'ensemble des acteurs, pour tenir les délais du programme de construction. L'enjeu est de réduire les risques administratifs pour limiter les risques pesant sur le processus industriel.

Les objectifs précis et datés de mise en service et les durées d'instruction sont de cinq ans. L'objectif, très ambitieux, est que la première coulée de béton ait lieu à la fin du quinquennat. La réalité, c'est que cela risque d'être plutôt pour la fin de l'année 2027 que pour le début. La première mise en service serait pour 2035-2037, la première date étant sans marge et supposant donc une exécution parfaite du projet.

Nous souhaitons que la notion de « proximité immédiate » soit assez large afin de ne pas devoir légiférer sur chaque cas particulier... Le décret en Conseil d'État vise à préciser le critère d'éloignement, car il est plus facile à modifier. En séance, je pourrais m'engager à retenir vos orientations pour encadrer cet élément, tout en ayant une flexibilité plus importante.

M. Daniel Salmon . - La construction de l'EPR est une longue descente aux enfers de la filière nucléaire française, mais EDF nous dit que tout va changer et que nous irons très vite... Madame la ministre, comment pouvons-nous croire ce calendrier et ces coûts qui seraient divisés par deux ? Par ailleurs, qui va payer ces nouveaux réacteurs, sachant qu'EDF est terriblement endettée ?

M. Bruno Belin . - Je serai bref et j'irai à rebours de l'intervention du rapporteur Gremillet : le délai n'est-il pas trop long, au regard de notre degré de dépendance énergétique ?

M. Jean-Pierre Moga . - Ce projet de loi facilitera la construction de nouveaux réacteurs, néanmoins, EDF connaît toujours des problèmes de ressources humaines, qui pourraient ralentir cet effort. Que comptez-vous faire pour dégager les moyens financiers nécessaires à la formation rapide des milliers de techniciens et d'ingénieurs qui lui sont indispensables, alors que de nombreux métiers de la filière sont en tension ?

M. Stéphane Demilly . - Le 5 décembre dernier, des scientifiques californiens ont atteint l'ignition, le seuil à compter duquel la fusion nucléaire crée plus d'énergie qu'elle n'en consomme. Est-il prématuré d'envisager cette solution ? Son développement ne risque-t-il pas de se télescoper avec le calendrier d'implantation des centrales classiques ?

M. Franck Montaugé . - Concernant la PPE, l'hypothèse la plus favorable au nucléaire avancée par Réseau de transport d''électricité (RTE) prévoit une puissance installée de 51 gigawatts (GW), dont 24 GW issus du parc nucléaire historique. Or vous avez indiqué vouloir fermer douze réacteurs.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Non, monsieur Montaugé, je n'ai pas dit cela.

M. Franck Montaugé . - Nous nous dirigeons donc, dans cette hypothèse, vers une diminution de 10 % de la puissance installée. Quelle est votre position à ce sujet ?

Qu'en est-il des négociations avec nos partenaires européens sur la structure des marchés européens de l'énergie et de l'électricité ? Quelles sont vos hypothèses en matière de tarification pour sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Vous me demandez comment diviser le coût des nouvelles centrales par deux. Nous proposons avant tout de tenir les coûts, en évitant les dérapages dans le temps et en profitant des effets de standardisation qui opèrent dans toute l'industrie.

Je vous rappelle, en outre, qu'il s'agit d'investissements. Les réacteurs que nous allons construire ont vocation à produire de l'électricité de manière suffisamment compétitive pour rapporter de l'argent et couvrir leurs coûts. L'enjeu de ce sujet concerne avant tout la structuration du financement. Si nous proposons des contrats à 100 euros le mégawattheure (MWh), les entreprises s'en saisiront car cet investissement répond à une demande d'électricité.

La question de la régulation introduit toutefois un élément de complexité : selon la vision de la Commission européenne, les infrastructures doivent être accessibles à des concurrents et nous ne pouvons donc pas disposer d'une seule entité assurant à la fois la production et la distribution. Ce point pose question. Nous pouvons entendre la nécessité de la concurrence, mais nous sommes attachés à confier à EDF les moyens de bénéficier de la meilleure performance industrielle, et donc de la meilleure capacité à piloter les différents moyens de production, sans être contraint de les mettre à disposition de concurrents.

Le délai de quinze ans est le maximum prévu dans la loi au dépôt du dossier. Si nous pouvons faire mieux, nous ferons mieux ! Reste que, selon EDF, la durée individuelle de construction d'un réacteur est bien celle-ci. S'il est possible de la compresser, nous accompagnerons bien sûr le mouvement. Pour autant, attention à ne pas commencer la mise en oeuvre avant d'avoir terminé le design. C'est là un des péchés originels de Flamanville, et cela induit des risques de dérive et de hiatus qui peuvent provoquer des dérapages. Il convient donc de ne pas confondre vitesse et précipitation. Les nouvelles technologies permettront-elles d'accélérer le processus ? C'est une question qu'il faut poser à la filière elle-même et qui relèvera de la compétence du délégué interministériel au nouveau nucléaire, M. Joël Barre.

Pour ce qui concerne les ressources humaines, depuis 2020, 200 millions d'euros ont été consacrés à la formation dans toute la filière. Le programme nucléaire recouvre 10 % des capacités de formation d'ingénieurs, alors même que la demande de compétences de ce niveau concerne tous les secteurs. Notre ambition est donc forte, avec deux enjeux : disposer de l'appareil de formation et attirer les talents. Nous constatons d'ailleurs une surdemande dans les sections d'ingénieurs, mais ce n'est pas encore le cas s'agissant des techniciens et des opérateurs. Nous y travaillons : c'est un des axes du contrat stratégique de filière de 2019.

Vous évoquez la fusion ; c'est en effet une très bonne nouvelle, mais il s'agit d'un résultat obtenu en laboratoire. Le passage à l'industrie peut prendre de très nombreuses années, comme le démontre le projet de l'Iter (réacteur thermonucléaire expérimental international) qui devrait aboutir à une application industrielle à la fin du XXI e siècle.

Monsieur le sénateur Montaugé, vous m'interrogez sur une baisse de la puissance installée. Les réacteurs actuels ont été prévus pour fonctionner durant quarante ans ; certains réacteurs ont maintenant atteint cinquante ans, et ils ont tous passé cette étape avec succès. C'est une bonne nouvelle. Lorsqu'ils atteindront soixante ans, l'ASN décidera de manière entièrement indépendante s'ils peuvent continuer à fonctionner. Notre travail consiste à préparer son inspection de manière à ce que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions. Nous devons donc préserver le capital installé, assurer de bonnes conditions de maintenance et éviter les dérives en termes d'usure sur les pièces essentielles. Le problème de « corrosion sous contrainte » des tuyaux est ennuyeux, mais il se règle par un remplacement de la pièce concernée ; en revanche, si un problème touchait une cuve nucléaire, c'est toute l'installation qui serait en cause. Notre objectif est donc que les pièces critiques, non remplaçables, passent le cap des soixante ans. Pour autant, cela ne relève pas de la décision politique. La volonté politique est de faire durer le plus possible le parc installé, dans les limites des exigences de la physique.

M. Franck Montaugé . - Il y a bien de la place pour la politique : on fait le choix ou on ne le fait pas !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Nous ferons le maximum pour que nos centrales nucléaires soient prolongées, mais si une fissure devait être détectée sur une cuve, la physique s'imposerait à la politique ! Mécaniquement, le fait que l'on n'ait pas lancé de nouvelle construction en 2000 emporte une diminution proportionnelle du poids du nucléaire dans notre mix énergétique, c'est mathématique.

M. Franck Montaugé . - On aurait aussi pu le faire en 2017 !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Cela n'aurait rien changé ou assez peu.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Quels sont les gains attendus avec ce projet de loi ? Ce délai de quinze ans est soumis à interrogation, il nous semble qu'il doit être objectivé. En 2023, avec la PPE et la stratégie française pour l'énergie et le climat, nous y verrons plus clair.

M. Éric Gold . - Beaucoup de centrales nucléaires sont exploitées à proximité des fleuves, ce qui permet de garantir leur refroidissement. Or les sécheresses successives de ces dernières années ont impacté les débits de nos fleuves et les températures de l'eau ayant servi au refroidissement menacent la biodiversité en aval. Comment envisagez-vous de résoudre ces problèmes ? Comment refroidir les centrales quand l'eau vient à manquer, sans menacer les autres usages ?

Mme Martine Filleul . - Je salue la décision de maintenir en fonction la centrale de Gravelines et de lui ajouter deux nouveaux réacteurs, mais je m'interroge sur les déchets radioactifs qui constituent la question majeure qui se pose aux yeux des citoyens. Comptez-vous disséminer les sites destinés à leur gestion, comme les sites de production, ou les rassembler dans un site de stockage ? Ce texte est, certes, technique, mais il débouche aussi sur ce type de questions importantes relatives à la sécurité.

Mme Angèle Préville . - Une centrale a besoin d'eau ; qu'en est-il des sécheresses, alors qu'en Occitanie, par exemple, la pluviométrie a déjà baissé de 20 % ? Il s'agit d'un élément important, car cela pourrait mettre une centrale à l'arrêt, si l'eau venait à manquer ou si sa température était trop élevée, comme c'est le cas de la Garonne chaque été. Concernant la gestion des déchets, nous arrivons à saturation des sites de surface et le stockage à Bure n'a pas commencé. Comment peut-on envisager un tel programme alors que ces deux problématiques émergentes s'imposent ?

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Ces nouveaux réacteurs seront donc installés sur des sites existants. Ont-ils vocation à se substituer aux installations déjà présentes, ou à s'y ajouter ? Dans cette seconde hypothèse, faudra-t-il déployer de nouvelles lignes électriques ?

En outre, ces projets fonctionneront au mieux à partir de 2035 pour une soixantaine d'années. Comment prenez-vous en compte leur sûreté et leur sécurité dans le contexte des évènements extrêmes à venir, issus du changement climatique, dont nous n'avons pas encore fait l'expérience ?

M. Étienne Blanc . - Des technologies nouvelles sont développées actuellement, notamment chez Newcleo, qui utilise le plomb liquide pour le refroidissement. Cela règle, en grande partie, le problème de la production de déchets.

Qu'avez-vous prévu dans ce projet de loi pour accompagner une filière privée qui semble avancer bien plus rapidement qu'EDF sur les technologies nouvelles ?

M. Jean-Claude Anglars . - Le Sénat est favorable à une stratégie énergétique d'anticipation qui donne un cap au pays pour son indépendance énergétique et la sécurisation de sa production. Le 12 janvier 2021, le Sénat débattait du risque de blackout par manque de stratégie. Nous appelons depuis des mois à une politique énergétique sans atermoiement.

Madame la ministre, pourquoi proposez-vous une approche en silo ? Nous l'avions déjà regretté lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dans lequel l'hydroélectricité n'était pas traitée. Légiférer par secteur empêche la planification. À quoi ce projet de loi sert-il ? Quand discuterons-nous d'un projet stratégique et débattrons-nous des orientations du Gouvernement ?

Il ne faudrait pas que l'hydroélectricité connaisse le sort du nucléaire, après avoir été abandonnée par idéologie. La situation juridique de l'hydroélectricité empêche depuis trop longtemps d'investir massivement dans des solutions innovantes.

Les barrages représentent un gisement essentiel pour le mix énergétique, notamment en Aveyron. Que prévoit le Gouvernement sur la mise en concession des barrages EDF ? L'entreprise doit pouvoir enfin investir dans les technologies de stockage.

M. Ronan Dantec . - Madame la ministre, vous avez dit que des entreprises seraient intéressées par des contrats de long terme à 100 euros le mégawattheure (MWh). Or vers 2037-2040, en Europe, les pays du Nord seront exportateurs d'électricité éolienne à 60 euros le MWh et les pays du Sud de photovoltaïque entre 30 et 40 euros le MWh. Sur quel rapport de l'État vous appuyez-vous pour considérer qu'il y aura des acheteurs à 100 euros le MWh en 2040 ? Pouvez-vous nous le transmettre ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Je trouve aussi qu'un délai de construction de quinze ans est trop long, mais c'est ce qui ressort des deux audits externes demandés par le Gouvernement en 2019 et 2022. En matière d'énergie, la réalité s'impose à chacun. Comment réduire ce délai ? C'est l'enjeu de ce projet de loi qui porte sur la dimension administrative.

La question de la formation est essentielle. Depuis 2019, nous menons des actions en ce sens et accompagnons les sous-traitants pour les faire monter en compétence.

La question de l'eau est évidemment prise en compte dans les dossiers d'autorisation de construction. Ainsi, les deux premières paires de réacteurs sont construites en bordure de littoral. L'enjeu de l'eau sera déterminant dans le choix de l'implantation de nouveaux réacteurs et conduira EDF à proposer tel site plutôt que tel autre.

Actuellement, on observe une évolution sensible de la population qui soutient le nucléaire, mais s'interroge sur le traitement des déchets. C'est le principal point sensible, davantage que la sécurité. Les déchets de faible et très faible activité représentent 91 % du volume, pour moins de 0,05 % de la radioactivité totale. Les déchets les plus dangereux représentent 3 % du volume pour plus de 99 % de la radioactivité totale. La réponse est adaptée au type de déchets. Le cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGDMR) a été publié en décembre 2022. Il couvre la période 2022-2026.

Nous travaillons, avec le projet Cigéo, sur un site présentant des caractéristiques géologiques n'ayant pas évolué depuis plus de 300 000 ans, et qui est donc apte à stocker des déchets dont la radioactivité est importante, à 300 mètres de profondeur, avec un niveau de sécurité maximal. Une solution se dessine donc pour les déchets les plus radioactifs. Nous menons également un travail sur le cycle du combustible afin d'encourager le recyclage du maximum de déchets. Nous soutenons Orano pour que ces capacités soient davantage développées.

Il faudra adapter le réseau de transport, au regard du changement climatique et des nouvelles installations. Si nous allons vers une diminution de notre consommation totale d'énergie, mais une augmentation importante de notre consommation d'électricité, les réseaux de transport et de distribution devront être adaptés. En outre, la diversité de petites unités de production implantées sur le territoire change la logique de ces réseaux.

Vous m'avez interrogée sur le plomb, le sodium, les sels fondus. Rassurez-vous : via France 2030, nous sommes ouverts à toutes les technologies, y compris de rupture. Newcleo a été invité à participer à cet appel à projets. Cette ligne budgétaire est dotée de 1,2 milliard d'euros pour des projets dont la maturité est modeste, mais qui présentent un intérêt.

J'ai clairement dit à Joël Barre et à Luc Rémont qu'il fallait être très attentif aux évolutions technologiques pour être prêt à s'en saisir.

Le projet de loi sur les énergies renouvelables comporte bien des mesures relatives à l'hydroélectricité. Nous débattrons cet été d'un projet de loi sur notre stratégie énergie-climat. L'hydroélectricité fait plus que jamais partie de notre mix énergétique. Nous avons l'intention d'investir dedans.

Monsieur le sénateur Dantec, à aucun moment je n'ai dit que les entreprises seraient intéressées par des contrats à 100 euros le MWh en 2040. J'ai indiqué que, aujourd'hui, des contrats de long terme pouvaient constituer un positionnement intéressant pour les entreprises. C'est ce qu'elles nous disent ; cela ne ressort pas d'un rapport. C'est ce que nous faisons avec les Power Purchase Agreements (PPA). L'un des éléments de réforme du marché de l'électricité est de signer des contrats sur la base des coûts de production et des marges. L'électricité nucléaire est pilotable, contrairement au renouvelable, ce qui la rend attractive pour les industriels.

Enfin, madame la sénatrice Filleul, le recyclage des déchets est bien traité dans le projet de loi énergie-climat.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Merci à nos collègues de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, que nous libérons avant de poursuivre cette audition.

M. Fabien Gay . - Pourquoi ce projet de loi maintenant ? Le nucléaire, c'est du temps long. Quels financements ? Quelles filières industrielles ? Quelles formations ? Qui va payer ? Est-ce EDF ? Si c'est le cas, est-ce que ce sera toujours dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ? Quelle régulation ? Il faudrait d'abord débattre de toutes ces questions avant d'aborder un projet de loi technique. Pourquoi tant d'empressement, alors qu'il faudrait d'abord un débat politique ?

M. Bernard Buis . - Alors que le projet de loi concerne également le fonctionnement des installations existantes, où en sommes-nous de la remise en service du parc existant ?

Le président d'Orano Projets, Guillaume Dureau, a appelé à définir une stratégie d'ensemble sur l'amont et l'aval. Le président de l'ASN a déclaré qu'il serait pertinent de traiter la problématique de la prolongation du parc existant, dont les trois quarts datent des années 1980, ce qui provoquera un effet falaise en fin de vie. Cette stratégie d'ensemble sera-t-elle intégrée à la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie ?

Mme Sylviane Noël . - Madame la ministre, vous n'avez pas complètement répondu à notre collègue Jean-Claude Anglars. La crise énergétique actuelle ne devrait-elle pas conduire le Gouvernement à s'opposer très fermement à l'ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques, qui pourrait conduire à un morcellement du marché préjudiciable à la filière ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - La sûreté des centrales nucléaires est une priorité absolue. De nouvelles menaces sont apparues ces dernières années sur les infrastructures, notamment en raison de fortes tensions géopolitiques. Cet été, l'autorité britannique du nucléaire a placé les infrastructures d'EDF sur son territoire sous vigilance renforcée. Comment intégrez-vous ces nouveaux risques dans votre projet de loi ?

Mme Anne-Catherine Loisier . - Le foncier de ces nouveaux sites est-il déjà artificialisé ? Sinon, quel sera leur traitement dans le cadre de la stratégie zéro artificialisation nette (ZAN) ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Monsieur le sénateur Gay, nous avons élaboré un rétroplanning. Les dossiers administratifs doivent être adaptés dès maintenant si l'on veut livrer des réacteurs nucléaires dans quinze ans. Ce projet de loi fait gagner plusieurs années. Si l'on veut tenir l'objectif d'une première coulée de béton dans cinq ans, il doit être adopté avant la fin du premier semestre. C'est ici encore une réalité physique.

Je prends mes responsabilités en tant que ministre ; je ne fais pas courir de risque aux projets, même pour faire de la belle politique.

Vous aurez à débattre du devenir de la régulation de l'Arenh, qui se termine en 2025.

Un schéma de régulation post-Arenh doit être négocié avec la Commission européenne. La France a pris position en faveur d'un découplage des marchés du gaz et de l'électricité, afin que les consommateurs paient un prix reflétant objectivement la réalité de notre mix énergétique. La Commission européenne a formulé des propositions allant en ce sens le 19 décembre dernier.

Quand la demande en électricité augmente, il est toutefois assez logique que la centrale, dont les coûts sont les plus élevés, ne produise pas à fonds perdu ; il me semble qu'il est interdit de vendre de l'électricité à un prix inférieur au coût de production. Lorsque l'on importe de l'électricité, il est normal d'en payer le prix.

Aujourd'hui, 45 GW ont été réinjectés dans le réseau, ce qui correspond au scénario de RTE pour passer l'hiver. Quelque quarante-quatre réacteurs sont en fonctionnement ; douze sont arrêtés, contre trente-deux au mois d'août 2022 : le calendrier de remise en route des réacteurs est respecté. À cela s'ajoutent les effets du plan Sobriété : nous économisons l'équivalent de la production de sept réacteurs. Ainsi, nous ne faisons pas face à des difficultés d'approvisionnement à court terme.

Mes services finalisent actuellement la préparation d'arrêtés visant à rehausser le niveau de sécurité et de cybersécurité des installations nucléaires et des laboratoires de recherche. Le projet de loi ne modifiera cependant pas le cadre global des règles de sécurité et de sûreté applicables aux équipements nucléaires. L'ASN formule des recommandations sur la prolongation de la durée de vie des centrales, mais il revient au Gouvernement de prendre la décision finale. La stratégie amont et aval sera examinée dans la loi de programmation énergie-climat.

Je souscris à la préoccupation exprimée par Mme Loisier sur l'artificialisation des sols. Une vision globale est néanmoins nécessaire ; c'est pourquoi un projet de loi spécifique sera consacré à ce sujet. Du point de vue du ministère de la transition énergétique, il est bien entendu plus confortable d'avoir des facilités.

Mme Sophie Primas , présidente . - De notre point de vue aussi !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Nous souhaitons que les barrages hydrauliques soient exploités avec la meilleure performance industrielle et opérationnelle. Nous avons prolongé la concession de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). J'attends des propositions du PDG d'EDF à ce sujet en vue de préparer éventuellement un projet de loi et de négocier au mieux avec la Commission européenne. Nous voulons investir dans les stations de transfert d'énergie par pompage (Step) et les barrages hydrauliques. Quelque 6 milliards d'euros sont nécessaires pour augmenter de 30 % la puissance de nos barrages, à l'heure où le réchauffement climatique tend à réduire leurs capacités de production.

M. Pierre Louault . - L'énergie nucléaire a besoin de beaucoup d'eau : est-ce vraiment compatible avec la politique environnementale tendant à diminuer le niveau des nappes phréatiques et des cours d'eau ? Depuis des années, nous supprimons des barrages.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Le refroidissement des centrales ne nécessite pas beaucoup d'eau. Nos difficultés tiennent plutôt à la température des eaux rejetées par le circuit de refroidissement, supérieure de quelques dixièmes de degré à celle des eaux des rivières et des fleuves. La différence peut atteindre un degré au maximum. Nous encadrons ces rejets afin de limiter les conséquences en matière de biodiversité. Nous assurons également un suivi systématique de la faune et de la flore, notamment lorsque nous avons autorisé des dérogations.

Les centrales nucléaires consomment très peu d'eau. Pas moins de 98 % de l'eau prélevée est restituée au milieu naturel. Voilà un bel exemple d'économie circulaire.

Mme Martine Berthet . - Dans quel délai pensez-vous pouvoir réunir suffisamment de compétences humaines pour mener à bien les nouveaux projets nucléaires ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - La première coulée de béton des nouvelles installations, qui suppose des compétences en matière de génie civil, aura lieu en 2027. Une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est nécessaire : nous n'avons pas besoin de soudeurs dès la semaine prochaine, mais plutôt d'ingénieurs spécialisés dans le design.

Progressons dans la gestion courante des centrales : les audits montrent que l'on peut gagner en moyenne un mois lors des « arrêts de tranche ». La prolongation d'exploitation des centrales nucléaires représente un travail considérable, qui doit démarrer environ cinq ans avant l'échéance. À cela s'ajoute le programme relatif au nouveau nucléaire, essentiel pour respecter notre trajectoire énergétique.

À cette fin, une augmentation de 40 % des effectifs est nécessaire d'ici à 2030. Renforcer l'attractivité des métiers de soudeur, de mécanicien et d'électromécanicien est essentiel. Tel est l'enjeu de la réforme de l'enseignement professionnel : l'appareil de formation doit être le mieux adapté aux besoins. La question est récurrente : comment convaincre des jeunes ne connaissant pas ces métiers à envisager des carrières dans l'industrie, qui souffre d'une image dévalorisée ? Peu d'entreprises ont un projet de développement aussi important : cela représente un élément de mobilisation et de fierté pour les équipes d'EDF. Je compte sur la mobilisation des jeunes et des jeunes retraités pour relever ce défi.

M. Franck Menonville . - Quand l'annonce des nouveaux sites d'implantation des futures centrales aura-t-elle lieu ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Deux premiers sites ont déjà été rendus publics. Pour les autres, il convient d'examiner leur adéquation à la lumière de plusieurs facteurs : réserve foncière disponible, capacités de refroidissement des emplacements retenus, enjeux liés à la sécurité et au bassin d'emploi... EDF tient compte de ces contraintes pour nous faire part de ses propositions sur le troisième site ; sur la base de ces propositions, l'État tranchera. Au sujet des huit sites à venir, nous en sommes à peine au démarrage du scénario. Ce n'est pas une décision de cette année.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Nous vous remercions de votre participation, madame la ministre.

Examen en commission
(Mercredi 11 janvier 2023)

Réunie le mercredi 11 janvier 2023, la commission a examiné le rapport de M. Daniel Gremillet sur le projet de loi n° 100 (2021-2022) relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous avons le plaisir d'examiner le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations nucléaires, dont l'examen en séance publique est prévu les 17, 18 et 19 janvier prochain.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est très important, car il vise à mettre en oeuvre la relance du nucléaire, annoncée par le Gouvernement, lors du discours de Belfort, du 10 février 2022.

Vous connaissez l'attachement de notre commission à l'énergie nucléaire ; nos travaux législatifs en témoignent.

Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs existants au travers de la loi « Énergie-Climat » de 2019. Ce ne fut pas simple, non plus, grâce à la loi « Climat et résilience » de 2021, de conditionner toute autre fermeture à la prise en compte de ses effets sur la sûreté nucléaire, sur la sécurité d'approvisionnement et sur les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Notre commission a également démontré son attachement à l'énergie nucléaire à l'occasion de ses travaux de contrôle.

Je rappelle que la mission d'information transpartisane sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, que nous avons conduite avec mes collègues Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a plaidé en faveur de la construction de quatorze European Pressurized Reactors 2 ( EPR2) et de 4 gigawatts (GW) de Small Modular Reactors ( SMR), afin de maintenir un mix majoritairement nucléaire à l'horizon de 2050. Elle a aussi beaucoup insisté sur la résilience des réacteurs à l'égard du changement climatique et sur leur cyber-résilience.

Dans le cadre de mes travaux préalables, j'ai entendu cent personnalités au cours de quarante-cinq auditions et j'ai reçu quarante contributions. Le 14 décembre dernier, nous avons aussi organisé une table ronde et une réunion du groupe d'études « Énergie ». Cela nous a permis d'entendre l'ensemble des parties prenantes, les représentants de la filière du nucléaire, les organismes chargés de la sûreté, les associations environnementales et les collectivités territoriales, dont celles qui sont éventuellement concernées par les constructions des six premiers EPR2.

Je remercie Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, des excellentes relations de travail que nous avons su nouer. Nous avons organisé des auditions communes et nous défendrons des rédactions communes. Quelles que soient nos commissions et nos sensibilités, la voix du Sénat est unitaire sur ce sujet majeur.

Je retiens de mes auditions l'existence d'un large consensus autour de l'objectif du texte, source de gains de temps substantiels, mais aussi de critiques sur la méthode.

S'agissant de l'objectif, le texte doit accélérer de plusieurs années la construction des réacteurs, via deux canaux. D'une part, certaines procédures, comme celles qui sont relatives à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme, prévues à l'article 3, et celles qui portent sur l'anticipation de certains travaux à l'article 4, sont porteuses de gains de temps significatifs. D'autre part, des gains de temps en matière de contentieux sont également attendus. En effet, le texte réduit le nombre d'actes, compte tenu de la suppression de l'autorisation d'urbanisme à l'article 3, de l'application de la loi « Littoral » à l'article 5, ou d'une déclaration d'utilité publique à l'article 6.

Pour les actes subsistants, dont la qualification de projet d'intérêt général à l'article 2, l'autorisation environnementale à l'article 4, la concession d'utilisation du domaine public maritime à l'article 6, ou la prise de possession d'extrême urgence à l'article 7, le recours à un décret signifie que les contentieux relèveront, en premier et dernier ressorts, du Conseil d'État.

Concernant la méthode, elle me semble perfectible, à plus d'un titre.

Tout d'abord, le Gouvernement légifère dans le désordre, car il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire d'abord la loi quinquennale sur l'énergie, puis le projet de loi sur le nucléaire et, enfin, celui relatif aux énergies renouvelables.

Ensuite, le Gouvernement légifère dans la précipitation, le Sénat ayant été informé, mi-décembre, de l'examen du projet de loi sur le nucléaire prévu début janvier et de la tenue de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi sur les énergies renouvelables fixée à la fin du mois de janvier.

Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours, la Commission nationale du débat public (CNDP) ayant été chargée du débat sur l'évolution du mix énergétique, le programme du nouveau nucléaire et la construction de deux EPR2 sur le site de Penly.

Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification, éludant les questions pourtant cruciales relatives à l'actualisation de la planification énergétique, à la décision effective de construction des EPR2 - les six réacteurs annoncés comme les huit à l'étude -, et enfin aux moyens financiers et humains nécessaires, dont le devenir de la nouvelle régulation du nucléaire.

Surtout, je veux redire ici solennellement que ce texte ne doit pas faire oublier la responsabilité du Gouvernement dans le déclin de la filière nucléaire. Avant le discours de Belfort de février 2022, il a appliqué une politique d'attrition du nucléaire existant, prévoyant l'arrêt de quatorze réacteurs, dont les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, et une politique d'indécision pour le nouveau nucléaire, aucun choix n'ayant été fait lors de la révision de notre planification énergétique réalisée à l'occasion de la loi « Énergie-Climat » de 2019 et de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de 2020.

Encore à ce jour, les annonces faites lors du discours de Belfort sont insuffisantes, car elles évoquent six EPR2, dont huit à l'étude, un SMR et une prolongation de la durée de vie des réacteurs existants jusqu'à cinquante ans, là où le scénario le plus nucléarisé de Réseau de transport d'électricité (RTE), « N03 », prévoit quatorze EPR2, 4 gigawatts de SMR et une prolongation des réacteurs existants au-delà de soixante ans... De plus, ce scénario est fait d'incertitudes : pour RTE, trois autres EPR2 sont requis en l'absence de prolongation au-delà de soixante ans et neuf autres en cas de réindustrialisation.

Il est donc urgent d'agir pour relancer le nucléaire : il faut construire plus d'EPR2 et de SMR, les construire plus vite, et surtout les assortir des moyens financiers et humains nécessaires.

Dans ce contexte, j'ai souhaité compléter le projet de loi : combler les angles morts, car le texte pâtit d'un manque de vision stratégique, de neutralité technologique et de suivi démocratique ; garantir la sûreté et la sécurité des installations face aux nouveaux risques liés notamment au changement climatique et à la cybersécurité ; associer les collectivités territoriales et le public à la relance du nucléaire, en veillant à la réalisation des consultations, au contenu des études d'impact et à l'absence d'effet de bord ; renforcer la sécurité juridique des procédures, en encadrant certaines procédures dérogatoires, mais aussi en veillant à l'accélération des contentieux et en facilitant la réalisation des travaux.

Naturellement, j'ai aussi veillé à suivre les conclusions de notre mission d'information.

Pour autant, je l'indique très clairement, il faudra beaucoup plus qu'une loi de simplification, même ainsi consolidée, pour réussir la relance du nucléaire ! Notre commission ne doit donc surtout pas manquer de vigilance lors de ses prochains travaux législatifs ou de contrôle.

Mais venons-en au texte.

L'article 1 er détermine les modalités d'application des mesures de simplification prévues pour la construction des réacteurs. Il vise les réacteurs électronucléaires installés à l'intérieur ou à proximité immédiate du périmètre d'une installation nucléaire de base existante, dès lors que leur demande d'autorisation de création est déposée dans un délai de quinze ans. Je vous proposerai trois amendements pour l'ajuster.

Tout d'abord, la durée pourrait être portée à vingt ans, afin de permettre la construction de l'ensemble des EPR2. Ensuite, le champ pourrait être mieux ciblé pour exclure les centres de stockage et les accélérateurs à particules, qui n'ont pas vocation à accueillir des réacteurs, et pour prévoir la définition de la notion de « proximité immédiate » par décret en Conseil d'État, dans la limite du plan particulier d'intervention (PPI) associé au site, soit un rayon de vingt kilomètres maximum. Par ailleurs, une plus grande neutralité technologique devrait être recherchée, en intégrant pleinement, aux côtés des EPR2, les SMR et les électrolyseurs d'hydrogène. Une clause de revoyure, dans un délai de cinq ans, me semble nécessaire pour inclure, le cas échéant, d'autres technologies ou d'autres sites. Enfin, une reddition des comptes plus importante devrait être introduite, en prévoyant une évaluation annuelle de l'application des mesures de simplification. Je souhaite que la première édition de cette évaluation soit l'occasion de connaître les sites envisagés pour la construction de l'ensemble des EPR2 et que chaque édition permette de contrôler la réalisation des objectifs ainsi que de justifier les écarts, notamment en termes de délais.

L'article 2 prévoit que les réacteurs soient qualifiés de projets d'intérêt général (PIG) et qu'ils bénéficient à ce titre de plusieurs dérogations en matière d'urbanisme. En particulier, cela permettra à l'État de porter directement les modifications de documents d'urbanisme locaux nécessaires à la réalisation des réacteurs. Il vise aussi à mieux articuler les différentes procédures de participation du public.

De l'avis général, cet article est important et utile. Il est vecteur de simplification, car il fera gagner du temps, évitera des doublons de procédure et réduira le risque juridique. Il vise également à reconnaître le caractère d'intérêt général de la relance du nucléaire. Je me suis assuré qu'il respecte bien, d'une part, le principe de participation du public et, d'autre part, les compétences des collectivités. Il n'y a pas de transfert de compétences problématique, puisque l'État est déjà compétent en matière de nucléaire. Je vous présenterai deux amendements qui contribueront à mieux encadrer cet article. Il s'agit de s'assurer, d'une part, que le débat public soit bien mené à son terme avant que le projet ne soit validé et déclaré comme PIG et, d'autre part, que les collectivités puissent dialoguer avec l'État dans le cadre de la modification de leurs documents d'urbanisme, car efficace ne veut pas dire unilatéral.

L'article 3 prévoit de dispenser de permis de construire les constructions et travaux liés aux réacteurs. Ils sont déjà, à ce jour, dispensés des autres autorisations d'urbanisme. L'idée est de fusionner l'instruction d'urbanisme avec l'autorisation environnementale et l'autorisation de création.

Je suis favorable à cet article pertinent. En effet, il limite le nombre de procédures parallèles, donc le risque juridique et temporel, et, surtout, la diffusion d'informations sensibles, comme les plans des réacteurs, ce qui est un gage de sûreté. Je vous soumettrai neuf amendements qui visent, en revanche, à préciser la procédure, notamment afin de charger le ministre compétent en matière d'urbanisme de ces vérifications, pour mieux articuler l'instruction des demandes et préciser l'information du public. Je proposerai aussi d'exclure les nouveaux réacteurs du décompte « zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s'agit d'un projet d'ampleur nationale, voire européenne, qui ne doit pas peser sur les seules collectivités. Un autre sujet consiste à s'assurer que la perception de la taxe d'aménagement par les collectivités ne sera pas remise en cause par la dispense de permis de construire.

L'article 4 prévoit que l'autorisation environnementale soit délivrée par décret en Conseil d'État, au vu d'une étude d'impact portant sur l'ensemble du projet. Il permet également que les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création des réacteurs soient effectués à compter de la délivrance de l'autorisation environnementale, sous réserve de leur conformité aux règles d'urbanisme. Quant à la construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, elle ne peut être entreprise qu'après la délivrance de l'autorisation de création.

Cruciale, cette procédure doit cependant être ajustée. Je vous proposerai donc quatre amendements. Je souhaite préciser que l'anticipation des travaux intervient à la demande de l'exploitant, à ses frais et risques, et sous réserve de l'information du public de cette possibilité. J'entends également prévoir que la liste des travaux, pouvant ou non être anticipés, soit précisée par décret en Conseil d'État, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Je propose aussi de clarifier le contenu de l'étude d'impact, qui doit comprendre, outre les éléments communs à tous les projets, des compléments spécifiques aux seuls projets nucléaires. Il s'agit enfin de préciser les modalités de réalisation de l'enquête publique et de consultation de l'ASN.

L'article 5 prévoit une dérogation générale à la loi « Littoral » pour les constructions, aménagements, installations et travaux liés à la construction de réacteurs en zones littorales. Si la dérogation prévue est large, car elle concerne l'ensemble des dispositions de cette loi, son périmètre géographique d'application demeure restreint. Au-delà de la construction stricto sensu des réacteurs, l'exploitant et les collectivités territoriales concernées devront également aménager toutes les zones de chantier qui accueilleront des milliers de travailleurs pendant plusieurs années. Les élus locaux que nous avons auditionnés se soucient de ces contraintes logistiques à anticiper et plaident en faveur de cette dérogation.

Si cette dernière se justifie dans le but d'accélérer la réalisation de chantiers dont le temps industriel est particulièrement long, l'exception accordée aux ouvrages de raccordement au réseau de transport d'électricité me paraît, au contraire, trop large. Ainsi, dans la continuité du projet de loi sur les énergies renouvelables et des dispositions adoptées par le Sénat sur ce sujet, je vous proposerai un amendement visant à encadrer cette dérogation spécifique, en la soumettant notamment à l'avis préalable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS), dans un souci de préservation des sites et paysages remarquables.

L'article 6 simplifie la procédure d'octroi des concessions d'utilisation du domaine public maritime pour la construction de réacteurs, l'obtention d'une telle concession par décret en Conseil d'État valant déclaration d'utilité publique, sous réserve de la bonne tenue de l'enquête publique environnementale.

Afin d'éclairer au mieux la décision de l'État, je vous proposerai un amendement visant à préciser le contenu du cahier des charges que l'exploitant devra s'engager à respecter pour obtenir une concession. Il s'agit essentiellement de rendre compte des mesures de sûreté prises dès le stade de la conception pour limiter les risques de submersion et d'inondation, prendre en compte le recul du trait de côte et les évolutions prévisibles du climat. La construction de réacteurs en bord de mer n'est pas sans risque et nous devons tenir compte de ce changement d'époque afin d'accélérer de façon responsable la production d'énergie nucléaire dans notre pays.

L'article 7 prévoit d'appliquer la procédure d'expropriation d'extrême urgence pour la prise de possession de terrains ou d'immeubles, bâtis ou non, nécessaires à la réalisation de certains travaux. Un délai de dix ans est prévu entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.

Cette procédure, qui permet d'exproprier sans indemnisation préalable, est courante ; elle a d'ailleurs été appliquée, dans le domaine du nucléaire, au projet International Thermonuclear Experimental Reactor (Iter) et, au-delà, aux Jeux Olympiques. Pour autant, je vous proposerai un amendement pour l'ajuster. D'une part, les mêmes garanties prévues dans les cas similaires doivent être appliquées. Je pense ici à un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'État ainsi qu'aux conditions en matière notamment de relogement des habitants ou d'indemnisation des commerçants et des artisans. D'autre part, le champ du dispositif appelle à être ciblé, en excluant les équipements et installations liés à l'exploitation des réacteurs ainsi que les ouvrages de raccordement, qui interviennent dans un second temps. Enfin, le délai de dix ans me paraît pouvoir être réduit à six ans, dans un souci de protection de la propriété privée.

L'article 9 prévoit de clarifier les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs existants, notamment au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement. Pour ce faire, il cible la participation du public aux conclusions du réexamen et aux dispositions proposées par l'exploitant, supprime un rapport intermédiaire remis tous les cinq ans portant sur l'état des équipements et prévoit que les modifications puissent être réalisées après une déclaration ou une autorisation auprès de l'ASN, ou une nouvelle autorisation.

Je vous proposerai un amendement pour renforcer les exigences de sûreté. Tout d'abord, je souhaite maintenir le rapport intermédiaire sur la sûreté, en ajustant son champ, pour qu'il porte sur l'application des prescriptions de l'ASN et non sur l'état des équipements. Ensuite, j'entends clarifier les conditions de l'enquête publique, qui devra porter sur le rapport de réexamen ainsi que sur les conclusions et propositions qu'il comporte. Enfin, je propose de préciser les conditions des modifications des réacteurs, afin de spécifier qu'une nouvelle autorisation est requise, en cas de modifications substantielles, et qu'une déclaration ou une autorisation auprès de l'ASN est possible, en cas de modifications notables. Il me semble indispensable de prévoir que l'ASN définisse les travaux soumis à simple déclaration dans une liste, homologuée par le ministre chargé de la sûreté, et puisse appliquer à ces travaux des prescriptions complémentaires, en cas de besoin.

L'article 10 vise à ajuster la procédure de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base (INB) qui ont cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans. Il tend ainsi à remplacer la mise à l'arrêt automatique par le recours à un décret, pris après avis de l'ASN, et après la présentation des observations de l'exploitant.

Mon amendement vise à instaurer le recours à un décret en Conseil d'État, et à supprimer les observations de l'exploitant en cas d'urgence. De plus, il propose également de rendre nécessaire la protection des intérêts liés à la sécurité, à la salubrité et à la santé publique ou à la protection de la nature et de l'environnement. Enfin, il tend à corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui qui est prévu par la puissance publique dans le décret précité, sur celui qui est indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire.

J'en viens à l'article 11 relatif à la ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses mesures en matière nucléaire.

Sur cet article, je vous proposerai un amendement ayant pour objet d'améliorer le fonctionnement de la commission des sanctions de l'ASN, en décentralisant le pouvoir de sanction de l'autorité et en facilitant la désignation des membres de la commission. Cet amendement vise également à consolider les règles applicables aux INB pour protéger les intérêts précités, à renforcer les évaluations et les prescriptions de l'ASN en cas de menace, et à préciser les infractions pouvant être recherchées par ses inspecteurs.

Je vous proposerai sept amendements portant articles additionnels : les quatre premiers ont pour objet de réviser la planification nucléaire, en abrogeant l'objectif de réduction à 50 % de l'énergie nucléaire d'ici à 2035 et la limitation a priori des autorisations d'exploitation des installations de production d'énergie nucléaire à 63,2 GW.

La PPE devra être révisée, afin de retirer les dispositions relatives à la trajectoire de fermeture de douze réacteurs. Il faudra enfin veiller à ce que la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, prévue d'ici à juillet prochain, acte la construction de nouveaux EPR2 et SMR à l'horizon de 2050 et précise les moyens financiers et humains dédiés.

Je vous soumettrai un autre amendement pour intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, aussi bien au moment de l'autorisation de création que du réexamen décennal. Cet amendement visera également à intégrer la cyber-résilience au sein de la protection contre les actes de malveillance, dans le cadre de l'autorisation de détention du combustible.

Je présenterai également un amendement tendant à instituer une procédure de régularisation de l'instance, permettant de limiter de la portée de l'annulation mais aussi de surseoir à statuer dans les litiges liés aux nouveaux réacteurs. Un autre amendement ayant pour objet de dispenser de permis de construire les travaux d'adaptation des réacteurs existants, pourra être utile pour l'application du Grand carénage.

Conformément au vade-mecum sur la procédure de déclaration des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient à présent de définir le périmètre indicatif du projet de loi.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives :

- aux mesures relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires de base, ainsi que des constructions, aménagements, équipements, installations, travaux ou ouvrages de raccordement au réseau de transport ou de distribution d'électricité liés, et notamment à la définition de la nature et des conditions d'implantation de ces installations, aux procédures d'urbanisme, aux régimes d'autorisation d'urbanisme et à la fiscalité de l'urbanisme applicables à ces projets, à l'évolution de l'autorisation environnementale et de l'autorisation de création prévues par le code de l'environnement et aux modalités d'anticipation de certains travaux, à l'évolution de la procédure d'octroi des concessions d'utilisation du domaine public maritime prévu par le code général de la propriété des personnes publiques, à l'évolution de la procédure d'extrême urgence prévue par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'expropriation de certains immeubles ;

- aux modalités d'application des dispositions de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral à la construction de nouvelles installations nucléaires de base ;

- aux mesures relatives au fonctionnement des installations nucléaires de base existantes prévues par le code de l'environnement, dont les procédures de réexamen, de mise à l'arrêt et de démonstration de sûreté ;

- aux études d'impact environnemental, aux modalités de participation du public et aux compétences des autorités administratives, dont celles de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et des collectivités territoriales, liées aux mesures précitées relatives à la construction et au fonctionnement des installations nucléaires de base ;

- à la ratification de l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire et aux dispositions liées à son ajustement ;

- aux dispositions diverses, dont celles liées aux coordinations nécessaires à la construction d'installations nucléaires de base ou à leur fonctionnement, dans le code de l'énergie, le code de l'urbanisme, le code de l'environnement, le code de la défense ou le code de la santé publique, y compris les enjeux liés à la planification, au financement, aux compétences, aux déchets, à la recherche et au développement, à la sûreté et à la sécurité.

Nous débattons d'un sujet très technique, mais je souhaite que les travaux de notre commission renforcent l'ambition et la vision de notre politique nucléaire, c'est à cette condition que nous donnerons envie aux jeunes de suivre des formations en la matière.

Il en est ainsi décidé.

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je commencerai par évoquer un problème de méthodologie : il aurait fallu d'abord prévoir la programmation pluriannuelle de l'énergie, puis les énergies renouvelables et la relance du nucléaire. Je me félicite que nous ayons travaillé en bonne intelligence avec Daniel Gremillet, mais nous regrettons le manque de temps que nous avons pu consacrer à l'examen de ce projet de loi, qui a été déposé juste avant la trêve des confiseurs...

Je défendrai sept amendements, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement du territoire, qui a émis un avis favorable sur ce projet de loi - deux d'entre eux sont identiques à ceux de la commission des affaires économiques. Ma position est de promouvoir l'indispensable relance de la filière nucléaire.

Ce projet de loi nous permettra de gagner du temps - c'est précieux -, en réduisant notamment le risque de contentieux, qui retardent la mise en place de tels projets.

À mon sens, le premier enjeu est la montée en compétences de la filière, qui passe par le recrutement et la formation de personnels qualifiés, qui font cruellement défaut- le dernier grand chantier date de dix ans. Le second enjeu est celui de l'acceptabilité sociale de ce programme nucléaire à l'échelle nationale et à l'échelle locale. À cet égard, je m'inspire de la commune de Penly, où les élus et la population attendent beaucoup de l'implantation de l'EPR2, qui créera plus de 8 000 emplois.

La politique énergétique doit être fondée sur des lignes claires, qui garantiront la relance du nucléaire.

Je vous prie de bien vouloir m'en excuser, mais je vais devoir vous quitter pour participer à l'élection du président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).

M. Daniel Salmon . - Le nucléaire est un sujet important pour notre groupe écologiste. C'est un choix qui engage notre société pour des décennies, voire bien davantage si l'on pense aux déchets nucléaires...

Ce projet de loi pose des questions d'ordre démocratique. Nous dénonçons le caractère prématuré de ce texte, qui est présenté avant la fin des débats publics relatifs aux projets de nouveaux réacteurs, et bien avant l'examen de la future loi quinquennale de programmation énergétique. Ce calendrier est antidémocratique : les parlementaires et l'ensemble des parties prenantes sont mis devant le fait accompli !

Par ailleurs, le texte entre en contradiction avec le droit actuel, dont les dispositions visent à réduire la part du nucléaire.

Je tiens à souligner également l'inadéquation des mesures du texte avec les objectifs affichés de souveraineté énergétique, et avec l'urgence de la lutte contre les émissions de CO 2 .

Le texte est présenté sans qu'il y ait eu de retour d'expérience sur les EPR de première génération, qui ont été, vous le savez, un véritable fiasco industriel et commercial !

Sur le fond, les différentes mesures sont principalement dérogatoires au droit de l'urbanisme et de l'environnement. Elles font peser la responsabilité des difficultés de la filière uniquement sur les procédures administratives, ce qui procède d'une analyse pour le moins simpliste !

Du reste, ce projet de loi ne prend en charge qu'une partie du sujet nucléaire et n'aborde pas nombre d'enjeux majeurs induits par la relance annoncée : la production du combustible, la gestion des déchets, la formation, ou encore les besoins techniques et d'ingénierie...

Nous dénonçons la fuite en avant dans l'énergie nucléaire, dont nous connaissons, outre les risques d'accidents et de pollutions chimiques, les coûts faramineux de construction, les difficultés d'entretien, de démantèlement et une gestion des déchets sur des temps échappant à l'entendement humain.

Dans ces conditions, nos amendements visent à supprimer certains articles parce qu'ils portent atteinte de façon disproportionnée au droit à la participation du public, à la libre administration des collectivités territoriales, ainsi qu'à l'insécurité juridique créée par ces dispositions.

La notion de « proximité immédiate », inscrite à l'article 1 er , n'est fondée sur aucune borne spatiale.

L'article 2 tend à renforcer le caractère centralisé de notre système énergétique et remet en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales. Les procédures administratives en matière d'urbanisme et d'environnement ne sont pas des freins au développement du nucléaire !

La définition du champ d'application des dispositions de l'article 5, relatives à la dérogation à la loi « Littoral » - alors qu'elles sont exposées au trait de côte - pour l'installation des réacteurs, est floue, et accentue le risque d'insécurité juridique.

L'article 9, qui tend à alléger la procédure de réexamen au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement des réacteurs nucléaires, et à supprimer le rapport intermédiaire de l'exploitant à l'ASN sur l'état des installations, me semble à contre-courant...

Les compétences de l'ASN et son pouvoir décisionnaire sont de nouveau amoindris, au plus mauvais moment de la vie d'un réacteur.

L'article 10, qui vise à supprimer le caractère automatique de l'arrêt définitif d'une centrale nucléaire qui ne fonctionne plus depuis plus de deux ans, tend à privilégier la production, au détriment de la sûreté.

Par ailleurs, nous proposerons plusieurs mesures, issues de notre proposition de loi portant diverses mesures visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire, que nous avions déposée en février 2022, afin d'accroître la transparence et la communication sur l'état d'avancement des travaux, sur les coûts de la filière nucléaire, et sur la gestion des déchets.

Enfin, nous proposerons plusieurs mesures visant à limiter la dépendance énergétique de la France, notamment sur la question du recyclage et du stockage d'uranium.

M. Franck Montaugé . - L'introduction, au sein du périmètre de l'article 45 de la Constitution, de questions relatives à la PPE nous semble délicate.

Notre groupe partage, bien sûr, les remarques de nos collègues sur la chronologie de l'enchaînement de ces textes - nous avons perdu du temps ! Je maintiens que nous avons bien perdu 5 ans, depuis 2017.

Certains amendements présentés par le rapporteur nous conviennent, d'autres suscitent notre interrogation, sans être fondamentalement opposés. Nous nous abstiendrons sur ces derniers, et nous nous en expliquerons en séance publique.

M. Bernard Buis . - Ce projet de loi est indispensable pour gagner du temps sur les procédures administratives chronophages et redondantes. Il s'inscrit dans le contexte de l'urgence climatique d'une part, de la crise de souveraineté et d'approvisionnement énergétique d'autre part.

Nous avons non seulement besoin de faciliter le déploiement des énergies renouvelables, mais également de renforcer notre potentiel nucléaire, en mettant en place un nouveau programme de réacteurs nucléaires, en construisant 6 EPR2 et en étudiant 9 additionnels. Cette stratégie sera développée à l'été prochain, dans le cadre de la toute première loi de programmation énergétique.

Les dispositions figurant dans ce texte permettront de mettre en oeuvre au plus vite cette stratégie énergétique fondée sur les énergies intermittentes et nucléaires. À cet effet, le texte présente un panel de mesures simples visant à faciliter le déploiement de nouveaux réacteurs - je pense au lancement de certains travaux dès l'obtention d'une autorisation environnementale, à la participation du public aux projets de nouveaux réacteurs nucléaires - principe consacré dans la Charte de l'environnement -, à la qualification des PIG ou encore à la dispense d'autorisation d'urbanisme pour la construction des EPR2 au regard de leur complexité et de la sensibilité attachée à leur développement. Ces mesures ne remettent pas en cause les exigences de sûreté ou les procédures environnementales ; ce sont au contraire des mesures de simplification, qui sont essentielles pour mettre en place le plus rapidement possible notre nouvelle politique énergétique.

Notre groupe votera ce texte tel qu'amendé par notre rapporteur.

M. Laurent Duplomb . - Pénurie de masques, menaces de coupures d'électricité, et flambée des factures d'énergie... L'histoire se répète inlassablement !

Notre pays est en perte de vitesse - je l'ai déjà signalé dans mon rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France -, en raison de charges plus élevées, de surtranspositions de normes qui se surajoutent, et d'une suradministration démesurée ! La réglementation, trop excessive, est amplifiée par des messages anxiogènes, qu'ils soient écologistes, catastrophistes, antinucléaires ou anti-élevages...

Cet enchevêtrement administratif qui tue dans l'oeuf bon nombre de projets semble être la racine de nos maux.

En ce début d'année 2023, ce texte est une lueur d'espoir, car il permettra de construire plus vite six EPR2 en dérogeant à des règles érigées jusqu'à présent en totems environnementaux... C'est une avancée considérable - je ne peux que m'en réjouir -, qui semblait encore impossible il y a peu de temps. Pour gagner en efficacité, l'exemple du nucléaire le montre, nous devons assouplir notre système normatif.

J'espère également que nous avancerons, dans tous les domaines, vers cette même direction, en nous affranchissant de la technocratie abrutissante et des carcans administratifs inutiles, dans lesquels notre pays s'est enserré.

Napoléon enseignait que « rien n'est perdu tant qu'il reste du courage », alors, pour 2023, je vous souhaite beaucoup de courage, mes chers collègues.

M. Fabien Gay . - Sur ce sujet, un débat politique s'impose, car personne ne détient la vérité absolue, notamment sur le mix électrique.

Je rappellerai un point, sur lequel je suis en désaccord avec notre rapporteur Daniel Gremillet : sans eau - je pense à l'épisode de sécheresse que nous avons vécu cet été -, le fonctionnement des réacteurs nucléaires me semble difficile. Pour autant, je ne pense pas non plus que l'on puisse se passer du nucléaire et défendre un scénario fondé à 100 % sur les énergies renouvelables. Du reste, toute activité humaine a un impact sur la nature, c'est pourquoi il faut bien regarder les zones d'installation de tels projets...

Je le redis, il faut engager un débat sérieux, qui précède les considérations techniques. Or, nous allons d'abord légiférer sur un sujet technique, alors que nous débattrons dans quelque temps des orientations stratégiques. Mais imaginez que nous décidions dans la future PPE d'un scénario d'énergies 100 % renouvelables...

Sans être dans une opposition systématique, je pense qu'il y a beaucoup de communication sur ce projet de loi alors que, au final, la montagne accouchera d'une souris. On nous dit que des dizaines d'années vont être gagnées, mais l'horizon du nucléaire, c'est un siècle ! Du reste, le personnel d'EDF nous dit que seulement quelques semaines seront gagnées, quelques mois tout au plus.

Monsieur le rapporteur, avec le périmètre de l'article 45, allons-nous seulement débattre de dispositions très techniques ? Sur le sujet du nucléaire, je ne parle pas souveraineté énergétique - qui est capable de dire que, dans cinquante ans, nous serons encore en mesure d'importer l'uranium qui est extrait au Niger ou au Kazakhstan dans des conditions sociales et environnementales déplorables ?

Enfin, ce qui me préoccupe, ce sont les questions inhérentes à la filière industrielle, notamment sur son mode de financement : je refuse que le nucléaire, qui aurait bénéficié d'investissements publics, soit une rente pour le secteur privé !

M. Jean-Pierre Moga . - Ainsi que l'ont rappelé mes collègues, il aurait été préférable de commencer par le futur projet de loi sur l'énergie avant d'aborder ce texte. Cela nous aurait permis de ne pas examiner le texte dans l'urgence.

Notre groupe votera ce texte tel qu'il sera amendé par le rapporteur.

M. Henri Cabanel . - Je ne reviendrai pas sur la forme - je déplore également ce désordre -, mais je me concentrerai sur le fond. Ce projet de loi est enfin l'occasion pour nous de mettre en avant une véritable stratégie énergétique ! En la matière, nous avions quinze ans de retard ! Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, les partis qui ont été au pouvoir précédemment - je prends également mes responsabilités - n'ont pas eu le courage de relancer la filière nucléaire.

Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables que nous avons adopté est complémentaire au projet de loi que nous examinons aujourd'hui, car nous ne pourrons pas sortir des énergies fossiles sans une stratégie de mix énergétique qui mêle le nucléaire et les énergies renouvelables.

M. Jean-Marc Boyer . - Je rappellerai simplement quelques ordres de grandeur de la production d'électricité en France : le nucléaire produit 36 000 mégawatts (MW), le gaz 8 000 MW, l'hydraulique 7 000 MW, le solaire 6 000 MW et l'éolien, 1 000 MW.

On nous dit que le débat arrive trop tôt, mais je pense, au contraire, qu'il vient trop tard !

Si les convictions des gouvernements n'avaient pas été infléchies par des pressions écologistes, nous n'en serions pas là sur le plan de l'approvisionnement en électricité !

Cette politique de décroissance, qui vise à revenir à l'âge de la bougie, conduit les personnes les plus fragiles financièrement à accentuer leurs difficultés et à les paupériser un peu plus.

La politique nucléaire a été suspendue il y a dix ou onze ans, les nouvelles centrales de la relance actuelle seront construites dans dix ans : au total, nous avons perdu plus de vingt ans en matière d'approvisionnement en nucléaire.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Beaucoup d'entre vous ont déploré que l'ordre d'examen des textes ne provoque le désordre...

Je reviendrai sur la question du périmètre de l'article 45. Se pose un problème de coordination juridique. Nous ne pouvons pas parler de relance nucléaire alors que la législation actuelle prévoit la fermeture de centrales et la réduction de la part du nucléaire.

Ensuite, nous devons avoir une vision : les débats doivent permettre à notre jeunesse de s'investir dans ces métiers. Nous nous rendons bien compte que le fait d'annoncer un nombre d'EPR2 donne une vision aux industriels.

Pour répondre à notre collègue Fabien Gay, à l'avenir, il y aura de nouvelles technologies- les SMR, les réacteurs de quatrième génération, ou encore les électrolyseurs d'hydrogène électrolyseur à haute température (HTE). Cet élan est d'autant plus important que nous sommes dans un contexte de compétition internationale, et il faut le soutenir.

Ces technologies sont de plus en plus innovantes - le président du projet Iter nous a expliqué que l'eau de refroidissement des centrales allait ressortir plus froide qu'elle ne l'était lors de son arrivée dans le circuit des installations nucléaires. D'ailleurs, peut-être que demain les nouveaux réacteurs n'auront plus besoin d'eau...

EXAMEN DES ARTICLES

Division additionnelle avant le titre I er

L'amendement COM-19 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-20 vise à interdire l'exportation et le stockage à l'étranger de l'uranium issu du retraitement. Sans date d'entrée en vigueur, une telle interdiction aurait un effet immédiat sur les contrats applicables et les stocks constitués. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-20 n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-21 tend à obliger les exploitants publics et privés important ou exportant de l'uranium à établir un rapport annuel public. Cela n'est pas opportun, car l'exportation et l'importation d'uranium sont déjà l'objet d'autorisations et d'interdictions. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-21 n'est pas adopté.

Avant l'article 1 er

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-34 , COM-4 rectifié bis , COM-5 rectifié bis , COM-8 rectifié et COM-22 visent à modifier des dispositions du code de l'énergie. Mon amendement COM-34 prévoit trois évolutions importantes, par coordination avec le projet de loi : abroger l'objectif de réduction à 50 % de la production d'électricité nucléaire à l'horizon de 2035 ainsi que la limitation des autorisations d'exploitation des installations de production au-delà de 63,2 GW et réviser la PPE. Il permet donc une mise en cohérence juridique avec les textes de loi actuels.

Je vous propose d'adopter mon amendement COM-34 et émets un avis défavorable aux amendements COM-4 rectifié bis , COM-5 rectifié bis , COM-8 rectifié, qui sont satisfaits, ainsi qu'à l'amendement COM-22.

L'amendement COM-34 est adopté et devient article additionnel. Les amendements COM-4 rectifié bis , COM-5 rectifié bis , COM-8 rectifié et COM-22 ne sont pas adoptés.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-37 a pour objet de coordonner la stratégie énergétique nationale en direction de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène en étant issu avec le projet de loi.

L'amendement COM-37 est adopté et devient article additionnel.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-38 tend à coordonner le contenu de la future loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de 2023, avec le projet de loi. Cet amendement présente un lien avec le projet initial, car il concerne les constructions de nouvelles installations, notamment les projets de réacteurs électronucléaires visés à l'article 1 er . Il est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui indique : « la production d'électricité d'origine nucléaire doit [...] être sécurisée dans la durée et poursuivre son développement. »

L'amendement COM-38 est adopté et devient article additionnel.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-39 vise à coordonner l'évaluation de la future loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de juillet 2023, avec le projet de loi. Cet amendement permet de conférer aux parlementaires l'ensemble des informations nécessaires, dans la perspective de l'examen de cette loi.

L'amendement COM-39 est adopté et devient article additionnel.

Article 1 er

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-13 tend à supprimer le champ d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires, ce qui n'est pas souhaitable. Avis défavorable.

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-32 , COM-1 rectifié bis, COM-2 rectifié bis , COM-7 rectifié et COM-63 visent à modifier les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires.

Mon amendement COM- 32 prévoit de faire évoluer ces conditions sur quatre points : en préférant une durée de vingt ans ; en ciblant les SMR aux côtés des EPR2, parmi les réacteurs nucléaires visés ; en excluant des installations nucléaires de base pouvant accueillir des réacteurs certains centres de stockage et accélérateurs de particules ; en renvoyant la définition de la notion de « proximité immédiate », au décret en Conseil d'État, mentionné à l'article 8, dans la limite du plan particulier d'intervention.

Les amendements COM-1 rectifié bis , COM-2 rectifié bis et COM-7 rectifié tendent à appliquer une durée permanente ou comprise entre vingt-sept et trente ans et l'amendement COM-63 est moins complet que mon amendement COM-32 s'agissant du champ d'application des mesures de simplification. Demande de retrait, ou, à défaut, avis défavorable aux amendements COM-1 rectifié bis , COM-2 rectifié bis , COM-7 rectifié et COM-63, ces derniers étant pour partie satisfaits.

L'amendement COM-32 est adopté. Les amendements COM-1 rectifié bis , COM-2 rectifié bis , COM-7 rectifié et COM-63 ne sont pas adoptés.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-60 a pour objet de préciser les conditions de mise en oeuvre des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires, en appliquant une plus grande neutralité technologique.

L'amendement COM-60 est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-61 tend à préciser les conditions de mise en oeuvre des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires, en prévoyant une plus grande reddition des comptes et donc une plus grande transparence.

M. Laurent Duplomb . - Que veut dire une plus grande transparence ?

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Au lieu d'apprendre dans la presse, par exemple, que le chantier de Flamanville rencontre des problèmes, le Parlement recevra régulièrement un bilan de l'évolution des travaux et de l'exécution de la loi.

L'amendement COM-61 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1 er

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-3 rectifié bis prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur le calendrier et les sites des futurs réacteurs nucléaires, ce qui est déjà prévu par mon amendement COM-61. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-3 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 2

L'amendement de suppression COM-14 , ayant reçu un avis défavorable du rapporteur, n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-45 prévoit que la qualification de PIG soit postérieure au débat public.

M. Laurent Duplomb . - Cela veut dire qu'on remet le débat public ?

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Non, nous laissons le débat public se dérouler et prenons la décision de qualifier le projet de PIG une fois la consultation terminée. Cela diffère d'un mois cette qualification, en vertu du respect du débat public.

L'amendement COM-45 est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-46 vise à instaurer une phase de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales dans la mise en compatibilité des documents d'urbanisme.

L'amendement COM-46 est adopté.

L'amendement de précision juridique COM-55 , présenté par le rapporteur, est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 2

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-10 rectifié vise à réduire de dix-huit à douze mois le délai séparant le dépôt des autorisations d'exploitation des installations de production d'électricité nucléaire de leur mise en service. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-10 rectifié n'est pas adopté.

Article 3

L'amendement de coordination COM-57 , présenté par le rapporteur, est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-54 précise que c'est le ministre chargé de l'urbanisme qui sera chargé de contrôler les projets de réacteurs au regard des règles d'urbanisme.

L'amendement COM-54 est adopté.

L'amendement de précision juridique COM-47, présenté par le rapporteur, est adopté.

L'amendement de coordination COM-48, présenté par le rapporteur, est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-49 tend à apporter par décret des précisions relatives à la procédure de contrôle de la conformité des projets aux règles d'urbanisme.

L'amendement COM-49 est adopté.

L'amendement de coordination COM-53 , présenté par le rapporteur, est adopté.

L'amendement de précision juridique COM-50 , présenté par le rapporteur, est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-51 prévoit l'avancée du fait générateur de la taxe d'aménagement à la date de délivrance de l'autorisation environnementale en cas de travaux anticipés. Il répond à une forte demande de l'ensemble des collectivités que nous avons auditionnées.

L'amendement COM-51 est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-52 vise à exclure du dispositif « zéro artificialisation nette » les projets de construction de réacteurs nucléaires pour ne pas pénaliser les collectivités d'implantation.

L'amendement COM-52 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-35 vise à introduire, dans la procédure de l'anticipation des travaux, des garanties relatives à l'évaluation environnementale et à la participation du public.

L'amendement COM-35 est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-64 tend à rendre impossible la modification de l'autorisation environnementale après la délivrance de l'autorisation de création, ce qui ne me paraît pas adapté. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-64 n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements identiques COM-59 et COM-65 visent à clarifier l'articulation entre la procédure d'anticipation des travaux et le droit existant en matière d'urbanisme.

Les amendements identiques COM-59 et COM-65 sont adoptés.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-62 apporte des précisions de nature rédactionnelle à la procédure d'anticipation de certains travaux.

L'amendement COM-62 est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements identiques COM-58 et COM-66 ont pour objet de clarifier les modalités d'application réglementaires de la procédure d'anticipation des travaux. Ils prévoient que le décret en Conseil d'État, mentionné à l'article 8 du texte, définisse, après avis de l'ASN, les travaux pouvant ou non être anticipés.

Les amendements identiques COM-58 et COM-66 sont adoptés.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'amendement de suppression COM-15 , ayant reçu un avis défavorable, n'est pas adopté.

L'amendement de précision juridique et rédactionnelle COM-41 , présenté par le rapporteur, est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-42 vise à encadrer la dérogation à la loi « Littoral » applicable aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité. Il s'agit de distinguer la construction de réacteurs et le simple raccordement aux réseaux, sans handicaper le délai de transport.

L'amendement COM-42 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'amendement de coordination juridique COM-43 , présenté par le rapporteur, est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-44 tend à préciser le contenu du cahier des charges adossé à la concession d'utilisation du domaine public maritime. Il s'agit notamment de mieux prendre en compte les risques littoraux (inondations, submersion, élévation du niveau de la mer), de l'érosion côtière et du recul du trait de côte.

L'amendement COM-44 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-36 et COM-67 ont pour objet de consolider la procédure d'expropriation d'extrême urgence appliquée aux projets de réacteurs nucléaires. Mon amendement COM-36 tend à lui apporter trois modifications : il réduit de dix à six ans le délai séparant le décret déclarant l'utilité publique de celui faisant aboutir la procédure d'expropriation ; il cible les travaux entrant dans le champ de la procédure d'extrême urgence ; il instaure les mêmes garanties que celles prévues pour les autres procédures d'expropriation.

L'amendement COM-67 vise également à recourir à un décret, après avis conforme du Conseil d'État. Il sera satisfait par l'adoption de mon amendement, aussi j'en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.

L'amendement COM-36 est adopté. L'amendement COM-67 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 7

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-6 prévoit la réalisation d'une étude de faisabilité et d'un débat public sur la construction de réacteurs nucléaires sur le site du Blayais, ce qui ne me semble pas opportun. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-33 a pour objet de permettre au juge administratif de recourir à une procédure de régularisation de l'instance pour les litiges engagés à l'encontre des actes pris dans le cadre des mesures de simplification applicables aux projets de réacteurs nucléaires.

L'amendement COM-33 est adopté et devient article additionnel.

Article 8

L'article 8 est adopté sans modification.

Article 9

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-23 vise à réécrire la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur trente-cinquième année de fonctionnement. L'ASN est elle-même favorable à une évolution du rapport intermédiaire de sûreté, remis tous les cinq ans, dont le champ s'est révélé peu opérant, ainsi qu'à un recours aux procédures de déclaration et d'autorisation. J'ajoute que mon amendement COM-31 , que je vous présenterai, comporte des novations en matière de sûreté. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-23 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-68 , ayant reçu un avis défavorable du rapporteur.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-31 et COM-11 rectifié visent à faire évoluer la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement. Mon amendement COM-31 apporte trois principales clarifications : il précise les conditions de réalisation de l'enquête publique ; il maintient le principe d'un rapport intermédiaire sur la sûreté, devant être remis tous les cinq ans ; il clarifie le fait que les modifications des réacteurs nécessitent une nouvelle autorisation en cas de modification substantielle, ou une autorisation ou une déclaration auprès de l'ASN en cas de modification notable. J'ai tenu à spécifier que les travaux soumis à déclaration ne pourront être que mineurs, puisqu'ils ne pourront modifier de manière significative le rapport de sûreté ou l'étude d'impact. De plus, l'ASN pourra émettre à leur sujet toute prescription complémentaire.

Je demande le retrait de l'amendement COM-11 rectifié ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

L'amendement COM-31 est adopté. L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement COM-27 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 9

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-40 a pour objet d'intégrer les nouveaux risques liés à la résilience des réacteurs nucléaires au changement climatique et à leur cyber-résilience.

L'amendement COM-40 est adopté et devient article additionnel.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-56 vise à dispenser d'autorisation d'urbanisme les projets de travaux portant sur les réacteurs électronucléaires existants et leurs équipements.

L'amendement COM-56 est adopté et devient article additionnel.

Article 10

L'amendement de suppression COM-16 n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-30 vise à ajuster les modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans. Il s'agit de prévoir le recours à un décret en Conseil d'État, plutôt qu'à un décret simple. L'enjeu est également de corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui qui est fixé par la puissance publique, dans le décret précité, sur celui qui est indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire. Je précise que le Gouvernement y est globalement favorable.

L'amendement COM-30 est adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . -La modification proposée par l'amendement COM-69 n'est pas envisageable. Elle consisterait à prévoir qu'un décret ordonne la fermeture de toute installation nucléaire de base dès lors que l'absence de volonté ou l'incapacité de l'exploitant à remettre son installation en service dans des délais raisonnables ont été constatées par le ministre chargé de la sûreté.

Mme Sophie Primas , présidente . - C'est le même objectif que le précédent, mais par des voies différentes.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . -Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-69 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Division additionnelle avant le titre III

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-17 prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les coûts de gestion des déchets radioactifs. Il est déjà satisfait par les évaluations et obligations existantes. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-17 n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-18 vise à faire évoluer les modalités d'information des ministres chargés de l'énergie et de la sûreté, par les propriétaires de matières radioactives, sur les procédés de valorisation. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-18 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-24 , COM-25 et COM-26 , ayant reçu des avis défavorables du rapporteur

Article 11

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-29 tend à ajuster sur plusieurs points les dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, dont l'article 11 prévoit la ratification. Ces ajustements ont été signalés par l'ASN et EDF et le Gouvernement y est favorable.

L'amendement COM-29 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 11

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à étendre les périmètres des PPI à l'ensemble des communes situées dans l'intercommunalité concernée. Cette extension n'est pas opportune. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-28 rectifié tend à renforcer l'application des règles relatives à la parité au sein du collège de l'ASN. Avis de sagesse.

L'amendement COM-28 rectifié est adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La réunion est close à 11 h 35.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Division(s) additionnelle(s) avant TITRE I er : MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SALMON

19

Cessation des activités commerciales avec la société publique russe Rosatom et ses filiales

Irrecevable art. 45, al. 1 C

M. SALMON

20

Interdiction de l'exportation et du stockage à l'étranger de l'uranium de retraitement

Rejeté

M. SALMON

21

Publication par les exploitants publics et privés d'un rapport annuel public sur les importations et exportations d'uranium

Rejeté

Article(s) additionnel(s) avant Article 1 er

M. GREMILLET, rapporteur

34

Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

4 rect. bis

Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

5 rect. bis

Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie entravant la relance du nucléaire

Rejeté

M. MENONVILLE

8 rect.

Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi

Rejeté

M. SALMON

22

Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

37

Coordination de la stratégie énergétique nationale appliquée à l'énergie nucléaire et à l'hydrogène bas-carbone en étant issu avec le projet de loi

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

38

Coordination du contenu en matière d'énergie nucléaire de la future loi quinquennale sur l'énergie avec le projet de loi

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

39

Coordination de l'évaluation en matière d'énergie nucléaire de la future loi quinquennale sur l'énergie avec le projet de loi

Adopté

Article 1 er

M. SALMON

13

Suppression de l'article déterminant le champ d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

32

Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

1 rect. bis

Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

2 rect. bis

Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires

Rejeté

M. MENONVILLE

7 rect.

Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires

Rejeté

M. Pascal MARTIN

63

Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

60

Application d'une plus grande neutralité technologique dans les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

61

Application d'une plus grande reddition des comptes dans les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1 er

Mme PAOLI-GAGIN

3 rect. bis

Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur le calendrier et les sites des futurs réacteurs nucléaires

Rejeté

Article 2

M. SALMON

14

Suppression de l'article

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

45

Qualification de projet d'intérêt général (PIG) postérieure au débat public

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

46

Dialogue entre l'État et les collectivités compétentes pour la mise en compatibilité des documents d'urbanisme

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

55

Amendement de précision juridique

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

M. MENONVILLE

10 rect.

Réduction de 18 à 12 mois du délai séparant le dépôt des autorisations d'exploitation des installations de production d'électricité nucléaire de leur mise en service

Rejeté

Article 3

M. GREMILLET, rapporteur

57

Amendement de coordination

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

54

Compétence du ministre chargé de l'urbanisme pour vérifier la conformité des projets aux règles de l'urbanisme

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

47

Amendement de précision juridique

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

48

Amendement de coordination

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

49

Précisions (par décret) relatives à la procédure de contrôle de la conformité des projets aux règles d'urbanisme

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

53

Amendement de coordination

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

50

Amendement de précision juridique

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

51

Avancée du fait générateur de la taxe d'aménagement à la date de délivrance de l'autorisation environnementale en cas de travaux anticipés

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

52

Assimilation des projets de réacteurs électronucléaires à des « projets d'envergure nationale » au regard du ZAN

Adopté

Article 4

M. GREMILLET, rapporteur

35

Introduction, dans la procédure d'anticipation des travaux, de garanties relatives à l'évaluation environnementale et à la participation du public

Adopté

M. Pascal MARTIN

64

Impossibilité de modification de l'autorisation environnementale après la délivrance de l'autorisation de création

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

59

Clarification de l'articulation entre la procédure d'anticipation des travaux et le droit existant en matière d'urbanisme

Adopté

M. Pascal MARTIN

65

Clarification de l'articulation entre la procédure d'anticipation des travaux et le droit existant en matière d'urbanisme

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

62

Introduction, dans la procédure de l'anticipation des travaux, de garanties relatives aux conditions, au déroulement et à l'autorité en charge de ces travaux anticipés

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

58

Clarification des modalités d'application règlementaires de la procédure d'anticipation des travaux

Adopté

M. Pascal MARTIN

66

Clarification des modalités d'application règlementaires de la procédure d'anticipation des travaux

Adopté

Article 5

M. SALMON

15

Suppression d'article

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

41

Précision juridique et rédactionnelle

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

42

Encadrement de la dérogation à la loi « Littoral » applicable aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité

Adopté

Article 6

M. GREMILLET, rapporteur

43

Coordination juridique

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

44

Contenu du cahier des charges adossé à la concession d'utilisation du domaine public maritime

Adopté

Article 7

M. GREMILLET, rapporteur

36

Consolidation de la procédure d'expropriation d'extrême urgence appliquée aux projets de réacteurs nucléaires

Adopté

M. Pascal MARTIN

67

Consolidation de la procédure d'expropriation d'extrême urgence appliquée aux projets de réacteurs nucléaires

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 7

Mme Nathalie DELATTRE

6

Réalisation d'une étude de faisabilité et d'un débat public sur la construction de réacteurs nucléaires sur le site du Blayais

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

33

Institution d'une procédure de régularisation de l'instance, s'agissant des litiges engagés à l'encontre des actes pris dans le cadre des mesures de simplification applicables aux projets de réacteurs nucléaires

Adopté

TITRE II : MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES

Article 9

M. SALMON

23

Réécriture de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement

Rejeté

M. Pascal MARTIN

68

Réécriture de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

31

Consolidation de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement

Adopté

M. MENONVILLE

11 rect.

Consolidation de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement

Rejeté

M. GAY

27

Suspension de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) et rétablissement des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE)

Irrecevable art. 45, al. 1 C

Article(s) additionnel(s) après Article 9

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GREMILLET, rapporteur

40

Intégration des nouveaux risques liés à la résilience des réacteurs nucléaires au changement climatique et à leur cyber-résilience

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

56

Dispense d'autorisation d'urbanisme pour les travaux portant sur les réacteurs électronucléaires existants et leurs équipements

Adopté

Article 10

M. SALMON

16

Suppression de l'article ajustant les modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans

Rejeté

M. GREMILLET, rapporteur

30

Ajustement des modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans

Adopté

M. Pascal MARTIN

69

Ajustement des modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans

Rejeté

Division(s) additionnelle(s) avant TITRE III : DISPOSITIONS DIVERSES

M. SALMON

17

Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les coûts de gestion des déchets radioactifs

Rejeté

M. SALMON

18

Évolution des modalités d'information, des ministres chargés de l'énergie et de la sûreté, par les propriétaires de matières radioactives, sur les procédés de valorisation

Rejeté

M. SALMON

24

Institution d'une Commission nationale des provisionnements pour servitudes nucléaires en lieu et place de la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et déchets radioactifs

Rejeté

M. SALMON

25

Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'ensemble des coûts de la filière nucléaire

Rejeté

M. SALMON

26

Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la gestion du démantèlement des centrales françaises

Rejeté

Article 11

M. GREMILLET, rapporteur

29

Ajustement de l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 11

Mme GUILLOTIN

12

Extension des périmètres des plans particuliers d'intervention (PPI) à l'ensemble des communes situées dans l'intercommunalité concernée

Rejeté

M. BUIS

28 rect.

Renforcement des règles relatives à la parité au sein du collège de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 85 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 86 ( * ) .

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 87 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 88 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté , lors de sa réunion du mercredi 11 janvier 2023, le périmètre indicatif du projet de loi n° 100 (2022-2023) relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes .

Elle a considéré que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives :

- aux mesures relatives à la construction de nouvelles installations nucléaire de base, ainsi que des constructions, aménagements, équipements, installations, travaux ou ouvrages de raccordement au réseau de transport ou de distribution d'électricité liés, et notamment à la définition de la nature et des conditions d'implantation de ces installations, aux procédures d'urbanisme, aux régimes d'autorisation d'urbanisme et à la fiscalité de l'urbanisme applicables à ces projets, à l'évolution de l'autorisation environnementale et de l'autorisation de création prévues par le code de l'environnement et aux modalités d'anticipation de certains travaux, à l'évolution de la procédure d'octroi des concessions d'utilisation du domaine public maritime prévu par le code général de la propriété des personnes publiques, à l'évolution de la procédure d'extrême urgence prévue par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'expropriation de certains immeubles ;

- aux modalités d'application des dispositions de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral à la construction de nouvelles installations nucléaires de base ;

- aux mesures relatives au fonctionnement des installations nucléaires de base existantes prévues par le code de l'environnement, dont les procédures de réexamen, de mise à l'arrêt et de démonstration de sûreté ;

- aux études d'impact environnemental, aux modalités de participation du public et aux compétences des autorités administratives, dont celles de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et des collectivités territoriales, liées aux mesures précitées relatives à la construction et au fonctionnement des installations nucléaires de base ;

- à la ratification de l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire et aux dispositions liées à son ajustement ;

- aux dispositions diverses, dont celles liées aux coordinations nécessaires à la construction d'installations nucléaires de base ou à leur fonctionnement, dans le code de l'énergie, le code de l'urbanisme, le code de l'environnement, le code de la défense ou le code de la santé publique, y compris les enjeux liés à la planification, au financement, aux compétences, aux déchets, à la recherche et au développement, à la sûreté et à la sécurité.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Auditions menées par le rapporteur M. Daniel Gremillet

Mardi 6 décembre 2022

- Réseau Sortir du nucléaire (RSN) : Mme Marion RIVET , chargée de relations médias.

- Greenpeace France : Mmes Laura MONNIER , responsable juridique et Pauline BOYER , chargée de campagne transition énergétique.

Jeudi 8 décembre 2022

- Union française de l'électricité (UFE) : Mme Christine GOUBET-MILHAUD , présidente, M. Rudy CLUZEL , responsable des relations institutionnelles France.

- Commission nationale du débat public (CNDP) : M. Michel BADRÉ , président de la commission particulière en charge d'organiser le débat public sur le programme de nouveaux réacteurs nucléaires en France, dont le projet de construction de deux ERP2 sur le site de Penly.

- Association française indépendante de l'électricité et du gaz (Afieg) : M. Géry LECERF , président.

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : Mmes Florence PRESSON , adjointe au maire de Sceaux, Sylviane OBERLÉ , responsable de la mission prévention des pollutions, Nathalie FOURNEAU , responsable du département aménagement du territoire, Charlotte de FONTAINES , chargée des relations avec le Parlement.

- Association nationale des communes du littoral (Anel) : Mme Anne-Sophie LECLERE , déléguée générale.

- Assemblée des départements de France (ADF) : Mme Marylène JOUVIEN , chargée des relations avec le Parlement.

Vendredi 9 décembre 2022

- Autorité environnementale (AE) : M. Alby SCHMITT , président par intérim.

- Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) : MM. Jean-Claude DELALONDE , président, Yves LHEUREUX , directeur, Mme Yveline DRUEZ , membre du conseil d'administration de l'ANCCLI et membre des commissions locales d'information de la Manche.

- Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode) : Mme Naima IDIR , présidente.

- Société française d'énergie nucléaire (SFEN) : Mme Valérie FAUDON , déléguée générale, M. Thomas JAQUEMET , responsable des affaires publiques.

Lundi 12 décembre 2022

- Électricité de France (EDF) : Mme Caroline DIONISI , responsable du pôle permitting de la direction Nouveau nucléaire, MM. Michael VARESCON , chef des pôles nucléaire, thermique et hydraulique à la direction juridique Énergies, Bertrand LE THIEC , directeur des affaires publiques.

- Réseau de transport d'électricité (RTE) : M. Xavier PIECHACZYK , président, Mme Pauline LE BERTRE , directrice adjointe de cabinet du président, M. Philippe PILLEVESSE , directeur des relations institutionnelles.

- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : M. François JACQ , administrateur général.

- France hydrogène (FH) : M. Simon PUJAU , chargé de mission relations institutionnelles.

- Genvia : Mme Florence LAMBERT , président-directeur général, M. Benjamin d'HOINE , conseiller affaires publiques.

- ASEA Brown Boveri (ABB) : MM. Fabien LALEUF , directeur général ABB France, Sébastien MEUNIER , directeur des relations institutionnelles ABB France, Philippe ADAM , directeur des activités utilités et renouvelables ABB Europe du Sud.

- Naarea : M. Jean-Luc ALEXANDRE , président-directeur général.

- Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) : MM. David BEAUVISAGE , secrétaire général des services et Charles-Antoine GAUTIER , directeur adjoint chargé de l'énergie.

- Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) : M. Olivier BARD , délégué général, Mme Alice PARENTI , responsable communication et relations externes.

- Comités sociaux et économiques (CSE) d'EDF et d'Enedis : M. Gwenaël PLAGNE , secrétaire adjoint du comité social et économique central d'EDF, Vincent BATTAL , coordinateur du comité social et économique central d'EDF, Frédéric FRANSOIS , secrétaire du comité social et économique central d'Enedis.

Mardi 13 décembre 2022

- Les Amis de la Terre : M. Clément TRANAIN , membre du Conseil fédéral, Mme Martine LAPLANTE , représentante suppléante au Conseil national de la transition écologique (CNTE).

- Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) : M. Pierre-Marie ABADIE , directeur général, Mme Delphine HONORÉ, cheffe du service droit nucléaire, droit de l'environnement et de l'urbanisme.

- Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : M. Julien COLLET , directeur général adjoint.

- Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : M. Jean-Christophe NIEL , directeur général, Mme Karine HERVIOU , directrice générale adjointe chargée du pôle sûreté des installations et des systèmes nucléaires, M. Patrice BUESO , directeur de la stratégie, Mme Emmanuelle MUR , responsable des relations institutionnelles.

- Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN) : M. Joël BARRE , délégué interministériel au nouveau nucléaire.

- Communes ou intercommunalités concernées par les projets d'EPR2 annoncés : MM. Patrice PHILIPPE , maire de Petit-Caux, Christophe FROMENTIN , vice-président à l'économie de la communauté de communes de Falaises du Talou, Florian BANVILLE , responsable de l'aménagement du territoire à la communauté de communes Falaises du Talou, Mmes Caroline DUHAMEL , maire déléguée de Saint Martin en Campagne, Arlette RENAUD , maire déléguée de Penly, M. Bertrand RINGOT , maire de Gravelines, Mme Magalie DESSEINT , collaboratrice au cabinet de la mairie de Gravelines, Mme Céline LERICQUE , directrice générale des services du syndicat intercommunal à vocation multiples (SIVOM) des Rives de l'Aa et de la Colme, MM. Marcel JACQUIN , maire de Saint Vulbas, Jacques ROLLAND , premier adjoint au maire de Saint Vulbas, Daniel DALLERY , adjoint au maire de Saint Vulbas, Alain GALLU , maire de Pierrelatte.

Mercredi 14 décembre 2022

- Association des représentants des communes d'implantation de centrales et établissements nucléaires (Arcicen) : M. Claude BRENDER , président.

Lundi 19 décembre 2022

- Conseil supérieur de l'énergie (CSE) : M. Jean-Luc FUGIT , président.

- Intercommunalités de France (IDF) : M. Jean RÉVÉREAULT , président de la commission transitions écologiques, Mmes Oriane CÉBILE , conseillère environnement, Montaine BLONSARD , responsable des relations avec le Parlement.

- Confédération générale du travail - Fédération nationale des mines et de l'énergie (CGT-FNME) : Mme Virginie NEUMAYER , déléguée.

- Fédération nationale des mines et de l'énergie - Force Ouvrière (FNEM-FO) : M. Jacky CHORIN , secrétaire fédéral.

- Confédération fédérale de l'encadrement - Confédération générale des cadres Énergies (CFE-CGC) : M. Alexandre GRILLAT , secrétaire national affaires publiques.

- Confédération française démocratique du travail (CFDT) : MM. Julien LAPLACE , élu au comité social et économique central d'EDF et Christophe BÉGUINET , chargé de mission énergie CFDT-CFE.

- Sud-Énergie : M. Bruno BERNARD , porte-parole, Mme Anne DEBREGEAS , porte-parole.

- Orano : M. Pascal AUBRET , directeur de la Business Unit Recyclage d'Orano et directeur de l'établissement Orano La Hague, Mme Morgane AUGÉ , directrice des affaires publiques France.

Mardi 20 décembre 2022

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : M. Cédric BOURILLET , directeur général de la direction générale de la prévention des risques , Mme Anne-Cécile RIGAIL , cheffe du service des risques technologiques, M. Benoît BETTINELLI , chef de la mission pour la sûreté nucléaire et la radioprotection.

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) : M. Guillaume BOUYT , sous-directeur à la sous-direction de l'industrie nucléaire.

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : MM. François ADAM , directeur, Guillaume LEFEBVRE , adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie.

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) : M. Pierre-Édouard GUILLAIN , directeur adjoint.

- Ministère de la Justice - Direction des affaires civiles et du sceau : Mme Marion VANDEVELDE , cheffe du bureau du droit immobilier et du droit de l'environnement.

- Direction de la législation fiscale (DLF) : M. Abderrahmane EL ABIED , chef du bureau fiscalité locale.

- Egis : M. François MARTIN , directeur nucléaire.

Auditions plénières de la commission

Mercredi 14 décembre 2022

Table ronde « Relance du nucléaire » : M. Luc RÉMONT , président directeur général d'EDF, M. Bernard DOROSZCZUK , président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), M. Guillaume DUREAU , président d'Orano Projets SAS, directeur Innovation R&D nucléaire médical, M. François JACQ , administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et M. Thomas VEYRENC , directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de Réseau de transport d'électricité (RTE).

Mardi 10 janvier 2023

Mme Agnès PANNIER-RUNACHER , ministre de la transition énergétique.

Audition menée par le groupe d'études « Énergie »

Mercredi 14 décembre 2022

M. Michel BADRÉ , président de la commission particulière de la Commission nationale du débat public (CNDP) en charge d'organiser le débat public sur le programme de nouveaux réacteurs nucléaires en France, dont le projet de construction de deux EPR2 sur le site de Penly, sur le thème : « Relance du nucléaire : les grands enjeux du débat public ».

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- ASEA Brown Bover (ABB)

- Agence nationale de la recherche (ANR)

- Agence pour la gestion des déchets radioactifs (Andra)

- Assemblée des départements de France (ADF)

- Association des maires de France (AMF)

- Association nationale des commissions locales d'information (ANCCLI)

- Association nationale des communes du littoral (ANEL)

- Agence nationale pour la recherche (ANR)

- Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

- Autorité environnementale (AE)

- Autorité environnementale (AE)

- Cercle d'étude Réalités écologiques et mix énergétique (Cérémé)

- Commission nationale du débat public (CNDP)

- Commune de Pierrelatte

- Conseil national d'évaluation des normes (CNEN)

- Conseil supérieur de l'énergie (CSE)

- Conservatoire national du littoral (CNL)

- Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN)

- Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB)

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP)

- Direction de la législation fiscale (DLF)

- Direction des affaires civiles et des sceaux (DACS)

- Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

- Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

- EDF

- Enedis

- France Hydrogène (FH)

- France nature environnement (FNE)

- Greenpeace

- Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

- Medef

- Naarea

- Naval Group

- Orano

- Réseau de transport d'électricité (RTE)

- Réseau sortir du nucléaire (RSN)

- Syndicats d'EDF (FNME-CGT, FNEM-FO, SUD-Énergie)

- Syndicats entreprises locales d'énergie (ELE)

- Union des entreprises utilisatrices d'énergie (UNIDEN)

- Union française de l'électricité (UFE)

ANNEXES
ÉLÉMENTS DE LÉGISLATION COMPARÉE

ANNEXE I : LA PRODUCTION D'ÉNERGIE NUCLÉAIRE EN EUROPE

Le nucléaire relève d'une compétence exclusivement fédérale de l'Article 73 1 er alinéa N° 14 de la Loi fondamentale.

L'Allemagne a décidé la sortie définitive du nucléaire en juin 2011. La décision, en conséquence de l'accident nucléaire de Fukushima, a été prise à une large majorité, mais la sortie du nucléaire a fait débat pendant plusieurs décennies, dominée par une inquiétude sur les sujets de sûreté et de sécurité nucléaires, qu'il s'agisse des déchets ou de la production d'énergie. Après la réunification, l'Allemagne a immédiatement arrêté les centrales à technologie soviétique à Greifswald et Rheinsberg pour des raisons de sécurité nucléaire.

Après les élections en 1998, le Gouvernement Schröder I, porté pour la première fois dans l'histoire allemande par une coalition entre le SPD et Bündnis 90/die Grünen (le parti écologiste allemand) a revu le « Atomkonsens » (consensus sur l'énergie nucléaire). Il prévoyait la sortie graduelle du nucléaire. La loi sur l'énergie nucléaire a été amendée afin d'arrêter les centrales à Stade (640 MW) en 2003 et Obrigheim (340 MW) en 2005. Pour le reste des centrales, des quantités d'électricité ont été déterminées, qui auraient mené à une fin du nucléaire autour des années 2015-2020. Des dates concrètes pour l'arrêt n'ont jamais été fixées.

Le 28 octobre 2010, le Bundestag, sous le Gouvernement Merkel II, a voté en scrutin public (309 pour, 280 contre, 2 abstentions) pour une prolongation de la production de l'énergie nucléaire d'environ douze années (11 e loi amendant la loi sur l'énergie nucléaire, Atomgesetz, AtG ). Cela a été désigné comme « la sortie de la sortie » Ausstieg aus dem Ausstieg »). Après un conflit entre la Fédération et les Länder sur les compétences législatives, la Fédération a enfin déposé le texte au Bundesrat. Le Fédération a remis en cause la nécessité d'une procédure bicamérale, ce qui a déclenché une polémique. Finalement, le Bundesrat a aussi voté en faveur de la prolongation.

La sortie définitive a été mise en oeuvre seulement quelques mois après, en 2011, suite au tsunami au Japon qui a détruit la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi le 11 mars de cette. Cette catastrophe nucléaire, qui a conduit jusqu'à la fusion du coeur, a été le principal sujet des médias allemands de l'époque.

Dans un premier temps, le 14 mars 2011, le Gouvernement a exécuté un moratoire immédiat de la production d'énergie nucléaire, afin de soumettre tous les 17 réacteurs à une enquête de sécurité. De plus, la centrale de Krümmel a été arrêtée et tous les réacteurs en arrêt le sont restés pour une période de trois mois. Cela concernait à l'époque sept réacteurs. Le moratoire a été basé sur le § 19 3 ème alinéa AtG, ce qui n'était pas une base juridique suffisante selon de multiples arrêts de tribunaux en Allemagne. En même temps, les actions civiles des producteurs d'énergie ciblant des réparations par équivalent ont été rejetées, pour des raisons procédurales.

Dans un second temps, des mesures législatives ont été prises. Le 30 juin 2011, le Bundestag vota la 13 e loi amendant la loi sur l'énergie nucléaire en scrutin public avec 513 voix pour sur les 600 parlementaires du Bundestag ( Bundesgesetzblatt, Teil I, pages 1704-1705 ). Les huit réacteurs de Biblis A et B, Neckarwestheim 1, Brunsbüttel, Isar 1, Unterweser, Philippsburg 1 et Krümmel ont été arrêtés le 6 aout 2011. Le 31 décembre 2015 a marqué la fin de la Centrale de Grafenrheinfeld, le 31 décembre 2017 celle du réacteur de Gundremmingen B, le 31 décembre 2019 celle du réacteur de Philippsburg 2, le 31 décembre 2021 celle des centrales de Grohnde, Gundremmingen C et Brokdorf. La loi est entrée en vigueur le 1 er août 2011. Les trois dernières centrales nucléaires Isar 2, Emsland et Neckarwestheim 2 devaient cesser leur production le 31 décembre 2022.

La législation de 2011 déclencha une vague d'actions des propriétaires des centrales qui avaient déjà pris des mesures en suite de la prolongation d'octobre 2010. E.ON, RWE et Vattenfall ont fait un recours constitutionnel à la Cour fédérale constitutionnelle. La Cour a jugé le 6 décembre 2016 que la 13 e loi sur le nucléaire n'est pas inconstitutionnelle, mais ouvra la porte pour la demande de réparations des producteurs lors d'une infraction de la garantie du droit de propriété de l'article 14 de la Loi fondamentale (BVerfG, 06 décembre 2016, 1 BvR 28/11). Vattenfall, étant une entreprise étrangère, a fait aussi recours à un tribunal arbitral international (ICSID ARB/12/12) pour violation du Traité de la charte sur l'énergie, demandant 4.7 Md d'euros de réparations. Les parties se sont mises d'accord sur un accord de 2.45 Md d'euros. Le gros de cette somme a été attribué à Vattenfall (1.425 Md d'euros), RWE a reçu 880 M d'euros, EnBW 80 M d'euros et E.ON 42.5 M d'euros. Le Bundestag a voté l'accord en Juin 2021. Entre-temps, plusieurs tentatives ont eu lieu, visant à mettre en oeuvre les demandes de l'arrêt de 2016 par rapport à la 13 e loi ont terminé à nouveau devant la Cour, marquant des difficultés juridiques de la mise en oeuvre de la sortie.

À l'heure de la crise énergétique, le débat sur le nucléaire est relancé. Les trois dernières centrales prévues pour la fermeture le 31 décembre 2022 ont été mises au coeur d'un débat sur une nouvelle prolongation. Le Bundestag vota le 11 novembre 2022 la 19 e loi amendant la loi nucléaire et ainsi une prolongation des centrales Isar 2, Neckarwestheim 2 et Emsland jusqu'au 15 avril 2023 en scrutin public avec 375 pour, 216 contre et 70 abstentions. La minorité parlementaire a demandé une prolongation jusqu'en 2024 et l'achat de nouveaux combustibles, mais pas une nouvelle « sortie de la sortie ». En audition de la Commission des affaires européennes, le directeur de la Société allemande de la politique étrangère (DGAP), Guntram Wolff a évoqué qu'un retour au nucléaire à moyen ou long terme est fortement improbable.

En 2021, le nucléaire a représenté encore environ 12 % de la production d'électricité. Les centrales Emsland 1.400 MW, Isar 2 1.485 MW, Neckarwestheim 1.400 MW comptent donc pour une capacité de 4.285 MW. En même temps, l'Allemagne cible la sortie du charbon (y compris le lignite) au plus tard le 31 décembre 2038.

ANNEXE II : LA PRODUCTION D'HYDROGÈNE BAS-CARBONE EN EUROPE

France :

En France, la prise en compte de l'hydrogène bas-carbone dans la stratégie énergétique nationale est récente.

La loi Énergie-Climat de 2019 a ainsi introduit un objectif et prévu une habilitation sur l'hydrogène (articles 1 er et 52). De plus, la loi Climat-Résilience de 2021 a inscrit l'hydrogène dans la loi quinquennale sur l'énergie et la réforme du code minier et a prévu son intégration à un appel d'offres sur le stockage de l'énergie, une souplesse pour son implantation sur le domaine public de l'État et une faculté de transfert des garanties de traçabilité et d'origine vers les collectivités territoriales (articles 81 et 87).

À ce stade, l'article 16 duodecies de la loi d'Accélération des énergies renouvelables de 2022, en cours d'examen au Parlement, propose d'intégrer l'hydrogène dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et les comités régionaux de l'énergie (CRE), de confier un rôle de promotion à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et aux autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), de permettre des mutualisations dans le cadre de plateformes industrielles et enfin d'instituer un référent unique à titre expérimental.

Sur le plan de la stratégie, l'article L. 100-4 du code de l'énergie (CE) prévoit de « développer l'hydrogène bas-carbone et renouvelable et ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, avec la perspective d'atteindre environ 20 à 40 % des consommations totales d'hydrogène et d'hydrogène industriel à l'horizon 2030 » . De plus, la Stratégie française pour un hydrogène décarboné, règlementaire, fixe un objectif de 6,5 GW de capacités d'électrolyse.

S'agissant de la définition, l'article L. 811-1 du CE distingue l'hydrogène « bas-carbone » , « renouvelable » et « carboné » .

Pour ce qui est de régulation, si la CRE est compétente en matière d'énergie, elle ne l'est pas formellement s'agissant de l'hydrogène : l'article L. 851-1 du CE dispose en effet que « les activités de vente et de production d'hydrogène renouvelable s'exercent au sein des marchés concurrentiels et ne sont pas régulées [par le code de l'énergie] » .

Pour autant, le transport, la distribution et la vente d'hydrogène sont encadrés (articles L. 831-1, L. 832-2, L. 841-1 et L. 851-1 du CE).

Enfin, il existe plusieurs dispositifs de soutien à l'hydrogène :

- un soutien budgétaire pour les installations de production d'hydrogène renouvelable et bas-carbone par électrolyse de l'eau attribué par appel d'offres (article L. 812-1 du CE) ;

- des dispositions sur l'autoconsommation (article L. 813-1 du CE) ;

- des garanties de traçabilité et d'origine (article L. 821-1 du CE).

Allemagne :

En Allemagne, une stratégie nationale portant sur l'hydrogène a été mise en oeuvre en juin 2020 (Nationale Wasserstoffstrategie, NWS ) 89 ( * ) . La NWS poursuit cinq objectifs clefs : (1) l'établissement d'hydrogène à base d'énergies renouvelables dans la transition énergétique, (2) la construction de capacités de production, (3) le développement de technologies d'utilisateur afin de créer un marché domestique du côté de la demande, (4) la fixation d'un cadre légal pour le développement d'une infrastructure de transport et de distribution, (5) le renforcement de la compétitivité des entreprises allemandes par des aides de recherche et innovation et d'export.

Entre temps, le Gouvernement a publié un rapport d'évaluation en mai 2022 90 ( * ) . L'hydrogène est prévu de préférence là où l'utilisation immédiate d'électricité n'est pas possible. Le Gouvernement a doublé les cibles de la capacité d'électrolyse à 10 GW jusqu'en 2030 mais compte importer environ 75 % de son hydrogène afin de satisfaire la demande domestique. L'Allemagne compte notamment sur le développement d'un réseau d'hydrogène européen ( EU Hydrogen Backbone ). Le réseau allemand lui-même sera pour la plupart développé par un rezonage des gazoducs existants et non par la construction de nouveaux gazoducs.

De plus, l'Allemagne a établi un certain nombre de coopérations avec des États hors-UE (Maroc, Tunisie, Brésil, Afrique du Sud, Algérie) pour l'importation d'hydrogène et ses produits dérivés. Cela s'effectue au sein de l'initiative « H2Global » . Le rôle que pourrait jouer l'hydrogène bleu est encore en évaluation. Un examen des mesures pour accélérer les procédures de planification et d'autorisation est en cours. L'examen de la continuation de la NWS est prévu pour la fin 2022 au Cabinet des ministres. Les Länder d'Allemagne sont inclus dans cette procédure par un groupe de travail sur l'hydrogène ( Bund-Länder-Arbeitskreis Wasserstoff ).

Le domaine de l'énergie fait partie de la compétence législative concurrente de l'article 74 1 er alinéa N° 11 de la Loi fondamentale, dont la Fédération s'est saisie. Les États constituants d'Allemagne (Länder) ne peuvent donc plus exercer de compétence législative. Le cadre juridique en matière d'énergie en Allemagne est complexe, non consolidé et consiste en environ 28 lois fédérales et une trentaine d'ordonnances fédérales, exigences européennes exclues 91 ( * ) .

Centrale dans le domaine de l'hydrogène est la loi sur la transposition des obligations de l'Union européenne et pour régler les réseaux d'hydrogène pur au sein du droit de l'économie d'énergie du 16 juillet 2021 ( Bundesgesetzblatt 2021, Teil I S. 3026 ). Cette loi a introduit des amendements à huit lois fédérales et huit ordonnances portant sur le sujet. L'hydrogène est notamment réglementé par la transposition allemande de la directive européenne sur l'énergie renouvelable (RED II) et la loi sur les énergies renouvelables ( Erneuerbare Energiengesetz, EEG ), la loi de l'industrie de l'énergie ( Energiewirtschaftsgesetz, EnWG ) et la loi fédérale sur le contrôle de la pollution ( Bundesimmissionsschutzgesetz, BImSchG ). Cette loi est seulement vue comme une solution temporaire jusqu'à ce qu'une solution européenne soit mise en place. Jusqu'à l'entrée en vigueur de législation européenne, l'EnWG donne la possibilité d'un « opt-in » parmi lequel les opérateurs d'un réseau peuvent choisir les règles auxquelles ils seront soumis. Si l'option n'est pas exercée, le réseau ne sera pas soumis à l'EnWG.

Le EnWG, qui règle les réseaux de gaz et de l'électricité contient depuis la loi de 2021 un nouveau § 3 Nr. 14 EnWG définissant le terme d'énergie (le terme d'hydrogène à côté du gaz a été ajouté). De plus, le § 3 N° 19a EnWG prévoit que l'hydrogène produit avec l'électrolyse tombe sous la définition de gaz. Jusqu'à présent, peu des gazoducs ont été utilisés exclusivement pour le transport d'hydrogène. Ces gazoducs d'hydrogène étaient règlementés par le § 110 EnWG portant seul sur des gazoducs à circuit fermé. Le nouveau § 112b EnWG vise à adopter un cadre commun pour les réseaux de gaz et d'hydrogène.

La loi a créé une nouvelle section 3b du EnWG contenant la réglementation des réseaux d'hydrogène dans les §§ 28j-28q EnWG. À noter est le § 28m EnWG, qui interdit aux opérateurs d'un réseau d'hydrogène de construire ou d'opérer des capacités propres de production, de stockage et de distribution d'hydrogène. Cela vise à éviter des subventions croisées et des discriminations. De plus, § 28p EnWG prévoit des exigences pour des subventions suite à un audit de l'Agence fédérale des réseaux ( Bundesnetzagentur, BNetzA ).

Le cadre juridique des renouvelables a été modifié ainsi pour prendre en compte l'hydrogène : le § 69b EEG crée la possibilité d'exemption du prélèvement EEG pour la production d'hydrogène. Cette règle fut concrétisée par modification de l'ordonnance sur les énergies renouvelables (EEV) définissant ce qu'est l'hydrogène vert. L'ordonnance prévoit que l'hydrogène est vu comme « vert » ; s'il est produit (1) avec l'électricité d'une installation au sens du EEG ; (2) avec 80 % d'électricité de la zone de tarifs allemande, au maximum 20 % d'une zone connectée, (3) sans aide pour les KWh utilisés dans le processus de l'électrolyse (§ 12 i Abs. 1 EEV). Ces règles ne sont pas en vigueur jusqu'à la décision de la Commission européenne sur les aides d'État. La décision finale a été reportée lors des travaux européens sur un acte délégué sur l'hydrogène vert.

Un électrolyseur est considéré comme une installation soumise à autorisation de la loi fédérale sur le contrôle de la pollution (BImSchG). L'utilisation d'hydrogène vert comme carburant basé sur l'électricité sera pris en compte de manière plus pesante dans le calcul du quota des gaz à effet de serre (GES) par le § 37a 4 e alinéa BImSchG, ce qui concerne notamment les raffineries.

Le Bundestag a ainsi voté le 9 novembre 2022 un projet de loi sur la traçabilité et l'origine de gaz, hydrogène, chaleur, froideur issus d'énergies renouvelables ( Herkunftsnachweisregistergesetz, HkNRG ) 92 ( * ) . Parmi le standard ISO 14 687-2 est définie la pureté de l'hydrogène.

Une loi sur la procuration publique de véhicules propres ( Saubere-Fahrzeuge-Beschaffungsgesetz ) prévoit des obligations des marchés publics à établir une flotte aux émissions basses.

La NWS institue un nombre de dispositifs de soutien budgétaires, fiscaux ou extra-budgétaires (garanties ou certificats) : le budget fédéral 2023 prévoit des aides pour promouvoir l'hydrogène d'environ 223 millions d'euros, notamment le concept des contrats d'écart compensatoire ( Carbon Contracts for Difference, CCfD ).

Royaume-Uni :

Au Royaume-Uni, les règles en vigueur portant sur l'hydrogène datent des années 1980, avant que l'hydrogène ne soit considéré comme carburant. L'hydrogène est règlementé par le « Gas Act » de 1986. Une autorisation est nécessaire pour transporter ou fournir l'hydrogène. La production ne nécessite pas de licence, mais elle doit être découplée du transport et de la fourniture. Cependant, l'hydrogène est considéré comme une substance dangereuse par le Règlement SI 2015/627. Une autorisation est donc nécessaire pour le stockage de plus de 2 tonnes d'hydrogène. L'hydrogène doit se conformer aux exigences du règlement sur la sécurité des gazoducs ( Pipelines Safety Management Regulations, PSMR ) de 1996. Ce règlement ne permet pas le transport d'une concentration de plus de 0.1 % dans les gazoducs.

En août 2021, le Gouvernement a publié une stratégie hydrogène, jugée peu concrète par les experts de la filière. Une révision du « Gas Act » n'a pas encore été déposée. En juin 2022, le Gouvernement britannique a publié un document de suivi.

La stratégie vise aussi à développer les capacités du « nouveau nucléaire » afin d'éviter une déviation de capacités d'électricité des consommateurs vers la production d'hydrogène. La stratégie britannique sur la sécurité d'approvisionnement d'énergie vise à ajouter 24 GW de capacités nucléaires. Elle est la seule stratégie hydrogène portant sur le nucléaire, à l'exception de la France.

Belgique :

La Belgique a publié une stratégie fédérale le 21 octobre 2021. Elle consiste pour la plupart en des mesures exécutives, par exemple un forum « d'hydrogène vert ». Les buts sont de : (1) positionner la Belgique comme plaque tournante d'importation de molécules renouvelables en Europe, (2) renforcer le leadership belge dans les technologies de l'hydrogène, (3) établir un marché robuste de l'hydrogène, (4) investir dans la coopération comme facteur clé de succès. La stratégie ne mentionne pas le nucléaire, vu que le Gouvernement fédéral belge a adopté un accord sur l'énergie qui prévoit la sortie du nucléaire. En même temps, l'accord prévoit une enquête sur les possibilités de Small modular reactors (SMR) dès 2040.

Au sein d'une consultation, le Gouvernement fédéral a annoncé un projet de loi portant sur la régulation du transport d'hydrogène par canalisations et des infrastructures associées. Ce projet de loi n'a pas encore été déposé.

La région de la Flandre a aussi formulé une stratégie hydrogène régionale en 2020 93 ( * ) . Dans toutes les régions de la Belgique se trouvent des appels à projets dans le domaine de l'hydrogène.

Pays-Bas :

Les Pays-Bas ont adopté une stratégie hydrogène ( Nationaal Waterstof Programma, NWP ). Le Gouvernement a adopté une ordonnance sur l'infrastructure sur les carburants alternatifs et une sur un programme de subvention.

De plus les Pays-Bas ont adopté un règlement sur le transport d'énergie 94 ( * ) . Ainsi la loi portant sur le gaz (« Gaswet ») est appliquée sur au secteur d'hydrogène. Toute activité économique autour de l'hydrogène est soumise à autorisation de l'ACM ( Authoriteit Consument & Markt ).

Les Pays-Bas possèdent une centrale nucléaire à Borssele d'une capacité de 485 MW. Il est prévu que le Gouvernement étudie la construction de deux nouvelles centrales nucléaires mais pas avant 2023. Vu les préconditions de la directive Renewable Energy II (RED II) , l'hydrogène produit avec de l'énergie nucléaire ou l'hydrogène bleu n'est pas considéré comme durable dans la feuille de route du NWS.

ANNEXE III : LA GESTION DES DÉCHETS NUCLÉAIRES EN EUROPE

Allemagne :

Avant 2017, la loi sur le nucléaire était basée sur le principe du pollueur-payeur. Les fournisseurs de l'énergie nucléaire étaient censés maintenir des provisions pour risques et charges afin de garantir une potentielle récupération des coûts. De plus, l'Allemagne était le seul pays où les fournisseurs étaient aussi obligés de porter de futurs risques et de maintenir des provisions. La plupart des fournisseurs suivait cette obligation avec des immobilisations corporelles. En 2011, la Cour des comptes a noté que le Gouvernement n'a pas les capacités d'une propre évaluation de cette immobilisation corporelle, posant un risque significatif pour le budget fédéral. Cela a conduit à un audit nommé « Stress-Test » , qui a évalué les provisions des fournisseurs et qui a confirmé finalement que les provisions étaient suffisantes.

Suite au « Stress-Test » , une Commission a mis en oeuvre une évaluation du financement de la sortie du nucléaire qui amené à la loi sur la réorganisation de la responsabilité dans la gestion des déchets radioactifs, entrant en vigueur le 16 juillet 2017 ( Bundesgesetzblatt 2017, Teil I, pages 114 ). Les propriétaires des centrales restent responsables du démantèlement et du conditionnement correct des déchets nucléaires. Le Gouvernement fédéral reste responsable de la gestion et du stockage définitif déchets radioactifs. Cette loi crée enfin une sécurité juridique entre les différents acteurs du secteur nucléaire et du Gouvernement.

Le 27 juillet 2013, la loi sur la sélection d'un site de stockage définitif est adoptée. Elle prévoit une procédure triphasée : (1) détermination de régions d'exploration, (2) exploration de la surface et propositions pour une exploitation souterraine, (3) exploration souterraine, proposition sur un site et décision sur le site. Le Gouvernement a mandaté la Société fédérale pour le stockage définitif ( Bundesgesellschaft für die Endlagerung, BGE ). En automne 2020, la BGE a publié un rapport provisoire. En Allemagne se trouvent 90 régions possédant les propriétés géologiques suffisantes pour le stockage définitif de déchets fortement radioactifs. La procédure de détermination est donc encore dans la première phase, nécessitant encore le confinement exact des régions.

De facto , les déchets sont stockés dans quatre sites, trois pour les déchets peu ou moyennement radioactifs (Konrad, Asse II, Morsleben), un pour les déchets haute activité (Gorleben). De plus, les déchets peu ou moyennement radioactifs sont stockés provisoirement dans 30 différents sites. Ils se trouvent notamment sur les sites des centrales nucléaires.

Royaume-Uni :

Au Royaume-Uni, les déchets nucléaires des sites historiques sont surveillés par la Nuclear Decommissioning Authority (NDA) dotée d'un budget annuel de deux milliards d'euros. Elle est responsable du démantèlement de 17 différents sites, y compris les installations à Sellafield. Les provisions pour un démantèlement de nouveaux sites, notamment ceux de EDF, sont assurées via le Nuclear Liabilities Fund (NLF), donc le fond pour les responsabilités nucléaires. Dans le cas de Hinkley Point, les coûts de démantèlement sont récupérés par une redevance de 2 GBP par MWh vendu.

Le Royaume-Uni poursuit des préparations pour un site géologique de stockage définitif pour les déchets de haute activité. Il est estimé que le site sera opérationnel vers 2040, au cours de la mise en oeuvre du National Policy Statement for Geological Infrastructure de 2019. La responsabilité par rapport aux territoires est partagée entre les Gouvernements du Royaume. La procédure de sélection de site a commencé en Angleterre en 2018 et aux Pays de Galles en 2019. La procédure de sélection pourra durer jusqu'à 15 ans et la NDA prévoit que la construction des premiers sites prendra dix ans.

Belgique :

Depuis le début du nucléaire, la Belgique a géré les déchets suivant le principe du pollueur-payeur et une responsabilité illimitée d'Electrabel. Les autorités responsables sont l'Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) et l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF) qui, lui, gère les déchets via sa filiale Belgoprocess. Entre 1960 et 1982, au cours de 15 opérations, 55 324 containers ont été évacués dans l'Atlantique, suivant les préconditions de l'AIEA et le cadre international de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer de 1958. Après un moratoire sur cette pratique, les déchets sont stockés provisoirement en surface à Dessel, en province d'Anvers.

En 2006, le Conseil des Ministres a autorisé l'ONDRAF à développer un projet intégré d'entreposage définitif en surface pour tous les déchets de faible et moyenne activité et de courte demi-vie à Dessel. L'ONDRAF a préparé et soumis à l'AFCN une demande d'autorisation pour l'entreposage définitif en surface à Dessel le 31 janvier 2013. Ce processus de demande d'autorisation est en cours auprès de l'AFCN. Pour l'instant, aucune installation de stockage définitif géologique n'est construite. En 2020, la Belgique a mené une consultation publique sur un plan provisoire de gestion de déchets.

Pays-Bas :

Les Pays-Bas gèrent les déchets nucléaires via la COVRA (Centrale Opslag voor Radioactief Afval ) qui les stocke dans une installation centrale en surface. Suivant le principe du pollueur-payeur, la COVRA facture les entreprises nucléaires après le dépôt et assume ensuite toute responsabilité pour les déchets. Les opérateurs des réacteurs aux Pays-Bas ont construit un site de traitement et stockage à long terme pour les déchets de haute activité chez la COVRA. Le stockage est prévu pour 100 ans, suivi par un stockage définitif géologique. La décision sur l'endroit du stockage est prévue pour 2100.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-100.html


* 1 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Articles 1 er et 187).

* 2 Ministère de la transition écologique (MTE), Stratégie française pour l'énergie et le climat, Programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2023 et 2024-202 8, pp. 159 et 160.

* 3 Sénat, Rapport d'information n° 801 fait au nom de la commission des affaires sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, par MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, Sénateurs, 20 juillet 2022.

* 4 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Article 1 er ).

* 5 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 1 er ).

* 6 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 86).

* 7 Sénat, Rapport d'information n° 801 fait au nom de la commission des affaires sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, par MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sénateurs, 20 juillet 2022.

* 8 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 1 er ).

* 9 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 87).

* 10 Sénat, Rapport d'information n° 801 fait au nom de la commission des affaires sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, par MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sénateurs, 20 juillet 2022.

* 11 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 1 er ).

* 12 Sénat, Rapport d'information n° 801 fait au nom de la commission des affaires sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, par MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sénateurs, 20 juillet 2022.

* 13 European Pressurized Reactors 2 (ou réacteurs pressurisés européens 2).

* 14 Small Modular Reactors (ou petits réacteurs modulaires).

* 15 En l'espèce, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 16 En l'espèce, le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

* 17 Conseil d'État, Avis n° 405 769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 18 Conseil national de la transition écologique (CNTE), Délibération n° 2022-05, Avis portant sur le projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles constructions nucléaires à proximité de sites nucléaires existants.

* 19 Gouvernement, Travaux relatifs au nouveau nucléaire. Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2028, février 2022.

* 20 Sénat, Rapport d'information n° 801 fait au nom de la commission des affaires sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, par MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, Sénateurs, 20 juillet 2022.

* 21 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050, Principaux résultats , 2021.

* 22 Voir le B du présent I.

* 23 Les références d'articles du code général des impôts sont celles qui résultent de l'ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022 relative au transfert à la direction générale des finances publiques de la gestion de la taxe d'aménagement et de la part logement de la redevance d'archéologie préventive, qui a réécrit la section du code général des impôts relative à la taxe d'aménagement.

* 24 « Les effectifs de l'administration territoriale de l'État », Cour des comptes, 31 mai 2022.

* 25 Selon les chiffres avancés par l'étude d'impact du projet de loi, chaque paire de réacteurs envisagée pourrait entraîner jusqu'à 200 hectares d'artificialisation nouvelle.

* 26 Également désignée sous le terme de « demande d'autorisation de création » (DAC).

* 27 Conseil d'État, Avis n° 405 769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 28 Conseil national de la transition écologique (CNTE), Délibération n° 2022-05, Avis portant sur le projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles constructions nucléaires à proximité de sites nucléaires existants.

* 29 Directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom.

* 30 De plus, des exigences de provisionnement existent dans le domaine du nucléaire, puisque les articles L. 594-1 et L. 594-2 du même code disposent que les exploitants d'INB « constituent des provisions correspondant [aux] charges de démantèlement, [aux] charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs [et aux] charges de transport hors site ».

* 31 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

* 32 Les installations nucléaires de base désignent notamment les réacteurs nucléaires, les accélérateurs de particules, les installations contenant des substances radioactives ou fissiles, les installations liées au traitement, à l'entreposage ou au stockage des déchets radioactifs ainsi que les installations liées à la préparation, l'enrichissement, la fabrication, le traitement ou l'entreposage de combustibles nucléaires.

* 33 Article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

* 34 Article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

* 35 Article L. 121-16 du code de l'urbanisme.

* 36 Article L. 121-22 du code de l'urbanisme.

* 37 Article L. 121-4 du code de l'urbanisme.

* 38 Article L. 121-5 du code de l'urbanisme.

* 39 Article L. 121-10 du code de l'urbanisme.

* 40 Article L. 121-12 du code de l'urbanisme.

* 41 Article L. 121-17 du code de l'urbanisme.

* 42 Article L. 121-24 du code de l'urbanisme.

* 43 Article L. 121-25 du code de l'urbanisme.

* 44 Article L. 121-48 du code de l'urbanisme.

* 45 Article L. 121-49 du code de l'urbanisme.

* 46 Conseil d'État, Avis n° 405 769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 47 Contribution écrite d'EDF à la suite de l'audition du 12 décembre 2022.

* 48 Audition du mardi 13 décembre 2022.

* 49 Articles L. 2111-4 et R. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 50 Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles.

* 51 Article L. 2111-6 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 52 Article L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 53 Article R. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 54 Article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 55 Ibid .

* 56 Ibid .

* 57 Article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 58 Article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 59 Avis n° 405 769 du 27 octobre 2022 du Conseil d'État sur le projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants.

* 60 Contribution écrite transmise à la suite de l'audition du 20 décembre 2022.

* 61 Ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 relative à la partie législative du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (Article 202).

* 62 Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux Olympiques de 2024 (Article 13).

* 63 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Article 202).

* 64 Conseil d'État, Avis n° 405 769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 65 Conseil national de la transition écologique, Délibération 2022-05 : Avis portant sur le projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants, 19 octobre 2022.

* 66 Conseil d'État, Avis n° 405769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 67 Ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 modifiant les livres I er et V du code de l'environnement (Article 3).

* 68 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Article 126).

* 69 Un nouveau décret de démantèlement est requis en cas de modification substantielle des conditions de démantèlement ou des conditions ayant conduit à leur prescription (III de l'article L. 593-14 du code de l'environnement).

* 70 Une déclaration ou autorisation auprès de l'ASN est requise en cas de modification notable des conditions de démantèlement (article L. 593-15 du code de l'environnement).

* 71 Conseil d'État, Avis n° 405769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 72 Conseil national de la transition écologique, Délibération 2022-05 : Avis portant sur le projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants, 19 octobre 2022.

* 73 Directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.

* 74 Arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base.

* 75 Arrêté du 5 août 2021 relatif aux modalités de la demande et de la forme de l'autorisation requise par l'article L. 1333-2 du code de la défense.

* 76 Sénat, Rapport d'information n° 801 fait au nom de la commission des affaires sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, par MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, sénateurs, 20 juillet 2022.

* 77 Ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 modifiant les livres I er et V du code de l'environnement (Article 3).

* 78 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Article 126).

* 79 Conseil d'État, Avis n° 405769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 80 Conseil national de la transition écologique, Délibération 2022-05 : Avis portant sur le projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants, 19 octobre 2022.

* 81 Directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.

* 82 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Article 126).

* 83 Conseil d'État, Avis n° 405769 sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, 27 octobre 2022.

* 84 Ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

* 85 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 86 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 87 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 88 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

* 89 https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Wasserstoff/home.html

* 90 https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Wasserstoff/Downloads/fortschrittsbericht-nws.pdf?__blob=publicationFile&v=8

* 91 Tableau du Ministère de l'énergie et de la protection du climat https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Publikationen/Energie/gesetzeskarte.pdf?__blob=publicationFile&v=47

* 92 Drucksache 20/3870 Gesetzentwurf der Bundesregierung Entwurf eines Gesetzes zu Herkunftsnachweisen für Gas, Wasserstoff, Wärme oder Kälte aus erneuerbaren Energien und zur Änderung der Fernwärme- oder Fernkälte-Verbrauchserfassungs- und -Abrechnungsverordnung (bundestag.de)

* 93 https://www.waterstofnet.eu/_asset/_public/WIC/2020-12-7-Flemish-Hydrogen-Strategy_Hydrogen-Industry-Cluster.pdf

* 94 https://wetten.overheid.nl/jci1.3:c:BWBR0041050&z=2022-01-01&g=2022-01-01

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