B. UNE PROTECTION DE L'IVG JUGÉE D'ORES ET DÉJÀ SUFFISAMMENT SOLIDE PAR LA COMMISSION

L'IVG est inscrite dans le droit positif à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique qui dispose que : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse (...) ».

La liberté de la femme d'avorter est aujourd'hui pleinement protégée par la loi portée par Simone Veil en 1975 1 ( * ) , qui fait aujourd'hui partie intégrante de notre patrimoine juridique , et auquel le Sénat s'est toujours montré fortement attaché .

Depuis, l 'accès à l'IVG n'a jamais cessé d'être conforté par le législateur : allongements successifs des délais, élargissement des praticiens pratiquant des IVG, amélioration de la prise en charge financière, suppression du critère de « situation de détresse » ou encore du délai de réflexion préalable.

Certes, le Conseil constitutionnel n'a jamais consacré de droit constitutionnel à l'avortement , mais il l'a toujours jugé conforme à la Constitution , les quatre fois où il s'est prononcé sur le sujet en 1975, 2001, 2014 et 2016. De surcroît, il rattache , depuis sa décision du 27 juin 2001 2 ( * ) , l'interruption volontaire de grossesse à la liberté de la femme , découlant du principe général de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qu'il concilie avec le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation.

Telle était d'ailleurs la position exprimée par le Gouvernement lors de la dernière législature.

Il est vrai que le Conseil constitutionnel reconnaît une large marge de manoeuvre au législateur sur les questions de société, mais il n'est pas impossible de penser que s'il était saisi d'une loi interdisant ou restreignant fortement l'IVG , il refuserait probablement de valider une atteinte disproportionnée à cette « liberté de la femme ».

C. UN DROIT QUI N'EST PAS MENACÉ EN FRANCE AU POINT DE MODIFIER LA CONSTITUTION POUR DES RAISONS PUREMENT « SYMBOLIQUES »

Existe-t-il un danger réel de remise en cause de l'IVG ?

Aucun parti politique n'a jamais indiqué vouloir remettre en question ce principe : il n'est donc pas crédible de soutenir que ce droit est menacé en France, de la même manière qu'aux États-Unis ou dans d'autres pays de l'Union européenne.

À cet égard, la situation institutionnelle en France n'est en rien comparable avec celle des États-Unis , où la Cour suprême a renvoyé aux États fédérés la compétence pour légiférer sur l'avortement dans son arrêt Dobbs v. Jackson rendu le 24 juin 2022 3 ( * ) .

En France, la situation est radicalement différente . Elle est une République indivisible dans laquelle le législateur national dispose d'une plénitude de compétence et les lois sont les mêmes pour tous. En définitive, le dispositif « anti-Trump » envisagé par cette proposition de révision constitutionnelle n'a pas lieu d'être en France .

La commission a donc préféré rester fidèle aux conclusions rendues par le comité présidé par Simone Veil en décembre 2008 qui n'avait pas recommandé de modifier le Préambule ni d'intégrer à la Constitution de droits et libertés liés à la bioéthique, laquelle intégrait l'IVG, et qui refusait aussi d'y « inscrire des dispositions de portée purement symbolique ».


* 1 Loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 2 Conseil constitutionnel, décision 2001-446 DC du 27 juin 2001, sur la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 3 Supreme Court of the United States, Dobbs, State Health officer of the Mississippi department of health, et al. v. Jackson Women's health organization et al., n° 19-1392, decided June 24, 2022.

Cet arrêt est consultable sur le site internet de la Cour suprême des États-Unis à l'adresse suivante :

https://www.supremecourt.gov/opinions/21pdf/19-1392_6j37.pdf

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