N° 697

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, relative aux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil portant réforme du marché de l'électricité de l'Union,

Par M. Daniel GREMILLET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault, secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot.

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Sénat :

669 et 698 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Mercredi 7 juin 2023, la commission des affaires économiques a adopté la proposition de résolution européenne (PPRE), présentée par les sénateurs Daniel Gremillet (Les Républicains - Vosges) et Claude Kern (Union Centriste - Bas-Rhin) sur les propositions de règlement portant réforme du marché européen de l'électricité.

I. LE MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ : QUELLE RÉFORME ?

Face à la crise énergétique actuelle, la Commission européenne propose une réforme du marché européen de l'électricité.

A. UN CONTEXTE DE CRISE ÉNERGÉTIQUE SANS PRÉCÉDENT

Depuis trois ans, les prix de l'électricité n'ont cessé d'augmenter en Europe, sous l'effet de la reprise de l'économie mondiale au sortir de la crise de la Covid-19, de la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine et des indisponibilités du parc nucléaire comme renouvelable. Pour preuve, selon le Conseil, entre début 2021 et fin 2022, les prix moyens de l'énergie en Europe sont passés de 100 à 185 € pour la consommation, et de 100 à 280 € pour la production, soit une multiplication par respectivement 2 et 3.

Pour endiguer cette hausse exponentielle, la Commission européenne a présenté plusieurs mesures, dont la réorganisation du marché européen de l'électricité, aux côtés naturellement de l'augmentation des énergies décarbonées ou de la diminution des énergies fossiles.

Ainsi, le 8 mars 2022, dans le cadre du Plan REPowerEU, elle a proposé d'optimiser l'organisation du marché de l'électricité, en tenant compte du rapport de l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER). Pour mémoire, ce plan nécessite un montant total de 210 Mds € et vise à réaliser des économies de 80 Mds € sur le gaz, 12 Mds € sur le pétrole et 1,7 Md € sur le charbon.

Remis en avril 2022, le rapport de l'ACER a appelé à ne pas tenir l'organisation du marché européen de l'électricité pour responsable de la crise actuelle. Depuis lors, les annonces de la Commission ont été fluctuantes, voire contradictoires. Le 18 mai, dans le cadre de sa communication sur la ligne de conduite, elle a estimé efficace l'organisation du marché mais nécessaires ses adaptations. Pour autant, sa Présidente est allée jusqu'à plaider pour « entreprendre une réforme complète » et « découpler les prix de l'électricité de l'influence du gaz », dans son discours sur l'état de l'Union, du 14 septembre.

Au-delà de ces annonces, la Commission européenne a déjà légiféré à trois reprises. D'une part, un règlement du 6 octobre 2022 a autorisé la prise de mesures nationales en cas de crise, dont le plafonnement des recettes excédentaires des producteurs d'électricité, l'extension aux PME des interventions publiques dans la fixation des prix et le soutien aux clients finals via une contribution de solidarité temporaire. D'autre part, un règlement du 22 décembre 2022 a promu l'accélération des procédures d'autorisation des énergies renouvelables et des pompes à chaleur (PAC). Enfin, un autre règlement du 22 décembre 2022 a prévu la modification, la suspension ou la désactivation du mécanisme de correction de marché.

B. UN PAQUET COMPORTANT 3 ACTES JURIDIQUES

Le paquet aujourd'hui proposé comporte 3 actes juridiques.

1. La proposition de modification de règlement et de directive sur l'organisation du marché européen de l'électricité vise à consolider ce marché, à court et long termes

En premier lieu, elle entend instituer deux catégories de contrats de long terme pour les investissements dans la production d'électricité de sources d'énergies décarbonées. Les contrats d'écart compensatoire bidirectionnels (ou Contracts for Difference - CfD) doivent être mis en oeuvre par les États membres, dès lors qu'ils optent pour un régime de soutien direct des prix, afin de promouvoir les investissements dans les nouvelles installations de production d'électricité ainsi que le rééquipement, l'agrandissement ou la prolongation de celles existantes. Ces contrats englobent les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique et nucléaire. Lorsque le prix d'exercice est supérieur au prix de marché, leurs recettes excédentaires sont reversées aux consommateurs. Quant aux accords d'achat d'électricité (ou Power Purchase Agreements - PPA), ils peuvent être appuyés par les États membres, par un régime de garantie des prix, pour soutenir l'achat d'électricité renouvelable.

En second lieu, la proposition de modification vise à accroître la flexibilité du marché de l'électricité. Chaque État membre doit définir un objectif national de flexibilité d'origine non fossile, telle que la participation active de la demande ou le stockage de l'énergie, et envisager de les promouvoir. Les gestionnaires nationaux des réseaux de transport sont responsables de la gestion des marchés journaliers et infra-journaliers, tandis que les autorités de régulation nationales peuvent appliquer des mesures complémentaires et doivent établir un rapport d'évaluation. De leur côté, le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité (REGRT) et l'ACER se voient confier des compétences en matière de plateformes virtuelles ou de flexibilités transfrontalières.

En troisième lieu, la proposition de modification propose de renforcer la protection des consommateurs contre la hausse des prix. Chaque État membre doit veiller à ce que les consommateurs puissent conclure un contrat à prix fixe ou dynamique, en étant pleinement informés de leurs conditions et de leurs effets, bénéficier d'un service universel, c'est-à-dire d'un approvisionnement à prix compétitif sur l'ensemble du territoire, et participer au partage de l'énergie, soit à l'autoconsommation de l'électricité renouvelable sur la base d'accords privés. Les États membres doivent également désigner des fournisseurs de dernier recours et prohiber les interruptions de fourniture. Avec les autorités de régulation nationales, ils peuvent imposer aux fournisseurs une stratégie de couverture face à l'évolution des prix de gros, le cas échéant, par le biais de PPA. Enfin, la Commission européenne peut déclarer, pour un an au maximum, une situation de crise des prix, dès lors que la hausse des prix de gros atteint 2,5 fois le prix moyen et celle des prix de détail 70 %. Cette situation de crise autorise les États membres à effectuer des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix, dans la limite de 70 % de la consommation des PME et de 80 % de celle des ménages.

2. La proposition de modification de règlement sur la protection contre la manipulation du marché de gros de l'énergie entend modifier les compétences des autorités de régulation, nationales et européenne

D'une part, elle propose de renforcer les obligations d'information. L'ACER bénéficie de nouvelles compétences en matière de surveillance des échanges commerciaux de produits énergétiques de gros, dont le trading algorithmique, ainsi qu'en matière d'agrément et de surveillance des plateformes d'information privilégiée et des mécanismes de déclaration enregistrés, pour lesquels elle perçoit des redevances. En outre, les autorités de régulation nationales et l'ACER, ainsi que les administrations financières ou fiscales, doivent échanger les informations, au moins une fois par trimestre.

D'autre part, la proposition de modification vise à consolider les modalités de contrôle. L'ACER dispose de nouveaux pouvoirs d'enquête, d'inspection et de sanction, afin de permettre une application effective et uniforme du règlement et de compléter les activités des autorités de régulation nationales. Cette agence peut intervenir lorsque trois États membres sont concernés ou en cas de carence d'une autorité de régulation nationale, dès lors que cette autorité ne s'y est pas opposée et, le cas échéant, que l'autorité judiciaire l'a autorisé. L'ACER et les autorités de régulation nationales doivent se prêter mutuellement assistance. Ces dernières restent compétentes pour surveiller et enquêter sur leurs marchés de gros nationaux. Elles doivent pouvoir adopter des sanctions pécuniaires, allant jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires, pour les personnes morales, et 5 M €, pour les personnes physiques. Pour autant, ces autorités doivent transmettre à l'ACER toute décision envisagée, accompagnée d'un résumé du dossier, 30 jours avant son adoption.

Enfin, la proposition de modification tend à conforter les modalités de régulation. L'ACER détient un nouveau pouvoir d'émission d'orientations et de recommandations à destination des autorités de régulation nationales et des acteurs de marché, afin de garantir la cohérence du droit de l'Union et des pratiques de surveillance. Ces autorités nationales doivent indiquer les suites envisagées à ces décisions, 2 mois après leur émission, l'avis étant motivé et publié, en cas de non-respect. Ces acteurs de marché rendent également compte de ces suites, de manière précise et détaillée, si ces décisions le requièrent.

3. La recommandation sur le stockage de l'énergie prévoit plusieurs mesures en la faveur de ce dernier

Les États membres doivent recenser les besoins et les sources de flexibilité et les déficits de financement, en lien avec les autorités de régulation nationales et les gestionnaires nationaux des réseaux de transport et de distribution. Les données collectées doivent être publiées en temps réel. Ils doivent aussi actualiser leurs plans nationaux en matière d'énergie et de climat (PNEC) et renforcer leurs objectifs, politiques et mesures connexes.

Ces mêmes États doivent veiller à la facilitation des procédures d'autorisation, à l'absence de double imposition, à l'institution de procédures de mise en concurrence ainsi qu'à l'évolution des redevances d'accès et des régimes tarifaires. Les mécanismes de capacité, d'agrégation ou de partage doivent être promus. Il en va de même de la recherche et du développement, notamment par des instruments de réduction des risques. Les îles et les régions isolées ou ultrapériphériques doivent être intégrées.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE RÉFORME À INFLÉCHIR

Parce que la réforme du marché européen de l'électricité présente des limites et des ambiguïtés, elle doit être infléchie, selon 6 axes, ainsi que le propose la PPRE.

A. UN SOUCI DE COMPLÉTUDE

La réforme doit poursuivre un souci de complétude. Si elle permet le développement utile d'un marché de long terme, elle n'aura pas d'impact immédiat sur le marché de court terme, dans la mesure où elle ne remet pas en cause le principe du coût marginal, qui lie dans les faits le prix de l'électricité à celui du gaz, et ne peut entrer en vigueur avant fin 2023... Il faut donc aller plus loin et plus vite ! C'est pourquoi la PPRE déplore ce manque. De plus, il importe d'évaluer les effets économiques et sociaux de cette réforme et d'envisager son extension au gaz ou à la chaleur.

B. LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE

Cette réforme doit respecter le principe de neutralité technologique. Les CfD doivent couvrir toutes les sources d'énergies renouvelables, dont celles hydraulique, marine ou issue de la biomasse. Si l'énergie nucléaire est bien visée, le fonctionnement des installations et l'innovation en leur sein doivent aussi l'être. Quant aux PPA, ils doivent être étendus à l'énergie nucléaire, aux côtés des énergies renouvelables. Ces deux outils doivent inclure l'hydrogène décarboné, quelle que soit son origine. C'est essentiel pour respecter l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui consacre « le droit d'un État membre de déterminer [...] son choix entre différentes sources d'énergie ».

C. LA FAISABILITÉ TECHNIQUE

Il faut veiller à la faisabilité technique de cette réforme. Les États membres doivent rester maîtres du champ et des modalités des CfD et des PPA, en veillant au caractère volontaire, des premiers et accessible, des seconds. L'utilisation des CfD doit pouvoir être considérée, dans le cadre de la nouvelle régulation de l'énergie nucléaire. Quant aux PPA, ils ne doivent pas être réservés aux seules industries électro-intensives, exposées à la concurrence internationale. Dans les deux cas, les tarifs d'achat, qui soutiennent la production d'électricité renouvelable, ne sauraient être évincés ; de plus, un système de garantie peut dynamiser ces outils tandis que le reversement de recettes vers l'ensemble des consommateurs peut conforter leur acceptabilité. Enfin, les mécanismes de capacité doivent rester optionnels, et reposer sur une évaluation nationale, tandis que les plateformes virtuelles ou l'équilibrage à 30 minutes doivent être évalués au préalable.

D. LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Cette réforme doit mieux protéger les consommateurs. Les États membres doivent pouvoir déclarer la situation de crise des prix, dont les critères, notamment d'intensité et de durée, nécessitent d'être assouplis. Leurs interventions publiques ciblées doivent être, non seulement facilitées, mais aussi pérennisées. Les clients résidentiels, dont les ménages en situation de précarité énergétique, doivent bénéficier de contrats à prix fixe, plutôt que dynamique. En cas d'impayés de facturation par ces ménages, les diminutions de puissance doivent être préférées aux interruptions de fourniture. Pour lutter contre la précarité énergétique, les États membres doivent voir leurs compétences maintenues, tandis que les fournisseurs de secours et les collectivités doivent bénéficier de ressources suffisantes. Il faut protéger les collectivités, aux côtés des ménages, et les PME, aux côtés des TPE. Davantage de régulation peut être promue, pour les obligations de couverture, les droits aux interconnexions, les délais de raccordement et les opérations de courtage.

E. LE RESPECT DES AUTORITÉS ET JURIDICTIONS NATIONALES

Cette réforme doit respecter les compétences des autorités de régulation et des juridictions nationales. Les principes de subsidiarité, d'indépendance et d'impartialité doivent être appliqués. Il n'est donc pas admissible que l'ACER soit informée en amont des décisions des autorités de régulation nationales, exerce un pouvoir d'enquête et de sanction sans l'accord de ces autorités, et bénéficie d'un pouvoir d'orientation et de recommandation obligeant ces dernières à se justifier. C'est pourquoi la PPRE conteste le transfert des compétences de ces autorités nationales vers l'ACER. Il faut préserver leurs pouvoirs de régulation et moyens d'action.

F. LA PRISE EN COMPTE DU STOCKAGE, AU-DELÀ DE LA PRODUCTION

Cette réforme doit davantage promouvoir le stockage de l'électricité, au-delà de sa production. Il est nécessaire d'appliquer à ces projets de stockage le principe de neutralité technologique, pour prendre en compte toutes les sources d'énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaire, et toutes les formes de stockage, des batteries à l'hydrogène. Il est aussi utile d'intégrer ces projets aux nouveaux outils de financement, comme les CfD ou les PPA, comme à ceux existants, tels que les aides fiscales, budgétaires ou tarifaires. Le niveau d'émission de ces projets doit être préféré aux autres critères environnementaux, pour leur sélection. Naturellement, il faut accorder une attention à toute leur chaîne de valeur, de l'approvisionnement en métaux au recyclage des déchets. S'agissant de la mise en oeuvre des projets, les propriétaires publics des réseaux et des logements doivent être associés. Enfin, il faut ici encore envisager d'étendre la réforme au gaz et à la chaleur.

Ainsi complétée, la réforme du marché européen de l'électricité est indispensable pour protéger les consommateurs contre la volatilité des prix des énergies, renforcer la compétitivité des entreprises européennes face à la concurrence internationale et financer les investissements dans la transition énergétique, en mobilisant l'ensemble des sources d'énergies décarbonées. Elle peut et doit puissamment contribuer à appliquer les objectifs énergétiques et climatiques de l'Union, dont la réduction de 55 % de ses émissions d'ici 2030 et l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050, ainsi que sa stratégie industrielle.

Un prix moyen de l'énergie en Europe ayant atteint pour la consommation fin 2022

Un prix moyen de l'énergie en Europe ayant atteint pour la production
fin 2022 

 
 
 
 

d'investissements nécessités par le plan REPowerEU

actes juridiques visant à réformer le marché européen
de l'électricité

LE PROJET DE LA COMMISSION EUROPÉENNE :
UNE RÉFORME DU MARCHÉ EUROPÉEN
DE L'ÉLECTRICITÉ CONSOLIDANT
SON FONCTIONNEMENT DE LONG TERME
EN LAISSANT INCHANGÉ CELUI DE COURT TERME

Face à la crise énergétique actuelle (I), la Commission européenne propose une réforme du marché européen de l'électricité (II).

I. UN CONTEXTE DE CRISE ÉNERGÉTIQUE SANS PRÉCÉDENT

Depuis trois ans, les prix de l'électricité n'ont cessé d'augmenter en Europe, sous l'effet de la reprise de l'économie mondiale au sortir de la crise de la Covid-19, de la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine et des indisponibilités du parc nucléaire comme renouvelable en Europe.

Pour preuve, selon le Conseil, entre début 2021 et fin 2022, les prix moyens de l'énergie européens sont passés de 100 à 185 € pour la consommation, et de 100 à 280 € pour la production, soit une multiplication par respectivement 2 et 31(*).

A. LES ANNONCES ACTUELLES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Pour endiguer cette hausse exponentielle des prix de l'électricité et, au-delà, des énergies, la Commission européenne a présenté plusieurs mesures, dont la réorganisation du marché européen de l'électricité, aux côtés naturellement de l'augmentation des énergies décarbonées ou de la diminution des énergies fossiles.

Ainsi, le 8 mars 2022, dans sa communication REPowerEU : Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable2(*), la Commission a proposé d'optimiser l'organisation du marché de l'électricité, en tenant compte du rapport de l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER).

Pour mémoire, selon la Commission, le plan REPowerEU nécessite 210 Mds € d'investissements supplémentaires d'ici 2027 mais vise à réaliser des économies de 80 Mds € sur le gaz, 12 Mds € sur le pétrole et 1,7 Md € sur le charbon3(*),4(*).

Dans le cadre de ce plan, la Commission a ainsi estimé que « rompre la dépendance à l'égard des combustibles fossiles russes accélérera la modification du bouquet énergétique dans les États membres, qui devrait se refléter dans le fonctionnement du marché de l'électricité », et a ajouté qu'elle « évaluera également les possibilités d'optimiser l'organisation du marché de l'électricité afin de tirer parti de l'énergie à faible coût. »

Pour ce faire, la Commission a précisé qu'elle « tiendra compte du rapport final de l'ACER et d'autres contributions sur le fonctionnement du marché de l'électricité et sur les avantages et inconvénients des mécanismes alternatifs de tarification de l'électricité » et qu'elle « procédera à un suivi approprié afin de maintenir les prix de l'électricité à un niveau abordable sans perturber l'approvisionnement et de réaliser de nouveaux investissements dans la transition écologique ».

Remis en avril 2022, le rapport de l'ACER, sur l'évolution du marché de gros de l'électricité dans l'Union européenne5(*), a appelé à ne pas tenir l'organisation du marché européen de l'électricité pour responsable de la crise actuelle.

Dans ce rapport, l'ACER a en effet estimé que « la crise énergétique actuelle est par essence un choc de prix gazier, qui a également un impact sur les prix de l'électricité » et que « le market design actuel du marché de l'électricité ne doit pas être accusé de la crise actuelle. Au contraire, les règles de marché en place ont dans une certaine mesure aidé à atténuer la crise actuelle ».

Depuis lors, les annonces de la Commission ont été fluctuantes, voire contradictoires.

Le 18 mai 2022, dans sa communication Interventions sur le marché de l'énergie à court terme et améliorations à long terme de l'organisation du marché de l'électricité -- ligne de conduite6(*), elle a estimé efficace l'organisation du marché européen de l'électricité mais nécessaires ses adaptations.

En effet, la Commission européenne a indiqué « sur la base du rapport de l'ACER et de ses contacts avec les parties prenantes, que le marché de l'électricité, dans son organisation actuelle, est efficace et bien intégré et qu'il permet à l'Europe de bénéficier de tous les avantages économiques d'un marché unique de l'énergie, de garantir la sécurité de l'approvisionnement et de soutenir le processus de décarbonation ».

Pour autant, elle a ajouté que « dans certains domaines, il est nécessaire d'adapter l'organisation du marché de l'électricité de l'UE pour tenir compte du paysage énergétique et du bouquet énergétique futurs, des nouvelles technologies émergentes, des évolutions géopolitiques ainsi que des enseignements tirés de la crise actuelle. Ces adaptations devraient contribuer à optimiser le fonctionnement de l'organisation du marché de l'électricité et le rendre plus apte à favoriser une décarbonation rentable du secteur de l'électricité, offrir des prix abordables aux consommateurs et accroître la capacité du marché de résister à la volatilité des prix. »

Pour autant, sa présidente Ursula Von der Leyen est allée jusqu'à plaider pour une réforme plus complète et plus profonde de l'organisation du marché européen de l'électricité, dans son discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen, du 14 septembre 20227(*).

Aussi a-t-il explicitement proposé d'« entreprendre une réforme complète et en profondeur du marché de l'électricité » notamment pour « découpler les prix de l'électricité de l'influence dominante du gaz ».

B. LES PRÉCÉDENTES MESURES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Dans ce contexte inédit, la Commission européenne a déjà légiféré à plusieurs reprises, afin de répondre à la hausse des prix.

D'une part, le règlement (UE) 2022/1854 du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie8(*) a autorisé l'édiction de mesures nationales en cas de crise, dont le plafonnement des recettes excédentaires des producteurs d'électricité, l'extension des interventions publiques dans la fixation des prix aux PME et le soutien aux clients finals, au moyen d'une contribution de solidarité temporaire.

D'autre part, le règlement (UE) 2022/2577 du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables9(*) a prévu l'accélération des procédures d'octroi des autorisations pour les énergies renouvelables et les pompes à chaleur (PAC).

Enfin, un autre règlement (UE) 2022/2578 du 22 décembre 2022 établissant un mécanisme de correction du marché afin de protéger les citoyens de l'Union et l'économie contre des prix excessivement élevés10(*) a prévu la modification, la suspension ou la désactivation du mécanisme de correction du marché.

II. UN PAQUET COMPORTANT TROIS ACTES JURIDIQUES

Le paquet aujourd'hui proposé en faveur de la réforme du marché européen de l'électricité est composé de trois actes juridiques :

- une proposition de modification des règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que des directives (UE) 2018/2001 et 2019/944 afin d'améliorer l'organisation du marché de l'électricité dans l'Union11(*) ;

- une proposition de modification des règlements (UE) nº 1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie12(*) ;

- une recommandation et un document de travail sur le stockage de l'énergie13(*).

Une présentation indicative, plus détaillée, de ces actes juridiques figure en annexe du présent rapport.

A. LA PROPOSITION DE MODIFICATION DE RÈGLEMENT ET DE DIRECTIVE SUR L'ORGANISATION DU MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ

La proposition de modification de règlement et de directive sur l'organisation du marché européen de l'électricité vise à consolider ce marché, à court et long termes.

En premier lieu, elle entend instituer deux catégories de contrats de long terme pour les investissements dans la production d'électricité de sources d'énergies décarbonées. Les contrats d'écart compensatoire bidirectionnels (ou Contracts for Difference - CfD) doivent être mis en oeuvre par les États membres, dès lors qu'ils optent pour un régime de soutien direct des prix, afin de promouvoir les investissements dans les nouvelles installations de production d'électricité ainsi que le rééquipement, l'agrandissement ou la prolongation de celles existantes. Ces contrats englobent les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique et nucléaire. Lorsque le prix d'exercice est supérieur au prix de marché, leurs recettes excédentaires sont reversées aux consommateurs. Quant aux accords d'achat d'électricité (ou Power Purchase Agreements - PPA), ils peuvent être appuyés par les États membres, par un régime de garantie des prix, pour soutenir l'achat d'électricité renouvelable.

En second lieu, la proposition de modification vise à accroître la flexibilité du marché de l'électricité. Chaque État membre doit définir un objectif national de flexibilité d'origine non fossile, tel que la participation active de la demande ou le stockage de l'énergie, et envisager de les promouvoir. Les gestionnaires nationaux des réseaux de transport sont responsables de la gestion des marchés journaliers et infra-journaliers, tandis que les autorités de régulation nationales peuvent appliquer des mesures complémentaires et doivent établir un rapport d'évaluation. De leur côté, le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité (REGRT) et l'ACER se voient confier des compétences en matière de plateformes virtuelles ou de flexibilités transfrontalières.

En troisième lieu, la proposition de modification propose de renforcer la protection des consommateurs contre la hausse des prix. Chaque État membre doit veiller à ce que les consommateurs puissent conclure un contrat à prix fixe ou dynamique, en étant pleinement informés de leurs conditions et de leurs effets, bénéficier d'un service universel, c'est-à-dire d'un approvisionnement à prix compétitif sur l'ensemble du territoire, et participer au partage de l'énergie, soit à l'autoconsommation de l'électricité renouvelable sur la base d'accords privés. Les États membres doivent également désigner des fournisseurs de dernier recours et prohiber les interruptions de fourniture. Avec les autorités de régulation nationales, ils peuvent imposer aux fournisseurs une stratégie de couverture face à l'évolution des prix de gros, le cas échéant, par le biais de PPA. Enfin, la Commission européenne peut déclarer, pour un an au maximum, une situation de crise des prix, dès lors que la hausse des prix de gros atteint 2,5 fois le prix moyen et celle des prix de détail 70 %. Cette situation de crise autorise les États membres à effectuer des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix, dans la limite de 70 % de la consommation des PME et de 80 % de celle des ménages.

B. LA PROPOSITION DE MODIFICATION DE RÈGLEMENT SUR LA PROTECTION CONTRE LA MANIPULATION DU MARCHÉ DE GROS DE L'ÉNERGIE

La proposition de modification de règlement sur la protection contre la manipulation du marché de gros de l'énergie entend modifier les compétences des autorités de régulation, nationales et européenne.

D'une part, elle propose de renforcer les obligations d'information. L'ACER bénéficie de nouvelles compétences en matière de surveillance des échanges commerciaux de produits énergétiques de gros, dont le trading algorithmique, ainsi qu'en matière d'agrément et de surveillance des plateformes d'information privilégiée et des mécanismes de déclaration enregistrés, pour lesquels elle perçoit des redevances. En outre, les autorités de régulation nationales et l'ACER, ainsi que les administrations financières ou fiscales, doivent échanger les informations, au moins une fois par trimestre.

D'autre part, la proposition de modification vise à consolider les modalités de contrôle. L'ACER dispose de nouveaux pouvoirs d'enquête, d'inspection et de sanction, afin de permettre une application effective et uniforme du règlement et de compléter les activités des autorités de régulation nationales. Cette agence peut intervenir lorsque trois États membres sont concernés ou en cas de carence d'une autorité de régulation nationale, dès lors que cette autorité ne s'y est pas opposée et, le cas échéant, que l'autorité judiciaire l'a autorisé. L'ACER et les autorités de régulation nationales doivent se prêter mutuellement assistance. Ces dernières restent compétentes pour surveiller et enquêter sur leurs marchés de gros nationaux. Elles doivent pouvoir adopter des sanctions pécuniaires, allant jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires, pour les personnes morales, et 5 M €, pour les personnes physiques. Pour autant, ces autorités doivent transmettre à l'ACER toute décision envisagée, accompagnée d'un résumé du dossier, 30 jours avant son adoption.

Enfin, la proposition de modification tend à conforter les modalités de régulation. L'ACER détient un nouveau pouvoir d'émission d'orientations et de recommandations à destination des autorités de régulation nationales et des acteurs de marché, afin de garantir la cohérence du droit de l'Union et des pratiques de surveillance. Ces autorités nationales doivent indiquer les suites envisagées à ces décisions, 2 mois après leur émission, l'avis étant motivé et publié, en cas de non-respect. Ces acteurs de marché rendent également compte de ces suites, de manière précise et détaillée, si ces décisions le requièrent.

C. LA RECOMMANDATION ET LE DOCUMENT DE TRAVAIL SUR LE STOCKAGE DE L'ÉNERGIE

La recommandation sur le stockage d'énergie prévoit plusieurs mesures en la faveur de ce dernier.

Les États membres doivent recenser les besoins et les sources de flexibilité et les déficits de financement, en lien avec les autorités de régulation nationales et les gestionnaires nationaux des réseaux de transport et de distribution. Les données collectées doivent être publiées en temps réel. Ils doivent aussi actualiser leurs plans nationaux en matière d'énergie et de climat (PNEC) et renforcer leurs objectifs, politiques et mesures connexes.

Ces mêmes États doivent veiller à la facilitation des procédures d'autorisation, à l'absence de double imposition, à l'institution de procédures de mise en concurrence ainsi qu'à l'évolution des redevances d'accès et des régimes tarifaires. Les mécanismes de capacité, d'agrégation ou de partage doivent être promus. Il en va de même de la recherche et du développement, notamment par des instruments de réduction des risques. Les îles et les régions isolées ou ultrapériphériques doivent être intégrées.

LA POSITION DES ACTEURS FRANÇAIS :
UN CONSENSUS SUR LA NÉCESSITÉ
D'UNE RÉFORME DU MARCHÉ EUROPÉEN
DE L'ÉLECTRICITÉ

Le besoin d'une réforme du marché européen de l'électricité fait l'objet d'un consensus parmi les acteurs institutionnels (I), tout comme ceux économiques (II).

I. LE POINT DE VUE DES ACTEURS INSTITUTIONNELS

Plusieurs acteurs institutionnels français ont fait part de leur avis, partagé, sur la réforme du marché européen de l'électricité.

Tout d'abord, la Commission de régulation de l'énergie (CRE)14(*) accueille plutôt positivement cette réforme, tout en soulignant ses limites et en émettant des propositions.

Pour elle, une réforme doit viser l'atteinte, au moindre coût, de 3 objectifs : garantir la sécurité d'approvisionnement à un niveau adéquat ; permettre aux consommateurs de se protéger en cas de crise contre des hausses des prix ; accélérer la transition énergétique.

La CRE estime que le signal-prix sur les marchés de gros a permis un pilotage optimal du système à court et moyen termes, l'allocation efficace des moyens de production à l'échelle européenne et le rééquilibrage de l'offre et de la demande. Elle ajoute que les mesures d'urgence ont permis de renforcer la sécurité d'approvisionnement et d'atténuer les hausses de prix.

Pour autant, la crise a mis en évidence les faiblesses structurelles du marché européen de l'électricité et généré une demande politique forte de révision de ses règles de fonctionnement, reposant la question de la protection des consommateurs et du financement des actifs de production bas-carbone, de pointe et de flexibilité.

Dans ce contexte, la CRE avance 3 propositions : préserver le fonctionnement actuel du marché de gros tout en le renforçant et le développant, notamment sur ses échéances de plus long terme ; sécuriser les investissements, en s'appuyant sur une pluralité d'outils laissant suffisamment de latitude aux États membres ; protéger les consommateurs, grâce notamment à une obligation pour les fournisseurs de couverture minimale contre les prix élevés.

Si les marchés infra-journaliers, journaliers et de quelques mois à deux ans sont efficaces, celui à terme doit être renforcé, ce qui suppose : d'allouer des droits aux interconnexions sur plusieurs années, au lieu d'une année ; de renforcer la liquidité des marchés à terme, faible au-delà d'un an et inexistante au-delà de trois ans, via le financement temporaire des teneurs de marché ; de soumettre les fournisseurs à des obligations prudentielles, consistant à couvrir en amont les engagements pris en aval dans les contrats.

Une pluralité d'outils doit permettre aux investisseurs de sécuriser leurs revenus contre le risque prix, sans les insensibiliser aux autres risques : les forwards, dont l'échéance doit être portée au-delà de 2 ans ; les PPA, dont les restrictions doivent être levées et qui peuvent permettre aux consommateurs industriels de sécuriser un volume d'électricité à prix connu, voire fixe, compatible avec l'essor ou le maintien de leurs activités ; les CfD, dont le champ ne doit pas porter sur l'intégralité de la production et les modalités contrevenir au principe de subsidiarité et qui peuvent permettre de transférer aux consommateurs des coûts du parc nucléaire en France, dans la perspective de l'extinction de l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) d'ici 2025.

Une obligation de couverture minimale contre les prix élevés doit être imposée aux fournisseurs par les États membres, selon 3 dimensions : la détermination des obligations de couverture des fournisseurs ; l'acquisition de couvertures de long terme ; le financement des coûts fixes des moyens de production à technologies bas-carbone. Les fournisseurs peuvent satisfaire cette obligation par des options standards, des contrats fermes ou des actifs physiques. Des garanties publiques peuvent être adossées aux productions bas-carbone. Les fournisseurs peuvent également proposer une prime, contribuant au financement de leurs investissements, en contrepartie du renoncement aux revenus exceptionnels, en période de prix hauts. Chaque consommateur doit payer le coût de l'obligation de couverture qu'il emporte pour son fournisseur, selon des modalités négociées librement avec lui. Cette obligation est préférable à la taxation des rentes infra-marginale ou à l'accès direct aux CfD. Elle n'empêche pas des contrats plus protecteurs, avec un prix pluriannuel ou un prix minimum, ou encore valorisant la flexibilité.

De son côté, le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) accueille également plutôt positivement la réforme du marché européen de l'électricité malgré son caractère tardif, saluant l'approche équilibré de la Commission européenne, qui permet de conserver les acquis du fonctionnement actuel du marché tout en le complétant par des instruments de long terme.

Il se félicite des propositions visant un lissage temporel des prix payés par les consommateurs et des revenus des producteurs dont les PPA et les CfD. En revanche, il est réservé sur la création de plateformes virtuelles et la gestion de l'équilibrage à 30 minutes.

S'agissant des PPA, il souhaite que les prix se rapprochent des coûts avec une marge raisonnable. Il propose d'étendre les PPA aux entreprises européennes exposées à la concurrence internationale et engagées dans des plans de décarbonation, d'élargir la possibilité de réserver des volumes pour des PPA pour les unités sous CfD à toutes les technologies pouvant faire l'objet de CfD et de confier aux États membres la conception des PPA et la réservation du volume. Plus largement, il souhaite que les montants générés par tout type de mécanisme de limitation des revenus des actifs de production bénéficient aux consommateurs, sur le modèle des CfD, et que les tarifs d'achat pour les installations renouvelables de très petite taille soient maintenus, aux côtés des appels d'offres.

Le SGAE appuie les CfD ainsi que le soutien au réinvestissement et à la flexibilité. Cependant, il estime crucial de conserver le caractère facultatif et non rétroactif des dispositions sur le mécanisme de capacité et d'étendre les obligations de couverture des fournisseurs, à toutes les sources d'électricité décarbonées.

Quant aux dispositions sur la surveillance du marché de gros de l'énergie, il estime utile une harmonisation à l'échelon européen et une extension à l'ensemble des produits énergétiques de gros. À l'inverse, il ne juge pas pertinent la transmission des autorités de régulation nationales à l'ACER des projets de sanction avant leur adoption et le renforcement des compétences d'enquête et de poursuite de l'ACER, eu égard aux principes de subsidiarité, d'indépendance et d'impartialité.

Dans le même ordre d'idées, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) estime que la réforme fait émerger des signaux de long terme sans impact sur les marchés de court terme.

L'absence d'impact immédiat s'explique par plusieurs raisons. D'une part, la réforme ne modifie pas les marchés à court terme, même si les obligations prudentielles sont de nature à prévenir les stratégies risquées des fournisseurs. D'une part, si la réforme doit aboutir d'ici fin 2023, elle nécessite une transposition et une déclinaison nationales, notamment pour les PPA et les CfD, et n'est donc pas susceptible de produire d'effets dès l'hiver prochain. Enfin, une telle réforme ne suffit pas à se prémunir contre les hausses des prix, également imputables à la faible disponibilité du parc nucléaire existant.

S'agissant du principe du coût marginal, la DGEC l'estime efficace pour allouer les ressources et assurer les interconnexions. Pour autant, il est déterminé de facto par le prix des combustibles fossiles et des quotas carbone. Trois difficultés sont donc palpables : l'absence d'exposition juste des consommateurs aux coûts complets des installations de production ; l'absence de réponse à l'enjeu de sécurité d'approvisionnement de long terme ; l'obstacle aux investissements dans la décarbonation des économies. C'est pourquoi trois correctifs sont nécessaires : faire bénéficier l'ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc de production, en s'assurant de la maîtrise des coûts de production et en rapprochant les factures d'un prix représentatif des coûts complets du mix électrique ; inciter les fournisseurs à une pratique prudente d'approvisionnement de long terme ; inciter les producteurs à investir dans les moyens décarbonés, en leur apportant de la visibilité sur le prix.

Concernant les PPA et les CfD, ils présentent quelques lacunes. Tout d'abord, ils ne permettent pas de couvrir l'exposition aux prix de marché de la part d'approvisionnement de très court terme. Plus encore, ils ne peuvent être utilisés par les consommateurs ne disposant pas des capacités techniques et financières. Enfin, ils vont continuer de refléter le prix des énergies fossiles déterminant toujours le prix marginal de long terme. À l'évidence, le champ des CfD doit intégrer l'énergie nucléaire et leurs recettes être allouées intégralement aux consommateurs.

Pour ce qui est des dispositions sur la surveillance du marché de gros de l'énergie, elles doivent respecter le principe de subsidiarité et ne pas conduire à un affaiblissement des autorités de régulation nationale. Aussi le transfert de leurs compétences au profit de l'ACER est-elle rejetée.

II. LE POINT DE VUE DES ACTEURS ÉCONOMIQUES

Tout comme les acteurs français institutionnels, ceux économiques ont fait part d'avis partagés sur la réforme.

Il en va ainsi de ceux interrogés par les auteurs de la PPRE dans le cadre de son élaboration.

Le groupe EDF est favorable à la méthode, qui permet de préserver le fonctionnement du marché de court terme, de renforcer les possibilités du marché de long terme, d'améliorer la flexibilité et de protéger les consommateurs. Il souhaite une adoption de cette réforme d'ici fin 2023. S'agissant du principe du coût marginal, il doit être maintenu. Les PPA nécessitent d'être élargis dans leurs bénéficiaires (les petits et grands acteurs) et leur durée (la limitation de 2 à 3 ans). Quant aux CfD, ils doivent être institués sur la base volontaire des parties prenantes et couvrir la durée de vie des installations de production d'électricité nucléaire existantes et les futures innovations dans cette production. Plusieurs dispositions plus ponctuelles, liées à la flexibilité (les plateformes virtuelles et la gestion à l'équilibrage) ou aux droits des consommateurs (la multiplication des fournisseurs, l'extension du partage de l'énergie, l'imposition de contrats à prix fixe et à durée déterminée) sont l'objet de réserves techniques.

Le groupe Engie est défavorable à la méthode, estimant que la réforme intervient dans la précipitation. Pour autant, il souhaite un aboutissement avant la fin de la législature du Parlement européen, de manière à offrir une alternative à l'Arenh englobant l'ensemble des consommateurs. Le groupe critique le transfert des compétences des autorités de régulation nationales vers l'ACER, dans le cadre des dispositions sur la surveillance du marché de gros de l'énergie. Il estime que les PPA doivent intégrer les droits de transport à long terme et les CfD respecter la spécificité du traitement des actifs nucléaires français. De plus, le groupe fait part de réserves techniques sur plusieurs dispositions ponctuelles, liées à la flexibilité (les plateformes virtuelles, la gestion à l'équilibrage et l'absence de soutien spécifique), aux droits des consommateurs (l'imposition d'obligations de couverture par des PPA, l'extension du partage de l'énergie, l'imposition de contrats à prix fixe et à durée déterminée, le manque de flexibilité pour le fournisseur de dernier recours, le manque d'indemnisation des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix en situation de crise des prix).

Réseau de transport d'électricité (RTE) est favorable aux propositions, qui permettent de préserver le fonctionnement des marchés de court terme et de renforcer le rôle des contrats de long terme. Il plaide d'ailleurs pour introduire de tels contrats pour la production d'électricité bas-carbone. En revanche, il souhaite soumettre la réduction à 30 minutes de la gestion de l'équilibrage à une analyse d'impact appropriée et permettre aux États membres de désigner l'entité en charge de la mission d'évaluation des besoins en flexibilité du système électrique. Dans le même esprit, ce sont les États membres qui doivent selon lui définir les dispositifs liés à la sécurité d'approvisionnement, dont les mécanismes de capacité.

Quant à l'Union française de l'électricité (UFE)15(*), elle plaide pour améliorer le fonctionnement des marchés actuels (en créant une cotation des produits de long terme, en émettant des droits d'interconnexion au-delà d'un an et en faisant évoluer les appels de marge). De plus, elle suggère de consolider les PPA, en mettant en place un fonds de garantie publique et un groupement d'achat, et les CfD, en les reconnaissant comme un mode de développement pérenne accessible aux technologies de production et de flexibilité bas-carbone. Pour elle, l'ensemble des consommateurs doivent pouvoir bénéficier des recettes des CfD, en évitant la taxation de la rente infra-marginale. Enfin, l'UFE souhaite pour que les marchés de capacité demeurent une faculté, que les obligations de couverture soient appliquées dans le cadre de politiques nationales et que les contrats à tarification dynamique soient redéfinis.

Outre les acteurs interrogés dans le cadre de l'élaboration de la PPRE, la commission des affaires économiques fait observer que, dans le cadre de sa mission plus générale de contrôle :

- la CRE, EDF, RTE, l'Association nationale des opérateurs d'énergie (Anode) et l'Association française indépendante d'électricité et du gaz (Afieg), ont plaidé pour des CfD, voire des PPA, dans la perspective de l'extinction de l'Arenh d'ici 2025 ;

- la CRE, le Médiateur national de l'énergie (MNE), l'Afieg, Engie et TotalEnergies ont appelé à renforcer les conditions requises pour l'obtention d'une autorisation de fourniture, avec des obligations prudentielles ;

- le MNE, Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) et l'UFC-Que Choisir ont fait part de la nécessité de maintenir et d'étendre les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE).

LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES : UNE RÉFORME DU MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ DEVANT ÊTRE INFLÉCHIE
DANS LE SENS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La réforme du marché européen de l'électricité doit être, tout à la fois, infléchie (I) et suivie (II), ainsi que le suggère la proposition de résolution de MM. Daniel Gremillet et Claude Kern, adoptée le mercredi 7 juin par la commission des affaires économiques.

I. UN BESOIN D'INFLEXION DES TEXTES

Parce que la réforme du marché européen de l'électricité présente des limites et des ambiguïtés, elle doit être infléchie, selon 6 axes : un souci de complétude ; la neutralité technologique ; la faisabilité technique ; la protection des consommateurs ; le respect des compétences des autorités et juridictions nationales ; la promotion du stockage de l'électricité, au-delà de sa production.

C'est tout l'objet de la PPRE proposée par les sénateurs précités.

Premièrement, la réforme du marché européen de l'électricité doit poursuivre un souci de complétude. Si elle permet le développement utile d'un marché de long terme, elle n'aura pas d'impact immédiat sur le marché de court terme, dans la mesure où elle ne remet pas en cause le principe du coût marginal, qui lie dans les faits le prix de l'électricité à celui du gaz, et ne peut entrer en vigueur avant fin 2023... Il faut donc aller plus loin et plus vite ! C'est pourquoi la PPRE déplore ce manque. De plus, il importe d'évaluer les effets économiques et sociaux de cette réforme et d'envisager son extension au gaz ou à la chaleur.

Deuxièmement, cette réforme doit respecter le principe de neutralité technologique. Les CfD doivent couvrir toutes les sources d'énergies renouvelables, dont celles hydraulique, marine ou issue de la biomasse. Si l'énergie nucléaire est bien visée, le fonctionnement des installations et l'innovation en leur sein doivent aussi l'être. Quant aux PPA, ils doivent être étendus à l'énergie nucléaire, aux côtés des énergies renouvelables. Ces deux outils doivent inclure l'hydrogène décarboné, quelle que soit son origine. C'est essentiel pour respecter l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui consacre le « droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ».

Troisièmement, il faut veiller à la faisabilité technique de cette réforme. Les États membres doivent rester maîtres du champ et des modalités des CfD et des PPA, en veillant au caractère volontaire, des premiers et accessible, des seconds. L'utilisation des CfD doit pouvoir être considérée, dans le cadre de la nouvelle régulation de l'énergie nucléaire. Quant aux PPA, ils ne doivent pas être réservés aux seules industries électro-intensives, exposées à la concurrence internationale. Dans les deux cas, les tarifs d'achat, qui soutiennent la production d'électricité renouvelable, ne sauraient être évincés ; de plus, un système de garantie peut dynamiser ces outils tandis que le reversement de recettes vers l'ensemble des consommateurs peut conforter leur acceptabilité. Enfin, les mécanismes de capacité doivent rester optionnels, et reposer sur une évaluation nationale, tandis que les plateformes virtuelles ou la gestion de l'équilibrage à 30 minutes doivent être évaluées au préalable.

Quatrièmement, cette réforme doit mieux protéger les consommateurs. Les États membres doivent pouvoir déclarer la situation de crise des prix, dont les critères, notamment d'intensité et de durée, nécessitent d'être assouplis. Leurs interventions publiques ciblées doivent être, non seulement facilitées, mais aussi pérennisées. Les clients résidentiels, dont les ménages en situation de précarité énergétique, doivent bénéficier de contrats à prix fixe, plutôt que dynamique. En cas d'impayés de facturation par ces ménages, les diminutions de puissance doivent être préférées aux interruptions de fourniture. Pour lutter contre la précarité énergétique, les États membres doivent voir leurs compétences maintenues, tandis que les fournisseurs de secours et les collectivités doivent bénéficier de ressources suffisantes. Il est essentiel de protéger les collectivités, aux côtés des ménages, et les PME, aux côtés des TPE. Enfin, davantage de régulation peut être promue, s'agissant des obligations de couverture, des droits aux interconnexions, des délais de raccordement et des opérations de courtage.

Cinquièmement, cette réforme doit respecter les compétences des autorités de régulation et les juridictions nationales. Les principes de subsidiarité, d'indépendance et d'impartialité doivent être appliqués. Il n'est donc pas admissible que l'ACER soit informée en amont des décisions des autorités de régulation nationales, exerce un pouvoir d'enquête et de sanction sans l'accord de ces autorités, et bénéficie d'un pouvoir d'orientation et de recommandation obligeant ces dernières à se justifier. C'est pourquoi la PPRE conteste le transfert des compétences de ces autorités nationales vers l'ACER. Il faut préserver leurs pouvoirs de régulation et moyens d'action.

Enfin, cette réforme doit davantage promouvoir le stockage de l'électricité, au-delà de sa production. Il est nécessaire d'appliquer à ces projets de stockage le principe de neutralité technologique, pour prendre en compte toutes les sources d'énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaire, et toutes les formes de stockage, des batteries à l'hydrogène. Il est aussi utile d'intégrer ces projets aux nouveaux outils de financement, comme les CfD ou les PPA, comme à ceux existants, tels que les aides fiscales, budgétaires ou tarifaires. Le niveau d'émission de ces projets doit être préféré aux autres critères environnementaux, pour leur sélection. Naturellement, il faut accorder une attention à toute leur chaîne de valeur, de l'approvisionnement en métaux au recyclage des déchets. S'agissant de la mise en oeuvre des projets, les propriétaires publics des réseaux et des logements doivent être associés. Enfin, il faut ici encore envisager d'étendre la réforme au gaz et à la chaleur.

II. UN BESOIN DE SUIVI DES TEXTES

Ainsi complétée, la réforme du marché européen de l'électricité est indispensable pour protéger les consommateurs contre la volatilité des prix des énergies, renforcer la compétitivité des entreprises européennes, face à la concurrence internationale et financer les investissements dans la transition énergétique, en mobilisant l'ensemble des sources d'énergies décarbonées.

Elle peut et doit puissamment contribuer à appliquer les objectifs énergétiques et climatiques de l'Union, dont la réduction de 55 % de ses émissions d'ici 2030 et l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050, ainsi que sa stratégie industrielle.

C'est la raison pour laquelle, le 7 juin 2023, la commission des affaires économiques a adopté cette PPRE, qui doit guider l'action du Gouvernement dans ses négociations en cours et à venir au Conseil.

Au-delà de cet examen, elle sera particulièrement attentive aux évolutions de ces négociations et aux suites qui leur seront données.

Une partie de l'oeuvre de transposition a déjà été engagée, puisque, sous l'égide de son rapporteur Patrick Chauvet, l'article 86 de la loi n° 2023-175 du 20 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a institué des contrats de vente directe d'électricité et de gaz renouvelables, aux articles L. 331-1 et L. 443-1 du code de l'énergie, et chargé la CRE de leur régulation, à l'article L. 131-2 du même code.

TRAVAUX EN COMMISSION

Table ronde sur la réforme du marché européen de l'électricité
(Jeudi 1er décembre 2022)

M. Jean-François Rapin, président. - Monsieur le président, mesdames et messieurs, mes chers collègues, découplage du prix du gaz et de l'électricité, plafonnement du prix du gaz, extension du mécanisme ibérique, réforme du marché européen de l'électricité : l'Union européenne est divisée sur les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à limiter la hausse des prix de l'électricité en Europe, une hausse qui a débuté en 2021, avec la reprise économique qui a suivi la pandémie, et qui s'est accentuée en 2022, avec la guerre en Ukraine, car le prix de l'électricité grimpe avec ceux du gaz et du pétrole : ainsi, le prix de l'électricité sur le marché européen de gros avait déjà plus que doublé au dernier trimestre 2021, et il s'est maintenu en 2022 à un niveau très élevé, atteignant un pic inédit, fin août, à plus de 1 100 euros par MWh.

La France a été largement épargnée grâce au bouclier tarifaire, même si la Première ministre a annoncé, pour début 2023, une hausse des prix de l'électricité de 15 %. Plusieurs États membres, dont la France, appellent, depuis le début de la crise énergétique, à une réforme substantielle du marché pour décorréler les prix de l'électricité et des énergies fossiles, tandis que d'autres se montrent très réservés envers une évolution des mécanismes.

Les réunions du Conseil européen et du Conseil de l'Union européenne se succèdent pour tenter d'apporter des réponses au moins temporaires à cette situation, mais les positions restent figées. Certains États considèrent que les propositions de la Commission européenne manquent d'ambition et réclament des évolutions structurelles ; d'autres mettent en avant les effets de bord des mesures envisagées, craignant en particulier pour l'approvisionnement énergétique de l'Europe.

L'envolée des prix de l'électricité à des niveaux parfois stratosphériques, comme en août, a suscité des interrogations et des inquiétudes sur l'efficacité du marché européen de l'électricité et le bien-fondé de sa conception actuelle. À ce titre, le mécanisme de fixation des prix sur le marché de gros, largement considéré comme responsable de la flambée des prix de l'électricité, est au centre des critiques.

Alors qu'en avril dernier, un rapport de l'Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie plaidait pour conserver le mécanisme actuel, la Commission européenne a depuis infléchi sa position. La présidente Ursula von der Leyen a ainsi promis « une intervention d'urgence et une réforme structurelle du marché de l'électricité ». Une proposition législative est attendue pour début 2023.

En attendant, la Commission européenne a proposé des mesures d'urgence et de nouveaux mécanismes de solidarité pour maîtriser, à très court terme, la flambée des prix de l'énergie dans l'Union. Trois règlements ont déjà été adoptés dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l'article 122 du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

La dernière proposition de la Commission européenne - un plafonnement des prix du gaz sur la bourse néerlandaise TTF - mise sur la table lors de la réunion des ministres de l'énergie, le 24 novembre dernier, a déçu les États partisans d'un mécanisme de plafonnement et d'un découplage des prix du gaz et de l'électricité, mais a aussi fortement inquiété ceux qui s'opposent à toute mesure de cette nature, reflétant l'antagonisme des positions française et allemande.

C'est dans ce contexte que nous avons tenu à solliciter votre expertise sur le fonctionnement du marché de l'électricité pour envisager les diverses options qui permettraient de sortir de la crise actuelle.

M. Franck Montaugé, président. - Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, n'a pu être parmi nous ce matin pour des raisons personnelles. Elle m'a demandé de la suppléer pour ouvrir cette table ronde sur le thème de la réforme du marché européen de l'électricité, ce que je fais avec plaisir.

C'est la quatrième fois que nous échangeons ensemble sur l'énergie, après une première table ronde sur les enjeux stratégiques de l'énergie pour l'Union européenne, mais aussi nos travaux au long cours sur la taxonomie verte européenne et le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ». Je remercie le Président Rapin de ces échanges fructueux.

Notre commission est très engagée en faveur de la réforme du marché européen de l'électricité. Nous avons en effet demandé une révision du principe du coût marginal, qui lie le prix de l'électricité à celui du gaz sur le marché de gros de l'électricité, comme l'une des cinq mesures que nous avons proposées pour sortir de la dépendance au gaz russe, le 28 février dernier, quelques jours après le début de l'invasion russe en Ukraine, mais aussi par le biais de nos rapports d'information sur le volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », en mars dernier, et sur le nucléaire et l'hydrogène, en juillet dernier. Quel est votre avis sur la crise énergétique actuelle ? Selon vous, est-elle due à des facteurs conjoncturels ou structurels ? Un consensus émerge-t-il en Europe pour découpler le prix du gaz de celui de l'électricité, comme l'a demandé la France, ou a minima pour plafonner le prix du gaz, comme cela a été obtenu par le Portugal et l'Espagne ?

Notre commission est aussi très impliquée dans la mise en oeuvre du plan « RePowerEU », qui doit permettre à l'Union européenne de sortir de sa dépendance aux hydrocarbures russes d'ici 2030. Bien consciente de la nécessité et de la difficulté de cet exercice, j'ai proposé au nom de notre commission une déclaration forte sur ce sujet aux parlementaires des 27 États membres, qui participaient à la réunion interparlementaire que nous avons organisée au Sénat sur l'autonomie stratégique économique européenne le 14 mars dernier, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE). Depuis lors, le règlement du 6 octobre 2022, qui autorise une intervention d'urgence pour atténuer les effets des prix élevés de l'énergie, a été adopté.

Est-il à la hauteur des enjeux, car il nous semble que le volet lié à l'électricité est plus étoffé que celui lié au gaz ? Que pensez-vous des mesures visant à réduire la consommation, plafonner les recettes ou appliquer des tarifs réglementés aux PME ? De nombreux pays européens s'en sont-ils servi ? Est-ce une réponse adaptée et pérenne ?

Notre commission est aussi très investie dans la mise en oeuvre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui doit permettre à l'Union européenne de réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Parce que la décarbonation de notre économie nécessite de doubler la production d'électricité, notre commission a contribué à l'adoption d'une résolution européenne sur ce paquet, élaborée en commun avec la commission des affaires européennes et celle du développement durable. Ce texte souligne notamment la nécessité de garantir une neutralité technologique entre les différentes énergies décarbonées, l'énergie nucléaire comme les énergies renouvelables.

Il nous semble en effet que les projets de directives sur la taxation de l'énergie et les énergies renouvelables, mais aussi les projets de règlements sur le paquet gazier, les carburants aériens et les carburants maritimes durables défavorisent l'énergie nucléaire par rapport aux énergies renouvelables. Quel est votre point de vue ? Ne doit-on pas faire davantage pour cette source d'énergie décarbonée ?

Je vous remercie des éléments que vous pourrez apporter sur ces sujets majeurs et forme le voeu que la réforme du marché européen de l'électricité soit l'occasion, pour l'Union européenne, de sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et de valoriser toutes les formes d'énergies décarbonées, nucléaire comme renouvelables.

M. Jean-François Rapin, président. - Monsieur Glachant, selon vous, quelles sont les limites du fonctionnement actuel du marché européen de l'électricité ? Quel bilan tirez-vous de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité ? Nous serions très intéressés que vous puissiez introduire votre propos par une présentation de l'organisation du marché et de l'évolution des prix de l'électricité en Europe.

M. Jean-Michel Glachant, délégué à l'Institut universitaire européen (EUI) de Florence, président de l'Association internationale pour l'économie de l'énergie. - Je suis très honoré par la demande que vous m'avez faite de réaliser, en salle Médicis, un tour d'horizon des marchés européens vu de la ville des Médicis, Florence.

Je suis professeur des universités, délégué à l'Institut universitaire européen (EUI) de Florence, et j'ai été élu par mes pairs président de l'Association internationale pour l'économie de l'énergie, fonction que je dois prendre le 16 décembre à Philadelphie, aux États-Unis.

Le modèle européen du marché de l'électricité est un modèle léger. Il s'oppose au modèle lourd et organisé anglo-saxon, le pool britannique ou le pool de Pennsylvanie-New-Jersey-Maryland.

Ce modèle lourd organisé réalise un dispatch de toutes les unités de production, unité par unité, pour chaque demi-heure. Personne ne peut produire sans l'ordre du dispatch central. Le modèle Pennsylvanie-New-Jersey-Maryland ajoute un calcul nodal des prix. Chaque noeud du réseau a son prix. Il y a jusqu'à plusieurs centaines de noeuds et de prix.

Notre modèle léger européen n'a aucun dispatch central. Chaque offreur gère lui-même son portefeuille d'unités, nos prix sont zonaux, une zone pouvant même être un pays de la taille de la France.

Ce modèle européen n'a jamais été dicté par la Commission, c'est un résultat empirique national. Les résultats nationaux ont été réutilisés par les transporteurs français, belges et néerlandais pour coupler tous nos marchés nationaux en un seul marché européen. Comment ? Par un calcul de capacités garanties de transport transfrontalier. C'est le couplage des marchés nationaux qui est le coeur des échanges européens et qui a été enrichi d'un grand nombre de codes européens de réseaux conçus par l'Association européenne des transporteurs, en dialogue avec l'Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie. Ce mode de fonctionnement est pragmatique et empirique. Il a été élaboré sur plus de dix ans et ce travail se poursuit.

Le modèle européen est unique au monde. Ni les États-Unis, ni le Canada, ni l'Australie n'y sont parvenus. Certes, c'est un modèle léger, mais, soutenu par le couplage de tous nos marchés nationaux et par des codes communs de réseau, il ouvre chaque système électrique national à tous les autres et permet d'optimiser le fonctionnement de tout le parc électrique européen, soit des milliers d'unités, et même des centaines de milliers avec le renouvelable. C'est incroyablement efficace et cela fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à l'échelle européenne. Même la Chine s'y intéresse dans sa réflexion nationale sur le couplage des marchés régionaux chinois.

Ce modèle européen ouvert a permis un succès industriel mondial dans les éoliennes. Les deux premières entreprises mondiales de fabrication d'éoliennes sont européennes. La danoise Vestas est numéro un mondial et numéro un aux États-Unis. La germano-espagnole Siemens Gamesa est numéro un mondial en éolien maritime. Le Danemark prépare des plates-formes maritimes géantes, des hubs de 10 GW à 20 GW. L'objectif européen général en maritime est de 60 GW en 2030 - c'est la taille de tout le parc nucléaire français. 340 GW en 2050, c'est deux fois et demie la puissance installée en France, sans parler de l'apparition de géants de l'électricité renouvelable Enel, EDP, Iberdrola, mais aussi venant du gaz et du pétrole, comme TotalEnergies ou BP.

Notre modèle européen ouvert est-il antinucléaire ? Il est tout à fait vrai que les centrales au gaz ne présentent pas de risque de prix de marché puisqu'elles forment celui-ci. Ce n'est pas le cas du nucléaire. Regardons le cas britannique : Hinkley Point est en cours de construction et Sizewell est un projet de centrale à deux réacteurs EPR. Comment ? Pragmatique, le gouvernement britannique garantit par des contrats de long terme le prix de vente du nucléaire jusqu'à 100 euros/MWh, soit plus de deux fois l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Ce sont des contrats pour différence (CFD), auparavant approuvés par la Commission européenne.

Quand les renouvelables sont venus baisser les revenus des centrales au gaz, on a étendu ce pragmatisme. Les centrales au gaz peuvent toucher des revenus de capacités sur le marché des capacités, en plus du prix de vente de l'énergie. Ceci a également été approuvé par la Commission européenne, mais soyons francs : ce modèle européen 2000-2010 est dépassé et il nous en faut un autre.

Premièrement, les investissements productifs ne sont plus basés sur les prix de marché de gros. Il faut en prendre acte et financer les investissements par des contrats de long terme, ces fameux contrats pour différence, ou bien par des contrats d'approvisionnement bilatéraux - en anglais « power purchase agreement » ou PPA -, tout en visant une planification souple des évolutions technologiques. Par exemple, il faut encourager l'éolien maritime flottant, pour lequel la France comme le Portugal disposent d'un véritable avantage.

Cette réorganisation des schémas d'investissement fournirait aussi une base solide à la stabilité à long terme des prix de gros. D'après les estimations de la Commission de régulation de l'énergie, le secteur des renouvelables français devrait reverser aux autorités publiques, en 2022-2023, une trentaine de milliards d'euros.

Deuxièmement, il faut favoriser plus d'investissements dans la résilience du système électrique en donnant à ces fameux marchés de capacité la mission d'accroître la flexibilité de la demande. Le Sénat pourrait, par exemple, s'intéresser au champion national en France, Schneider Electric.

Troisièmement, il faut aussi renforcer la stabilité des prix de gros en favorisant des marchés de couverture. En les alimentant par des obligations réglementaires de couverture des fournisseurs, on pourrait même, à l'échelle européenne, créer un marché de couverture des fournitures de base qui serait l'équivalent de notre définition française de service public garanti, - un nouveau modèle européen qu'on pourrait qualifier d'hybride -, avec plusieurs types de marchés et des politiques publiques fortes.

Après une sortie de l'épidémie de Covid désordonnée et inflationniste, il était parfaitement légitime de prolonger le « quoi qu'il en coûte » pour ne pas bloquer la reprise économique, en ciblant les ménages. Il existe beaucoup de manières de le faire. En Espagne, on est intervenu sur les prix de gros, ce qui peut sembler curieux pour changer les prix de détail, mais est typique de l'Espagne. En France, on est intervenu sur les prix de détail, ainsi qu'en Grande-Bretagne, mais avec des faillites de fournisseurs d'électricité. On peut également citer les aides directes aux ménages sans toucher au prix - formule allemande -, ou l'étalement pluriannuel des factures - formule danoise.

Notre bouclier tarifaire était au coeur de la réponse française. Les réponses nationales étaient alors parfaitement légitimes et appropriées. Une réponse européenne n'était pas nécessaire.

Le nouveau choc, à mes yeux, est le choc politique russe, apparu à partir de mars 2022. Avec la menace d'une coupure ou d'une pénurie de gaz, le sujet n'est plus le prix, mais le volume : il faut baisser les volumes consommés et trouver du gaz naturel liquéfié (GNL) ou du gaz de gazoduc un peu partout. Toutefois, il n'y aura pas de desserrement net de l'offre avant 2025 ou 2026. Il faut donc « serrer la vis » à la demande, donc aux consommations. Il n'y a pas d'échappatoire.

Le bouclier tarifaire national n'est plus au coeur des remèdes. C'est devenu un coupe-symptôme, une aspirine pendant la fièvre, mais ce n'est pas un remède qui agit sur les causes. Quand la demande européenne semble incontrôlée, les marchés peuvent bondir vers le prix de la défaillance jusqu'à 10 000 euros/MWh, ce qui devient un problème européen collectif et non plus national.

Il y a donc utilité à mettre en place une surveillance européenne des consommations et des achats européens groupés, mais vous constaterez, comme moi, que ceci n'apporte pas de réponse claire à la perte de compétitivité des gros exportateurs ou de zones industrielles électro-intensives.

Enfin, en matière de sobriété, deux modèles s'opposent. L'Allemagne a réduit de 100 TWh sa consommation de gaz. L'Espagne a réduit un peu la consommation des ménages et des professionnels, mais a augmenté de près de 25 TWh la consommation de gaz pour produire de l'électricité. Choisissez votre modèle ! Je ne dirai rien de la France car, dans la salle Médicis, la France, ce n'est pas moi, c'est le Sénat !

M. Jean-François Rapin, président. - Monsieur Ménard, du point de vue du régulateur français, quelle est votre analyse par rapport aux propos très intéressants qui viennent d'être tenus ?

M. Laurent Ménard, directeur des affaires économiques et financières de la Commission de régulation de l'énergie. - Directeur des affaires économiques et financières de la CRE depuis un peu plus de trois ans, j'ai eu le « bonheur » d'arriver au début de la crise énergétique ! Je voudrais souligner à quel point le modèle de marché tel qu'il a été mis en place en Europe est un modèle pragmatique, assez éloigné de modèles peut-être plus « purs », mis en place aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

Si l'on considère le marché français de l'électricité, comme l'a dit M. Glachant, tout le pays est une seule zone de prix. Le prix de gros sur les marchés de gros est donc le même pour tout le territoire français.

Par ailleurs, le fonctionnement n'est pas celui d'un marché où chaque centrale est « dispatchée » par un organisme central. En fait, chaque producteur vient proposer chaque jour une offre de prix qui intègre l'ensemble de son parc de production et a donc la possibilité d'arbitrer entre les moyens de production et le prix qu'il propose sur le marché. C'est très différent du fonctionnement de certains marchés américains, où le coût marginal de chaque centrale est pris en compte par un dispatcheur central.

Un débat tout à fait légitime a eu lieu sur le principe du coût marginal. En réalité, dans leur fonctionnement concret, les prix proposés par les opérateurs reflètent leur stratégie de vente sur le marché, compte tenu de l'ensemble de leur parc de production. C'est un point extrêmement important.

S'agissant de l'emprise de ce marché sur l'ensemble des productions et des ventes d'électricité, il faut savoir que les transactions en France ne représentent qu'une petite partie des soutirages qu'on peut avoir sur une année, de l'ordre de 15 %. Cela ne signifie pas que le marché n'a pas d'influence sur les autres transactions.

On a, en effet, un système assez sophistiqué qui fait que les prix définis sur ce marché, qui couvre une petite partie des transactions, influencent les transactions réalisées sur les autres segments. Par exemple, l'Arenh, avec un prix fixé à 42 euros, représente plus en soutirage que la partie négociée sur le marché. Parmi les transactions intragroupes d'EDF, tous les consommateurs au tarif réglementé de vente (TRV) et clients d'EDF bénéficient de l'Arenh dans des conditions analogues à celles des fournisseurs alternatifs.

Le marché est un outil essentiellement dédié à l'organisation des échanges avec les autres pays. C'est le point majeur de l'exposé de M. Glachant : le marché européen a, d'abord, été bâti pour organiser au mieux les échanges entre pays européens, une grande latitude étant laissée à chaque pays pour s'organiser en interne. Ce n'est donc pas très contraignant.

Nous disposons d'un outil extrêmement sophistiqué qui permet de distinguer les marchés à terme où les opérateurs s'échangent de l'électricité. En France, la liquidité est limitée à trois ans. Cet horizon est un peu plus important en Allemagne, où il existe une vraie liquidité pour des échéances un peu plus lointaines, mais on n'observe pas de maturité conforme à ce que pourrait souhaiter un futur investisseur dans un moyen de production énergétique.

Si vous voulez investir dans une production d'électricité, que ce soit du renouvelable, du nucléaire ou même des moyens thermiques, vous avez besoin d'une visibilité des recettes que le marché à terme ne fournit pas aujourd'hui.

Il n'est pas possible de conclure sur le marché à terme de contrats qui permettraient de sécuriser ses recettes vis-à-vis de son banquier. Cette faiblesse est compensée par le développement, qui existe dans tous les pays européens, de contrats de long terme.

M. Glachant a cité les contrats pour différence, qui sont les plus répandus. Auparavant, en particulier en France, existait le régime des obligations d'achat, où l'on garantissait aux opérateurs d'énergies renouvelables l'achat de leur production par une branche d'EDF, à un prix fixé dans leur contrat. Cette insuffisance dans le temps du marché de gros actuel est donc compensée par les contrats de long terme. Le sujet, aujourd'hui, est sans doute d'élargir ces contrats de long terme à d'autres formes d'énergie que les seules énergies renouvelables.

Pourquoi ce sujet est-il à l'ordre du jour ? Tout d'abord, on a constaté que le marché à terme ne permettait pas de sécuriser les revenus des ceux qui avaient des projets d'investissements dans les moyens de production et que les dispositifs existants, en particulier en France, ont une date de péremption. L'Arenh, qui a organisé la vente de l'électricité nucléaire par EDF, à la fois à ses clients et à des fournisseurs alternatifs, doit de toute façon prendre fin en 2025. Ce terme est fixé par la loi. Il faut donc remplacer l'Arenh. Il s'agit, en France, d'organiser un futur pour la production nucléaire.

Au-delà de ce marché à terme, qui a des échéances lointaines, il existe des outils de très court terme qui permettent d'organiser au mieux l'équilibrage de la demande et de l'offre sur le marché électrique français. C'est ce qu'on appelle le marché spot ou marché infrajournalier. Je n'entrerai pas dans le détail de ces mécanismes extrêmement sophistiqués. Ils ont fait jusqu'à présent la preuve de leur efficacité, puisqu'on n'a pas eu de vraies crises d'équilibrage, même dans le cas de situations tendues.

La crise que nous traversons n'est pas financière au sens où il existerait un emballement des marchés sans aucune raison physique : la crise que l'on connaît, c'est d'abord une crise d'approvisionnement. En France, la crise d'approvisionnement est un peu différente de celle que connaît l'ensemble des pays européens.

On peut estimer, en 2022, à 800 TWh l'énergie qui ne vient plus des pipelines russes. Du fait de la guerre et de l'invasion de l'Ukraine, l'Europe est donc privée de 800 TWh de gaz.

La France a un problème très spécifique de disponibilité du parc nucléaire, qui a été révélé-, en décembre 2021, par le groupe EDF. Celui-ci a alors mentionné des difficultés de maintenance et la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte. Si on considère l'ensemble de la production nucléaire de cette année, on peut estimer qu'il va manquer par rapport à une année normale entre 80 et 100 TWh de production nucléaire.

La France connaît ainsi deux crises d'approvisionnement, celle qu'elle partage avec tous les autres pays européens - qui la touche un peu moins parce qu'elle était moins dépendante qu'eux du gaz russe par pipeline -, et une crise d'approvisionnement liée aux difficultés rencontrées sur le parc nucléaire. La combinaison de ces deux éléments fait que c'est en France que les prix de l'électricité ont le plus augmenté : quand on regarde la carte du marché du prix à terme de l'électricité, on constate que c'est en France qu'on a dépassé les 1 000 euros/MWh pour 2023...

M. Laurent Duplomb. - On a fermé Fessenheim en mars !

M. Laurent Ménard. - La réponse en termes d'organisation globale incite malgré tout, pour la crise d'approvisionnement en gaz, à un certain optimisme. Pour l'électricité, c'est un petit peu plus discutable. Les gens sont raisonnablement exposés, en Europe, à la hausse des prix de marché du gaz. On constate aussi des afflux de GNL : nous estimons que, sur les 800 TWh de gaz manquants, 500 ont été compensés par le GNL. Les prix très élevés du gaz sur le marché ont permis d'attirer des cargaisons de GNL dans des proportions extrêmement importantes.

Par ailleurs, on observe une baisse de la consommation de gaz dans des proportions relativement importantes qui révèle sans doute des problèmes de compétitivité de l'industrie européenne, mais qui, sur le moment, a permis d'absorber la crise d'approvisionnement.

On observe la même chose s'agissant de l'électricité. RTE publie chaque semaine un tableau très précis de l'évolution de la consommation. On constate, surtout chez les industriels exposés au prix de marché de l'électricité, une forte baisse de la consommation électrique. Le marché a donc permis d'absorber dans d'assez bonnes conditions les chocs considérables que nous avons eu à affronter.

Le sujet qui est sur la table pour l'électricité est de lever les préventions qui existaient vis-à-vis des contrats de long terme, qui ont été prégnantes de la part de la Commission européenne. Je pense que c'est en bonne voie.

M. Jean-François Rapin, président. - On reviendra peut-être sur le sujet de la responsabilisation. Les entreprises ont exercé une forme d'autorégulation responsable. En va-t-il de même chez les particuliers ?

M. Laurent Ménard. - Oui, en partie.

M. Franck Montaugé, président. - Vous n'avez pas abordé le market design. Vous dites que les choses vont rentrer dans l'ordre : nous nous posons une question fondamentale quant à la structuration, notamment tarifaire, de l'organisation du marché. Dans quelle direction faut-il aller si, d'aventure, les choses se reproduisaient, pour être plus résiliant dans l'intérêt général, à la fois sur le plan national et sur le plan européen ?

M. Laurent Ménard. - Le point aujourd'hui à l'ordre du jour en matière de market design est le développement de contrats de long terme, qui permettent aux investisseurs de financer des projets dans la production d'énergie.

M. Franck Montaugé, président. - Nous aimerions, par ailleurs, connaître votre position sur la question du découplage des prix de l'électricité et du gaz, au-delà de la mise en place de contrats de long terme.

M. Jean-François Rapin, président. - Monsieur Percebois, pouvez-vous nous dire, au-delà des dysfonctionnements du marché, quel est l'impact des mesures d'urgence proposées par la Commission européenne, et présenter les pistes de réformes que vous suggérez, notamment pour protéger les consommateurs ?

Vous avez récemment publié un article remarqué dans lequel vous proposez une réforme du système.

M. Jacques Percebois, professeur émérite à l'université de Montpellier et directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (Creden). - La situation actuelle résulte de deux phénomènes principaux, d'une part, la hausse du prix du gaz, qui fait que les centrales appelées en fonction du merit order coûtent plus cher en fonctionnement, le coût du combustible jouant un rôle important et, d'autre part, un manque de capacités qui s'explique par le fait qu'on a fermé en Europe beaucoup de capacités disponibles depuis une quinzaine d'années, notamment pilotables. C'est vrai pour les centrales à gaz, pour le nucléaire en Allemagne, et même pour le nucléaire en France. On manque donc de capacités dans un contexte où l'on pensait que la demande d'électricité n'allait pas augmenter. Ce manque de capacités est aujourd'hui une contrainte forte sur les marchés européens.

On constate cependant que le prix d'équilibre sur le marché de gros est souvent supérieur au coût marginal de la centrale à gaz. Il y a donc, à la fois, une prime de risque et quelques spéculations. Il est très difficile de savoir quelle est la part qui relève de ces deux observations, mais le prix de l'électricité, corrélé au prix du gaz, est souvent très supérieur au coût marginal, ce qui explique que le prix de gros, en France, soit supérieur à ce qu'on trouve dans d'autres pays, notamment en Allemagne.

Je rappelle que le prix de gros n'est qu'une partie du prix de détail. Au départ, il représente un tiers de l'ensemble du prix de détail si l'on considère le TRV, sans parler des taxes ou du coût des réseaux. Aujourd'hui, c'est même davantage : le coût des fournitures ayant augmenté, on est plus proche de 40 à 45 %, y compris en France.

Il faut dissocier les solutions de court terme et les solutions de long terme. La première solution à laquelle on peut penser, qui a d'ailleurs fait ses preuves tout en maintenant le système, c'est la réduction de la demande d'électricité. Le prix augmentant, cela favorise l'efficacité au niveau des usages. La baisse de la demande, qui est relativement importante - RTE parlant de 6 à 7 %, ce qui n'est pas négligeable -, peut paraître une bonne chose, mais elle peut aussi cacher des faillites d'entreprises, des arrêts de production ou, pire, des délocalisations. Certaines entreprises européennes annoncent déjà qu'elles iront s'implanter aux États-Unis. Il faut donc être très prudent sur la façon dont on analyse la baisse de la demande.

Une deuxième solution qui a pu être évoquée, mais qui, à mon sens, n'est pas efficace, est de considérer que, dans le système actuel, le prix d'équilibre s'applique à tout le monde, même si le marché de gros ne représente qu'une faible part des transactions. C'est la logique du marché. Il existe donc des rentes inframarginales qui sont aujourd'hui très importantes, le prix de gros étant très élevé.

Certains pensent qu'il faudrait faire des enchères non à prix limite, comme c'est le cas aujourd'hui, mais à prix demandé, c'est-à-dire à la hollandaise et non à la française, ce que l'État utilise, par exemple, pour les obligations assimilables du Trésor. Ce système peut fonctionner dans un contexte où l'offre est excédentaire, mais non dans un contexte de pénurie ou d'offre insuffisante, chacun anticipant le prix d'équilibre. Aucun opérateur ne fera de propositions en deçà d'un prix relativement élevé.

La troisième solution est une solution que j'ai étudiée avec un collègue du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : elle est un peu académique et consiste à proposer la moyenne des coûts marginaux, avec compensation marginale pour la centrale. L'avantage est que cela fait fortement baisser le prix d'équilibre. Évidemment, les centrales qui sont au-dessus de la moyenne ne couvrent pas leurs coûts variables, mais ce n'est pas gênant : on leur donne une compensation et, comme cela fait beaucoup baisser le prix d'équilibre, la rente inframarginale baisse fortement.

Ce système n'est valide que dans un contexte où le coût marginal est extrêmement élevé par rapport aux autres. Les centrales renouvelables ou les centrales nucléaires sont, par exemple, très en deçà. Cela fait donc baisser la moyenne. C'est très efficace en France, mais cela ne le serait pas nécessairement dans un autre contexte ou dans un pays où ce ne serait pas le cas.

Une autre solution, que je trouve très séduisante, a été évoquée : c'est la solution qu'on appelle « ibérique », consistant à subventionner le gaz utilisé dans la production d'électricité. Cela a fait baisser le prix de l'électricité en Espagne. Il est vrai que le poids du gaz en Espagne est relativement élevé dans la production d'électricité, mais les prix de gros sur le marché espagnol sont au minimum deux fois moindres que dans le reste de l'Europe.

Ce système comporte des effets pervers : si cela a relancé un peu la demande de gaz, c'est parce que les interconnexions entre l'Espagne et le Portugal, d'un côté, et le reste de l'Europe, de l'autre, ne sont pas très importantes. Il n'y a donc pas trop de fuites, mais il y en a eu quand même, certains opérateurs espagnols ayant préféré vendre sur le marché français, beaucoup plus rémunérateur. Cette solution à court terme me paraît néanmoins extrêmement séduisante, même si cela peut relancer la demande de gaz et ne résout pas le problème des industriels qui utilisent du gaz pour d'autres raisons. Je pense pour ma part qu'à court terme, si l'on veut éteindre l'incendie, c'est une solution tout à fait justifiée.

Les Allemands n'en veulent pas, car ils pensent que cela leur coûterait trop cher et subventionnerait le consommateur français. Ils nous vendent, en effet, beaucoup d'électricité thermique, notamment durant les heures pleines. Ils ont donc le sentiment qu'il reviendrait au consommateur allemand de financer le consommateur français.

Une autre solution consisterait à taxer la rente inframarginale sur le marché électrique en totalité au-delà de 180 euros/MWh. C'est ce qui a été évoqué. Pourquoi pas ? Que faire de cette rente ? On peut soit l'utiliser pour aider les centrales à gaz, c'est-à-dire revenir à la solution précédente, soit pour aider les consommateurs domestiques ou industriels. C'est une solution séduisante. C'est visiblement celle que préfèrent les Allemands.

En France, il ne faut pas perdre de vue que cette rente inframarginale serait probablement moins élevée. Notre pays vend, en effet, beaucoup d'électricité à un prix régulé. On a cité le nucléaire, qui est très largement vendu à un prix régulé grâce à l'Arenh, dont profitent évidemment les alternatifs, mais on retrouve également l'Arenh dans le TRV. Il s'agit de l'effet miroir évoqué tout à l'heure. En fait, une grande partie de l'électricité nucléaire française est vendue à un prix régulé, proche des 42 euros/MWh.

Les énergies renouvelables sont également vendues à un prix régulé, puisqu'il s'agit soit de prix d'achat garanti sur une certaine période, soit d'un système de complément de rémunération. Le complément de rémunération était séduisant pour les producteurs d'énergies renouvelables tant que le prix de gros était peu élevé et inférieur en tout cas au coût de production. Ils bénéficiaient, en effet, d'un complément de rémunération, mais celui-ci est aujourd'hui devenu négatif. Comme cela a été dit, on estime que, pour l'année 2022-2023, ceci devrait rapporter plus de 30 milliards - on parle même de 38 milliards d'euros à l'État. On peut donc avoir un complément négatif.

Un prix plafond pour le gaz, oui, à condition que les vendeurs de gaz acceptent la négociation à ce prix plafond. Pourquoi pas ?

Une autre solution me paraît aussi très séduisante. Elle est plutôt orientée vers le moyen ou le long terme. Il s'agit de ce que certains appellent le « système grec », qui consiste à faire deux compartiments sur le marché de gros, un compartiment avec les centrales à forte proportion de coûts fixes, d'un côté, c'est-à-dire essentiellement les renouvelables et le nucléaire et, de l'autre, un second compartiment où le prix serait fixé par merit order fondé sur les coûts marginaux, c'est-à-dire le coût variable. C'est le cas des centrales à charbon, mais surtout des centrales à gaz. L'avantage de ce système réside dans un prix fixé par appel d'offres, sur la base du coût moyen, pour les centrales renouvelables et nucléaires et, sur la base du coût marginal, c'est-à-dire les coûts variables, pour les centrales fossiles. Le consommateur paierait un prix qui serait une moyenne pondérée des deux. À court terme, cela peut régler une partie du problème, même si le système est un peu compliqué à mettre en oeuvre. L'avantage, c'est qu'il est pérenne sur le long terme. En effet, le système peut continuer à fonctionner au fur et à mesure que les centrales fossiles disparaissent. C'est la frontière entre les deux compartiments qui est modifiée. À terme, le prix serait calé sur le coût moyen des centrales à fort coût fixe ; j'estime que c'est un bon système.

Ceci m'amène à une solution que je privilégie personnellement pour le long terme : la solution proche de l'acheteur unique, c'est-à-dire un système que la France avait proposé au début de la libéralisation du marché de l'électricité. Aujourd'hui, ce serait probablement incompatible avec les textes européens, mais il s'agit d'un système très séduisant, parce que cela signifie qu'en faisant appel aux différentes centrales, il est possible de proposer des contrats à long terme avec les producteurs retenus. Le prix serait donc aligné sur le coût moyen sur le long terme.

Je ne parlerai pas de la dernière solution que certains évoquent, qui consiste à supprimer le marché et à revenir au monopole public intégré. Je considère que le marché a un atout : même avec le système d'un acheteur unique, peuvent co-exister un marché sur le très court terme et un marché au niveau des frontières. Le marché est incitatif, il envoie de bons signaux de court terme et non des signaux de long terme. De toute façon, il faudra faire une réforme sur le long terme, pour une raison simple : si nous avons demain un mix uniquement constitué de nucléaire et de renouvelables, ce qui caractérisera ces centrales sera le fait que la part des coûts fixes est très importante et la part des coûts variables très faible. Le prix devra donc être fixé sur le coût moyen.

On peut donc, dès aujourd'hui, avec le système dit « grec », se diriger vers un système où, avec des contrats à long terme et un prix fixé sur le coût moyen, le signal envoyé fait que le prix est relativement stable et couvre les coûts complets des centrales.

M. Kristian Ruby, secrétaire général de l'Association européenne des énergéticiens (Eurelectric). - Le secteur de l'industrie électrique est fermement engagé dans la transition énergétique. Son objectif est d'atteindre une fourniture d'électricité neutre en carbone d'ici 2045.

L'industrie électrique vise à être un acteur central de la décarbonation de nos sociétés, grâce à une électrification directe et indirecte des usages dans les secteurs clés de l'économie, tels que les transports, le bâtiment, les déchets. Nos membres sont les associations nationales qui représentent l'industrie électrique. Nous regroupons 3 500 entreprises dont, en France, Interfluence Energies (IFE).

Le marché intérieur de l'électricité a pour finalité d'offrir une réelle liberté de choix à tous les consommateurs de l'Union et d'intensifier les échanges transfrontaliers de manière à réaliser des progrès en termes d'efficacité et à atteindre des prix compétitifs. Il est important, lorsqu'on parle des réformes, de comprendre que le marché intérieur de l'électricité a tenu ses promesses : il a renforcé la concurrence et permis aux consommateurs d'économiser environ 34 milliards d'euros en 2021.

Même pendant la crise énergétique, le marché intérieur a prouvé sa robustesse face à la flambée des prix de l'énergie. Nous ne pouvons toutefois pas ignorer l'impact de la flambée des prix pour les consommateurs finaux, ménages et industriels. C'est la raison pour laquelle on doit maintenant se préoccuper des consommateurs vulnérables et prendre des mesures en faveur de réformes structurelles en s'orientant vers des objectifs à long terme en Europe.

Eurelectric a besoin d'une évolution du marché, non d'une révolution. On doit investir environ 100 milliards d'euros chaque année jusqu'en 2050. La confiance des investisseurs est donc très importante.

La réforme du marché intérieur de l'électricité, annoncée par la Commission, doit donc protéger les principes fondamentaux actuels et poursuivre les efforts d'intégration des marchés à court terme. Que faire pour les investissements ? Nous sommes dans une situation où on a besoin de signaux de long terme. Pour Eurelectric, il est donc important de s'assurer que les consommateurs bénéficient davantage des investissements dans les technologies renouvelables et bas carbone à bas coût.

Pour cela, Eurelectric recommande que la réforme du marché de l'électricité s'appuie sur le modèle existant du marché intérieur de l'énergie et y ajoute trois éléments essentiels : un cadre contractuel amélioré en faveur des consommateurs permettant de couvrir suffisamment de contrats à long terme, des investissements afin d'atteindre les objectifs de décarbonation, notamment pour les technologies à forte intensité de capital, et un cadre facilitant l'amplification et la coordination des besoins du système électrique pour garantir l'adéquation et la sécurité de l'approvisionnement, tout en répondant à l'évolution des besoins des systèmes. Pour l'instant, Eurelectric finalise une étude en ce sens.

M. Jean-François Rapin, président. - Monsieur Holleaux, quelle est la vision des acteurs du gaz dans le contexte actuel ?

M. Didier Holleaux, président de l'Union européenne de l'industrie du gaz naturel (Eurogas). - Il existe en fait, selon nous, deux crises de l'énergie, une de l'électricité et une autre du gaz, très largement corrélées par moments et, à d'autres moments, assez fortement décorrélées suivant les endroits.

Contrairement à ce que certaines expressions peuvent laisser entendre de temps à autre, ce n'est pas le gaz qui est responsable du prix de l'électricité, mais très largement aussi le prix de l'électricité qui est responsable du prix du gaz.

La demande de gaz a fait monter les prix à partir de 2021. Elle est liée en partie à des facteurs propres au gaz : l'hiver a été froid, et il fallait donc remplir les stockages qui étaient vides à l'issue. Elle est toutefois également liée à d'autres phénomènes, et en particulier à la sécheresse en Amérique du Sud, qui fait que le Brésil importe du GNL comme il ne l'a jamais fait, de même que le Chili, pour compenser, avec les centrales à gaz, l'absence de production hydraulique.

Cette demande supplémentaire est un des facteurs importants de la hausse des prix du gaz en 2021, avant que la Russie ne l'accentue en ne proposant pas de gaz sur le marché à court terme, un certain nombre d'autres phénomènes venant l'amplifier. Je rappellerais ainsi que, ce même été 2021, la faiblesse du vent en Europe fait que les centrales éoliennes produisent moins. On fait donc tourner des centrales à gaz en période d'été, ce qui est relativement rare. Normalement, l'été, les centrales à gaz sont très largement inutilisées. Cette demande supplémentaire de gaz contribue à la montée des prix durant toute l'année 2021.

Deuxième élément : aujourd'hui, les marchés forward de la France, mais aussi, dans une certaine mesure, de la Belgique ou de l'Allemagne, etc. - ce qu'on appelle le Clean Sparks Spread, c'est-à-dire la différence de coût marginal entre le prix de l'électricité et le coût du gaz que l'on met dans une centrale à gaz est très largement positif sur ces marchés. Au vu des marchés à terme pour l'année 2023 de l'électricité et du gaz - été ou hiver -, on a intérêt à vendre son électricité à terme et à acheter son gaz à terme, ce qui fait monter le prix du gaz.

Autre preuve de l'indépendance des crises, soulignée par M. Ménard : les prix du gaz et de l'électricité sont inversés entre la France et l'Allemagne. Depuis le début de la crise, le prix du gaz est plus faible en France qu'en Allemagne - de l'ordre de 20 à 40 euros par MWh -, et les prix de l'électricité sont plus élevés en France qu'en Allemagne - de l'ordre de 70 jusqu'à 200 euros. Au moment où les prix étaient au-dessus de 1 000 euros en France, ils étaient à environ 800 euros en Allemagne. Le fait qu'il y ait une certaine corrélation entre les prix ne veut pas dire qu'il n'existe pas deux crises séparées.

Je reviens sur ce qu'ont dit MM. Ménard et Percebois : les prix sur les marchés du gaz et de l'électricité sont aujourd'hui assez largement supérieurs à ce que serait le prix qui assure l'équilibre entre l'offre et la demande. Pourquoi ? Il existe un manque de confiance et une très faible liquidité du marché : les gens ne croient plus aux fondamentaux. Il faut le dire : certains finissent par garder l'électricité qu'ils ont en plus plutôt que de la vendre, ne sachant pas ce qu'il va se passer. Il en va de même concernant le gaz. Ce manque de confiance dans la liquidité du marché génère une prime de risque. Les gens ont peur, ils ont d'autant plus raison que s'ils se retrouvent trop courts sur le marché, ils peuvent faire faillite, comme Uniper, qui a perdu 40 milliards d'euros. Il faut en être conscient.

Enfin, tout le monde affirme que la demande s'est ajustée. En tant que gazier, nous faisons une distinction entre ce que l'on appelle la réduction de la demande et la destruction de la demande. La réduction de la demande est saine : on fait un effort pour moins chauffer chez soi et moins consommer partout où l'on peut. La destruction de la demande, c'est lorsque nos clients s'arrêtent de fonctionner parce qu'ils ne le peuvent plus, les prix étant trop élevés.

On me rétorquera que le marché fonctionne et s'est équilibré : si les clients ne peuvent plus payer le prix, peut-on considérer que le marché fonctionne ? La question doit rester ouverte.

Sur le long terme, le gaz est un facteur important pour éviter les défauts de production d'électricité et fournir de l'énergie lorsqu'on en a besoin. Les centrales à gaz fournissent la pointe ultime d'électricité ; je rappelle qu'avec des dispositifs comme les réseaux de chaleur, qui ont un certain choix en matière d'énergie, ou les pompes à chaleur hybrides, il existe des outils qui permettent, lorsqu'on est très proche de la pointe de demande électrique, de basculer sur le gaz, qui peut se stocker, ce qui permet un effet modérateur sur les prix marginaux de l'électricité.

Quant à la réforme des prix, pour Eurogas, le mécanisme ibérique est beaucoup plus cher qu'il n'y paraît. Il a pu fonctionner dans le contexte ibérique parce que les échanges tant de gaz que d'électricité avec le reste du marché sont limités. Il serait très difficile à appliquer à l'échelle européenne, et on n'en connaît pas très bien l'impact sur les prix. Nous le considérons donc avec une extrême prudence, à cause de ses effets de bord et de son coût, qui serait probablement très élevé pour l'État.

Pour ce qui est de la réduction de prix pour les clients vulnérables, il s'agit d'une évidence. La réduction de prix pour les entreprises, on le sait, induit des distorsions d'un pays à l'autre. Elle soulève aussi des questions de coûts, et nous insistons surtout sur le fait que ce ne sont pas les entreprises gazières qui peuvent la financer. Vendre à perte, d'une part, est illégal et, d'autre part, conduit les entreprises à la faillite. Encore une fois, l'exemple Uniper le montre.

Il faut donc vraiment réfléchir à des systèmes qui ne distordent pas trop la concurrence entre pays et dont le coût budgétaire est relativement maîtrisé. Dans ces conditions, les entreprises gazières peuvent bien entendu y contribuer. C'est ce que nous faisons aujourd'hui avec le bouclier tarifaire puisque, de fait, ce sont les fournisseurs gaziers qui avancent la différence de prix. On achète sur le marché de gros et on vend au prix fixé par le bouclier tarifaire, avec la promesse que l'État compensera à un moment donné.

Je souligne néanmoins que ceci représente un effort de trésorerie tout à fait conséquent pour ces entreprises. À peu près tous les régimes de soutien aux prix payés par les consommateurs ont un impact de trésorerie très important pour les entreprises, à un moment où leurs interventions sur le marché les appellent à avoir des appels de marge qui se chiffrent en milliards d'euros, voire en dizaines de milliards.

Cette situation de marché conduit les entreprises énergétiques, notamment gazières, à avoir d'énormes besoins de liquidités, qu'il s'agisse des appels de marge, du fonds de roulement ou du financement de dispositifs comme le bouclier tarifaire. Quand on parle de profit, il ne faut pas négliger les risques économiques qui y sont associés.

S'agissant de la rente inframarginale, Eurogas n'est pas très enthousiaste à l'idée de sa captation, mais, dans une situation de crise comme celle que nous connaissons aujourd'hui, il est assez logique de demander un effort sur les moyens de production qui offrent des coûts très inférieurs à ceux actuellement sur le marché.

Pour ce qui est des moyens de production recourant au gaz, comme l'a dit M. Glachant, il est bien souvent nécessaire de compléter le mécanisme de marché par des mécanismes de financement de capacités. L'appel des centrales à gaz, selon les scénarios, est en effet trop aléatoire pour permettre une rémunération raisonnable de l'investissement. Dans certains de nos scénarios, les centrales à gaz perdent de l'argent les sept premières années et n'en gagnent que la huitième année. Elles en gagnent beaucoup lorsque c'est le cas. Cela devrait donc normalement s'équilibrer, mais je ne connais pas d'investisseurs qui investissent sur un tel business model.

En conclusion, il s'agit de deux crises indépendantes, même si elles sont corrélées. Pour changer de système de rémunération, il faut laisser aux entreprises le temps de s'adapter et considérer qu'elles ont investi dans un certain cadre réglementaire. Si on en change complètement, il faut tenir compte des conséquences économiques sur celles-ci.

Mme Catharina Sikow-Magny, directrice Transition verte et intégration du système énergétique à la direction générale de l'énergie de la Commission européenne. - Les termes de crise, d'urgence, de réforme sont très utilisés aujourd'hui.

En effet, le secteur de l'énergie est aujourd'hui fortement bouleversé par plusieurs facteurs, comme nous l'avons entendu : retour de la croissance post-Covid, perturbations de la chaîne d'approvisionnement, été très sec affectant la production hydroénergétique, indisponibilité du nucléaire, aussi bien en France qu'en Finlande et, bien sûr, guerre en Ukraine, qui impacte fortement le marché du gaz et, par ricochet, celui de l'électricité. Les prix ont augmenté et l'approvisionnement en énergie semble menacé cet hiver.

Ces défis se font sentir dans l'ensemble de l'Union européenne, et une réponse rapide et coordonnée à cette échelle est nécessaire. Les mesures nationales différentes qui impactent le fonctionnement des marchés peuvent donc avoir une incidence négative sur la sécurité.

En octobre, à la suite de la proposition de la Commission européenne, le Conseil a adopté un règlement relatif à une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie. Ce règlement temporaire, qui s'applique à partir d'aujourd'hui, vise à réduire la demande d'électricité et à atténuer les prix élevés de l'énergie, ceci via l'introduction d'un plafond applicable aux revenus inframarginaux de 180 euros, d'une contribution de solidarité sur les bénéfices excédentaires des secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et des raffineries, et d'une redistribution de ces revenus pour soutenir les consommateurs finaux, aussi bien les ménages que les entreprises.

Ces mesures contribueront à rendre l'électricité plus abordable, et constituent un premier pas vers les travaux complémentaires en cours qui tendent à améliorer l'organisation à long terme du marché de l'électricité.

En effet, la crise que nous traversons rend d'autant plus urgente la nécessité de décarboner et d'accélérer l'utilisation de sources d'énergie renouvelables et à faible émission de carbone. C'est la clé du découplage. Lorsqu'une grande partie de l'électricité ne proviendra plus des énergies fossiles ou du gaz, nous l'aurons atteint.

À côté de ces mesures d'urgence, la Commission poursuit ses travaux sur l'optimisation du fonctionnement du marché européen.

Le marché de l'électricité a prouvé durant ces dernières décennies son efficacité en matière de fourniture fiable et de prix bas. Les discussions se sont d'ailleurs focalisées sur le problème des revenus trop bas des producteurs - en anglais, on utilise le terme de « missing money ». Aujourd'hui, on constate que la France, l'un des grands exportateurs d'électricité au niveau européen, est devenue un pays importateur, grâce au marché de l'Union européenne et au découplage des marchés nationaux.

Entre-temps, la crise énergétique, dont nous connaissons tous l'ampleur, a révélé d'autres questions qui méritent d'être abordées, en complément et en relais des mesures d'urgence.

Cette réforme, envisagée pour le début de l'année 2023, et sur laquelle nous réfléchissons aujourd'hui, devra être ciblée afin de pouvoir être mise en oeuvre rapidement. Cette réforme pourrait se concentrer sur quatre aspects.

Premièrement, les producteurs d'énergie renouvelable, mais aussi nucléaire, doivent bénéficier d'un revenu prévisible, stable, afin d'encourager les investissements nécessaires, y compris en matière de flexibilité. Cela permettrait aussi de stabiliser les prix et d'éviter une trop forte volatilité pour le consommateur. L'amélioration de la liquidité des marchés à terme est un élément clé, ainsi que la contractualisation des nouveaux projets d'énergie via des contrats stables. Les intervenants précédents ont déjà mentionné les contrats pour différence et les PPA, deux outils très utiles.

Deuxièmement, la réforme devrait contribuer à dissocier autant que possible les factures d'électricité des ménages et des entreprises des prix du gaz. Les contrats pour différence et les PPA contribuent certainement à cet objectif, mais il existe d'autres pistes, que nous étudions actuellement.

Troisièmement, il est important de préserver une utilisation efficace des ressources à travers l'Europe, afin de garantir que l'électricité nécessaire est toujours produite par la technologie la moins chère disponible et que l'offre et la demande sont maintenues en équilibre à tout moment. Il est cependant important de développer davantage la flexibilité, et notamment les effacements de consommation et le stockage. Ceci pourrait avoir un impact direct sur la consommation de gaz, ainsi que sur le prix de l'électricité.

Enfin, les consommateurs doivent être mieux protégés. Ils devraient disposer d'un éventail d'offres, y compris des contrats à prix fixe, de davantage de possibilités d'investir directement dans la production d'énergies renouvelables pour leur propre usage et de plus de possibilités de participation active sur le marché. La protection des consommateurs vulnérables est particulièrement importante, et nous sommes en train d'analyser comment définir une consommation minimum qui devrait être garantie à tout consommateur à un prix abordable.

Dans ce cadre, et plus généralement, nous devons être sûrs que le marché fonctionne d'une manière transparente et qu'il existe une surveillance quotidienne. Nous sommes également en train d'étudier comment améliorer le règlement pour la transparence et la surveillance (REMIT).

En conclusion, la première étape consistera pour la Commission européenne à publier un document de consultation avant Noël. Nous attendons avec grand intérêt les contributions françaises et autres. Nous avons aussi travaillé sur un document de travail qui explique les choix de la Commission, avant de présenter une proposition législative, début 2023. La date n'a pas été fixée, mais ce sera certainement avant le Conseil européen qui aura lieu dans la deuxième moitié du mois de mars.

En fonction des colégislateurs, de telles modifications ciblées de l'organisation des marchés peuvent être proposées et mises en oeuvre rapidement. Elles apporteraient une solution permanente à la dépendance excessive des factures d'électricité européennes au marché du gaz naturel, hautement volatile aujourd'hui, et fourniraient aux consommateurs des avantages grâce à des coûts plus bas des énergies renouvelables et de l'énergie nucléaire, en fonction de leur part dans le bouquet électrique.

M. Jean-François Rapin, président. - J'ai bien noté qu'une consultation allait être lancée juste avant Noël. Il va nous falloir y être attentifs pour y répondre éventuellement.

M. Franck Montaugé, président. - Nous avons eu hier une discussion en commission qui nous a amenés à envisager la rédaction d'une proposition de résolution européenne, qui trouverait tout son intérêt dans le cadre du calendrier qui a été évoqué.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Je remercie l'ensemble des intervenants pour la clarté de leur intervention.

La moitié des États membres disposent d'un parc nucléaire de deuxième génération et un quart est engagé dans la construction de réacteurs de troisième génération. Or la taxonomie européenne est défavorable à l'énergie nucléaire, assimilée à une activité de transition, comme le gaz, et non à une activité durable, comme les autres énergies décarbonées.

Par ailleurs, les délais imposés pour accompagner la relance du nucléaire en France sont impossibles à tenir. Ne devrait-on pas lever ces verrous ?

Le financement des nouveaux réacteurs en Europe est aussi très hétérogène, avec le regroupement d'entreprises énergo-intensives dans un consortium en Finlande, des prêts étatiques ou interétatiques en République tchèque, des fonds propres en contrepartie d'un prix de long terme fixe ou régulé au Royaume-Uni. Avez-vous identifié un mode de financement préférentiel ?

Je pense que les Français auront du mal à comprendre que la France soit condamnée à payer plusieurs centaines de millions d'euros d'amende pour son retard en matière d'énergies renouvelables, alors que notre pays est largement en tête de tous les pays de l'Union européenne pour ce qui est de l'énergie décarbonée. Nous étions, en effet, il y a quelques dizaines d'années, à 88 % dans ce domaine.

S'agissant de la « grande hydroélectricité », la France est sous le coup d'un contentieux avec la Commission européenne qui dure depuis plusieurs dizaines d'années. Elle n'est pas la seule dans cette situation, puisque sept autres pays européens sont concernés, dont l'Allemagne et l'Italie. 400 concessions échues ont été placées, en France, sous le régime transitoire des « délais glissants » : elles ont été prolongées aux conditions antérieures, sous réserve de l'application d'une redevance.

La crise énergétique actuelle ne devrait-elle pas conduire sur ce sujet à une appréhension moins stricte du principe de concurrence ? Ne faudrait-il pas réviser à terme la directive concession du 26 février 2014 pour en exclure les concessions hydroélectriques ?

Quant à la « petite hydroélectricité », elle pourrait ne plus être considérée comme une énergie renouvelable subventionnable dans la directive sur les énergies renouvelables en cours de négociation. N'est-ce pas perdre ici un levier de décarbonation très ancré dans nos territoires ?

S'agissant du stockage de l'électricité, les énergies renouvelables pèchent toujours par leur intermittence. Vous l'avez dit, la crise énergétique n'a pas démarré avec la guerre en Ukraine, mais en 2021, pour des raisons de compensation de la production des énergies renouvelables, que l'on a vécue en France.

Il faut garantir une neutralité technologique entre tous les modes de stockage. Or l'hydrogène bas-carbone issu de l'énergie nucléaire est encore trop peu pris en compte par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » par rapport à l'hydrogène renouvelable, alors qu'il est au fondement de la stratégie française pour un hydrogène décarboné. Ne doit-on pas corriger le tir ?

Par ailleurs, il faut consolider les projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC). Il manque 1,6 milliard en France pour le financement du PIIEC hydrogène. Ne peut-on faire davantage ?

Enfin, vous venez tous de nous confirmer que le dossier énergétique va être déterminant en matière de positionnement des activités industrielles et économiques sur nos territoires. Nous sommes, en Europe, dans une situation de grande fragilité concernant l'énergie, que la France n'a jamais connue et à laquelle personne n'a été préparé.

M. Pierre Ouzoulias. - En tant que sénateur de la commission de la culture, j'ai particulièrement goûté vos propos, qui me donnent l'illusion d'avoir compris quelque chose, ce qui est très précieux.

J'ai surtout apprécié votre mise en perspective sur le long terme. Je crois qu'elle est fondamentale. Jusqu'à présent, le marché européen a fonctionné de façon à répartir l'énergie produite en trop. On change aujourd'hui complètement de perspectives et l'Europe - et singulièrement la France - doivent faire face à deux enjeux extrêmement importants et historiques. Le premier enjeu est de développer une production énergétique permettant d'assurer notre souveraineté et de retenir des entreprises susceptibles de partir à l'étranger, où le prix de l'énergie est moins élevé. C'est le jeu des États-Unis. Le deuxième enjeu est de décarboner ces industries, ce qui nous redonnerait des marges de compétitivité pour assurer ensuite la transition énergétique.

Vous l'avez dit très justement, et la commission des affaires culturelles le constate dans tous les dossiers : il faut réintroduire de grands principes géostratégiques. Ce qui a mis à mal notre stabilité relative, c'est la déflagration due à la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine, qui nous oblige à abandonner l'illusion d'une Europe éternellement en paix et à protéger nos industries pour des raisons géostratégiques. C'est pourquoi les idées liées à la planification reviennent de façon très forte. C'est là un paradoxe incroyable : la guerre que mène la Russie nous oblige à revenir au Gosplan !

À travers vos propos, on comprend qu'il est impérieux de planifier les choses sur le temps long. Les États membres, comme la France, peuvent-ils le faire seuls ou, au contraire, la seule échelle pour mener à bien ces politiques est-elle l'échelle européenne ?

M. Patrick Chauvet. - Le Sénat examine actuellement le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables, dont je suis rapporteur. Dans ce cadre, notre commission a veillé à consolider les modes de financement privés des énergies décarbonées. Nous avons ainsi institué des contrats de long terme pour l'énergie nucléaire et des contrats d'achat direct pour l'électricité renouvelable.

Ces nouveaux modes de financement privé ne doivent-ils pas être davantage encouragés dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité ? Ils ne sont même pas mentionnés dans le règlement du Conseil du 6 octobre 2022, pas plus que dans le plan RePowerEU ou le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

M. Serge Mérillou. - Le mot le plus utilisé ce matin au sujet de l'énergie est celui de « marché ». L'électricité est aujourd'hui un bien soumis aux lois du marché, alors que je considère que c'est un bien commun, qui doit échapper au marché. Celui-ci est, en effet, en faillite totale et rien ne justifie, pour un certain nombre d'industriels électro-intensifs, des coûts de renouvellement de contrat multipliés par deux, trois ou quatre. Si c'est cela le marché, cela signifie qu'il est défaillant. C'est, selon moi, davantage une question politique qu'une question technique.

Je m'inquiète réellement des impacts de la désindustrialisation. Certaines entreprises ne font plus appel à des intérimaires, d'autres ne tournent plus que trois jours par semaine, non seulement parce que l'énergie est chère, mais aussi parce que leur marché est en train de s'effondrer, compte tenu des prix auxquels elles doivent vendre.

Un point de détail concernant le stockage de l'électricité : EDF avait un certain nombre de projets en matière d'hydroélectricité dont celui, lors des périodes de faible demande d'électricité, de remonter l'eau vers les lacs situés au-dessus des barrages pour l'utiliser plusieurs fois. Ce projet fonctionne techniquement dans la vallée de la Dordogne, mais n'avance pas. Il y a là des idées à creuser au niveau du stockage de l'électricité, notamment en matière hydraulique.

M. Jean-François Rapin, président. - On pourrait presque enchaîner sur une nouvelle table ronde pour s'interroger, de façon simpliste, sur le fait de savoir si le marché a protégé ou aggravé la situation. En écoutant nos interlocuteurs, je me dis qu'on a peut-être évité le pire.

Pour le reste, nous sommes d'accord avec nos intervenants sur la façon de stocker et la façon de produire de l'énergie.

Je ne cherche à prendre la défense de personne, mais ce qu'on a connu n'était probablement pas prévu ni intégré dans les modèles de marché tels qu'ils ont été établis ni dans nos modes de consommation. Si l'industrie doit réduire aujourd'hui sa consommation, c'est peut-être parce qu'elle est allée un peu loin. Il faut donc réfléchir avant de se prononcer, mais il serait intéressant de se poser la question.

M. Jean-Michel Glachant. - Je suis universitaire. Je n'ai donc de compte à rendre qu'à moi-même. Pour l'instant, je pense que nous n'avons pas connu le pire, mais celui-ci est toujours possible. Le pire, ce serait la rupture de l'approvisionnement en électricité, avec des coupures tournantes et des ruptures d'approvisionnement en gaz, dont le risque reste à craindre, puisque nous dépendons de la température et n'avons pas de certitudes à ce sujet.

En tant qu'universitaire, je suis extrêmement déçu que les Américains nous abandonnent au pire moment. Peut-être est-ce normal ? Plusieurs d'entre vous l'ont dit : on assiste à une rupture géopolitique, alors qu'on était sincèrement persuadé d'avoir trouvé un deal avec les Russes. Ils sont insupportables, font la guerre à quelqu'un tous les quatre ans, mais on pensait que cela allait passer. Or cela n'est malheureusement pas le cas. Ils sont engagés dans une rupture mondiale, et on ne sait pas trop comment en sortir.

Je suis d'accord avec le fait qu'on peut connaître une nouvelle vague de désindustrialisation massive dans les grandes industries exportatrices et chez les grands consommateurs d'énergie. J'ai été choqué que la moitié de la sidérurgie s'arrête à Fos-sur-Mer - mais c'est normal -, que la moitié de la production d'aluminium s'arrête, que l'industrie papetière française ne produise plus qu'aux trois quarts de sa capacité, et ce grâce à l'Arenh, sans laquelle ils ne produiraient plus du tout.

Je comprends que nous protégions les consommateurs pour des raisons sociales, étant moi-même issu d'une famille très pauvre. Il est, en effet, important de ne pas abandonner toute une fraction de la population de notre pays, mais quid de notre industrie ? La question industrielle monte en importance, et je n'ai pas de solution.

Je suis également déçu, comme tout le monde ici, par le fait que notre énergie nucléaire a connu les défaillances qu'elle a dû affronter. Le secteur s'en sortira évidemment, mais on ne sait pas quand. Quoi qu'il en soit, nous n'aurons pas de nouvelles centrales avant 2035, et seules les centrales existantes vont continuer à fonctionner.

M. Laurent Ménard. - Je ne suis pas exactement dans la même situation que M. Glachant pour ce qui est de ma liberté de parole.

On a structuré les institutions que nous connaissons aujourd'hui en période d'abondance. Certains pensaient même que les moyens de production d'énergie électrique disponibles étaient trop importants. On découvre d'un seul coup qu'il n'y a plus abondance et qu'on manque de moyens de production électrique. Pour moi, c'est la leçon à tirer de cette crise.

On a bâti des institutions pour gérer ce qui était considéré comme une suraccumulation de capital. Le parc nucléaire français était trop important, les centrales à gaz ont été mises sous capuchon au début des années 2010, etc. On n'est plus du tout dans cette situation.

Ceci explique probablement les faiblesses les plus criantes du système de marché actuel. On n'a pas fait attention à envoyer de bons signaux de long terme aux investisseurs puisque, de toute façon, on estimait être en surcapacité. On n'est plus du tout dans ce cas et, d'une certaine façon, le travail qu'on doit réaliser maintenant n'a pas été fait.

On a besoin de capacités de production électrique supplémentaires pour plusieurs raisons : la raison essentielle est que tous les pays d'Europe se sont engagés dans une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre qui passe inévitablement par une électrification d'un certain nombre d'usages. On a donc besoin de davantage d'électricité. Il faut passer de la gestion de surcapacités à la gestion d'investissements nouveaux.

Cela implique un certain nombre de changements. Je vous ai parlé de la défiance de la Commission européenne envers les contrats de long terme. Je considère que le changement profond que nous venons de subir est une excellente raison de revenir sur cette défiance.

Par ailleurs, s'agissant des modalités de financement des nouvelles installations nucléaires, il existe aujourd'hui un panel de solutions utilisées par différents États membres. Pour revenir sur la présentation de M. Glachant, le modèle développé au Royaume-Uni attire aujourd'hui l'attention. Avec Sizewell C, on est en particulier face à un système de rémunération qui prévoit que, pendant la phase de construction, une rémunération est apportée au porteur du projet afin de lui permettre de financer ledit projet. Je n'entrerai pas ici dans la technique, mais ce modèle, qui est encore en discussion, paraît extrêmement intéressant.

M. Jacques Percebois. - Je partage l'avis qui a été exprimé à l'instant sur le nucléaire. Je pense en effet que l'acte délégué sur la taxonomie est un compromis politique qui n'est absolument pas favorable à la France. Pour y inclure le nucléaire, il a fallu faire des concessions aux Allemands, et les dates limites de 2040-2045 sont préjudiciables à la relance du nucléaire en Europe.

Quant au financement, je pense qu'il faut aujourd'hui s'orienter vers les trois solutions qui, à l'échelle mondiale, semblent retenir l'attention : le système Hinkley Point du contrat pour différence, qui a beaucoup de vertus, le système de la base d'actifs régulés de Sizewell, qui permet notamment une rémunération de l'opérateur au fil de la construction, et le système des PPA. Les Japonais semblent intéressés par un projet de centrale nucléaire qui serait financé par ce biais, avec des appels au financement, les financeurs profitant de droits de tirage sur la production nucléaire. Je rappelle que c'est le système qui a été mis en place à Fessenheim, où une compagnie allemande et une compagnie suisse détenaient des droits de tirage et ont participé au financement.

Tout cela est un problème de partage du risque. Le partage des risques n'est pas le même entre l'opérateur, l'État, donc le contribuable, et le consommateur. Chaque système a ses vertus et ses inconvénients.

Concernant l'hydraulique, je rappelle qu'au moment de la commission Champsaur, il était prévu de parler non de l'Arenh, mais de l'accès régulé à la base (ARB). Il était envisagé non seulement que le nucléaire de base soit soumis à ce système de rétrocession aux concurrents, mais également l'hydraulique de base. Le Gouvernement a mis à ce moment-là les concessions hydrauliques aux enchères. C'est pourquoi l'ARB est devenu l'Arenh.

Fort heureusement, les concessions n'ont pas été vendues. La Commission européenne a d'ailleurs utilisé ce prétexte pour empêcher un décret d'application de la loi de 2010 concernant la révision périodique prévue. Il ne faut surtout pas mettre ces concessions en vente, car elles constituent un atout important. L'hydraulique est un cas un peu particulier, parce qu'il est multiusage. C'est un atout pour la France. Je rappelle qu'en 1960, la moitié de la production d'électricité française était d'origine hydraulique. Aujourd'hui, elle n'est que de 12 % parce que la consommation a fortement grimpé entre-temps, mais c'est une pépite nationale qu'il faut absolument conserver.

Pour ce qui est du stockage de l'électricité, on veut absolument mettre des couleurs sur l'hydrogène - jaune pour le nucléaire, pour montrer qu'il n'est pas tout à fait vert. Pourquoi pas ? J'observe que les écologistes allemands sont prêts à recourir à de l'hydrogène produit à partir du nucléaire, ce qui est plutôt un bon signal envoyé à la communauté internationale et européenne.

Je pense, en effet, qu'il y a beaucoup à faire du côté de l'hydrogène en matière de stockage. On peut utiliser l'hydrogène comme combustible, par le biais de l'électrolyse de l'eau, et repasser ensuite à la production d'électricité. Il est vrai qu'aujourd'hui, avec les technologies disponibles et les coûts actuels, le rendement global est de l'ordre de 30 %. On fonde des espoirs sur des systèmes beaucoup plus performants pour demain. Il faut étudier ce qui peut être fait.

Concernant la planification et le marché, la question n'est pas tant de savoir si c'est le plan ou l'État ou bien le plan ou le marché. Ce sont les deux, le problème étant la frontière. On peut avoir un service public avec des contraintes de marché. Le rapport de Simon Nora de 1967 estimait qu'il convenait de pratiquer une tarification sur la base de la vérité des prix pour les services publics, en particulier l'électricité, et la généraliser à l'ensemble des services publics. Cela se défend tout à fait. La consommation d'électricité est identifiable. On sait qui consomme. Ce n'est pas comme les biens collectifs purs qui correspondent aux fonctions régaliennes de l'État. Il est tout à fait légitime que le consommateur paye. Certes, il faut aider ceux qui sont en situation de précarité énergétique, mais le marché a un rôle à jouer. Le marché est incitatif. Le rôle du marché est de supprimer les rentes indues et d'inciter à l'innovation. Ce sont ses deux grands mérites. Il faut en profiter.

Un État performant peut, sur le long terme, faire les bons choix. S'il n'est pas performant, il peut aussi faire de mauvais choix. L'avantage du marché, c'est que la sanction tombe à un moment ou un autre. De ce point de vue, c'est une bonne chose.

M. Didier Holleaux. - Je rappelle que, parmi les énergies nouvelles et renouvelables, il en existe une parfaitement stockable, le biométhane ou le biogaz. Son potentiel est loin d'être négligeable. On estime qu'en France, cela représentera 40 TWh en 2030, et de l'ordre de 150 TWh en 2050. En Europe, les chiffres sont équivalents. L'European biogas association (EBA) annonce 41 milliards de m3, soit environ 450 TWh en 2030 et 151 milliards de m3, soit 1 700 TWh en 2050.

Une des priorités de la crise actuelle doit être d'accélérer le développement de la production de biométhane en créant des conditions favorables, qui figurent en partie dans le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables. On peut aussi le faire en ajustant les tarifs, l'inflation touchant aussi la construction des installations de biométhane, afin de permettre que la dynamique se prolonge.

S'agissant des difficultés à long terme dans l'approvisionnement en gaz, qui ont un impact sur le marché de l'électricité, je rappelle que l'une d'entre elles résulte du fait que, avec la création du marché européen, plus personne n'était en charge de la sécurité de cet approvisionnement. Il se trouve qu'en France, par tradition, les principes de sécurité d'approvisionnement, donc de diversification des sources, ont été préservés - en partie d'ailleurs parce que les acteurs étaient plus concentrés.

Même si EDF s'y est joint, on comptait également historiquement Engie et Total. En Allemagne, du fait de la diversité des opérateurs et de la dilution des responsabilités, ce souci de diversification s'est perdu et est à l'origine de la crise.

Aujourd'hui, on pourrait à nouveau proposer des contrats à long terme ayant d'autres origines que la Russie - on pense en particulier aux États-Unis, au Qatar, plus marginalement au gazoduc avec le Turkménistan ou quelques autres pays, éventuellement l'Algérie, l'Est méditerranéen, le Mozambique, etc. Ce qui manque aujourd'hui, c'est la capacité pour les opérateurs d'établir des contrats à long terme indexés sur autre chose que sur le prix à court terme du marché du gaz européen.

Si les contrats à long terme sont indexés sur le Title Transfert Facility (TTF), qui régit le prix du gaz sur le marché spot aux Pays-Bas, cela ne couvre pas le problème d'exposition au risque. En revanche, si on diversifie ses approvisionnements en prenant du gaz américain indexé sur le prix directeur américain, du gaz qatari indexé sur le prix du pétrole et une partie de TTF ou sur d'autres indices, on introduit un nouveau principe de diversification : on n'achète jamais au moins cher des prix marginaux, mais jamais au plus cher non plus.

Aujourd'hui, le cadre n'est pas propice. Pourquoi, malgré la guerre en Ukraine, très peu de nouveaux contrats à long terme sont-ils signés par des entreprises européennes ? Cela s'explique par le fait que les Américains voudraient signer sur leur propre base et les Qataris sur la base du brent et que les acteurs du gaz européen ont intérêt à refléter dans nos contrats d'approvisionnement le prix du marché de gros européen et de tout faire porter sur le même indice TTF, qui présente un risque élevé de volatilité. Cela a évidemment un impact à long terme sur le prix de l'électricité, mais créer les conditions pour qu'un mix de prix diversifiés du gaz serve au moins à fournir l'électricité marginale produite à partir du gaz en Europe permettrait de trouver des solutions qui nous préserveraient d'un certain nombre de pics de prix et d'effets négatifs dus à la volatilité.

M. Kristian Ruby. - La transition énergétique est un processus de long terme et, comme l'a dit M. Ménard, les investisseurs ont besoin de signaux de long terme, tout comme les consommateurs. Si on avait une meilleure mixité des signaux de court et long termes en matière de prix, on connaîtrait une situation très différente aujourd'hui. C'est le sujet que la réforme doit apprécier.

Par ailleurs, un nouveau système est nécessaire pour identifier et coordonner les besoins. La transition énergétique est aussi un processus de changement et de décentralisation qui va modifier les besoins. On doit bien comprendre ce changement et réaliser des investissements adéquats. Ce sont là les éléments clés de cette réforme.

Mme Catharina Sikow-Magny. - Premièrement, il nous faut analyser en profondeur la façon de protéger les consommateurs, surtout les plus vulnérables, et les entreprises. Quel est ici le rôle du secteur public et quelles sont les responsabilités propres à chacun ? Il faut trouver le bon équilibre.

Deuxièmement, je pense qu'il faut souligner l'efficacité des échanges au niveau européen si l'on veut s'assurer que les modes de production les moins coûteux soient utilisés avant les plus coûteux. Nous le voyons en France aujourd'hui : sans les importations en provenance des pays voisins, la situation serait beaucoup plus difficile. Il faut donc préserver l'efficacité des échanges et le marché européen.

Enfin, concernant les investissements pour l'avenir, il nous faut prendre le temps et bien réfléchir au rôle de la planification. Personnellement, je pense qu'il en faut davantage, car les États sont très différents les uns des autres. Certains, comme la France, fondent leur mix de production électrique sur le nucléaire, d'autres recourent encore largement au charbon et doivent accélérer leur transition.

Comment faire en sorte que les différents mix européens soient planifiés de telle façon que nous ayons toujours de l'électricité à moindre coût ? Ceci a déjà été évoqué aujourd'hui et est lié aux mécanismes de marché, aux incitations à investir, à la flexibilité de stockage. Ce modèle nécessite selon moi une réflexion à long terme, le délai qui s'impose à nous pour faire une proposition étant fixé au 10 mars.

M. Didier Holleaux. - Eurogas soutient fortement le développement de l'hydrogène et de toutes les formes bas-carbone, considérant qu'il s'agit d'une partie de la solution au problème énergétique.

Je suis en léger désaccord avec M. Percebois : en utilisant des technologies d'électrolyse, du type de celle développée par le CEA avec Genvia, et des piles à combustible couplées à un réseau de chaleur, on peut arriver à des rendements de cycle de l'ordre de 80 %. L'hydrogène pour répondre à la pointe électrique est loin d'être absurde, à partir du moment où on intègre les nouvelles technologies et le fait qu'il existe des réseaux suffisants pour connecter des cavités salines, qui permettent le stockage de l'hydrogène à des coûts peu élevés, aux lieux de production d'électricité par pile à combustible.

M. Franck Montaugé, président. - Merci pour vos contributions. Votre apport nous sera très utile dans les travaux que nous allons poursuivre.

M. Jean-François Rapin, président. - Merci. On pourrait, comme je l'ai dit, avoir une réflexion bien plus approfondie sur le fait de savoir si le marché protège ou non.

Examen en commission
(Mercredi 7 juin 2023)

Réunie le mercredi 7 juin 2023, la commission a examiné le rapport de M. Daniel Gremillet sur la proposition de résolution européenne n° 669 (2022-2023) de MM. Daniel Gremillet et Claude Kern relative aux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil portant réforme du marché de l'électricité de l'Union.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je cède la parole à notre collègue Daniel Gremillet pour la présentation de la proposition de résolution européenne (PPRE) relative aux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil portant réforme du marché de l'électricité de l'Union.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui la PPRE relative aux propositions de règlement portant réforme du marché européen de l'électricité. Cette PPRE résulte des travaux conduits sur six mois, depuis notre table ronde inaugurale de décembre dernier, avec mes collègues de la commission des affaires européennes Claude Kern et Pierre Laurent.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons entendu l'ensemble des acteurs concernés : la Commission européenne, la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, le ministère de la Transition énergétique, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), mais aussi des fournisseurs d'électricité et des experts.

Depuis trois ans, les prix de l'électricité n'ont cessé d'augmenter en Europe, sous l'effet de la reprise de l'économie mondiale au sortir de la crise de la Covid-19, de la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine et des indisponibilités du parc nucléaire comme renouvelable. Pour preuve, selon le Conseil, entre début 2021 et fin 2022, les prix moyens de l'énergie sont passés de 100 à 185 euros pour la consommation, et de 100 à 280 euros pour la production, soit une multiplication par deux et trois.

Pour endiguer cette hausse exponentielle, la Commission européenne a présenté plusieurs mesures, dont la réorganisation du marché européen de l'électricité, aux côtés naturellement de l'augmentation des énergies décarbonées ou de la diminution des énergies fossiles.

Ainsi, le 8 mars 2022, dans le cadre du plan REPowerEU, elle a proposé d'optimiser l'organisation du marché de l'électricité, en tenant compte du rapport de l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER). Pour mémoire, ce plan nécessite un montant total de 210 milliards d'euros et vise à réaliser des économies de 80 milliards d'euros sur le gaz, 12 milliards d'euros sur le pétrole et 1,7 milliard d'euros sur le charbon.

Remis en avril 2022, le rapport de l'ACER a appelé à ne pas tenir l'organisation du marché européen de l'électricité pour responsable de la crise actuelle. Depuis lors, les annonces de la Commission ont été fluctuantes, voire contradictoires. Le 18 mai, dans le cadre de sa communication sur la ligne de conduite, elle a estimé efficace l'organisation du marché, mais nécessaires ses adaptations. Pour autant, sa Présidente est allée jusqu'à plaider pour « entreprendre une réforme complète » et « découpler les prix de l'électricité de l'influence du gaz », dans son discours sur l'état de l'Union, du 14 septembre.

Au-delà de ces annonces, la Commission européenne a déjà légiféré à trois reprises. D'une part, un règlement du 6 octobre 2022 a autorisé la prise de mesures nationales en cas de crise, dont le plafonnement des recettes excédentaires des producteurs d'électricité, l'extension aux PME des interventions publiques dans la fixation des prix et le soutien aux clients finals via une contribution de solidarité temporaire. D'autre part, un règlement du 22 décembre 2022 a promu l'accélération des procédures d'autorisation des énergies renouvelables et des pompes à chaleur (PAC). Enfin, un autre règlement du 22 décembre 2022 a prévu la modification, la suspension ou la désactivation du mécanisme de correction de marché.

Le paquet aujourd'hui proposé comporte trois actes juridiques : une proposition de modification de règlement et de directive afin d'améliorer l'organisation du marché de l'électricité de l'Union ; une proposition de modification de règlement afin d'améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie ; une recommandation et un document de travail sur le stockage de l'énergie.

La proposition de modification de règlement et de directive sur l'organisation du marché européen de l'électricité vise à consolider ce marché, à court et à long termes.

En premier lieu, elle entend instituer deux catégories de contrats de long terme pour les investissements dans la production d'électricité de sources d'énergies décarbonées. Les contrats d'écart compensatoire bidirectionnels (ou Contracts for DifferenceCfD) doivent être mis en oeuvre par les États membres, dès lors qu'ils optent pour un régime de soutien direct des prix, afin de promouvoir les investissements dans les nouvelles installations de production d'électricité ainsi que le rééquipement, l'agrandissement et la prolongation de celles existantes. Ces contrats englobent les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique et nucléaire. Lorsque le prix d'exercice est supérieur au prix de marché, leurs recettes excédentaires sont réservées aux consommateurs. Quant aux accords d'achat d'électricité (ou Power Purchase AgreementsPPA), ils peuvent être appuyés par les États membres, par un régime de garantie des prix, pour soutenir l'achat d'électricité renouvelable.

En second lieu, la proposition de modification vise à accroître la flexibilité du marché de l'électricité. Chaque État membre doit définir un objectif national de flexibilité d'origine non fossile, telle que la participation active de la demande ou le stockage de l'énergie, et envisager de les promouvoir. Les gestionnaires nationaux des réseaux de transport sont responsables de la gestion des marchés journaliers et infra-journaliers, tandis que les autorités de régulation nationales peuvent appliquer des mesures complémentaires et doivent établir un rapport d'évaluation. De leur côté, le Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité (REGRT) et l'ACER se voient confier des compétences en matière de plateformes virtuelles ou de flexibilités transfrontalières.

En troisième lieu, la proposition de modification propose de renforcer la protection des consommateurs contre la hausse des prix. Chaque État membre doit veiller à ce que les consommateurs puissent conclure un contrat à prix fixe ou dynamique, en étant pleinement informés de leurs conditions et de leurs effets, bénéficier d'un service universel, c'est-à-dire d'un approvisionnement à prix compétitif sur l'ensemble du territoire, et participer au partage de l'énergie, soit à l'autoconsommation de l'électricité renouvelable sur la base d'accords privés. Les États membres doivent également désigner des fournisseurs de derniers recours et prohiber les interruptions de fourniture. Avec les autorités de régulation nationales, ils peuvent imposer aux fournisseurs une stratégie de couverture face à l'évolution des prix de gros, le cas échéant, par le biais du PPA. Enfin, la Commission européenne peut déclarer, pour un an au maximum, une situation de crise des prix, dès lors que la hausse des prix de gros atteint 2,5 fois le prix moyen et celle des prix de détail 70 %. Cette situation de crise autorise les États membres à effectuer des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix, dans la limite de 70 % de la consommation des PME et de 80 % de celle des ménages.

La proposition de modification de règlement sur la protection contre la manipulation du marché de gros de l'énergie entend modifier les compétences des autorités de régulation, nationales et européennes.

D'une part, elle propose de renforcer les obligations d'information. L'ACER bénéficie de nouvelles compétences en matière de surveillance des échanges commerciaux de produits énergétiques de gros, dont le trading algorithmique, ainsi qu'en matière d'agrément et de surveillance des plateformes d'information privilégiée et des mécanismes de déclaration enregistrés, pour lesquels elle perçoit des redevances. En outre, les autorités de régulation nationales et l'ACER, ainsi que les administrations financières ou fiscales, doivent échanger les informations, au moins une fois par trimestre.

D'autre part, la proposition de modification vise à consolider les modalités de contrôle. L'ACER dispose de nouveaux pouvoirs d'enquête, d'inspection et de sanction, afin de permettre une application effective et uniforme du règlement et de compléter les activités des autorités de régulation nationales. Cette agence peut intervenir lorsque trois États membres sont concernés ou en cas de carence d'une autorité de régulation nationale, dès lors que cette autorité ne s'y est pas opposée et, le cas échéant, que l'autorité judiciaire l'a autorisé. L'ACER et les autorités de régulation nationales doivent se prêter mutuellement assistance. Ces dernières restent compétentes pour surveiller et enquêter sur leurs marchés de gros nationaux. Elles doivent pouvoir adopter des sanctions pécuniaires, allant jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires, pour les personnes morales, et 5 millions d'euros, pour les personnes physiques. Pour autant, ces autorités doivent transmettre à l'ACER toute décision envisagée, accompagnée d'un résumé du dossier, 30 jours avant son adoption.

Enfin, la proposition de modification tend à conforter les modalités de régulation. L'ACER détient un nouveau pouvoir d'émission d'orientations et de recommandations à destination des autorités de régulation nationales et des acteurs de marché, afin de garantir la cohérence du droit de l'Union et des pratiques de surveillance. Ces autorités nationales doivent indiquer les suites envisagées à ces décisions, deux mois après leur émission, l'avis étant motivé et publié, en cas de non-respect. Ces acteurs de marché rendent également compte de ces suites, de manière précise et détaillée, si ces décisions le requièrent.

La recommandation sur le stockage de l'énergie prévoit plusieurs mesures en la faveur de ce dernier.

Les États membres doivent recenser les besoins et les sources de flexibilité et les déficits de financement, en lien avec les autorités de régulation nationales et les gestionnaires nationaux des réseaux de transport et de distribution. Les données ainsi collectées doivent être publiées en temps réel. Ils doivent aussi actualiser leurs plans nationaux en matière d'énergie et de climat (PNEC) et renforcer leurs objectifs, politiques et mesures connexes.

Ces mêmes États doivent veiller à la facilitation des procédures d'autorisation, à l'absence de double imposition, à l'institution de procédures de mise en concurrence ainsi qu'à l'évolution des redevances d'accès et des régimes tarifaires. Les mécanismes de capacité, d'agrégation ou de partage doivent être promus. Il en va de même de la recherche et du développement, notamment par des instruments de réduction des risques. Les îles et les régions isolées ou ultrapériphériques doivent être intégrées.

Parce que la réforme du marché européen de l'électricité présente des limites et des ambiguïtés, elle doit être infléchie, selon six axes : un souci de complétude ; la neutralité technologique ; la faisabilité technique ; la protection des consommateurs ; le respect des compétences des autorités et juridictions nationales ; la promotion du stockage de l'électricité, au-delà de sa production.

C'est tout l'objet de la PPRE que je vous propose.

Premièrement la réforme du marché européen de l'électricité doit poursuivre un souci de complétude. Si elle permet le développement utile d'un marché de long terme, elle n'aura pas d'impact immédiat sur le marché de court terme, dans la mesure où elle ne remet pas en cause le principe du coût marginal, qui lie dans les faits le prix de l'électricité à celui du gaz, et ne peut entrer en vigueur avant fin 2023... Il faut donc aller plus loin et plus vite ! C'est pourquoi la PPRE déplore ce manque. De plus, il importe d'évaluer les effets économiques et sociaux de cette réforme et d'envisager son extension au gaz ou à la chaleur.

Deuxièmement, cette réforme doit respecter le principe de neutralité technologique. Les CfD doivent couvrir toutes les sources d'énergies renouvelables, dont celles hydraulique, marine ou issue de la biomasse. Si l'énergie nucléaire est bien visée, le fonctionnement des installations et l'innovation en leur sein doivent aussi l'être. Quant aux PPA, ils doivent être étendus à l'énergie nucléaire, aux côtés des énergies renouvelables. Ces deux outils doivent inclure l'hydrogène décarboné, quelle que soit son origine. C'est essentiel pour respecter l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui consacre « le droit d'un État membre de déterminer [...] son choix entre différentes sources d'énergie ».

Troisièmement, il faut veiller à la faisabilité technique de cette réforme. Les États membres doivent rester maîtres du champ et des modalités des CfD et des PPA, en veillant au caractère volontaire, des premiers et accessible, des seconds. L'utilisation des CfD doit pouvoir être considérée, dans le cadre de la nouvelle régulation de l'énergie nucléaire. Quant aux PPA, ils ne doivent pas être réservés aux seules industries électro-intensives, exposées à la concurrence internationale. Dans les deux cas, les tarifs d'achat, qui soutiennent la production d'électricité renouvelable, ne sauraient être évincés ; de plus, un système de garantie peut dynamiser ces outils tandis que le reversement de recettes vers l'ensemble des consommateurs peut conforter leur acceptabilité. Enfin, les mécanismes de capacité doivent rester optionnels, et reposer sur une évaluation nationale, tandis que les plateformes virtuelles ou la gestion de l'équilibrage à 30 minutes doivent être évaluées au préalable.

Quatrièmement, cette réforme doit mieux protéger les consommateurs. Les États membres doivent pouvoir déclarer la situation de crise des prix, dont les critères, notamment d'intensité et de durée, nécessitent d'être assouplis. Leurs interventions publiques ciblées doivent être, non seulement facilitées, mais aussi pérennisées. Les clients résidentiels, dont les ménages en situation de précarité énergétique, doivent bénéficier de contrats à prix fixe, plutôt que dynamique. En cas d'impayés de facturation par ces ménages, les diminutions de puissance doivent être préférées aux interruptions de fourniture. Pour lutter contre la précarité énergétique, les États membres doivent voir leurs compétences maintenues, tandis que les fournisseurs de secours et les collectivités doivent bénéficier de ressources suffisantes. Il est essentiel de protéger les collectivités, aux côtés des ménages, et les PME, aux côtés des TPE. Enfin, davantage de régulation peut être promue, s'agissant des obligations de couverture, des droits aux interconnexions, des délais de raccordement et des opérations de courtage.

Cinquièmement, cette réforme doit respecter les compétences des autorités de régulation et des juridictions nationales. Les principes de subsidiarité, d'indépendance et d'impartialité doivent être appliqués. Il n'est donc pas admissible que l'ACER soit informée en amont des décisions des autorités de régulation nationales, exerce un pouvoir d'enquête et de sanction sans l'accord de ces autorités, et bénéficie d'un pouvoir d'orientation et de recommandation obligeant ces dernières à se justifier. C'est pourquoi la PPRE conteste le transfert des compétences de ces autorités nationales vers l'ACER. Il faut préserver leurs pouvoirs de régulation et moyens d'action.

Enfin, cette réforme doit davantage promouvoir le stockage de l'électricité, au-delà de sa production. Il est nécessaire d'appliquer à ces projets de stockage le principe de neutralité technologique, pour prendre en compte toutes les sources d'énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaires, et toutes les formes de stockage, des batteries à l'hydrogène. Il est aussi utile d'intégrer ces projets aux nouveaux outils de financement, comme les CfD ou les PPA, comme à ceux existants, tels que les aides fiscales, budgétaires ou tarifaires. Le niveau d'émission de ces projets doit être préféré aux autres critères environnementaux, pour leur sélection. Naturellement, il faut accorder une attention à toute leur chaîne de valeur, de l'approvisionnement en métaux au recyclage des déchets. S'agissant de la mise en oeuvre des projets, les propriétaires publics des réseaux et des logements doivent être associés. Enfin, il faut ici encore envisager d'entendre la réforme au gaz et à la chaleur.

Ainsi complétée, la réforme du marché européen de l'électricité est indispensable pour protéger les consommateurs contre la volatilité des prix des énergies, renforcer la compétitivité des entreprises européennes face à la concurrence internationale et financer les investissements dans la transition énergétique, en mobilisant l'ensemble des sources d'énergies décarbonées.

Elle peut et doit puissamment contribuer à appliquer des objectifs énergétiques et climatiques de l'Union, dont la réduction de 55 % de ses émissions d'ici 2030 et l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050, ainsi que sa stratégie industrielle.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter cette PPRE, qui doit guider l'action du Gouvernement dans ses négociations en cours et à venir au Conseil.

Au-delà de cet examen, nous serons particulièrement attentifs aux évolutions de ces négociations et aux suites qui leur seront données. Une partie de l'oeuvre de transposition a déjà été engagée, puisque, sous l'égide de notre rapporteur Patrick Chauvet, l'article 86 de la loi du 20 mars 2023  relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a institué des contrats de vente directe d'électricité et de gaz, aux articles L. 331-1 et L. 443-1 du code de l'énergie, et chargé la CRE de leur régulation, à l'article L. 131-2 du même code.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous accueillons notre collègue Claude Kern, co-auteur de la PPRE et rapporteur pour la commission des affaires européennes.

M. Claude Kern, rapporteur. - Notre collègue Daniel Gremillet a déjà tout dit, et je m'associe entièrement à sa présentation. Les auditions ont été nombreuses, dans un temps particulièrement contraint. Je souhaite saluer la grande expérience de notre collègue sur cette question. Cette réforme ne constitue pas la panacée mais représente tout de même une avancée non négligeable. Dans le cadre de cette négociation, tous les arguments présentés et défendus par la France n'ont malheureusement pas été retenus. Néanmoins, cette réforme a fait naître un certain consensus entre les États membres, ce qui n'est jamais simple au niveau européen, comme vous pouvez le constater au travers de cette PPRE que nous vous présentons. Je vous invite donc à voter ce texte.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je cède la parole à notre collègue Fabien Gay, puis à notre collègue Marie-Noëlle Lienemann.

M. Fabien Gay. - Je souhaite à mon tour remercier nos collègues Daniel Gremillet et Claude Kern de leur travail. Je voterai néanmoins contre cette PPRE. Il s'agit d'une position politique. Nous avons deux visions différentes du sujet. Nous avons déposé il y a six mois une PPRE qui allait à l'encontre de celle présentée ce jour. Or cette PPRE n'a pas été retenue.

Certains éléments sont intéressants, mais l'approche politique ne me plaît pas. Le considérant 37 de la PPRE aujourd'hui proposée fonde en réalité mon complet désaccord car il « accueille favorablement la proposition de la Commission européenne de réformer l'organisation du marché de l'électricité de l'Union [...] sans remettre en cause le fonctionnement de ce marché et ses fondamentaux ». À partir de là, nous avons un débat. Je considère que l'électricité et l'énergie doivent être reconnues comme un bien commun et doivent être sorties du marché. Or la PPRE s'inscrit pleinement dans le marché. Nous avons donc un sérieux désaccord.

L'organisation du marché européen ne constitue pas un élément fondamental qui ne devrait jamais être remis en cause. L'organisation de ce marché est d'ailleurs relativement jeune, d'une trentaine d'années. Nous avons fonctionné bien avant cette organisation et avons échangé de l'énergie entre pays. Nous ne devons pas laisser penser qu'il n'existe qu'une seule manière de fonctionner et que nous devons à tout prix la défendre. Ce système a des défauts et je le combats. Nous ne devons pas laisser croire que l'absence de ce système engendrerait le chaos.

Je suis d'accord avec les considérants 47 à 51 sur les interconnexions. Il n'y pas de problème sur ce sujet. Sortir du marché européen ne se traduirait pas par un repli sur soi et une volonté de ne plus échanger de l'énergie avec ses voisins. Les premières interconnexions datent de 1967, bien avant ce marché, dont la création remonte à 1997. Les choses ont donc fonctionné pendant 30 ans, sans ce marché.

Le Gouvernement tente de nous faire croire que sortir du marché européen signifierait nécessairement un repli sur soi et une fermeture des interconnexions, engendrant un potentiel effondrement du système. Nous devons donc rappeler qu'avant le marché européen, les interconnexions ont fonctionné. Un autre système est donc possible.

Ce marché pose un problème important. Lorsque nous avons un marché, nous avons aussi des traders. L'année dernière, des dizaines de millions d'euros ont été récupérés par ces traders, spoliant ainsi les consommateurs finaux. Or il n'y a qu'en France que cette situation ne fait pas scandale. Je vous invite à regarder la presse, notamment danoise et anglaise, à ce sujet. En France, personne ne dit rien, car ces acteurs sont cachés à Londres ou en Suisse. D'ailleurs, ces traders gagnent bien plus que le président-directeur général (P-DG) d'EDF. C'est une question sérieuse.

Cette réforme du marché ne va pas dans le bon sens. La France n'a pas été entendue. Cette réforme pénalise notre compétitivité, au détriment de l'industrie allemande. Je ne vois pas pourquoi nous respecterions les règles, tandis que les autres pays bénéficieraient de dérogations, à l'image de l'Allemagne, du Portugal ou encore de l'Espagne.

Un dernier point concerne le coût marginal. Ce système n'a pas été créé par le marché européen, mais par Marcel Boiteux, ancien P-DG d'EDF. Ce mécanisme pouvait s'entendre sur un territoire national, lorsque nous disposions de l'outil industriel, et que nous décidions d'enclencher en priorité le moins cher. Or, en passant au niveau européen, ce mécanisme engendre des situations ahurissantes. L'acteur qui est au gaz n'a aucun intérêt à changer, car il sera toujours gagnant quoiqu'il arrive. Nous avons un outil nucléaire sur lequel nous pourrions protéger nos consommateurs. Or nous ne pouvons pas faire valoir cet intérêt si nous restons dans ce système.

Enfin, concernant les considérants 87 à 90 sur les protections, ils sont trop légers. Je ne suis pas particulièrement attaché au TRVE. Or nous devrons, à un moment donné, protéger les plus faibles et les plus précaires, c'est-à-dire celles et ceux qui ne peuvent pas subir la fluctuation du marché. Nous devons donc protéger les clients résidentiels, les TPE-PME et les petites collectivités. En revanche, je pense que les entreprises, et notamment celles électro-intensives, ont besoin d'une vision à long terme. Je ne suis pas particulièrement attaché aux PPA, mais la question des contrats de long terme doit être posée. Je suis prêt à travailler sur cette question, afin de protéger les plus faibles et de proposer des contrats de long terme pour les acteurs ayant besoin d'une vision pour la compétitivité. Au final, je suis donc en désaccord avec ce texte.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - À chaque fois que nous avons des décisions à prendre sur l'énergie, il nous est rappelé que nous ne pouvons pas faire autrement, que nous évitons ainsi le pire et que nous avons trouvé un bon compromis. Ces propos ont déjà été tenus par les forces politiques françaises qui ont voté le marché européen de l'énergie et l'Arenh. Il n'est visiblement jamais possible de faire autrement. Or ces prises de position se terminent en débâcle et en drame. L'énergie en France ne peut plus être payée au prix coûtant de ce que nous produisons. Nous sommes ainsi en train d'assassiner notre économie.

Jusqu'à présent, le prix de l'énergie constituait l'un des éléments déterminants de la compétitivité nationale. Nos amis allemands avaient bien compris cette problématique et ont bien agi pour que ces critères déterminants de notre compétitivité disparaissent. Nous ne pouvons plus que baisser les salaires, les impôts et les cotisations. Il s'agit du seul paramètre qu'il nous reste, sauf à penser que nous serions toujours meilleurs technologiquement. Le PIB par habitant est en chute libre depuis cette période. Or nous sommes en train de continuer sur la même voie.

Nous devons, dans cette période cruciale, avec un éventuel élargissement de l'UE, mettre au moins un premier veto pour modifier radicalement les termes de la négociation. Dans le cas contraire, nous le paierons cher. La France est éternelle, mais peut aussi être éternellement en baisse et en chute libre. Il est fondamental de réagir. Ne pensez pas que vous allez parvenir à limiter la casse. Vous ne limiterez rien du tout.

L'idée n'est pas d'être contre un marché de l'énergie. Au niveau international, un marché interétatique n'est pas dramatique, notamment pour fixer les prix. Au sein de l'Union, un marché entre États membres pourrait être organisé comme jadis, avec des échanges et des contraintes. Le prix de l'énergie ne doit pas être significativement plus bas que le prix coûtant moyen des pays. L'organisation des échanges de marché entre pays est évidemment souhaitable au sein de l'Union. Néanmoins, il est nécessaire de laisser à chaque État membre des marges de manoeuvre réelles, afin que ces derniers puissent facturer l'énergie au prix coûtant, choisir leur mix énergétique, à condition qu'il soit décarboné, et éventuellement mettre en place des tarifs réglementés.

Enfin, il est nécessaire de se méfier de la complexité. Les meilleurs experts, ingénieurs en économie de l'énergie en France, nous disent que 80 % des textes sont flous. Nous devons faire face à un grand nombre d'éléments techniques incompréhensibles, ce qui est extrêmement dangereux, car nous ne maîtriserons plus rien. Notre pays doit être capable de formuler des contre-propositions à l'Union européenne, notamment sur des contrats de long terme. Les partenariats et le long terme ne sont pas réellement garantis aux entreprises. En les sortant du périmètre global de la péréquation nationale du service public national, nous vulnérabilisons ces acteurs de l'économie.

En comparant la situation actuelle à celle d'il y a 20 ou 30 ans, je préfère vous mettre en garde. Nous devons demander au Gouvernement de mettre le veto de la France, afin de repenser stratégiquement le marché, en redonnant aux États membres une capacité d'intervention sur leur sol, dans le cadre d'une coopération européenne.

M. Daniel Salmon. - Merci aux rapporteurs de leur travail. Mon groupe partage un certain nombre de constats et de préconisations. Nous voyons bien que ce marché présente des biais. Je ne suis pas un fervent défenseur du marché pour le marché, mais celui-ci doit être mieux encadré et régulé, afin de protéger les consommateurs contre la volatilité des prix.

Je pense que cette volonté d'aller davantage sur le marché des engagements de long terme constitue un élément positif. Nous pouvons critiquer le marché. Or, la situation actuelle est liée à la gestion chaotique, voire catastrophique, d'EDF, avec un endettement considérable.

Nous devons nous diriger vers une protection des consommateurs les plus précaires. Nous devons également nous engager sur la flexibilité, évoquée dans ce rapport. Il s'agit de l'un des éléments essentiels, avec les incitations et tarifications, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. De plus, cette flexibilité est nécessaire, alors que nous incorporons de plus en plus d'énergies renouvelables.

La question du stockage est aussi fondamentale. Le stockage de la chaleur se développe actuellement, avec des systèmes relativement simples, mais particulièrement performants et potentiellement moins coûteux. Ce sont donc les constats que je partage.

En revanche, je ne partage pas de nombreux éléments. L'énergie nucléaire et les énergies renouvelables ne peuvent pas être mises sur le même plan. Ces énergies ne sont pas comparables et ne présentent pas les mêmes bénéfices écologiques, même si elles sont décarbonées. La question de l'eau doit se poser pour l'énergie nucléaire, ainsi que les questions des déchets et de la sûreté. Nous ne pouvons pas nier ces questions qui nous poseront énormément de difficultés dans les années à venir.

Nous ne devons pas non plus oublier que l'industrie de la France s'effondrait en même temps que le pays se nucléarisait. Dire que l'énergie nucléaire sauvera notre industrie est un raccourci face à une situation particulièrement complexe. Même si je partage un certain nombre de préconisations, je voterai contre cette PPRE qui favorise un peu trop l'énergie nucléaire, ce qui va à l'encontre de la souveraineté française.

M. Franck Montaugé. - Je remercie les rapporteurs de ce travail utile, nécessaire et intéressant. Je ne répéterai pas ce qui vient d'être dit par nos collègues. Dans mon groupe, nous sommes circonspects par la réforme qui s'annonce en matière de marché européen de l'électricité. Nous ne partageons pas le constat de base, notamment sur la question des éléments ayant déclenché la hausse des prix. Cette augmentation n'est pas liée au conflit entre la Russie et l'Ukraine. Son origine est bien antérieure. Les propositions qui apparaissent aujourd'hui au niveau européen ne sont pas de nature à répondre structurellement à ces phénomènes de volatilité. Nous avons fait l'effort de proposer des amendements pour enrichir la PPRE et nous nous positionnerons en conséquence sur le texte d'ensemble.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Nous avons effectivement l'occasion aujourd'hui de parler de notre passé et de notre futur. Les politiques des présidents de Gaulle et Pompidou sur le nucléaire et l'hydroélectricité ont fonctionné. La France était exportatrice. L'interconnexion s'est mise en place, car nous disposions d'un système électricité - nucléaire et hydraulique -, largement producteur. Nous étions les seuls, et ce système était la force de la France pendant de nombreuses années. Cela nous a d'ailleurs permis de renforcer notre balance commerciale et de faire fonctionner le système économique et social.

Nous sommes aujourd'hui dans une situation très différente. Aucune audition n'a permis de mettre en lumière un point d'alerte différent des recommandations que nous formulons. Le système français est actuellement en difficulté, car nous n'avons pas eu le courage de réaliser des investissements de renouvellement et de capacité, sur les énergies renouvelables, dont l'hydroélectricité, et l'énergie nucléaire.

Nous sommes en situation de fragilité. Nous avons affaibli la production énergétique de notre pays, mais nous n'avons pas eu le courage de relancer des investissements. Le dossier énergétique a été l'une des pierres angulaires qui a permis au système économique et social à la française de résister à la compétitivité de nos amis allemands. Ce fut l'un des éléments moteurs de notre économie et pour nos ménages.

Je souhaite remercier notre commission et celle des affaires européennes, car nous nous sommes opposés à la situation trop favorable des Allemands sur la taxonomie. Pendant que nous débattons, les Allemands continuent de construire des centrales au gaz et combattent aujourd'hui une idée-force à la française concernant les investissements sur l'énergie nucléaire. Nous avons besoin d'affirmer une situation volontariste.

Concernant les contrats de long terme, nous avons des entreprises en France, notamment le groupe EDF, qui s'engagent sur des contrats à 20 ans. Ce n'est que de cette manière que nous sortirons la France du mur d'investissement. Ce mécanisme permet aux industriels d'avoir des garanties. Nous proposons que ces contrats de long terme soient également accessibles aux collectivités ou aux particuliers. De cette manière, nous serons capables d'avoir des investissements importants et de préserver l'article 194 du TFUE.

Par ailleurs, nous avions déjà alerté sur la situation énergétique dès le deuxième semestre 2021, avant le lancement de la guerre russe en Ukraine. En outre, nous déplorons l'absence de découplage entre le prix de l'électricité et celui du gaz.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous allons passer à l'examen des amendements proposés par notre collègue Franck Montaugé et son groupe. Nous commençons par l'amendement COM-2 rectifié, à l'alinéa 27.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaiterions que soit clairement acté dans la PPRE que la crise des prix de l'énergie électrique n'est pas liée à la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Nous souhaiterions ajouter que cette crise « a révélé des vulnérabilités de l'Union européenne en matière d'approvisionnement énergétique et le manque d'autonomie stratégique européenne dans le secteur énergétique ».

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Nous considérons que cet amendement est largement satisfait. Il fait donc l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable, car cela est déjà bien intégré à la PPRE.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-2 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-3 rectifié, à l'alinéa 28.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaitons rappeler que la crise a révélé de véritables dysfonctionnements du marché européen de l'électricité, et non de simples faiblesses.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cet amendement fait également l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable. Aujourd'hui, avec l'article 194 du TFUE, chaque État membre est libre de définir son mix énergétique. De plus, accepter votre proposition reviendrait à considérer que nous avons eu un black-out. Or le système électrique européen, avec certes un recours au gaz et au charbon, et les interconnexions ont permis d'éviter ce black-out.

M. Fabien Gay. - Nous avons un vrai point de désaccord, car le système électrique européen est indépendant du marché européen. Je suis en faveur du maintien des interconnexions et d'une bourse d'échanges avec laquelle nous puissions continuer à commercer. Je n'ai pas de problème non plus avec le système électrique. En revanche, l'organisation, correspondant au marché européen, a effectivement rencontré des dysfonctionnements.

Le mix énergétique est décidé par chaque État membre, mais l'organisation est placée au niveau européen, ce qui empêche le fonctionnement du coût marginal. En outre, il est scandaleux que des traders engendrent des dizaines de millions d'euros en pleine crise énergétique qui impacte directement les ménages. Cette situation crée des scandales dans tous les pays, sauf le nôtre. Il serait d'ailleurs intéressant d'auditionner les P-DG des énergéticiens pour savoir où se situent leurs bases trading et le montant de leurs bénéfices. Je voterai donc en faveur de cet amendement.

M. Franck Montaugé. - Une question de fond subsiste : sur quel moyen de production spécifique est-il possible de faire émerger la notion de coût marginal, si nous ne construisons pas les tarifs sur les coûts moyens de production du parc national, dans sa diversité ? Personne n'aborde cette question, pourtant fondamentale.

Mme Sophie Primas, présidente. - Ce sujet ne concerne pas réellement cet amendement. Je mets aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-3 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous étudions désormais l'amendement COM-1 rectifié, après les alinéas 32 et 47.

M. Franck Montaugé. -Les deux ajouts d'alinéas sont relatifs à la sortie du marché, lorsque les augmentations de prix sont trop importantes. Cela permettrait de suspendre les calculs de prix générés par les dysfonctionnements du marché.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Le point sur le découplage du prix de l'électricité et du gaz figure déjà dans la PPRE. Par ailleurs, autoriser les États membres à sortir du marché européen de l'énergie nuirait à la sécurité d'approvisionnement électrique collective. Nous devons accepter que cette addition des États membres au sein de l'Union européenne a permis d'éviter le black-out. Nous concluons à une demande de retrait, sinon à un avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je vous rappelle que les Anglais ne sont plus dans l'Union européenne et ont tout de même bénéficié d'électricité.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-4 rectifié, à l'alinéa 37.

M. Franck Montaugé. - Il s'agit d'un amendement d'appel à une réforme de grande ampleur qui viserait à découpler les prix de l'électricité des énergies fossiles, à supprimer l'Arenh ou encore à rétablir les tarifs réglementés. Ces évolutions seraient évidemment réalisées au bénéfice des consommateurs, et non dans le but de faire vivre artificiellement la concurrence. Cet amendement renvoie également à notre demande d'un rapport d'évaluation de l'efficacité du fonctionnement du marché européen de l'électricité.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cette proposition d'amendement est redondante avec la PPRE, qui « déplore que les dispositions prévues ne permettent pas de prévenir tout risque de répercussion à court terme d'une nouvelle hausse des prix ». Par ailleurs, l'amendement est ambigu, car il appelle à une réforme du marché de l'énergie, là où la Commission européenne et la PPRE visent une réforme du marché de l'électricité. Nous pouvons discuter d'un sujet énergétique, mais il ne s'agit pas de l'objet du texte. L'amendement fait donc l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable.

M. Franck Montaugé. - Les sujets de l'énergie et de l'électricité sont tout de même liés. En outre, le texte de la PPRE nous dérange, car il ne remet pas en cause le fonctionnement de ce marché et ses fondamentaux. Nous avons un problème structurel. Or vous proposez des ajustements à la marge.

M. Fabien Gay. - La question de l'Arenh n'est pas directement liée à la PPRE, mais le sujet existe néanmoins. Nous voterons en faveur de cet amendement, en attendant les futurs débats sur ce sujet de l'Arenh.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement COM-4 rectifié, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-4 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-5 rectifié, à l'alinéa 40.

M. Franck Montaugé. - Cet amendement concerne l'alinéa 40. Il s'agit d'une proposition de complément. Il est question, dans la PPRE, de protection contre la volatilité des prix des énergies. Nous partageons cet aspect. Nous devrions néanmoins nous fixer l'objectif de prix stables et abordables de l'électricité.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Toutes les personnes que nous avons auditionnées ont indiqué l'urgence de réaliser cette réforme avant les élections européennes, car nous avons le sujet franco-français de l'Arenh. Nous aurons donc ce débat prochainement. Concernant cet amendement, je propose un avis de sagesse. La PPRE dispose déjà que cette réforme doit « garantir aux consommateurs une protection contre la volatilité des prix des énergies » mais nous pouvons réitérer le propos.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets cet amendement aux voix, assorti d'un avis de sagesse du rapporteur.

L'amendement COM-5 rectifié est adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-6 rectifié, à l'alinéa 43.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaitons que les prix de l'électricité reflètent les coûts du mix électrique national et ne soient donc plus couplés à ceux des énergies fossiles. Cette question se pose dans l'intérêt européen, et surtout dans l'intérêt national, dans l'intérêt de notre souveraineté. Tout ce qui a été construit pendant des décennies dans ce pays doit continuer à être valorisé. Les prix de l'électricité doivent tenir compte des coûts réels du mix de production énergétique national.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cette proposition est redondante, car la PPRE prévoit déjà que ces factures soient « moins dépendantes des prix de court terme ». En outre, il est logique et sain que les factures d'électricité intègrent une partie des prix de marché à court terme. Dans le cas contraire, elles ne rendraient plus compte des coûts de production des fournisseurs d'électricité, dont ceux de notre groupe public EDF. De plus, elles ne prendraient plus en compte des éventuelles baisses de prix. L'amendement fait donc l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable.

M. Franck Montaugé. - La PPRE ne dit pas ce que nous proposons.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix l'amendement COM-6 rectifié, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-6 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous passons à l'amendement COM-7 rectifié, après l'alinéa 44.

M. Franck Montaugé. - Nous demandons un bilan sur la libéralisation et l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie, par rapport au fonctionnement du marché et aux intérêts de long terme des consommateurs, avec évidemment l'impact sur la volatilité des prix.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cet amendement est satisfait, car une demande de rapport a déjà été effectuée par la Commission européenne à l'ACER. Ce rapport a été rendu public en avril 2022. Cet amendement fait donc l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-7 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-8 rectifié, à l'alinéa 47.

M. Franck Montaugé. - Les prix de l'électricité en France ne reflètent pas les coûts de production. Ils sont indexés sur les prix des énergies fossiles, par rapport au coût marginal. Il s'agit donc d'une nuance de rédaction.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Il s'agit d'un avis de sagesse car l'amendement est de nature rédactionnelle. En revanche, nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que la sécurité d'approvisionnement électrique n'est pas assurée en Europe. Dans le cas contraire, nous aurions subi un black-out. Le système, même imparfait, a permis d'éviter cette situation.

L'amendement COM-8 rectifié est adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-9, à l'alinéa 70.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaitons exclure les ménages et les TPE des contrats visés.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Nous souhaitons maintenir les ménages et les TPE dans les contrats visés. Il ne s'agit pas des contrats à tarification dynamique, mais des contrats d'achat d'électricité de long terme.

M. Franck Montaugé. - Je retire cet amendement.

L'amendement COM-9 rectifié est retiré.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous passons à l'amendement COM-10 rectifié, à l'alinéa 89.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaitons que la Commission européenne s'engage pour une harmonisation vers le haut des définitions des dispositifs de protection des ménages en situation de précarité énergétique. L'Europe, en se dirigeant vers un dispositif quelque peu comparable à ceux présents en France, accomplirait un progrès social.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Grâce au travail de notre commission, nous avons été les précurseurs sur le problème de la précarité énergétique. Dans la PPRE, nous souhaitons que chaque État membre garde cette capacité de protection de leurs concitoyens, notamment pour les plus fragiles, à l'instar de ce que nous avons fait en France. Cet amendement fait donc l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable.

M. Franck Montaugé. - Nous pensons qu'une harmonisation par le haut, au niveau européen, serait de nature à améliorer la condition des ménages en situation de précarité énergétique.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Dans la PPRE, nous sommes attachés à la compétence de chaque État membre. Cet amendement aurait pour conséquence de retirer à l'État membre ses possibilités, avec une harmonisation européenne.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-10 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-11 rectifié, à l'alinéa 92.

M. Franck Montaugé. - Nous émettons des réserves sur les contrats à tarification dynamique, en situation de forte hausse des prix. Nous voudrions que ces contrats soient assortis de précautions ou d'explications relatives aux risques.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - L'amendement est complètement satisfait. Depuis l'ordonnance du 3 mars 2021, telle qu'elle résulte de la loi Énergie- Climat de 2019, l'article L. 332-7 du code de l'énergie dispose que le fournisseur « informe le client sur les opportunités, les coûts et les risques liés à une offre à tarification dynamique ». Je salue d'ailleurs le travail conduit à cette occasion par notre commission, bien souvent contre l'avis du Gouvernement.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'article L. 332-7 du code de l'énergie précise que le fournisseur « met à la disposition du client un dispositif d'alerte en cas de variation significative du prix du marché ».

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cet amendement fait donc l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous mettons aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous passons à l'amendement COM-12 rectifié, à alinéa 93.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaitons que les États membres aient la possibilité d'interdire les interruptions de fourniture et puissent avoir recours aux diminutions de puissance.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cet amendement fait l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable, car nous sommes allés plus loin en France. Depuis la loi le 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, il n'est plus possible de couper l'électricité en l'absence d'une diminution de puissance préalable d'au moins un mois. Nous avons fait le choix en France de pouvoir diminuer la puissance, sans couper l'électricité.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement COM-12 rectifié, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-12 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-13 rectifié, à l'alinéa 97.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaitons un retour aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TRVG), déconnectés des prix des marchés de gros, pour une meilleure protection des consommateurs.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - La PPRE « invite à envisager une extension des mesures de protection des consommateurs aux contrats de fourniture de gaz ». De plus, le paquet proposé par la Commission européenne ne concerne pas les dispositions relatives à la tarification du marché de détail du gaz. Enfin, le Conseil d'État a estimé que les TRVG n'étaient pas conformes au cadre constitutionnel et conventionnel, raison pour laquelle ils ont été supprimés par la loi Énergie-Climat de 2019, et remplacés par un prix de référence par la loi de finances initiale pour 2023. L'amendement fait donc l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable.

M. Fabien Gay. - Cet amendement devrait faire l'objet d'une initiative politique. Les mesures qui consistent à mettre fin aux tarifs et au bouclier pour le gaz dès le 1er juillet prochain se fondent sur une mauvaise analyse. En effet, le prix du gaz n'est pas retombé et s'affiche toujours 50 % au-dessus de ses niveaux d'avant crise. En outre, cette progression risque de continuer, avec le rebond de l'industrie chinoise. Nous serons donc en concurrence avec les Chinois sur la livraison du gaz naturel liquéfié (GNL) américain et du gaz qatari. Les prix repartiront à la hausse à partir du mois de septembre. 2,6 millions de ménages risquent d'être impactés.

Tout le monde s'affranchit des règles européennes, sauf nous. En continuant à dire que nous ne pouvons rien faire sur un certain nombre de questions, et que tout est contrôlé par la Commission européenne, nous donnons à chaque fois des points supplémentaires à l'extrême droite. Les règles européennes qui ne sont pas bonnes doivent être changées.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Il s'agit d'un vrai sujet qui n'est pas lié à la PPRE. Le sujet du gaz, qui englobe les tarifs mais aussi les chaudières, mériterait d'être traité à part entière. Un point sur ce dossier pourrait être réalisé ultérieurement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Nous votons aujourd'hui un texte qui est tout de même en interaction avec les prix du gaz. Or nous ne sommes pas capables d'avoir un amendement qui alerte sur ce sujet. La plupart des Français se moquent de la façon dont nous traitons techniquement ce sujet. Un engagement politique doit intervenir, au risque de passer à côté des enjeux. La France doit pouvoir engager un rapport de force sur cette question.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Ce sujet risque de passer totalement inaperçu s'il est intégré à la PPRE. Or il mérite mieux. En outre, la fourniture du gaz vert sur le territoire est en panne. Un vrai sujet gaz existe et je vous propose de faire un point sur cette question ultérieurement.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix l'amendement COM-13 rectifié, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-13 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'amendement suivant est le COM-14 rectifié, à l'alinéa 99.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaiterions rappeler la nécessité de maintenir les TRVE pour les ménages et les TPE, avec une extension aux collectivités locales.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cette proposition est déjà complètement satisfaite. La PPRE « estime nécessaire de promouvoir les contrats les plus protecteurs des consommateurs, que ce soit à prix fixe ou pluriannuel, dont les tarifs réglementés de vente d'électricité » et « préconise de pérenniser et d'assouplir les interventions publiques ciblées dans la fixation des prix, au-delà des crises, pour les ménages, les PME-TPE, les collectivités territoriales et les associations ».

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-14 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous passons à l'amendement COM-15 rectifié bis, après l'alinéa 103.

M. Franck Montaugé. - Nous souhaitons que les revenus de la production d'énergies renouvelables et fossiles infra-marginales soient plafonnés, en cas de crise des prix de l'énergie. Cet élément pourrait être indiqué dans la PPRE.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cet amendement fait l'objet d'une demande de retrait, sinon d'un avis défavorable. Sur la forme, cette proposition ne relève pas du paquet proposé par la Commission européenne, mais du règlement du 6 octobre 2022, sur les interventions d'urgence. De plus, sur le fond, ce règlement prévoit déjà la possibilité d'une contribution de solidarité temporaire sur les bénéfices des entreprises. En outre, la CRE préconise une obligation de couverture des fournisseurs, plutôt que la taxation des recettes des producteurs. Nous avons aussi été à l'origine de l'obligation pour les fournisseurs de se couvrir. Je vous rappelle que nous avons été en situation de rupture pour certains fournisseurs, mettant des entreprises et des ménages en situation de grande précarité.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix cet amendement, avec un avis défavorable du rapporteur.

L'amendement COM-15 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je mets aux voix l'ensemble de la PPRE.

La PPRE est adoptée.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article unique

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

M. MONTAUGÉ

2 rect.

Précision sur les vulnérabilités de l'Union européenne en matière d'approvisionnement
et d'autonomie énergétiques

Rejeté

M. MONTAUGÉ

3 rect.

Précision sur les dysfonctionnements et défaillances du marché européen de l'électricité

Rejeté

M. MONTAUGÉ

1 rect.

Ajout de la possibilité de l'absence de participation au marché européen de l'énergie

Rejeté

M. MONTAUGÉ

4 rect.

Ajout d'un regret sur l'absence d'une réforme en profondeur du marché européen de l'électricité

Rejeté

M. MONTAUGÉ

5 rect.

Précision sur les prix stables et abordables
de l'électricité

Adopté

M. MONTAUGÉ

6 rect.

Demande d'une indépendance des factures d'électricité des prix de marché de court terme

Rejeté

M. MONTAUGÉ

7 rect.

Ajout sur la nécessité d'un bilan de la libéralisation et de l'ouverture à la concurrence du secteur
de l'énergie

Rejeté

M. MONTAUGÉ

8 rect.

Mise au conditionnel d'une considération relative
à la sécurité d'approvisionnement électrique

Adopté

M. MONTAUGÉ

9 rect.

Précision sur une restriction de l'accès des ménages et des très petites entreprises (TPE) aux contrats d'achat d'électricité de long terme

Retiré

M. MONTAUGÉ

10 rect.

Ajout sur la nécessité d'une harmonisation des dispositions en matière de précarité énergétique

Rejeté

M. MONTAUGÉ

11 rect.

Précision sur l'opposition aux contrats à tarification dynamique et le besoin d'information sur de tels contrats

Rejeté

M. MONTAUGÉ

12 rect.

Précision sur l'interdiction des interruptions
de fourniture et le recours aux diminutions de puissance

Rejeté

M. MONTAUGÉ

13 rect.

Ajout d'une disposition sur le retour des tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TRVG)

Rejeté

M. MONTAUGÉ

14 rect.

Ajout d'une précision sur la nécessité de maintenir les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) pour les ménages, les TPE et les collectivités territoriales

Rejeté

M. MONTAUGÉ

15 rect. bis

Ajout d'une précision sur l'application d'un plafond de revenus à la production d'énergie renouvelable et d'énergie fossile

Rejeté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES16(*)

Jeudi 1er décembre 2022

- Association européenne des énergéticiens (Eurolectric) : M. Kristian RUBY, secrétaire général ;

- Association internationale pour l'économie de l'énergie (AIEE) : M. Jean-Michel GLACHANT, président ;

- Commission européenne : Mme Catharina SIKOW-MAGNY, directrice Transition verte et intégration du système énergétique à la Direction générale de l'énergie (DGE) ;

- Commission de régulation de l'énergie (CRE) : M. Laurent MÉNARD, directeur des affaires économiques et financières ;

- Union européenne de l'industrie du gaz naturel (Eurogas) : M. Didier HOLLEAUX, président ;

- Université de Montpellier : M. Jacques PERCEBOIS, professeur émérite et directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (Creden) ;

Mardi 28 mars 2023

- Commission de régulation de l'énergie (CRE) : Mme Emmanuelle Wargon, présidente et M. Aodren Munoz, chargé de mission à la direction de la communication et des relations institutionnelles.

Mardi 4 avril 2023

- EDF : M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques et M. Florent Jourde, conseiller marchés de l'énergie à la direction des affaires européennes.

Mardi 11 avril 2023

- Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne : Mme Léa Boudinet, conseillère énergie ;

- Engie : M. Guillaume Gillet, vice-président affaires publiques et M. Julien Miro, directeur des relations parlementaires.

Mardi 23 mai 2023

- Ministère de la transition énergétique (MTE) : Mme Sophie Mourlon, directrice de l'énergie et M. Timothée Furois, sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales ;

- Commission européenne : Mme Mathilde Lallemand Dupuy, chargée de mission pour le marché intérieur de l'énergie à la direction générale de l'énergie (DGE) ;

- Université Paris Dauphine-Paris Sciences & Lettres (PSL) : M. Frédéric Gonand, professeur d'économie à l'Université Paris Dauphine-Paris Sciences & Lettres.

LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la résolution en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr22-669.html

ANNEXE - PRÉSENTATION INDICATIVE
DES ACTES JURIDIQUES DU PAQUET
PORTANT RÉFORME DU MARCHÉ EUROPÉEN
DE L'ÉLECTRICITÉ

1 - Proposition de modification des règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que des directives (UE) 2018/2001 et 2019/944 afin d'améliorer l'organisation du marché de l'électricité dans l'Union

Article 1er

Les gestionnaires de réseau de transport organisent la gestion des marchés journaliers et infra-journaliers et coopèrent au niveau de l'Union européenne. Ils peuvent acquérir des produits d'écrêtement des pointes afin de pouvoir réduire la demande d'électricité pendant les heures de pointe, après approbation de la proposition de dimensionnement du produit et des conditions de son utilisation par l'autorité de régulation, qui doivent respecter certaines exigences. Ils sont autorisés à utiliser les données provenant de compteurs dédiés pour assurer l'observabilité et le règlement des services de participation active de la demande et de flexibilité.

Le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité (REGRT) doit soumettre à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) une proposition en vue de la création de plateformes virtuelles régionales pour le marché à terme, au plus tard le 1er décembre 2024.

Une plateforme d'allocation unique doit permettre l'échange de droits financiers de transport à long terme entre les différentes zones de dépôt des offres et les plateformes virtuelles régionales.

L'autorité de régulation nationale peut, après consultation de l'autorité compétente des marchés financiers, exiger des bourses d'électricité ou des gestionnaires des réseaux de transport la mise en oeuvre de mesures complémentaires, telles que les activités de marché, les opérateurs du marché restant libres de concevoir des produits de couverture à terme.

Les méthodes de tarification doivent refléter les coûts fixes des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité, prendre en compte les dépenses opérationnelles et en capital et prévoir des mesures pour inciter ces gestionnaires à l'exploitation et au développement les plus rentables de ces réseaux.

Les gestionnaires de réseau de transport doivent garantir aux exploitants des centrales de production situées en mer un accès et, le cas échéant, une indemnité, pour les capacités de l'interconnexion.

Les États membres doivent faciliter les accords d'achat d'électricité (AAE) en vue d'atteindre les objectifs fixés dans leur plan national en matière d'énergie et de climat (PNEC) en qui concerne la dimension décarbonation. Ils doivent veiller à ce que des instruments, tels que les régimes de garantie, soient mis en place et accessibles aux clients. Ils doivent autoriser la participation de projets réservant une partie de l'électricité à la vente dans le cadre des régimes d'aides en faveur de l'électricité produite à partir de sources renouvelables.

Les régimes de soutien direct des prix pour les nouveaux investissements en faveur de la production d'électricité à partir de sources renouvelables prennent la forme d'un contrat d'écart compensatoire bidirectionnel. Ces investissements englobent les nouvelles installations ainsi que le rééquipement, l'agrandissement ou la prolongation de celles existantes. Sont comprises les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique sans réservoir et nucléaire. Ces soutiens sont conçus de manière à ce que les recettes perçues lorsque le prix du marché est supérieur au prix d'exercice soient distribuées à tous les clients finals d'électricité et à ce que, ni les mesures d'incitation des consommateurs à réduire leur consommation ou à la déplacer vers des périodes où les prix de l'électricité sont bas, ni la concurrence, ne soient supprimées.

L'autorité de régulation nationale procède à une évaluation et établit un rapport sur le besoin de flexibilité du réseau électrique sur une période de 5 ans, sur la base de données et d'analyses fournies par les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité, au plus tard le 1er janvier 2025. Les REGRT, pour l'électricité, ou l'entité des gestionnaires de distribution de l'Union (GRD), pour le gaz, coordonnent ces données ou analyses, au plus tard le 1er mars 2024, tandis que l'ACER analyse les rapports nationaux et formule des recommandations, pour les questions ayant une dimension transfrontalière. De plus, chaque État membre définit un objectif national indicatif pour la participation active de la demande et pour le stockage, pris en compte dans les PNEC, en ce qui concerne le marché intérieur de l'énergie.

Les États membres doivent envisager de promouvoir la participation de la flexibilité d'origine non fossile, telle que la participation active de la demande ou du stockage, s'il existe un mécanisme de capacité, ou peut appliquer des régimes d'aides à la flexibilité, consistant en des paiements de la capacité ainsi disponible, s'il n'existe pas un tel mécanisme de capacité.

Les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité doivent publier, de manière claire et transparente, des informations sur la capacité disponible pour de nouvelles connexions dans leurs zones d'exploitation respectives. Ces gestionnaires de réseau de transport doivent en outre fournir aux utilisateurs des informations sur l'état d'avancement et le traitement de leurs demandes de raccordement, dans un délai de 3 mois à compter de la demande.

Article 2

Les États membres doivent veiller à ce que tous les clients soient libres d'acheter de l'électricité auprès du fournisseur de leur choix. Ils doivent veiller à ce qu'un cadre réglementaire national permette aux fournisseurs de proposer un contrat d'électricité à durée déterminée et à prix fixe et un contrat à tarification dynamique. Ils doivent aussi veiller à ce que tous les clients puissent demander la conclusion d'un contrat d'électricité à prix fixe et à durée déterminée, d'au moins un an, et à ce que les clients finals disposant d'un compteur intelligent puissent demander la conclusion d'un contrat à tarification dynamique, avec chaque fournisseur de plus de 200 000 clients.

La Commission européenne doit fournir des orientations sur la synthèse des principales conditions contractuelles (prix, promotions, services, remises, droits) devant être reçues par les clients finals, de manière visible et dans un langage simple et concis. Les États membres doivent veiller à ce que les clients finals soient pleinement informés par les fournisseurs des contrats à tarification dynamique (opportunités, coûts, risques, compteurs). Les autorités de régulation nationales doivent surveiller les évolutions du marché, évaluer les risques des produits et services et intervenir en cas de pratiques abusives.

Les ménages, les PME et les organismes publics ont le droit de participer au partage de l'énergie en tant que clients actifs, pour partager l'énergie renouvelable entre eux sur la base d'accords privés ou par l'intermédiaire d'une entité juridique. Les États membres doivent prendre les mesures appropriées et non discriminatoires pour permettre aux ménages vulnérables ou en situation de précarité énergétique d'accéder aux programmes de partage d'énergie, y compris des mesures financières ou des quotas de production.

Les autorités de régulation nationales doivent veiller à ce que les fournisseurs aient mis en place des stratégies de couverture appropriées pour limiter le risque de modifications de la fourniture en gros d'électricité pour la viabilité économique de leurs contrats avec les clients, tout en maintenant la liquidité sur les marchés à court terme et les signaux de prix qui en émanent. Ces stratégies peuvent inclure le recours à des accords d'achat d'électricité. Les États membres peuvent exiger la couverture par des accords d'achat d'électricité de l'exposition au risque des fournisseurs à l'évolution des prix de gros de l'électricité. Ils doivent s'efforcer de garantir l'accessibilité des produits de couverture pour les communautés énergétiques citoyennes et les communautés d'énergie renouvelable.

Les États membres doivent désigner des fournisseurs de dernier recours au moins pour les clients résidentiels, selon une procédure équitable, ouverte, transparente et non discriminatoire, ces derniers ne devant pas perdre leurs droits. Les États membres doivent veiller à ce que les fournisseurs de dernier recours communiquent rapidement les modalités et assurent la continuité du service pendant au moins 6 mois et peuvent exiger d'eux qu'ils fournissent de l'électricité aux clients ne recevant pas d'offres fondées sur le marché. Ils doivent aussi veiller à ce que les clients finals reçoivent des informations et soient encouragés à passer une offre fondée sur le marché.

Les États membres veillent à ce que les clients vulnérables soient protégés contre les interruptions de fourniture d'électricité.

Les États membres veillent également à ce que tous les clients résidentiels et, lorsqu'ils le considèrent comme approprié, les petites entreprises bénéficient d'un service universel, à savoir le droit d'être approvisionnés, sur leur territoire, en électricité d'une qualité définie, et ce à des prix compétitifs, aisément et clairement comparables, transparents et non discriminatoires. Ils peuvent imposer aux gestionnaires de réseau de distribution l'obligation de raccorder les clients à leur réseau. Ils peuvent renforcer la position sur le marché des clients résidentiels et non résidentiels petits et moyens en promouvant les possibilités d'agrégation volontaire.

Le gestionnaire de réseau de distribution fournit aux utilisateurs du réseau les informations dont ils ont besoin pour un accès efficace au réseau, y compris pour l'utilisation de celui-ci, dont les informations, de manière claire et transparente, sur la capacité disponible pour de nouvelles connexions dans sa zone d'exploitation, au moins une fois par trimestre. Ces gestionnaires de réseau de distribution doivent en outre fournir aux utilisateurs des informations sur l'état d'avancement et le traitement de leurs demandes de raccordement, dans un délai de 3 mois à compter de la demande.

Le REGRT pour l'électricité et l'entité des GRD de l'Union pour le gaz peuvent recenser conjointement les cas de non-respect par la plateforme d'allocation unique, et l'ACER être saisie en l'absence d'accord entre les autorités de régulation nationales, dans un délai de 4 mois. Ces autorités de régulation nationales doivent contrôler la suppression des obstacles et restrictions injustifiés au développement de la consommation d'électricité autoproduite et des communautés énergétiques citoyennes, y compris en ce qui concerne le raccordement dans un délai raisonnable. L'autorité de régulation ou les REGRT pour l'électricité et GRD de l'Union pour le gaz peuvent infliger des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives ou proposer à une juridiction compétente d'infliger de telles sanctions.

La Commission européenne peut déclarer, pour une durée d'un an au maximum, une crise des prix de l'électricité au niveau régional ou à l'échelle de l'Union, dès lors que plusieurs conditions sont remplies : des prix très élevés sur les marchés de gros de l'électricité, atteignant au moins 2,5 fois le prix moyen au cours des 5 dernières années, devant se prolonger pendant au moins 6 mois ; de fortes hausses des prix de détail de l'électricité, d'au moins 70 %, devant se prolonger pendant au moins 6 mois ; une incidence négative des hausses des prix de l'électricité sur l'ensemble de l'économie. Les États membres peuvent, pour la durée précitée, effectuer des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux PME, dès lors que les conditions sont remplies : elles sont limitées à 70 % de la consommation du bénéficiaire de la même période de l'année précédente ; elles maintiennent une incitation à la réduction de la demande ; elles respectent plusieurs conditions17(*). Les États membres peuvent fixer, à titre exceptionnel et temporaire, lorsqu'ils effectuent des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité, un prix de fourniture d'électricité inférieur aux coûts, dès lors que les conditions sont remplies : le prix fixé pour les ménages ne s'applique qu'à 80 % de la consommation médiane des ménages ; elles maintiennent une incitation à la réduction de la demande ; il n'y a pas de discrimination entre les fournisseurs ; les fournisseurs sont indemnisés pour la fourniture à perte ; tous les fournisseurs peuvent proposer pour la fourniture d'électricité des offres à un prix inférieur aux coûts.

Article 3

En cas de régimes de soutien direct des prix, destinés à l'électricité produite à partir de sources renouvelables, l'aide est accordée sous la forme d'une prime de marché, variable ou fixe.

Article 4

L'ACER peut émettre des avis et des recommandations destinés aux REGRT, pour l'électricité, et à l'entité des GRD de l'Union, pour le gaz, à la plateforme d'allocation unique, aux centres de coordination régionaux et aux opérateurs désignés du marché de l'électricité. Elle prend des décisions individuelles. Elle approuve et modifie, s'il y a lieu, la proposition du REGRT pour l'électricité relative à la mise en place des plateformes virtuelles régionales pour le marché à terme. Elle approuve et modifie, s'il y a lieu, la proposition conjointe du REGRT pour l'électricité et de l'entité des GRD de l'UE relatives à la méthodologie relative aux données et à l'analyse à fournir en ce qui concerne les besoins de flexibilité. Elle publie un rapport analysant les évaluations nationales des besoins de flexibilité et formulant des recommandations sur les questions d'importance transfrontalière concernant les conclusions des autorités de régulation.

2 - Proposition de modification des règlements (UE) nº 1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie

Article 1er

L'ACER, les autorités de régulation nationales, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et les autorités financières compétentes des États membres doivent échanger, au moins une fois par trimestre, des informations et des données pertinentes relatives à d'éventuelles infractions.

La notion d'« information privilégiée » est modifiée.

· D'une part, elle intègre l'information transmise par un client ou par d'autres personnes agissant pour le compte du client et ayant trait aux ordres en attente du client concernant des produits énergétiques de gros, qui est de nature précise et se rapporte directement ou indirectement à un ou plusieurs produits énergétiques de gros.

· D'autre part, elle est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu'il existera, ou d'un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira, et si elle est suffisamment précise pour que l'on puisse en tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur les cours des produits énergétiques de gros. De surcroît, elle peut être réputée précise si elle se rapporte à un processus se déroulant en plusieurs étapes visant à donner lieu à, ou résultant en certaines circonstances ou un certain événement, y compris des circonstances ou des événements futurs, et aussi si elle se rapporte aux étapes de ce processus qui sont liées au fait de donner lieu à, ou de résulter en de telles circonstances ou un tel événement.

· Enfin, si elle était rendue publique, l'information serait susceptible d'influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros, une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d'investissement.

La notion de « manipulation de marché » est modifiée.

· D'une part, elle intègre :

o Le fait d'effectuer toute transaction, d'émettre tout ordre ou d'adopter tout autre comportement se rapportant à des produits énergétiques de gros, qui donne ou est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'offre, la demande ou le prix des produits énergétiques de gros, fixe ou est susceptible de fixer, par l'action d'une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le prix d'un ou plusieurs produits énergétiques de gros à un niveau artificiel à moins que la personne ayant effectué la transaction ou émis l'ordre établisse que les raisons qui l'ont poussée à le faire sont légitimes et que cette transaction ou cet ordre est conforme aux pratiques de marché admises sur le marché de gros de l'énergie concerné, recourt à un procédé fictif ou à toute autre forme de tromperie ou d'artifice, qui donne, ou est susceptible de donner, des indications fausses ou trompeuses concernant la fourniture, la demande ou le prix de produits énergétiques de gros ;

o Le fait de transmettre des informations fausses ou trompeuses ou de fournir des données fausses ou trompeuses sur un indice de référence lorsque la personne qui a transmis ces informations ou fourni ces données savait ou aurait dû savoir qu'elles étaient fausses ou trompeuses, ou se livrer à tout autre comportement qui entraîne la manipulation du calcul d'un indice de référence.

· D'autre part, les manipulations de marché peuvent désigner le comportement d'une personne morale, mais également, conformément au droit de l'Union européenne ou au droit national, de personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée.

La notion de « produits énergétiques de gros » englobe les contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel avec livraison dans l'Union ou les contrats de fourniture d'électricité ou de gaz susceptibles d'entraîner une livraison dans l'Union.

La notion d'« acteurs de marché » intègre toute personne, y compris les gestionnaires de réseaux de transport et les personnes qui organisent ou exécutent des transactions à titre professionnel lorsqu'elles opèrent pour leur propre compte, qui effectue des transactions, y compris l'émission d'ordres, sur un ou plusieurs marchés de gros de l'énergie.

La notion d'« opération d'initié » inclut l'utilisation d'informations privilégiées pour annuler ou pour modifier un ordre concernant un produit énergétique de gros auquel ces informations se rapportent, lorsque l'ordre a été passé avant que la personne concernée ne détienne les informations privilégiées.

La notion de « mécanisme de déclaration enregistré » (RRM) consiste en la personne enregistrée pour fournir à l'ACER, au nom des acteurs du marché, le service de déclaration détaillée des transactions, y compris l'émission d'ordres, et des données fondamentales.

La notion de « plateforme d'information privilégiée » (IIP) constitue en la personne enregistrée pour fournir le service d'exploitation d'une plateforme pour la divulgation d'informations privilégiées.

L'ACER doit délivrer et retirer les agréments aux IIP et examine régulièrement leur conformité. Ces IIP doivent disposer de politiques et de mécanismes adéquats pour rendre publiques, de manière gratuite, rapide, consolidée et non-discriminatoire, des informations privilégiées. Elles doivent disposer des dispositifs administratifs efficaces pour prévenir les conflits d'intérêts avec leurs clients, des mécanismes de sécurité solides pour garantir la sécurité des moyens de transfert, réduire le risque de corruption des données et d'accès non autorisé et empêcher les fuites d'informations privilégiées et des systèmes capables de vérifier l'exhaustivité des déclarations d'informations privilégiées, de repérer les omissions et les erreurs et de demander une nouvelle transmission. La Commission européenne doit préciser les moyens, contenu et organisation requis.

L'ACER et les autorités de régulation nationales se voient notifier les acteurs du marché recourant au trading algorithmique. L'acteur de marché dispose de systèmes et contrôles des risques efficaces et adaptés ainsi que des plans de continuité des activités efficaces. Ils font en sorte que leurs enregistrements soient conservés et suffisants. L'autorité de régulation nationale peut demander à l'acteur du marché de fournir une description de ses stratégies de trading algorithmique ainsi que ses systèmes et contrôles des risques.

L'ACER doit surveiller les échanges commerciaux de produits énergétiques de gros pour détecter et empêcher les tentatives de manipulation de marché.

L'ACER doit préparer et évaluer une évaluation quotidienne du prix du gaz naturel liquéfié (GNL), le 13 janvier 2023 au plus tard. À cette fin, elle collecte et traite les données relatives aux transactions. Les acteurs de marché les lui soumettent quotidiennement. La Commission européenne peut adopter des actes d'exécution et l'ACER des recommandations (éléments, procédure, modèle, format), après consultation de cette dernière. L'ACER doit réexaminer et actualiser régulièrement sa méthode.

Les données collectées par l'ACER s'étendent au carnet d'ordre, aux places de marché et au suivi des transactions.

L'inscription des acteurs du marché englobe ceux résidant ou établis dans un pays tiers, qui doivent déclarer un bureau dans un État membre dans lequel ils exercent leurs activités et s'enregistrer auprès de l'autorité de régulation nationale de cet État membre.

L'ACER doit délivrer et retirer les agréments RRM. Elle établit un registre de tous les RRM de l'Union et examine régulièrement leur conformité. Les RRM rendent compte annuellement de leur activité à l'ACER. Ils disposent de politiques et de dispositifs adéquats pour communiquer les informations requises, de dispositifs administratifs efficaces pour prévenir les conflits d'intérêts avec leurs clients, de mécanismes de sécurité solides pour garantir la sécurité des moyens de transfert, réduire le risque de corruption des données et d'accès non autorisé et empêcher les fuites d'informations, des systèmes capables de vérifier l'exhaustivité des déclarations d'informations privilégiées, de repérer les omissions et les erreurs et de demander une nouvelle transmission, de systèmes permettant de détecter les erreurs ou omissions dues au RRM lui-même et de corriger ces déclarations et transmissions, le cas échéant auprès de l'ACER. La Commission européenne doit préciser les moyens et organisation requis.

Les échanges d'informations de l'ACER s'étendent à ceux avec la Commission européenne. Les autorités de régulation nationales doivent établir des mécanismes pour partager les informations qu'elles reçoivent avec les autorités financières compétentes, les autorités nationales de la concurrence, l'administration fiscale nationale et EUROFISC ainsi que d'autres autorités concernées au niveau de l'Union, après consultation de l'ACER et de ces parties et sous réserve de la mise en oeuvre par ces dernières de systèmes permettant de respecter les exigences de fiabilité opérationnelle.

Les exigences de fiabilité opérationnelle s'étendent à la Commission, aux autorités de régulation nationales, aux autorités financières compétentes des États membres, à l'administration fiscale nationale et EUROFISC, aux autorités nationales de la concurrence à l'AEMF et aux autres autorités concernées. L'ACER n'est pas empêchée de publier des informations sur les places de marché organisées, les IIP et les RRM, conformément à la législation applicable en matière de protection des données.

L'impossibilité de divulguer des informations confidentielles est limitée aux acteurs de marché, à l'exclusion des places de marché.

Les autorités de régulation nationales doivent veiller à l'application des interdictions des opérations d'initiés et des manipulations de marché et des obligations de publication des informations privilégiées, de collecte des données, d'enregistrement des acteurs de marché et des personnes organisant des transactions à titre professionnel et sont compétentes pour enquêter sur tous les faits ayant eu lieu sur leurs marchés de gros nationaux de l'énergie et pour faire respecter le présent règlement, quel que soit le lieu où l'acteur du marché enregistré réside ou est établi.

L'ACER peut mener des enquêtes en exerçant les compétences de demande d'information et d'inspection sur place, afin de lutter contre les infractions aux dispositions du présent règlement, de soutenir et de compléter les activités de contrôle d'application des autorités de régulation nationales et de contribuer à une application uniforme du présent règlement dans l'ensemble de l'Union.

L'ACER peut exercer ses compétences pour veiller à l'application des interdictions des opérations d'initiés et des manipulations de marché ainsi que des obligations de publication des informations privilégiées lorsque : des faits ont lieu ou ont eu lieu concernant des produits énergétiques de gros destinés à être livrés dans au moins trois États membres ; des faits ont lieu ou ont eu lieu concernant des produits énergétiques de gros destinés à être livrés dans au moins deux États membres et au moins une des personnes physiques ou morales auteur de ces faits réside ou est établie dans un pays tiers mais est enregistrée ; l'autorité de régulation nationale compétente ne prend pas immédiatement les mesures nécessaires pour se conformer à la demande de l'ACER ; les informations pertinentes sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur les prix des produits énergétiques de gros destinés à être livrés dans au moins trois États membres.

L'ACER peut exercer ses compétences pour veiller à ce que les obligations des transactions des personnes organisant des transactions à titre professionnel soient respectées lorsque les personnes organisent ou exécutent ces transactions sur des produits énergétiques de gros destinés à être livrés dans au moins trois États membres.

Dans l'exercice de ses compétences, l'ACER tient compte des enquêtes en cours ou déjà menées sur les mêmes affaires par une autorité de régulation nationale, ainsi que de l'incidence transfrontalière de l'enquête. Si elle conclut qu'une infraction a eu lieu, l'ACER en informe les autorités de régulation nationales et exige que l'infraction soit sanctionnée. Elle peut recommander certaines mesures de suivi aux autorités de régulation nationales compétentes et, si nécessaire, en informer la Commission. Elle établit un rapport, rendu public en tenant compte des exigences de confidentialité.

L'ACER prépare et effectue des inspections sur place en étroite coopération avec les autorités compétentes de l'État membre concerné. Elle peut procéder à toutes les inspections nécessaires dans tous les locaux. Lorsque la bonne conduite et l'efficacité de l'inspection l'exigent, elle peut procéder à cette inspection sans préavis. Les agents de l'ACER et les autres personnes mandatées peuvent pénétrer dans tous les locaux et sont investis de tous les pouvoirs. Ils ont également le pouvoir d'apposer des scellés sur tous les locaux, actifs et livres ou documents.

Avant l'inspection et l'autorisation, l'ACER avise l'inspection de l'autorité de régulation nationale et les autres autorités concernées. Les inspections sont effectuées à condition que l'autorité ait confirmé qu'elle ne s'y opposait pas. Les agents de l'ACER et les autres personnes mandatées exercent leurs pouvoirs sur présentation d'une autorisation précisant l'objet, le but, la date et les voies de droit. Les agents de l'autorité de régulation nationale et les autres personnes mandatées prêtent assistance aux agents de l'ACER et peuvent assister à l'enquête sur place. Si les agents de l'ACER et ceux mandatés ou désignés constatent qu'une personne s'oppose à une inspection, l'autorité de régulation nationale prête l'assistance nécessaire, en requérant, au besoin, l'assistance de la force publique ou d'une autorité disposant d'un pouvoir de contrainte équivalent.

Si l'inspection sur place ou l'assistance requiert l'autorisation d'une autorité judiciaire conformément au droit national applicable, l'ACER sollicite cette autorisation, le cas échéant à titre préventif. Lorsque l'ACER demande une autorisation, l'autorité judiciaire nationale vérifie que la décision est authentique et que les mesures sont proportionnées, ni arbitraires, ni excessives. L'autorité judiciaire nationale peut demander à l'ACER des explications détaillées. La décision de l'ACER est soumise au contrôle de la Cour de justice uniquement.

L'ACER peut demander à toute personne de lui fournir les informations nécessaires pour qu'elle s'acquitte des obligations lui incombant. Dans sa demande, elle précise notamment le but, les informations, le délai, le format et les conséquences.

L'ACER peut adopter une décision. Dans cette décision, elle informe du droit de former un recours contre la décision devant sa commission de recours et de demander le réexamen de la décision par la Cour de justice.

L'ACER transmet sans délai une copie de la demande ou de la décision aux autorités de régulation nationales. Les personnes sont pleinement responsables du caractère complet, exact et non trompeur des informations fournies.

Lorsque les agents de l'ACER et ceux agents mandatés ou désignés constatent qu'une personne refuse de fournir les informations, l'autorité de régulation nationale prête l'assistance nécessaire, y compris par l'imposition de sanctions conformément au droit national applicable, et l'ACER peut tirer des conclusions sur la base des informations disponibles.

L'ACER effectue les inspections et demande les informations dans le plein respect des garanties procédurales des acteurs du marché (droit de ne pas faire de déclarations contre soi-même, droit d'être assisté d'une personne de son choix, droit d'utiliser l'une des langues officielles de l'État membre où a lieu l'inspection sur place, droit de formuler des observations sur les faits qui les concernent, droit d'obtenir une copie du compte rendu de l'entretien et de l'approuver ou d'y ajouter des observations, recherche objective et impartiale conformément au principe de la présomption d'innocence, règles en matière de confidentialité de protection des données).

L'ACER et les autorités de régulation nationale se prêtent mutuellement assistance.

Les obligations applicables aux personnes organisant des transactions à titre professionnel des transactions sur des produits énergétiques de gros sont étendues aux personnes les exécutant, à l'ACER et aux fins de déceler les infractions et faire en sorte que leurs employés exerçant des activités de surveillance soient préservés de tout conflit d'intérêts et agissent de manière indépendante.

Les coopérations à l'échelle de l'Union et au niveau national sont étendues à l'administration fiscale nationale. Les autorités de régulation nationale doivent informer l'ACER et lui fournir un résumé du dossier et la décision envisagée, au plus tard 30 jours avant son adoption, et la décision publiée, au plus tard 7 jours après son adoption. L'ACER tient à jour une liste publique des décisions, comprenant la date, le nom et l'article concernés. Les autorités de régulation nationale doivent informer l'administration fiscale nationale et EUROFISC en cas de motifs raisonnables de soupçonner que des faits qui ont lieu ou ont eu lieu sur des marchés de gros de l'énergie sont susceptibles de constituer une fraude fiscale.

Les autorités de régulation nationales peuvent déléguer des tâches et des responsabilités à d'autres autorités de régulation nationales, avec l'accord du délégataire. Les États membres peuvent soumettre la délégation de responsabilités à des dispositions spécifiques et en limiter la portée à ce qui est nécessaire pour assurer la surveillance efficace des acteurs du marché ou des groupes. Les autorités de régulation nationales informent l'ACER des accords de délégation qu'elles ont l'intention de conclure et les mettent les accords en vigueur au plus tôt 1 mois après avoir cette information. L'Agence peut émettre un avis sur le projet d'accord de délégation dans un délai de 1 mois et publie les accords de délégation conclus par les autorités de régulation nationales.

L'ACER émet des orientations et des recommandations destinées à toutes les autorités de régulation nationales ou à tous les acteurs du marché et adresse des recommandations à une ou plusieurs autorités de régulation nationales ou à un ou plusieurs acteurs du marché, afin de garantir la cohérence, l'efficience et l'efficacité des pratiques de surveillance au sein de l'Union et d'assurer une application commune, uniforme et cohérente du droit de l'Union. Elle procède, le cas échéant, à des consultations publiques sur ces orientations et recommandations et analyse les coûts et les avantages potentiels de leur émission. Ces consultations et analyses sont proportionnées. Les autorités de régulation nationales et les acteurs du marché mettent tout en oeuvre pour respecter ces orientations et ces recommandations. Dans un délai de deux mois suivant l'émission d'une orientation ou d'une recommandation, chaque autorité de régulation nationale indique si elle respecte ou entend respecter cette orientation ou recommandation. En cas de réponse négative, elle en informe l'ACER, en motivant sa décision. L'ACER rend public ce fait. Elle peut également décider de publier les raisons invoquées. L'autorité de régulation nationale est avertie au préalable. Si l'orientation ou la recommandation le requiert, les acteurs du marché rendent compte, de manière précise et détaillée, du respect de cette orientation ou recommandation. L'ACER rend compte des orientations et recommandations dans son rapport annuel.

Sans préjudice de toute sanction pénale, les États membres doivent faire en sorte que les autorités de régulation nationales aient le pouvoir d'adopter des sanctions administratives et d'autres mesures administratives appropriées. Ils notifient ces dispositions en détail à la Commission européenne et à l'ACER toute modification ultérieure. En outre, ils font en sorte que ces autorités aient la possibilité de divulguer les mesures ou sanctions imposées, sauf si cette divulgation est la cause d'un préjudice disproportionné pour les parties concernées. Conformément au droit national et au principe non bis in idem, les autorités de régulation nationales doivent disposer du pouvoir d'imposer certaines sanctions et mesures administratives (une décision ordonnant à la personne de mettre fin à l'infraction, la restitution du montant de l'avantage retiré de cette infraction ou des pertes que celle-ci a permis d'éviter, s'ils peuvent être déterminés, un avertissement ou une communication au public, une décision imposant des astreintes, une décision imposant des sanctions pécuniaires administratives, un sanction pécuniaire administrative allant de 1 à 15 % du chiffre d'affaires total, pour les personnes morales, et de 500 000 à 5 M€, pour les personnes physiques, dans la limite de 20 % du chiffre d'affaires ou des revenus annuels de l'exercice ou année précédant).

Article 2

L'ACER perçoit des redevances, payées par les RRM et les IIP, pour la collecte, la gestion, le traitement et l'analyse des informations fournies par les acteurs du marché ou les entités déclarant des informations pour leur compte de ces acteurs ainsi que les coûts supportés pour l'exercice des pouvoirs de surveillance et d'enquête.

Article 3

Les acteurs du marché du GNL doivent fournir à l'ACER des données relatives au marché du GNL selon un contenu, des unités et des devises déterminés.

3 - Recommandation sur le stockage de l'énergie

Sans portée normative, cette recommandation comporte notamment les dispositions suivantes.

(1) Les États membres tiennent compte du double rôle (producteur/consommateur) du stockage d'énergie lorsqu'ils définissent le cadre et les procédures réglementaires applicables, en particulier lors de la mise en oeuvre de la législation de l'Union relative au marché de l'électricité, afin de supprimer les obstacles existants. Il s'agit notamment d'éviter la double imposition et de faciliter les procédures d'octroi de permis. Les autorités de régulation nationales devraient également tenir compte de ce rôle lorsqu'elles établissent les redevances d'accès au réseau et les régimes tarifaires, conformément à la législation de l'Union.

(2) Les États membres recensent les besoins de flexibilité de leurs systèmes énergétiques à court, moyen et long terme et, dans les mises à jour de leurs plans nationaux en matière d'énergie et de climat, renforcent les objectifs et les politiques et mesures connexes qui visent à promouvoir, avec un bon rapport coût-efficacité, le déploiement du stockage d'énergie, tant à l'échelle du réseau qu'en aval du compteur, ainsi que la participation active de la demande et la flexibilité. Les États membres devraient également évaluer les besoins en capacité de fabrication pour les technologies pertinentes de stockage d'énergie.

(3) Les États membres, en particulier leurs autorités de régulation nationales, veillent à ce que les gestionnaires de système énergétique évaluent plus avant les besoins de flexibilité de leurs systèmes lors de la planification des réseaux de transport et de distribution, en examinant notamment le potentiel de stockage d'énergie (à court et à long terme) et la question de savoir si ce stockage peut constituer une alternative plus rentable aux investissements dans le réseau. Ils devraient également prendre en considération tout le potentiel des sources de flexibilité, en particulier le stockage d'énergie, lors de l'évaluation de leur capacité de raccordement (par exemple, en tenant compte des contrats de raccordement flexibles) et de l'exploitation du système.

(4) Les États membres recensent les déficits de financement potentiels pour le stockage d'énergie à court, moyen et long terme, y compris le stockage en aval du compteur (thermique et utilisant de l'électricité) et d'autres instruments de flexibilité et, s'il apparaît qu'il faut faire appel à des ressources flexibles supplémentaires pour atteindre les objectifs en matière de sécurité d'approvisionnement et les objectifs environnementaux, étudient la nécessité éventuelle d'instruments de financement qui assurent la visibilité et la prévisibilité des revenus.

(5) Les États membres examinent si les services de stockage d'énergie, en particulier l'utilisation de la flexibilité dans les réseaux de distribution et la fourniture de services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence, sont suffisamment rémunérés, et si les opérateurs peuvent cumuler la rémunération de plusieurs services.

(6) Les États membres devraient envisager des procédures de mise en concurrence si cela est nécessaire pour parvenir à un niveau de déploiement de sources de flexibilité suffisant pour atteindre des objectifs transparents en matière de sécurité d'approvisionnement et d'environnement, conformément aux règles en matière d'aides d'État. Il convient d'étudier les améliorations possibles dans la conception des mécanismes de capacité afin de faciliter la participation des sources de flexibilité, y compris le stockage d'énergie, par exemple en veillant à ce que les facteurs de réduction soient appropriés au regard de l'objectif poursuivi en matière de sécurité d'approvisionnement, en diminuant la capacité admissible minimale et le volume d'offre minimal, en facilitant l'agrégation, en abaissant les limites d'émissions de COou en donnant la priorité aux technologies plus vertes, conformément aux lignes directrices concernant les aides d'État au climat, à la protection de l'environnement et à l'énergie.

(7) Les États membres recensent toutes les mesures spécifiques, réglementaires et non réglementaires, nécessaires pour supprimer les obstacles au déploiement de la participation active de la demande et du stockage en aval du compteur, par exemple en ce qui concerne l'adoption de l'électrification par des secteurs d'utilisation finale en faisant appel à des sources d'énergie renouvelables, le déploiement de l'autoconsommation individuelle ou collective et la recharge bidirectionnelle par l'utilisation de batteries de véhicules électriques.

(8) Les États membres accélèrent le déploiement d'installations de stockage et d'autres outils de flexibilité dans les îles, les régions isolées et les régions ultrapériphériques de l'UE, dont la capacité de réseau est insuffisante et les connexions instables ou très éloignées du réseau principal, par exemple au moyen de régimes de soutien en faveur de ressources flexibles bas carbone, y compris le stockage, et revoient les critères de raccordement au réseau afin de promouvoir les projets d'énergie hybrides (c'est-à-dire la production et le stockage à partir d'énergies renouvelables).

(9) Les États membres et les autorités de régulation nationales publient des données détaillées en temps réel sur la congestion du réseau, la limitation de la production à partir d'énergies renouvelables, les prix de marché, les énergies renouvelables, le contenu en émissions de gaz à effet de serre, et les installations de stockage d'énergie en place, afin de faciliter les décisions d'investissement dans de nouvelles installations de stockage d'énergie.

(10) Les États membres continuent de soutenir la recherche et l'innovation dans le domaine du stockage d'énergie, en particulier les solutions de stockage d'énergie à long terme et les solutions associant l'électricité à d'autres vecteurs énergétiques, et d'optimiser les solutions existantes (par exemple, efficacité, capacité, durée, empreinte climatique et environnementale minimale). Il convient d'envisager des instruments de réduction des risques, tels que des programmes d'accélérateurs technologiques et des régimes de soutien spécifiques pour accompagner les technologies innovantes de stockage d'énergie jusqu'à la phase de commercialisation.


* 1 https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/energy-prices-2021/.

* 2 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52022DC0108.

* 3 Conjointement avec le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

* 4 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52022DC0230.

* 5 https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-pt-vue/ACER%27s%20Final%20Assessment%20of%20the%20EU%20Wholesale%20Electricity%20Market%20Design.pdf

* 6 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52022DC0236

* 7 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/speech_22_5493

* 8 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32022R1854

* 9 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32022R2577

* 10 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32022R2578

* 11 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52023PC0148.

* 12 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52023PC0147.

* 13 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32023H0320(01).

* 14 Les éléments sont principalement tirés de la réponse de la CRE à consultation de la Commission européenne :

https://www.cre.fr/media/Fichiers/Actualites/2023-reforme-de-l-organisation-du-marche-de-l-electricite-dans-l-ue-consulter-la-reponse-version-francaise.

* 15 Les éléments sont principalement tirés de la réponse de l'UFE à consultation de la Commission européenne :

https://ufe-electricite.fr/synthese-reponse-consultation-europeenne-reforme-market-design/.

* 16 En commun avec la commission des affaires européennes.

* 17 Le paragraphe 4 de l'article 66 bis et et les paragraphes 4 et 7 de l'article 5 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseill du 5 juin 2019 disposent que :

« 4. Lorsque la Commission a adopté une décision [...], les États membres peuvent, pour la durée de validité de cette décision [...] lorsqu'ils effectuent des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité [...] fixer, à titre exceptionnel et temporaire, un prix de fourniture d'électricité inférieur aux coûts, pour autant que les conditions suivantes soient remplies:

a) le prix fixé pour les ménages ne s'applique qu'à 80 % au maximum de la consommation médiane des ménages et maintient une incitation à la réduction de la demande ;

b) il n'y a pas de discrimination entre les fournisseurs ;

c) les fournisseurs sont indemnisés pour la fourniture à perte ;

d) tous les fournisseurs peuvent sur la même base proposer pour la fourniture d'électricité des offres à un prix inférieur aux coûts. [...]

4. Les interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité:

a)

poursuivent un objectif d'intérêt économique général et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif d'intérêt économique général ;

b)

sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables ;

c)

garantissent aux entreprises d'électricité de l'Union un égal accès aux clients ;

d)

sont limitées dans le temps et proportionnées en ce qui concerne leurs bénéficiaires ;

e)

n'entraînent pas de coûts supplémentaires pour les acteurs du marché d'une manière discriminatoire. [...]

7. Les interventions publiques effectuées [...] :

a)

sont assorties d'un ensemble de mesures permettant de parvenir à une concurrence effective et d'une méthode d'évaluation des progrès en ce qui concerne ces mesures ;

b)

sont fixées à l'aide d'une méthode garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs ;

c)

sont établies à un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective ;

d)

sont conçues de façon à réduire au minimum tout impact négatif sur le marché de gros de l'électricité ;

e)

garantissent que tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont la possibilité de choisir des offres du marché concurrentielles et qu'ils sont directement informés, au moins tous les trimestres, de l'existence d'offres et des économies possibles sur le marché concurrentiel, en particulier en ce qui concerne les contrats d'électricité à tarification dynamique, et garantissent que ceux-ci bénéficient d'une assistance pour passer à une offre fondée sur le marché ;

f)

garantissent que [...] tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont le droit de disposer de compteurs intelligents installés sans frais préalables supplémentaires pour le client et se voient proposer une telle installation, sont directement informés de la possibilité d'installer des compteurs intelligents et bénéficient de l'assistance nécessaire ;

g)

ne se traduisent pas par des subventions croisées directes entre les clients fournis aux prix du marché libre et ceux fournis aux prix de fourniture réglementés. »

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