AVANT-PROPOS

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté le 7 juin 2023 la proposition de loi de Catherine Conconne visant à assurer la pérennité des établissements cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer. Elle a pour objet de préserver l'équilibre économique des exploitants en outre-mer en régulant leur relation avec les distributeurs.

La situation de ces établissements est en effet particulière, avec des charges d'exploitation plus élevées en raison du coût de la vie et de normes de construction différentes. Afin d'en tenir compte, jusqu'à une date récente, la répartition du prix du billet entre l'exploitant et le distributeur - qui rémunère les ayants droit - était plus favorable aux exploitants qu'en métropole. L'échec des négociations menées à l'automne 2022 sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a cependant conduit les distributeurs à revendiquer un alignement des pratiques sur la métropole, ce qui conduirait, selon les auteurs de la proposition de loi, à fragiliser l'exploitation cinématographique en outre-mer et priver leurs habitants de l'accès aux oeuvres cinématographiques.

Tout en déplorant l'échec des négociations, la commission a choisi de soutenir cette initiative, qui permet de maintenir les intérêts des distributeurs, voire de les améliorer par rapport à la situation antérieure, tout en préservant l'équilibre des salles ultramarines.

I. L'EXPLOITATION CINÉMATOGRAPHIQUE EN OUTRE-MER

A. OÙ VA LE PRIX D'UN BILLET DE CINÉMA ?

La création et la diffusion d'un film impliquent la collaboration des trois acteurs principaux.

Ø Le producteur est à l'origine du film. Il réunit les financements auprès des pouvoirs publics, des diffuseurs et des investisseurs, travaille avec le réalisateur et est responsable de l'achèvement de l'oeuvre.

Ø Le distributeur définit le potentiel des films, en acquiert les droits auprès des producteurs et se charge de les commercialiser : édition des oeuvres, marketing, promotion et diffusion.

Ø L'exploitant est responsable de la programmation de sa ou de ses salles, en lien avec le distributeur. Il est également le premier à percevoir les recettes sur les oeuvres et à assurer leur « remontée » vers les distributeurs et producteurs.

La répartition entre ces différentes parties du prix payé par le spectateur qui accède à une salle de cinéma fait l'objet d'un encadrement législatif fixé par la section 2 « Concession des droits de représentation cinématographique » du chapitre III du code du cinéma et de l'image animée (articles 213-9 à 213-13).

La recette aux guichets des salles de cinéma est tout d'abord assujettie à deux taxes :

· la TVA à taux réduit (5,5 %) ;

· la taxe sur le prix des entrées aux séances, parfois évoquée sous le nom de « taxe spéciale additionnelle » (TSA) qui alimente le fonds de soutien du CNC (10,72 %).

Déduction faite de ces taxes, la recette (appelée « base film ») est partagée entre la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), l'exploitant et le distributeur, charge à ce dernier d'assurer la rémunération du producteur, selon les stipulations contractuelles passées entre eux.

Conformément à un accord passé avec la Fédération nationale des cinémas français, la Sacem perçoit un taux de 1,515 % de la base film lorsque l'exploitant est adhérent, et 2,02 % dans le cas contraire.

Le partage entre exploitant et distributeur se fait en fonction d'un « taux de location » qui doit revenir au distributeur. La rémunération est calculée en multipliant ce taux de location par la « base film ». Il est négocié oeuvre par oeuvre et exploitant par exploitant.

L'article L. 213-11 du code du cinéma et de l'image animée encadre cependant ce taux entre 25 % et 50 %. Symétriquement, la part qui revient à l'exploitant est donc comprise entre 75 % et 50 %.

En 2021, le taux moyen de location s'établit à 47,1 % (46,4 % en 2020).

Répartition de la recette « salle » en 2021

B. TENIR COMPTE DES SPÉCIFICITÉS ULTRAMARINES

a) Le cinéma en outre-mer

Les collectivités concernées par la présente proposition de loi sont celles mentionnées à l'article 73 de la Constitution, soit la Guadeloupe, la Réunion, la Martinique, la Guyane et Mayotte. Sont donc exclues les collectivités qui relèvent de l'article 74, soit Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, qui relève pour sa part de l'article 72-3 de la Constitution.

Les outre-mer concernés comptent 21 établissements actifs en 2022, certains comportant plusieurs salles, soit environ 1 % du parc national et 1,7 % des entrées.

 

Nombre d'établissements

Nombre d'entrées

La Réunion

9

1 209 242

Guadeloupe

5

442 561

Martinique

3

615 511

Guyane

3

301 040

Mayotte

1

23 679

Total

21

2 592 033

La fréquentation des cinémas ultramarins est extrêmement concentrée autour de quelques établissements. Ainsi, en Guadeloupe, Guyane et Martinique, l'exploitant le plus important rassemble respectivement 91 %, 87 % et 99 % des tickets vendus. La Réunion échappe partiellement à ce schéma, avec 46 % des entrées pour l'établissement le plus important.

b) Le prix du billet en outre-mer obéit à des règles spécifiques

Dans la fixation du prix du billet, les outre-mer bénéficient de deux particularités.

D'une part, le taux de TVA est fixé à 2,1 %, contre 5,5 % en métropole.

D'autre part, la taxe sur les billets est calculée de manière différente, pour des raisons historiques.

La TSA en outre-mer

En effet, créée en 1948, la TSA a été dans un premier temps perçue par le CNC en outre-mer comme en métropole. À la demande des collectivités territoriales, l'article 5 de la loi de finances pour 1963 l'a cependant supprimée à compter de cette année dans les outre-mer.

Cette absence de taxation s'est traduite par une plus grande difficulté, voire une impossibilité pour le cinéma en outre-mer à accéder aux différents dispositifs d'aide du CNC. Suite à de très nombreux débats et à un rapport des Inspections générales de l'administration et des affaires culturelles1(*), l'article 117 de la loi de finances pour 2014 a mis fin à cette exception en prévoyant la réintroduction progressive de la taxe à compter du 1er janvier 2015, jusqu'à atteindre le taux métropolitain en 2021. Cette soumission à la taxe a rendu éligibles les salles ultramarines aux aides du CNC.

L'article 200 de la loi de finances pour 2019 a stabilisé le montant de la TSA à 5 %, taux en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Le gouvernement évoquait alors les difficultés en matière de construction auxquelles devaient faire face les établissements en outre-mer, et qui justifient une différence de 5,72 points avec la métropole.

Compte tenu de cette moindre imposition, la « base film » sur le prix d'un billet vendu en outre-mer est donc plus élevée de 10,12 points (3,4 points de TVA et 6,72 points de TSA).

Malgré cette fiscalité avantageuse, le prix du billet en outre-mer est sensiblement plus élevé qu'en métropole, à 7,83 € en 2022 contre 7,3 € en métropole.

c) La relation avec les distributeurs

Historiquement, les distributeurs ont appliqué en outre-mer un taux de location de 35 %, soit près de 12 points de moins qu'en métropole. La distribution a été pendant longtemps assurée non pas directement, mais par un intermédiaire local spécialisé, qui prélevait en moyenne la moitié de la commission, et pouvait en reverser une partie à l'exploitant. Il assurait en contrepartie les fonctions du distributeur (promotion, événementiel, etc...)

Récemment, les distributeurs ont cependant dénoncé ce système, et décidé de gérer les relations avec l'outre-mer « en direct », avec l'accord des exploitants.

Cependant, les négociations entre les parties prenantes ont échoué sur le taux de location, que les distributeurs ont souhaité aligner sur celui de la métropole, soit environ 50 %. Pour eux, cela signifierait une progression de près de 30 points des recettes engendrées par les tickets vendus en outre-mer. Ils justifient cette hausse notamment par les spécificités d'un marché qu'ils devront dorénavant gérer eux-mêmes, entrainant donc des coûts de distribution et de promotion plus importants.

De leur côté, les exploitants de salle dénoncent cette hausse soudaine qui mettrait en danger l'exploitation.

II. L'ARTICLE UNIQUE DE LA PROPOSITION DE LOI

Les auteurs de la proposition de loi dénoncent cette forte et soudaine hausse des taux, qui met en danger l'équilibre économique du secteur de l'exploitation outre-mer.

L'article unique de la présente proposition de loi vise donc à créer un régime spécifique pour les exploitants en outre-mer, avec un taux de location qui, au lieu de pouvoir monter à 50 % comme en métropole, serait plafonné à 35 %, soit le taux précédemment appliqué.

Les deux schémas suivants illustrent les deux approches :

Ø le premier (A) décrit la répartition du prix du billet en métropole, revendiquée par les distributeurs pour l'outre-mer à l'avenir ;

Ø le second (B) présente la répartition historiquement en vigueur en outre-mer et que la présente proposition de loi cherche à préserver.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : UN SOUTIEN À CETTE PROPOSITION DE LOI QUI DOIT PRÉSERVER LE CINÉMA EN OUTRE-MER

Il est toujours regrettable que des négociations échouent entre acteurs d'une même filière, surtout sur des sujets aussi sensibles que la diffusion de la culture.

Cette proposition de loi est donc la traduction de l'incapacité actuelle de deux maillons essentiels du secteur cinématographique à trouver un terrain d'entente.

La Rapporteure a tenu à entendre toutes les parties prenantes, et comprend bien les problématiques soulevées de part et d'autre par le texte de cette proposition de loi :

ü d'un côté, les distributeurs déplorent une intervention législative dans un domaine où la liberté commerciale encadrée prévaut et donne en général des résultats satisfaisants, tant le succès du cinéma passe par la collaboration de toute la chaîne. Ils estiment ainsi que la fixation d'un plafond à 35 % limite les marges de manoeuvre sur la durée d'exploitation de l'oeuvre, et ne leur permettra que partiellement de rentrer dans les frais qu'ils engagent pour assurer une égalité de traitement dans l'exposition des films entre la métropole et l'outre-mer. Il pourrait donc en découler un appauvrissement de l'offre de films dans les départements d'outre-mer, notamment les oeuvres les plus singulières. On peut percevoir en filigrane une forme de prise de position « de principe » de leur part, tant les enjeux financiers sont en fait peu élevés pour les entreprises les plus importantes au moins ;

ü d'un autre côté, les exploitants vivent cette hausse du taux de location comme une menace existentielle, tant elle leur parait disproportionnée au regard de leurs contraintes propres et des conséquences encore perceptibles de la crise pandémique sur l'exploitation. Ils ont le sentiment d'avoir accompli une partie du chemin en acceptant une évolution dans le sens d'une plus grande transparence ces dernières années, sans être encore reconnus par les distributeurs dans leurs spécificités. Ils notent au demeurant que si les distributeurs vont devoir financer directement les actions menées en outre-mer, ils vont également bénéficier d'un retour bien plus élevé que par le passé avec la fin de la « sous-distribution ».

Il faut souligner que les intérêts des distributeurs et des exploitants sont en réalité très largement convergents, pour assurer le développement du cinéma en outre-mer. Dès lors, les risques que ferait peser une détérioration supplémentaire des relations entre exploitants et distributeurs ne seraient à l'avantage de personne, et devraient donc être évités. Il est donc permis d'espérer que cette proposition de loi, si elle était adoptée par le Sénat, pourrait permettre de relancer des négociations actuellement au point mort dans un climat plus apaisé, dont le cinéma ne pourrait que sortir gagnant.

En tout état de cause, la commission soutient une position qui lui parait équilibrée, et qui relève bel et bien d'une préoccupation d'intérêt général.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 7 JUIN 2023

___________

M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport de notre collègue Sylvie Robert sur la proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer, déposée par Catherine Conconne.

Je vous rappelle que l'examen de ce texte en séance publique est programmé jeudi prochain, le 15 juin, à 10 h 30, en premier point de l'ordre du jour de l'espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Cette proposition de loi poursuit, comme son titre l'indique, un objectif louable et pleinement légitime de pérennisation de l'exploitation cinématographique en outre-mer.

Pour autant, elle illustre un sujet qui nous est familier, celui de la nécessaire adaptation de notre droit aux spécificités ultramarines, qui sont nombreuses et méritent toute notre attention. Au travers de la question du prix de la place de cinéma, c'est notre capacité à agir pour l'égalité réelle et les droits culturels qui est testée.

J'essaierai de résumer simplement l'objet de l'article unique de la proposition de loi dont je suis rapporteure, mais également signataire.

Il y a deux semaines, nos collègues Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et Jérémy Bacchi ont présenté un rapport complet sur la filière cinématographique. Il traduisait une vision pleine d'espoir du secteur, et traçait des perspectives dans lesquelles nous pouvons nous inscrire.

Dans ce rapport, le mécanisme de répartition du prix du billet est exposé de manière précise. Deux taxes sont appliquées : la TVA, au taux de 5,5 % ; la taxe sur le prix des entrées, la fameuse taxe spéciale additionnelle (TSA), au taux de 10,72 %. Le reste constitue ce que l'on appelle la « base film ». Elle fait l'objet d'une répartition entre, d'un côté, l'exploitant de la salle et, de l'autre, le distributeur, chargé de distribuer les oeuvres dans les différentes salles, mais aussi de rétribuer toute la chaîne de la création : producteurs, ayants droit, etc.

Le code du cinéma et de l'image animée fixe des bornes à cette répartition. Ainsi, la part du distributeur, ou taux de location, est obligatoirement comprise entre 25 % et 50 % de la base film. Symétriquement, celle de l'exploitant est comprise entre 50 % et 75 %. En réalité, le taux de location évolue en fonction du film et de la semaine de projection. Il est en moyenne de 47,1 %.

Les cinémas ultramarins obéissent cependant à des règles différentes.

Tout d'abord, la fiscalité y est plus avantageuse. Le taux de TVA n'est que de 2,1 %, contre 5,5 % pour la métropole. Pour des raisons historiques que j'ai développées dans le rapport, le taux de la taxe sur les billets y est limité à 5 %, contre 10,72 % en métropole. Ainsi, la base film est plus importante, car moins frappée par la fiscalité, d'autant plus que le prix du billet est plus élevé : 7,83 euros en moyenne, contre 7,3 euros en métropole.

Ensuite, le taux de location des films n'est pas de 47,1 %, mais limité à 35 %, là encore pour des raisons historiques. En effet, pendant très longtemps, les distributeurs n'ont pas exercé directement leur activité en outre-mer, mais ont délégué cette fonction à des sous-distributeurs locaux, en général liés aux exploitants. Ces derniers prélevaient ainsi la moitié du taux de location, soit 17,5 % environ, une même part de 17,5 % revenant au distributeur.

La base film est donc plus élevée en outre-mer qu'en métropole en raison de la fiscalité et d'un prix du billet plus élevé. En revanche, les distributeurs ne percevaient in fine que 17,5 % de la base film, contre près de 50 % en métropole.

Cette situation dérogatoire paraît justifiée, tant les charges qui pèsent sur les établissements ultramarins sont importantes : normes antisismiques, sécurité, coût de construction.

Cependant, à partir de 2022, les parties prenantes ont acté que ce mécanisme de délégation avait atteint ses limites. Les distributeurs ont souhaité reprendre directement la main sur l'outre-mer. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a mené à l'automne dernier une campagne de médiation pour trouver une solution qui ne mettrait pas en péril l'exploitation cinématographique en outre-mer.

Hélas, cette médiation a échoué, et les distributeurs ont fait part de leur volonté d'appliquer en outre-mer un même taux de location, proche de 50 %. Notons au passage que cela les conduirait à passer d'un taux de 17,5 % à un taux supérieur de près de trente points, qui s'appliquerait à une base film plus élevée.

La présente proposition de loi vise à modifier le code du cinéma pour fixer un taux maximal de location à 35 % en outre-mer, contre 50 % en métropole, pour permettre la poursuite de l'exploitation. Sous des abords techniques, la question est en réalité simple. Faute d'accord entre les distributeurs et les exploitants, nous sommes contraints de passer par un vecteur législatif pour amener un peu d'équilibre dans des relations qui menacent de conduire à une véritable hémorragie de l'exploitation cinématographique en outre-mer.

La position que je vous propose me semble équilibrée. Les distributeurs capteraient maintenant directement l'intégralité du taux de location, ce qui constituerait une nette amélioration. Quant aux exploitants, ils pourraient continuer à exercer leur profession et offrir à nos compatriotes d'outre-mer ce grand loisir populaire qu'est le cinéma.

Il existe cependant un risque, que je ne peux vous cacher : celui d'une volonté des distributeurs de moins diffuser les oeuvres en outre-mer. J'ai pu m'en entretenir avec eux et, si je comprends leur position, en réalité largement de principe, je déplore fortement que les négociations menées à l'automne n'aient pas abouti sur des bases qui auraient pu être différentes, et dont le cinéma serait sorti vainqueur.

Il est important de réaffirmer clairement notre attachement aux droits culturels partout sur le territoire, et ce mécanisme en fait partie. Je formule le souhait que la proposition de loi permette d'instaurer les conditions d'un dialogue plus apaisé entre les parties.

Je vous invite donc à adopter tel quel l'article unique de la proposition de loi.

Concernant le périmètre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions visant à encadrer le taux de location dans les cinémas d'outre-mer.

Il en est ainsi décidé.

M. Pierre-Antoine Levi. - Merci pour votre présentation. Je regrette que nous devions légiférer ; une bonne négociation entre distributeurs et producteurs aurait permis d'éviter cela.

Le taux de location est la part du revenu généré par chaque billet vendu qui revient au distributeur. Historiquement, ce taux était de 35 % dans les outre-mer où il est appliqué de manière forfaitaire. Les distributeurs les plus importants souhaitent un alignement des taux de location sur ceux de l'Hexagone, plus proches du plafond de 50 % fixé par le code du cinéma et de l'image animée.

Cette augmentation serait insoutenable pour les exploitants ultramarins et pourrait aboutir à la fragilisation extrême du secteur, ainsi qu'à la fermeture d'établissements, laissant certains territoires dépourvus de salles de cinéma.

La proposition de loi vise à plafonner à 35 % le taux de location. Cette mesure permettrait d'assurer la pérennité des établissements et l'accès au cinéma pour les ultramarins. Sur le principe, nous y sommes favorables.

M. Jérémy Bacchi. - Il est important que la diffusion des films soit la plus large possible en outre-mer. Le cinéma est un art populaire, et tous nos concitoyens, quel que soit le territoire sur lequel ils vivent - y compris les territoires ruraux et les outre-mer -, doivent pouvoir accéder à une offre diversifiée.

Je regrette qu'un accord n'ait pu être possible entre les exploitants et les distributeurs. Passer par une proposition de loi est déjà un aveu d'échec. J'entends la menace que font peser les distributeurs. Même si on peut comprendre leurs difficultés, il me semble qu'ils n'emploient pas la meilleure manière pour engager le débat...

J'aimerais avoir des éléments chiffrés permettant d'évaluer le danger d'une augmentation du taux de location à l'avenir.

Notre groupe réserve sa position sur ce texte.

Mme Monique de Marco. - Je remercie la rapporteure de cette proposition de loi très technique.

On peut regretter que la négociation ait échoué, et nous comprenons les risques inhérents à ce texte, qui n'a pas été approuvé par les distributeurs. Néanmoins, nous souhaitons préserver l'activité culturelle qu'est le cinéma en outre-mer : nous voterons donc cette proposition de loi.

Mme Sylvie Robert, rapporteure. - On ne peut que regretter que la médiation ait échoué. La proposition de loi doit servir à faire bouger les choses, qui ne doivent pas rester en l'état.

Le ministre des outre-mer, qui sera au banc, est favorable au texte. La position de blocage de principe n'est pas un bon signal. Les distributeurs vont déjà obtenir plus, et le taux de 35 % correspond à la moyenne : je ne vois donc pas quels arguments ils pourraient avancer. J'espère que la raison reviendra, et que les distributeurs comprendront que cette mesure sert leurs intérêts, comme ceux des exploitants, afin que les populations des outre-mer puissent continuer à voir des films dans les cinémas. Car c'est bien d'une question d'égalité territoriale qu'il s'agit.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.

Proposition de loi n° 506 (2022-2023) visant à assurer la pérennité
des établissements de spectacles cinématographiques
et l'accès au cinéma dans les outre-mer

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »2(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie3(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte4(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial5(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 7 juin 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 506 (2022-2023) visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer. Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions :

- visant à encadrer le taux de location dans les cinémas d'outre-mer.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 30 mai 2023

- Centre national du cinéma et de l'image animée : MM. Vincent VILLETTE, directeur financier et juridique, et Lionel BERTINET, directeur du cinéma.

Mercredi 31 mai 2023

- Table ronde des distributeurs

. Distributeurs indépendants réunis européens (DIRE) : M. Thomas LEGAL, membre du conseil d'administration du DIRE et directeur des ventes de Wild Bunch, M. Hugues QUATTRONE, délégué général

. Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF) : M. Victor HADIDA, président, M. Olivier SNANOUDJ, vice-président, Mme Hélène HERSCHEL, déléguée générale

. Syndicat des distributeurs indépendants (SDI) : Mme Lucie COMMIOT, directrice de la distribution de Condor Distribution et membre du conseil d'administration, Mme Emmanuelle DÖRY, déléguée générale.

Mme Catherine CONCONNE, Sénatrice de la Martinique et auteure de la proposition de loi.

- Syndicat des exploitants de cinéma Outre-mer (SECOM) : Mme Alexandra ELIZÉ, présidente.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-506.html


* 1 https://www.interieur.gouv.fr/content/download/67843/493199/file/13066-13059-02-cin%C3%A9ma-outre-mer.pdf

* 2 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 3 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 4 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 5 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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