II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR VINCENT DELAHAYE

1. La soutenabilité du programme 105 a reposé au cours du précédent quinquennat sur une baisse des contributions obligatoires

La clôture de l'exercice 2022 est l'occasion pour le rapporteur spécial Vincent Delahaye de présenter une analyse de l'évolution des dépenses du programme 105 sur l'ensemble du quinquennat 2017-2022.

À cette fin, les développements suivants s'appuient sur les données du logiciel Chorus et sur une approche en « moyenne glissante » qui consiste à regarder les dépenses en tenant compte de celles engagées au cours des quatre années précédentes.

En effet, l'évolution de certains postes présente un caractère relativement erratique sur longue période - les crédits augmentent puis diminuent fortement d'un exercice à l'autre - qui ne permet que difficilement d'apprécier les priorités et les efforts de long terme du ministère. À l'inverse, une approche en moyenne glissante permet d'intégrer « le poids du passé » dans l'analyse des charges d'un programme.

Dans ce contexte, le rapporteur Vincent Delahaye observe que les dépenses du programme 105 ont diminué en moyenne sur la période 2017-2022 en crédit de paiements et hors titre 2 d'environ 1,6 %.

Évolution des crédits du programme 105 (hors dépenses de personnel)
depuis 2015

(en milliard d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les données CHORUS

Pour autant, il remarque que cette baisse s'explique pour 9,3 points de pourcentage par la contraction des dépenses engagées pour les opérations de maintien de la paix entre 2017 et 2022 et pour 1,2 point pour ce qui concerne les contributions internationales en euros et en devises.

Comme les rapporteurs l'avaient indiqué dans leur travail sur les contributions internationales publié en janvier 2022, le recul du poids de la France dans le revenu brut au niveau mondial s'est traduit par une baisse tendancielle des dépenses françaises en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix (OMP) et les contributions obligatoires.

Dès lors, le rapporteur Vincent Delahaye constate que les économies générées par la baisse des contributions obligatoires ont été « recyclées » au cours du quinquennat notamment pour alimenter les financements apportés aux contributions européennes (OSCE et FEP) mais également les dépenses immobilières, le fonctionnement du réseau ou, encore, le Centre de crise du ministère.

Décomposition de l'évolution en moyenne glissante des crédits de paiement
du programme 105 entre 2017 et 2022 (hors dépenses de personnel)

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les données CHORUS

Cette situation interroge car elle démontre que, finalement, si les contributions obligatoires n'avaient pas diminué en moyenne au cours du précédent quinquennat, les dépenses du programme 105 (« hors T2 ») auraient ainsi progressé très fortement.

Ainsi, le rapporteur conclue que les efforts de maitrise des dépenses du ministère ont reposé, en ce qui concerne le programme 105, sur des postes sur lesquels il n'a qu'une prise limitée ce qui constitue une pratique risquée.

2. Les dépenses de personnel continuent d'augmenter ce qui pose un risque pour la mission dans son ensemble

Le constat précédent alerte d'autant plus le rapporteur Vincent Delahaye que les dépenses de personnel de la mission n'apparaissent plus vraiment maitrisées. En 2022, elles atteignent 866,4 millions d'euros, en hausse de plus de 50 millions d'euros par rapport au précédent exercice.

Cette hausse résulte principalement de la mise en oeuvre de mesures générales et catégorielles nouvelles dans le cadre de l'agenda social du ministère (pour plus de 22 millions d'euros) ainsi que d'une hausse du coût des indemnités de résidence à l'étranger (IRE).

Décomposition des facteurs d'évolution des dépenses de personnel de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le rapporteur Vincent Delahaye l'avait indiqué lors de l'examen des crédits de la mission au projet de loi de finances initiale
pour 2023, les dépenses de personnel ont augmenté très sensiblement tout au long du dernier quinquennat que ce soit en valeur ou en volume une fois tenu compte de l'inflation.

Évolution en valeur et en volume des dépenses de personnel de la mission
Action extérieure de l'État

(en millions d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le ministère a, ainsi, abandonné au cours du quinquennat les objectifs de maitrise de la masse salariale qu'il s'était fixés dans le cadre d'Action Publique 2022 ce qui ne participe pas à rassurer quant à sa capacité à conduire des efforts de maitrise des dépenses.

En outre, le rapporteur Vincent Delahaye estime que la hausse du coût des indemnités de résidence à l'étranger en 2022 n'est pas acceptable. Comme l'ont montré les travaux conduits avec le rapporteur Rémi Féraud en 2020 sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères1(*), le montant final de l'indemnité s'éloigne trop fortement des règles prévues pour tenir objectivement compte de la situation des postes diplomatiques. En outre, ces indemnités ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu ce qui implique que l'État « paye deux fois » : la première pour l'indemnité, la seconde au titre du coût de l'exonération.

Le rapporteur Vincent Delahaye insiste sur la nécessité pour le ministère de mettre enfin en oeuvre une réforme de l'IRE permettant de la rendre plus objective et moins coûteuse pour les finances publiques.


* 1 Masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères : maîtriser la dépense en préservant la qualité du réseau, Rapport d'information n° 729 (2018-2019), déposé le 18 septembre 2019.