N° 771

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11c
Écologie, développement et mobilité durables

(Programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie »)

BUDGET ANNEXE : CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS

Rapporteur spécial : M. Vincent CAPO-CANELLAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125

Sénat : 684 (2022-2023)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. L'année 2022 a amorcé une véritable dynamique de reprise du trafic aérien même s'il subsiste des situations de fragilité. Un retour du trafic à son niveau d'avant-crise est désormais attendu pour la fin de l'année 2023 ou le début de l'année 2024.

2. Le rendement des redevances de navigation aérienne (1,5 milliard d'euros et 65 % des ressources du BACEA) a doublé en 2022 mais demeure inférieur de 60 millions d'euros aux recettes perçues en 2019.

3. Alors que la DGAC prévoit d'entamer un cycle de désendettement à partir de 2023, sa crédibilité budgétaire et la soutenabilité de sa trajectoire d'investissements dépendra de sa capacité à respecter cet engagement.

4. La perspective de désendettement du BACEA est conditionnée à des réformes ambitieuses, notamment en matière d'organisation du travail.

5. Pour la première fois depuis plusieurs années, le schéma d'emploi 2022 de la DGAC était négatif à hauteur de 72 ETP. Il a été respecté en exécution.

6. Il est impératif de sécuriser les capacités du contrôle aérien à faire passer le trafic alors qu'une vague massive de départs à la retraite se profile à la fin de la décennie.

7. Les enjeux liés au bon calibrage des recrutements de contrôleurs aériens sont majeurs pour l'économie du transport aérien. Il est très probablement beaucoup plus dommageable pour l'économie nationale de sous-estimer les besoins de recrutement de contrôleurs que l'inverse mais une étude approfondie devrait être conduite pour objectiver ce sentiment partagé par la plupart des acteurs du secteur.

8. La DGAC vient de relancer les négociations du nouveau protocole social. Le rapporteur spécial sera attentif à l'accord qui résultera du processus de concertation. Le nouveau protocole devra cette fois bel et bien concrétiser une vraie amélioration de la performance des services de la DSNA.

9. Le coût total des programmes de modernisation du contrôle aérien avoisine les 2,1 milliards d'euros dont 0,7 milliard restent encore à financer.

10. En 10 ans, le plafond d'emploi de Météo-France s'est contracté de près d'un quart. La réduction des effectifs de l'opérateur et la contraction de sa SCSP se sont inscrits dans le cadre d'une restructuration profonde de son réseau territorial. Constatant que l'on était parvenu au bout de ce processus et que les dérèglements climatiques induisaient de nouveaux enjeux pour l'opérateur, le rapporteur avait appelé à une stabilisation des moyens de l'établissement à compter de 2023. Cette recommandation a été mise en oeuvre dans le cadre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

11. Si le rapporteur spécial salue l'engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM) signé entre l'IGN et la direction du budget, il rappelle que la soutenabilité du nouveau modèle de l'opérateur, qui repose à ce stade sur plusieurs hypothèses fortes, dépendra des équilibres budgétaires post 2024.

12. L'exercice 2022 a confirmé le point de bascule symbolique intervenu en 2021 et révélateur de la transition du modèle économique de l'IGN. Désormais, les ressources propres tirées des grands programmes auxquels participe l'opérateur sont devenues majoritaires dans les recettes globales de l'établissement.

13. La SCSP du Cerema a poursuivi sa diminution en 2022 et l'opérateur a dû assumer sur son propre budget les dépenses supplémentaires occasionnées par la revalorisation du point d'indice (2,6 millions d'euros) et la crise des prix de l'énergie (1 million d'euros).

14. À compter de 2023, les moyens du Cerema doivent se stabiliser. Le rapporteur spécial a pu souligner au cours de l'examen du PLF 2023 que cette inflexion était devenue une nécessité pour préserver les capacités de l'établissement à répondre aux nouvelles sollicitations dont il fait l'objet.

15. Le niveau très insuffisant des dépenses d'investissement du Cerema est préoccupant. Cette situation, génératrice d'obsolescence de ses outils techniques, obère les perspectives de l'opérateur.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2022

1. La dynamique de reprise du trafic aérien s'est accélérée en 2022

La crise sanitaire avait interrompu une tendance de croissance forte et continue du transport aérien. L'année 2022 a amorcé une véritable dynamique de reprise du trafic aérien même s'il subsiste des situations de fragilité, notamment s'agissant des liaisons avec la Chine. En France, le trafic passagers a atteint 80 % de son niveau de 2019. Au mois de décembre 2022, en France, le trafic représentait 94 % des chiffres du même mois en 2019. Un retour du trafic à son niveau d'avant-crise est désormais attendu pour la fin de l'année 2023 ou le début de l'année 2024.

Le trafic dans les aéroports français a progressé de 91 % en 2022 mais demeure là aussi inférieur d'environ 19 % à son niveau d'avant crise. 174 millions de passagers commerciaux ont fréquenté les aéroports de l'hexagone en 2022, contre plus de 214 millions en 2019. Le trafic aéroportuaire de 2022 est ainsi comparable à celui de 2013 (172 millions de passagers).

2. Sans retrouver encore leur niveau d'avant la crise sanitaire, les recettes du BACEA sont portées par la reprise du trafic

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2022

(en millions d'euros)

 

LFI 20221(*)

Reports entrants

Décret d'avance

LFR

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 754,5

10,4

- 20,8

9,8

6,8

1 760,7

1 736,0

98,6 %

612- Navigation aérienne

581,8

41,7

-

- 3

10,5

630,9

615,5

97,6 %

614 Transports aériens, surveillance et certification 

45,1

1,5

-

0,9

6,4

53,9

50,7

94,1 %

Total BACEA

2 381,4

53,6

-20,8

7,7

18,3

2 445,5

2 402,2

98,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En loi de finances initiale (LFI) pour 2022 des crédits de 2,4 milliards d'euros2(*) avaient été adoptés. Compte tenu des reports, des fonds de concours, du décret d'avance du, des lois de finances rectificatives, des attributions de produits et des annulations, le total des crédits disponibles s'est élevé, en 2022, à 2,5 milliards d'euros en AE et 2,4 milliards d'euros en CP. Au cours de la gestion, les taux de consommation des crédits se sont élevés à 96,3 % pour les AE et 98,2 % pour les CP.

Évolution des crédits du BACEA 2021-2022

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2021

LFI 20223(*)

Total crédits disponibles 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021

(en %)

612 « Navigation aérienne »

AE

600,9

581,3

699,9

619,3

+ 3,1 %

CP

592,7

589,8

630,9

615,5

+ 3,8 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

AE

1 584,9

1 754,9

1 752,6

1 742,9

+ 10,0 %

CP

1 577,4

1 754,9

1 760,7

1 736,0

+ 10,1 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

AE

45,0

55,1

56,1

53,6

+ 19,1 %

CP

43,5

55,1

53,9

50,7

+ 16,6 %

Total

AE

2 230,8

2 391,3

2 508,6

2 415,8

+ 8,3 %

CP

2 213,6

2 399,7

2 445,5

2 402,2

+ 8,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2022, les recettes du BACEA se sont établies à 2,4 milliards d'euros. Les recettes d'exploitation ont presque doublé pour dépasser les 2 milliards d'euros. Elles sont néanmoins restées inférieures d'environ 200 millions d'euros aux niveaux constatés avant la crise sanitaire.

Variation des recettes d'exploitation du BACEA
entre 2018 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2022, les redevances de navigation aérienne ont représenté 65 % des ressources du BACEA. Ce niveau était tombé à 30 % en 2020, au plus fort de la crise. En 2019, le ratio s'était établi à 75 %.

Principales recettes du BACEA en 2022

(en millions d'euros)

 

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/ LFI 2022

Variation exécution 2022 / exécution 2021

Redevances de route

635,4

1 087,0

1 301,1

+ 19,7 %

+ 104,8 %

RSTCA-M

118,6

190,0

186,1

- 2,1 %

+ 56,9 %

RSTCA-OM et redevance océanique

25,8

30,0

43,5

+ 45,0 %

+ 68,6 %

Redevances de surveillance et de certification

28,7

24,1

20,9

- 13,3 %

- 27,2 %

Taxe de l'aviation civile

206,3

330,8

422,4

+ 27,7 %

+ 104,8 %

Frais taxes pour compte tiers

3,2

4,5

6,2

+ 37,8 %

+ 93,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2022 les sommes reçues par le BACEA au titre des redevances de navigation aérienne ont doublé par rapport à 2021, année encore très marquée par les répercussions de la crise sanitaire sur le trafic, pour s'établir à 1 531 millions d'euros. Ce montant est supérieur de plus de 200 millions d'euros (+ 17 %) aux prévisions inscrites en LFI qui se basaient sur des hypothèses de trafic moins optimistes. Il reste néanmoins inférieur de 60 millions d'euros aux recettes perçues en 2019.

Variation du montant de redevances aériennes perçu par le BACEA
entre 2018 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toujours en raison de la reprise du trafic, le rendement de la taxe de l'aviation civile, désormais appelée tarif de l'aviation civile, s'est accru de 134 millions d'euros (soit 46 %) pour atteindre 422 millions d'euros, un montant supérieur de 28 % aux prévisions de la LFI. Il demeure néanmoins encore inférieur de 60 millions d'euros (12 %) au rendement constaté en 2019.

Évolution des rendements de taxe d'aviation civile entre 2009 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La crédibilité budgétaire de la DGAC et la soutenabilité de sa trajectoire d'investissements dépendront de sa capacité à respecter son engagement de résorber la dette du BACEA

Après une phase de désendettement, le BACEA, confronté à l'effondrement de ses recettes, a eu à recourir massivement à l'emprunt en 2020 puis en 2021. En 2022 en revanche, du fait d'une reprise du trafic plus forte qu'escomptée, le BACEA n'a eu recours à l'emprunt qu'à hauteur de 352 millions d'euros, soit la moitié de l'autorisation qui lui avait été donnée en LFI (709,5 millions d'euros). À la fin de l'année 2022, l'encours de dette du BACEA (2,7 milliards d'euros) affiche ainsi une quasi stabilité (+ 1 %) par rapport au 31 décembre 2021.

Évolution de l'encours de dette du budget annexe de 2008 à 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La DGAC prévoit d'entamer un cycle de désendettement à partir de 2023 avec un objectif de réduire l'encours de dette du BACEA à 1,3 milliard d'euros d'ici cinq ans.

Le rapporteur spécial souscrit à cette ambition volontariste. La concrétisation de cet engagement est d'ailleurs pour la DGAC un gage de crédibilité indispensable. Ce n'est qu'à cette condition qu'elle pourra disposer sur le long terme, des moyens financiers significatifs dont elle a besoin pour moderniser ses outils et ses infrastructures.

Cette perspective de désendettement, reste cependant conditionnée à des réformes ambitieuses, notamment en matière d'organisation du travail, dont certaines des pistes ont pu être tracées dans des rapports récents, notamment le rapport confidentiel de la mission commune confiée à l'inspection générale des finances (IGF) et au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), remis au Gouvernement en juillet 2021, ainsi que le rapport de la Cour des comptes d'avril 2021 sur la politique des ressources humaines de la DGAC.

2. Il est impératif de sécuriser les capacités du contrôle aérien à faire passer le trafic alors qu'une vague massive de départs à la retraite se profile

Concentrées sur le programme 613 « soutien aux prestations de l'aviation civile », les dépenses de personnel de la DGAC se sont élevées à 1 220 millions d'euros en 2022. Elles représentent 60 % des dépenses du BACEA4(*). Après deux années de sous-exécution, ces dépenses ont été légèrement sur-exécutées en 2022 (100,5 %) pour retrouver leur niveau de 2019. Cette sur-exécution s'explique par la reprise des expérimentations d'optimisation de l'organisation du travail des contrôleurs aériens5(*) ainsi que par des mesures générales dont la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

En raison des conséquences de la crise sur le transport aérien6(*), pour la première fois depuis plusieurs années, le schéma d'emploi 2022 de la DGAC était négatif à hauteur de 72 ETP. Il a été respecté en exécution. Comme au cours des gestions précédentes, des écarts significatifs entre les entrées et les sorties programmées et celles effectivement constatées ont cependant été observés.

Puisque la formation des contrôleurs aériens dure aujourd'hui cinq ans7(*), l'anticipation des besoins d'effectifs et des recrutements pour ne pas se retrouver en situation de manque de capacités est une nécessité pour la DGAC. Dans un tel contexte, l'exercice de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est certes complexe mais absolument vital pour garantir à moyen long terme les capacités du contrôle aérien à faire passer le trafic et, par conséquent, la compétitivité du secteur aérien et des compagnies. Les enjeux économiques liés à la question de la prévision des besoins de ressources humaines de la DGAC et au bon calibrage des recrutements avec une anticipation de cinq années sont majeurs pour le transport aérien.

Le rapporteur spécial a ainsi le sentiment qu'il est très probablement beaucoup plus dommageable pour l'économie nationale, du fait des pertes potentiellement massives susceptibles d'être occasionnées pour les compagnies8(*), de sous-estimer les besoins de recrutement de contrôleurs aériens que l'inverse. Il considère cependant qu'une étude approfondie devrait être conduite afin d'approfondir et d'objectiver ce sentiment qui est au demeurant partagé par la plupart des acteurs du domaine aérien. Dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe »9(*), le rapporteur spécial avait d'ailleurs déjà insisté sur cette problématique et sur les conséquences potentiellement extrêmement négatives du déficit de capacité de la DSNA.

Or, la DGAC prévoit une vague importante de départs à la retraite à l'approche de la fin de la décennie. Aussi, à l'occasion des travaux de préparation du projet de loi de programmation des finances publiques et de la définition du budget quinquennal du BACEA, la DGAC a négocié, au cours de l'été 2022, avec la direction du budget, une trajectoire pluriannuelle (2023-2027) d'évolution de ses effectifs qui doit permettre de compenser la vague de départs à venir. Cette trajectoire comporte également un volet de gains de productivité qui sont attendus du processus de modernisation des outils du contrôle aérien (voir infra). Le nombre de nouvelles promotions d'ICNA a ainsi vocation à progresser de trois à cinq par an afin de répondre à cet enjeu. Cette trajectoire prévisionnelle aura vocation à être ajustée en fonction notamment de l'affinement des prévisions de trafic.

Comme il a déjà pu le souligner à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2023 et considérant que l'anticipation des besoins de la DGAC en ce qui concerne les recrutements de contrôleurs aériens est un enjeu déterminant de l'économie aérienne, le rapporteur spécial salue la définition commune avec la direction du budget de cette programmation de moyen - long terme. Il la suivra avec attention et s'assurera qu'elle permette effectivement de sécuriser les capacités de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) à écouler le trafic aérien avec la meilleure fluidité possible.

Dans ses précédents rapports budgétaires, le rapporteur spécial s'est intéressé au bilan du protocole social 2016-201910(*). L'idée directrice et le principe de ces protocoles négociés par la DGAC avec les organisations syndicales est celle d'une forme de « donnant - donnant ». Ces accords devaient en particulier autoriser une plus grande flexibilité des horaires des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) pour une meilleure adaptation des tours de services à un trafic de plus en plus concentré sur les périodes de pointe. Cette exigence de flexibilité est encore plus essentielle aujourd'hui du fait des évolutions du trafic constatées suite à la crise sanitaire. En contrepartie, des mesures catégorielles en faveur des personnels sont intégrées à ces protocoles (pour une cinquantaine de millions d'euros dans le cadre du protocole 2016-2019).

Du fait de la crise sanitaire les négociations du nouveau protocole social prévu initialement sur la période 2020-2024 avaient dû être suspendues. Au début de l'année 2023, la DGAC a relancé sa négociation avec les partenaires sociaux.

Le rapporteur spécial sera attentif à l'accord qui résultera du processus de concertation. Comme il a pu le souligner dans ses précédents rapports budgétaires et notamment en raison des conséquences financières pour la DGAC des précédents protocoles, il continue de s'interroger sur l'efficience de cet exercice. Il a le sentiment que l'application des protocoles s'est jusqu'ici éloignée de la logique initiale de « gagnant - gagnant » pour un résultat « gagnant - perdant » au détriment de la performance du contrôle aérien et de la compétitivité du transport aérien qui finance les services de la navigation aérienne. Le nouveau protocole devra cette fois bel et bien concrétiser une vraie amélioration de la performance des services de la DSNA.

En 2022, la DGAC a engagé la mise en oeuvre du programme de réorganisation et de mutualisation de ses fonctions supports décidé en 2021. Comme prévu, huit secrétariats interrégionaux (SIR) ont été mis en place en métropole au 1er janvier 202211(*). La DGAC s'attend à économiser 200 ETP d'ici 2025 en raison de cette réorganisation. 900 000 euros auraient été économisés en 2022.

3. L'atterrissage lent et coûteux des programmes d'investissements de la DSNA

L'essentiel des dépenses d'investissements du BACEA (209,6 millions d'euros) sont portées par le programme 612 « Navigation aérienne » pour financer les grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne.

La tendance à la progression des dépenses d'investissement du BACEA s'est accélérée en 2022 (+ 14 %).

L'évolution des dépenses d'investissement entre 2013 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le coût total des programmes de modernisation du contrôle aérien avoisine les 2,1 milliard d'euros. Sur ces programmes, 0,7 milliard d'euros restent encore à financer.

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2022 (en CP)

Coût total programme après 2022 (en CP)

Coût total programme

4-Flight

2011-2026

745,8

139,4

885,2

Coflight

2003-2027

248,8

60,7

309,5

Sysat

2012-2032

94,7

335,3

430,0

Erato

2002-2015

127,2

-

127,2

NVCS

2012-2027

64,3

44,1

108,4

CATIA

2020-2025

5,7

31,8

37,5

Data Link

2006-2022

32,6

-

32,6

Seaflight

2012-2027

22,9

8,1

31,0

Autres programmes

-

75,4

48,8

124,2

Total

-

1 417,4

668,2

2 085,6

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces programmes ont pris un retard considérable et généré des surcoûts massifs. Le coût total du programme 4-Flight est ainsi passé de 450 millions d'euros en 2011 à plus de 885 millions d'euros aujourd'hui, tandis que celui du système Coflight a plus que doublé, passant de 153 millions d'euros en 2003 à 309,5 millions d'euros.

Le nouveau système 4-Flight a été installé au printemps 2022 dans le CRNA de Reims puis en décembre de la même année dans le centre d'Aix-en-Provence. La prochaine étape du déploiement est actuellement prévue en janvier 2024 au CRNA Nord d'Athis-Mons. Les CRNA de l'Ouest (Bordeaux et Brest) doivent quant à eux basculer au cours de l'hiver 2025-2026.

Le déploiement de 4-Flight à Reims s'est traduit par un certain nombre de difficultés qui ont été résolues de façon efficace grâce à un partenariat resserré entre la DSNA et l'industriel Thalès. Les principales difficultés provenaient du fonctionnement du système Coflight dont l'interdépendance avec 4-Flight est particulièrement structurante. De premiers gains de capacités sont d'ores et déjà observés sur la gestion du trafic dans l'espace aérien supérieur mais les conséquences des mouvements sociaux de ces derniers mois rendent moins lisibles les effets concrets du déploiement de l'outil sur la performance du contrôle aérien.

Le programme Sysat de modernisation des tours et approches de la DSNA s'est soldé par un échec. En 2021, la DSNA a dû se résoudre à ce constat. Le projet initial, dans ses volets parisien (Sysat G1) et provincial (Sysat G2), a été abandonné.

Le projet Sysat G1 a été profondément restructuré en dissociant les plateformes de Roissy-Charles de Gaulle et d'Orly. Le contrat avec le consortium industriel SAAB-CS ne porte plus que sur l'aéroport d'Orly et vise désormais à mettre en service, d'ici aux jeux olympiques de 2024, un système tour standard déjà opérationnel sur d'autres plateformes aéroportuaires. Pour l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, le programme a été largement revu à la baisse et ne prévoit plus, à court terme, qu'un simple objectif de sécurisation du système actuel de surveillance au sol. Dans le même temps, le projet Sysat G2 en est revenu au stade de la réflexion.

III. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe les subventions pour charges de service public (SCSP) de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ainsi que les moyens du commissariat général au développement durable (CGDD).

Les crédits autorisés par LFI pour 2022 sur ce programme s'élevaient à 471 millions d'euros (AE = CP), en baisse de 2 % par rapport à 2021. La totalité des crédits disponibles en 2022 a atteint 481 millions d'euros et, comme en 2021, leur consommation effective (480 millions d'euros) a avoisiné les 100 %.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2022

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2022

Reports entrants

Décret d'avance

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

471,1

1,0

-6,0

+6,5

+8,6

0,1

481,3

479,8

99,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. En 2022, il est apparu manifeste que la tendance à la baisse des moyens de Météo-France n'était plus tenable

Au cours de la période 2018-2022, la trajectoire budgétaire de Météo-France a été encadrée par un contrat budgétaire conclu en juin 2019. S'il a donné une visibilité bienvenue à un établissement en phase de transformation et engagé dans un programme ambitieux de renouvellement de sa puissance de calcul, il n'en était pas moins exigeant en termes budgétaires.

La SCSP effectivement versée à Météo France s'est établie à 173,1 millions d'euros en 2022, en baisse de près de 20 % en une décennie.

Évolution de la SCSP versée à Météo-France (2012-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La SCSP de l'opérateur a été majorée en toute fin d'année 2022 par un complément exceptionnel de 6 millions d'euros destiné à compenser en partie et de manière anticipée les conséquences de l'augmentation des prix de l'électricité pour l'opérateur en 2023. Fin 2022, Météo-France anticipait une augmentation d'environ 10 millions d'euros en 2023 sur ce poste de dépenses. En 2022, les conséquences de la crise des prix de l'énergie se seraient traduites par une majoration de 1,8 million d'euros des dépenses de l'opérateur.

En 2022, Météo-France a également perçu 6,1 millions d'euros au titre de la dotation de l'État destinée à contribuer au financement de ces nouveaux supercalculateurs. Enfin, l'opérateur a également bénéficié d'une subvention de 2,4 millions d'euros de la part du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH) destiné à accompagner son projet de transformation.

Aussi, au total, en 2022, Météo-France a perçu du programme 159 des dotations à hauteur de 187,6 millions d'euros.

Dotations versées à Météo-France via le programme 159 en 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, en fin d'année 2022, Météo-France a reçu deux subventions complémentaires :

- 4,2 millions d'euros financés par le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » afin de compenser les effets de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet 2022 ;

- 2,3 millions d'euros depuis le programme 181 « Prévention des risques » destinés à l'acquisition de bouées instrumentées qui seront déployées au large de la Corse à la suite des évènements dramatiques survenus le 18 août 2022.

En 2022, l'opérateur Météo France a respecté son schéma d'emploi en réduisant ses effectifs de 60 ETP. Dans son rapport d'information du 22 septembre 2021 « temps instable sur Météo-France : quand le refroidissement budgétaire se confronte au réchauffement climatique »12(*), le rapporteur spécial avait alerté sur le fait que le schéma d'emplois prévu à l'origine par le contrat budgétaire (- 95 ETP) ne pourrait pas être réalisé. Il était devenu irréaliste et dangereux du fait de retard pris dans certaines opérations d'automatisation. Aussi, le rapporteur spécial avait-il formulé la recommandation d'ajuster le schéma d'emplois prévu en 2022. Il avait ainsi accueilli favorablement l'assouplissement du schéma d'emploi de Météo-France prévu en LFI pour 2022.

En 2022, Météo-France comptait 2 561 ETPT sous plafond et 51 ETPT hors plafond. Les possibilités des emplois hors plafond de l'établissement ont été encore une fois nettement sous-exécutées (la LFI autorisait 105 ETPT hors plafond) du fait de restrictions réglementaires qui, pour répondre à la commande d'une entité publique, conditionnent ce type de recrutements à la publication d'un appel d'offre, les contrats dits « in house », pouvant déroger aux règles de la commande publique, ne permettant pas actuellement de réaliser de tels recrutements.

Évolution du plafond d'emploi fixé à Météo-France (2012-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 10 ans, le plafond d'emploi de l'établissement s'est contracté de près d'un quart. Dans le même temps, la masse salariale de l'opérateur reste légèrement orientée à la baisse en 2022 à 239,7 millions d'euros. En 10 ans, elle a diminué de 11 %.

Évolution de la masse salariale de Météo-France (2012-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réduction des effectifs de l'opérateur et la contraction de sa SCSP se sont inscrits dans le cadre d'une restructuration profonde de son réseau territorial. Entamée en 2012, cette restructuration, achevée en 2022, a conduit à une contraction de 66 % des implantations territoriales de Météo-France.

Dans son rapport de 2021 précité, le rapporteur spécial avait souligné que la poursuite de la trajectoire budgétaire de l'opérateur n'était plus tenable compte-tenu des efforts significatifs déjà réalisés depuis dix ans et des défis exigeants qui se dressent devant Météo-France, en particulier du fait des conséquences des dérèglements climatiques sur les phénomènes météorologiques extrêmes. Aussi, le rapporteur spécial avait formulé la recommandation de stabiliser les moyens financiers et les effectifs de l'opérateur à compter de 2023 et sur l'ensemble de la période de son nouveau contrat d'objectifs et de performance (2022-2026). Il se félicite que cette inflexion qu'il avait appelée de ses voeux ait été suivie d'effet dans le cadre de la LFI pour 2023, l'exercice actuel étant le premier depuis 10 ans au cours duquel la SCSP et les effectifs de Météo-France ne baisseront pas.

Alors que Météo-France a mis en service ses nouveaux supercalculateurs en 2021 dans le cadre de son plan Calcul 2020, la course à la puissance de calcul continue de plus belle entre services météorologiques. En effet, les capacités de calcul intensif ont des traductions très concrètes sur la performance des modèles de prévision numérique du temps (PNT), elles sont incontournables pour permettre une prévision plus fine des phénomènes météorologiques extrêmes. Dans ce contexte, l'opérateur et ses tutelles ont décidé de lancer un nouveau programme de développement de la puissance de calcul de Météo-France à horizon 2026. Ce projet a été validé par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) en 2022.

En raison d'évolutions technologiques, le coût de cet investissement devrait plus que doubler par rapport à celui du plan calcul 2020. Le nouveau projet pourrait ainsi coûter près de 350 millions d'euros13(*). Une étude de la société Citizing de septembre 2021 portant sur « l'évaluation socioéconomique du renouvellement des supercalculateurs de Météo-France en 2025 » estime cependant qu'une nouvelle multiplication par six de la puissance de calcul, telle qu'elle est prévue dans ce nouveau projet, pourrait générer des gains socio-économiques de l'ordre de 1,4 milliard d'euros pour une valeur actuelle nette d'environ 1,1 milliard d'euros, soit un retour sur investissement proche de cinq euros pour un euro investi.

2. Alors que l'IGN poursuit sa transformation, sa trajectoire budgétaire s'inscrit désormais dans un contrat pluriannuel

Dans son rapport d'information publié au mois de novembre 2022 et intitulé « acteur de référence de la donnée géolocalisée souveraine, l'IGN avance sur un chemin à baliser »14(*), le rapporteur spécial s'est penché sur les implications financières de la profonde transformation engagée par l'opérateur depuis 2019. Remis en cause dans son identité et contesté dans sa légitimité, l'établissement devait se réformer pour rester un opérateur de référence en matière d'information géographique. Cette transformation suppose un profond bouleversement du modèle de l'IGN qui, de façon schématique, évolue progressivement de la production-diffusion d'information géographique vers des missions d'agrégateur de données, d'expert, de coordinateur ou de certificateur tout en concentrant son activité de production sur les données souveraines. Dans le cadre de ce nouveau modèle, l'opérateur recentre ses moyens vers le pilotage de vastes projets d'accompagnement de grandes politiques publiques financés par leurs commanditaires en dehors de la SCSP.

Comme le rapporteur spécial a pu le souligner dans son rapport d'information précité, et face au risque d'emprise des GAFAM sur ce secteur stratégique, l'IGN constitue un outil indispensable pour garantir un exercice de la souveraineté nationale fondé sur des données géolocalisées indépendantes.

À ce stade, l'activité de l'IGN se trouve stimulée par son nouveau modèle. D'environ 150 millions d'euros avant le lancement de la réforme, le budget de l'IGN devrait se situer entre 170 et 180 millions d'euros jusqu'en 2024. Cette croissance à effectifs constants, et même en diminution, s'explique par l'effet de levier généré par le recours à la sous-traitance. Cette situation révèle également que les multiples projets auxquels participe l'IGN ont saturé ses moyens humains.

Dépenses et recettes effectives de l'IGN (2017-2022)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En janvier 2022, l'IGN, ses autorités de tutelle et la direction du budget (DB) ont conclu un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM) sur la période 2022-2024, un contrat qui s'apparente aux anciens contrats d'objectifs et de moyens15(*) et qui retrace les engagements réciproques de l'opérateur et de l'État. Pour conduire sa refondation, l'IGN avait besoin d'un assouplissement et d'une visibilité budgétaire à moyen-terme. Cette contractualisation prévoit ainsi la stabilisation de la SCSP de l'établissement ainsi qu'un assouplissement de son schéma d'emploi jusqu'en 202416(*).

Le rapporteur spécial salue cet accord tout en soulignant que la soutenabilité du nouveau modèle de l'IGN dépendra des équilibres budgétaires post 2024. Il rappelle que la viabilité économique de long terme de l'opérateur repose sur plusieurs hypothèses qu'il faudra vérifier : un gel du schéma d'emploi et de la SCSP à compter de 2025, le bouclage du financement des programmes Lidar HD et OCS GE, la conclusion de nouveaux contrats pour 100 millions d'euros sur la période 2024-2027 tout en maintenant des flux financiers conséquents en provenance de ses deux principaux clients institutionnels (le ministère de l'agriculture et le ministère de la défense) dont son équilibre économique demeure encore beaucoup trop dépendant.

Au cours de l'exercice budgétaire 2022, l'IGN a perçu 84,3 millions d'euros en provenance du programme 159 au titre de sa SCSP historique, soit une très légère baisse de 0,8 % en comparaison de l'année précédente.

De façon exceptionnelle et ponctuelle, l'IGN a bénéficié, en 2022, des subventions suivantes :

- 4,3 millions d'euros alloués par le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilités durables » pour apurer la dette de l'établissement à certains de ses agents17(*), au titre de l'indemnité spéciale et de l'indemnité spéciale de service dans le cadre de la réforme des régimes indemnitaires des corps et emplois techniques relevant du ministère de la transition écologique et suite à la publication de deux décrets en octobre 2022 déterminant les détails de cette réforme ;

- 1,3 million d'euros pour compenser l'incidence de l'augmentation du point d'indice de la fonction publique ;

- 0,6 million d'euros alloués par le FAIRH pour accompagner la transformation de l'opérateur.

En 2022, les emplois sous plafond de l'IGN ont représenté 1 437 ETPT.

L'exercice 2022 a confirmé le point de bascule symbolique intervenu en 2021 et révélateur de la transition du modèle économique de l'établissement. Désormais, les ressources propres, tirées des grands programmes auxquels participe l'IGN, sont devenues majoritaires dans les recettes globales de l'établissement.

Évolution de la part de la SCSP dans les ressources de l'IGN (2016-2022)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Dans le cadre de la transformation de son modèle et du fait des évolutions technologiques accélérées dans le domaine de l'information géolocalisée, l'IGN a de nouveaux besoins de compétences. Pour les satisfaire, il a engagé un programme de recrutement et de formation visant à développer 150 nouveaux postes d'ici 2024 sur des compétences émergentes18(*). Fin 2022, 83 des 150 postes attendus avaient été pourvus.

3. Après des années difficiles, les perspectives du Cerema semblent s'éclaircir

La SCSP effectivement perçue par le Cerema a poursuivi sa diminution en 2022 (- 1,8 %) pour s'établir à 186,9 millions d'euros. Entre 2014 et 2022, la SCSP du Cerema s'est contractée de 17 %. En outre, en 2022, le Cerema a dû assumer sur son propre budget les dépenses supplémentaires occasionnées par la revalorisation du point d'indice (2,6 millions d'euros) et la crise des prix de l'énergie (1 million d'euros).

Évolution de la SCSP versée au Cerema (2014-2022)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Si elle s'est fortement ralentie en 2022, la tendance à la baisse des effectifs du Cerema s'est néanmoins poursuivie au cours de cet exercice. En 2022, le nombre de ses emplois sous plafond a ainsi diminué de 14 ETPT pour s'établir à 2 456 ETPT.

À compter de 2023, les moyens du Cerema doivent se stabiliser. Le rapporteur spécial a pu souligner au cours de l'examen du PLF 2023 que cette inflexion était devenue une nécessité pour préserver les capacités de l'établissement à répondre aux nouvelles sollicitations dont il fait l'objet. Il a par ailleurs ajouté que si le succès de la quasi-régie conjointe (voir infra) se confirme, pour éviter une tension excessive sur les effectifs du Cerema, de nouveaux recrutements hors plafond financés par ses ressources propres pourraient s'avérer indispensables sauf à fragiliser le nouveau modèle économique de l'établissement.

Évolution du plafond d'emploi du Cerema et de son exécution (2015-2022)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après avoir déjà progressé de plus d'un tiers en 2021, les revenus d'activité du Cerema ont poursuivi leur augmentation très rapide en 2022 en tutoyant les 60 millions d'euros (+ 35 % en un an). Ce résultat inattendu représente un montant plus de 40 % supérieur aux prévisions du budget initial.

Le rapporteur spécial reste inquiet du niveau très insuffisant des dépenses d'investissement de l'établissement : 7,8 millions d'euros en 2022. Cette insuffisance récurrente se traduit par un phénomène d'obsolescence préoccupant des outils techniques du Cerema et pourrait à terme fragiliser les perspectives de l'opérateur. Pour maintenir les capacités de l'opérateur, ses dépenses d'investissements annuelles devraient être deux fois supérieures à la moyenne constatée ces dernières années.

Évolution des dépenses d'investissement du Cerema depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

L'article 159 de loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dit loi « 3DS », a ouvert la voie à une nouvelle ère et à un nouveau modèle économique pour l'opérateur. La loi prévoit de faire de l'établissement un outil partagé entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique dit de « quasi-régie conjointe ».

Ce modèle permet aux collectivités qui font le choix d'adhérer d'attribuer au Cerema des marchés publics par simple voie conventionnelle, sans application des obligations de publicité et de mise en concurrence exigées par le code de la commande publique. Les collectivités adhérentes s'engagent sur une durée de quatre ans et s'acquittent d'une cotisation selon leur démographie ou en fonction de leur type selon un barème délibéré en conseil d'administration. Le premier barème a été voté par le conseil d'administration du 6 octobre 2022.

Le Cerema affiche des ambitions très optimistes quant au déploiement de son nouveau modèle. Dès 2023, il estime que plus de 600 collectivités devraient adhérer à la quasi-régie et, à terme, en 2027, il en attend 2 000.

Du fait des opportunités permises par son nouveau régime de quasi-régie, le Cerema prévoit de multiplier par 2,6 les recettes qu'il perçoit des collectivités d'ici 2027.

Évolution prévisionnelle des ressources propres du Cerema dont les recettes
provenant des collectivités territoriales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial voit favorablement l'approfondissement des relations entre le Cerema et les collectivités.

Il constate également que les programmes du plan de relance dans lesquels le Cerema est impliqué ont poursuivi leur mise en oeuvre en 2022.

Le Cerema pilote « le programme national ponts » qui propose un appui en ingénierie aux communes. Pour l'exercice 2022, le Cerema a perçu 18,5 millions d'euros au titre de ce programme. Par ailleurs, compte-tenu des enjeux pour les petites communes, le rapporteur se félicite que dans le cadre de la seconde LFR pour 2022, et à l'initiative de la commission des finances du Sénat, 50 millions d'euros supplémentaires aient été affectés à ce plan.

Le Cerema porte également le programme « France vue sur mer - sentier du littoral » financé à hauteur de 5 millions d'euros par le plan de relance. Il vise, pour le sentier du littoral à finaliser l'ouverture de tronçons manquants, à en restaurer certains, et à faciliter l'accès libre et gratuit aux littoraux en métropole et en Outre-mer. L'opérateur a perçu 1,6 million d'euros pour mettre en oeuvre ce programme au cours de la gestion 2022.


* 1 Hors prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 2 En autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

* 3 Y compris prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 4 Hors remboursements en capital de la dette.

* 5 Mises en suspens au plus fort de la crise sanitaire.

* 6 Sur la base desquelles une réduction des recrutements d'ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) a été décidée et s'est manifestée par la passage de quatre promotions en 2020, à deux en 2021 puis à l'équivalent d'une seule en 2022.

* 7 Des options visant à la réduire d'au moins 6 mois sont actuellement à l'étude.

* 8 Retards et annulations de vols.

* 9 Retards du contrôle aérien, la France décroche en Europe, rapport d'information n° 568 (2017-2018) réalisé au nom de la commission des finances du Sénat par Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

* 10 Ce protocole avait été signé par quatre organisations syndicales représentatives (UNSA-DD, SNCTA, SPAC-CFDT et FEETS-FO) représentant 72 % des personnels de la DGAC.

* 11 Deux sites ultra-marins ont été mis en service au 1er janvier2023.

* 12 Rapport d'information n° 840 (2020-2021) de M. Vincent CAPO CANELLAS, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 septembre 2021.

* 13 346 millions d'euros d'après les dernières estimations présentées dans le rapport annuel de performance (RAP) du programme 159.

* 14 Rapport d'information n° 17 (2022-2023) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, novembre 2022.

* 15 Il constitue le volet financier du contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'IGN.

* 16 Les engagements de l'IGN renvoient quant à eux au respect d'une trajectoire d'évolution de sa masse salariale, au maintien d'un niveau de trésorerie prudentiel, au développement de ses partenariats financiers ou encore à la concrétisation de son programme de recrutement.

* 17 Des corps des Ingénieurs de travaux géographiques et cartographiques de l'État (ITGCE) et des géomètres.

* 18 Intelligence artificielle, programmation agile, data science, altimétrie 3D, géovisualisation, gestion de projets innovants, animation de communautés, infrastructures et services numériques, etc.