B. UNE CONSOMMATION DU PROGRAMME 138 MARQUÉE PAR LA REPRISE DE L'ÉCONOMIE APRÈS LA CRISE SANITAIRE

L'exécution du programme 138 s'établit à 2 milliards d'euros en AE et CP pour des ouvertures de crédits à hauteur de 1,8 milliard d'euros en AE et CP soit un taux d'exécution de 115 %.

Évolution des taux d'exécution du programme 123 entre 2018 et 2022

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette sur-exécution s'explique essentiellement par l'action 1 de soutien aux entreprises.

Contribution de chaque action à la sur-exécution en AE constatée en 2022

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette consommation est, par ailleurs, en nette hausse (+23,2 %) par rapport à l'année précédente où elle s'établissait à 1,67 milliard en AE et CP. Cette évolution s'explique largement par le contexte de reprise de l'activité économique qui a impacté les dépenses d'exonérations de cotisations sociales après deux ans de crise sanitaire (cf. infra).

Contribution de chaque action à la hausse des crédits consommés en AE en 2022 par rapport à 2021

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Exécution des crédits du programme 138 entre 2021 et 2022

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Une consommation à la hausse des crédits alloués aux allégements et exonérations de cotisations de sécurité sociale dans un contexte de reprise de l'activité

L'action 1 porte le dispositif d'exonérations de cotisations de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer, dit « LODEOM », qui résulte des dispositions de l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les entreprises implantées outre-mer et des articles L. 756-4 et L. 756-5 de ce même code pour les travailleurs indépendants ultramarins.

Il a fait l'objet de plusieurs modifications depuis sa création dont la dernière, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, visant à compenser la suppression du CICE (crédits d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) au 1er janvier 2019 en renforçant les exonérations de charges patronales avait entrainé une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges.

L'exécution de cette action s'établit, en 2022, à 1,73 milliard d'euros en AE et CP pour des crédits ouverts en LFI à hauteur de 1,48 milliard d'euros soit une sur-exécution de 248 millions d'euros qui s'explique par plusieurs facteurs :

un retour à la normale de l'activité économique après deux années, en 2020 et 2021, de crise sanitaire au cours desquelles le recours à l'activité partielle et son financement avaient été supportés entièrement par le programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » de la mission « Plan d'urgence face à la crise », créée par la LFR du 23 mars 202012(*). Ainsi, les crédits ouverts en LFI étaient sensiblement identiques à ceux de 2020 et 2021 n'anticipant pas une reprise aussi dynamique. Les rapporteurs spéciaux avaient d'ailleurs mentionné ce risque dans leur rapport budgétaire dans le cadre de l'examen du PLF 2022 : « cependant, une reprise de l'activité en 2022 par rapport à 2020 et 2021 pourrait générer une consommation plus importante » ;

la hausse de la masse salariale qui découle en partie de la réforme de 2019 réellement mise en oeuvre en 2021 (année de crise sanitaire et de limitation de l'activité) et qui a donc présenté les premiers effets notables uniquement en 2022 ;

la forte progression du nombre d'autoentrepreneurs.

Ainsi le nombre d'entreprises concernées par des exonérations spécifiques est passé de 40 302 en 2021 à 42 452 en 2022 et les effectifs salariés bénéficiant de ces exonérations sont passés de 185 874 à 197 059 entre 2021 et 2022.

La sur-exécution constatée a été financée :

- par un dégel intégral de la réserve de précaution ;

- par l'ouverture de crédits par la loi de finances rectificative du 1er décembre 2022.

2. Des dépenses de fonctionnement du service militaire adapté supérieures aux prévisions en LFI

Les crédits de l'action 2 financent, à titre principal, le service militaire adapté (SMA) mais également la subvention pour charges de service public de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) ainsi que des actions de formations en mobilité à destination des ressortissants des départements et collectivités outre-mer de 18 à 30 ans notamment via le passeport mobilité formation professionnelle (PMFP) et enfin la subvention versée à l'institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS).

L'exécution de l'action 2 s'établit, en 2022, à 296,8 millions d'euros en AE et à 297,2 millions d'euros en CP pour des crédits ouverts en LFI à hauteur de 284,3 millions d'euros en AE et 274,6 millions d'euros en CP soit des taux d'exécution de respectivement 104,4 % et 108,2 %.

Cette sur-consommation de 12,6 millions d'euros en AE et de 22,6 millions d'euros en CP s'explique essentiellement par les dépenses du SMA. En effet, la LFI prévoyait 65,5 millions d'euros en AE et 61,1 millions d'euros en CP pour le seul SMA alors que la consommation s'est établie à 85,5 millions d'euros en AE et à 87,3 millions d'euros en CP.

Cependant, il convient de souligner que les dépenses du SMA ont été inférieures aux ressources dans la mesure où, en sus des crédits ouverts en LFI, le SMA a bénéficié de :

- 55,37 millions d'euros en AE se répartissant en 16,8 millions d'euros de reports d'autorisations d'engagement non engagés (AENE), 0,75 million d'euros d'attribution de produits et 37,92 millions de fonds de concours ;

- 58,18 millions d'euros en CP, dont 19,51 millions d'euros de reports de fonds de concours 2021, ainsi que 37,92 millions d'euros de fonds de concours et 0,75 million d'euros d'attributions de produit.

La sous consommation par rapport aux crédits disponibles s'explique en partie par les sous estimations des fonds de concours. Il conviendra à l'avenir d'en améliorer le suivi et la prévision.

Elle s'inscrit par ailleurs dans un contexte de baisse, depuis plusieurs années, du nombre de bénéficiaires. Ainsi, alors que les objectifs 2022 étaient de 5 744 équivalents temps plein travaillé (ETPT) la réalisation s'est établie à 5 185 ETPT soit un écart de 558.

Les causes de ces difficultés de recrutement sont maintenant identifiées depuis 2017 :

un décalage de la croissance démographique entre les différents territoires d'outre-mer avec une baisse démographique en Guadeloupe et à la Martinique (respectivement - 7,1 % et - 9,5 % entre 2011 et 2021) et une croissance importante en Guyane et à Mayotte ce qui est venu perturber la répartition territoriale des recrutements ;

la crise sanitaire a affecté les recrutements à compter de 2020 ;

l'obligation vaccinale contre le COVID pour les militaires a également pesé sur les recrutements, particulièrement aux Antilles où le refus de la vaccination est venu ajouter un frein supplémentaire aux difficultés de recrutement rencontrées du fait de la baisse démographique.

Les effets de la crise sanitaire ayant disparu, les recrutements devraient de nouveau enregistrer une hausse à la condition que les investissements dans les compagnies, afin de tenir compte des taux de croissance démographique différents d'un territoire à l'autre, soient réalisés pour permettre l'accueil de nouveaux volontaires dans les territoires les plus en tension. Les rapporteurs spéciaux veilleront donc avec attention aux évolutions des recrutements en 2023 et 2024.

3. Des prévisions de dépenses de fonctionnement de la DGOM peu sincères

Les crédits inscrits à l'action 3 sont destinés au financement des dépenses de fonctionnement du cabinet du ministre, de la direction générale des outre-mer (DGOM), de la délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer. Ils permettent de couvrir les dépenses de type fournitures et matériels de bureau, documentation, déplacements frais de communication et de représentation, et plus généralement toutes les dépenses individualisables.

Depuis 2021, les crédits ouverts en LFI s'élèvent à 2,1 millions d'euros alors que les dépenses dépassent les 3 millions d'euros et atteignent même, en 2022, 3,5 millions d'euros en AE.

Face à ce constat, la LFI 2023 a porté ces crédits à 3,8 millions d'euros en AE et 3,5 millions d'euros en CP ce qui permettra une sincérisation de cette action d'ailleurs demandée par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM).

4. Une sous-consommation de l'aide au fret multifactorielle

L'action 4 du programme 138 porte les crédits relatifs aux mesures spécifiques de soutien aux entreprises et associations ultramarines qui ont pour objectif d'accompagner le développement économique et l'attractivité des territoires ultramarins par la mise en oeuvre de plusieurs dispositifs :

- le prêt de développement outre-mer (PDOM) Bpifrance ;

- l'élargissement des bénéficiaires et des critères d'attribution ;

- les subventions d'investissement ;

- le soutien au microcrédit outre-mer.

Dotée de 24,3 millions d'euros en AE et de 23 millions d'euros en CP en LFI, l'action 4 du programme 138 a enregistré une consommation de 19,6 millions d'euros en AE et de 19,2 millions d'euros en CP soit des taux d'exécution de respectivement 80,6 % et 83,6 %.

Cette sous-consommation s'explique quasi exclusivement par l'aide au fret13(*) qui s'est avérée inférieure (5 millions d'euros en AE et 3,6 millions d'euros en CP) aux prévisions (8 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP).

Ainsi, la reprise économique de 2022 a permis une consommation supérieure à celle constatée en 2021 (4,1 millions d'euros en AE et 2,5 millions d'euros en CP) mais inférieure aux crédits ouverts en raison de plusieurs facteurs :

- la transmission tardive des dépôts de dossiers de subventions voire leur report sur 2023 ;

- une sur-estimation de certains territoires ;

- le processus d'instruction de l'aide au fret qui reste très largement assumé par les autorités de gestion FEDER. En raison de sa longueur (2 ans et demi en moyenne) et de sa complexité, il est difficile à appréhender pour les entreprises et pour les autorités qui en ont la charge ;

- une légère baisse des coûts des transports en 2022 par rapport à 2021.

Évolution de l'indice mondial du fret par conteneur entre janvier 2020 et janvier 2023

(en dollars)

Source : Freightos Baltic Index


* 12 Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

* 13 L'aide au fret a été instaurée par l'article 24 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 et destinée à couvrir les surcoûts de transport de marchandises (hors Nouvelle-Calédonie et Polynésie française),