B. LES AIDES AU LOGEMENT DU PROGRAMME 109 ONT ÉTÉ LA PRINCIPALE SOURCE D'ÉCONOMIE SUR LE BUDGET DU LOGEMENT PENDANT LES ANNÉES 2018 À 2022

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » comprend à titre principal les crédits destinés au financement des aides personnelles au logement (APL). Ses dépenses en 2022 sont de 13,1 milliards d'euros an autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'action 01 « Aides personnelles », qui porte la quasi-totalité des crédits du programme, assure le versement de la subvention d'équilibre de l'État au fonds national d'aide au logement (FNAL), qui compense lui-même le montant des aides versées aux bénéficiaires finaux par les organismes de sécurité sociale.

L'action 02 « Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté » apporte un soutien financier au réseau des associations nationale (ANIL) et départementales (ADIL) d'information sur le logement.

Enfin l'action 03 « Sécurisation des risques locatifs », autrefois consacrée au dispositif aujourd'hui de financement de la garantie des risques locatifs (GRL), ne dispose plus de crédits depuis la mise en extinction de ce dispositif. Elle disparaît de la maquette budgétaire en 2023.

Évolution des crédits par action du programme 109

(en millions d'euros et en %)

   

2021

2022

Exécution / prévision 2022

Exécution

2022 / 2021

Exécution

Prévision LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

01 - Aides personnelles

AE

12 429,7

13 070,0

13 069,7

- 0,3

- 0,0 %

+ 640,0

+ 5,1 %

CP

12 428,8

13 070,0

13 070,6

+ 0,6

+ 0,0 %

+ 641,8

+ 5,2 %

02 - Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

AE

8,6

9,4

8,8

- 0,6

- 6,3 %

+ 0,2

+ 2,0 %

CP

8,6

9,4

8,8

- 0,6

- 6,3 %

+ 0,2

+ 2,0 %

03 - Sécurisation des risques locatifs

AE

0,0

0,0

0,0

0,0

 

0,0

 

CP

0,0

0,0

0,0

0,0

 

0,0

 

Total programme

AE

12 438,3

13 079,4

13 078,5

- 0,9

- 0,0 %

+ 640,2

+ 5,1 %

CP

12 437,4

13 079,4

13 079,4

- 0,0

- 0,0 %

+ 642,0

+ 5,2 %

LFI : loi de finances initiale.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. L'augmentation des crédits d'État en 2022 ne compense pas la trajectoire de diminution des aides au logement pendant le quinquennat 2017-2022

L'État versant une contribution d'équilibre au FNAL par l'intermédiaire du programme 109, le montant des crédits budgétaires consommés dépend des besoins, mais également de l'apport des autres contributeurs.

Alors que le groupe Action Logement avait été appelé à contribuer au financement des aides au logement en 2020 et 2021 par deux ponctions d'un montant respectif de 500 millions d'euros et 1 milliard d'euros, tel n'a pas été le cas en 2022. En outre, le produit de la surtaxe sur les plus-values immobilières, qui constituait une ressource très mineure de 43 millions d'euros, n'est plus affectée au FNAL, ce qui contribue à simplifier le schéma de financement du fonds qui n'est plus alimenté, outre la contribution d'équilibre de l'État, que par les cotisations des employeurs (2,7 milliards d'euros) et une fraction du produit de la taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels en Île-de-France (66 millions d'euros).

Face à ces ressources, les charges du FNAL, qui correspondent aux aides au logement et à une part mineure de frais de gestion, sont en diminution de 262 millions d'euros. Cette légère diminution s'explique par la poursuite de la mise en oeuvre du calcul des aides en fonction des revenus en temps réel (versement contemporain), et non par rapport aux revenus perçus deux ans auparavant, réforme entrée en vigueur en 2021 mais appliquée pour la première fois en 2022 en année pleine. En outre certaines mesures d'accompagnement des ménages mises en oeuvre pendant la crise sanitaire ont pris fin.

L'INSEE note ainsi que le nombre de foyers allocataires percevant au moins l'une des prestations de la caisse d'allocation familiale a diminué de 1,7 % au cours de l'année 2021, la baisse du nombre de foyers allocataires étant plus élevée dans les quartiers de la politique de la ville (- 2,6 %), en raison principalement de la diminution plus forte du nombre de foyers bénéficiant de prestations familiales16(*).

Les effets du versement contemporain des aides au logement
sur les montants versés

« Toutes choses égales par ailleurs, en comparant les aides versées en 2021 à une situation simulée sans réforme, le montant d'aide au logement reçu n'a pas été modifié lors de la mise en place de la réforme pour près de la moitié des foyers. Pour un tiers, il est plus faible qu'en l'absence de réforme (7 % d'entre eux ont perdu leur droit à allocation), et il est plus élevé pour les 18 % restants. Toutefois, l'effet de la réforme n'est pas uniforme et varie selon le profil sociodémographique de l'allocataire. Les foyers dont l'allocataire principal est en emploi ou un jeune non étudiant sont davantage concernés par une baisse des aides reçues. À l'inverse, les aides diminuent moins souvent lorsque l'allocataire principal est un chômeur ou un étudiant non salarié. Ces ajustements plus rapides à la hausse ou à la baisse s'expliquent par la contemporanéisation des ressources, et par les révisions trimestrielles du droit qui actualisent la situation des allocataires. »

Source : INSEE Focus n° 289, 30 janvier 2023

En conséquence, la subvention d'équilibre versée par l'État a dû augmenter de 643 millions d'euros, ce qui a également permis de solder la dette de l'État à l'égard du FNAL.

Évolution des charges et des ressources du FNAL

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Au total, l'année 2022 a poursuivi le mouvement de diminution du montant consacré aux aides au logement, entamé en 2017. Les aides au logement apparaissent ainsi comme l'un des seuls domaines sur lesquels le quinquennat précédent a fait porter des efforts de réduction de la dépense publique.

Évolution du montant des charges du FNAL depuis 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Ce coût a été supporté pour l'essentiel sur les bailleurs sociaux via l'instauration de la réduction de loyer de solidarité (RLS) à partir de 2018, et sur les bénéficiaires avec la mise en place du versement contemporain des aides à compter de 2021.

En effet, la réduction de loyer de solidarité correspond à une réduction du loyer des locataires de logements sociaux. Elle constitue une perte de ressources pour les bailleurs sociaux, sans pour autant réduire significativement le reste à charge des ménages, car elle est presque entièrement compensée par une diminution du montant des aides au logement reçues par les ménages éligibles. Elle s'analyse donc comme un transfert de ressources entre les bailleurs sociaux et l'État.

2. Le mode de financement des aides au logement pour les années à venir demeure insuffisamment défini

Pour l'avenir, le rapporteur spécial souligne que la trajectoire future du financement des aides au logement demeure soumise à des incertitudes.

Non seulement la mise en oeuvre du versement contemporain a soumis de manière accrue le montant des prestations à verser à la conjoncture, mais, comme indiqué supra, le montant des aides dépend de celui de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Or, le Gouvernement nouvellement nommé à l'issue des élections du printemps 2022 n'a pas encore conclu d'accord avec le secteur du logement social afin de déterminer l'évolution, dans les années à venir, du montant de la réduction de loyer de solidarité, fixée à un montant total de 1,3 milliard d'euros par an de 2020 à 2022. Des choix retenus dépendra le niveau nécessaire de la contribution d'équilibre de l'État au FNAL.

En outre, la loi organique relative aux lois de finances17(*) prévoit que, à compter de 2025, une imposition de toute nature ne pourra plus être affectée à un fonds dépourvu de la personnalité morale : le financement du FNAL, qui est alimenté pour plus de 2,5 milliards d'euros par des cotisations des employeurs, demeure donc incertain dans les années à venir.

3. Le contrôle interne sur l'attribution de certaines aides, dont les aides au logement, est insuffisant

La Cour des comptes a refusé de certifier les comptes 2022 de la branche famille (réseau des caisses d'allocation familiales) et de la Caisse nationale d'assurance familiale18(*), constatant un doublement en quatre ans du montant des erreurs non corrigées par les actions de contrôle interne. Les indus et les rappels non détectés représenteraient un montant total de 7,7 milliards d'euros, dont 1,9 milliard d'euros pour ce qui concerne les aides au logement, soit un huitième du montant total de celles-ci.

Si le refus de certification met en cause l'action des organismes de sécurité sociale en charge de l'attribution de ces aides et non celle de l'administration de l'État gestionnaire du programme 10919(*), les dépenses de ce programme sont directement affectées dans la mesure où il assure une subvention d'équilibre à ce régime.

La Cour porte un jugement sévère sur les insuffisances du contrôle interne, qui est de moins en moins exhaustif.

Le montant des indus potentiellement frauduleux est également en croissance (2,8 milliards d'euros en 2022, contre 2,3 milliards d'euros en 2019, concernant principalement sur le revenu de solidarité active (RSA), la prime d'activité et les aides au logement). La crise sanitaire en 2020, puis la réforme du mode de calcul des aides au logement en 2021 avaient été invoqués comme justification à la diminution de l'efficacité de la lutte contre la fraude : l'absence d'amélioration en 2022 montre que les dysfonctionnements sont structurels.

Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre du versement contemporain des aides au logement20(*), certaines données non fournies par le dispositif des ressources mensuelles (DRM) manquent d'exhaustivité ou présentent des incohérences insuffisamment contrôlées. Les contrôles sur pièce des données déclarées, allégés pendant la crise sanitaire, n'ont pas retrouvé leur niveau antérieur.

En revanche, les dysfonctionnements informatiques liés la réforme des aides au logement, importants en 2021, sont en nette diminution.


* 16 INSEE, « En 2021, baisse du nombre de bénéficiaires d'une aide au logement un peu moins marquée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville », INSEE Focus n° 289, 30 janvier 2023.

* 17 Article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, version en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2024 en application de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 18 Cour des comptes, Certification des comptes 2022 du régime général de sécurité sociale et du conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI), 16 mai 2023.

* 19 Les aides au logement sont attribuées par les caisses d'allocation familiales, principalement visées par le rapport de la Cour des comptes, et, pour une part mineure, par la Mutualité sociale agricole. Le gestionnaire du programme 109 est la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN).

* 20 Jusqu'en 2020, les aides au logement de l'année N étaient calculées en fonction des revenus perçus au cours de l'année N-2. Désormais ce calcul est effectué chaque trimestre, ce qui a nécessité un chantier informatique complexe d'échanges de données.