B. LA HAUSSE DU REPORT DE CHARGES S'INSCRIT EN CONTRADICTION AVEC LES OBJECTIFS FIXÉS DANS LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

La problématique d'un usage généralisé des reports de charge, correspondant aux paiements comptabilisés sur l'exercice pour lesquels le service fait a été constaté, mais dont la facture n'a pas été réglée, a déjà été soulignée par le rapporteur spécial dans son dernier rapport budgétaire6(*).

La trajectoire de la LPM fixe un objectif de report de charge de 12 % du budget total de la mission « Défense » hors dépenses de personnel. Cette cible aura été largement dépassée en 2022, année pour laquelle les reports de charge s'élèvent à 3,89 milliards d'euros, soit un taux de 13,7 %.

Le ministère des armées ne parvient donc pas à respecter la trajectoire de réduction prévue par la LPM, le niveau des reports constatés en 2022 restant équivalent à celui des années précédentes et supérieur de 1,7 point (soit 477 millions d'euros) à l'objectif LPM. Ce constat est d'autant plus regrettable que la mission était parvenue en 2021 à respecter le plafond de report de charges prévu.

Évolution du report de charge sur la mission

(en % et millions d'euros)

 

Prévision (en %)

Exécuté (en %)

Exécution

Écart

2019

16

16

3 888

0

2020

15

15

3 764

- 36

2021

14

14,4

3 878

+ 110

2022

12

13,7

3 878

+ 477

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le report de charges, dérogatoire au principe d'annualité budgétaire, constitue une dépense obligatoire7(*) qui doit être couverte par les crédits de paiement de l'exercice suivant, réduisant d'autant la disponibilité de ceux-ci pour la couverture des dépenses relatives aux engagements programmés de l'année. Il conduit également à faire peser sur la trésorerie des industriels les choix de gestion du ministère, alors que la réduction des impayés constitue un enjeu de crédibilité vis-à-vis des fournisseurs des armées.

En outre, un report de charges suppose le versement d'intérêts moratoires au titre des factures impayées, pour un montant de 12,7 millions d'euros à l'échelle de la mission en 2022, contre 13,9 millions d'euros en prévision pour 2023.

Le rapporteur spécial a déjà émis des réserves sur l'utilisation des reports de charge qui ne peuvent constituer un mode de gestion par défaut et rappelle que la maîtrise du niveau de report de charges nécessite un pilotage affiné du rythme des engagements.

Il est vraisemblable que la cible LPM ne soit pas non plus atteinte en 2023, dans la mesure où le Gouvernement a fait le choix de financer une partie de l'impact de l'inflation par report de charges sur l'année 2024. Le report de charges représenterait ainsi 15 % des crédits de la mission (hors masse salariale) en 2023.


* 6 Rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 9 sur la mission « Défense » de M. Dominique de LEGGE, déposé le 17 novembre 2022

* 7 Article 95 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.