N° 7

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
(procédure accélérée),

Par Mme Catherine DI FOLCO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

648 (2022-2023) et 8 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Au cours des dernières années, les violences verbales et physiques à l'encontre des élus locaux se sont multipliées et aggravées, comme en témoigne l'incendie volontaire du domicile de Yannick Morez, ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins, auditionné par la commission des lois le 17 mai 2023. Face à l'urgence de la situation et pour pallier l'inaction du Gouvernement, François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud et plusieurs de leurs collègues1(*) ont déposé une proposition de loi composée de quatorze mesures concrètes et opérationnelles pour améliorer la protection des élus locaux et traduire législativement des recommandations formulées de longue date par le Sénat.

Validant sans réserve les dispositions de la proposition de loi, la commission a cependant souhaité, à l'initiative de son rapporteur, d'une part, élargir certains dispositifs afin qu'ils bénéficient à l'ensemble des élus locaux et, d'autre part, introduire deux mesures complémentaires appelées de leurs voeux par les élus locaux : l'allongement des délais de prescription en cas d'injure et de diffamation publiques et la répression pénale de l'atteinte à leur vie privée. Saluant le soutien apporté par le Gouvernement à cette initiative sénatoriale, la commission des lois rappelle que, en la matière, les évolutions législatives ne sauraient suffire, celles-ci devant impérativement s'accompagner d'un changement profond de culture des acteurs judiciaires et étatiques qui ne peuvent plus rester passifs face à ces phénomènes.

I. FACE À L'AUGMENTATION DES VIOLENCES FAITES AUX ÉLUS LOCAUX, UN ACCOMPAGNEMENT DE L'ÉTAT ET DES ACTEURS JUDICIAIRES ENCORE INSUFFISANT

A. DES ATTEINTES INADMISSIBLES À L'ENCONTRE DES ÉLUS LOCAUX

Ces dernières années, les violences dont sont victimes les élus locaux ont considérablement augmenté. Dès 2019, à la suite du décès dans l'exercice de ses fonctions du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, la commission des lois du Sénat a tenu à apporter une réponse à ce phénomène extrêmement préoccupant. À l'occasion de la présentation du plan d'action pour la sécurité des maires du 2 octobre 2019, Philippe Bas dressait déjà le constat suivant : « les maires subissent aujourd'hui des atteintes physiques ou verbales que notre République ne saurait tolérer, car la commune est une petite république dans la grande. Notre démocratie doit la protéger. Elle doit protéger ses représentants »2(*).

Au cours des derniers mois, un nouveau cap semble avoir été franchi. Qu'il s'agisse de l'incendie volontaire et criminel de son véhicule et de son domicile dont a été victime Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, ou encore de l'attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, plusieurs faits inadmissibles ont mis en lumière l'urgence de la situation. Ces événements tragiques, qui visent dorénavant aussi bien les élus que leurs proches, ne constituent pourtant que la partie visible d'un phénomène plus latent et en pleine expansion.

En effet, d'après les données transmises par la direction générale de la police nationale (DGPN) au rapporteur, les atteintes envers les élus locaux connaissent une croissance régulière depuis deux ans. Depuis le 1er janvier 2023, 1 387 faits ont été recensés à l'encontre des seuls élus locaux. Dans près de trois quarts des cas, ce sont les maires qui sont visés. Plus de 12 % de ces faits constituent des violences physiques, tandis que les atteintes par paroles et écrits (menaces, menaces de mort, outrages et injures, diffamation, usurpation d'identité) en représentent 76 %.

Intolérables, ces violences dirigées contre les élus constituent une menace pour notre démocratie. Outre les démissions d'élus qu'elles engendrent3(*), elles risquent de provoquer une crise de l'engagement citoyen et une érosion des vocations électorales dont les conséquences seraient visibles dès le prochain renouvellement général des conseils municipaux. Alors que le malaise ressenti par les élus sur le terrain ne cesse de s'accroître, la protection de ces derniers apparaît plus que jamais devoir être à la hauteur de leur engagement quotidien au service des territoires.


* 1 François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Maryse Carrère, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Jean-Claude Requier.

* 2 Rapport d'information de Philippe Bas, « Plan d'action pour une plus grande sécurité des maires », 2 octobre 2019.

* 3 Au 1er mai 2023, 1 078 maires avaient démissionné volontairement de leur mandat et 29 214 conseillers municipaux, ce qui représente 3 % de l'effectif total des maires et 7 % de celui des conseillers municipaux.