N° 7

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
(procédure accélérée),

Par Mme Catherine DI FOLCO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

648 (2022-2023) et 8 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Au cours des dernières années, les violences verbales et physiques à l'encontre des élus locaux se sont multipliées et aggravées, comme en témoigne l'incendie volontaire du domicile de Yannick Morez, ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins, auditionné par la commission des lois le 17 mai 2023. Face à l'urgence de la situation et pour pallier l'inaction du Gouvernement, François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud et plusieurs de leurs collègues1(*) ont déposé une proposition de loi composée de quatorze mesures concrètes et opérationnelles pour améliorer la protection des élus locaux et traduire législativement des recommandations formulées de longue date par le Sénat.

Validant sans réserve les dispositions de la proposition de loi, la commission a cependant souhaité, à l'initiative de son rapporteur, d'une part, élargir certains dispositifs afin qu'ils bénéficient à l'ensemble des élus locaux et, d'autre part, introduire deux mesures complémentaires appelées de leurs voeux par les élus locaux : l'allongement des délais de prescription en cas d'injure et de diffamation publiques et la répression pénale de l'atteinte à leur vie privée. Saluant le soutien apporté par le Gouvernement à cette initiative sénatoriale, la commission des lois rappelle que, en la matière, les évolutions législatives ne sauraient suffire, celles-ci devant impérativement s'accompagner d'un changement profond de culture des acteurs judiciaires et étatiques qui ne peuvent plus rester passifs face à ces phénomènes.

I. FACE À L'AUGMENTATION DES VIOLENCES FAITES AUX ÉLUS LOCAUX, UN ACCOMPAGNEMENT DE L'ÉTAT ET DES ACTEURS JUDICIAIRES ENCORE INSUFFISANT

A. DES ATTEINTES INADMISSIBLES À L'ENCONTRE DES ÉLUS LOCAUX

Ces dernières années, les violences dont sont victimes les élus locaux ont considérablement augmenté. Dès 2019, à la suite du décès dans l'exercice de ses fonctions du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, la commission des lois du Sénat a tenu à apporter une réponse à ce phénomène extrêmement préoccupant. À l'occasion de la présentation du plan d'action pour la sécurité des maires du 2 octobre 2019, Philippe Bas dressait déjà le constat suivant : « les maires subissent aujourd'hui des atteintes physiques ou verbales que notre République ne saurait tolérer, car la commune est une petite république dans la grande. Notre démocratie doit la protéger. Elle doit protéger ses représentants »2(*).

Au cours des derniers mois, un nouveau cap semble avoir été franchi. Qu'il s'agisse de l'incendie volontaire et criminel de son véhicule et de son domicile dont a été victime Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, ou encore de l'attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, plusieurs faits inadmissibles ont mis en lumière l'urgence de la situation. Ces événements tragiques, qui visent dorénavant aussi bien les élus que leurs proches, ne constituent pourtant que la partie visible d'un phénomène plus latent et en pleine expansion.

En effet, d'après les données transmises par la direction générale de la police nationale (DGPN) au rapporteur, les atteintes envers les élus locaux connaissent une croissance régulière depuis deux ans. Depuis le 1er janvier 2023, 1 387 faits ont été recensés à l'encontre des seuls élus locaux. Dans près de trois quarts des cas, ce sont les maires qui sont visés. Plus de 12 % de ces faits constituent des violences physiques, tandis que les atteintes par paroles et écrits (menaces, menaces de mort, outrages et injures, diffamation, usurpation d'identité) en représentent 76 %.

Intolérables, ces violences dirigées contre les élus constituent une menace pour notre démocratie. Outre les démissions d'élus qu'elles engendrent3(*), elles risquent de provoquer une crise de l'engagement citoyen et une érosion des vocations électorales dont les conséquences seraient visibles dès le prochain renouvellement général des conseils municipaux. Alors que le malaise ressenti par les élus sur le terrain ne cesse de s'accroître, la protection de ces derniers apparaît plus que jamais devoir être à la hauteur de leur engagement quotidien au service des territoires.

B. DES SUITES JUDICIAIRES TROP PEU FRÉQUENTES ET UN ACCOMPAGNEMENT DE L'ÉTAT ENCORE INSUFFISANT

1. L'insuffisance et le manque d'effectivité de la réponse judiciaire aux violences commises à l'encontre des élus

Face à l'essor des violences, nombreux sont les élus locaux qui considèrent que les réponses apportées par les acteurs judiciaires et étatiques demeurent insuffisantes.

En particulier, les suites judiciaires apparaissent encore trop peu fréquentes. Souvent découragés par la lenteur des procédures, par le manque de temps et la volonté de ne pas aggraver la situation, nombre d'élus renoncent à déposer plainte. Signe de la persistance d'une véritable autocensure, la consultation nationale des élus locaux menée en 2019 par la commission des lois du Sénat a révélé que seuls 37 % des participants avaient saisi la justice à la suite d'une agression physique ou verbale.

Il ressort des auditions conduites par le rapporteur que l'acuité de ces constats demeure puisqu'une grande partie des élus locaux confrontés à des violences regrettent aujourd'hui encore la lenteur et le manque d'effectivité de la réponse judiciaire4(*).

2. Entre élus locaux et acteurs judiciaires, un dialogue inabouti

Le manque d'accompagnement et d'informations quant aux suites données aux plaintes et signalements des élus contribue à éroder le lien de confiance entre les élus locaux et la justice. Tant en ce qui concerne la communication auprès des administrés de décisions judiciaires qu'en matière de coordination de la politique locale de prévention de la délinquance, le dialogue entre les maires et l'autorité judiciaire demeure souvent lacunaire.

En outre, la pénalisation croissante de la vie publique locale et le nombre toujours plus élevé de mises en cause d'élus locaux devant les tribunaux qui en résultent, appellent à une évolution des pratiques afin de renouveler le dialogue entre les parquets et les maires, qui trop souvent encore, du fait de leur double caractère d'agent de l'État et de président d'un exécutif local, constituent à la fois des partenaires privilégiés du ministère public et des justiciables, qu'ils soient victimes ou mis en cause dans le cadre de l'exercice de leur mandat.

3. Une protection des élus victimes de violences qui n'est pas à la hauteur des enjeux

Malgré de récentes avancées, force est de constater que la protection accordée aux élus victimes n'est pas encore à la hauteur des violences auxquelles ils sont confrontés. Auditionné en mai 2023 par la commission des lois du Sénat, Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins, alertait sur les risques de désengagement des élus en cas de défaut de protection effective des maires dans le cadre de leur mandat.

En effet, nombreux sont les élus qui, éligibles à la protection fonctionnelle, y renoncent soit en raison de leur méconnaissance de la procédure et sa complexité, soit en raison des difficultés à l'obtenir du conseil municipal. De surcroît, même lorsqu'ils y ont recours, les élus bénéficiaires de la protection fonctionnelle doivent fréquemment s'acquitter de restes à charge ou de dépassements d'honoraires.

Par ailleurs, bien qu'ils soient également susceptibles d'être la cible de violences, l'on ne peut que regretter que les candidats aux élections ne disposent aujourd'hui d'aucun dispositif spécifique permettant à chacun de participer à une campagne électorale sans inquiétude quant à la protection dont il pourrait bénéficier.

II. FACE À L'ATTENTISME DU GOUVERNEMENT ET À L'URGENCE DE LA SITUATION, UNE PROPOSITION DE LOI D'ORIGINE SÉNATORIALE PORTEUSE DE 14 MESURES CONCRÈTES ET OPÉRATIONNELLES POUR AMÉLIORER LA PROTECTION DES ÉLUS LOCAUX

En dépit de multiples travaux sénatoriaux conduits depuis 2019, notamment par la commission des lois, concluant à la nécessité d'un renforcement de la protection des élus locaux, force est de constater que le Gouvernement a tardé à prendre toute la mesure d'un phénomène dont l'ampleur croît pourtant chaque année et à agir afin de l'enrayer.

Le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, ainsi que Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Maryse Carrère ont pris l'initiative, le 26 mai 2023, quelques jours après l'annonce de la démission de Yannick Morez de la mairie de Saint-Brevin-les-Pins, de déposer une proposition de loi, organisée en trois axes, comportant quatorze mesures concrètes et opérationnelles pour améliorer la protection des élus locaux.

A. CONSOLIDER L'ARSENAL RÉPRESSIF EN CAS DE VIOLENCES COMMISES À L'ENCONTRE DES ÉLUS

Les auteurs de la proposition de loi ambitionnent de renforcer les peines encourues en cas de violences commises contre les élus en proposant, d'une part, un alignement des peines sur le régime existant pour certains dépositaires de l'autorité publique (article 1er) et, d'autre part, l'institution d'une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure publique à l'encontre des élus locaux ou personnes dépositaires de l'autorité publique et d'une nouvelle circonstance aggravante en cas de harcèlement des élus locaux (article 2).

B. AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES ÉLUS VICTIMES DE VIOLENCES, D'AGRESSIONS OU D'INJURES DANS LE CADRE DE LEUR MANDAT OU D'UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE

Plusieurs mesures visent à améliorer la protection fonctionnelle des élus (articles 3 à 8). Pour ce faire, il est proposé de rendre automatique l'octroi de cette protection, d'imposer la prise en charge par l'État des coûts de couverture assurantielle pour la protection fonctionnelle pour les communes de moins de 10 000 habitants et d'améliorer la prise en charge pour les élus victimes de l'ensemble des restes à charge et dépassements d'honoraires.

De la même manière, deux mécanismes destinés à protéger les candidats aux élections pour garantir l'engagement citoyen sont proposés (article 9) : l'élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle pendant la campagne électorale aux candidats (qui serait prise en charge par l'État) et la prise en charge par l'État des dépenses de sécurisation engagées par les candidats (vigiles, sécurité privée, caméras de surveillance, etc).

Enfin, les auteurs de la proposition de loi souhaitent améliorer l'accès aux assurances pour les locaux politiques et permanences parlementaires (article 10).

C. RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS DES MANDATS ÉLECTIFS LOCAUX PAR LES ACTEURS JUDICIAIRES ET ÉTATIQUES

Pour ce faire, il est proposé à titre principal de créer un mécanisme de dépaysement d'office des affaires lorsqu'un élu est mis en cause, tout en maintenant au sein de la juridiction les affaires dans lesquelles un élu est victime, pour éviter que l'élu ne se retrouve mis en cause et pris en charge comme victime par le même procureur (article 11).

À titre plus subsidiaire, les auteurs de la proposition de loi ambitionnent d'améliorer l'information des maires par les parquets quant aux suites données à leurs plaintes et signalements afin de faciliter leur compréhension des décisions judiciaires (article 12), mais également de permettre aux procureurs de s'exprimer dans les bulletins municipaux afin d'améliorer la lisibilité de leurs décisions qui intéressent la commune (article 13), et enfin de renforcer la présence des préfets et des procureurs au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) (article 14).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : SOUTENIR SANS RÉSERVE LA PROPOSITION DE LOI ET L'ENRICHIR POUR PROTÉGER PLUS EFFICACEMENT LES ÉLUS LOCAUX

A. VALIDER SANS RÉSERVE LA PROPOSITION DE LOI TOUT EN ÉLARGISSANT CERTAINS DISPOSITIFS AFIN QU'ILS BÉNÉFICIENT À L'ENSEMBLE DES ÉLUS LOCAUX

Soutenant sans réserve les mesures figurant dans la proposition de loi, la commission a adopté l'ensemble des dispositions de la proposition de loi qu'elle a jugées pragmatiques et opérationnelles. Aux yeux du rapporteur, ces mesures apportent une première réponse aux difficultés que rencontrent les élus locaux, et singulièrement les maires, dans l'exercice quotidien de leur mandat pour assurer leur sécurité et leur intégrité. Elle a, en conséquence, adopté sans modification huit des quatorze articles du texte.

À l'initiative de son rapporteur, elle a cependant souhaité enrichir le texte afin de renforcer la protection et l'accompagnement des élus victimes et des candidats aux élections.

Pour ce faire, elle a, à titre principal, étendu le bénéfice de plusieurs dispositifs à de nouvelles catégories d'élus ou aux candidats aux élections locales, jugeant le champ d'application initial de certaines mesures inutilement restrictif. Elle a ainsi étendu le dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux maires et aux adjoints victimes de violences, de menaces ou d'outrages, aux conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives, eux aussi confrontés à des agressions plus fréquentes et qui doivent pouvoir bénéficier d'une protection fonctionnelle effective (article 3). Elle a également permis aux candidats déclarés aux élections locales de saisir, à l'instar des élus locaux, le bureau central de tarification pour assurer les lieux dans lesquels ils organisent des réunions électorales (article 9). Enfin, la commission a estimé nécessaire d'étendre les modifications apportées aux réunions des CLSPD aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).

La commission a, par ailleurs, été vigilante à l'opérationnalité des mesures prévues par la proposition de loi. En conséquence, elle a précisé les dispositions visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats (article 10) pour qu'elle s'applique à une période de six mois avant le scrutin et aux seuls élus dont la menace sur leur sécurité est avérée. Elle a également confié la responsabilité de l'instruction desdites demandes de remboursement formulées en application de ces dispositions incomberait à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Enfin, compte tenu des délais nécessaires au déploiement des mesures prévues par cet article, la commission a reporté l'entrée en vigueur de celles-ci d'un an après la promulgation de la loi. En outre, la commission a maintenu le principe d'un dépaysement automatique des affaires mettant en cause, comme auteur, tout élu mais rétabli la faculté offerte au procureur de la République de dépayser les affaires dans lesquelles un élu serait victime (article 11).

Enfin, soucieuse de ne pas grever de manière disproportionnée les budgets des communes, la commission a encadré le dispositif visant à améliorer la prise en charge par la commune des dépassements d'honoraires médicaux et psychologiques en le limitant à ces seuls domaines et en prévoyant la fixation d'un barème de prise en charge par un décret (article 8).

B. APPORTER DEUX MESURES COMPLÉMENTAIRES APPELÉES DE LEURS VoeUX PAR LES ÉLUS LOCAUX

À l'initiative de son rapporteur, la commission a également introduit deux articles additionnels au sein du titre Ier, afin de renforcer davantage encore l'arsenal répressif en cas de violences commises à l'encontre des élus.

En premier lieu, par l'adoption d'un article additionnel 2 bis, elle a allongé les délais de prescription en cas d'injure et de diffamation publiques, les portant de trois mois à un an. Ce faisant, elle a, à l'initiative de son rapporteur et de Hussein Bourgi, souhaité répondre à une difficulté rencontrée de longue date par les élus locaux encore trop souvent confrontés à l'inadaptation de ces délais dérogatoires, enserrant leurs possibilités d'action judiciaire contre les délits de presse, aux évolutions technologiques qui permettent non seulement la persistance de la diffusion de tels contenus dans l'espace public mais surtout en facilitent l'accessibilité.

En second lieu, par l'introduction d'un article additionnel 2 ter, elle a introduit une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale, prenant ainsi en compte le contexte de crise des vocations électorales et d'aggravation des violences commises à leur encontre. S'alignant sur les peines prévues lorsque ces faits sont commis au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique, d'un journaliste ou d'un titulaire d'un mandat électif, l'amendement prévoit que de tels faits seraient punis de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER
CONSOLIDER L'ARSENAL RÉPRESSIF EN CAS DE VIOLENCES COMMISES À L'ENCONTRE DES ÉLUS

Article 1er
Aggravation des peines encourues en cas de violences
à l'encontre des élus locaux

L'article 1er vise à aggraver les peines encourues pour des faits de violences commises à l'encontre des élus, afin de les aligner sur les peines prévues pour les dépositaires de l'autorité publique ; à savoir cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours et sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende si l'incapacité de travail qui en résulte dépasse huit jours.

Jugeant particulièrement bienvenue cette mesure qu'elle a déjà votée à l'occasion de l'examen du projet de loi dit « LOPMI » en février 2023, la commission a adopté cet article sans modification.

1. La répression des violences faites aux élus : face à la réalité des violences, des protections spécifiques qui demeurent incomplètes

1.1. L'inadmissible hausse des faits de violences à l'encontre des élus locaux et singulièrement des maires

Le 22 mars 2023, le maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), Yannick Morez, a été victime d'un incendie volontaire et criminel de son véhicule, de son domicile et plusieurs de ses biens, alors qu'il y dormait avec sa famille.

Cet événement a mis en pleine lumière les violences auxquelles les élus locaux, et en particulier les maires, sont confrontés dans l'exercice quotidien de leur mandat. Elles se traduisent par des incivilités, des injures, des menaces et même des agressions physiques contre eux-mêmes ou leurs proches.

Soucieuse depuis plusieurs années de répondre efficacement à l'augmentation croissante des violences commises sur les élus locaux, la commission des lois du Sénat a engagé - à la suite du tragique décès du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, en août 2019 - plusieurs travaux afin de quantifier ces phénomènes et d'y apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Ainsi, son plan pour une plus grande sécurité des maires, présenté par Philippe Bas et adossé à une consultation nationale des élus locaux, a mis en lumière l'ampleur des incivilités et violences à l'égard des élus et les légitimes besoins exprimés par eux d'une meilleure protection dans l'exercice de leurs fonctions5(*).

Plus récemment encore, la mission d'information sur l'avenir du maire et de la commune dont Mathieu Darnaud était le rapporteur, constituée à l'initiative du groupe Les Républicains, a pu prendre une nouvelle fois la mesure du phénomène en procédant à la consultation d'élus locaux. Ainsi, sur les 2 954 élus ayant répondu, seuls un peu plus d'un quart (27,4 %) ont été préservés d'injures ou incivilités, et moins de la moitié (46,2 %) de menaces6(*). De surcroît, près de 20 % des élus ayant répondu à la consultation ont subi des violences.

Résultats de la consultation des élus municipaux réalisée par
la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire

Réponses à la question : Avez-vous été victime dans le cadre de l'exercice de vos fonctions municipales, depuis le début du mandat actuel...

... d'incivilités (impolitesse, agressivité, etc.) ou d'injures ?

... de menaces verbales ou écrites ?

... d'agressions physiques ou de violences ?

Fréquemment

5,1 %

2,5 %

0,6 %

Parfois

35,4 %

22,5 %

4,2 %

Rarement

31,0 %

27,0 %

9,4 %

Jamais

27,4 %

46,2 %

82,1 %

Ne se prononce pas

1,2 %

1,7 %

3,7 %

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, p. 171

Ceci rejoint les études conduites par l'Association des maires de France (AMF), auditionnée par le rapporteur, qui dénoncent une augmentation des outrages, menaces et violence contre les élus de 15 % en 2022, en dénombrant 1 500 environ à partir des déclarations faites à son observatoire des agressions envers les élus et des faits rapportés par la presse.

Au surplus, comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi, « selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l'intérieur, près de 2 265 plaintes ou signalements pour des faits de violence verbale ou physique à l'encontre des élus ont été recensés en 2022 ; soit une hausse de 32 % par rapport à l'année précédente ».

Interrogée sur ce point, la direction générale des collectivités locales (DGCL) a indiqué qu'au cours du premier trimestre 2023, « 891 faits visant des élus ont été recensés par les services de police et de gendarmerie et 632 procédures initiées. [...] Le plus fréquemment, les élus sont victimes d'outrages (36 %) et de menaces de mort (21 %). Les faits de violences physiques (160 en 2020) restent largement minoritaires et stables par rapport à 2022 (165). 42 % des procédures concernent les maires et 20 % les députés. En zone de gendarmerie nationale (ZGN), ce sont les maires, adjoints et conseillers municipaux qui sont principalement visés, à 85 %. Les parlementaires représentent 12 % des victimes. En zone de police nationale (ZPN), ce sont les députés qui sont le plus visés : ils représentent 50 % des atteintes aux élus, devant les maires (25 %). » Encore ces statistiques ne rendent-elles compte que des affaires signalées aux services de police et de gendarmerie.

Parallèlement, la direction générale de la police nationale (DGPN) a souligné au rapporteur l'importance croissante du phénomène des atteintes envers les élus puisqu'elles « connaissent une croissance régulière depuis maintenant deux années, situation corrélée à une actualité qui les expose de manière significative (opposition aux mesures sanitaires, contestation de la réforme des retraites, émeutes consécutives au décès de Nahel Merzouk au cours desquelles plusieurs élus ont été victimes d'atteintes personnelles) ». Plus précisément, en zone police nationale, la DGPN recensait 1 387 faits à l'encontre des élus locaux depuis le 1er janvier 2023, parmi lesquels les maires sont en grande majorité visés (1 001 faits, soit 72,2 % des faits), suivis par leurs adjoints (232 faits, soit 16,7 % des faits) puis des conseillers municipaux (109 faits, soit 7,9 % des faits).

1.2. La répression des violences faites aux élus dans le code pénal : de récentes avancées qui demeurent perfectibles

La qualité d'élu n'est pas prise en compte en tant que telle par le code pénal, à l'exception du délit de menaces et d'intimidations qui vise les personnes investies d'un mandat électif prévu à l'article 433-3 du code pénal7(*).

Toutefois, il convient de noter qu'en leur qualité soit de personnes dépositaires de l'autorité publique, soit de personnes chargées de mission de service public, les élus font l'objet d'une protection spécifique par le code pénal.

Comme l'a confirmé la circulaire du garde des sceaux du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant, « les responsables des exécutifs locaux (maires, présidents d'intercommunalités, des conseils départementaux et régionaux) mais aussi les adjoints aux maires et conseillers municipaux délégués, ont la qualité de personnes dépositaires de l'autorité publique. Les autres élus locaux, lorsqu'ils ne se voient confier par délégation aucune prérogative de puissance publique, comme les parlementaires, ont quant à eux la qualité de personnes chargées d'une mission de service public ».

Deux catégories juridiques susceptibles de qualifier les élus locaux :
personnes dépositaires de l'autorité publique et personnes chargées
d'une mission de service public

La qualité de « personne dépositaire de l'autorité public » vise toute personne titulaire d'un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus ou sur les choses dans l'exercice de ses fonctions, et dont elle est investie par délégation de la puissance publique. Entrent dans cette catégorie les titulaires de fonctions exécutives, comme les maires ou les préfets, ou bien les représentants des forces de l'ordre, comme les policiers ou les gendarmes.

La qualité de « personne chargée d'une mission de service public » vise toute personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement découlant de l'autorité publique, est chargée d'accomplir des actes ou d'exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt général.

En raison de ces qualités, les atteintes commises à l'encontre des élus sont susceptibles d'être réprimées par des infractions spécifiques qui prennent en compte la qualité de la victime comme élément constitutif de l'infraction. Il en va ainsi des menaces et intimidations, des outrages et des actes de rébellion et de rébellion armée.

Par ailleurs, le législateur a souhaité, pour d'autres atteintes, que des aggravations de peines soient encourues dès lors qu'elles sont commises à l'encontre des élus. Ainsi, la qualité de personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public est constitutive d'une circonstance aggravante lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur de l'infraction et que les faits sont commis en raison de ses fonctions. Il en va ainsi s'agissant des dégradations, du meurtre ou de l'empoisonnement ainsi que des tortures et des actes de barbarie.

Pour l'ensemble de ces infractions est prévue une circonstance aggravante lorsqu'elles sont commises à l'encontre d'un élu, qu'il soit dépositaire de l'autorité publique ou chargé d'une mission de service public, à l'exception de l'infraction de dégradation, destruction ou détérioration volontaire d'un bien appartenant à autrui pour laquelle la circonstance aggravante ne s'applique qu'aux seuls élus dépositaires de l'autorité publique8(*).

Néanmoins, un récent renforcement de l'arsenal répressif en cas de violences commises contre les professions les plus exposées aux violences en raison et dans le cadre de leurs fonctions a été souhaité par le législateur. Ainsi, introduit par la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, dite « RPSI », l'article 222-14-5 du code pénal a créé une infraction spécifique réprimant les violences commises sur certaines personnes dépositaires de l'autorité publique dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, dès lors que sa qualité est apparente ou connue de l'auteur et aggrave les sanctions pénales encourues par les auteurs de violences commises contre celles-ci.

La liste de professions particulièrement exposées dans les tâches de maintien de l'ordre est limitativement énumérée par ledit article et concerne tout :

- militaire de la gendarmerie nationale,

- militaire déployé sur le territoire national dans le cadre d'une opération intérieure,

- fonctionnaire de la police nationale,

- agent de police municipale,

- agent de l'administration pénitentiaire.

En outre, l'infraction est également constituée lorsque la victime est :

- un proche des personnes mentionnées, à savoir le conjoint, l'ascendant ou le descendant en ligne directe, ou toute autre personne vivant habituellement à leur domicile lorsque les violences sont commises en raison des fonctions exercées par les personnes mentionnées ;

- une personne affectée dans les services de police, nationale ou municipale, ou de gendarmerie nationale ou de l'administration pénitentiaire et exerçant sous l'autorité des personnes mentionnées et dont la qualité est apparente ou connue de l'auteur, lorsque les violences sont commises dans l'exercice ou du fait de ses fonctions.

Cette infraction est alors punie de :

sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende si les violences ont entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ;

cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende si les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou si elles n'ont pas entraîné d'incapacité de travail.

Huit circonstances aggravantes ont été prévues par le législateur, les peines étant alors de :

dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende pour les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ;

sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail.

Lorsque les faits de l'infraction sont accompagnés d'au moins deux de ces circonstances aggravantes, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail.

Les huit circonstances aggravantes de l'article 222-14-5 du code pénal

Des circonstances aggravantes sont prévues lorsque l'infraction définie à l'article 222-14-5 du code pénal est commise :

- par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

- avec préméditation ou avec guet-apens ;

- avec usage ou menace d'une arme ;

- dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ;

- par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur ;

- dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

- par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ;

- par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée.

Source : article 222-14-5 du code pénal

Si l'introduction de cette infraction spécifique ne peut qu'être saluée, celle-ci ne trouve à s'appliquer ni aux personnes dépositaires de l'autorité publique, ni aux personnes chargées d'une mission de service public, ni aux titulaires d'un mandat électif, ni même aux maires pourtant officiers de police judiciaire, alors qu'elle trouve à s'appliquer en cas de violences commises sur tout agent de police municipale ou garde champêtre.

2. Un renforcement indispensable et proportionné des peines encourues en cas de violences à l'encontre des élus locaux

Poursuivant l'objectif général de « renforcer l'arsenal répressif en cas de violences commises à l'encontre des élus », le premier article de la proposition de loi déposée par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, intègre les titulaires d'un mandat électif public dans le champ de l'article 222-14-5 du code pénal.

Cet article reprend à l'identique des dispositions introduites par Marc-Philippe Daubresse, rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dite « LOPMI », et du groupe Les Républicains au Sénat, puis votées dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale avant d'être censurées, au seul motif qu'elles constituaient un « cavalier législatif », par le Conseil constitutionnel, en janvier 20239(*).

Le juge constitutionnel a, en effet, estimé qu' « introduites en première lecture en dépit de réserves exprimées quant à leur rattachement au périmètre du projet de loi initial, les dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans que cela ne prive évidemment le législateur de la possibilité d'adopter à nouveau ces dispositions dans un autre texte et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de leur conformité aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires ».

Comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi, ce dispositif vise à « sanctionner plus lourdement les auteurs de violences commises contre les élus locaux » et à aligner ces peines sur celles prévues pour réprimer les violences faites à l'encontre d'un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un agent de l'administration pénitentiaire.

Les violences commises à l'encontre des élus ou de leurs proches seraient ainsi punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, si elles ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou si elles n'ont pas entraîné d'incapacité de travail, et de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende si elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

De surcroît, l'article 1er de la proposition de loi permet qu'une telle infraction soit punie d'une peine complémentaire d'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31 du code pénal, ou d'une peine d'interdiction du territoire français à titre définitif ou pour une durée de dix ans ou plus.

À la lumière du nombre croissant d'actes de violences intolérables subis par les élus locaux et des enjeux que pose, pour la démocratie locale, la recrudescence de ces violences, la commission des lois a jugé que de nouvelles évolutions de l'arsenal répressif en la matière étaient indispensables, tant pour renforcer la réponse pénale apportée aux violences commises à l'encontre des élus, que d'aucuns jugent aujourd'hui trop faible, que pour renforcer le caractère dissuasif de ces sanctions « afin de prévenir ces faits ou d'empêcher leur récidive ».

Au surplus, la commission est convaincue qu'il est nécessaire et proportionné d'aligner le régime applicable aux élus sur celui aujourd'hui applicable à certaines personnes dépositaires de l'autorité publique, notamment les policiers municipaux et les gardes champêtres.

Sur ce point, il ne fait aucun doute pour le rapporteur que l'érection d'une protection pénale spécifique des élus locaux, du fait de la recrudescence d'actes de violences à leur endroit et de leur exposition directe à ceux-ci en raison de leur qualité, ne saurait être différente de celle dont bénéficient aujourd'hui, pour les forces de l'ordre, les policiers municipaux ou encore les gardes champêtres, tant qu'elle répond aux mêmes conditions et est sanctionnée de la même manière.

Dès lors, bien que ce dispositif modifie l'équilibre trouvé par la loi relative à la responsabilité pénale et la sécurité intérieure s'agissant de l'article 222-14-5 du code pénal, la commission a estimé qu'une telle évolution n'était pas de nature à remettre en cause la cohérence de ce dispositif qui visait, à sa création, des personnes qui, en raison de leurs fonctions, se trouvaient exposées directement à des violences. Comme l'avait alors énoncé le Conseil d'État pour justifier l'érection d'un dispositif spécifique applicable initialement aux forces de l'ordre et à certains militaires, « ce qui les différencie objectivement des autres agents et personnes dépositaires de l'autorité publique mentionnées aux articles 222-12 et 222-13 du code pénal, par fonction moins fréquemment en contact avec des personnes susceptibles de présenter un danger pour leur intégrité physique »10(*). La commission, à l'invitation de son rapporteur, a considéré que ces différences objectives trouvent parfaitement à s'appliquer à la situation actuelle et effective des élus locaux, et singulièrement des maires.

La commission a adopté l'article 1er sans modification.

Article 2
Création d'une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure publique à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique et d'une circonstance aggravante en cas de harcèlement des élus locaux

Afin de répondre au développement des menaces en ligne et des injures proférées sur les réseaux sociaux, phénomène en forte progression, l'article 2 prévoit une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure publique lorsque celle-ci est commise à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique, dont les élus locaux, ainsi qu'une nouvelle circonstance aggravante pour les cas de harcèlement, notamment en ligne, contre les élus locaux.

Particulièrement favorable à ces deux mesures qui complètent utilement l'arsenal répressif actuel, la commission a adopté cet article sans modification.

1. Améliorer la répression des injures publiques proférées à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique en la sanctionnant d'un travail d'intérêt général (TIG)

L'ensemble des associations d'élus rencontrées par le rapporteur ont fait état d'une recrudescence des injures publiques, principalement en ligne, proférées à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique et singulièrement des élus locaux.

En effet, interrogée sur ce point par le rapporteur, la direction générale de la police nationale (DGPN) a recensé depuis le 1er janvier 2023, 1 054 faits d'atteinte par paroles et écrits, à savoir des menaces, menaces de mort, outrages et injures, diffamation, usurpation d'identité à l'encontre des élus locaux, soit 76 % des infractions commises à leur endroit en zone police nationale.

Plus précisément, ces faits ont été signalés à l'encontre :

- de maires et des maires délégués pour 825 d'entre eux ;

- d'adjoints au maire  pour 151 d'entre eux ;

- de conseillers municipaux pour 58 d'entre eux ;

- de présidents de conseil régional et de conseillers régionaux pour 12 d'entre eux ;

- de présidents de conseil départemental et de conseillers départementaux pour 5 d'entre eux ;

- d'un président d'agglomération ;

- d'un président de Province ;

- et d'un membre du gouvernement calédonien.

Définie comme une « expression outrageuse (...) qui ne renferme l'imputation d'aucun fait », l'injure publique est considérée comme un délit de presse défini et réprimé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En l'état du droit, l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse précitée punit d'une peine de 12 000 euros d'amende, l'injure publique :

- envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l'air et de l'espace, les corps constitués et les administrations publiques (article 30) ;

- à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers le président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des cultes salariés par l'État, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition (article 31).

Afin de répondre au développement des menaces en ligne et des injures proférées sur les réseaux sociaux, phénomène en forte progression, l'article 2 de la proposition de loi prévoit de compléter les sanctions applicables, actuellement prévues à l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en cas d'injure publique lorsque celle-ci est commise à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique, d'une peine autonome de travail d'intérêt général (TIG).

Comme l'a indiqué la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) au rapporteur, « la peine de travail d'intérêt général peut être prononcée par le tribunal afin de substituer aux courtes peines d'emprisonnement une sanction individualisée, resocialisante et efficace pour lutter contre la récidive. La personne condamnée effectue alors un travail sans rémunération dans l'intérêt collectif, qui vise à réparer le tort commis à la communauté et restaurer le lien de confiance. Les collectivités et établissements publics, les associations et les entreprises chargées d'une mission de service public peuvent accueillir les personnes condamnées à une peine de travail d'intérêt général ».

Compte tenu de la nature du TIG, le rapporteur a jugé particulièrement bienvenue cette mesure de la proposition de loi qui vise à améliorer concrètement et pragmatiquement la répression de telles infractions commises à l'endroit des personnes dépositaires de l'autorité publique et singulièrement aux titulaires de mandats électifs. Il souhaite, néanmoins, insister sur le sens particulier de cette peine qui s'apparente à la réalisation d'un travail gratuit pour la collectivité et appelle, lorsque cela est possible et adapté à la personnalité du condamné, à ce que celui-ci puisse effectuer sa peine de TIG au sein d'une collectivité territoriale.

2. Faire du harcèlement, notamment en ligne, contre les élus locaux une circonstance aggravante

Parallèlement, en l'état du droit, le harcèlement des élus locaux ou personnes dépositaires de l'autorité publique ne fait pas l'objet d'une infraction spécifique ou d'une circonstance particulière au sein du code pénal.

Néanmoins, la qualification de harcèlement moral dite « générale », définie à l'article 222-33-2-2 du code pénal, introduite afin de mieux réprimer des formes de harcèlement échappant jusqu'alors aux sanctions, telles que le harcèlement scolaire et le cyber-harcèlement, peut aujourd'hui trouver à s'appliquer pour qualifier nombre d'agissements violents à l'encontre des élus locaux, y compris lorsqu'ils sont exclusivement psychologiques et commis en ligne.

Le premier alinéa de l'article 222-33-2-2 du code pénal dispose, en effet, que « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail »

Cette infraction ne peut, dès lors, se caractériser que par la réunion de trois éléments matériels :

- la réitération de propos ou comportements ;

- ayant pour effet ou pour objet une dégradation des conditions de vie de la victime ;

- cette dégradation étant perceptible par le biais de l'altération de sa santé physique ou mentale.

Pour mieux lutter contre les formes collectives de harcèlement, la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a précisé que l'infraction était également constituée lorsque les propos ou comportements sont imposés à la victime par plusieurs personnes de manière concertée, alors qu'aucune d'entre elles n'a agi de façon répétée, mais également lorsque ces agissements sont imposés à la victime par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que les propos ou comportements en question caractérisent une répétition.

L'infraction définie par l'article 222-33-2-2 du code pénal est aujourd'hui punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende lorsqu'il en est résulté une incapacité totale de travail inférieure à huit jours ou lorsqu'il n'en est résulté aucune.

De surcroît, le législateur a défini cinq circonstances aggravantes en la matière :

- si les faits ont conduit à une incapacité totale de travail de plus de huit jours ;

- s'ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable ;

- s'ils ont été commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique ;

- si un mineur était présent et y a assisté.

La peine est alors portée à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende lorsqu'une circonstance aggravante peut être appliquée, et à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende si les faits sont commis dans deux circonstances aggravantes.

L'article 2 de la proposition de loi complète l'article 222-33-2-2 du code pénal par la création d'un alinéa 4°bis afin d'aggraver la peine encourue lorsque les faits de harcèlement moral sont commis sur le titulaire d'un mandat électif. Elle serait alors punie de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende et, si elle était commise par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique, de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Face au développement préoccupant des faits de harcèlement et singulièrement de cyber-harcèlement à l'encontre des élus locaux, la commission estime indispensable de renforcer les sanctions encourues en cas de telles infractions. Elle a donc, à l'initiative de son rapporteur, adopté sans réserve la mesure ainsi proposée par les auteurs de la proposition de loi.

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 2 bis
Allongement des délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881

Afin de répondre au développement des menaces en ligne et des injures proférées sur les réseaux sociaux, phénomène en forte progression, l'article 2 bis introduit par la commission à l'initiative du rapporteur et de Hussein Bourgi, tend à allonger les délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881, les portant de trois mois à un an.

Ce faisant, elle a souhaité répondre à une difficulté rencontrée de longue date par les élus locaux encore trop souvent confrontés à l'inadaptation de ces délais dérogatoires, enserrant leurs possibilités d'action judiciaire contre les délits de presse, aux évolutions technologiques qui permettent non seulement la persistance de la diffusion de tels contenus dans l'espace public mais surtout en facilitent l'accessibilité.

Comme l'ont révélé les auditions des associations d'élus locaux conduites par le rapporteur, nombre d'élus locaux sont encore trop souvent confrontés à l'inadaptation des délais de prescription, enserrant leurs possibilités d'action judiciaire contre les délits de presse, aux évolutions technologiques qui permettent non seulement la persistance de la diffusion de tels contenus dans l'espace public mais surtout en facilitent l'accessibilité.

En l'état actuel du droit, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a institué un régime procédural original, caractérisé à la fois par des courts délais de prescription et par des exigences élevées de formalisme pour le faire, imposées à peine de nullité. Plus précisément, elle institue un régime de prescription dérogatoire au droit commun unifié et fixé à trois mois, commençant à courir à compter de la commission de l'infraction - autrement dit, de la diffusion et de la mise à disposition du public, le cas échéant en ligne11(*).

Outre l'objectif de favoriser la liberté d'expression, le choix d'enserrer les possibilités d'action judiciaire contre les délits de presse dans des délais restreints était justifié par le caractère éphémère de la presse papier et la rapide disparition du support de l'infraction.

Si la loi dite « Perben » II12(*), en 2004, a amorcé le mouvement d'allongement des délais de prescription en la matière, celle-ci n'a concerné que les provocations à la discrimination et les diffamations et injures prononcées en raison de l'origine, de la religion ou du sexe.

Le régime de prescription dérogatoire consacré par les articles 65 à 65-4
de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose, à son premier alinéa, que, par principe, « l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait ».

Par exception, l'article 65-3 de la loi précitée prévoit que ce délai est porté à un an s'agissant des infractions suivantes :

- les provocations non suivies d'effet à commettre des crimes ou délits déterminés, les apologies de certains crimes ou délits, les provocations à la haine ou à la violence pour un motif discriminatoire, ainsi la contravention de cris ou chants séditieux ;

- les contestations, négation, minoration ou banalisation de crimes contre l'humanité, réduction en esclavage ou crime de guerre ;

- les diffamations à raison de l'origine, de la religion ou du genre ;

- les injures à raison de l'origine, de la religion ou du genre.

Le Conseil constitutionnel a eu toutefois l'occasion de se prononcer sur la conformité de délais dérogatoires prévus à l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 au regard du principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789. Plus précisément, dans une décision rendue le 12 avril 2013, il a jugé conforme aux exigences constitutionnelles la différence de traitement résultant du délai de prescription d'un an pour les délits de presse présentant un caractère discriminatoire dès lors que celle-ci a pour objet de renforcer la sévérité avec laquelle ces infractions sont poursuivies et réprimées et qu'elle ne revêt pas un caractère disproportionné13(*).

C'est pourquoi, face à un nombre croissant des faits de diffamation et d'injure publique à l'encontre des élus locaux commis par le biais de supports numériques qui, de ce fait, échappent encore largement aux poursuites, la commission a, à l'initiative du rapporteur et de Hussein Bourgi (amendements identiques COM-3 et COM-10), allongé le délai dérogatoire de prescription de trois mois à un an, pour les délits de diffamation et d'injure commises sur les personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33.

Les personnes mentionnées aux articles 31 et 33
de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Une telle modification du régime de prescription des délits de diffamation commis sur une personne, à raison de sa fonction ou de sa qualité, trouverait à s'appliquer à une liste limitativement énumérée et prévue aux articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ainsi, en l'état du droit, l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit d'une peine de 12 000 euros d'amende, l'injure publique à l'encontre des personnes suivantes :

- envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l'air et de l'espace, les corps constitués et les administrations publiques (article 30) ;

- à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers le Président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des cultes salariés par l'État, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition (article 31).

Elle a, dès lors, entendu aligner ces délais sur les délais dérogatoires préexistants pour les délits de diffamation et d'injure commis à raison de l'origine, de la religion ou du genre, jugeant qu'un tel allongement se justifiait en pareil cas au regard de l'atteinte portée à ces fonctions particulières, au-delà des seuls intérêts privés de la victime.

La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.

Article 2 ter
Création d'une circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale

Par l'introduction d'un article additionnel 2 ter, la commission a, à l'initiative du rapporteur, introduit une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale, prenant ainsi en compte le contexte de crise des vocations électorales et d'aggravation des violences commises à leur encontre.

La commission a ainsi souhaité aligner les peines encourues en cas d'atteinte à la vie privée des candidats sur les peines prévues lorsque ces faits sont commis au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique, d'un journaliste ou d'un titulaire d'un mandat électif.

Dans un contexte de crise des vocations électorales et d'aggravation des violences commises à l'encontre des élus mais également des candidats aux élections, le présent amendement vise à créer une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale.

En effet, si les atteintes à la vie privée par diffusion d'informations relatives à la vie privée et familiale des personnes titulaires d'un mandat électif sont déjà réprimées en l'état du droit et constituent au surplus une circonstance aggravante de ces délits, les candidats aux mandats électifs publics ne bénéficient d'aucune protection spécifique en la matière.

Plus précisément, d'une part, les articles 226-1 et suivants du code pénal incriminent les différentes atteintes à la vie privée que constituent notamment la captation, fixation et transmission de paroles et images privées, l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, voies de fait ou contrainte, ou encore l'usurpation d'identité d'un tiers en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération.

D'autre part, l'article 223-1-1 du même code créé par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République réprime quant à lui le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser aux fins de l'exposer ou d'exposer les membres de sa famille à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer. Ces faits sont, en l'état du droit, punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Par ailleurs, le législateur a souhaité introduire une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou titulaire d'un mandat électif public ou d'un journaliste, au sens du deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les peines sont alors portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.

Prenant acte de l'absence de protection spécifique des atteintes à la vie privée des candidats aux élections, la commission a jugé nécessaire, par l'adoption d'un amendement COM-11 du rapporteur portant création d'un nouvel article 2 ter, d'instituer une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public par la diffusion ou révélation d'informations permettant de l'identifier ou de le localiser aux fins de l'exposer ou d'exposer les membres de sa famille à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer, au même article L. 223-1-1 du code pénal.

S'alignant sur les peines prévues lorsque ces faits sont commis au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique, d'un journaliste ou d'un titulaire d'un mandat électif, la commission a prévu que de tels faits seraient punis de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

La commission a adopté l'article 2 ter ainsi rédigé.

TITRE II
AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES ÉLUS VICTIMES DE VIOLENCES, AGRESSIONS OU INJURES DANS LE CADRE DE LEUR MANDAT OU D'UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE

Article 3
Octroi automatique de la protection fonctionnelle aux maires et à leurs adjoints victimes de violences, de menaces ou d'outrages

Afin de garantir une protection fonctionnelle effective, l'article 3 tend à rendre automatique l'octroi de la protection fonctionnelle aux maires et à leurs adjoints victimes de violences, de menaces ou d'outrages qui en font la demande. Le conseil municipal garderait toutefois la possibilité de retirer le bénéfice de cette protection fonctionnelle, par une délibération motivée par un motif d'intérêt général prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l'élu.

Jugeant cette mesure indispensable, la commission a adopté cet article en étendant son bénéfice aux conseillers départementaux et régionaux.

1. La protection fonctionnelle des maires et de leurs adjoints

Tout comme les agents publics, les maires et leurs adjoints peuvent bénéficier d'une protection fonctionnelle. Il existe aujourd'hui deux régimes de protection fonctionnelle applicables aux élus locaux.

1.1. La protection fonctionnelle des élus municipaux en cas de poursuites pénales ou civiles

En premier lieu, aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, les communes sont tenues d'accorder la protection fonctionnelle aux élus municipaux faisant l'objet de poursuites pénales ou civiles. Cette protection consiste principalement en une prise en charge des honoraires d'avocats et des frais de justice engagés par les élus pour assurer leur défense.

La décision d'octroi de la protection fonctionnelle est prise par le conseil municipal, sur demande de l'élu concerné par les poursuites, lorsque les conditions légales sont remplies.

Plusieurs conditions encadrent en effet l'octroi de la protection fonctionnelle.

D'une part, cette protection ne concerne pas l'ensemble des conseillers municipaux, seuls les maires et les élus les suppléant dans l'exercice de leurs fonctions ou ayant reçu une délégation pouvant en bénéficier.

D'autre part, pour qu'un élu puisse bénéficier de cette protection, les faits en cause ne doivent pas avoir « le caractère de faute détachable de l'exercice des fonctions ». En cas de faute personnelle, c'est-à-dire d'une faute qui révèle des préoccupations d'ordre privé, qui procède d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques, ou qui revêt une particulière gravité, l'élu ne peut se voir octroyer la protection fonctionnelle. Par exemple, le Conseil d'État a jugé qu'une commune ne pouvait accorder la protection fonctionnelle à un maire ayant tenu des propos constitutifs de provocation à la haine raciale lors d'une réunion publique14(*).

Par exception, l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales prévoit que cette protection est accordée et prise en charge par l'État lorsque l'élu municipal concerné est poursuivi pour des faits accomplis en qualité d'agent de l'État.

1.2. La protection fonctionnelle des maires et de leurs adjoints en cas de violences, de menaces ou d'outrages

En second lieu, l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales prévoit que les communes ont l'obligation d'octroyer la protection fonctionnelle aux maires et aux élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation qui sont victimes de violences, de menaces ou d'outrages à l'occasion ou du fait de leurs fonctions. Cette liste n'est pas exhaustive et la protection fonctionnelle doit également être accordée aux élus victimes de voies de fait, d'injures ou de diffamations15(*).

Cette protection est étendue aux conjoints, enfants et ascendants directs des élus concernés lorsqu'ils sont victimes d'actes similaires en raison des fonctions exercées par ces derniers.

Pour bénéficier de cette protection, l'élu victime de tels actes doit également en faire la demande auprès du conseil municipal. Celui-ci apprécie l'opportunité d'accorder la protection en fonction de la gravité des faits et définit, le cas échéant, les modalités appropriées de protection.

Les mesures prises à ce titre peuvent comprendre la prise en charge des honoraires d'avocats et des frais de justice mais aussi la réparation des préjudices subis ainsi que des mesures de protection visant par exemple à faire cesser les menaces.

2. Le dispositif proposé : l'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d'outrages

L'article 3 de la proposition de loi modifie l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et tend à rendre automatique l'octroi de la protection fonctionnelle aux maires et aux adjoints victimes de violences, de menaces ou d'outrages dans l'exercice de leur mandat, dès lors qu'ils en font la demande. Les membres du conseil municipal en seraient seulement informés dans les plus brefs délais.

Le conseil municipal conserverait toutefois la possibilité de retirer le bénéfice de cette protection fonctionnelle ou d'en restreindre le champ par une délibération motivée par un motif d'intérêt général prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l'élu. Le dispositif proposé précise à cet égard que l'inscription de ce point à l'ordre du jour est de droit à la demande d'un ou de plusieurs membres du conseil municipal.

L'objectif est de garantir une protection fonctionnelle effective pour les maires et leurs adjoints, ce qui n'apparaît pas être le cas à l'heure actuelle. Dès 2019, la commission des lois du Sénat16(*) révélait que de nombreux maires renonçaient à demander la protection fonctionnelle, en raison principalement de la méconnaissance de la procédure et de sa complexité et des difficultés à l'obtenir auprès du conseil municipal. Au total, seuls 32 % des maires victimes d'agressions physiques, de menaces ou d'outrages déclaraient avoir bénéficié d'une protection juridique de la part de leur commune en 2019.

3. La position de la commission : une mesure indispensable pour mieux protéger les élus municipaux, qui doit être étendue aux conseillers départementaux et régionaux

La commission souscrit pleinement à cette mesure, qui reprend une proposition formulée de longue date par le Sénat17(*), qui l'avait d'ailleurs introduite par amendement en commission lors de l'examen en première lecture de la loi dite « Engagement et proximité » en 201918(*), avant d'être supprimée par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement.

L'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux maires et à leurs adjoints apparaît d'autant plus nécessaire aujourd'hui, du fait de l'accroissement des violences contre les élus locaux, comme en témoigne l'incendie volontaire du domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, auditionné par la commission le 17 mai dernier.

Par un amendement COM-12 adopté à l'initiative de son rapporteur, la commission a étendu ce nouveau dispositif aux élus des conseils régionaux et départementaux, qui sont eux aussi confrontés à des agressions plus fréquentes.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Élargissement du dispositif de compensation par l'État des coûts liés à l'obligation de contracter une assurance

L'article 4 tend à élargir à l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants la compensation financière par l'État des coûts de couverture assurantielle pesant sur ces dernières pour l'octroi de la protection fonctionnelle.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. L'introduction d'une obligation assurantielle pour les communes par la loi « Engagement et proximité »

1.1. L'obligation pour les communes de contracter une assurance pour couvrir les frais liés à l'octroi de la protection fonctionnelle

La pénalisation croissante de la vie publique locale, le nombre toujours plus élevé de mises en cause d'élus locaux devant les tribunaux en résultant ainsi que la multiplication des agressions à l'encontre des élus locaux ont provoqué une hausse des demandes de protection fonctionnelle formulées auprès des communes.

Confrontées à des demandes de protection fonctionnelle de plus en plus nombreuses, les communes n'apparaissent pas toujours en mesure de garantir une protection effective. Les mesures prises au titre de la protection des élus engendrent en effet des coûts importants et difficilement prévisibles. Cette situation concerne particulièrement les petites communes, qui ne disposent pas nécessairement de services juridiques capables d'accompagner les élus dans leurs procédures judiciaires et dont les budgets sont plus contraints.

Face à cette situation et pour s'assurer de la capacité des communes à protéger leurs élus, l'article 104 de la loi « Engagement et proximité19(*) » a introduit une obligation, pour l'ensemble des communes, de contracter une assurance destinée à couvrir les coûts liés à l'octroi de la protection fonctionnelle aux maires et aux élus municipaux les suppléant ou ayant reçu une délégation faisant l'objet de poursuites civiles ou pénales, ou bien victimes de violences de menaces ou d'outrages. Cette assurance doit couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts résultant de l'obligation de protection à l'égard des élus concernés.

1.2. Le dispositif de compensation par l'État des coûts liés à l'obligation de contracter une assurance pour les petites communes

L'article 104 de la loi « Engagement et proximité » a également instauré un dispositif de compensation par l'État des frais occasionnés par l'obligation de souscription d'une assurance pour les communes de moins de 3 500 habitants, selon un barème fixé par décret20(*). Actuellement, 31 736 communes bénéficient de cette compensation.

Celle-ci prend la forme d'une majoration de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, dont le montant varie en fonction du nombre d'habitants.

Montant de la compensation annuelle des coûts liés
aux contrats d'assurance relatifs à la protection fonctionnelle des élus

Population (nombre d'habitants)

Montant de la compensation annuelle

De 1 à 99 habitants

72 €

De 100 à 499 habitants

87 €

De 500 à 1 499 habitants

102 €

De 1500 à 2 499 habitants

117 €

De 2 500 à 3 499 habitants

133 €

Source : Article D. 2335-1-1 du code général des collectivités territoriales

2. Le dispositif proposé : l'élargissement du dispositif de compensation par l'État des coûts liés à l'obligation de contracter une assurance à l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants

L'article 4 de la proposition de loi modifie l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et tend à étendre à l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants le dispositif de compensation par l'État des coûts liés à l'obligation de contracter une assurance.

Cette extension concernerait uniquement les contrats d'assurance visant à couvrir les frais liés à la protection fonctionnelle des élus victimes de violences, de menaces ou d'outrages. Ainsi, toutes les communes de moins de 10 000 habitants bénéficieraient désormais de la majoration de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux visant à compenser les coûts liés à la souscription d'une assurance pour la protection de leurs élus victimes de violences, de menaces ou d'outrages. En revanche, s'agissant des coûts découlant de l'obligation de souscrire une assurance pour la protection des élus faisant l'objet de poursuites pénales ou civiles, seules les communes de moins de 3 500 habitants continueraient de bénéficier du dispositif de compensation.

3. La position de la commission : un élargissement souhaitable qui permettra de soutenir financièrement les communes

La commission est favorable à l'élargissement proposé, qui reprend une recommandation formulée par le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation dont les travaux ont été rendus en juillet 202321(*).

Cette extension du dispositif de compensation permettra de mieux accompagner les communes, dont les budgets apparaissent de plus en plus contraints.

La commission regrette cependant la faiblesse des montants fixés dans le barème de compensation arrêté par le pouvoir réglementaire. Comme souligné par le sénateur Mathieu Darnaud dans son rapport d'information sur l'avenir de la commune et du maire22(*), la faiblesse de ces montants « ne permet pas toujours aux communes d'obtenir une juste compensation, à rebours de l'intention du législateur exprimée clairement lors des débats sur le projet de loi dit "Engagement et proximité" de 2019 ». La commission souhaite donc que soit engagée une réévaluation de cette compensation.

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5
Clarification de l'autorité chargée d'accorder la protection fonctionnelle aux élus locaux victimes de violences, de menaces ou d'outrages

L'article 5 tend à clarifier l'autorité chargée d'assurer la protection des élus locaux. Sur le modèle du régime de protection fonctionnelle applicable aux élus faisant l'objet de poursuites civiles ou pénales, l'article précise que lorsqu'un maire ou l'un de ses adjoints agit en qualité d'agent de l'État, la protection fonctionnelle lui est accordée par l'État en cas de violences, de menaces ou d'outrages.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Les autorités assurant la protection des élus locaux diffèrent selon le régime de protection fonctionnelle

En l'état du droit, les autorités pouvant accorder la protection fonctionnelle à un maire ou à l'un de ses adjoints diffèrent selon le régime considéré.

S'agissant du régime de protection fonctionnelle applicable en cas de poursuites pénales ou civiles, l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi que ce sont les communes qui sont tenues d'octroyer la protection fonctionnelle aux maires et aux adjoints faisant l'objet de telles poursuites. Toutefois, lorsque l'élu concerné agit en qualité d'agent de l'État, le même article précise que la protection fonctionnelle est alors accordée par l'État.

En revanche, s'agissant du régime de protection fonctionnelle concernant les élus victimes de violences, de menaces ou d'outrages, l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales dispose que les mesures de protection sont prises par les communes, y compris lorsque les maires ou leurs adjoints agissent en qualité d'agent de l'État. Ce sont donc les communes qui supportent la totalité des coûts liés aux mesures de protection des élus municipaux victimes de violences.

2. Le dispositif proposé : prévoir que l'État accorde directement la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences agissant en qualité d'agent de l'État

L'article 5 de la proposition de loi complète l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et prévoit que lorsqu'un maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation est victime de violences, de menaces ou d'outrages, la protection fonctionnelle lui est octroyée par l'État lorsqu'il agit en qualité d'agent de ce dernier.

Cet article a donc pour objet d'harmoniser les deux régimes, sur le modèle de la séparation des responsabilités prévue pour les élus faisant l'objet de poursuites pénales ou civiles.

3. La position de la commission : une harmonisation bienvenue qui permettra de réduire les coûts pesant sur les communes

La commission souscrit pleinement à l'harmonisation des deux régimes.

A l'heure actuelle, les communes supportent tous les coûts liés à l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus locaux victimes de violences, de menaces ou d'outrages, y compris lorsque ces derniers agissent pour le compte de l'État.

Ces coûts, très importants, grèvent les budgets des communes, d'autant plus qu'ils apparaissent en forte augmentation en raison de la multiplication des violences verbales et physiques contre les élus locaux.

Il importe donc que l'État prenne ses responsabilités en protégeant les élus locaux victimes de violences lorsqu'ils agissent pour son compte.

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6
Application des dispositions relatives à la protection fonctionnelle et à l'amoindrissement de la responsabilité des élus locaux aux élus des communautés de communes

L'article 6 tend à combler un vide juridique en prévoyant que les dispositions instituant une protection fonctionnelle et amoindrissant la responsabilité pénale des élus pour les actions menées dans le cadre de leur mandat sont applicables aux élus municipaux membres des communautés de communes.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Le dispositif proposé : l'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle et des dispositions de la loi « Fauchon » aux élus des communautés de communes

1.1. La protection fonctionnelle et l'amoindrissement de la responsabilité pénale des élus locaux

À l'instar des agents publics, les élus locaux ont droit à une protection fonctionnelle. Par exemple, les maires et les élus municipaux les suppléant ou ayant reçu une délégation peuvent bénéficier d'une protection soit lorsqu'ils font l'objet de poursuites pénales ou civiles23(*), soit lorsqu'ils sont victimes d'agressions, de menaces ou d'outrages, à l'occasion ou du fait de leurs fonctions24(*).

De même, les élus locaux bénéficient d'un dispositif d'amoindrissement de leur responsabilité pénale issu de la loi dite « Fauchon25(*) ».

D'une part, ce dispositif prévoit que les élus locaux ne peuvent être condamnés pour des délits non intentionnels commis dans l'exercice de leurs fonctions et ayant directement provoqué un dommage, sauf s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions qui leur sont confiées. Les délits non intentionnels correspondent à des fautes d'imprudence, de négligence ou à un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Concrètement, lorsqu'un élu local est mis en cause pour une telle faute, le juge pénal l'apprécie en prenant en compte les moyens à disposition de l'élu concerné ainsi que les éventuelles difficultés auxquelles il a pu être confronté dans leur mise en oeuvre.

D'autre part, lorsque le lien de causalité est indirect, c'est-à-dire lorsque l'élu n'a pas directement causé un dommage mais qu'il a seulement créé ou contribué à créer la situation ayant provoqué le dommage, ou bien qu'il n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, sa responsabilité ne peut être retenue qu'en présence d'une faute qualifiée. Celle-ci correspond à une violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité, ou bien à une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que l'élu ne pouvait ignorer.

Dans un contexte de pénalisation croissante de la vie politique, l'objectif de la loi dite « Fauchon » était d'éviter la mise en cause des élus locaux pour la moindre imprudence, susceptible de décourager les vocations et de paralyser l'action publique. Durant la mandature 2008-2014, les travaux réalisés par l'observatoire de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) avaient en effet montré que plus de 1 200 élus locaux avaient été poursuivis en justice, soit une augmentation de près de 90 % par rapport à la précédente mandature, ce qui témoigne d'une mise en cause croissante des élus.

1.2. Les élus locaux bénéficiant de la protection fonctionnelle et des dispositions de la loi « Fauchon »

La quasi-totalité des élus locaux bénéficient de la protection fonctionnelle et des dispositions de la loi « Fauchon » :

- les maires et les élus municipaux les suppléant ou ayant reçu une délégation26(*) ;

- les présidents de conseil départemental et les conseillers départementaux les suppléant ou ayant reçu une délégation27(*) ;

- les présidents de conseil régional et les conseillers régionaux les suppléant ou ayant reçu une délégation28(*) ;

- les membres des conseils des communautés urbaines29(*) ;

- les membres des conseils des communautés d'agglomération30(*) ;

- les membres des conseils métropolitains31(*).

En revanche, les élus municipaux membres des communautés de communes ne peuvent, en l'état du droit, bénéficier de ces deux dispositifs. Comme indiqué par la direction générale des collectivités locales dans une réponse à une question écrite du sénateur Patrick Chaize en 202132(*), si le code général des collectivités territoriales prévoit que ces deux dispositifs sont applicables aux communautés d'agglomération, aux communautés urbaines et aux métropoles, il « ne contient pas cependant de disposition équivalente pour les communautés de communes ».

1.3. L'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle et des dispositions de la loi « Fauchon » aux élus des communautés de communes prévue par la proposition de loi

Tirant les conséquences de ce vide juridique, l'article 6 de la proposition de loi reprend les dispositions de la proposition de loi visant à garantir la protection fonctionnelle des membres des communautés de communes déposée par Philippe Bas et plusieurs de ses collègues33(*) et insère à l'article L. 5214-8 du code général des collectivités territoriales une référence aux articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du même code, de façon à ce que les dispositions relatives à la protection fonctionnelle des élus municipaux et à l'amoindrissement de leur responsabilité pénale s'appliquent également aux élus des communautés de communes.

2. La position de la commission : une clarification bienvenue du droit applicable aux élus des communautés de communes

La commission souscrit au dispositif proposé, qui permettra de clarifier les droits dont bénéficient les élus des communautés de communes.

Il semble peu probable que le juge écarte l'application de la protection fonctionnelle aux exécutifs des communautés de communes compte tenu de l'intention du législateur et du fait qu'il a reconnu à tous les agents publics le bénéfice de la protection fonctionnelle même sans texte, celle-ci constituant « un principe général du droit »34(*).

La commission considère toutefois que la modification apportée permettra de sécuriser pour les communautés de communes l'octroi de la protection fonctionnelle à leurs élus. Il en est de même pour l'application des dispositions de la loi « Fauchon ».

La commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7
Coordination

L'article 7 a pour objet de procéder à une mesure de coordination pour tenir compte de l'abrogation de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions figurent aujourd'hui dans le code général de la fonction publique.

La commission a adopté cet article sans modification.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales dispose que lorsqu'un maire ou l'un de ses adjoints agit en tant qu'agent de l'État, il bénéficie, de la part de l'État, de la protection fonctionnelle applicable aux fonctionnaires prévue par l'article 11 de la loi dite « Le Pors35(*) ».

L'article 7 de la proposition de loi tend à remplacer le renvoi à l'article 11 de la loi précitée figurant à l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales par un renvoi aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique, qui traitent de la protection fonctionnelle des agents publics. La loi « Le Pors » ayant en effet été abrogée le 1er mars 2022, ses dispositions figurent désormais dans le code général de la fonction publique.

La commission approuve pleinement cette modification, nécessaire pour que les dispositions relatives à la protection fonctionnelle des agents publics continuent de s'appliquer aux maires et à leurs adjoints lorsqu'ils agissent en qualité d'agent de l'État.

La commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8
Prise en charge des restes à charge et dépassements d'honoraires au titre de la protection fonctionnelle

L'article 8 tend à prévoir que les restes à charge et dépassements d'honoraires des élus victimes de violences sont pris en charge par la commune au titre de la protection fonctionnelle qu'elle leur octroie.

La commission a modifié l'article de façon à ce que seuls les restes à charge et dépassements d'honoraires en matière médicale et psychologique soient pris en charge par les communes.

L'article 8 de la proposition de loi modifie l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et précise qu'au titre de la protection fonctionnelle octroyée aux élus locaux victimes de violences, de menaces ou d'outrages, la commune prend en charge les restes à charge et les dépassements d'honoraires résultant des dépenses engagées par ces élus.

L'objectif est de renforcer l'accompagnement des élus victimes de violences, en leur garantissant la prise en charge de l'ensemble des dépenses liées aux faits ayant conduit à l'octroi de la protection fonctionnelle.

En effet, comme rappelé par le Conseil d'État36(*), dans l'hypothèse où une commune accorde la protection fonctionnelle à un élu municipal en prenant en charge les frais engagés, les dispositions relatives à la protection fonctionnelle des élus municipaux « n'ont en tout état de cause pas pour effet de contraindre la commune à prendre à sa charge, dans tous les cas, l'intégralité de ces frais ». Ainsi, la commune dispose d'un pouvoir d'appréciation et peut décider de n'assurer qu'une prise en charge partielle des dépenses engagées au titre de la protection fonctionnelle.

De plus, les polices d'assurance souscrites par les communes pour couvrir les frais liés à l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences ne prennent pas non plus en charge tous les frais, selon les éléments transmis au rapporteur par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF). C'est notamment le cas du suivi psychologique, puisque seules quelques séances sont généralement prises en charge. De même, les dépassements d'honoraires médicaux ne sont pas toujours pris en charge, ce qui peut poser problème dans les déserts médicaux, où les élus n'ont parfois pas d'autre choix que de consulter un médecin dont les dépassements d'honoraires sont élevés. Cette situation peut donc laisser d'importants restes à charge aux élus victimes ou les inciter à ne pas bénéficier du suivi dont ils ont pourtant besoin.

La commission souscrit donc pleinement à la prise en charge de ces frais. Par l'adoption d'un amendement COM-13 de son rapporteur, elle a toutefois précisé que la prise en charge concernerait les seuls dépassements d'honoraires et restes à charge médicaux et psychologiques et s'effectuerait selon un barème fixé par décret, afin d'éviter que soient par exemple pris en charge les honoraires d'avocats coûteux, qui auraient un impact disproportionné sur les budgets communaux.

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9
Faculté de saisine du bureau central de tarification pour l'assurance des permanences électorales et des lieux accueillant des réunions électorales

Face aux difficultés des élus qui essuient régulièrement des refus d'assurance pour la couverture des locaux et des biens utilisés pour l'exercice de leurs mandats, l'article 9 permet aux titulaires d'un mandat électif n'ayant pu obtenir un contrat assurantiel auprès d'au moins deux entreprises de saisir le bureau central de tarification pour faciliter leurs démarches et permettre la souscription de telles garanties.

La commission a adopté cet article en procédant à un ajustement rédactionnel afin d'inclure les candidats dans le champ des bénéficiaires potentiels.

Plusieurs associations représentatives d'élus ont fait part des difficultés de leurs membres à souscrire à des contrats d'assurance pour l'utilisation de locaux nécessaires à l'exercice de leurs mandats.

En effet, selon des statistiques communiquées au rapporteur par la direction générale de la police nationale (DGPN) les atteintes aux biens des élus en 2022 ont concerné 534 élus, décomposées comme suit :

- 333 faits ont concerné des députés,

- 13 faits ont concerné des sénateurs,

- 166 faits ont concerné des maires,

- 13 faits ont concerné des députés européens,

- 7 faits ont concerné des conseillers régionaux et départementaux et

- 2 faits ont concerné le président de la République.

Plus précisément, selon les informations communiquées au rapporteur, il s'agissait de dégradations ou destructions de biens publics (22 faits), de biens privés (33), ou permanences (33), de menaces de mort (331), d'autres types de menaces (89), d'outrages (55), de violences (33) et d'autres types de faits (79). 543 procédures ont été diligentées.

Plus récemment et pour les neuf premiers mois de 2023, les mêmes services de police ont dénombrés 465 faits dont 241 qui ont concerné des députés, 19 des sénateurs, 179 des maires, 3 des eurodéputés, 14 des conseillers régionaux et départementaux, 6 le président de la République et 3 des membres du gouvernement. Sur cette période, il s'agissait de dégradations ou destructions de biens publics (18 faits), de biens privés (37), de permanences (96), de menaces de mort (59), d'autres types de menaces (60), d'outrages (67), de violences (28) et d'autres types de faits (61).

S'agissant des zones gendarmerie nationale, les atteintes aux biens privés et immobiliers ont représenté, en 2023, 160 faits soit 11,6 % des infractions à l'encontre des élus locaux sur cette même zone.

Face à cet accroissement du nombre de dégradations des locaux utilisées à des fins de permanences parlementaires ou pour l'exercice des mandats locaux, plusieurs élus dénoncent depuis quelques mois deux types de difficultés : d'une part, il apparaît que les compagnies d'assurance souhaitent restreindre au maximum leur exposition au risque et n'hésitent plus à résilier des contrats en raison d'une « sinistralité excessive » ; d'autre part, nombreux sont les élus dont les baux locatifs pour l'usage de ces locaux risquent d'être résiliés ou de ne pas pouvoir être reconduits faute de couverture assurantielle comme l'exigent nombre de propriétaires.

Dans un marché assurantielle fluide et compétitif, cette pratique ne soulèverait aucune difficulté puisqu'il suffirait, en théorie, de se tourner vers un nouvel assureur, éventuellement en contrepartie d'une prime plus élevée en proportion du risque à garantir ; toutefois, force est de constater qu'un faible nombre de compagnies d'assurances acceptent de couvrir de tels locaux face à des risques que la direction générale du Trésor qualifie elle-même de difficiles à objectiver, faisant craindre un risque d'impossibilité durable d'assurance pour certains élus.

Face à l'injustice de cette situation qui place certains élus et singulièrement des parlementaires dans l'impossibilité de disposer d'une permanence ou dans des situations d'auto-assurance faisant peser sur leurs deniers personnels les risques de dégradations des biens nécessaires à l'exercice de leur mandat, l'article 9 de la proposition de loi permet aux titulaires d'un mandat électif n'ayant pu obtenir un contrat assurantiel auprès d'au moins deux entreprises de saisir le bureau central de tarification (BCT) pour faciliter leurs démarches et permettre la souscription de telles garanties pour assurer les risques de dommages des biens meubles et immeubles des permanences parlementaires ou des locaux accueillants des réunions électorales. Pour ce faire, les auteurs proposent d'introduite un nouveau titre V bis au livre II du code des assurances, consacré à « l'assurance des risques liés à l'exercice d'un mandat électif » et la création d'un nouvel article L. 252-3 dans ce titre nouvellement créé.

Il est apparu à la commission des lois que la solution apportée par la proposition de loi, en ce qu'elle s'inspirait d'une solution déjà retenue et éprouvée dans d'autres secteurs assurantiels - l'assurance automobile ou la responsabilité médicale -, était appropriée et proportionnée.

En effet, il reviendrait au BCT, défini aux articles L. 212-1 à L. 212-3 du code des assurances, de calculer la prime statistiquement exigible pour assurer le bien immobilier, et de contraindre un assureur à proposer un contrat à ce tarif. En pratique, tout élu pourrait, dès lors, bénéficier d'une couverture assurantielle lui permettant de disposer d'une permanence ou de lieux pour tenir des réunions politiques, et l'assureur ne supporterait aucun risque excessif puisque la prime serait calculée - comme pour les autres secteurs assurantiels - en toute indépendance en accord avec les spécificités de l'espèce.

Le bureau central de tarification (BCT)

Le Bureau Central de Tarification (BCT) est une autorité administrative paritaire composée des représentants des compagnies d'assurance et des représentants des assujettis.

Il peut être saisi par toute personne physique ou morale assujettie à une obligation d'assurance qui s'est vu refuser la garantie par une entreprise d'assurance dont les statuts n'interdisent pas la prise en charge de ce risque.

Il a pour rôle exclusif de fixer la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance désignée par l'assujetti est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé.

Le Bureau central de tarification comporte cinq sections qui correspondent aux assurances obligatoires pour lesquelles il peut être saisi : responsabilité civile automobile, assurance construction (responsabilité décennale/dommage ouvrage), assurance des catastrophes naturelles, assurance de la responsabilité civile médicale et assurance des locataires et copropriétaires.

Il n'a actuellement pas compétence pour intervenir pour des assurances autres que celles énumérées ci-dessus.

Si le rapporteur a entendu la volonté gouvernementale de mener une réflexion plus large sur l'assurance des biens des collectivités territoriales, il a estimé qu'il était impérieux et urgent de répondre aux difficultés concrètes des élus qui se trouvent dans l'incapacité d'assurer les risques liés à l'exercice de leurs mandats, à commencer par la couverture des risques et des dommages aux lieux utilisés aux fins de permanence parlementaire et de réunions politiques. Il a, en conséquence, proposé à la commission d'adopter cet article sous réserve d'une précision rédactionnelle.

En effet, tout en approuvant le principe de l'extension des missions du BCT à la couverture des dommages des biens meubles et immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales, le rapporteur a constaté que la rédaction prévue par la proposition de loi ne permettait pas de couvrir l'ensemble des difficultés rencontrées par les élus locaux ou les candidats à assurer un lieu accueillant des réunions électorales.

En l'occurrence, si l'intention des auteurs de la proposition de loi semble claire sur le fait de permettre la saisine du BCT pour toute permanence électorale ou tout lieu accueillant des réunions électorales, la rédaction retenue restreint le bénéfice de ces dispositions aux seuls titulaires de mandats exécutifs locaux alors que de tels lieux pourraient être utilisés par des candidats aux élections. Ainsi, la commission a, sur proposition de son rapporteur et par un amendement COM-14, clarifié la rédaction de l'article 9 pour inclure les candidats déclarés aux élections locales dans le champ des bénéficiaires du dispositif, notamment en vue de la tenue de réunions électorales.

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10
Élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle
aux candidats aux élections et remboursement des frais
de sécurisation engagés par les candidats

L'article 10 propose deux mesures destinées à assurer la protection des candidats aux élections locales et nationales : d'une part, il élargit le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats ayant déposé leur candidature, pendant toute la durée de la campagne électorale et, d'autre part, ouvre également le droit à une prise en charge par l'État, quels que soient le résultat électoral et la taille de la collectivité, des dépenses engagées par tout candidat pour sa sécurité.

Constatant l'absence de mécanisme de protection spécifique aux candidats aux élections malgré un contexte de crise des vocations électorales, la commission a accepté, sur le principe, ces deux mesures tout en procédant à des ajustements afin d'en garantir l'effectivité. Elle a, également, reporté d'une année après la promulgation de la loi l'entrée en vigueur de ce dispositif afin de permettre à l'ensemble des acteurs concernés de s'en saisir pleinement.

Afin de garantir, dans un contexte de crise des vocations électorales, l'engagement des citoyens dans les campagnes électorales et de permettre à chacun d'être candidat aux élections sans craindre pour sa sécurité, les auteurs de la proposition de loi proposent l'élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats ayant déposé leur candidature, et ce, pendant toute la durée de la campagne électorale. Comme le précise l'exposé des motifs de la proposition de loi, « cette protection serait prise en charge par l'État, acteur impartial et garant de l'expression pluraliste des courants d'idées comme de la tenue régulière des opérations électorales »37(*).

Parallèlement, ce même article ouvre le droit à une prise en charge par l'État, quels que soient le résultat électoral et la taille de la collectivité, des dépenses engagées par tout candidat pour sa sécurité. Celles-ci seraient prises en charge à une double condition : d'une part, que la prestation de sécurité ne soit pas exercée par les forces de l'ordre et, d'autre part, qu'il existe une menace avérée envers un candidat.

Pour ce faire, la proposition de loi ambitionne de créer un nouveau chapitre V ter intitulé « protection des candidats » au sein du code électoral.

Prenant acte de l'absence de dispositif dédié à la protection des candidats aux élections, particulièrement locales, et de l'impossibilité de bénéficier, indépendamment des résultats obtenus, d'un remboursement de leurs dépenses de sécurité compte tenu des critères existants, la commission a accueilli favorablement ces deux mesures qui constituent une première réponse à la crise des vocations électorales et à la nécessité de permettre à chacun d'être candidat sans craindre pour sa sécurité.

S'agissant des remboursements des dépenses de sécurité engagées par les candidats, le dispositif proposé s'ajouterait aux deux dispositifs de remboursement des dépenses de campagne existants mais serait le seul à être ouvert à tous les candidats : d'une part le remboursement de la propagande électorale institué au titre du principe d'égal accès à l'information électorale accessible à tous les candidats à l'exception des candidats dans des communes de moins de 1 000 habitants (article L.  52-4 du code électoral) et, d'autre part, le remboursement forfaitaire des comptes de campagne prévu à l'article L. 52-11-1 du code électoral au titre du principe de liberté de la campagne électorale, ouvert aux candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés.

Selon les informations communiquées au rapporteur par le bureau des élections du ministère de l'intérieur, « une évolution serait nécessaire concernant la situation des candidats aux élections municipales dans des communes de moins de 9 000 habitants puisqu'ils ne sont pas soumis à l'obligation de dépôt des comptes de campagne, de même que celle des candidats dans des communes de moins de 1 000 habitants qui ne sont pas non plus éligibles au remboursement de la propagande électorale ».

S'agissant de l'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle, il apparaît aux yeux du rapporteur utile d'élargir un dispositif éprouvé et ayant déjà fait la preuve de son efficacité, mais avant tout connu des élus locaux et des administrations centrales ; évitant ainsi de créer un nouveau statut juridique provisoire pour chacune des campagnes électorales.

S'il approuve l'objectif poursuivi, à savoir renforcer la protection des candidats aux élections nationales et locales, le rapporteur a toutefois estimé les dispositions de l'article 10 de la proposition de loi imprécises. La commission a, en effet, porté une attention particulière, dans le cadre de son examen des dispositions la proposition de loi, à ce qu'un équilibre soit trouvé entre, d'une part, la protection effective de l'ensemble des candidats susceptibles de voir leur sécurité menacée dans un contexte électoral et, d'autre part, l'opérationnalité de ces nouvelles mesures.

À cet effet, la commission a, à l'initiative de son rapporteur, adopté un amendement COM-15 apportant divers ajustements rédactionnels afin de garantir l'opérationnalité du dispositif en l'encadrant de garanties complémentaires de nature à en assurer la proportionnalité au regard des objectifs poursuivis.

De manière à garantir l'application de ces dispositions lors d'une période électorale encadrée dans le temps, celui-ci précise la notion de « campagne électorale » en la définissant par une computation calendaire de six mois avant le scrutin, période alignée sur celle fixée par l'article L. 52-4 du code électoral qui correspond à la période de « financement des campagnes électorales » qui s'étend « pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat ».

S'agissant du champ d'application de la mesure, la notion de « menace avérée » proposée dans la rédaction initiale, si elle a le mérite de poser une première limitation à l'application du dispositif, semble, d'un constat partagé avec le bureau des élections du ministère de l'intérieur, devoir être précisée par un décret en Conseil d'État. En effet, s'il est loisible au législateur de conditionner le déclenchement de toute protection fonctionnelle pour un candidat à une élection au dépôt d'une plainte, il n'est pas apparu souhaitable au rapporteur d'imposer une telle condition qui encourt le risque d'une multiplication sans précédent des dépôts de plainte et, par suite, d'une judiciarisation excessive des campagnes électorales. À l'inverse, la fixation par un décret en Conseil d'État d'une doctrine permettant, en fonction des élections et avec l'appui des directions d'administration centrale concernées, d'évaluer le caractère avéré d'une telle menace a semblé préférable au rapporteur (amendement COM-15).

Par le même amendement, la commission a également prévu que la responsabilité de l'instruction des demandes de remboursement formulées en application de ces dispositions incombe à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), seul organisme aujourd'hui en mesure de traiter la masse des demandes de remboursement et d'analyser l'éligibilité au regard de critères posés par la loi et par voie réglementaire de dépenses souvent disparates et évolutives d'une élection à une autre.

Enfin, compte tenu des délais nécessaires au déploiement effectif de ces deux mesures, liés d'une part aux délais de publication du décret d'application et d'autre part aux adaptations nécessaires du dispositif pour chaque type d'élection, la commission a estimé préférable de reporter l'entrée en vigueur de celles-ci d'un an après la promulgation de la loi (amendement COM-15).

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

TITRE III
RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS DES MANDATS ÉLECTIFS LOCAUX PAR LES ACTEURS JUDICIAIRES ET ÉTATIQUES

Article 11
Dépaysement d'office des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint au maire dans l'exercice de leur mandat

L'article 11 introduit un mécanisme de dépaysement d'office et systématique, dans la juridiction la plus proche, des affaires dans lesquelles un maire ou un adjoint au maire serait mis en cause comme auteur, les affaires dans lesquelles il serait victime restant traitées selon les règles de compétences territoriales locales.

Rappelant le double caractère d'agent de l'État et de justiciable des maires, susceptible de les placer dans des situations antagonistes vis-à-vis du ministère public, la commission a jugé particulièrement bienvenue cette mesure s'agissant des affaires dans lesquelles un maire serait mis en cause comme auteur. Elle a toutefois estimé souhaitable de maintenir le principe d'un dépaysement, à la main du procureur de la République, pour les affaires dans lesquelles il serait victime.

1. Un dispositif de dépaysement des affaires spécifique pour un certain nombre de personnes dépositaires de l'autorité publique, et singulièrement les élus locaux

L'article 43 du code de procédure pénale fixe les critères de compétence territoriale du procureur de la République.

Ainsi, il précise, dans son premier alinéa, que « sont compétents le procureur de la République du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation d'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause, et celui du lieu de détention d'une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une autre cause ».

Issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité38(*) et modifié par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, le second alinéa du même article 43 prévoit une dérogation à l'application des règles de compétence prévues par son premier alinéa. Le texte dispose ainsi que l'affaire peut être transmise à un autre procureur de la République lorsque les faits mettent en cause « comme auteur ou comme victime, un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction ».

L'introduction de cet alinéa précité visait, aux yeux de la commission des lois du Sénat, « à permettre, de manière fort compréhensible, d'éviter qu'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, qui est en relation avec les magistrats de la juridiction, soit jugée par cette juridiction »39(*). Comblant ainsi une lacune de la procédure pénale existante, le rapporteur avait souligné les caractères « utile » et même « nécessaire » de cette nouvelle procédure, les causes de renvoi prévues par le code de procédure pénale et exposées ci-avant ne trouvant à s'appliquer uniquement « lorsqu'une juridiction est saisie »,.

Ce dessaisissement d'une juridiction, avant sa saisine, est une faculté à la main du procureur général qui peut l'activer « d'office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l'intéressé ». Plus précisément, le Conseil constitutionnel a, sur ce point, jugé que « rien n'interdit à toute partie intéressée de porter à sa connaissance ou à celle du procureur de la République le motif qui justifierait un tel renvoi, c'est-à-dire l'existence de faits mettant en cause une personne désignée par les dispositions contestées habituellement en relation avec les magistrats ou les fonctionnaires de la juridiction »40(*).

Ces facultés de dépaysement des affaires judiciaires sont alternatives des procédures dites « de renvoi d'un tribunal à un autre », définies aux articles 662 à 667-1 du code de procédure pénale qui supposent qu'une juridiction ait déjà été saisie et qui « permet[tent] à la chambre criminelle de la Cour de Cassation de dessaisir toute juridiction d'instruction ou de jugement [notamment] pour cause de suspicion légitime » ou encore pour la bonne administration de la justice.

Enfin, cette mesure, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans la même décision, « est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours. Elle n'est pas juridictionnelle »41(*).

Ces facultés de dépaysement des affaires judiciaires sont alternatives des procédures dites « de renvoi d'un tribunal à un autre », définies aux articles 662 à 667-1 du code de procédure pénale qui supposent qu'une juridiction ait déjà été saisie et qui « permet[tent] à la chambre criminelle de la Cour de Cassation de dessaisir toute juridiction d'instruction ou de jugement [notamment] pour cause de suspicion légitime » ou encore pour la bonne administration de la justice.

2. La nécessité d'un renforcement du mécanisme de dépaysement des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint au maire dans l'exercice de leur mandat, condition d'une évolution des relations entre les maires et les procureurs de la République

Comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi dans l'exposé des motifs, « le double caractère d'agent de l'État et de justiciable des maires les place successivement, voire simultanément, comme partenaires privilégiés du ministère public mais aussi justiciables, qu'ils soient mis en cause ou victimes dans le cadre de l'exercice de leur mandat »42(*).

Dès lors, ils proposent d'introduire, à l'article 43 du code de procédure pénale, un mécanisme de dépaysement d'office, dans la juridiction la plus proche, des affaires dans lesquelles un maire ou un adjoint au maire serait mis en cause comme auteur, les affaires dans lesquelles il serait victime restant traitées selon les règles de compétences territoriales habituelles.

Cet article traduit, sur le plan législatif, la préconisation n°29 du rapport du procureur Hugues Berbain mené en concertation avec les principales associations représentatives d'élus relatif au renforcement de relations entre les maires et les parquets, qui rappelait que « l'application de ce texte pose le problème de la conjugaison entre deux principes : celui de l'impartialité du magistrat et du respect du juge naturel, s'agissant des maires »43(*).

La pénalisation croissante de la vie publique locale et le nombre toujours plus élevé de mises en cause d'élus locaux devant les tribunaux qui en résultent pose la question du dépaysement d'office de ce type d'affaires mettant en cause les élus locaux, pour des faits résultant de l'exercice, parfois quotidien, de leur mandat, et singulièrement les maires, pourtant agents de l'État et officiers de police judiciaire, avec une acuité particulièrement nouvelle.

Dans un tel contexte de hausse continue du nombre de poursuites et de condamnations des élus locaux depuis 1995, la commission a jugé cette automaticité du renvoi des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint au maire particulièrement bienvenue.

Le rapporteur rappelle que le principe d'égalité présente un relief particulier en matière procédurale, où il est souvent invoqué avec les droits de la défense et le droit à un procès équitable également garantis par la Constitution. En ce sens, le Conseil constitutionnel a rappelé que, en vertu des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties »44(*).

S'il approuve l'objectif poursuivi, à savoir prévenir les situations dans lesquelles un maire ou un adjoint au maire se retrouverait partenaire de la justice et mis en cause, le rapporteur a toutefois estimé que les dispositions de l'article 11 soulevaient des difficultés de deux ordres s'agissant des situations dans lesquelles l'élu est victime d'une infraction.

En effet, en l'état de la rédaction, l'article 11 semble rendre impossible le dépaysement d'une affaire dans laquelle un élu serait victime. Or, cette impossibilité de dépaysement n'est pas sans poser de difficulté si la personne mise en cause est elle aussi visée par le deuxième alinéa de l'article 43 et en contact habituel avec les magistrats et fonctionnaires de la juridiction. En outre, comme l'a souligné la direction des affaires criminelles et des grâces lors de son audition, « la flexibilité donnée par le législateur, utile par exemple en cas de médiatisation d'une situation particulière lorsque l'élu est victime (...) et permet de préserver l'ensemble des intérêts en présence ».

Le rapporteur a dès lors estimé qu'il n'était pas nécessaire de modifier l'équilibre ainsi prévu par l'article 43 alinéa 2 du code de procédure pénale s'agissant des élus victimes d'infractions et proposé en conséquence que l'automaticité du dépaysement ne soit prévue que dans l'hypothèse où un maire ou un adjoint serait mis en cause. À cet effet, la commission a, à son initiative, adopté un amendement COM-16 supprimant l'impossibilité de dépayser une affaire dans laquelle un élu serait victime afin de s'en tenir aux facultés de dépaysement déjà existantes pour traiter en fonction des circonstances des faits et des éléments de contexte spécifiques à chaque affaire en pareil cas.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
Renforcement de l'information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur son territoire

L'article 12 tend à renforcer l'information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions signalées par lui ou constatées par les agents de police municipale de sa commune. Pour ce faire, il rend systématique la communication au maire par le procureur de la République des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public sur le territoire de la commune et impose un délai d'un mois au procureur de la République pour communiquer les motivations des décisions de classement sans suite pour des affaires résultant d'une plainte ou d'un signalement du maire.

Jugeant cette amélioration de l'effectivité de l'information des maires nécessaire, la commission a adopté cet article sans modification.

1. L'obligation d'information du maire par les autorités judiciaires souffre d'un défaut d'effectivité

Depuis 2007, la loi prévoit une obligation d'information du maire par le procureur de la République, dans plusieurs cas.

En application de l'article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure, les services de la police et de la gendarmerie nationales sont tout d'abord tenus d'informer, sans délai, le maire des « infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune ». À sa demande, il peut être informé par le procureur de la République des suites judiciaires, c'est-à-dire des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites ou des poursuites engagées, données à ces mêmes infractions ainsi que des jugements définitifs et des appels interjetés.

Le maire dispose, par ailleurs, d'un droit à l'information s'agissant des suites judiciaires données aux infractions qu'il signale au parquet en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Il est ainsi systématiquement informé des poursuites engagées ou des mesures alternatives aux poursuites prononcées, en application de l'article 40-2 du code de procédure pénale et, à sa demande, des jugements définitifs et des appels interjetés, en vertu du même article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure.

En dépit de ce cadre légal, nombreux sont les maires qui, à l'occasion de la consultation lancée par le Sénat en août 2019 sur les risques auxquels sont exposés les maires dans le cadre de leurs fonctions, ont regretté l'absence d'information sur les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de leur commune. À l'initiative des rapporteurs de la commission des lois du Sénat lors de l'examen du projet de loi dit « Engagement et Proximité » en 2019, les droits d'information du maire par le procureur de la République ont été, une première fois, renforcés par l'extension d'obligation d'information du maire, et dès lors qu'il en ferait la demande, aux suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipale et signalées au parquet, par l'intermédiaire des services de police et de gendarmerie, conformément à l'article 21-2 du code de procédure pénale45(*).

2. La position de la commission : une consolidation souhaitable de l'information du maire par les autorités judiciaires

Malgré les récentes améliorations à ce dispositif apportées à l'initiative du Sénat, les associations représentatives d'élus auditionnées par le rapporteur déplorent le manque d'effectivité de ces dispositions et partagent le constat dressé par les auteurs de la proposition de loi exprimé dans l'exposé des motifs d'une nécessaire « amélioration de la compréhension des décisions judiciaires, singulièrement de classement sans suite »46(*) par une meilleure information des élus locaux en la matière.

En effet, nombre de maires, s'ils ne contestent pas recevoir les informations liées à un classement sans suite, déplorent ne pas toujours comprendre les raisons ayant présidé à cette décision, ce qui est susceptible de les mettre en difficulté vis-à-vis de leurs administrés.

Plus précisément, ce grief paraît recouvrir, en pratique, deux situations distinctes : d'une part, une mise en oeuvre très hétérogène, selon les territoires, des obligations légales d'information du maire qui s'imposent au parquet ; d'autre part, l'absence de délai légal quant à l'information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions signalées par le maire et transmises au parquet, en application du second alinéa l'article 40 du code de procédure pénale.

Aussi les auteurs de la proposition de loi proposent-ils, à l'article 12, de consolider l'information du maire par le parquet en :

- prévoyant, d'une part, que le maire soit systématiquement informé par le procureur de la République, et non plus simplement à sa demande, des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune ainsi qu'aux infractions qu'il signale lui-même au parquet ;

- imposant, d'autre part, l'obligation d'information du maire des suites judiciaires données aux infractions signalées au parquet par lui-même, en application du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, dans un délai d'un mois.

La commission partage le souci des maires de disposer d'une information élargie de la part des autorités judiciaires. Sans qu'il soit question de leur reconnaître un accès complet aux données judiciaires, il lui apparaît en effet nécessaire qu'ils puissent, eu égard à leur rôle en matière d'animation et de mise en oeuvre de la police de prévention de la délinquance au niveau local, disposer d'une image précise de l'état de la criminalité et de la délinquance sur le territoire de leur commune et de la réponse pénale apportée par la justice à ces faits.

Au demeurant, le rapporteur considère indispensable que les maires puissent être informés, compte tenu de leur rôle de partenaire privilégié de la justice, des suites judiciaires données aux infractions qu'ils ont signalées ou résultant d'une de leur plainte dans un délai court mais raisonnable. Une telle information leur permettrait, notamment, d'être mieux accompagnés dans la communication qu'ils ont à effectuer auprès de leurs administrés des décisions judiciaires, en particulier celles portant classement sans suite.

Soucieuse de ne pas générer une charge excessive pour les parquets, la commission partage la volonté des auteurs de la proposition de loi de limiter l'application de ce délai d'un mois pour assurer la communication aux seuls cas où les décisions portent sur des affaires résultant d'une plainte ou d'un signalement du maire.

La commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13
Espace de communication réservé au procureur de la République dans les bulletins municipaux

L'article 13 tend à permettre au procureur de la République de bénéficier d'un espace de communication dans les documents et bulletins municipaux des communes de 1 000 habitants et plus pour transmettre toute information en lien avec les affaires de la commune.

La commission a adopté cet article sans modification.

Aux termes de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, les bulletins d'information générale des communes de plus de 1 000 habitants doivent disposer d'un espace réservé à l'expression des conseillers municipaux n'appartenant pas à la majorité municipale. La notion de « bulletin d'information générale » est interprétée de manière extensive par le juge administratif, qui considère que « toute mise à disposition du public de messages d'information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu'elle revêt, comme la diffusion d'un bulletin d'information générale47(*) ».

L'article 13 de la proposition de loi complète l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales et tend à permettre au procureur de la République du ressort de la cour d'appel compétent sur le territoire municipal de disposer d'un espace réservé de communication dans les bulletins d'information générale des communes de plus de 1 000 habitants.

Issu d'une proposition formulée par le groupe de travail conduit par le procureur général Hugues Berbain visant à renforcer les relations entre les magistrats du ministère public et les maires48(*), cet espace réservé donnerait l'occasion au procureur de la République de communiquer sur tous les éléments en lien avec les affaires de la commune, notamment sur l'action de la justice dans le territoire, sur le fonctionnement des parquets et sur les statistiques locales (nombre de délits, nombre de condamnations etc.).

Le dispositif proposé précise cependant que cette communication devrait se faire dans le respect de l'article 11 du code de procédure pénale, c'est-à-dire en respectant le secret de l'enquête et de l'instruction.

La commission est favorable à cette mesure qui permettrait de renforcer les liens entre les parquets, les élus locaux et la population.

Selon la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), plusieurs procureurs ont déjà développé des outils de communication à destination des citoyens, tels que la « Lettre de la cité » éditée à Lyon afin de mieux faire connaître aux habitants l'activité de la juridiction et pour diffuser des informations relatives aux nouvelles dispositions législatives49(*). La commission considère toutefois que la création d'un espace réservé dans le bulletin municipal rendra les communications du procureur plus visibles pour les citoyens et incitera davantage les procureurs à se saisir de cette possibilité.

La commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14
Composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et obligation annuelle de présence de certains membres

L'article 14 vise à renforcer la présence du procureur de la République
- ou son représentant - au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). À cette fin, il prévoit de consacrer dans la loi la composition dudit conseil et de rendre obligatoire la présence de ses membres de droit pour qu'il puisse se réunir. En outre, il tend à permettre, à la demande du maire, du préfet ou de l'autorité judiciaire, la constitution d'un groupe thématique de travail chargé des violences commises à l'encontre des élus.

Convaincue de la nécessité de renforcer le dialogue entre les maires et l'autorité judiciaire, la commission a adopté cet article et étendu le dispositif aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Elle a également prévu que l'obligation de présence des membres de droit aux réunions du conseil ne s'applique qu'une fois par an.

1. Les CLSPD, organes de coordination et de dialogue entre les maires et l'institution judiciaire

1.1. Le législateur a progressivement, à compter de 2007, consolidé le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Institués par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) constituent une instance de coordination et de pilotage de la politique locale de prévention de la délinquance.

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a rendu leur création obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville. Elle a également prévu la possibilité d'instituer un tel conseil au niveau intercommunal. Lorsque le conseil a été créé à l'échelle intercommunale, le conseil intercommunal de sécurité de prévention de la délinquance (CISPD) est présidé par le président de l'intercommunalité ou l'un de ses vice-présidents50(*).

L'objectif est de cristalliser le rôle d'animation et de coordination de la politique de prévention de la délinquance reconnu au maire51(*). Aux termes de l'article D. 132-7 du code de la sécurité intérieure, le CLSPD « constitue le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité et de la prévention de la délinquance dans la commune ». À cette fin, il favorise notamment les échanges d'informations entre les organismes publics et privés concernés et assure, le cas échéant, l'animation et le suivi du contrat local de sécurité.

À plusieurs reprises, le législateur a entendu renforcer le rôle des CLSPD.

D'une part, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a rendu possible la constitution, au sein de ces conseils, de groupes de travail thématiques consacrés aux questions relatives à l'exécution des peines et à la prévention de la récidive52(*). Dans un rapport publié le 14 décembre 2020, la mission « flash » de la commission des lois de l'Assemblée nationale conduite par Stéphane Peu et Rémy Rebeyrotte sur l'évolution et la refondation des conseils de sécurité et de prévention relève que « l'utilité des groupes de travail est particulièrement soulignée par les acteurs concernés », notamment parce qu'ils fonctionnent de façon plus souple et permettent l'échange d'informations confidentielles.

D'autre part, la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, dite « Sécurité globale », a étendu l'obligation de créer un CLSPD aux communes de plus de 5 000 habitants. Elle a également prévu l'obligation pour les maires de communes de plus de 15 000 habitants de désigner un « coordinateur » au sein du CLSPD. Celui-ci -- qui peut être un membre du conseil municipal ou un agent public territorial -- est alors chargé d'assurer l'animation, le suivi et la coordination des travaux du conseil.

Les auditions des associations représentatives des maires et des élus municipaux conduites par le rapporteur ont permis de confirmer que ces conseils, qu'ils soient municipaux ou intercommunaux, constituent, aux yeux des maires, une instance partenariale utile pour favoriser le dialogue entre les différents acteurs territoriaux concernés par la politique locale de prévention de la délinquance.

1.2. Le fonctionnement des CLSPD se heurte aujourd'hui à certaines difficultés en matière de coordination

Le rapport de la mission « flash » de l'Assemblée nationale précité dresse un bilan globalement positif de ce dispositif. Celui-ci dissimule toutefois une réalité assez contrastée, puisque le rapport souligne un « déploiement hétérogène » de ces conseils, qui font l'objet d'une appropriation inégale selon les territoires. Outre le fait qu'une partie de ces conseils demeure encore peu active, la coexistence de cultures administratives différentes parmi les divers acteurs qu'ils réunissent est parfois perçue comme un facteur d'affaiblissement de la qualité du dialogue.

Un certain nombre de maires ont, en outre, exprimé des regrets quant à l'absence des procureurs de la République aux réunions de leurs CLSPD. Remis le 8 mars 2022, le rapport du groupe de travail visant à renforcer les relations entre les magistrats du ministère public et des maires évoque la difficulté éprouvée par les procureurs en la matière. Compte tenu de leurs contraintes et de leurs effectifs, ces derniers affirment se trouver dans l'incapacité d'assister à l'ensemble des réunions des CLSPD de leur ressort.

Or, les auditions conduites par le rapporteur ont été l'occasion pour les associations représentatives d'élus, en particulier l'Association des maires et présidents d'intercommunalités de France et Villes de France, de rappeler l'importance qu'attachent les maires à la présence d'un représentant de l'autorité judiciaire aux réunions de ces conseils.

2. L'article 14 vise à conforter la présence du procureur de la République au sein des CLSPD et favoriser la constitution de groupes de travail sur les violences commises à l'encontre des élus

2.1. La définition par la loi de la composition du CLSPD vise à rendre obligatoire la présence du procureur de la République aux réunions

La composition des CLSPD résulte aujourd'hui de dispositions relevant de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure.

Composition actuelle des CLSPD
(article D. 132-8 du code de la sécurité intérieure)

Présidé par le maire, le CLSPD comprend en outre :

- le préfet de département, ou son représentant ;

- le procureur de la République, ou son représentant ;

- le président du conseil départemental, ou son représentant ;

- des représentants des services de l'État désignés par le préfet ;

- le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et auquel la commune appartient, ou son représentant ;

- des représentants d'associations, établissements ou organismes oeuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l'aide aux victimes, du logement, des transports collectifs de l'action sociale ou des activités économiques ;

Peuvent également être associés aux travaux du conseil, selon les particularités locales, des maires des communes et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées.

Source : code de la sécurité intérieure

L'article 14 reprend pour l'essentiel53(*) la composition actuelle et la consacre dans la loi. Il tend à créer deux catégories de membres : d'une part, les membres de droit - dont la présence est indispensable pour que se réunisse le CLSPD - et, d'autre part, les membres facultatifs.

Il érigerait en membres de droit :

- le représentant de l'État territorialement compétent ;

- le procureur de la République ;

- le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et auquel la commune appartient.

L'article énumère ensuite les personnes qui pourraient être désignées membres du CLSP. Il s'agit des représentants des services de l'État dans le département ainsi que des représentants d'associations, d'établissements ou d'organismes oeuvrant dans divers domaines qui peuvent intéresser le conseil.

Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, il appartiendrait au maire, qui préside le CLSPD, d'en fixer la composition par arrêté.

L'article 14 tend, ce faisant, à rendre obligatoire la présence des membres de droit aux réunions du CLSPD, dont il précise qu'il se réunit au moins une fois par an. L'absence des membres de droits ou de leurs représentants ferait en principe obstacle à la tenue de la réunion. Toutefois, l'article précise qu'il doit s'agir de représentants spécialement désignés à cet effet. En particulier, le procureur de la République pourrait désigner un de ses délégués qui, spécialisé sur les questions intéressant les CLSPD, serait chargé de l'y représenter.

2.2. La possibilité de constituer un groupe de travail chargé des violences commises à l'encontre des élus

La loi reconnaît à chaque CLSDP la faculté de créer, en son sein, un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique54(*). Depuis la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, il est précisé que ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l'exécution des peines et à la prévention de la récidive.

L'article 14 vise à rendre possible la constitution d'un groupe thématique chargé des violences commises à l'encontre des élus. Il serait créé à la demande du maire, du préfet ou de l'autorité judiciaire et pourrait traiter de l'organisation d'une réponse aux violences ainsi que d'une stratégie d'accompagnement des élus qui en sont victimes.

3. Jugeant pertinent de rendre obligatoire, au moins une fois par an, la présence des membres de droit aux réunions du CLSPD, la commission a précisé ces dispositions et les a étendues aux CISPD

3.1. La précision des règles entourant la composition du CLSPD et la périodicité de ses réunions

La commission souscrit pleinement à l'esprit du dispositif prévu à l'article 14, en ce qu'il cherche à favoriser la présence de l'ensemble des membres de droit au CLSPD et renforcer le dialogue entre élus locaux, acteurs étatiques et autorité judiciaire. Par un amendement COM-17 adopté à l'initiative du rapporteur, elle a apporté des précisions rédactionnelles sur deux points.

D'une part, le rapporteur a souhaité préciser la rédaction de l'article, de sorte que la présence obligatoire des membres de droit ne s'applique qu'à une seule réunion annuelle. En effet, il est apparu nécessaire à la commission que soient annuellement réunis au sein du conseil l'ensemble des membres de droit. Toutefois, dans l'hypothèse où le conseil se réunirait plusieurs fois dans l'année, le rapporteur a tenu à s'assurer de ce que l'absence de l'un d'entre eux ne fasse pas obstacle à la tenue de ces réunions, à condition que l'obligation annuelle précitée soit remplie.

D'autre part, l'amendement tend à clarifier la possibilité pour le représentant de l'État territorialement compétent et le procureur de la République de se faire représenter au sein des CLSPD.

3.2. L'extension des dispositions de l'article 14 aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Par le même amendement COM-17 du rapporteur, la commission a étendu aux CISPD le dispositif prévu à l'article 14, qui ne visait initialement que les CLSPD.

Elle a toutefois procédé à certaines adaptations afin de tenir compte de la nature intercommunale desdits conseils.

Ainsi, s'agissant de la composition des CISPD, seuls le représentant de l'État et le procureur de la République territorialement compétents - ou leurs représentants - seraient érigés en membres de droit. Pour des raisons pratiques, le rapporteur n'a ainsi pas souhaité que l'ensemble des maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale soient désignés comme membres de droit, compte tenu de l'obligation annuelle de présence qui incombe à ces derniers. En tant que président du CISPD, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou son représentant pourra néanmoins les nommer membres dudit conseil.

En ce qui concerne la constitution d'un groupe de travail en charge des violences commises à l'encontre des élus au sein du CISPD, celle-ci pourra intervenir à la demande du président ou des maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale, du représentant de l'État dans le département ou de l'autorité judiciaire.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

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JEUDI 05 OCTOBRE 2023

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons ce matin la proposition de loi renforçant la sécurité des élus et la protection des maires.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Nous sommes réunis pour la première fois de la session pour traiter d'un sujet particulièrement important pour la démocratie locale et que je sais cher à chacun d'entre nous : celui de la protection des élus locaux et de la sécurité des maires.

L'actualité nous rappelle régulièrement à quel point ces violences se multiplient et montent en intensité, comme en témoignent la tragique attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, ou encore l'incendie volontaire du domicile et des véhicules de Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins.

Ces événements ont mis en pleine lumière les violences auxquelles les élus locaux, et en particulier les maires, sont confrontés dans l'exercice quotidien de leur mandat. Elles se traduisent par des incivilités, des injures, des menaces, voire des agressions physiques contre eux-mêmes ou leurs proches.

Ces violences sont évidemment intolérables. La démission d'un maire constitue, assurément, un échec de notre République, plus encore quand elle intervient à la suite de violences. La République ne peut donc rester sans réaction face à ces actes qui mettent en danger la sécurité des élus locaux, de leurs proches et celle de notre pacte républicain : l'agression d'un maire, c'est une attaque contre la République. Face à l'urgence de la situation et pour pallier l'inaction du Gouvernement, François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Maryse Carrère ont déposé une proposition de loi, cosignée par plus de 200 de nos collègues. Elle est composée de quatorze mesures concrètes et opérationnelles visant à améliorer la protection des élus locaux et à traduire législativement des recommandations formulées de longue date par le Sénat.

Soucieuse depuis plusieurs années de répondre efficacement à l'augmentation croissante des violences commises sur les élus locaux, la commission des lois du Sénat a engagé - à la suite du tragique décès du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, en août 2019 - plusieurs travaux afin de quantifier ces phénomènes et d'y apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Ainsi, le plan pour une plus grande sécurité des maires, présenté par Philippe Bas, a permis de mettre en lumière l'ampleur des violences à l'égard des élus. De premières avancées ont été traduites, notamment grâce au travail des rapporteurs Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, dans la loi de 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite «  Engagement et proximité ». D'autres initiatives sénatoriales ont suivi, notamment une proposition de loi de Nathalie Delattre, visant à renforcer les possibilités de constitution de partie civile en cas d'agression d'élus et que j'ai eu l'honneur de rapporter.

Toutefois, force est de constater que si les élus locaux, et singulièrement les maires, doivent bénéficier, à tout moment, de la protection effective de notre République, celle-ci est aujourd'hui largement perfectible.

Les récents drames qui ont frappé respectivement les maires de L'Haÿ-les-Roses et de Saint-Brevin-les-Pins marquent le franchissement d'un cap. Ces événements tragiques ne constituent pourtant que la partie visible d'un phénomène plus latent et en pleine expansion.

Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l'intérieur, près de 2 265 plaintes ou signalements pour des faits de violence verbale ou physique à l'encontre des élus ont été recensés en 2022, soit une hausse de 32 % par rapport à l'année précédente.

D'après les données qui m'ont été transmises par la direction générale de la police nationale (DGPN), dans près de trois quarts des cas, ce sont les maires qui sont visés. Plus de 12 % de ces faits constituent des violences physiques, tandis que les atteintes par paroles et écrits - menaces, menaces de mort, outrages et injures, diffamation, usurpation d'identité - en représentent 76 %.

Face à l'essor des violences, nombreux sont les élus locaux qui considèrent que les réponses apportées par les acteurs judiciaires et étatiques demeurent insuffisantes.

Les sanctions aujourd'hui encourues par les auteurs de ces faits n'offrent pas, au regard de leur faiblesse, des peines suffisamment dissuasives afin de prévenir ces actes ou d'empêcher leur récidive. En particulier, les suites judiciaires apparaissent encore trop peu fréquentes. Souvent découragés par la lenteur des procédures, par le manque de temps et la volonté de ne pas aggraver la situation, nombre d'élus renoncent à déposer plainte.

Parallèlement, le manque d'informations quant aux suites données aux plaintes et signalements des élus contribue à éroder le lien de confiance entre les élus locaux et la justice. À l'inverse, la pénalisation croissante de la vie publique locale et le nombre toujours plus élevé de mises en cause d'élus locaux devant les tribunaux qui en résulte appellent à une évolution des pratiques afin de renouveler le dialogue entre les parquets et les maires.

Les conséquences de ces violences ne peuvent plus être négligées par l'État. Comme l'ont montré les travaux de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France rapportée par Mathieu Darnaud, les violences envers les élus constituent une véritable menace planant sur notre démocratie locale en ce qu'elles risquent d'alimenter la vague de plus en plus importante des démissions d'élus municipaux et de provoquer une érosion des vocations électorales.

En dépit de multiples travaux sénatoriaux, conduits depuis 2019, notamment par la commission des lois, concluant à la nécessité de renforcer la protection des élus locaux, force est de constater que le Gouvernement a tardé à prendre toute la mesure d'un phénomène dont l'ampleur croît pourtant chaque année, et à agir afin de l'enrayer. Je salue donc le travail de fond que nous, sénateurs, avons continué de mener, et me réjouis qu'aujourd'hui nous puissions, ensemble, faire oeuvre utile en la matière.

La proposition de loi que nous examinons est articulée autour de trois axes et comporte quatorze mesures concrètes et opérationnelles pour améliorer la protection des élus locaux.

Le premier axe vise à renforcer l'arsenal répressif pour mieux protéger les élus locaux dans l'exercice de leur mandat en alignant les peines en cas de violences commises contre les élus sur le régime existant pour les dépositaires de l'autorité publique, tels que les policiers ou les pompiers, et en instituant une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure publique à l'encontre des élus locaux, ainsi qu'une nouvelle circonstance aggravante pour les cas de harcèlement des élus locaux.

Le deuxième axe s'attache à améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, d'agressions ou d'injures dans le cadre de leur mandat ou d'une campagne électorale. Pour ce faire, il s'agit de rendre automatique l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus, d'imposer la prise en charge par l'État des coûts de couverture assurantielle pour la protection fonctionnelle à toutes les communes de moins de 10 000 habitants et d'améliorer la prise en charge pour les élus victimes des restes à charge et dépassements d'honoraires en leur garantissant un reste à charge zéro.

Dans un contexte de crise des vocations électorales, deux mécanismes destinés à protéger les candidats aux élections sont également proposés : l'élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle pendant la campagne électorale aux candidats et la prise en charge par l'État des dépenses de sécurisation engagées par les candidats. Enfin, le texte améliore l'accès des élus aux assurances pour leurs locaux politiques et permanences parlementaires.

Le troisième axe vise à renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques. Le texte prévoit, en conséquence, de créer un mécanisme de dépaysement d'office des affaires lorsqu'un élu est mis en cause, tout en maintenant au sein de la juridiction les affaires dans lesquelles un élu est victime pour éviter que l'élu ne se retrouve à la fois mis en cause et pris en charge comme victime par le même procureur. Il est par ailleurs proposé d'améliorer l'information des maires par les parquets concernant les suites données à leurs plaintes et signalements pour faciliter leur compréhension des décisions judiciaires, de permettre aux procureurs de s'exprimer dans les bulletins municipaux et de renforcer la présence des préfets et des procureurs au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Je souscris pleinement à l'ensemble des mesures qui figurent dans cette proposition de loi. Elles ont également été unanimement saluées par les associations d'élus locaux auditionnées au cours de mes travaux.

Ces mesures apportent une première réponse aux difficultés que rencontrent les élus locaux, singulièrement les maires, dans l'exercice quotidien de leur mandat pour assurer leur sécurité et leur intégrité. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter huit des quatorze articles du texte sans modification.

S'agissant des mesures restantes, je me suis attachée à travailler dans quatre directions.

En premier lieu, il m'est apparu nécessaire d'étendre le bénéfice de plusieurs des dispositifs proposés à de nouvelles catégories d'élus ou aux candidats aux élections locales ; le champ d'application initial de certaines mesures me semblant inutilement restrictif. À ce titre, je suggère d'étendre le dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives, qui sont eux aussi confrontés à des agressions plus fréquentes et doivent pouvoir bénéficier d'une protection effective. Par ailleurs, j'estime nécessaire de permettre aux candidats déclarés aux élections locales de saisir le bureau central de tarification pour assurer les lieux dans lesquels ils organisent des réunions électorales et d'étendre les modifications apportées aux réunions des CLSPD à celles des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) lorsque les élus les ont constitués.

En deuxième lieu, j'ai été particulièrement vigilante à l'opérationnalité des mesures proposées tant les élus attendent des réponses efficaces et simples à leurs difficultés quotidiennes. C'est pourquoi j'ai souhaité préciser les dispositions visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats pour qu'elle ne s'applique qu'à une période de six mois avant le scrutin et qu'aux seuls élus dont la menace sur leur sécurité est avérée. Je vous proposerai, en complément, de confier la responsabilité de l'instruction desdites demandes de remboursement à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Enfin, compte tenu des délais nécessaires au déploiement des mesures prévues par cet article, il me semble utile de reporter l'entrée en vigueur de celles-ci d'un an après la promulgation de la loi, comme nous l'ont suggéré les services du ministère de l'intérieur. Poursuivant ce même objectif d'opérationnalité des mesures, je vous proposerai de maintenir le principe d'un dépaysement automatique des affaires mettant en cause, comme auteur, tout élu, mais de rétablir la faculté offerte au procureur de la République de dépayser les affaires dans lesquelles un élu serait victime.

En troisième lieu, certains dispositifs doivent également être mieux encadrés pour ne pas grever de manière disproportionnée les budgets communaux. C'est pourquoi je vous proposerai de préciser que, dans le cadre de la protection fonctionnelle accordée aux élus victimes, les communes ne sont tenues de prendre en charge que les restes à charge et dépassements d'honoraires médicaux et psychologiques, selon un barème de prise en charge fixé par décret.

Enfin, il m'est apparu utile d'introduire deux mesures complémentaires appelées de leurs voeux par les élus locaux et destinées à renforcer encore davantage l'arsenal répressif en cas de violences commises à leur encontre. En conséquence, je vous propose, par un amendement identique à un amendement proposé par nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d'allonger les délais de prescription de trois mois à un an pour les délits d'injure et de diffamation publiques lorsqu'ils sont commis sur les personnes dépositaires de l'autorité publique et notamment les élus locaux. Ces derniers sont encore trop souvent confrontés à l'inadaptation de ces délais, enserrant leurs possibilités d'action judiciaire contre les délits de presse, aux évolutions technologiques qui permettent non seulement la persistance de la diffusion de tels contenus dans l'espace public, mais surtout en facilitent l'accessibilité.

Enfin, je vous proposerai de créer une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale, prenant ainsi en compte le contexte de crise des vocations électorales et d'aggravation des violences commises à leur encontre.

Je conclurai ce propos en remerciant les auteurs de la proposition de loi de leur travail qui pourra, je le crois, nous réunir par-delà nos divergences politiques pour améliorer la protection des élus locaux.

Je souhaite toutefois rappeler que, si le Gouvernement semble aujourd'hui soutenir cette initiative et si toutes ces mesures vont dans le bon sens, les évolutions législatives ne sauraient suffire en la matière. J'appelle donc le Gouvernement à assurer la pleine et juste application de celles-ci et à engager un changement profond de culture des acteurs judiciaires et étatiques, qui ne peuvent plus rester passifs face à ces problèmes.

Mme Cécile Cukierman. - Je souhaite remercier Catherine Di Folco pour son rapport. Permettez-moi en préambule d'avoir une pensée pour Jacques Blanchard, deuxième adjoint au maire de Rozier-Côtes-d'Aurec, dans la Loire, agressé ce week-end pour une remarque à un administré sur le non-respect d'un feu tricolore.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité d'un certain nombre de nos travaux. Elle répond à une actualité et à des problèmes de plus en plus récurrents : menaces, insultes, agressions, voire tentatives de meurtres d'élus. Elle s'inscrit également dans la continuité du rapport de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, publié l'été dernier. Plus largement, force est de constater que, dans notre société, la violence est de plus en plus forte. J'en veux pour preuve les images de violence en tout genre diffusées un peu partout. Inévitablement, cette violence touche également des élus incarnant l'autorité.

Cette proposition de loi peut apporter des réponses, mais elle n'endiguera en rien cette problématique de violence et de crise de l'autorité à laquelle l'ensemble de la société française, et pas seulement les élus, est confronté.

Nous devons avoir une véritable réflexion sur les délais de justice, sans remettre en cause l'indépendance de cette dernière. Je pense au maire de Chirassimont, Jean-Paul Jusselme, qui attend depuis six ans maintenant les suites qui seront données à l'agression dont il a été la victime lors d'une fête patronale.

La problématique qui s'ouvre notamment pour les élections municipales de 2026 ne peut se réduire à la seule question de la sécurité des élus. Faisons également attention à l'image que nous renvoyons : tous les élus, heureusement, ne se font pas agresser. Beaucoup d'élus sont aussi reconnus par leurs concitoyens pour tout ce qu'ils font au quotidien. Attelons-nous également à résoudre la crise de l'engagement et la difficulté d'être un élu local aujourd'hui. À la suite de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite « MAPTAM » et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République dite « NOTRe », la place des communes et des élus municipaux a perdu durablement de son sens.

Vous l'aurez compris, en l'état, nous voterons en faveur cette proposition de loi.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Je salue cette proposition de loi qui répond à de réels besoins. La moitié des membres cette commission a fait campagne récemment : nous avons tous pu constater le découragement et la lassitude des maires.

L'article 1er de ce texte traduit l'une des propositions du rapport de Philippe Bas de 2019, et reprend un amendement que nous avions voté à une très large majorité lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur dite « LOPMI », dont j'étais rapporteur, adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, mais retoqué par la suite par le Conseil constitutionnel au motif qu'il traitait d'un sujet de justice dans une loi sur la police et constituait de ce fait un cavalier législatif. Nous avons redéposé cet amendement lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, présentée par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution ! Tout cela alimente le sentiment d'impuissance publique. Les maires, dont nous sommes ici les porte-parole, nous le reprochent. Je me félicite donc de le voir repris, cette-fois ci dans le texte initial d'une proposition de loi.

Je ne doute pas que cette proposition de loi sera adoptée à une large majorité, mais il faudra qu'elle ait des suites rapides. À défaut, nous risquerions d'alimenter les extrêmes.

La protection fonctionnelle des élus, dès lors qu'ils sont victimes de diffamation ou de violences physiques, doit être de droit. Ils rencontrent de nombreuses difficultés procédurales à cet égard, il nous revient d'améliorer les choses en la matière. N'oublions pas qu'ils sont les représentants du peuple. J'ai été moi-même maire pendant vingt-neuf ans, j'ai été victime à deux reprises de violences physiques. Le chauffard que j'ai arrêté en état d'ivresse il y a onze ans a été condamné, mais il n'a toujours pas exécuté sa peine !

M. Mathieu Darnaud. - Je souscris pleinement à la philosophie du texte que nous examinons. Nous faisons en effet un constat effrayant : plus de 1 078 maires ont démissionné depuis 2020, sans compter les démissions nombreuses de conseillers municipaux, soit un phénomène jamais observé sous la Ve République. Face à l'ampleur des violences physiques, verbales et parfois virtuelles - sur les réseaux sociaux - dont les élus sont victimes, nous devons renvoyer le Gouvernement à ses obligations. J'estime que ce texte est efficient, mais il doit être suivi par des mesures très claires , je pense notamment aux acteurs judiciaires qui doivent s'emparer du sujet. Des bonnes pratiques existent comme à Amiens par exemple, où le procureur a mis en place une cellule dédiée au traitement des violences commises à l'encontre des élus locaux et l'a dotée d'un ETP. En effet, les élus se sentent seuls, notamment dans les territoires ruraux isolés. Pour cette raison, l'automaticité de la protection fonctionnelle est importante. Il faut aussi toutefois une plus grande écoute de la part de la justice. Les élus locaux doivent avoir les moyens de se défendre et de se faire entendre. Certains d'entre eux renoncent parfois à engager des poursuites à l'issue de leur agression parce qu'ils se sentent désemparés. L'audition du maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, devant notre commission l'a montré : l'État n'est pas toujours à l'écoute des maires. Cette audition semble heureusement avoir suscité une prise de conscience depuis plusieurs mois. Des moyens demeurent néanmoins nécessaires, notamment autour des procureurs de la République ; les mesures législatives ne pourront pas à elles seules résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les élus.

M. Alain Marc. - Une formation spécifique devrait être dispensée aux magistrats concernant la situation des élus locaux, car souvent ils ne savent pas ce qui se passe dans les communes.

Les délais sont en outre trop longs entre la commission d'une infraction et la sanction qui en résulte. Nous pouvons ainsi nous interroger sur la valeur pédagogique réelle de travaux d'intérêt général effectués quinze mois après les faits.

Nombre de maires ne veulent pas se représenter ou démissionnent. Il convient donc de se pencher plus largement sur la question du statut de l'élu, d'autant que certains maires, qui ont cumulé leurs fonctions avec l'exercice d'un emploi à mi-temps, se retrouvent avec des retraites dérisoires alors qu'ils ont beaucoup donné à la Nation.

Il y aurait également des points à revoir au sein du code électoral, si possible d'ici au prochain renouvellement municipal de 2026. Ainsi, de nombreux maires de petites communes souhaitent que le scrutin de liste soit étendu aux communes de moins de 1 000 habitants, pour éviter les mandats non pourvus.

M. François Bonhomme. - Au vu de la forte augmentation du nombre de plaintes et de signalements pour violences verbales ou physiques à l'égard des élus, un renforcement de l'arsenal répressif est nécessaire, d'autant que les élus ont un fort sentiment de solitude. Les mesures de protection proposées dans le texte me semblent donc bienvenues. La création d'une circonstance aggravante en cas de harcèlement contre les élus constitue à cet égard un signal fort. Je soutiens également les mesures de dépaysement d'office et de simplification de l'octroi de la protection fonctionnelle qui figurent dans le texte.

De façon plus générale, les élus semblent être devenus des cibles de choix dans un contexte global de dégradation de l'exercice de l'autorité publique, qui touche aussi bien les élus que les juges, les forces de police, les professeurs, voire les médecins.

On se heurte cependant parfois sur ce point au droit de la presse, pour toutes les questions relatives à la liberté d'expression. Si ces derniers sont, certes, fondamentaux, le confort octroyé par l'anonymat sur internet autorise nombre de dérives inquiétantes.

Une réflexion est aussi à mener sur l'attitude paradoxale qui consiste, de la part de certains élus, à déplorer d'un côté l'affaiblissement de l'autorité publique, tout en alimentant, de l'autre, en d'autres circonstances, l'agitation et la contestation de tout acte d'autorité.

Mme Françoise Gatel. - La question qui nous préoccupe, et qui doit préoccuper toute la République, est de savoir comment faciliter et sécuriser l'engagement des citoyens qui deviennent des élus. Le sujet dont nous parlons aujourd'hui, à savoir celui des agressions, en est l'un des volets. Outre les nombreuses démissions d'élus locaux, nous avons observé lors des élections municipales de 2020 que 110 communes n'ont pas eu de candidats, contre 80 communes lors des élections précédentes. La crise de l'engagement est ainsi notable. Or, si le phénomène de violence dont nous parlons y participe, il n'en est pas la première cause. On observe en premier lieu une lassitude liée aux difficultés que rencontrent les élus pour agir.

La proposition de loi que nous examinons, complétée par les amendements du rapporteur, couvre les champs de la prévention et de l'éducation. Un volet de sanctions est également prévu, ayant aussi un caractère éducatif.

Une première prise de conscience a eu lieu concernant les violences commises à l'encontre des élus locaux en 2019, après le décès du maire de Signes. Nous avons pu déplorer à l'époque les lenteurs de la justice.

De nombreuses mesures sont prises aujourd'hui dans les départements. Dans les zones « gendarmerie », des formations sont ainsi prévues par le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) à destination des élus, comprenant des apports concrets en matière de gestion des conflits. Cela me paraît très utile. Des réunions sont également programmées, rassemblant procureurs, gendarmes et policiers, en vue d'organiser le bouclier républicain dont les maires ont besoin.

Nous sortons d'une période marquée par un « élu bashing » insupportable. Le monde de la justice avait en effet une sorte de défiance à l'égard des élus. La justice doit être plus agile, plus réactive et plus rapide.

Parmi les sujets importants à traiter figure la question des assurances. Le rapporteur propose de favoriser la prise en charge du coût des assurances pour les élus, maisla difficulté des collectivités à trouver des assureurs disponibles doit également être prise en compte.

Il faut aussi traiter le problème des recours abusifs, dont certaines personnes se font parfois les spécialistes, sur tous les actes de leurs maires. Certains maires de petites communes enregistrent ainsi parfois 40 000 euros par an de frais d'avocats, pour cette seule raison !

M. Thani Mohamed Soilihi. - Le texte que nous examinons concrétise le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus présenté par le Gouvernement en juillet dernier.

La question de la sécurité des élus locaux transcende les clivages politiques, d'autant que l'intensité des violences a monté d'un cran, comme l'exemple du maire de Saint-Brevin-les-Pins l'a montré. Comme le souligne le politologue Luc Rouban : « l'élu n'est pas menacé ou agressé en tant qu'adversaire politique, mais haï en tant que tel. L'une des raisons principales de la défiance vis-à-vis des élus est l'anomie. » Les attaques commises à l'encontre des élus participent d'une remise en cause du modèle républicain et de la démocratie représentative. En effet, s'en prendre à un élu revient à s'en prendre à la République et à piétiner la démocratie.

Il est urgent de mieux protéger les élus contre les violences. Les mesures de prévention prévues par le plan du Gouvernement, portée par Dominique Faure, trouvent leur traduction dans la présente proposition de loi, ce dont nous nous satisfaisons. Nous voterons donc ce texte. Une réflexion devra néanmoins être engagée sur la poursuite de notre action, pour leur application concrète.

M. Hussein Bourgi. - Cette proposition de loi est particulièrement bienvenue, car elle vient compléter et parfaire l'arsenal législatif existant. Plusieurs faits divers ont dû survenir pour que cela ait lieu. La démission spectaculaire du maire de Saint-Brevin-les-Pins a ainsi servi d'électrochoc pour l'opinion publique. Ce dernier, qui a continué à témoigner, est devenu le porte-voix de tous ses collègues victimes de violences au quotidien. Plusieurs initiatives législatives avaient été prises ces dernières années, mais n'ont pas prospéré. Il a fallu cet électrochoc pour que le Gouvernement s'empare réellement du sujet à travers un plan.

Le texte que nous examinons comporte plusieurs dispositions nécessaires, dont certaines étaient contenues déjà dans la proposition de loi déposée par Éric Kerrouche et Didier Marie en juin dernier. L'extension du délai de prescription pour des faits d'injure ou de diffamation publiques à l'encontre d'un élu de trois mois à un an est notamment particulièrement bienvenue. Il arrive en effet souvent que des calomnies ou des diffamations soient découvertes sur les réseaux sociaux avec plusieurs mois de décalage. Il était nécessaire de mettre fin à cette impunité.

Cependant, trois points du texte nous laissent dubitatifs. L'encart réservé aux procureurs de la République dans les bulletins municipaux représente une charge de travail trop importante pour des magistrats déjà très sollicités. De plus, dans les petites communes, les bulletins étant édités une fois par trimestre, voire une fois par semestre, ces encarts paraîtront inévitablement avec un important décalage par rapport au dépôt de plainte ou au jugement qu'ils concerneront, dont les quotidiens régionaux se seront sans doute fait l'écho sur le moment. La presse quotidienne régionale peut donc déjà assurer la communication nécessaire auprès du grand public, et ces encarts paraissent superflus.

Par ailleurs, la proposition de doter les candidats en campagne d'une protection de sécurité soulève d'importants risques d'abus. Où placer le curseur entre un échange un peu vif qui aura pu avoir lieu sur un marché et de véritables violences ou agressions ? La prudence est de mise à ce titre, pour que les préfectures ne croulent pas sous les demandes de protection renforcée pendant les campagnes.

Enfin, la règle veut d'ores et déjà que les CLSPD se tiennent en présence du directeur départemental de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et du procureur de la République. Je ne vois donc pas l'intérêt de l'inscrire dans la loi.

Pour conclure, le fait que vous ayez, monsieur le président, déclaré l'un de mes amendements irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution m'a beaucoup chagriné, d'autant que cela a été fait sur le fondement de l'article 28 ter du règlement du Sénat, aujourd'hui abrogé.

Cet amendement visait à étendre la protection fonctionnelle à tous les conseillers municipaux, majoritaires et minoritaires. Or j'ai entendu tout à l'heure, avec beaucoup de gratitude, le rapporteur proposer d'étendre cette protection aux élus départementaux et régionaux. Pourquoi ne pas faire de même avec les élus municipaux ? Je porterai ce débat dans l'hémicycle, et j'espère que vous me soutiendrez pour que le Gouvernement reprenne cette disposition à son compte. En effet, les agresseurs ne font pas la distinction entre la majorité et la minorité. Les élus sont accusés de tous les maux sans distinction.

M. François-Noël Buffet, président. - Je vous dois une excuse pour cette erreur de référence : l'article 17 du Règlement, qui reprend sans modification la teneur de l'article 28 ter, aurait dû être visé ! Sur l'autre point, nous vous répondrons.

M. Éric Kerrouche. - Je remercie le rapporteur pour son travail sur ce texte présenté dans un contexte particulier. On pense à tous les maires qui ont été victimes de violences, ou de pressions venues de l'extrême droite, mais aussi aux démissions d'élus locaux, notamment de conseillers municipaux, en nombre inédit, ce qui traduit un malaise.

Les violences dont il est question se prêtent à des études objectives. L'enquête du Cevipof sur les maires de France montre une progression inédite de 10 % des incivilités entre 2020 et 2022 ; les injures et les menaces verbales ou écrites connaissent aussi une augmentation substantielle sur cette période, tandis que les violences physiques progressent dans une moindre mesure.

Le Gouvernement semble vouloir réagir, mais fait peu de propositions. Beaucoup de promesses sont faites ; encore faudrait-il qu'elles puissent être concrétisées.

Nous sommes d'accord sur la plupart des mesures du présent texte. Il faut assurer un équilibre, fragile : mieux défendre les élus, ce qui est absolument nécessaire au vu des actuels débordements, tout en évitant d'alimenter au sein de la population le sentiment selon lequel ils seraient une caste particulièrement protégée.

Ce texte n'aborde cependant qu'un point particulier de la nécessaire défense des élus. Hussein Bourgi a évoqué nos quelques désaccords avec le rapporteur. La possibilité offerte au procureur de s'exprimer dans le bulletin municipal ne me semble pas réaliste. Surtout, il n'est pas normal qu'une autorité non élue s'exprime dans un bulletin municipal. Beaucoup de questions pratiques demeurent : cette expression sera-t-elle ou non limitée comme l'est celle de l'opposition municipale ? La mesure me semble inapplicable.

Au-delà de ce texte, il faudra construire un statut de l'élu pour encourager les vocations électorales. On peut s'interroger sur le taux de renouvellement. Certes, à l'approche des élections municipales, beaucoup annoncent qu'ils abandonnent, pour finalement se représenter, et le taux de renouvellement n'était finalement pas plus élevé en 2020 qu'en 2014, mais des problèmes sérieux demeurent, auxquels seul un statut de l'élu permettra de répondre de façon globale.

Mme Nathalie Delattre. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour son travail sur ce sujet que nous devons affronter sans relâche. Je salue les avancées contenues dans ce texte. Concernant la protection fonctionnelle, notre groupe aussi avait déposé un amendement tendant à l'étendre à tous les conseillers municipaux, qui, comme celui de Hussein Bourgi, a été déclaré irrecevable ; pourtant, l'extension de cette protection aux conseillers d'opposition nous paraît indispensable au vu des agressions dont eux aussi sont victimes, vraies attaques contre les fondements mêmes de notre République.

Je salue la prise en compte du temps de la campagne électorale. Plus généralement, le Gouvernement a certes fait des annonces, il y a désormais des référents dans la police et la gendarmerie pour dialoguer avec les élus et enregistrer leurs plaintes. Il reste à s'attaquer à la lenteur de la justice en la matière et aux trop nombreux classements sans suite.

Je partage aussi la volonté de Françoise Gatel d'en faire plus contre les recours abusifs, qui constituent eux aussi une forme de harcèlement des équipes municipales. Trop de communes en souffrent.

Les membres de mon groupe soutiendront cette proposition de loi.

M. Jean-Michel Arnaud. - Je remercie à mon tour le rapporteur pour son important travail sur ce texte. Les élus locaux, en particulier les conseillers municipaux, les maires et leurs adjoints, ressentent un profond malaise. Je regrette comme Hussein Bourgi et Nathalie Delattre que les amendements tendant à étendre la protection fonctionnelle à tous les conseillers municipaux aient été jugés irrecevables. J'ai connu des situations où des élus faisaient l'objet d'agressions collectives : si seuls certains d'entre eux se voient offrir la protection fonctionnelle, cela suscite des tensions. Les conseillers municipaux ruraux sont bénévoles : il serait inacceptable qu'ils soient privés de cette protection alors qu'un conseiller départemental ou régional, qui reçoit une indemnité et bénéficie de services juridiques performants, en bénéficierait ! Je suis contre une telle hiérarchie des élus.

M. Philippe Bas. - Je remercie le président et le rapporteur d'exercer ainsi le devoir de continuité et de vigilance de notre commission. Nous avons pris l'initiative en la matière dès 2019, certains résultats ont été obtenus, pourtant la situation s'est de nouveau dégradée.

Après la mort, le 5 août 2019, du maire de Signes, nous avons lancé une enquête à laquelle ont répondu 3 812 maires. Les chiffres obtenus étaient significatifs : 92 % des répondants se disaient victimes au moins d'injures, mais aussi de menaces, voire d'agressions. Or seulement 37 % d'entre eux avaient porté plainte ; ils en étaient souvent dissuadés par les gendarmes et par les préfets. « Ce sont les risques de la fonction que vous avez convoitée. », leur disait-on. Enfin, seulement 21 % des rares plaintes déposées aboutissaient à des condamnations, ce phénomène étant aussi négligé par la justice que par l'administration préfectorale.

Or la situation s'est encore dégradée. Les chiffres du ministère de l'intérieur sont très clairs : menaces, injures et agressions ont progressé de 53,4 % entre 2021 et 2022 ! Heureusement, la proportion de plaintes déposées augmente, jusqu'à 75 % : il y a une prise de conscience, les maires sont mieux soutenus par les forces de l'ordre et l'administration. Mais pour la suite de ces plaintes, c'est le grand silence ! Depuis 2019, la loi oblige les procureurs à rendre compte des suites données aux plaintes relatives aux violations des arrêtés municipaux, mais ce n'est pas le cas pour les plaintes de maires agressés ! Il faut poser une telle exigence.

Les violences physiques ont augmenté de 2,5 % l'année dernière. Les chiffres sont heureusement moins considérables, mais 33 agressions ont donné lieu à des plaintes, ce qui est tout de même significatif d'une dégradation du respect dû à nos maires.

Nous avions formulé douze propositions en 2019 ; seules quatre d'entre elles ont été retenues dans la loi du 27 décembre 2019. On est donc obligé aujourd'hui de remettre l'ouvrage sur le métier, car la protection des maires demeure insuffisante, malgré les instructions du garde des Sceaux aux procureurs et du ministre de l'intérieur aux préfets. Certes, le problème n'est pas seulement législatif, mais nous devons compléter ce volet. Je suggère aussi que nous nous adressions aux ministres concernés, voire à la Première ministre, pour que soit assuré un meilleur accompagnement des maires, notamment par les parquets.

Ce texte est indispensable, équilibré et rigoureux, il sera utile ; j'en remercie les auteurs et le rapporteur.

M. Guy Benarroche. - Je félicite le rapporteur pour son travail sur ce texte bienvenu, qu'elle a encore amélioré, mais j'ai quelques remarques à faire. Ce texte s'attaque à un symptôme de la crise de confiance et d'engagement citoyen que nous traversons. À ce propos, je regrette que le vote blanc ne soit pas comptabilisé comme un vote exprimé ; si l'on veut affronter la crise de l'engagement citoyen, il faudra aussi changer cela.

On cherche ici à traiter un symptôme, sans avoir la prétention de traiter les causes. Or la nature des violences comme le ressenti des maires sont très différents d'un territoire, d'un département à l'autre. Les médicaments ici prescrits sont d'usage délicat, et comportent des contre-indications... Je m'interroge surtout sur l'augmentation de la répression de certaines infractions. Le sujet requiert une réflexion plus poussée, au moins sur le possible effet symbolique de telles mesures. Le fossé qui existe aujourd'hui entre les élus et les autres citoyens doit être comblé petit à petit. Il ne faudrait pas que l'on puisse voir les élus comme des privilégiés, ni donner le sentiment qu'il existe une justice à deux vitesses. Quant aux pressions exercées pour qu'il n'y ait pas dépôt de plainte, ou aux nombreux classements sans suite, c'est certes vrai pour les élus, mais aussi pour bien d'autres citoyens ; je pense notamment aux violences sexuelles.

Sous réserve de ces remarques, notre groupe, qui compte désormais trois membres de la commission des lois, soutiendra ce texte.

M. André Reichardt. - On sait qu'une peine de travaux d'intérêt général (TIG) doit être acceptée par le condamné. Que se passera-t-il, pour les peines proposées à l'article 2, s'il n'accepte pas ? La peine sera-t-elle bien exécutée ? Je crains que l'on ne crée une peine illusoire, qui n'améliorera pas la situation des élus victimes d'une injure publique.

Mme Cécile Cukierman. - Sur ce dernier point, un vrai problème se pose. Tout le monde vante les bénéfices des TIG, mais ils ne sont jamais réellement obligatoires ; c'est un réel souci. Nombre d'agresseurs condamnés ne sont pas pris en charge par les services d'insertion et de probation, notamment en dehors des grandes villes. Les petites communes n'ont souvent pas les moyens d'accueillir ces personnes. Comment rendre efficiente cette peine ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Ce sujet est transpartisan. En effet, je tiens à rappeler que notre proposition de loi est précurseur en la matière et que chacun s'y est ralliée, devançant ainsi le plan du Gouvernement et la proposition de loi du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Toutefois, je me félicite que ous soyons tous à la recherche de solutions.

Dans cette proposition de loi, il ne s'agit pas d'aborder le statut de l'élu qui fera l'objet d'un texte spécifique, d'ici à la fin de l'année, en raison du travail d'ampleur qu'il nécessite de mener.

En ce qui concerne les recours abusifs, nous allons examiner s'il est possible d'avancer sur ce sujet d'ici à la séance publique ou à tout le moins d'interroger le Gouvernement sur ce point.

Pour répondre à Hussein Bourgi au sujet de l'article 40 de la Constitution, j'aurais également souhaité l'élargissement de la protection fonctionnelle à l'ensemble des conseillers municipaux. J'ai été contrainte d'y renoncer pour les mêmes raisons.

Mme Cécile Cukierman. - C'est une censure transpartisane !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Toutefois, j'en comprends les motifs : élargir le dispositif à l'ensemble des conseillers municipaux revient à élargir l'assiette des bénéficiaires. C'est pourquoi l'article 40 a frappé ces dispositions.

L'amendement que je vous soumets ce matin n'a pas le même objectif ; il vise à permettre aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives, qui peuvent déjà en l'état du droit bénéficier de la protection fonctionnelle, de bénéficier d'une protection automatique. Nous n'élargissons donc pas le champ d'application de la protection, nous rendons automatique ce qui était déjà possible.

Par ailleurs, pour répondre à Hussein Bourgi, je vous félicite de représenter un département particulièrement exemplaire au regard du travail et de la communication des procureurs, ce qui n'est pas le cas de l'ensemble des départements. Nous avons donc jugé important de d'inscrire une obligation de présence pour les membres de droit des CLSPD et CISPD dans la proposition de loi, en limitant cette obligation à une réunion par an.

S'agissant du droit de communication dans un bulletin municipal, en réalité, cette mesure résulte d'une recommandation d'un groupe de travail présidé par Hugues Berbain, procureur de Reims, conduit avec les principales associations représentatives de maires. En outre, cela n'est qu'une faculté qui serait ouverte aux procureurs.

La condamnation a une peine de TIG en cas de diffamation ou d'injure publiques est une peine autonome ; elle n'est donc pas une alternative à l'emprisonnement qui devrait être acceptée par le condamné. Au surplus, le non-respect de l'exécution de cette peine est puni de deux ans de prison et d'une amende de 30 000 euros.

M. François-Noël Buffet, président. - Les relations entre les parquets et les élus locaux diffèrent selon les territoires concernés : certains parquets sont exemplaires, tandis que d'autres n'ont que peu d'échanges avec les élus. Un principe doit donc être mis en place.

Si la rédaction de contenus par les procureurs dans les bulletins municipaux a suscité des interrogations, il s'agit uniquement d'une faculté envisagée à leur demande, non pas pour aborder des cas particuliers, mais pour exposer leur stratégie pénale dans le département et pour informer les citoyens.

Toutefois, je ne suis pas certain que cela soit possible de le faire aujourd'hui dans les bulletins municipaux. Pour ma part, que le procureur puisse s'exprimer me semble être une bonne chose.

M. Éric Kerrouche. - Mais pourquoi lui et non pas le recteur ou les services des finances publiques ? Quel est l'avantage ? Le maire en tant que directeur de publication peut-il s'y opposer ?

Cette disposition ne sert à rien, posera des difficultés et crée des déséquilibres au sein des institutions en en privilégiant une au détriment des autres.

M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la protection de la sécurité des élus locaux et des candidats aux élections par l'État et les collectivités territoriales, aux sanctions des infractions commises à l'encontre des élus locaux et des candidats aux élections, à l'accès des élus à une couverture assurantielle pour l'exercice de leur mandat et au renforcement des liens entre les parquets et les maires.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-2 tend à étendre le champ des aggravations de peines prévues contre les personnes dépositaires de l'autorité publique aux titulaires d'un mandat électif.

Une telle mesure reviendrait à introduire des doublons dans la définition du champ des aggravations, puisque la catégorie des personnes dépositaires de l'autorité publique inclut les responsables des exécutifs locaux - maires, présidents d'intercommunalités, des conseils départementaux et régionaux -, mais aussi les adjoints au maire et les conseillers municipaux délégués. De la même manière, les autres élus locaux, lorsqu'ils ne se voient confier par délégation aucune prérogative de puissance publique, comme les parlementaires, ont la qualité de personnes chargées d'une mission de service public.

Aussi cette précision semble-t-elle inutile. Avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-1 a pour objet l'aggravation des peines encourues en cas de violences à l'encontre des membres de cabinet des élus.

En premier lieu, introduire cette nouvelle catégorie de personnes remettrait en cause tant la cohérence du dispositif que les équilibres trouvés par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure dite « RPSI » en traitant de la même manière deux types de personnes placées dans des situations objectivement différentes. En second lieu, il semblerait disproportionné d'aligner les peines prévues pour sanctionner des faits commis contre des élus locaux ou des forces de l'ordre, autrement dit des personnes dépositaires de l'autorité publique, sur celles de leurs collaborateurs. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche. - Il s'agissait d'inclure les collaborateurs au dispositif au regard du nombre croissant d'agressions à leur encontre.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Après l'article 2

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Les amendements identiques COM-10 et COM-3 rectifié visent à allonger de trois mois à un an les délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881.

Les amendements COM-10 et COM-3 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-11 introduit une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale.

L'amendement COM-11 est adopté et devient article additionnel.

Article 3

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-8 tend à étendre le périmètre de la protection fonctionnelle des élus locaux.

Tout d'abord, la formulation actuelle, qui prévoit l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d'outrages est déjà très large. Le juge administratif, qui interprète extensivement cette formule, a estimé qu'elle englobait par exemple les injures, les diffamations et les voies de fait. Ensuite, l'élargissement proposé concerne uniquement les maires et leurs adjoints. Par conséquent, deux régimes existeraient. Les conseillers départementaux et régionaux n'auraient droit à une protection qu'en cas de violences, de menaces ou d'outrages alors que les élus municipaux bénéficieraient d'un régime plus protecteur. Rien ne justifie une telle différence de traitement. Avis défavorable.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-12 a pour objet l'extension du dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d'outrages aux conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'article 8 et, par conséquent, la prise en charge par les communes des restes à charge et dépassements d'honoraires au titre de la protection fonctionnelle. Cette suppression n'est pas souhaitable. Avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-13 tend à restreindre la prise en charge par les communes aux seuls restes à charge et dépassements d'honoraires médicaux et psychologiques, selon un barème fixé par décret, afin de ne pas trop grever leur budget.

L'amendement COM-13 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

Mme Catherine Di Folco, rapporteur - L'amendement COM-14 tend à inclure les candidats déclarés aux élections locales dans le champ des bénéficiaires du dispositif permettant la saisine du bureau central de tarification pour assurer la permanence électorale ou les lieux accueillant des réunions électorales.

Mme Cécile Cukierman. - Que signifie « déclaré publiquement » ? Quels actes peuvent être considérés comme une déclaration publique : un tweet, une conférence de presse ? Une précision me semble nécessaire. Ne faudrait-il pas s'aligner sur le dépôt d'un mandataire financier ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce dernier n'est pas public.

M. François-Noël Buffet, président. - Un élément de précision objectif devrait être apporté. Nous y travaillerons d'ici au passage en séance publique.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à supprimer l'article 10. Or cet article me semble constituer une avancée salutaire vers une meilleure protection des candidats aux élections dans le contexte actuel d'une crise des vocations électorales. Avis défavorable.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-15 tend à apporter des garanties assurant l'opérationnalité des dispositifs d'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats aux élections et de remboursement par l'État des dépenses de sécurisation engagées par ces mêmes candidats aux cours des campagnes électorales.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-16 a pour objet de rétablir la faculté de dépaysement à la main du procureur en cas d'affaire mettant en cause un élu en tant que victime.

L'amendement COM-16 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à supprimer l'article 13 qui a trait à l'espace de communication réservé aux procureurs dans les bulletins municipaux, évoqué lors de la discussion générale. Avis défavorable.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté sans modification.

Article 14

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-17 tend à étendre aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance des dispositions prévues pour les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

L'amendement COM-17 est adopté.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Marie Mercier. - En ce qui concerne l'amendement COM-6, vous avez tous assisté aux assemblées générales des maires. Dans le cas précis, tout le monde est concerné - le préfet, les sous-préfets, les pompiers, la police, la gendarmerie ou encore le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) -, mais on relève un grand absent : la justice.

Dans les assemblées générales, les maires évoquent de plus en plus les agressions. Or le fonctionnement de la justice est parfois un peu opaque quand on n'a pas affaire à elle. Mieux expliquer la justice - pourquoi pas dans les bulletins municipaux à destination de tous les habitants - qui est rendue au nom du peuple français aux élus semble une bonne idée.

Mme Lana Tetuanui. - Je voterai ce texte, mais je souhaite avoir la confirmation que ces dispositions sont applicables à nos élus ultramarins, qui sont des élus de la République.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - La République est une.

M. Guy Benarroche. - Et indivisible !

Mme Lana Tetuanui. - Malheureusement, de nombreux dispositifs votés ici ne sont pas adaptés aux collectivités ultramarines et ne sont pas appliqués, ce qui justifie ma question.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je vous confirme que les coordinations nécessaires ont été effectuées sur chacun des articles du texte.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. BOURGI

2

Extension du champ des aggravations de peines prévues contre les personnes dépositaires de l'autorité publique aux titulaires d'un mandat électif

Rejeté

M. BENARROCHE

1

Aggravation des peines encourues en cas de violences à l'encontre des membres de cabinet des élus

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 2

Mme DI FOLCO, rapporteur

10

Allongement des délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881

Adopté

M. BOURGI

3 rect.

Allongement des délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

11

Nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale

Adopté

Article 3

M. BOURGI

8

Extension du périmètre de la protection fonctionnelle des élus locaux

Rejeté

Mme DI FOLCO, rapporteur

12

Extension du dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d'outrages aux conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives

Adopté

Article 8

M. BOURGI

4

Suppression de la prise en charge par les communes des restes à charges et dépassements d'honoraires au titre de la protection fonctionnelle

Rejeté

Mme DI FOLCO, rapporteur

13

Restriction de la prise en charge par les communes aux seuls restes à charge et dépassements d'honoraires médicaux et psychologiques, selon un barème fixé par décret

Adopté

Article 9

Mme DI FOLCO, rapporteur

14

inclure les candidats déclarés aux élections locales dans le champ des bénéficiaires du dispositif permettant la saisine du bureau central de tarification (BCT) pour assurer toute permanence électorale ou tout lieu accueillant des réunions électorales

Adopté

Article 10

M. BOURGI

5

Suppression de l'article

Rejeté

Mme DI FOLCO, rapporteur

15

Garanties assurant l'opérationnalité des dispositifs d'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats aux élections et de remboursement par l'État des dépenses de sécurisation engagées par ces mêmes candidats aux cours des campagnes électorales

Adopté

Article 11

Mme DI FOLCO, rapporteur

16

Rétablissement de la faculté de dépaysement à la main du procureur en cas d'affaire mettant en cause en tant que victime un élu

Adopté

Article 13

M. BOURGI

6

Suppression de l'espace de communication réservé au procureur de la République dans les bulletins municipaux

Rejeté

Article 14

Mme DI FOLCO, rapporteur

17

Extension aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) des dispositions prévues pour les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 55(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie56(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte57(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial58(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 7 juin 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 648 (2022-2023) renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- à la protection de la sécurité des élus locaux et des candidats à un mandat électif public par l'État et les collectivités territoriales ;

- aux sanctions des infractions commises à l'encontre des élus locaux et des candidats à un mandat électif public ;

- à l'accès des élus et des candidats à un mandat électif public à une couverture assurantielle pour couvrir les risques liés à l'exercice de leur mandat ;

- au renforcement des liens entre les parquets et les maires.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections politiques

M. Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur de la modernisation et de l'administration territoriale, chef du service de la modernisation de l'action publique

DIRECTION DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRÂCES (DACG)

Mme Élise Barbe, sous-directrice de la négociation et de la législation pénales

Mme Eve Mathien, cheffe du bureau de la législation pénale générale

Mme Aude Morel, cheffe du bureau de la politique pénale générale

M. Benjamin Mouraud, rédacteur au bureau de la législation pénale générale

DIRECTION GÉNÉRALE DES COLLECTIVITÉS LOCALES (DGCL)

M. Christophe Bernard, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale

M. Laurent Stirnemann, chef du bureau des élus locaux, du recrutement et de la formation des personnels territoriaux

DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR

M. Mayeul Tallon, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance

Mme Anaïs Mateos, adjointe au chef du bureau marchés et produits d'assurance

ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE ET DES PRÉSIDENTS D'INTERCOMMUNALITÉ (AMF)

Mme Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF et maire de Lampertheim (67)

Mme Annick Pillevesse, responsable du service juridique

Mme Judith Mwendo, responsable du département Action et gestion communale

M. Denis Mottier, chargé de mission sécurité

Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Tables rondes d'associations représentatives des collectivités

ASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE (ADF)

Mme Coralie Denouès, présidente du département des Deux-Sèvres

Mme Marylène Jouvien, chargée des relations avec le Parlement

RÉGIONS DE FRANCE

M. Laurent Dejoie, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire

ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE (APVF)

M. Igor Semo, vice-président, maire de Saint-Maurice (94)

Mme Marie Coulet, conseillère mobilités, sécurité, logement, ZAN et communication institutionnelle

VILLES DE FRANCE

M. David Marti, vice-président, maire du Creusot (71)

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- DIRECTION DES SERVICES JUDICIAIRES (DSJ)

- DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POLICE NATIONALE (DGPN)

- DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA GENDARMERIE NATIONALE (DGGN)

- ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DE FRANCE (AMRF)

- INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE

- ASSOCIATION FRANCE URBAINE

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-648.html


* 1 François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Maryse Carrère, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Jean-Claude Requier.

* 2 Rapport d'information de Philippe Bas, « Plan d'action pour une plus grande sécurité des maires », 2 octobre 2019.

* 3 Au 1er mai 2023, 1 078 maires avaient démissionné volontairement de leur mandat et 29 214 conseillers municipaux, ce qui représente 3 % de l'effectif total des maires et 7 % de celui des conseillers municipaux.

* 4 Selon la consultation nationale conduite par le Sénat en 2019, seules 21 % des plaintes déposées par les participants ont abouti à la condamnation pénale des fautifs.

* 5 « Plan pour une plus grande sécurité des maires », rapport d'information n° 11 de Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 octobre 2019. Il est consultable dans son intégralité à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r19-011/r19-011.html.

* 6 « Avis de tempête sur la démocratie locale : évitons le mal des maires ! », mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, p. 171-173.

* 7 L'article 433-3 du code pénal punit, lorsqu'elles sont commises envers une personne investie d'un mandat électif public ou une autre personne dépositaire de l'autorité publique ou une personne chargée d'une mission de service public, de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende les menace de commettre un crime ou un délit, de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende les menaces de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes, et de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende les menaces, violences ou tout autre acte d'intimidation en vue de contraindre la personne élue à accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction.

* 8 Article 338-6 du code pénal.

* 9 Décision n° 2022-846 DC du 19 janvier 2023, Loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, considérants 66 et 67.

* 10 Conseil d'État, Avis sur un projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, 8 juillet 2021, p. 7-8.

* 11 Article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

* 12 L'article 65-3 de la loi de 1881, issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité dite « Perben II » a étendu de trois mois à un an le délai de prescription relatif, d'une part, aux provocations à la discrimination, d'autre part, aux diffamations et injures lorsqu'elles ont été prononcées en raison de l'origine ou de la religion, quel que soit le support.

* 13 Décision n° 2013-302 QPC du 12 avril 2013, M. Laurent A. et autres, considérants 5 et 6.

* 14 CE, 2015, Commune de Roquebrune-sur-Argens, req. n° 391800.

* 15 CAA de Marseille, 2011, req. n° 09MA01028.

* 16 Rapport d'information de M. Philippe Bas, « Plan d'action pour une plus grande sécurité des maires », 2 octobre 2019. https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-011-notice.html

* 17 Ibid.

* 18 Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 19 Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 20 Articles L. 2335-1 et D. 2335-1-1 du code général des collectivités territoriales.

* 21 Rapport du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, « Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur "pouvoir d'agir" », 6 juillet 2023. https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/controle-et-evaluation/groupe-de-travail-sur-la-decentralisation.html

* 22 Rapport d'information de Mathieu Darnaud, « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires », 5 juillet 2023. https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-851-1-notice.html

* 23 Article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.

* 24 Article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales.

* 25 Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.

* 26 Articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales.

* 27 Articles L. 3123-28 et L. 3123-29 du code général des collectivités territoriales.

* 28 Articles L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales.

* 29 Article L. 5215-16 du code général des collectivités territoriales.

* 30 Article L. 5216-4 du code général des collectivités territoriales.

* 31 Article L. 5217-7 du code général des collectivités territoriales.

* 32  https://www.senat.fr/questions/base/2020/qSEQ201018413.html

* 33 Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Françoise Gatel et Patrick Chaize.

* 34 CE, 1er février 2019, req. n° 421694.

* 35 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

* 36 CE, 9 juillet 2014, req. n° 380377

* 37 Exposé des motifs de la proposition de loi, p. 4.

* 38 Amendement présenté par Rudy Salles et Gérard Vignoble, puis adopté par l'Assemblée nationale lors de la séance du 22 mai 2003.

* 39 Rapport n° 441 de M. François Zocchetto fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 24 septembre 2003 sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Plus précisément, voir l'article 55 bis, p. 375.

* 40 Décision n° 2011-156 QPC du 22 juillet 2011 M. Stéphane P.

* 41 Commentaire de la décision précitée, p. 2.

* 42 Exposé des motifs de la proposition de loi, p. 3.

* 43 Rapport précité, p. 45.

* 44 Décision n° 2011-156 QPC du 22 juillet 2011 M. Stéphane P., considérant 3.

* 45 Article 59 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 46 Exposé des motifs de la proposition de loi, p. 5.

* 47 CAA Versailles, 10 février 2021, Commune de Noisy-le-Sec.

* 48 Rapport du groupe de travail visant à renforcer les relations entre les magistrats du ministère public et les maires, 8 mars 2022.

* 49 Réponses de la DACG au questionnaire du rapporteur.

* 50 Article L. 132-13 du code de la sécurité intérieure.

* 51 L'article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure prévoit en effet que, sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et du respect des compétences du représentant de l'État et de celles des autres collectivités, établissements et organismes intéressés, « le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre. À cette fin, il peut convenir avec l'État ou les autres personnes morales intéressées des modalités nécessaires à la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance ».

* 52 Article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure.

* 53 À l'exception notable du président du conseil départemental, qui ne serait plus membre du CLSDP.

* 54 Article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure.

* 55 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 56 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 57 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 58 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.