III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Dans le cadre d'un « droit de tirage », la compétence de la commission des lois se limite strictement à l'examen de la recevabilité de la proposition de résolution, reposant sur l'évaluation du respect des critères précités.

a) Un effectif ne dépassant pas vingt-trois membres

L'article unique de la proposition de résolution présentée par Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains, apparentés et rattachés, tend à créer une commission d'enquête composée de vingt-trois membres, sur « l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier ».

L'effectif de la commission d'enquête n'excéderait donc pas vingt-trois membres, respectant ainsi l'article 8 ter du Règlement du Sénat.

b) Un objet non traité par une commission d'enquête au cours des douze derniers mois

L'étude de l'influence et de l'impact des réseaux de narcotrafic ainsi que l'identification des moyens d'y lutter a déjà fait l'objet de travaux parlementaires, notamment dans le cadre du rapport d'information du Sénat n° 707 (2019-2020), déposé le 15 septembre 2020 et intitulé « Mettre fin au trafic de cocaïne en Guyane : l'urgence d'une réponse plus ambitieuse »15(*) ou, plus récemment, de l'examen de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Ce sujet n'a toutefois pas fait l'objet d'une commission d'enquête, à l'Assemblée nationale, ni au Sénat.

La proposition de résolution n'a donc pas pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois, respectant ainsi l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

c) Une commission d'enquête portant sur la gestion des services publics

Rappelant qu'un record de 157 tonnes de produits stupéfiants a été saisi par les autorités françaises en 2022, les auteurs de la proposition de résolution constatent, dans son exposé des motifs, une augmentation « de la production, de l'offre et de la demande » qui démontrerait que « le trafic de stupéfiants ne cesse de gagner du terrain, [...] des petites villes rurales aux grandes métropoles ».

Cette tendance haussière entraîne, selon les auteurs de la proposition de résolution, des conséquences significatives en termes de sécurité et de santé publiques, notamment au regard des chiffres transmis par l'Office français anti-stupéfiants (OFAST), selon lequel 80 % des règlements de comptes sont liés au trafic de stupéfiants. Les auteurs mentionnent également les répercussions de ces trafics en termes « d'économie parallèle, de financements illégaux et d'interconnexions internationales ».

Dès lors, l'objectif de la commission d'enquête serait « de déterminer la véritable ampleur de ce phénomène et la place du narcotrafic dans l'écosystème de la criminalité, de traiter ses conséquences sur la sécurité en France et de proposer un ensemble de mesures destinées à lutter contre ce trafic ».

La lutte contre les narcotrafics mobilise de nombreux services publics : services des douanes, polices nationale et municipale, gendarmerie nationale, le service de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), etc., mais également le ministère de la Justice pour la réponse pénale ou encore le ministère des solidarités et de la santé pour la prévention et la prise en charge médicale des dépendances.

Il appert que les investigations de cette commission d'enquête devraient donc porter sur la lutte contre les trafics de stupéfiants et les services publics qui y concourent ainsi que sur les répercussions de ces trafics en termes d'insécurité, d'économie parallèle, de financements illégaux, d'interconnexions internationales et de santé publique.

Le champ d'investigation retenu peut bien être regardé comme portant sur la gestion d'un service public au sens large, non sur des faits déterminés.

Ainsi, la proposition de résolution entre-t-elle bien dans le champ défini à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, au titre de la gestion d'un service public, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires en cours.

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Dès lors, la commission des lois a constaté que la proposition de résolution n° 56 (2023 - 2024) est recevable.

Il n'existe donc aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage ».


* 15 Ce rapport est accessible sur le site internet du Sénat, à l'adresse : https://www.senat.fr/rap/r19-707/r19-707.html.

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