B. LE PROJET DE BUDGET EUROPÉEN POUR 2024 TRADUIT LES RETARDS PRIS PAR L'EXÉCUTION DES POLITIQUES TRADITIONNELLES DE L'UNION

1. La procédure budgétaire 2024

Le 7 juin 2023, la Commission européenne a présenté son projet de budget pour 2024, en proposant un niveau de dépenses s'élevant à 189,3 milliards d'euros en crédits d'engagement (CE) et à 143,1 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Cette proposition de budget représente une hausse de 1,5 % en crédits d'engagement et une baisse de 15,2 % en crédits de paiement par rapport au budget 2023.

La diminution des crédits de paiement traduit les retards importants des politiques traditionnelles de l'Union en termes d'exécution. Les retards de déploiement se traduisent par une baisse de 37 milliards d'euros sur le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds de cohésion, le Fonds social européen (FSE) et de 3 milliards d'euros sur le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) par rapport à 2023.

Cette baisse demeure transitoire et pourrait se traduire par un rattrapage potentiel à l'occasion des exercices postérieurs.

Cependant, en dépit de la baisse globale du niveau des crédits de paiement par rapport à l'exercice précédent, la Commission européenne a présenté dans son projet de budget pour 2024 un certain nombre de mesures nouvelles :

- premièrement, une hausse de 5,6 % des dépenses administratives ;

- deuxièmement, la mise en oeuvre du règlement Action de soutien à la production de munitions (dit ASAP) conduisant à une hausse de 8,9 % en crédits d'engagement et de 67,9 % en crédits de paiement sur la rubrique 5 « Sécurité et Défense » du budget de l'Union ;

- troisièmement, une hausse du financement des opérations d'emprunt liées au plan Next Generation EU, de l'ordre de 2,7 milliards supplémentaires.

Le Conseil a adopté le 5 septembre 2023 sa position sur le projet de budget. Il a proposé une enveloppe de 187 milliards d'euros en crédits d'engagement (soit une diminution de 1,22 % par rapport aux propositions de la Commission) et de 141,2 milliards d'euros en crédits de paiement (soit une diminution de 1,33 %).

La position du Conseil souligne notamment que les mesures prises par la Commission concernant les dépenses administratives ne sont pas suffisantes pour respecter le plafond prévu dans le CFP. Le Conseil se montre particulièrement critique du recours à l'instrument de marge unique pour financer cette hausse des dépenses administratives.

Comme chaque année, le Parlement européen, dans sa position sur le projet de budget adoptée le 18 octobre 2023, a majoré les propositions du Conseil. Le Parlement a entendu rétablir les crédits au niveau de la proposition de la Commission, revenant ainsi sur la position du Conseil. De plus, il a proposé 24 augmentations de crédits spécifiques, notamment pour Horizon Europe, MIE Transports, Erasmus +, LIFE, les jeunes agriculteurs, Europe créative et le programme l'« UE pour la santé » (EU4Health).

Les négociations entre le Conseil et le Parlement devraient se poursuivre jusqu'en novembre 2023.

À noter que, comme en 2023, les crédits d'engagement dépassent largement le montant prévu pour les crédits de paiement alors qu'ils étaient sensiblement équivalents en 2022. Les négociations entre le Parlement européen et le Conseil vont se poursuivre, en vue de parvenir à un accord en novembre.

Propositions de la Commission et position du Conseil
sur le projet de budget pour 2024

(en milliards d'euros)

Source : Commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le 9 octobre 2023, la Commission européenne a présenté une lettre rectificative au projet de budget pour 2024. Ce dernier se trouve diminué de 67,4 millions d'euros en crédits d'engagement et en crédits de paiement. Cela traduit principalement une révision à la baisse des besoins relatifs à la ligne d'intérêt pour Next Generation EU, dans le contexte d'un niveau total de décaissements au titre du plan de relance européen plus faible que prévu précédemment en 2023.

La participation du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne en 2024

Conformément à l'accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni participe au-delà de 2020 au budget de l'Union au titre de ses engagements passés (part des restes-à-liquider, aux retraites, aux passifs et aux actifs éventuels). Le principal déterminant de cette contribution est le restes-à-liquider (RAL) pré-2021. La part de contribution du Royaume-Uni dans ce RAL est calculée selon un niveau historique en tenant compte de la correction dont bénéficiait le Royaume-Uni ainsi que des autres montants de corrections accordés.

La dernière évaluation de la contribution britannique pour l'exercice 2023, opérée lors de l'examen du budget rectificatif n° 3, s'élève à 9,062 milliards d'euros de versement en 2023. Pour l'exercice 2024, la Commission européenne évalue le montant de la contribution britannique à 3,872 milliards d'euros.

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2024 « Relations financières avec l'Union européenne »

2. Les retards pris dans le décaissement des crédits pèsent sur le budget européen

Le retard pris dans le décaissement des crédits européens constitue un sujet récurrent, en particulier s'agissant de ceux accordés dans le cadre de la politique de cohésion. De fait, le démarrage plus lent que prévu d'un nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) a notamment des répercussions sur l'ensemble de la période de programmation.

Ces retards ont été particulièrement observables concernant l'exécution des différents fonds de la politique de cohésion (Fonds social européen, Fonds européen de développement régional, Fonds social européen, Fonds de cohésion, Initiative pour l'emploi des jeunes ou le Fonds européen d'aide aux plus démunis). Ainsi, au 30 juin 2023, les crédits de l'enveloppe allouée à la politique de cohésion ont été consommés à hauteur de 312 milliards d'euros, correspondant à un taux d'exécution de 86,9 % sur l'ensemble de l'Union pour la période 2014-2020. La France se situe en-dessous de cette moyenne avec un taux d'exécution de 83% pour les fonds structurels et de 64 % des fonds FEDER et FSE. À l'échelle de l'Union, ces retards s'expliquent par l'adoption tardive des règlements relatifs aux fonds de la politique de cohésion. À l'échelle française, ils sont plutôt liés au changement d'autorités de gestion nationales au début de l'application du cadre financier ainsi que par d'autres facteurs techniques (changement de logiciel) ou administratifs.

Le rapporteur spécial rejoint les observations de la Cour des comptes européenne qui, dans un document d'analyse comparative de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et de la politique de cohésion4(*), soulignait la pression pesant sur les États membres quant à leur capacité à dépenser les crédits à leur disposition. En effet, sur la période 2014-2020, les crédits du FEDER et du Fonds de cohésion ont contribué à 10 % du total de l'investissement public au sein de l'Union. À ces montants s'ajoutent désormais les crédits versés au titre de la FRR.

Selon la Cour des comptes européenne, pour des investissements en faveur de la cohésion économique, sociale et territoriale, six pays peuvent dépenser au moins deux fois plus qu'au cours de la période 2014-2020 (la Bulgarie, l'Allemagne, l'Irlande, la Grèce, Chypre et la Finlande), sept pays peuvent dépenser au moins trois fois plus (la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Autriche et la Suède) et deux autres sept fois plus (le Luxembourg et les Pays-Bas).

3. La problématique structurelle des RAL

L'allongement du décalage entre l'engagement des dépenses et le versement des crédits de paiement se traduit par une augmentation progressive du reste-à-liquider (RAL) du budget européen. Au cours de la période 2014-2020, les engagements avaient été nettement supérieurs aux paiements, d'où une augmentation des RAL de 105,9 milliards d'euros.

En 2023, le RAL devrait augmenter de 18 milliards d'euros par rapport à l'exercice précédent pour atteindre un total estimé à 470 milliards d'euros. La hausse du RAL constatée en 2023 (+ 4 %) est relativement modeste par rapport aux exercices 2021 (+ 13 %) et 2022 (+ 32,6 %). Cette augmentation conséquente pour 2021 et 2022 s'explique principalement par le lancement des engagements de la programmation 2021-2027 et du plan de relance Next Generation EU.

Selon les documents budgétaires, les RAL pourraient continuer d'augmenter en 2024 (+ 10 %). Toutefois, compte tenu des aléas de l'exécution budgétaire, ces estimations demeurent très incertaines.

Remarque : les différences sont dues aux arrondis.

Source : Cour des comptes européenne, sur la base des comptes annuels consolidés de l'UE relatifs à l'exercice 2022, ainsi que des états sur l'exécution budgétaire tirés du système comptable de la Commission

Le montant des RAL équivaut désormais aux crédits de paiement de deux exercices complets, ce qui n'est pas soutenable dans le contexte budgétaire actuel. Sur le terrain, plusieurs facteurs ont simultanément contribué à créer une complexité supplémentaire pour tous les organismes chargés de gérer et de contrôler les fonds :

- la lenteur de la mise en oeuvre de la plupart des fonds en gestion partagée dans le cadre du nouveau CFP ;

- la gestion des RAL des fonds structurels et d'investissement européens (ESI) relevant du précédent CFP ;

- la concrétisation de Next Generation EU ;

- la mise en oeuvre des mesures budgétaires qui seraient éventuellement prises en réponse à la guerre en Ukraine.

Le suivi de la consommation des crédits européens devra rester un point de vigilance dans les années à venir, d'autant que le niveau élevé du stock des RAL engendrera pour plusieurs années un besoin important de crédits de paiement, ce qui pèsera sur le montant du prélèvement sur recettes.

Engagements restant à liquider, engagements et paiements
de la période 2007-2022 et prévisions pour les années 2023 à 2027

Source : Cour des comptes européenne, sur la base de données provenant des comptes annuels consolidés de l'UE relatifs aux exercices 2006 à 2022, et, pour les projections jusqu'en 2027, sur la base de données provenant du rapport relatif aux prévisions à long terme 2023-2027 (COM(2022)315)


* 4 Cour des comptes européenne, « Le financement octroyé par l'UE au titre de la politique de cohésion et de la facilité pour la reprise et la résilience : une analyse comparative », 2023.

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