B. UNE AUGMENTATION DES EMPLOIS QUI DEVRA FAIRE L'OBJET D'UNE PROGRAMMATION PLUS PRÉCISE

1. Le besoin d'une programmation précise des ouvertures de postes

Les documents budgétaires et les auditions ont permis d'obtenir une première répartition des 165 ETP nouveaux prévus par le projet de loi de finances. Ainsi 92 ETPT sont affectés au programme 105 » Action de la France dans l'Europe et dans le monde », 16 ETPT sur le programme 151 « Français de l'étranger et affaires consulaire » et 8 ETPT sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». Enfin 10 ETPT sont ouverts sur le programme 209, qui dépend de la mission « Aide publique au développement ».

Répartition des emplois sur les programmes de la mission en 2024

(en équivalent temps plein travaillé - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Outre ces évolutions, 5 ETP supplémentaires sont créés au sein de la nouvelle délégation ministérielle à l'encadrement supérieur. De même, 10 ETP sont ouverts pour les fonctions numériques.

Les rapporteurs spéciaux ont pu constater au cours de leurs auditions qu'une répartition plus précise des emplois au sein de chaque programme relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'était pas finalisée. Un certain nombre d'ETP, notamment sur le programme 185, n'ont pas encore de destination définie. Cette carence est surprenante à un stade aussi avancé de la procédure budgétaire. Si un tel retard peut éventuellement s'entendre sur le premier exercice de la mise en oeuvre d'une augmentation pluriannuelle du budget et des emplois, elle ne pourra se reproduire sur les prochains exercices.

Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement vigilants à ce qu'une programmation de la répartition des 700 ETP annoncés par le président de la République soit opérée.

Toutefois, les auditions ont permis aux rapporteurs spéciaux d'être informés des grandes orientations de la répartition des nouveaux postes pour 2024. Si en 2023, les ETP créés avaient davantage été déployés au sein de l'administration centrale du ministère, pour 2024, une majeure partie des nouveaux postes devrait être ouverts à l'étranger. Ainsi, sur le programme 105, le ministère de l'Europe et des affaires entend consacrer 77 ETP au réseau diplomatique à l'étranger. Il s'agit notamment de renforcer les « petits postes consulaires » composés de 2 à 3 agents polyvalents en ajoutant un ETP par poste sur au moins 18 implantations. Sur le programme 185, une partie des nouveaux emplois, à hauteur de 22 ETP, est également destinée à être déployée à l'étranger. À cet égard, les rapporteurs spéciaux rappellent que le ministère doit être vigilant à ne pas revenir sur les efforts de rationalisation du réseau opérés ces dernières années. Il importe d'identifier les priorités géographiques et thématiques et de ne pas tirer de ce budget un effet de balancier.

La « réforme du corps diplomatique » : un coût budgétaire difficile à évaluer

Engagée dans le cadre plus large de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, la réforme du corps diplomatique a suscité un malaise parmi les agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Abondamment commentée, elle a fait l'objet de travaux dans les deux chambres du Parlement2(*).

Cette réforme a porté sur deux volets principaux :

un volet statutaire, qui s'est traduit par la mise en extinction du corps des conseillers des affaires étrangères et du corps des ministres plénipotentiaires3(*), conformément à l'article 13 du décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 concernant le statut du corps des administrateurs de l'État. Ces deux corps ont été fusionnés au sein d'un corps unique d'extinction : le corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires. À partir du 1er janvier 2023, ce corps est placé en extinction. À l'image de 17 corps de la fonction publique, les fonctionnaires de ce corps sont intégrés au nouveau corps interministériel des administrateurs de l'État. Contestée devant la juridiction administrative, la mise en extinction des deux corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires a récemment été validée par le Conseil d'État4(*) ;

un volet formation, qui se traduit notamment par la centralisation de l'organisation des concours de recrutement de catégorie A+ du ministère au sein de l'Institut national du service public (INSP).

L'objectif principal affiché par la réforme est de décloisonner les fonctions de diplomate au sein de la haute fonction publique et de créer, via des mobilités extérieures, un vivier d'experts des affaires européennes et internationales de la sphère publique.

Sur un plan budgétaire, l'évaluation des conséquences de la réforme sur les crédits de la mission est difficile à déterminer.

D'une part, il est complexe d'identifier l'ensemble des mesures d'ordre budgétaire qui se rattachent à la réforme. Une grande partie des dépenses nouvelles en matière de ressources humaines, demandées lors des États généraux de la diplomatie et réalisées à l'occasion du projet de loi de finances pour 2024, peuvent être indirectement rattachées à cette réforme et la contestation qui a suivi. La mesure la plus directement liée à la suppression des deux corps de conseillers des affaires étrangères et de ministres plénipotentiaires est l'alignement sur la grille indiciaire du corps des administrateurs de l'État.

D'autre part, le déroulement de la réforme n'est pas encore achevé. Les membres du corps unique d'extinction ont jusqu'à fin 2023 pour rejoindre le corps des administrateurs de l'État. À la date des auditions menées, 71 % des fonctionnaires concernés auraient rejoint le nouveau cadre et le ministère affiche un objectif de 80 % d'intégration au sein du corps des administrateurs de l'État. Si cet objectif est rempli, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères serait particulièrement bien représenté dans les catégories A+ puisqu'il accueillerait 16 % du total des administrateurs de l'État.

Source : commission des finances

2. Une refonte programmée de la maquette budgétaire pour concentrer les dépenses de personnel sur le programme 105

Au cours des auditions, les rapporteurs spéciaux ont été informés d'un projet de refonte de la maquette de la mission « Action extérieure de l'État » qui sera réalisé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Il s'agit principalement de regrouper l'ensemble des dépenses de personnel de la mission au sein du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». Ce regroupement devrait également concerner les dépenses de personnel du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » qui relève de la mission « Aide publique au développement » mais qui est déjà géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Si ce regroupement ne semble pas forcément en phase avec l'esprit de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances qui suppose le regroupement de l'ensemble des moyens concourant à une politique publique au niveau du programme, cette évolution devrait offrir une vue d'ensemble des dépenses de personnel du programme. La budgétisation de ce type de dépenses s'en trouverait facilitée.

De plus, une telle organisation facilite la gestion des effectifs entre les services et renforce la flexibilité des personnels notamment dans l'optique de constituer des groupes de travail ad hoc.

En outre, le choix de regrouper l'ensemble des dépenses de titre 2 au sein d'un seul programme support a déjà été opéré par plusieurs ministères. À titre d'exemples, le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » et le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » regroupent respectivement les dépenses de personnel de la mission « Culture » et de la mission « Défense ».


* 2 Sénat, rapport d'information au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l'avenir du corps diplomatique, par MM. Jean-Pierre Grand et André Vallini, 13 juillet 2022 ; Assemblée nationale, rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d'une mission d'information constituée le 21 septembre 2022 sur la réforme du corps diplomatique, par MM. Arnaud Le Gall et Vincent Ledoux, 11 janvier 2023.

* 3 Décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires.

* 4 Conseil d'État, 31 octobre 2023, n° 468058.

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