DEUXIÈME PARTIE
LE PROGRAMME 105 ET LA POSITION
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL NATHALIE GOULET

Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » concentre près des deux tiers des crédits de la mission. Il s'agit du programme « support » de l'action extérieure de la France. Ce programme regroupe ainsi les dépenses liées à l'administration centrale et au réseau diplomatique à l'étranger, d'une part, ainsi que les contributions internationales versées par la France, d'autre part.

Si l'augmentation des crédits du programme 105 porte sur toutes les actions et sous-actions, le rapporteur spécial Nathalie Goulet note qu'une partie de ces dépenses faisait déjà l'objet d'un renforcement, y compris dans un environnement budgétaire plus contraint pour le ministère. Il s'agit de lignes budgétaires particulièrement stratégiques pour l'action du ministère : les dépenses de communication et d'influence, les dépenses d'immobilier et de sécurité et les dépenses informatiques.

À noter qu'une grande partie des crédits du programme, hors dépenses de personnel, est composée de contributions internationales qui sont difficilement pilotables sur le plan budgétaire et rigidifient la trajectoire.

Évolution des crédits du programme 105 - Action de la France en Europe
et dans le monde
de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

2023

2024

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 084,8

2 083

2 265,6

2 263,8

182,6

180,8

8,7%

8,7%

6%

6%

Coordination de l'action diplomatique

106,7

106,7

123,7

123,7

16,9

16,9

15,9%

15,9%

13%

13%

Action européenne

134,8

134,8

211,4

211,4

76,6

76,6

56,8%

56,8%

53%

53%

Contributions internationales

707,5

707,5

728,9

728,9

21,4

21,4

3%

3%

0,5%

0,5%

Coopération de sécurité et de défense

115,4

115,4

119,6

119,6

4,1

4,1

3,6%

3,6%

1%

1%

Soutien

271,3

278,2

291,1

300,9

12,9

22,6

7,3%

8,1%

4,7%

5,5%

Réseau diplomatique

749

740,3

790,9

779,3

50,7

39,1

5,6%

5,3%

3%

2,7%

Note : les prévisions d'inflation correspondent à la prévision d'inflation hors tabac figurant au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

I. DES CONTRIBUTIONS QUI CONFORTENT L'ENGAGEMENT DE LA FRANCE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE ET EUROPÉENNE

A. LES CONTRIBUTIONS DE LA FRANCE AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX PROGRESSENT LÉGÈREMENT

1. Les contributions en euros et en devises au profit des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix connaissent une légère augmentation

En premier lieu, les crédits demandés au titre des contributions versées par la France au profit des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) progressent légèrement entre 2023 et 2024, de l'ordre de 3 %.

Évolution des contributions internationales versées par la France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Note : l'abréviation OMP renvoie aux opérations de maintien de la paix

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En deuxième lieu, les contributions en euros connaissent l'augmentation la plus significative au sein des contributions internationales avec une progression d'environ 12 millions d'euros par rapport à 2023 (+ 6,1 %). N'étant pas affectées, par construction, par la dépréciation ou l'appréciation des taux de change, les évolutions de ces contributions rendent davantage compte des priorités politiques poursuivies par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Au sein des contributions versées par la France en euros, trois évolutions notables peuvent être soulignées :

- la contribution française à l'OTAN augmente pour la deuxième année consécutive et devrait progresser de près de 7 millions d'euros par rapport à 2023. Dans le contexte de la guerre d'agression menée par la Russie en Ukraine, les chefs d'État et de gouvernement de l'OTAN ont décidé, lors du sommet de Madrid de juin 2022, d'augmenter le budget de l'organisation de 10 % par an en valeur réelle du budget civil de l'Alliance sur la période 2023-2030 ;

- la contribution de la France à l'OCDE augmente de 2,2 millions d'euros en 2024, en raison de l'adoption par l'organisation d'un budget 2023-2024 en hausse. Cette progression répond à une demande de la France qui plaide pour un budget adapté aux missions confiées à l'OCDE ;

- la contribution de la France à la Convention cadre des Nations unies pour le changement climatique (CCNUCC) progresse également, du fait d'une augmentation de 19 % du budget du CCNUCC décidée par les États parties.

En troisième lieu, les contributions en devises augmentent de 5,8 % et s'élèvent à 230 millions d'euros en 2024. Cette progression vise essentiellement à compenser la hausse de l'inflation.

Certaines contributions en devises, indépendamment du taux de change, voient leur montant augmenter pour 2024. Il s'agit notamment des crédits accordés au dispositif des jeunes experts associés (JEA). Une augmentation de 1 million d'euros de l'enveloppe dédiée au programme JEA est ainsi prévue, à la fois pour financer le renforcement de l'investissement de la France dans ce dispositif mais également pour prendre en compte les effets de l'inflation sur la rémunération de ces jeunes cadres travaillant dans des organisations internationales. La contribution totale de la France au programme JEA s'élèverait ainsi à environ 10 millions d'euros, contributions en euros et devises confondues.

Le rapporteur spécial approuve le soutien à ce dispositif utile pour promouvoir la présence de Français dans les organisations internationales. Ce programme devrait permettre d'intégrer de jeunes Français à toutes les strates de ces organisations et de ne pas concentrer l'ensemble des efforts sur les postes à hautes responsabilités. Toutefois, il paraît nécessaire de disposer d'organigrammes régulièrement actualisés pour connaître précisément le nombre et les fonctions des Français travaillant dans les organisations internationales. Un tel outil serait utile, en particulier à l'occasion des renouvellements de postes afin de faciliter le « tuilage ».

Le programme « jeunes experts associés »

Le programme jeunes experts associés (JEA) ou Junior Professional Officer (JPO) est un dispositif, existant dans différentes organisations du système des Nations unies, permettant à de jeunes professionnels disposant déjà d'une expérience professionnelle de 3 ans, d'acquérir ou de développer une expérience internationale pendant 2 ou 3 ans. La rémunération du jeune expert associé est assurée par l'organisation d'accueil sur financement d'un État sponsor.

Ces jeunes cadres pourront ensuite, s'ils donnent preuve de leur compétence et de leur motivation, intégrer l'organisation qui les accueille. Il s'agit d'une porte d'entrée vers une carrière au sein du système onusien. Les profils recherchés sont variés et vont de l'analyste politique à l'agroéconomiste.

Le programme JEA/JPO est issu du programme « Associate Experts », initiée en 1954 par le gouvernement néerlandais afin de renforcer le personnel de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de permettre à de jeunes cadres d'acquérir une expérience au sein des institutions internationales. Ce dispositif s'est ensuite étendu à l'ensemble du système onusien dans les années 19605(*). D'autres organisations internationales, comme l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ont également adopté ce type d'initiative.

Au titre de l'année 2023, 32 postes de Jeunes expert/es associé/es (JEA) étaient financés par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Le coût d'un jeune expert associé s'élève à 10 000 euros par mois en moyenne pour l'État sponsor6(*).

Source : commission des finances d'après le site internet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2. Le mécanisme de couverture du risque de change a été activé compte tenu de l'évolution incertaine des taux de change

Compte tenu des incertitudes sur l'évolution des changes à moyen terme, le risque budgétaire est conséquent pour les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». Il pèse particulièrement sur les contributions internationales et les contributions aux OMP en devises.

Face à cette menace potentielle, les rapporteurs spéciaux soulignent l'importance stratégique du mécanisme de couverture du risque de change institué entre le ministère et l'Agence France Trésor (AFT). Dans le cadre de ce dispositif, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères passe à l'AFT des ordres d'achat à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. L'AFT met ensuite en oeuvre une opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT).

L'objectif de cette opération, pour le ministère, est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euros.

S'agissant des contributions en devises, pour l'année 2024, les ordres d'achat à termes ont été passés à hauteur de 90 % du montant des contributions versées en devises. Les taux de change retenus lors de la budgétisation étaient de 1,07 dollar pour 1 euro et de 0,99 franc suisse pour 1 euro.

S'agissant des contributions internationales aux opérations de maintien de la paix, le taux de change des opérations d'achat à terme (OAT) de devises retenu par l'AFT est de 1,09457 dollar pour 1 euro, les OAT passées couvrant 85 % des dépenses en devises pour ces contributions. Ce taux est relativement proche de celui retenu en budgétisation, soit 1,07 dollar.

Depuis 2018, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change contribuant à sécuriser entre 80 % et 90 % du montant de ses contributions en dollar.

Les rapporteurs spéciaux notent avec satisfaction que la mise en oeuvre du mécanisme de couverture a été effectuée, cette année, dès le début de la budgétisation. Auparavant, le mécanisme était activé après l'adoption du budget ce qui n'allait pas sans susciter des difficultés lorsque le taux de change retenu en budgétisation et le taux de marché avaient trop fortement divergé, générant au plan budgétaire une perte ou un gain au change pour le ministère.

3. La France tente, par ailleurs, de renforcer son attractivité à l'égard des organisations internationales

Dans la continuité d'une logique de renforcement de sa diplomatie d'influence, la France renforce les crédits dédiés à l'attractivité de son territoire pour les organisations internationales (OI) et les associations ou fondations de droit français ou étranger assimilables. Pour 2024, ces moyens s'élèvent à 2,9 millions d'euros, contre 1,6 million d'euros en 2023.

La stratégie du ministère de l'Europe et des affaires étrangères repose sur la constitution de « pôles internationaux » regroupant sur une même zone plusieurs sièges d'OI, en particulier à Paris et à Lyon.


* 5 Résolution 849 (XXXII) du 4 août 1961 du Conseil économique et social (ECOSOC) de l'ONU. 

* 6 DAVID Meryll, « Les stratégies d'influence des États membres sur le processus de recrutement des organisations internationales : le cas de la France «, Revue française d'administration publique, 2008/2 (n° 126), p. 263-277.

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