B. LE PROGRAMME 203, HORS SUBVENTIONS À SNCF RÉSEAU ET À VOIES NAVIGABLES DE FRANCE

L'analyse des crédits des actions 41 « Ferroviaire » et 42 « Voies navigables » est décrite dans la partie présentée infra consacrée aux opérateurs rattachés au programme.

Les autres actions du programme 203 concernent principalement les routes (développement mais surtout entretien et modernisation), le ferroviaire (subventions aux trains d'équilibre du territoire, soutien au fret ferroviaire), les ports et le soutien à certaines lignes aériennes (en particulier les lignes d'aménagement du territoire-LAT).

1. La hausse tendancielle des crédits de modernisation et de développement des infrastructures routières se poursuit

L'action 01 « Routes-développement » a pour objet la modernisation et le développement du réseau routier national, concédé comme non concédé. Ces opérations sont exclusivement financées par des fonds de concours. Sur cette action, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit des montants de 676 millions d'euros en AE et de 910 millions d'euros en CP, soit des augmentations respectives de 1,5 % et de 14,3 % par rapport aux crédits de fonds de concours inscrits en LFI pour 2023.

Ces fonds proviennent d'une part de l'AFIT France pour les opérations qui concernent le réseau routier non concédé22(*) (pour des montants prévus en 2024 à hauteur de 426 millions d'euros en AE et 610 millions d'euros en CP) et d'autre part des collectivités territoriales, qui participent au financement de certaines opérations dans le cadre des contrats de plan État-région (pour des montants prévus à hauteur de 250 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP pour 2024).

Évolution des fonds de concours affectés à l'action 01 (2017-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. L'augmentation en valeur des crédits dévolus à l'entretien du réseau routier national ne permet pas de couvrir les effets de l'inflation

Les crédits de l'action 04 « Routes-entretien » couvrent les dépenses relatives à l'entretien courant et préventif du réseau routier national non concédé, à son exploitation, aux opérations de réhabilitation ou de régénération routières, aux aménagements de sécurité ainsi qu'à la gestion du trafic et à l'information routière des usagers.

Pour 2024, l'action doit être dotée de 289 millions d'euros en AE et de 299 millions d'euros en CP, soit des diminutions de 7,1 % et de 0,1 % par rapport aux crédits inscrits en 2023.

En outre, en 2024, l'action 04 devrait être abondée de crédits de fonds de concours à hauteur de 730 millions d'euros en AE et 732 millions d'euros en CP, ce qui correspond à des hausses respectives de 15,8 % et de 11,3 % par rapport à 2023. Cette augmentation s'explique principalement par l'accélération des travaux d'entretien en prévision du transfert aux régions et aux départements d'une partie du réseau routier national en application des dispositions de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite « 3DS ».

En 2024, les concours apportés par l'AFIT France au titre de l'entretien et à la régénération du réseau routier national (700 millions d'euros en AE et 702 millions d'euros en CP) poursuivront donc leur progression amorcée en 2018.

Évolution des fonds de concours versés par l'AFIT France
au titre de l'entretien et de la régénération du réseau routier national (2017-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2024

Le total des crédits ouverts sur l'action 04 en 2024 atteindrait ainsi 1 019 millions d'euros en AE et 1 031 millions d'euros en CP, soit une augmentation d'environ 8 %.

Évolution des crédits de paiement consacrés à l'entretien et de la régénération
du réseau routier national (2012-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Trois scénarios de financement
pour le réseau routier national non concédé

Le Gouvernement avait commandé en 2018 un audit externe de l'entretien du réseau routier national non concédé à deux bureaux d'études suisses pour préparer le projet de loi d'orientation des mobilités.

Ceux-ci ont proposé trois scénarios d'investissements pour les vingt prochaines années :

un scénario à 670 millions d'euros par an, soit la moyenne consacrée à l'entretien et à la modernisation du réseau ces dix dernières années. Selon l'audit, ce niveau d'investissement impliquerait « une aggravation de la dégradation du réseau », « des risques inacceptables et durables pour la sécurité se réaliseraient avec notamment un nombre très important de ponts qu'il faudra fermer ou limiter à la circulation » ;

un scénario à 800 millions d'euros par an, soit le montant consacré au réseau en 2018, avec lequel « la dégradation du réseau serait lente et des choix possibles pour sauvegarder une partie des actifs, par exemple les ponts ou les réseaux les plus circulés. Mais une partie du réseau serait à terme affectée par des fermetures ou des limitations de circulation » ;

un scénario à 1 milliard d'euros, qui permettrait d'enrayer véritablement la spirale de dégradation du réseau.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les rapporteurs spéciaux constatent la poursuite de l'augmentation des fonds de concours versés par l'AFIT France qui doit permettre, en 2024, de franchir la barre du milliard d'euros de dépenses en faveur de l'entretien du réseau routier national concédé.

Cependant, les conséquences de l'inflation rendent ce montant insuffisant pour inverser la tendance à la dégradation du réseau routier national non concédé. En tenant compte du phénomène inflationniste qui s'est déclenché à partir de 2021, environ 1,2 milliard d'euros par an seraient nécessaires pour enrayer la spirale de dégradation du réseau. Faute d'un effort budgétaire complémentaire, les rapporteurs spéciaux ne cachent pas leur vive préoccupation quant aux perspectives d'évolution de l'état du réseau routier national non concédé. Ce sujet est identifié par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) comme l'une des fragilités les plus manifestes du programme 203.

S'agissant de l'entretien des ouvrages d'art du réseau routier national non concédé, les investissements en 2023 devraient atteindre 135 millions d'euros en hausse de 23 % par rapport à l'année 2022. La trajectoire pluriannuelle d'investissements prévue par le ministère des transports doit conduire à porter le niveau de dépenses à 150 millions d'euros en moyenne sur la période 2023-2027, puis à 200 millions d'euros à compter de 2028. Le respect de cette trajectoire requiert donc un nouvel effort significatif dans les années qui viennent.

Évolution des crédits dédiés à l'entretien des ponts du réseau routier
national non concédé (2019-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs

3. Les dépenses de l'État destinées à financer les trains d'équilibre du territoire devraient augmenter de 50 millions d'euros

Depuis le 1er janvier 2011, l'État est l'autorité organisatrice des lignes de trains d'équilibre du territoire (TET). À ce titre, il détermine le plan de transport des services dits « intercités ». En contrepartie, il verse chaque année à SNCF Voyageurs des compensations pour financer une partie du déficit d'exploitation de ces lignes ainsi que le programme pluriannuel de maintenance et de régénération de leur matériel roulant. Suite à la réforme des TET engagée en 2015, des lignes d'intérêt local ont été transférées à six régions23(*). En contrepartie, et selon des modalités propres à chacune d'elles, l'État s'est engagé à renouveler une partie du matériel roulant et à prendre à sa charge une portion de leur déficit d'exploitation.

Les obligations respectives de l'opérateur ferroviaire et de l'État sont formalisées dans des conventions d'exploitation. La convention 2016-2020, avait été prolongée d'un an par avenant. La nouvelle convention pour la période 2022-2031 a été signée 17 mars 2022 pour un montant global de 1,73 milliard d'euros. Cette convention prévoit un calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes TET regroupées en cinq lots distincts :

Calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes de TET

Lignes

Lot

Échéance

Nantes - Lyon et Lyon - Bordeaux

A

2027

Lignes de nuit

C

2028

Paris-Limoges - Toulouse et Paris - Clermont

B

2029

Bordeaux - Marseille

D

2030

Clermont-Saint - Martin-Sail-les-Bains

Clermont-Béziers

Toulouse-Hendaye

E

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire

En 2024, les crédits de paiement de la sous-action 44-06 consacrés par l'État à la compensation du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET) devraient s'élever à 338 millions d'euros, en hausse d'environ 50 millions d'euros (+ 17 %). Ces crédits sont composés :

- des contributions versées aux entreprises ferroviaires exploitant les lignes TET visant à compenser une partie du déficit d'exploitation de ces lignes (activité n° 1), pour 284,3 millions d'euros en 2024 ;

- des contributions versées par l'État au titre de sa participation aux coûts d'exploitation des lignes TET conventionnées par les régions à compter de 2017 (activité n° 2), pour 52,5 millions d'euros en 2024 ;

- des dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service et aux frais d'études et de missions de conseil juridique, financier ou technique (activité n° 3), pour 1 million d'euros en 2024.

En application d'une disposition de la LOM, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a réalisé, en décembre 2020, une « étude du développement de nouvelles lignes de TET ». En ce qui concerne les TET de jour, la DGITM envisage des extensions potentielles du réseau en retenant cinq nouveaux corridors24(*). Le rapport évoque aussi les perspectives de développement d'un réseau des trains de nuit qui s'était progressivement délité. Des modèles européens démontrent pourtant que l'exploitation de trains de nuit peut atteindre des résultats économiques raisonnables. Une demande semble émerger, notamment au sein des nouvelles générations. Aussi, le Gouvernement a-t-il pris des engagements pour revenir sur la disparition annoncée du réseau national et il a rouvert deux lignes nationales en 2021 (Paris-Nice et Paris-Tarbes) avant que ne soit inauguré la ligne européenne Paris-Vienne (décembre 2021) et tandis qu'une ligne Paris-Aurillac, dont les conditions de services annoncées suscitent déjà de nombreuses réserves, devrait être mise en service le 10 décembre prochain.

Quand bien même le rapport de la DGITM estime que l'exploitation de nouvelles lignes de trains de nuit domestiques pourrait être rentable de façon globale s'il est adossé à un mécanisme de péréquation entre les lignes, il ajoute que cette hypothèse restera à confirmer en pratique. Il évalue par ailleurs les investissements nécessaires à l'extension du réseau domestique de trains de nuits à environ 1,5 milliard d'euros.

Parmi ces investissements, le renouvellement des matériels roulants occupe une place significative tant il conditionne la qualité de service qui elle-même constitue le prérequis de la réussite des lignes de trains de nuit. Ces investissements risquent cependant de prendre du temps dans la mesure où le matériel disponible sur le marché est rare et que des rames neuves ne pourront pas être mises en service avant plusieurs années.

En juillet 2023, l'État a fini par lancer une procédure d'appel d'offres pour une assistance à maîtrise d'ouvrage. Cependant, les modalités de financement de ces nouveaux matériels ne sont toujours pas connues. Le ministère des transports a répondu aux rapporteurs spéciaux que ces modalités ne devraient être arrêtées que dans le courant de l'année 2024. Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur ce manque de réactivité. Il est en effet regrettable qu'en dépit des déclarations ambitieuses que le Gouvernement a multipliées ces dernières années, aucun scénario de renouvellement du parc des rames de trains de nuit n'ait encore été arbitré et défini à ce jour.

Par ailleurs, au-delà du sujet des matériels, la performance du réseau, la disponibilité des sillons ou encore l'accès à des gares déjà saturées apparaissent comme d'autres obstacles à surmonter sur la voie du développement de notre réseau de trains de nuit.

4. Les enjeux structurels du financement des autorités organisatrices de la mobilité ne peuvent plus s'accommoder de dispositions ponctuelles improvisées en catastrophe
a) Les mobilités du quotidien alternatives à la voiture individuelle

Outre la compensation du déficit d'exploitation des TET (sous-action 44-06), l'action 44 « Transports collectifs », dédiée aux mobilités du quotidien alternatives à la voiture individuelle, totalise des crédits budgétaires pour 28 millions d'euros (AE=CP) mais des crédits de fonds de concours beaucoup plus conséquents pour des montants de 635 millions d'euros en AE et de 674 millions d'euros en CP.

Principalement alimentée par des fonds de concours en provenance de l'AFIT France, la sous-action 44-01 « Infrastructures de transport collectif » est le canal par lequel l'État apporte des financements aux projets ferroviaires et de transports collectifs en Île-de-France dans le cadre des contrats de plan État région (CPER) pour l'Île-de-France. En 2024, les crédits de fonds de concours alloués par l'AFIT France à cette sous-action devraient s'élever à 331 millions d'euros en AE et 529 millions d'euros en CP, soit des augmentations de 173 millions d'euros et de 293 millions d'euros par rapport aux montants prévus en 2023. Ces montants doivent notamment servir à amorcer les premiers financements de projets du volet mobilité (2023-2027) de l'actuel CPER pour l'Île-de-France qui est toujours en cours de négociations.

La sous-action 44-03 « Tarifs sociaux ferroviaires » porte les crédits qui ont vocation à compenser aux opérateurs ferroviaires le coût des tarifs sociaux. 25 millions d'euros doivent être consacrés à cette fin en 2024, soit une augmentation de 9 millions d'euros, notamment due à la mise en oeuvre d'un « pass jeune ».

La sous-action 44-05 « Plan vélo » a vocation à apporter des financements pour certains projets prévus par le plan vélo dont l'essentiel du dispositif est directement porté par l'AFIT France. Définie à l'occasion du comité interministériel vélo et marche du 5 mai 2023, l'enveloppe globale du fonds mobilités actives, principal pilier du nouveau plan vélo, doit s'établir à 1,2 milliard d'euros sur la période 2023-2027. En 2024, 304 millions d'euros en AE et 147 millions d'euros en CP devraient y être consacrés.

Alors que l'État s'est engagé à consacrer 200 millions d'euros aux aménagements de pistes cyclables dans les volets transports des CPER actuels25(*), l'ensemble des financements du plan vélo au sens large présentés lors du comité du 5 mai dernier doivent s'élever à 2 milliards d'euros entre 2023 et 2027. Leur répartition est présentée dans le graphique ci-après.

Répartition des financements du plan vélo 2023-2027

(en millions d'euros)

CEE : certificats d'économie d'énergie

REP : responsabilité élargie des producteurs

CPER : contrats de plan État-région

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

b) Une nécessaire réforme structurelle du financement des autorités organisatrices de la mobilité

Dans l'urgence et l'impréparation, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait intégré dans le texte de la loi de finances initiale pour 2023 sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, un amendement qu'il avait lui-même déposé pour attribuer une subvention exceptionnelle de 300 millions d'euros aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Les deux-tiers de cette subvention ont été alloués à Île-de-France mobilités (IDFM), le tiers restant l'ayant été aux AOM régionales, métropolitaines et locales hors Île-de-France.

Compte-tenu notamment des enjeux relatifs à l'indispensable transition écologique du secteur des transports, les problématiques de financement des AOM ne se prêtent plus aux demi-mesures et aux dispositifs improvisés en catastrophe dans les dernières heures de l'examen d'une loi de finances. Elles supposent d'engager des réformes substantielles et de prendre des mesures structurelles propres à garantir aux AOM les moyens de développer et de faire fonctionner dans des conditions de service suffisantes leurs réseaux de transports collectifs. Ces considérations ont été l'objet de la mission d'information de la commission des finances du Sénat sur les modes de financement des AOM qui, en juillet 2023, a publié son rapport « Transports du quotidien : comment résoudre l'équation financière ? »26(*).

Le 26 septembre dernier, IDFM et l'État ont conclu un protocole de financement pluriannuel (2023-2031) visant à apporter des réponses structurelles à l'impasse financière dans laquelle se trouve actuellement l'AOM francilienne, notamment en raison de l'absence de solutions de financement de l'exploitation des nouvelles lignes qui doivent être ouvertes dans le cadre du programme du Grand Paris express.

Dans le cadre de ce protocole, les deux parties se sont engagées à stabiliser, sur la période 2023-2031 la clé de répartition des sources de financement suivante :

- 52,5 % pour les recettes fiscales (principalement le versement mobilité) et la redevance qu'IDFM versera à la Société du Grand Paris (SGP) au titre des nouvelles lignes du Grand Paris express ;

- 47,5 % pour les recettes qui sont maîtrisées par IDFM à savoir les tarifs et les contributions des collectivités territoriales membres de l'AOM.

Le maintien de cet équilibre se traduira notamment par des augmentations des contributions des collectivités territoriales membres d'IDFM supérieures à l'inflation ainsi que par des revalorisations tarifaires.

En contrepartie, l'État s'est engagé à soutenir, dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF) des amendements visant à prévoir, pour une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2024 :

- d'une part une augmentation de 0,25 point du taux plafond du versement mobilité à Paris et dans les départements de la petite couronne ;

- d'autre part l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe de séjour en Île-de-France avec un taux plafond de 200 % affectée à IDFM.

Introduites par amendement et retenues dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, ces deux dispositions figurent désormais aux articles 27 bis et 27 ter du PLF pour 2024. L'évolution des taux de versement mobilité pourrait rapporter près de 400 millions d'euros dès 2024 à IDFM tandis que le rendement prévisionnel de la taxe additionnelle à la taxe de séjour est estimé à environ 200 millions d'euros par an.

Enfin, le protocole prévoit aussi de réduire la redevance annuelle que versera IDFM à la SGP au titre des nouvelles lignes du Grand Paris express. Fixée à 0,4 % du coût total du chantier (au lieu des 0,8 % qui avaient été envisagés), elle devrait s'établir à 140 millions d'euros plutôt que 280 millions d'euros. L'État doit encore publier le décret qui confirmera cet engagement.

L'ensemble des mesures prévues par le protocole devrait pouvoir couvrir le besoin de financement d'IDFM évalué à environ 800 millions d'euros dès 2024.

Si les rapporteurs spéciaux saluent ce protocole qui va dans le sens de plusieurs des recommandations formulées par la mission d'information de la commission des finances du Sénat précitée, ils considèrent que les AOM hors Île-de-France ne peuvent pas être laissées pour compte. À ce titre, la mission d'information avait formulé une série de recommandations visant à renforcer le modèle économique des AOM locales et métropolitaines, à allouer des financements, aujourd'hui inexistants, aux AOM rurales ou encore à alléger le poids disproportionné des péages ferroviaires pour les AOM régionales.

Tandis que le Gouvernement semble rester sourd aux besoins de financement des AOM hors Île-de-France, la commission des finances du Sénat a choisi de se saisir résolument de cette problématique en adoptant, dans la première partie du présent PLF, un amendement n° I-236 (FINC. 80) portant article additionnel. Cet amendement prévoit de mettre en oeuvre l'une des recommandations de la mission d'information en affectant aux AOM situées hors du territoire de l'Île-de-France, de façon pérenne, une fraction de 250 millions d'euros par an du produit de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre. Cette enveloppe aura vocation à augmenter au fil des années à mesure de l'accroissement des besoins de financements des AOM ainsi que du dynamisme de cette ressource.

Par rapport à l'hypothèse d'une augmentation des taux maximums de versement mobilité, cette solution présente l'avantage d'apporter une solution de financement à la mobilité en zone rurale et aux petites communautés de communes faiblement pourvues en bases fiscales et n'ayant pas mis en place de service régulier de transport collectif. La mobilité en zone peu dense reste en effet aujourd'hui une des grandes oubliées du système de financement des transports du quotidien. Lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019, le Sénat avait déjà adopté des dispositions visant à couvrir ce vide. Malheureusement le Gouvernement ne l'avait alors pas écouté et toutes ses promesses ultérieures sont depuis restées lettres mortes.

Les modalités de répartition de cette ressource entre les AOM devront être déterminées dans le cadre d'une concertation approfondie avec les associations d'élus et le Groupement des autorités responsables de transport (GART) en respectant un principe de péréquation.

Les rapporteurs spéciaux notent également qu'une autre des recommandations de la mission d'information de la commission des finances a été partiellement mise en oeuvre en 2024 avec la création, au sein du fonds vert, d'une enveloppe de 30 millions d'euros dédiée au soutien aux AOM en milieu rural. Cette enveloppe doit permettre de financer un accompagnement en ingénierie et en investissement de ces AOM. Ce nouveau soutien est accompagné d'objectifs ambitieux :

- permettre à chaque territoire rural de disposer d'une stratégie mobilité et d'une offre de mobilité durable, innovante et inclusive d'ici trois ans ;

- soutenir les territoires ruraux pour qu'ils se dotent d'un bouquet de services de mobilité adapté aux besoins de leur territoire et en faveur d'une mobilité alternative.

S'ils saluent ce premier pas, les rapporteurs spéciaux considèrent que, pour répondre aux besoins des transports du quotidien en zone rurale, ces financements devront être confirmés et amplifiés dans les années à venir.

5. Le soutien au fret ferroviaire se confirme alors que l'avenir de Fret SNCF est plus que jamais en suspens du fait des contradictions de la Commission européenne

En 2024, 136 millions d'euros (AE=CP) figurent à l'action 45 « Transports combinés » du programme 203. Ces montants sont stables par rapport à 2023.

L'aide à l'exploitation des services de transport combiné, dite « aide à la pince » a été portée à 47 millions d'euros depuis 202127(*).La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a prévu de maintenir ce niveau d'aide jusqu'en 2027. En 2022, le montant unitaire versé aux opérateurs s'est établi 29,30 euros, ce qui correspond à un accompagnement d'environ 70 % du coût moyen de transbordement.

Depuis 2021, l'État a également mis en place une nouvelle aide publique destinée à subventionner l'activité, non rentable par nature, du wagon isolé. Aussi, en 2024, à l'instar des années précédentes, les entreprises ferroviaires doivent-elles bénéficier de 70 millions d'euros à ce titre28(*). Le Gouvernement s'est engagé à porter cette aide à 100 millions d'euros par an à compter de 2025.

En outre, en 2024, pour financer des infrastructures indispensables au développement du transport combiné, des crédits de fonds de concours de 196 millions d'euros en AE et de 107 millions d'euros en CP doivent abonder l'action 45 en provenance de l'AFIT France. Ces crédits, qui doivent notamment contribuer à financer des installations terminales, des lignes capillaires ou encore des voies de service augmentent très significativement par rapport à 2023 (de 120 millions d'euros pour les AE, soit + 158 % et de 37 millions d'euros pour les CP, soit + 52 %).

Dans leur rapport publié en mars 2022 sur la situation et les perspectives financières de la SNCF29(*), les rapporteurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel avaient souligné qu'une menace existentielle pesait sur l'opérateur historique de fret ferroviaire Fret SNCF en raison d'un contentieux porté auprès de la commission européenne. En effet, à l'occasion de la réorganisation du groupe SNCF et du changement de statut de sa filiale Fret SNCF, la dette de cette dernière a été intégralement reprise par la société mère. Cette décision a alors été contestée au regard de l'encadrement européen des aides d'État. Les rapporteurs considéraient alors que « si cette reprise de dette venait à être considérée comme une aide d'État non conforme au droit européen de la concurrence, la viabilité et la survie même de Fret SNCF en tant que société par actions simplifiée (SAS) serait menacées ».

Les rapporteurs spéciaux ont malheureusement constaté que cette épée de Damoclès est bel et bien tombée sur Fret SNCF le jour où la commission européenne a adressé à la France un courrier dans lequel elle manifestait son « doute à ce stade » que ces aides « puissent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur ». Elle soulignait par ailleurs que, si elles étaient jugées illégales, elles pourront « faire l'objet d'une récupération auprès de son bénéficiaire ».

Conscient de la décision finale qui serait très probablement celle de l'exécutif européen, le Gouvernement a entamé des négociations avec la Commission européenne pour éviter le spectre d'une faillite pure et simple de Fret SNCF. Ces négociations ont porté sur l'hypothèse de la mise en oeuvre d'une solution dite de discontinuité économique qui doit conduire à créer une nouvelle société qui ne reprendrait qu'une partie des activités de Fret SNCF. Cette option doit permettre à la France de conserver un opérateur de fret ferroviaire public et de maintenir un maximum des 5 000 emplois de la société.

Le 23 mai 2023, le ministre délégué chargé des transports a ainsi présenté un plan de discontinuité de Fret SNCF prévoyant de conserver 70 % du trafic actuel de la société30(*), 80 % de son chiffre d'affaires et 90 % de ses emplois. Les 10 % de salariés non conservés par l'opérateur de fret seraient reclassés au sein du groupe SNCF, notamment comme conducteurs de locomotives de transports express régionaux (TER) ou, s'ils le souhaitent, engagés par d'autres opérateurs ferroviaires.

Les rapporteurs suivront avec la plus grande attention l'évolution de ce dossier qui, au-delà même de ses conséquences sociales, ne sera probablement pas sans répercussions sur les objectifs tout aussi ambitieux que légitimes poursuivis en matière de développement de l'activité nationale de fret ferroviaire.

Dans un secteur structurellement déficitaire tel que celui du fret ferroviaire, dans lequel les seuls concurrents réels de Fret SNCF sont finalement des sociétés qui sont issues d'autres opérateurs historiques européens, la position de la Commission européenne, et tout particulièrement de la direction générale de la concurrence, interroge vivement les rapporteurs qui ont le sentiment qu'elle s'apparente davantage à une approche dogmatique qu'à un véritable souci de promouvoir un marché efficient. Cette vision, qu'ils jugent caricaturale des reproches adressés à la Commission européenne, apparaît comme parfaitement contradictoire avec l'objectif qu'elle poursuit par ailleurs de doublement de la part du fret ferroviaire en Europe.

6. Le reflux des crédits dédiés au transport aérien

Pour 2024, les crédits proposés pour l'action n° 52 « Transport aérien » s'établissent à 51 millions d'euros en AE et 47 millions d'euros en CP. Après deux années particulières, marquées notamment par d'importantes indemnités dues dans le cadre du renouvellement de concessions aéroportuaires, les crédits de l'action 52 retrouvent des niveaux comparables à ceux qui étaient les leurs avant 2022.

Évolution des crédits inscrits en loi de finances initiale à l'action 52

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les crédits consacrés au financement d'opérations sur des infrastructures aéroportuaires qui relèvent encore de l'État doivent s'établir à 31 millions d'euros en AE (- 4,5 millions d'euros) et 22 millions d'euros en CP (- 20 millions d'euros).

À l'issue des assises du transport aérien, le Gouvernement a mis en place une politique visant à soutenir le développement des lignes aériennes d'aménagement du territoire (LAT). Pour l'année 2024, les crédits proposés en faveur des LAT représentent 20 millions d'euros en AE (- 4,5 millions d'euros) et 25 millions d'euros en CP (- 2 millions d'euros).

7. Un effort maintenu en faveur de la modernisation des infrastructures portuaires et de leur entretien

Pour 2024, le présent PLF propose de doter l'action 43 « Ports » de 92,5 millions d'euros (AE=CP) de crédits budgétaires dédiés à l'entretien des accès et des ouvrages d'accès des grands ports maritimes (GPM), soit une légère baisse de 2 % par rapport à 2023.

En 2021, une stratégie nationale portuaire a été adoptée. Elle poursuit un objectif de reconquête de parts de marché et de développement économique des ports à horizon 2025-2050.

Objectifs de la stratégie nationale portuaire

passer de 60 % à 80 % la part du fret conteneurisé à destination/en provenance de la France qui est manutentionnée dans les ports français à l'horizon 2050 et reconquérir également les flux européens pour lesquels les ports français représentent un point de passage pertinent ;

doubler le nombre d'emplois directs et induits liés à l'activité portuaire (et plus globalement industrielle, en lien avec la réindustrialisation que vise cette stratégie) à horizon 2050 ;

accroître de 30 % la part des modes de transport massifiés dans les pré et post acheminements portuaires, à horizon 2030 ;

contribuer à l'atteinte des objectifs de neutralité carbone des transports à horizon 2050 par les autorités portuaires dans le cadre d'un plan de transition écologique ;

accélérer la fluidification du passage portuaire notamment par la dématérialisation totale des formalités déclaratives liées au passage des navires et des marchandises dans les ports à horizon 2025.

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024

À ces 92,5 millions d'euros doivent s'ajouter des crédits de fonds de concours de l'AFIT France à hauteur de 132 millions d'euros en AE et de 78 millions d'euros en CP destinés à financer d'une part la contribution de l'État aux volets portuaires des CPER et, d'autre part, à des subventions de l'État en faveur de certaines opérations portuaires non contractualisées dans les CPER.

8. Une enveloppe de 10 millions d'euros pour le projet de titre de transport unique

L'action 47 « Fonctions support » du programme 203 regroupe des crédits relatifs à des dépenses d'études, à des dépenses de logistique de la DGITM, à des financements dédiés à certaines actions de l'agence de l'innovation pour les transports (AIT) et aux subventions pour charges de service public (SCSP) de l'Autorité de régulation des transports (ART) et de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF).

En 2023, les crédits de l'action 47 s'élèvent à 57,4 millions d'euros (AE=CP), soit une augmentation de 22 % par rapport à 2023 en raison de l'affectation de 10 millions d'euros à l'AIT dans l'objectif de développer le projet de titre de transport unique.

Le projet de titre de transport unique

Le projet de titre de transport unique consiste à proposer, à l'ensemble des Français, la possibilité de circuler sur tous les réseaux de transport et de mobilités partagées grâce à une démarche d'achat unique et avec un seul support physique ou dématérialisé. Ce projet est guidé par l'objectif de pouvoir simplifier le parcours usager. II doit ainsi permettre de créer de l'interopérabilité entre les différents systèmes de transport existants.

Les Pays-Bas, il y a de cela déjà plus de 12 ans (en 2011), ont développé un système billettique unique et interopérable à l'échelle nationale qui fait figure de modèle en Europe et dans le monde. Le système OV-Chipkaart, développé par l'industriel français Thalès, est ainsi utilisable sur l'ensemble de l'offre de transports, quel que soit l'opérateur et le mode de mobilité (train, bus, tram, métro, ferry, location de vélos ou de voitures en autopartage, etc.). Le voyageur passe sa carte magnétique devant un lecteur à chaque entrée et sortie du réseau et à chaque correspondance, permettant de calculer le tarif de son trajet.

En février 2023, le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune a annoncé vouloir mettre en oeuvre un billet unique en France d'ici deux ans. Dans cette perspective un « hackathon » et un groupe de travail constitué par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) et l'Agence de l'Innovation pour les Transports (AIT) en collaboration avec des représentants du Groupement des autorités responsables de transport (GART), de l'association Régions de France, de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et d'experts. 70 représentants de l'écosystème (AOM, opérateurs, éditeurs de solution billettique, étudiants, bureaux d'études et associations d'usagers) répartis en dix équipes ont présenté des solutions. Deux d'entre-elles, France Moov' et le Pass LEM, ont été sélectionnées comme lauréates. Le projet est désormais porté par la DGITM en lien avec les équipes lauréates, les autorités organisatrices de la mobilité et l'ensemble de l'écosystème dans le but de lancer une première expérimentation dès 2024.

Après des réunions de travail, avec les AOM, les opérateurs de transport et les représentants des usagers, une feuille de route partagée a été validée le 27 juillet 2023 par le ministre Clément Beaune.

Une expérimentation doit débuter en 2024 dans des territoires pilotes. La solution sera basée sur une application mobile en post-paiement permettant à l'usager de voyager en activant l'application au début de son trajet et d'être facturé dans un second temps au plus juste en fonction de son déplacement et de son profil.

Source : commission des finances du Sénat

Si la tâche s'annonce complexe et qu'elle doit être conduite en relation très étroite avec l'ensemble des autorités organisatrices de la mobilité et des opérateurs de transport pour avoir une chance d'aboutir, les rapporteurs spéciaux accueillent favorablement cette ambition indispensable qui est l'objet d'une des recommandations du rapport précitée de la mission d'information sénatoriale sur les modes de financement des AOM31(*) publié en juillet 2023.

La subvention pour charges de service public (SCSP) de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) est également stable à 13,2 millions d'euros tout comme son plafond d'emplois à 106 ETPT.

Celle de l'ART doit progresser d'un million d'euros pour s'établir à 15 millions d'euros en 2024. Ses effectifs sont stables à 102 ETPT.


* 22 Les opérations sur le réseau routier concédé sont financées directement par l'AFIT FRANCE sans transiter par le programme 203.

* 23 Normandie, Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine, Hauts-de-France, Grand-Est et Occitanie.

* 24 Lille-Nantes (via Rouen), Metz-Lyon (via Grenoble), Orléans-Lyon (via Clermont-F), Bordeaux-Nice, Toulouse-Lyon. Lille-Lyon (via Reims).

* 25 Soit sur la période 2023-2027.

* 26 Rapport d'information n° 830 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, par MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel.

* 27 Contre 27 millions d'euros auparavant.

* 28 Ce nouveau dispositif est considéré comme une aide d'État au sens du droit européen de la concurrence. En octobre dernier, la Commission européenne a donné son accord au mécanisme et validé une enveloppe de soutien de 450 millions d'euros jusqu'au 31 décembre 2025. La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a également prévu de pérenniser ce nouveau dispositif jusqu'en 2027.

* 29 Comment remettre la SNCF sur rail ? Modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire : il est grand temps d'agir, Rapport d'information n° 570 (2021-2022) de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, fait au nom de la commission des finances, 9 mars 2022.

* 30 Elle devrait ainsi abandonner 23 flux de fret ferroviaire.

* 31 Transports en commun : comment résoudre l'équation financière ? Rapport d'information n° 830 (2022-2023) fait par MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), juillet 2023.

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