B. EN NEUTRALISANT L'ÉVOLUTION TRÈS IMPORTANTE DES AIDES PONCTUELLES AUX ENTREPRISES ÉNERGO-INTENSIVES, LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT EN HAUSSE

1. À périmètre courant, des crédits en forte baisse en 2024

Globalement, à périmètre courant, les crédits demandés pour 2024 pour la mission baissent fortement en autorisations d'engagement (AE), de 3,37 milliards d'euros par rapport à 2023 (- 44,6 %), et en crédits de paiement (CP), de 3,63 milliards d'euros (- 45,8 %). Ils s'établissent à 4,18 milliards d'euros en AE et à 4,29 milliards d'euros en CP.

À l'échelle des programmes, des différences importantes d'évolutions peuvent être notées. Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » concentre l'essentiel de la baisse (- 53,3 % en AE, soit - 3,36 milliards d'euros, et - 57,9 % en CP soit - 3,65 milliards d'euros). Le programme 367 n'est quant à lui, comme en 2023, pas doté de crédits pour 2024, étant financé par le report de crédits de 2023 sur 2024. Il est maintenu dans la maquette budgétaire.

Évolution des crédits de la mission « Économie »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2022

LFI 2023

PLF 2024 courant

Évolution PLF 2024 / LFI 2023

Évolution PLF 2024 / LFI 2023

FDC et ADP en 2024

134 - Développement des entreprises et régulations

AE

2 683,2

6 304,5

2 946,9

- 3 357,5

- 53,3 %

0,1

CP

2 533,4

6 310,0

2 656,7

- 3 653,3

- 57,9 %

0,1

343 - Plan France Très haut débit

AE

106,2

74,1

46,4

- 27,7

- 37,4 %

0,0

CP

417,5

437,7

464,5

+ 26,7

+ 6,1 %

0,0

220 - Statistiques et études économiques

AE

444,8

458,9

485,8

+ 26,8

+ 5,9 %

6,8

CP

445,8

454,8

473,5

+ 18,6

+ 4,1 %

6,8

305 - Stratégies économiques

AE

420,2

714,5

703,7

- 10,8

- 1,5 %

1,5

CP

409,7

715,9

698,6

- 17,3

- 2,4 %

1,5

367 - Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2024 sur le CAS « Participations financières de l'État »

AE
=
CP

11 457,1

11 457,1

0

0

0

0

/

/

0,0

Total mission

AE

15 111,5

7 552,0

4 182,9

- 3 369,2 

- 44,6 %

8,4

CP

15 263,6

7 918,4

4 293,2

- 3 625,2 

- 45,8 %

8,4

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. En neutralisant la suppression des aides ponctuelles aux entreprises énergo-intensives, qui ont connu un relatif échec par rapport aux ambitions initiales, les crédits de la mission augmentent nettement

La tendance brute des crédits en 2024 ne permet pas de les comparer utilement à ceux votés en 2023. En effet, d'un point de vue global, les crédits de la mission sont principalement marqués par l'évolution des crédits (hébergés par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ») relatifs aux aides de guichet mis en place à partir de 2022, dans le contexte des tensions sur les prix de l'énergie à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, pour compenser la hausse des coûts d'approvisionnement en énergie des entreprises énergo-intensives. Alors que 4 milliards d'euros avaient été ajoutés à cette fin au sein du programme 134 en 2023, par un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances, le présent budget n'en prévoit aucun pour 2024, ce qui crée mécaniquement une très forte différence entre les deux budgets.

Un dispositif d'aides de guichet en faveur des entreprises fortement affectées par la hausse des prix de l'énergie en relatif échec

Dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, de fortes tensions sont rapidement apparues sur le prix de l'énergie. Dans ce contexte, différentes aides applicables aux entreprises ont progressivement été déployées. Parmi elles, un guichet d'aide au paiement par les entreprises de leurs factures d'électricité et de gaz a été ouvert en juillet 2022, dans le cadre du plan de résilience économique et sociale. Face au nombre réduit d'entreprises soutenues par rapport aux prévisions, les critères d'obtention de cette aide ont été simplifiés et son application, initialement bornée à fin 2022, a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2023. Le dispositif d'aide a par ailleurs été dédoublé à compter de 2023. En effet, un nouveau dispositif spécifique d' « amortisseur électricité » a été mis en place en faveur des TPE et PME ; il est financé par la mission « Écologie ». Les TPE et PME restent éligibles au guichet d'aide, dont l'application des critères intègre en revanche l'aide déjà perçue au titre de l'« amortisseur électricité ».

Sont éligibles à l'aide de guichet pour les factures de gaz et d'électricité les entreprises :

- dont les dépenses d'énergie pendant la période de demande d'aide représentent plus de 3 % de leur chiffre d'affaires réalisé sur cette période en 2021 ;

ont subi une augmentation d'au moins 50 % du prix de l'énergie pendant la période de demande d'aide par rapport au prix moyen payé en 2021.

Le montant de l'aide varie selon la situation de l'entreprise :

- une aide égale à 50 % du différentiel entre la facture 2021 majorée de 50 % et la facture concernée, plafonnée à 4 millions d'euros, dans le cas général ;

- une aide égale à 65 % du différentiel entre la facture 2021 majorée de 50 % et la facture concernée (dans la limite de 70 % de la consommation de 2021), plafonnée à 50 millions d'euros. Pour bénéficier de cette aide majorée, l'entreprise concernée doit avoir un excédent brut d'exploitation (EBE) négatif ou en baisse de 40 % sur la période de demande d'aide ;

- une aide égale à 80 % du différentiel entre la facture 2021 majorée de 50 % et la facture concernée (dans la limite de 70 % de la consommation de 2021), plafonnée à 150 millions d'euros. Pour bénéficier de cette aide sur-majorée, l'entreprise concernée doit avoir un excédent brut d'exploitation (EBE) négatif ou en baisse de 40 % sur la période de demande d'aide et appartenir aux secteurs exposés à un risque de fuite de carbone.

Les aides peuvent à ce jour être sollicitées pour la période courant jusqu'à décembre 2023, la demande devant être déposée au plus tard fin avril 2024 (pour des demandes portant sur la période de novembre à décembre 2023).

Le guichet d'aide n'a pas répondu aux ambitions initiales. La consommation des crédits budgétaires est d'ailleurs éloquente de ce point de vue. Alors que 7,048 milliards d'euros de crédits ont été ouverts depuis 2022 pour le guichet, le coût total des aides correspondantes est aujourd'hui estimé par la Direction générale des entreprises (DGE) à 2,7 milliards d'euros, soit moins de 40 % de l'estimation initiale. En outre, s'agissant des dossiers effectivement validés à ce jour, ils représentent moins de 12 % (soit 832 millions d'euros) du montant initialement envisagé. 44 000 dossiers ont été déposés, dont 17 000 ont été validés ; 14 000 dossiers sont en cours d'analyse. Près de 50 % des bénéficiaires appartiennent au secteur « Industrie Manufacturière » et 63 % des bénéficiaires de cette aide sont des petites et moyennes entreprises.

Une telle sous-exécution des crédits interroge de plusieurs points de vue. D'une part, alors que le caractère aigu des difficultés rencontrées par les entreprises en matière énergétique est incontestable, il convient de s'interroger sur le caractère éventuellement trop restrictif des critères d'éligibilité de l'aide retenus, ou d'une trop grande complexité de la demande pour les entreprises.

D'autre part, alors que le taux d'exécution des crédits initialement ouverts est à peine supérieur à 10 % aujourd'hui, il convient de souligner, en tout état de cause, un mauvais calibrage du dispositif par le Gouvernement, a minima d'un point de vue budgétaire. Et ce, d'autant plus, qu'une ouverture supplémentaire de 4 milliards d'euros a été prévue par amendement du Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2023, alors même que le dispositif avait déjà montré ses limites à ce moment-là.

Alors que le guichet doit fermer au 31 décembre 2023, l'encadrement temporaire européen en permettant l'application arrivant à échéance, aucune ouverture de crédit n'est prévue pour 2024. Néanmoins, selon les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, la prolongation de l'encadrement est en cours de négociation au niveau européen. Les arbitrages concernant le devenir des dispositifs d'aide (guichet, mais également amortisseur électricité notamment) en 2024 sont également en cours.

Le Gouvernement étudierait ainsi l'opportunité d'une prolongation des aides liées à l'énergie. Les futurs dispositifs pourraient par exemple avoir vocation à cibler les secteurs et les entreprises les plus mis en difficulté par les prix de l'énergie et ayant signé des contrats à des prix élevés en 2022, notamment parmi les plus énergo-intensives. Les modalités de ces aides devraient être communiquées dans les prochaines semaines. Elles représenteraient un coût qui pourrait atteindre plusieurs centaines de millions d'euros et qui n'est pas intégré au présent budget, notamment pour ce qui concerne la mission « Économie ».

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les crédits initialement ouverts en faveur du guichet ont fait l'objet d'une annulation, massive, de 4 milliards d'euros par un décret du 18 septembre 2023, s'ajoutant à une première annulation d'un peu plus de 59 millions d'euros opérée en 2022. À ce jour, 2,99 milliards d'euros de crédits sont toujours ouverts12(*).

Ouvertures et annulations des crédits dédiés au guichet d'aide des entreprises très consommatrices d'énergie (en AE=CP)

Source : Direction générale des entreprises (DGE)

En neutralisant cette évolution ponctuelle du budget de la mission en 2024 par rapport à 2023, les crédits de la mission apparaissent en hausse, de 17,8 % en AE (+ 630,8 millions d'euros) et de 9,6 % en CP (+ 374,8 millions d'euros). Cette hausse est concentrée sur le programme 134, qui apparait alors en hausse de 27,9 % en AE (+ 642,5 millions d'euros) et de 15,0 % en CP (+ 346,7 millions d'euros). Les autres programmes connaissent des évolutions plus modestes, à l'exception du programme 343 « Plan France très haut débit », qui voit ses crédits se réduire significativement lorsque l'on neutralise le solde positif des transferts de crédits (41 millions d'euros en AE=CP), pour baisser de - 92,7 % en AE, soit - 68,7 millions d'euros, et de - 3,3 % en CP, soit - 14,3 millions d'euros. Le principal transfert de crédits au sein de ce programme 343, et de la mission, consiste en la création d'une action n° 3 « Inclusion numérique » pour 41,8 millions d'euros en AE=CP13(*).


* 12 Pour mémoire, le projet de loi de finances de fin de gestion annule à son tour 321,3 millions d'euros en AE et 422,8 millions d'euros en CP sur le programme 134, dont une partie du fait d'une « sous-exécution de guichet ».

* 13 Voir infra.

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