LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Les crédits des programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et ceux du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

En revanche, le Gouvernement a retenu deux amendements identiques, dont l'un déposé par lui et l'autre par notre collègue député Mathieu Lefèvre, portant article additionnel rattaché à la mission « Sécurités » et tendant à modifier les modalités de prise en compte de l'indemnité de sujétion spécifique dont bénéficient certains personnels de la police et de la gendarmerie nationales dans le calcul de leur pension de retraite38(*).

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 63 (nouveau)

Ajustement des modalités de prise en compte de l'indemnité de sujétion spécifique de certains personnels de la police et de la gendarmerie nationales dans le calcul de leur pension de retraite

Le présent article, introduit par deux amendements identiques39(*) retenus par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, vise à ajuster les modalités de prise en compte de l'indemnité de sujétion spécifique (ISS) de certains personnels de la police et de la gendarmerie nationales dans le calcul de leur pension de retraite.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE PRISE EN COMPTE DEPUIS LE 1ER JUILLET 2023 DE L'INDEMNITÉ DE SUJÉTION SPÉCIFIQUE AU TITRE DU CALCUL DES PENSIONS DE RETRAITE

Dans la continuité du « Beauvau de la sécurité », et dans le cadre de la préparation de la présentation du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI), ont été conclus :

- le 2 mars 2022, le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale ;

- le 9 mars 2022, le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la gendarmerie nationale.

Ces deux protocoles comportent de nombreuses mesures, dont une partie est indemnitaire et vise à valoriser certaines fonctions, notamment l'engagement sur la voie publique, la prise de responsabilité ou encore le travail en horaires décalés. Le coût global de ces protocoles est estimé, de 2022 à 2027, à 783 millions d'euros pour la police nationale et à 700 millions d'euros pour la gendarmerie nationale.

Ils prévoient notamment la création d'une indemnité de sujétion spécifique (ISS) pour, d'une part, les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et, d'autre part, les personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale.

A. UNE INDEMNITÉ APPLICABLE À COMPTER DU 1ER JUILLET 2023

La nouvelle indemnité s'applique à tous les personnels de ces corps, du seul fait de leur appartenance à la police ou à la gendarmerie nationales. Elle vise, selon le Gouvernement et les représentants syndicaux, à matérialiser l'appartenance à part entière de ces personnels à la police ou à la gendarmerie nationale. Elle rétribue, en outre, le risque lié à l'exercice des fonctions. Plusieurs personnels des corps administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale ont en effet été blessés ou tués à l'occasion de l'exercice de leur fonction40(*).

L'ISS a été mise en place à compter du 1er juillet 2023 et doit voir son montant progressivement augmenter. De 120 euros au 1er juillet 2023, elle passera à 160 euros au 1er juillet 2025 et s'établira finalement à 200 euros à compter du 1er juillet 2027.

B. UNE INDEMNITÉ INTÉGRÉE DEPUIS LE 1ER JUILLET 2023 DANS LE CALCUL DES PENSIONS DE RETRAITE DES PERSONNELS BÉNÉFICIAIRES

Les protocoles conclus en 2022 prévoient la prise en compte de l'ISS dans le calcul de la pension de retraite des personnels en bénéficiant.

Toutefois, une telle prise en compte n'est en principe pas possible. L'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose en effet que le montant de la pension liquidée est calculé sur la base du « traitement ou [de] la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite (...) ». Par principe, les primes et indemnités ne sont donc pas prises en compte dans le calcul de la pension, sauf disposition législative contraire. De même, l'article L. 61 du même code prévoit que la couverture des charges résultant, pour l'État, de la constitution et du service des pensions est assurée par « 1° Une contribution employeur à la charge de l'État, assise sur les sommes payées aux agents visés à l'article L. 2 à titre de traitement ou de solde, à l'exclusion d'indemnités de toute nature (...) ; 2° Une cotisation à la charge des agents visés à l'article L. 2, assise sur les sommes payées à ces agents à titre de traitement ou de solde, à l'exclusion d'indemnités de toute nature (...) ».

Néanmoins, l'article 206 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a prévu, en son premier alinéa, une dérogation explicite aux articles L. 15 et L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, pour permettre la prise en compte de l'ISS dans le calcul de la pension de retraite. En conséquence, le même article 206 dispose que l'ISS est soumise à cotisation, dans des conditions fixées par décret.

Sont concernés par cette prise en compte l'ensemble des bénéficiaires de l'ISS, à savoir :

- d'une part, les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et les personnels civils de la gendarmerie nationale ;

- d'autre part, les personnels militaires visés au 2° de l'article L. 4145-1 du code de la défense, c'est-à-dire les officiers du corps technique et administratif et les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale.

La prise en compte de l'ISS dans le calcul de la pension de retraite est applicable aux personnels exerçant au ministère de l'Intérieur admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1er juillet 2023, titulaires d'une pension servie en application du code des pensions civiles et militaires de retraite et qui ont perçu, au cours de leur carrière, l'ISS. L'indemnité est prise en compte dans le calcul de la pension de retraite à compter de la même date, qui correspond à la date de création de la prime.

Concrètement, un complément de retraite est accordé au titre de l'ISS que les personnels concernés ont éventuellement perçue au cours de leur carrière. Seules les années de services accomplies dans la police et la gendarmerie nationales entrent en compte pour le calcul de cette majoration de pension.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'AJUSTEMENT DES MODALITÉS DE PRISE EN COMPTE DE L'ISS DANS LE CALCUL DES PENSIONS DE RETRAITE DES PERSONNELS BÉNÉFICIAIRES

Le présent article, introduit par deux amendements identiques de notre collègue député Mathieu Lefèvre et du Gouvernement et retenus par ce dernier dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, vise à modifier les modalités de prise en compte de l'ISS dans le calcul de la pension de retraite des personnels bénéficiaires.

En premier lieu, les a et b du 1° du présent article modifient le premier alinéa de l'article 206 de la loi de finances pour 2023 pour étendre le champ des personnels concernés par la prise en compte de l'ISS au titre de la pension aux anciens personnels civils de la gendarmerie nationale, d'une part, et aux anciens personnels militaires visés au 2° de l'article L. 4145-1 du code de la défense, à savoir les officiers du corps technique et administratif et les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale, d'autre part.

En deuxième lieu, le présent article précise les modalités de détermination des cotisations applicables à l'ISS, qui constituent le corollaire de sa prise en compte dans les pensions des personnels concernés. Le c du 1° et le deuxième alinéa du 2° du présent article prévoient ainsi que l'ISS est soumise aux cotisations mentionnées à l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi qu'à une cotisation supplémentaire à la charge du bénéficiaire.

En troisième et dernier lieu, surtout, le dernier alinéa du 2° du présent article prévoit une possibilité d'assouplissement des conditions applicables à la majoration de pension issue de la liquidation de l'ISS. En effet, selon l'exposé sommaire de l'amendement du Gouvernement, « les dispositions actuellement en vigueur conduisent à un effet plein de la mesure dans 43 ans. Tel n'était pas l'esprit des protocoles ». Dans ces conditions, le présent article prévoit que la majoration de pension issue de la liquidation de l'indemnité est déterminée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de la période pendant lesquelles le bénéficiaire a occupé les emplois éligibles et non plus seulement en fonction de la période de cotisation ou de perception de l'ISS.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DE L'ENGAGEMENT PRIS PAR LE GOUVERNEMENT DANS LES PROTOCOLES DE MARS 2022 ET DES CRÉDITS PRÉVUS PAR LA LOPMI

Le rapporteur spécial comprend le souhait du Gouvernement et des représentants du personnel, manifestés dans le cadre des protocoles de mars 2022, de valoriser la fonction des personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et des personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale. Plusieurs arguments justifient la création d'une indemnité de sujétion spécifique et sa meilleure prise en compte, via le présent article, dans le calcul de la pension de retraite.

En premier lieu, alors que plusieurs indemnités ont été créées ou revalorisées au profit des personnels actifs des deux forces par les protocoles de mars 2022, cette mesure matérialise l'appartenance pleine et entière des personnels de soutien41(*) à la police ou à la gendarmerie nationale. En outre, les années passées ont montré qu'ils étaient exposés à un véritable risque dans l'exercice de leurs fonctions42(*).

En deuxième lieu, ces personnels seront amenés dans les années à venir, conformément aux orientations de la LOPMI43(*), à occuper davantage de postes administratifs et de soutien et à effectuer davantage de tâches de support afin de permettre aux personnels actifs qui en sont chargés aujourd'hui de retrouver leurs fonctions opérationnelles et d'être davantage présents sur la voie publique.

En dernier lieu, la création de l'indemnité et sa prise en compte dans le calcul de la pension liquidée résultent directement des protocoles de mars 2022, lesquels sont intégrés dans les financements de la LOPMI, que le Sénat a adoptée.

En revanche, le rapporteur spécial regrette que le coût de la mesure portée par le présent article, introduite par amendement du Gouvernement, ne soit pas évalué par ce dernier.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.


* 38 Voir infra.

* 39 De notre collègue député Mathieu Lefèvre, d'une part, et du Gouvernement, d'autre part.

* 40 Notamment : double assassinat du 31 juin 2016 à Magnanville visant un couple de fonctionnaires de police, dont l'un était agent administratif de la police nationale ; attentat de la préfecture de police de Paris faisant quatre victimes, dont un agent administratif de la police nationale ; assassinat du 23 avril 2021 à Rambouillet d'un agent administratif de la police nationale.

* 41 Qu'ils soient civils, administratifs, techniques ou spécialisés.

* 42 Voir supra.

* 43 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

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