EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 50 D (nouveau)

Report de la définition des quartiers prioritaires de la politique de la ville en outre-mer et dispositions transitoires relatives aux contrats de ville

Le présent article repousse d'un an la mise à jour des quartiers prioritaires de la politique de la ville en outre-mer et prévoit des dispositions transitoires permettant de poursuivre les engagements financiers en attendant la finalisation des contrats de ville au premier trimestre 2024.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA LOI DE PROGRAMMATION POUR LA VILLE DE 2014 A DÉFINI UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE, CETTE POLITIQUE ÉTANT MISE EN oeUVRE AU TRAVERS DE CONTRATS DE VILLE

Comme le rapporteur spécial l'a indiqué en présentant les crédits de la mission « Cohésion des territoires », la loi de programmation pour la ville de 201439(*) a instauré, d'une part, le zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), d'autre part, le dispositif des contrats de ville qui permet de mettre en oeuvre les actions de la politique de la ville.

1. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville définissent le cadre d'intervention privilégié de la politique de la ville...

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui ont pris la suite des anciennes zones urbaines sensibles (ZUS), sont définis par un nombre minimal d'habitants et par un écart de développement économique et social apprécié par un critère de revenu des habitants. Cet écart est défini par rapport, d'une part, au territoire national et, d'autre part, à l'unité urbaine dans laquelle se situe chacun de ces quartiers, selon des modalités qui peuvent varier en fonction de la taille de cette unité urbaine.

Dans les départements et collectivités d'outre-mer, toutefois, ces quartiers peuvent être caractérisés par des critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l'habitat, tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires.

En application du II de l'article 5 de la loi précitée de 2014, la liste des quartiers prioritaires est fixée par décret et fait l'objet d'une actualisation dans l'année du renouvellement des conseils municipaux. L'actualisation peut avoir lieu tous les trois ans dans les départements et collectivités d'outre-mer si la rapidité des évolutions observées le justifie.

Les modalités de définition des QPV et leur liste ont été précisées par quatre décrets40(*).

Cette liste comportait à l'origine 1 507 quartiers, dont 217 en outre-mer. Elle a été modifiée en septembre 201541(*) et comprend à présent 1 509 quartiers, dont 218 en outre-mer.

2. ... dont les modalités sont définies en concertation entre l'État et les collectivités territoriales par les contrats de ville

La politique de la ville est mise en oeuvre depuis longtemps par la voie de la contractualisation : contrats d'action publique, conventions de développement social des quartiers, conventions ville-habitat... À partir du milieu des années 1990, le contrat de ville est retenu comme le mode principal de contractualisation.

L'article 6 de la loi de programmation de 2014 indique ainsi que les contrats de ville organisent la mise en oeuvre de la politique de la ville par un contrat conclu à l'échelle intercommunale entre, d'une part, l'État, ses établissements publics et les groupements d'intérêt public dont il est membre et, d'autre part, les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés. Ces contrats sont également signés par les départements et les régions, voire par d'autres acteurs impliqués dans leur application.

Les contrats de ville sont signés dans l'année du renouvellement général des conseils municipaux ou, au plus tard, l'année suivante, pour une durée de six ans. Ils peuvent être actualisés au bout de trois ans si la rapidité des évolutions observées le justifie.

3. Les échéances prévues pour le renouvellement de la liste des quartiers prioritaires et des contrats de ville ont été repoussées à la fin 2023

La loi de programmation pour la ville prévoit que le renouvellement général des conseils municipaux serait suivi d'une actualisation de la liste des quartiers prioritaires (article 5) et de la signature de nouveaux contrats de ville (article 6).

Ceci n'a pas été le cas après les élections municipales de 2020. En effet, la loi de finances pour 201942(*) a repoussé à la fin 2022 la mise à jour de la liste des QPV, comme la conclusion de nouveaux contrats de ville. Puis ces délais ont à nouveau été repoussés d'un an par la loi de finances pour 202243(*).

Ces textes ont inscrit puis modifié un III dans l'article 30 de la loi de programmation afin de déroger aux dates prévues par les articles 5 et 6.

Or, comme il a été indiqué en présentant les crédits du programme 147 « Politique de la ville », la préparation des contrats de ville a encore pris du retard et ils ne semblent pas pouvoir être finalisés d'ici à la fin 2023.

Une circulaire de la secrétaire d'État chargée de la ville44(*), en date du 31 août 2023, a prolongé la concertation citoyenne jusqu'à la fin octobre 2023. Les nouveaux contrats de ville ne seraient signés qu'au premier trimestre 2024 et la circulaire prévoit que la programmation des crédits déconcentrés du budget opérationnel de programme (BOP) 147 pourra être anticipée avant la finalisation des nouveaux contrats de ville.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : REPOUSSER UNE NOUVELLE FOIS LA MISE À JOUR DE LA GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE EN OUTRE-MER ET LA CONCLUSION DES CONTRATS DE VILLE

Dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu deux amendements identiques présentés respectivement par lui-même et par notre collègue Guillaume Vuilletet et insérant le présent article additionnel.

Le I modifie le III précité de l'article 30 de la loi de programmation pour la ville afin de préciser que la liste des quartiers prioritaires dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et en Polynésie française serait actualisée au 1er janvier 2025, et non au 1er janvier 2024. L'exposé des motifs justifie ce retard par la prise en compte des préconisations d'une mission inter-inspections sur le zonage et la gouvernance de la politique de la ville en outre-mer.

Il repousse également à la fin 2024 la validité des contrats de ville dans les mêmes collectivités.

Le II prévoit que, par dérogation, les moyens financiers mobilisés au titre des instruments spécifiques de la politique de la ville et les crédits de la dotation politique de la ville peuvent être mis en oeuvre dans les collectivités territoriales comprenant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville en l'absence de contrat de ville, entre le 1er janvier et le 31 mars 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER L'ARTICLE SANS MODIFICATION

Le présent article constate la nécessité de prendre une année supplémentaire pour la définition de la nouvelle géographie prioritaire en outre-mer.

Il donne également un fondement juridique à la disposition de la circulaire précitée, qui tendait à permettre l'engagement de fonds avant même la finalisation des nouveaux contrats de ville.

Tout en constatant une nouvelle fois à quel point la mise à jour des modalités de la politique de la ville aura été difficile et longue, il convient, par réalisme, d'accepter ces prolongations limitées.

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 50 E (nouveau)

Stabilisation en 2024 du montant de la réduction de loyer de solidarité

Le présent article modifie les règles d'indexation de la réduction de loyer de solidarité de manière à permettre de stabiliser son montant global à 1,3 milliard d'euros, conformément à un accord avec le secteur du logement social.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE REVALORISATION ANNUELLE DE LA RÉDUCTION DE LOYER DE SOLIDARITÉ, EN PRATIQUE SUSPENDUE CHAQUE ANNÉE

Mise en place par l'article 126 de la loi de finances pour 2018 et définie à l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation, la réduction de loyer de solidarité (RLS) consiste en une diminution de loyer modulée en fonction de la composition du ménage et de la zone géographique, qui s'applique aux locataires de logements sociaux dont les ressources sont inférieures à un plafond.

Les aides au logement sont réduites pour les ménages qui bénéficient de la RLS, ce qui signifie que la diminution du budget de l'État consacré à l'aide au logement est supportée par les bailleurs sociaux. Les ménages sont légèrement bénéficiaires, car la réduction de loyer dont ils bénéficient est un peu plus importante que la diminution des aides qu'ils subissent.

Le dispositif comprend :

- d'une part les montants de réduction de loyer, fixés par arrêté à l'intérieur de plafonds définis par la loi ;

- d'autre part des montants de ressources mensuelles maximales donnant droit à cette réduction, fixés également par arrêté à l'intérieur de plafonds légaux.

Le septième alinéa de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation définit ainsi des plafonds mensuels de RLS en fonction de la zone géographique et de la taille du ménage. Ces plafonds sont indiqués pour l'année 2018 mais sont indexés, chaque année au 1er janvier, sur l'indice de référence des loyers (IRL).

En application du huitième alinéa, les montants mensuels effectifs de RLS, qui sont définis par arrêté, sont eux aussi revalorisés chaque année, au 1er janvier, à un niveau au moins égal à l'évolution de l'IRL.

Le montant mensuel de la RLS est ainsi fixé par le II de l'arrêté du 27 février 2018, modifié chaque année45(*).

Montants mensuels (arrêté) et maximaux (code de la construction
et de l'habitation) de la RLS

(en euros)

Désignation

 

Zone I

Zone II

Zone III

Bénéficiaire isolé

Montant mensuel

54,51

48,22

45,08

Montant maximal 2018

50,00

44,00

41,00

Couple sans personne à charge

Montant mensuel

66,05

58,71

54,51

Montant maximal 2018

61,00

54,00

50,00

Personne seule ou couple ayant une personne à charge

Montant mensuel

74,43

65,00

60,80

Montant maximal 2018

69,00

60,00

56,00

Par personne à charge supplémentaire

Montant mensuel

10,48

9,44

8,39

Montant maximal 2018

10,00

9,00

8,00

Montant maximal 2018 : montant inscrit dans le code de la construction et de l'habitation au titre de 2018.

Source : commission des finances, à partir de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) et du décret précité du 27 février 2018

S'agissant des ressources mensuelles donnant droit à la RLS, le douzième alinéa du même article prévoit que les ressources mensuelles maximales, fixées par arrêté en fonction de la taille du ménage et de la zone géographique, ainsi que le plafond mensuel légal, sont indexés chaque année, au 1er janvier, sur l'évolution en moyenne annuelle de l'indice des prix à la consommation des ménages hors tabac, constatée pour l'avant-dernière année précédant cette revalorisation.

Les montants de ressources mensuelles maximales sont fixés par le I du même arrêté du 27 février 2018, modifié en dernier lieu par arrêté du 27 décembre 2018.

Plafonds de ressources (arrêté) et plafonds maximums
(code de la construction et de l'habitation)

(en euros)

Désignation

 

Zone I

Zone II

Zone III

Bénéficiaire isolé

Plafonds de ressources

915

854

828

Montant maximal

1 294

1 209

1 171

Couple sans personne à charge

Plafonds de ressources

1 102

1 042

1 008

Montant maximal

1 559

1 474

1 426

Bénéficiaire isolé ou couple ayant une personne à charge

Plafonds de ressources

1 403

1 329

1 289

Montant maximal

1 984

1 880

1 823

Bénéficiaire isolé ou couple ayant deux personnes à charge

Plafonds de ressources

1 669

1 583

1 536

Montant maximal

2 361

2 239

2 173

Bénéficiaire isolé ou couple ayant trois personnes à charge

Plafonds de ressources

2 043

1 943

1 877

Montant maximal

2 890

2 749

2 654

Bénéficiaire isolé ou couple ayant quatre personnes à charge

Plafonds de ressources

2 357

2 243

2 169

Montant maximal

3 334

3 173

3 069

Bénéficiaire isolé ou couple ayant cinq personnes à charge

Plafonds de ressources

2 624

2 497

2 411

Montant maximal

3 712

3 532

3 410

Bénéficiaire isolé ou couple ayant six personnes à charge

Plafonds de ressources

2 905

2 764

2 671

Montant maximal

4 109

3 910

3 778

Par personne à charge supplémentaire

Plafonds de ressources

283

266

247

Montant maximal

400

375

350

Source : commission des finances, à partir de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) et du décret précité du 27 février 2018

La RLS ayant représenté un poids plus élevé que prévu pour les bailleurs sociaux, une concertation organisée au début de 2019 a conduit à un « pacte productif » qui prévoyait notamment :

- de la part des bailleurs sociaux, un niveau toujours élevé de production de logements sociaux, avec 110 000 agréments par an ;

- de la part de l'État, une augmentation limitée de la réduction de loyer de solidarité, qui représenterait un montant total de 1,3 milliard d'euros par an et non, comme il était prévu initialement, 1,5 milliard d'euros.

L'État s'engageait également à supprimer les règles de l'indexation annuelle automatique des forfaits de RLS.

En application de cet accord, l'article 200 de la loi de finances initiale pour 2020 a prévu que, par dérogation au douzième alinéa précité de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation, le montant des plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la réduction de loyer de solidarité ne serait pas indexé en 2020.

Cette indexation a été suspendue au cours des trois années suivantes par l'article 197 de la loi de finances initiale pour 2021, l'article 94 de la loi de finances initiale pour 2022 et l'article 176 de la loi de finances initiale pour 2023.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE MODIFICATION DES RÈGLES D'INDEXATION QUI PERMET DE STABILISER LE MONTANT GLOBAL DE LA RÉDUCTION DE LOYER DE SOLIDARITÉ

Le présent article a été retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il résulte d'une initiative du Gouvernement lui-même.

Alors que les précédentes lois de finances suspendaient l'indexation annuelle des plafonds de ressources mensuelles par une simple mesure de loi de finances dérogeant au douzième alinéa de l'article L. 422-2-1 du code de la construction et de l'habitation, le I du présent article additionnel modifie l'article L. 422-2-1 précité lui-même.

Outre certaines modifications rédactionnelles permettant de clarifier les termes employés, il prévoit, au huitième alinéa de cet article, que la revalorisation du montant mensuel de la RLS s'exerce en moyenne annuelle et pas nécessairement au 1er janvier.

Enfin, les montants de ressources mensuelles maximales et leurs plafonds seraient indexés sur l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac constatée entre le 1er octobre de l'année N-2 et le 1er octobre de l'année N-1, et non sur la valeur moyenne de cette indice au cours de l'année N-2.

Le II prévoit que l'indexation annuelle des plafonds de RLS est réalisée en 2024, par dérogation, non par rapport à l'IRL, mais par rapport à l'IRL majoré de cinq points.

Selon l'exposé des motifs de l'amendement, ces mesures permettent de stabiliser le montant de la RLS en 2024 à son niveau de 2023.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER L'ARTICLE SANS MODIFICATION

La stabilisation du montant de la RLS correspond à l'accord passé en 2020 avec le secteur du logement social. Par ailleurs, la modification de la règle d'indexation des plafonds de ressources permet de mieux prendre en compte les évolutions récentes.

Il est regrettable que cette mesure n'ait pas été présentée dans le texte initial du projet de loi de finances afin de bénéficier d'une évaluation préalable plus fournie que l'exposé des motifs de l'amendement.

Sur le fond, toutefois, cette mesure contribue à préserver sur le long terme le niveau des ressources des bailleurs sociaux et donc leur capacité à financer les projets de construction de logements sociaux. Il convient donc de l'approuver.

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article sans modification.


* 39 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 40 Pour les modalités : décret n° 2014-767 du 3 juillet 2014 (départements métropolitains) et décret n° 2014-1575 du 22 décembre 2014 (départements d'outre-mer, Saint-Martin et Polynésie française). Liste des quartiers : décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 (départements métropolitaines) et décret n° 2014-1751 du 30 décembre 2014 (départements d'outre-mer, Saint-Martin et Polynésie française).

* 41 Décret n° 2015-1138 du 14 septembre 2015 rectifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

* 42  Article 181 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 43  Article 68 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 44 Circulaire du 31 août 2023 relative à l'élaboration des contrats de ville 2024-2030 dans les départements métropolitains.

* 45 Arrêté du 27 février 2018 relatif à la réduction de loyer de solidarité, modifié par arrêté du 21 septembre 2023.

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