N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6b

COHÉSION DES TERRITOIRES - POLITIQUE DES TERRITOIRES
(Programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État »)

Rapporteur spécial : M. Bernard DELCROS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Les programmes 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « interventions territoriales de l'État » mobilisent, en 2024, un total de 468 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 371 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Les crédits prévus pour le programme 112 évoluent à la hausse de 28,9 % en AE et 17,8 % en CP, tandis que les crédits du programme 162 diminuent de 6,03 % en AE et de 46,15 % en CP.

Bien que de faible ampleur en termes de crédits budgétaires, ces deux programmes ont un effet levier important sur les crédits affectés à d'autres missions. Ils traduisent l'implication de l'État pour maintenir la compétitivité et l'attractivité des territoires, en particulier des territoires ruraux. Ils contribuent également, notamment via le programme 162, à mettre l'accent sur quelques politiques sectorielles territorialisées, souvent cruciales pour les collectivités concernées.

I. LE PROGRAMME 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » : UN PETIT PROGRAMME BUDGÉTAIRE, UN GRAND PAS POUR LA RURALITÉ

Représentant seulement 1,7 % des crédits, en autorisations d'engagement, de l'ensemble de la mission « Cohésion des territoires », le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » porte paradoxalement des actions auxquelles les élus des territoires concernés sont particulièrement attentifs, en raison de leur effet levier sur le développement local.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit d'affecter au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » 387,9 millions d'euros en AE et 338,5 millions d'euros en CP, ce qui correspond à une hausse de 17,8 % en AE et 29 % en CP.

Évolution des crédits par action du programme 112

(en euros et en %)

 

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2024/2023
en volume

Variation 2024/2023
en %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 11 - Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) - section locale

202 025 726

118 818 189

190 525 726

130 812 235

- 11 500 000

11 994 046

- 5,7 %

10,1 %

Action 12 - Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) -section générale

59 434 299

63 370 841

107 344 299

110 349 540

47 910 000

46 978 699

+ 80,6 %

74,1 %

Action 13 - Soutien aux opérateurs

67 961 442

67 961 442

90 061 442

90 061 442

22 100 000

22 100 000

+ 32,5 %

32,5 %

Action 14 - Prime d'aménagement du territoire (PAT) - contrats de ruralité - pacte États-métropoles

 

12 297 672

 

7 297 312

0

- 5 000 360

 

- 40,7 %

Total

329 421 467

262 448 144

387 931 467

338 520 529

58 510 000

76 072 385

17,8 %

29,0 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA POLITIQUE CONTRACTUELLE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES

Les crédits dédiés aux contrats de plan État-régions (CPER) et aux contrats de plan interrégionaux de fleuves et de massifs pour la génération 2021-2027 (CPIER), représentent plus des deux tiers du programme.

Exceptés les CPER de Corse et de Normandie, et les CPIER de la Loire, des Vosges et de la Vallée de la Seine, tous les protocoles ont été signés, représentant 28 milliards d'euros contractualisés par l'État, dont une petite partie sur le programme 112. Sont par ailleurs soutenus budgétairement dix pactes territoriaux ainsi que deux contrats en voie d'extinction sur le P112 : les contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) et les contrats de ruralité mis en place en 2017, auxquels ont succédé les CRTE, portés par la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

B. À TRAVERS LA HAUSSE DES CRÉDITS DE L'ANCT ET FRANCE RURALITÉS, UN PAS VERS LES ATTENTES DES COLLECTIVITÉS RURALES EN MATIÈRE D'AIDE À L'INGÉNIERIE

La subvention pour charges de service public allouée à l'Agence nationale de cohésion des territoires augmente d'environ 20 millions d'euros pour atteindre 81,5 millions d'euros, abondant principalement des crédits consacrés à l'ingénierie des collectivités territoriales qui sont doublés passant à 40 millions d'euros. C'est ainsi que l'ANCT, à travers « France Ruralités » lancé en juillet 2022, .assure la coordination de nombreux programmes nationaux territorialisés qui contribuent à la cohésion territoriale :

- le programme « Action coeur de ville » (ACV), destiné à renforcer l'attractivité des villes « moyennes », a été prorogé et a mobilisé depuis sa création environ 6 milliards d'euros, dont une petite partie provient du programme 112 ;

- « Petites villes de demain » est une déclinaison du programme ACV axée sur des communes de plus petite taille ayant un rôle de centralité (1 600 communes de moins de 20 000 habitants, 3 milliards d'euros sur 5 ans) ;

- « Villages d'avenir », lancé en 2023, aide des communes rurales à réaliser leurs projets de développement : l'ANCT déploiera 100 chefs de projet dans des communes ou groupements de communes rurales dans ce cadre ;

- « Fabrique de territoires » soutient la mise en place de « tiers lieux » dans les territoires. L'État a lancé, plusieurs appels à manifestation d'intérêt (AMI) successifs pour identifier des « fabriques de territoire », existantes ou en projet, dont certaines implantées en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et d'autres dans les territoires ruraux ;

- « Territoires d'industrie » soutient l'activité industrielle (127 sites labellisés, portant 1 800 projets) ;

- le « Volontariat territorial en administration » (VTA), finance des contrats de mission pour de jeunes diplômés de niveau bac + 2 pour effectuer une mission de 12 à 18 mois au service du développement des projets de territoires ruraux ;

- les « Conseillers numériques », accompagnent les usagers en difficulté avec le « numérique du quotidien » (41,8 millions d'euros en 2024).

Enfin, le programme porte 2 600 maisons France Services (MSF), et environ 2 750 à terme, qui permettent aux habitants d'accéder à un bouquet de services de neuf opérateurs (La Poste, Pôle emploi, Caisse nationale des allocations familiales, Caisse nationale d'assurance maladie, Caisse nationale d'assurance vieillesse, Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, Ministère de l'intérieur, Ministère de la justice, direction générale des finances publiques). Plusieurs recommandations du rapporteur spécial seront mises en oeuvre en 2024 : entrée de nouveaux opérateurs, formation et référencement des conseillers « France Services » et hausse du forfait par MSF.

C. AU-DELÀ DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES, L'ATTRACTIVITÉ DES TERRITOIRES NÉCESSITE DES DÉPENSES FISCALES EFFICACES

En sus des dépenses budgétaires, 25 dépenses fiscales, représentant 686 millions d'euros (soit une hausse de 1,33 % entre 2023 et 2024 et de 7,36 % sur la période 2018-2024) sont rattachées, au moins en partie, sur le programme. Le rapporteur spécial souligne l'intérêt pour les territoires de disposer de mécanismes incitatifs à l'installation des entreprises permettant par ailleurs d'assurer l'attractivité des collectivités rurales.

C'est pourquoi la refonte en cours de certains dispositifs de zonages, à travers la fusion à venir des zones de revitalisation rurale, des bassins d'emplois à redynamiser et des zones de revitalisation des commerces en milieu rural, en un nouveau zonage « France Ruralités revitalisation » mérite une grande attention afin de déterminer l'échelle, les critères et l'objet le plus adéquat possible pour ce mécanisme d'appui essentiel à l'économie des ruralités.

II. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » : UN DISPOSITIF SOUPLE POUR HUIT ACTIONS TERRITORIALISÉES

Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » créé en 2006, est composé de huit actions territorialisées. Alors que la maquette du programme a été fortement affectée au cours des années précédentes, son périmètre n'évolue pas en 2024. Les crédits alloués diminuent de 6,03 % en autorisation d'engagements et de 46,15 % en crédits de paiement, chacune des 8 actions du programme voyant ses moyens diminuer.

Autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme 162 par action
(comparaison LFI 2023 - PLF 2024)

(en euros)

Action

Intitulé

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
LFI 2023-PLF 2024
(en valeur)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02

Eau - Agriculture en Bretagne

1 967 481

1 964 489

1 885 122

1 866 265

- 82 359

- 98 224

04

Plans d'investissement en Corse

50 000 000

30 652 138

47 907 005

3 787 563

- 2 092 995

- 26 864 575

08

Plan Chlordécone en Martinique et Guadeloupe

4 450 000

4 450 000

4 263 723

4 227 500

- 186 277

- 222 500

09

Plan littoral 21

10 000 000

4 426 794

8 000 000

4 205 454

- 2 000 000

- 221 340

10

Fonds interministériel transformation de la Guyane

12 115 330

12 147 018

11 608 184

11 539 668

- 507 146

- 607 350

11

Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire

59 491

693 403

57 002

658 632

- 2 489

- 34 771

12

SIS Wallis et Futuna

2 158 091

2 158 025

2 067 544

2 049 874

- 90 547

- 108 151

13

Plan Sargasses II

5 070 000

5 070 000

4 857 770

4 816 500

- 212 230

- 253 500

Total

85 820 393

61 561 867

80 646 350

33 151 456

- 5 174 043

- 28 410 411

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le programme 162 s'appuie sur un outil comptable spécifique qui lui offre une certaine souplesse dans la gestion de l'enveloppe budgétaire. Il peut être rapidement adapté en cas de modification sensible des crédits de paiement en cours d'année. Il comporte en premier lieu une action 04 « Plan d'investissement pour la Corse », lancée en 2002, pour « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité » et à « résorber son déficit en équipements et en services collectifs ». Celle-ci verra les derniers paiements prévus intervenir en 2026, Tout en s'interrogeant sur les « spécificités » qui ont justifié, à l'origine, l'ouverture d'une telle action, le rapporteur spécial constate pour 2024 une diminution de 87 % des crédits de paiement par rapport à l'année précédente

De même, les crédits de l'action 09 « Plan littoral 21 », cofinancé par l'État et la Région pour assurer, depuis 2018, la reconversion du littoral occitan dont les constructions des années 1960 connaissent une dégradation importante sont en baisse (- 20 % en AE soit 8 millions d'euros et - 5 % en CP soit 4,2 millions d'euros).

Les six autres actions connaissent une diminution plus mesurée de leurs crédits prévisionnels (aux alentours de 5 % en AE comme en CP).

L'action 08 « Volet territorialisé du plan national d'action Chlordécone » finance le plan chlordécone IV (4,2 millions d'euros, en AE comme en CP) et comporte six stratégies poursuivies en 2024 (communication, recherche, formation et éducation, santé, environnement et alimentation, santé et travail, et enfin stratégie socio-économique) pour financer la prise en charge des conséquences du recours à ce pesticide pendant plus de 20 ans, sur le plan sanitaire, environnemental, agricole, économique et social.

L'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne », ouverte en 2006, la plus ancienne du programme, contribue au financement du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) et connaît aussi une diminution des crédits (- 4,19 % en AE et - 5 % en CP soit 1,86 millions d'euros environ). Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte du transfert en gestion de 5 millions d'euros effectué chaque année, soit les deux tiers du montant de l'action. Le rapporteur spécial déplore la diminution des crédits ouverts sur cette action pour 2024. Certes les quantités d'algues ramassées ont été moins importantes ces deux dernières années, ce qui traduit une amélioration, mais le rapporteur spécial la juge, à ce stade, conjoncturelle.

L'action 11 « Reconquête de la qualité des cours d'eau en pays de la Loire » contribue au développement de la région en matière de mobilités, de transition écologique et numérique des territoires. Pour sa dernière année, elle bénéficiera de 57 002 euros en AE et 658 732 euros en CP.

L'action 10 finance le « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » et traduit les engagements de l'État dans le cadre, d'une part, de l'application des accords de Cayenne du 21 avril 2017 et, d'autre part, de l'adoption du contrat de convergence et de transformation (CCT) pour la Guyane signé le 8 juillet 2019. Il bénéficiera d'un total de 11,6 millions d'euros en AE et 11,53 millions d'euros en CP.

Le programme 162 comprend également l'action 12 « Service d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna », dans l'attente d'un transfert prochain de l'établissement à la collectivité. Cette action est dotée pour 2024 de 2 millions d'euros, en AE comme en CP, pour financer les charges de personnel, des charges à caractère général ainsi que l'achat d'un véhicule incendie à Futuna.

Enfin, le plan « Sargasses II » (7,6 millions d'euros répartis sur plusieurs programmes dont 4,8 millions d'euros émanant du programme 162) vise à passer d'une approche curative à une approche préventive, en collectant les algues sargasses en mer, ce qui implique de répondre au défi que constituent le stockage et la valorisation économique de ces algues.

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2023, étaient parvenues au rapporteur spécial :

- 100 % des réponses relatives au programme 162 « Interventions territoriales de l'État » ;

- 95 % des réponses relatives au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ».

AVANT-PROPOS

Le présent rapport porte sur deux des six programmes de la mission « Cohésion des territoires » : le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et le programme 162 « interventions territoriales de l'État ».

Ces deux programmes mobilisent, en 2024, un total de 468 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 371 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Ils ne connaîtront pas, en 2024, la même évolution puisque les crédits prévus pour le programme 112 évoluent à la hausse de 28,9 % en AE et 17,8 % en CP, tandis que les crédits du programme 162 diminuent de 6,03 % en AE et de 46,15 % en CP.

Bien que de faible ampleur en termes de crédits budgétaires, ces deux programmes ont un effet levier important sur les crédits affectés à d'autres missions. Ils traduisent l'implication de l'État pour maintenir la compétitivité et l'attractivité des territoires, en particulier des territoires ruraux.

Ils contribuent également, en particulier via le programme 162, à mettre l'accent sur quelques politiques sectorielles territorialisées, souvent cruciales pour les collectivités concernées.

I. LE PROGRAMME 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » : UN PETIT PROGRAMME BUDGÉTAIRE, UN GRAND PAS POUR LA RURALITÉ

Représentant seulement 1,7 % des crédits, en autorisations d'engagement, de l'ensemble de la mission Cohésion des territoires, le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » porte paradoxalement des actions particulièrement suivies par les territoires concernés, en raison de leur effet levier sur le développement local.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit d'affecter au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » 387,9 millions d'euros en AE et 338,5 millions d'euros en CP, ce qui correspond à une hausse de 17,8 % en AE et 29 % en CP.

Évolution des crédits par action du programme 112

(en euros et en %)

 

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2024/2023
en volume

Variation 2024/2023 en %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 11 - Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) - section locale

202 025 726

118 818 189

190 525 726

130 812 235

- 11 500 000

11 994 046

- 5,7 %

10,1 %

Action 12 - Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) -section générale

59 434 299

63 370 841

107 344 299

110 349 540

47 910 000

46 978 699

+ 80,6 %

74,1 %

Action 13 - Soutien aux opérateurs

67 961 442

67 961 442

90 061 442

90 061 442

22 100 000

22 100 000

+ 32,5 %

32,5 %

Action 14 - Prime d'aménagement du territoire (PAT) - contrats de ruralité - pacte États-métropoles

 

12 297 672

 

7 297 312

0

- 5 000 360

 

- 40,7 %

Total

329 421 467

262 448 144

387 931 467

338 520 529

58 510 000

76 072 385

17,8 %

29,0 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Dans la lignée des années précédentes où la contribution au plan de relance avait expliqué une part importante de la hausse des crédits, cette nouvelle augmentation s'inscrit dans une trajectoire prévisible de la programmation pluriannuelle, pour des motifs tenant davantage au lancement de nouveaux dispositifs. Les crédits du programme 112 devraient continuer à augmenter, de 5,3 % entre 2024 et 2025, avant de se stabiliser en 2026 puis de diminuer de 4,5 % en 2027, en raison de l'extinction de certains programmes1(*). Pour 2024, cette hausse se manifeste principalement par un engagement plus avéré de l'État dans les différentes formes de contractualisation qu'il opère avec d'autres acteurs.

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA POLITIQUE CONTRACTUELLE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES

Le partenariat contractuel entre l'État et les territoires se traduit par les contrats de plan État-régions (CPER), les contrats de plan interrégionaux de fleuves et de massifs pour la génération 2021-2027 (CPIER), ainsi que les contrats territoriaux locaux, au premier rang desquels les contrats de réussite et de transition écologiques (CRTE).

1. Des crédits CPER et CPIER qui représentent plus des deux tiers du programme 112

Les CPER 2015-2020 ont été signés entre l'État et les Régions et ont fait l'objet depuis de plusieurs ajustements pour tenir compte :

- en 2016, du nouveau découpage régional ;

- du remplacement des CPER ultramarins par les Contrats de convergence et de transformation (CCT) 2019-2022, en application de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ;

- de la prolongation des volets « mobilité multimodale » des CPER 2015-2020 jusqu'en 2022 ;

- de l'intégration dans le dispositif des crédits du plan France relance afin de coordonner les calendriers du plan et des contrats.

L'État a ainsi contractualisé, hors crédits de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), un total de 13,7 milliards d'euros sur la durée de cette génération 2015-2020 des CPER hexagonaux. Au 31 décembre 2022, le taux d'engagement des autorisations d'engagement (AE) de cette génération de CPER était de 93 %, soit près de 12,8 milliards d'euros d'AE. Le taux de paiement des crédits de paiement (CP) était, à la même date, de 57 %, soit près de 7,8 milliards d'euros de CP versés.

Le tableau suivant récapitule l'exécution des CPER de la génération 2015-2020 et des CPIER à fin 2022 :

Exécution des CPER et CPIER 2015-2020

(au 31 décembre 2022 pour tenir compte des crédits du volet mobilité)

CPER / CPIER

Montants contractualisés révisés (en euros)

AE 2015 - 2020
(2015-2022 pour la mobilité)
en euros

% d'exécution

CP 2015 - 2020
(2015-2022 pour la mobilité)
en euros

% de paiement

% couverture AE par
des CP

Auvergne-Rhône-Alpes

1 265 550 774

1 216 246 572

96 %

856 480 579

68 %

70 %

Bourgogne-Franche-Comté

652 094 276

636 098 350

98 %

427 080 182

65 %

67 %

Bretagne

546 779 000

503 848 278

92 %

338 871 755

62 %

67 %

Centre-Val de Loire

340 653 000

297 870 054

87 %

175 742 102

52 %

59 %

Corse

70 278 000

51 185 755

73 %

24 582 170

35 %

48 %

Grand Est

1 013 080 934

930 855 769

92 %

652 963 312

64 %

70 %

Hauts-de-France

916 608 765

825 091 024

90 %

526 922 680

57 %

64 %

Ile-de-France

3 445 142 000

3 550 619 224

103 %

1 817 732 764

53 %

51 %

Normandie

611 898 200

517 061 441

85 %

283 495 670

46 %

55 %

Nouvelle Aquitaine

1 415 126 500

1 350 216 011

95 %

779 408 154

55 %

58 %

Occitanie

1 224 279 700

1 070 073 744

87 %

693 060 947

57 %

65 %

Pays de la Loire

474 105 136

456 340 894

96 %

347 622 298

73 %

76 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur

795 639 667

688 109 787

86 %

412 730 076

52 %

60 %

CPIER Seine

66 052 000

31 465 946

48 %

26 678 690

40 %

85 %

CPIER Alpes

50 840 000

26 361 253

52 %

18 453 302

36 %

70 %

CPIER Garonne

24 038 000

23 489 712

98 %

15 399 677

64 %

66 %

CPIER Jura

13 548 700

11 155 724

82 %

7 081 081

52 %

63 %

CPIER Loire

110 828 000

56 581 395

51 %

50 073 298

45 %

88 %

CPIER Lot

4 500 000

1 879 772

42 %

1 793 483

40 %

95 %

CPIER Massif central

36 680 000

29 926 015

82 %

18 730 316

51 %

63 %

CPIER Meuse

47 377 000

26 434 084

56 %

18 021 498

38 %

68 %

CPIER Pyrénées

30 240 000

22 856 978

76 %

18 246 028

60 %

80 %

CPIER Rhône

166 972 000

107 069 410

64 %

79 409 412

48 %

74 %

CPIER Vallée de la Seine

363 254 653

312 287 642

86 %

188 951 025

52 %

61 %

CPIER Vosges

15 300 000

13 006 054

85 %

9 310 876

61 %

72 %

Total général

13 700 866 305

12 756 130 887

93 %

7 788 841 375

57 %

61 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

La mise en oeuvre apparaît très variable selon les régions principalement en raison de l'avancement du volet mobilité multimodale, dont les taux d'exécution sont hétérogènes. Pour chacun des six volets thématiques des CPER, le taux d'exécution s'établit comme suit :

Taux d'engagement par volet des CPER 2015-2021, à fin 2022

(en euros)

Volets du CPER

Montants contractualisés

AE 2015 - 2020

(2015-2022 pour le volet mobilité multimodale)

% d'exécution

Culture

248 336 165

210 216 242

85 %

Emploi

196 100 000

182 344 784

93 %

Enseignement supérieur et recherche

1 452 473 400

1 351 625 460

93 %

Mobilité multimodale

8 282 240 940

7 972 146 060

96 %

Territorial

894 011 800

753 456 997

84 %

Transition écologique et énergétique

2 627 704 000

2 286 341 343

87 %

Total général

13 700 866 305

12 756 130 886

93 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Par la suite, une nouvelle génération de CPER et de CPIER pour 2021-2027 a pris le relai. Exceptés les CPER de la Corse (soumis à l'avis de l'Autorité environnementale en août 2023) et de la Normandie (adopté par le conseil régional le 26 juin 2023 préalablement à une saisine prochaine de l'Autorité environnementale), ainsi que des CPIER de la Loire (adopté par les conseils régionaux concernés), des Vosges (adopté par les conseils régionaux, et dont la signature devrait être prochainement annoncée) et de la Vallée de la Seine (le précédent CPIER ayant été prorogé jusqu'au 31 décembre 2022), tous les protocoles d'accord CPER 2021-2027 ont fait l'objet d'une signature État-Région.

Ainsi, au 9 novembre 20232(*), 11 CPER 2021-2027 ont été signés, comme le récapitule la carte suivante (établie au 31 août 2023 mais toujours valable depuis).

Carte des CPER signés

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

À la même date, 7 CPIER ont été signés : il s'agit des CPIER du Massif des Alpes, du Massif du Jura, du Massif Central, du Massif des Pyrénées, de la Vallée du Lot, de la Garonne et de Rhône-Saône, auxquels doivent s'ajouter les trois CPIER précités toujours en cours d'élaboration.

Au total, 28 milliards d'euros ont vocation à être contractualisés par l'État au titre des CPER et des CPIER sur la génération 2021-2027, répartis entre le programme 112, ce qui explique en grande partie la hausse des crédits alloués au programme sur plusieurs exercices consécutifs, le plan France relance mais aussi plusieurs autres programmes budgétaires en fonction du volet contractuel concerné (culture, éducation, jeunesse et sports, égalité entre les femmes et les hommes, emploi et formation professionnelle, enseignement supérieur, recherche et innovation, transition écologique, mais aussi des volets nouvellement insérés comme la santé, l'agriculture, la mer et le littoral).

Au titre du seul programme 112, ce sont ainsi 998,6 millions d'euros qui ont été contractualisés dans les CPER et CPIER 2021-2027. Ces derniers ont, par ailleurs, vocation à financer les actions des contrats de la précédente génération, 2015-2020, qui n'auraient pas pu aboutir, ce qui constitue une forme de session de rattrapage que le rapporteur spécial considère comme essentielle, en particulier au regard des motifs pour lesquels ils n'ont parfois pas pu être exécutés (sujétions particulières liées à la crise sanitaire par exemple).

2. D'autres dispositifs de contractualisation portés par le programme 112 dont deux en voie d'extinction
a) Dix pactes territoriaux

Conclus entre l'État et les collectivités territoriales concernées, les pactes territoriaux visent à couvrir deux types de situation : ils accompagnent des territoires confrontés à des difficultés socio-économiques structurelles, comme les bassins miniers ainsi que des territoires qui rencontrent des difficultés conjoncturelles en raison d'un facteur exogène comme l'abandon par le Gouvernement du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la fermeture de l'usine Whirlpool à Amiens.

Le programme 112 porte une part significative du soutien de l'État, à travers ces pactes, au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire qu'il s'agisse de l'engagement pour le renouveau du bassin minier (22 millions d'euros), le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache (10 millions d'euros), le plan Lourdes (1,5 million d'euros) ou le contrat de relance et de transition écologique du Boulonnais (2,5 millions d'euros).

Au total, 10 pactes ou contrats de développement territorial demeurent actifs3(*) et financés au moins pour partie sur le programme 112 :

- l'engagement pour le renouveau du bassin minier, signé le 17 mars 2017, conçu pour accélérer la transition urbaine ;

- le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache, signé le 7 novembre 2018 afin d'accompagner un territoire concentrant des difficultés socio-économiques, et dont l'acte II est en cours de négociation ;

- le projet d'avenir pour le territoire de Fessenheim : signé le 1er février 2019 dans le contexte de la fermeture du Centre Nucléaire de Production d'Électricité de Fessenheim et de l'arrêt successif de ses deux réacteurs (février et juin 2020) ;

- le contrat d'action publique pour la Bretagne, signé le 8 février 2019, comportant un volet « mobilités », à la suite de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et un volet « différenciation », notamment en matière d'eau et de biodiversité ;

- le contrat d'avenir pour les Pays de la Loire, signé le 8 février 2019, à la suite de la décision du Gouvernement d'abandonner le projet de Notre-Dame-des-Landes ;

- le pacte de développement de la Nièvre, conclu le 15 février 2019, pour soutenir ce département rural en déprise ;

- le pacte Ardennes, signé le 15 mars 2019, pour acter la mobilisation collective autour de ce territoire en difficulté ;

- le plan particulier pour la Creuse (PPC), signé le 5 avril 2019, à la suite de la reprise partielle de l'activité de l'entreprise GM&S4(*) ;

- le contrat triennal de Strasbourg 2021-2023, signé le 9 mai 2021, pour permettre à Strasbourg, siège du Parlement européen, d'assumer des obligations qui incombent habituellement à une capitale d'État ;

- le plan Avenir Lourdes, signé le 17 février 2022, afin de doter cette commune d'un projet de destination touristique, au plus tard en 2025.

b) Quelques dispositifs contractuels en voie d'extinction

Deux types de contrats sont par ailleurs en voie d'extinction progressive sur le programme 112 :

- il s'agit en premier lieu des contrats de redynamisation de site de défense (CRSD). Ces derniers sont destinés à recréer des emplois et une activité économique comparable aux suppressions résultant du redéploiement des implantations territoriales des armées. Deux contrats demeurent actifs (Châteaudun 2 et Polynésie française) en 2023, celui de Polynésie française ayant même fait l'objet d'un avenant de prolongation jusqu'au 11 juillet 2024. Ainsi, en 2024, le programme 112 ne portera que les restes à payer pour un total de 1,6 million d'euros en crédits de paiement ;

- en second lieu, il s'agit des contrats de ruralité, mis en place en 2017, qui assurent le déploiement effectif des mesures issues du comité interministériel aux ruralités, coordonnent l'action publique et mobilisent les locaux sur les thématiques de l'attractivité du territoire des mobilités locales et de l'accessibilité au territoire. Le programme 112 ne compte plus, là aussi, que 1,7 million d'euros en crédits de paiement pour 2024.

B. À TRAVERS LA HAUSSE DES CRÉDITS DE L'ANCT ET FRANCE RURALITÉS, UN PAS VERS LES ATTENTES DES COLLECTIVITÉS RURALES EN MATIÈRE D'AIDE À L'INGÉNIERIE

1. Une hausse substantielle de la subvention allouée à l'ANCT en 2024

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été créée par la loi du 22 juillet 20195(*). Elle reprend une partie des missions du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ainsi que les missions de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (Epareca) et de l'Agence du numérique.

L'ANCT déploie les grands programmes nationaux d'intervention, d'aménagement numérique et mobile, de revitalisation des centres-villes ou encore d'accès aux services, afin de soutenir les projets portés par les collectivités. Elle intervient également en appui spécifique aux territoires à travers la mobilisation d'une ingénierie dédiée.

Lors de sa mise en place au 1er janvier 2020, l'agence disposait d'un soutien à hauteur de 54 millions d'euros, en AE comme en CP, au titre de sa subvention pour charges de service public (SCSP), portée par le programme 112. Ce montant a été porté à 61 millions d'euros en 2021 pour permettre notamment le doublement du montant de l'ingénierie destinée à appuyer des projets sur mesure portés par les territoires, passant de 10 à 20 millions d'euros. La SCSP a ensuite été stable en 2022 et en 2023 à 63,2 millions d'euros en AE et en CP. Jusqu'alors, cette évolution, compte tenu de la réappropriation de certains moyens portés dans le plan de relance traduisait finalement une baisse relative des moyens de l'ANCT que le rapporteur spécial avait eu l'occasion de longuement expliciter l'an dernier6(*).

Le PLF pour 2024 prévoit une hausse substantielle de la SCPS d'environ 20 millions d'euros pour atteindre 81,5 millions d'euros. Auditionné par le rapporteur spécial, M. Stanislas BOURRON directeur général de l'ANCT a eu l'occasion d'indiquer qu'il s'agissait de doubler (de 20 à 40 millions d'euros) les crédits consacrés à l'aide à l'ingénierie des collectivités territoriales.

Concrètement, il s'agira de donner aux préfets d'avantage de moyens d'activer, via des marchés publics, le recours à des interlocuteurs qui pourront conseiller les collectivités, en particulier les plus petites, sur le cheminement à suivre pour tel ou tel besoin en ingénierie et les orienter vers le dispositif le plus à même d'y répondre. À travers ce dispositif, c'est un maillage plus fin de l'action combinée de l'ANCT et des préfectures, auxquelles le rapporteur spécial souscrit pleinement, qui permettra de mieux conseiller les collectivités rurales sur des projets qui leur semblent parfois trop lourds à porter bien que nécessaires et finançables dès lors qu'une aide adéquate leur est apportée.

Par ailleurs, la montée en charge des acteurs, au niveau central comme au niveau territorial s'est poursuivie en 2023 avec le recrutement de plusieurs contractuels de catégorie A, qui devrait s'intensifier en 2024 (année à l'issue de laquelle le nombre d'ETPT sera porté à 367, contre 310 deux ans plus tôt, avec toutefois un nombre de personnes physiques embauchées moins important du fait d'un recours moins fréquent aux emplois à temps partiel).

Les trois tableaux suivants présentent les effectifs de l'ANCT, par catégorie d'emplois, constatés au 31 décembre 2022, et prévisionnels au 31 décembre 2023 et au 31 décembre 2024 (en personnes physiques et en équivalents temps-plein travaillés) :

Effectifs de l'ANCT constatés au 31 décembre 2022

 

cat A

cat B

cat C

Total

 

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

Titulaires

67

66,8

15

13,48

10

10,83

92

91,11

Départs à la retraite

2

1,5

   

1

0,5

3

2

Créations d'emplois

3

1

       

3

1

Non titulaires

211

201,07

17

17,70

1

1

229

219,77

Départs à la retraite

3

2,5

       

3

2,5

Créations d'emplois

19

9,66

       

19

9,66

Total

278

267,85

32

31,18

11

11,83

321

310,88

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Effectifs prévisionnels de l'ANCT au 31 décembre 2023

 

cat A

cat B

cat C

Total

 

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

Titulaires

73

69,95

17

15,28

10

9,8

100

95,03

Départs à la retraite

3

1,45

       

3

1,45

Créations d'emplois

3

1,5

1

0,33

   

4

1,83

Non titulaires

258

233,16

23

21,17

1

1

282

255,33

Départs à la retraite

3

1,33

       

3

1,33

Créations d'emplois

16

12,9

2

1,08

   

18

13,98

Total

331

303,11

40

36,45

11

10,8

382

350,36

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Effectifs prévisionnels de l'ANCT au 31 décembre 2024

 

cat A

cat B

cat C

Total

 

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

en réel

en ETPT

Titulaires

73

72,4

17

16,4

10

9,8

100

98,6

Départs à la retraite

       

1

1

1

1

Créations d'emplois

               

Non titulaires

248

245,8

23

21,6

1

1

272

268,4

Départs à la retraite

3

3

       

3

3

Créations d'emplois

               

Total

321

318,2

40

38

11

10,8

372

367

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Pour l'année 2024, dans l'hypothèse où la prévision mentionnée dans le tableau qui précède serait respectée, les 372 personnes physiques travaillant pour l'ANCT représentant 367 ETPT (non comprises les 20 mises à disposition, hors plafond, de même que quelques contrats aidés sous forme d'apprentissage), seraient ainsi réparties par fonction et par programme :

Répartition prévisionnelle par fonction et par programme
des effectifs 2024 de l'ANCT

 

Encadrement supérieur (DGD, directeur de programme, chef de service

Encadrement intermédiaire (adjoint, chef de projet, responsable de pôle/d'unité, commissaire...)

Sans encadrement (chargé de projet/de mission)

Total

DG + Cabinet, dont communication et MAPP

4

0

13

17

dont MAD

1

0

0

1

DGD Politique de la ville

10

6

80

96

dont MAD

1

0

1

2

DGD Appui opérationnel et stratégique

6

10

98

114

dont MAD

0

1

2

3

DGD Numérique

5

4

39

48

dont MAD

0

0

0

0

DGD Territoire et ruralité

5

17

43

65

dont MAD

3

7

4

14

Secrétariat général et agence comptable

8

6

38

52

dont MAD

0

0

0

0

Total

38

43

311

392

dont MAD

5

8

7

20

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

De plus, est prévu un doublement des délégués territoriaux7(*) de l'ANCT, qui constituent en quelque sorte des référents ANCT au sein des préfectures.

Trois ans après sa création, l'ANCT fait l'objet d'une série de bilans effectués en particulier par le Sénat portant sur son activité, ses moyens et le niveau de satisfaction qu'elle apporte aux collectivités territoriales.

La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a ainsi lancé une évaluation de l'ANCT trois ans après sa création, intitulée « ANCT : quel bilan pour les élus locaux ? », qui a abouti, au mois de février dernier, à la publication d'un rapport d'information8(*) formulant 14 recommandations regroupées autour de trois idées forces auxquelles le rapporteur spécial s'associe : rapprocher l'agence des élus locaux, oeuvrer pour permettre aux collectivités d'avoir accès à de l'ingénierie et davantage consolider l'existant.

De même, la question de l'adéquation des moyens de l'ANCT aux missions conférées fait actuellement l'objet, à la demande de la commission des finances, d'une enquête de la Cour des comptes sur le fondement de l'article 58,2° de la loi organique relative aux lois de finances. Une audition pour suites à donner devrait être prochainement organisée.

2. Un soutien actif aux territoires à travers France Ruralités

Au-delà de ses moyens généraux, l'action de l'ANCT se traduit à travers une multitude de ramifications qui peuvent avoir trait à la politique de la ville, au numérique et aux territoires ruraux. Dans chacune de ces manifestations, peuvent intervenir des programmes nationaux d'appui, des dispositifs de contractualisation, notamment les CRTE, et enfin une offre d'ingénierie « sur mesure » aux collectivités territoriales dont les besoins ne recouvrent pas exactement les programmes.

Dans ce dernier cas, postérieurement à la création de l'ANCT, ont été annoncées diverses mesures de soutien aux territoires, à travers le renforcement des programmes pour un meilleur appui à l'ingénierie territoriale, qui s'est traduit par la mise en place de l'agenda rural devenu, en juillet 2022, « France Ruralités ».

De l'Agenda rural à France Ruralités

À la demande de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, une mission composée d'élus locaux et de parlementaires a remis en juillet 2019 un rapport comportant 200 mesures destinées à favoriser le développement des territoires ruraux et à améliorer la vie quotidienne de leurs habitants, dans les domaines de l'éducation, de l'accès aux services, de la santé, du numérique, des transports, etc. Parmi celles-ci, 181 propositions ont été sélectionnées et sont mises en oeuvre par l'ensemble des ministères sous le pilotage de l'ANCT.

Ces mesures sont d'ampleur très variable, et concernent différents champs (scolaire au travers des cordées de la réussite, accès aux services administratifs avec les maisons France services, programmes localisés, etc.). Certaines mesures préexistaient d'ailleurs à l'Agenda rural mais y ont été intégrées. Une mission d'évaluation de l'Agenda rural a donc été lancée et a abouti à l'annonce le 6 juillet 2022, par la Première ministre, lors de son discours de politique générale, de la mise en oeuvre d'une nouvelle étape en faveur de la ruralité.

Le 13 octobre 2022, lors de son audition devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale portant sur l'action du Gouvernement en faveur des zones rurales, la Secrétaire d'État chargée de la ruralité a annoncé la création de six groupes de travail dans le cadre de la préparation d'une nouvelle feuille de route à destination des territoires ruraux. Des ateliers se sont réunis en complément des réunions thématiques lancées dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Ces groupes de travail ont formulé 300 propositions qui ont été remises au Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, à la fin du mois de janvier 2023.

Le 15 juin 2023, la Première ministre a présenté une nouvelle feuille de route que le Gouvernement souhaite engager au profit des territoires ruraux, dénommée France Ruralités à travers quatre axes : Villages d'Avenir, la dotation biodiversité et aménités rurales, 50 mesures en faveur de la ruralité et une réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) qui arrivent à échéance au 31 décembre 2023.

Source : Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

3. L'ANCT : le levier de plusieurs programmes nationaux territorialisés

L'ANCT assure la coordination d'autres programmes nationaux territorialisés qui contribuent à la cohésion territoriale. D'ampleur inégale, certains de ces programmes sont aujourd'hui particulièrement identifiés dans les territoires. Pour certains d'entre eux, ils ne sont que partiellement financés sur le programme 112 mais le rapporteur spécial souhaite en souligner le caractère stratégique.

a) Le programme « Action Coeur de ville »

Lancé en décembre 2017, « Action Coeur de Ville » (ACV) est un programme national destiné à renforcer et développer l'attractivité des villes « moyennes », en faisant le choix d'investir prioritairement dans la revitalisation des centres-villes. Initialement destiné à mobiliser 5 milliards d'euros, le dispositif a été prorogé et a mobilisé depuis sa création environ 6 milliards d'euros, dont une petite partie provient du programme 112.

Budgétairement, le programme repose sur trois principaux contributeurs nationaux, à savoir le groupe Caisse des dépôts et consignations à travers la Banque des territoires (2,5 milliards d'euros investis depuis la création du programme), Action logement (2,2 milliards d'euros), l'Agence nationale de l'habitat (706 millions d'euros) et l'État, pour partie à travers le programme 112, pour 671 millions d'euros.

Dans cette perspective, le programme accompagne 222 territoires qui représentaient, au mois de mai 2023, 241 communes réparties sur une part importante du territoire comme l'illustre la carte suivante :

Répartition sur le territoire des communes bénéficiaires
du programme « action coeur de ville » (ACV)

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Du fait de ce dispositif, au premier trimestre 2023, on recensait 68 044 logements subventionnés par l'Anah, 194 362 logements ayant bénéficié de MaPrimeRenov ; 24 833 logements réhabilités ou construits ; 160 locaux commerciaux soutenus par un fonds de restructuration des locaux d'activités (FRLA).

La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Mme Dominique Faure a annoncé un acte 2 du programme ACV autour de quatre nouvelles priorités détaillées ci-après :

Les 4 priorités de l'acte 2 du programme action coeur de ville (ACV)

ü Accompagner les villes dans leur transition écologique ;

ü Conforter le socle de services, le vivier d'emplois et le rôle de centralité des villes moyennes pour l'ensemble de leur territoire ;

ü Revitaliser les villes moyennes dans un cadre de vie accueillant et inclusif ;

ü Accélérer le déploiement des actions, en apportant aux villes l'accompagnement nécessaire à la mise en oeuvre de projets transversaux plus complexes et des financements adaptés.

Source : Réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Prolongé jusqu'en 2026, le programme intègre désormais un dispositif dédié aux entrées de ville et portera une attention accrue aux quartiers autour des gares ferroviaires.

b) Le programme « Petites villes de demain »

Dans le prolongement du programme « Action coeur de ville », le programme « Petites villes de demain » (PVD), lancé le 1er octobre 2020, constitue une des mesures reprises dans le plan France Ruralités. Sur la période 2021-2026, 3 milliards d'euros sont prévus pour le programme, au travers de crédits de droit commun et de crédits du plan France « relance », dont 1,2 milliard d'euros, soit 40 %, avaient été, au 1er avril 2023, déjà engagés incluant 558 millions d'euros au titre des subventions à l'investissement pour des projets, 307 millions d'euros au titre de l'Anah, environ 155 millions au titre du « fonds friche » ou encore 63 millions d'euros issus de prêts accordés par la Banque des territoires.

Près de 1 600 communes de moins de 20 000 habitants sont ainsi accompagnées, principalement des communes de plus petite taille que pour le programme ACV mais ayant un rôle de centralité, réparties sur l'ensemble du territoire.

Répartition des communes bénéficiaires
du programme Petites villes de demain en 2023

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Ces deux programmes ACV et PVD s'appuient sur l'opération de revitalisation du territoire (ORT). L'ORT constitue pour schématiser leur outil juridique central. Créée par la loi n° 2018-1021 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique du 23 novembre 2018, dite loi Elan, l'ORT se matérialise par une convention permettant aux collectivités locales de mettre en oeuvre un projet de territoire dans les domaines urbain, économique et social, pour lutter prioritairement contre la dévitalisation des centres-villes. Au 1er avril 2023, 229 communes ACV et 467 communes PVD avaient signé une convention ORT. Le rapporteur spécial prête une attention particulière au rythme de signature de ces conventions qui sécurisent les démarches entreprises par les communes concernées dans le cadre de ces deux programmes.

c) Villages d'avenir

Le programme Villages d'avenir, vise à aider des communes rurales à réaliser leurs projets de développement à travers un accompagnement en ingénierie. Il vient compléter l'offre d'ingénierie déjà déployée par l'ANCT en zone rurale par exemple à travers les « petites villes de demain » ou le « volontariat territorial en administration ».

Il s'agit avant tout d'accompagner les communes dans la conception et la réalisation de leurs projets, en veillant à fluidifier les rapports avec les politiqués menées par l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient. Cet accompagnement se traduit par une diffusion des dispositifs et outils déjà mis en oeuvre par l'État et ses opérateurs, par les collectivités territoriales et par les acteurs privés présents sur le territoire. L'ANCT veille, dans la mise en oeuvre de ces projets, à la prise en compte par les communes concernée des objectifs de transition écologique.

Ce soutien se traduira notamment par le déploiement de 100 chefs de projet dans des communes ou groupements de communes rurales. À partir du 1er janvier 2024, ces chefs de projet seront mutualisés à l'échelle départementale et placés sous l'autorité des préfets qui pourront décider de leur localisation. Le programme sera décliné en lien avec les moyens d'ingénierie locaux existants au sein des services de l'État et des collectivités ou de leurs groupements. Plusieurs thèmes ont été identifiés comme prioritaires à ce stade sans que cette liste soit exhaustive : construction, réhabilitation et rénovation de logements, valorisation et réhabilitation du patrimoine culturel, organisation de l'offre de soins et d'initiatives « d'aller-vers »9(*) dans le domaine médical, etc.

Les communes éligibles au programme sont des communes rurales, au sens de la grille communale de densité de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)10(*), ou des « petites centralités » qui ne seraient pas déjà couvertes par d'autres dispositifs d'appui de l'ANCT. Ce sont donc bien des territoires ruraux, éprouvant des difficultés à mobiliser des capacités d'ingénierie, qui constituent la cible du dispositif « Villages d'avenir ».

Une fois entrées dans le programme, les communes bénéficiaires doivent arrêter une feuille de route pour la durée de leur accompagnement. Cette feuille de route permet d'identifier les projets prioritaires que la collectivité souhaite conduire pour son développement à 5 ans. Une instruction interministérielle a été adressée aux Préfets11(*) pour préciser les modalités pratiques de sélection des candidatures, désormais en cours et les modalités d'accompagnement des collectivités sélectionnées.

d) Fabrique de territoires

Pour accompagner et accélérer la dynamique de développement des tiers-lieux dans les territoires, en garantissant leur diversité et consolidant les projets existants, l'État a lancé, en 2019, un appel à manifestation d'intérêt (AMI) doté de 45 millions d'euros pour identifier 300 « fabriques de territoire », existantes ou en projet, dont 150 implantées en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et 150 dans les territoires ruraux.

Les tiers-lieux sont des espaces physiques dédiés au « faire ensemble » : il peut s'agit d'espaces de coworking, de micro-folies12(*), de campus connecté, d'atelier partagé, de fablab13(*), de garage solidaire14(*), de social place, de makerspace15(*) ou encore de friche culturelle qui contribuent à la vitalité des territoires. Ces lieux des transformations du travail, de la transition écologique ou encore de l'apprentissage, offrant convivialité et flexibilité, se sont développés avec la généralisation du numérique.

Les critères de sélection ont garanti une diversité des projets finalement retenus : agriculture partagée, médiation numérique, aide aux démarches administratives, fabrication - création et réparation, formation et enseignement, accès à la culture, etc. L'AMI a un succès important puisque, pour 300 lieux labellisés, ce sont plus de 1640 candidatures qui ont été reçues, dont 15 % environ sont issues de collectivités.

L'objectif de 300 Fabriques labellisées a été atteint dès la fin de l'année 2021. Les zones rurales ont été particulièrement ciblées, puisqu'une Fabrique sur trois est située dans des zones peu denses ou très peu denses au sens de la grille communale de densité de l'Insee, et une sur quatre dans des communes de moins de 2 000 habitants. Une attention particulière a été portée sur les départements ruraux ne comptant que peu de tiers-lieux (Ariège, Haute-Corse, Haute-Saône, Haute-Savoie, Cher, Corrèze, Indre-et-Loire, Pyrénées-Orientales, Vosges, Mayotte).

Chaque fabrique est financée par l'État à hauteur de 150 000 euros sur trois ans, à raison de 50 000 euros/an pendant trois ans, le temps pour ces structures de conforter leur équilibre économique, raison pour laquelle, en 2023, 7,1 millions d'euros sont inscrits au budget pour assurer ce soutien.

Au premier semestre 2023, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité a annoncé une nouvelle vague nationale de soutien à cette dynamique des tiers-lieux, spécifiquement réservée aux territoires ne comptant à ce jour aucun tiers-lieu labellisé : une liste des 80 lauréats a ainsi été annoncée le 9 novembre 202316(*).

e) Le programme « territoires d'industrie »

Lancé fin 2018 par le Premier Ministre, pour une durée initiale de 3 ans, et s'inscrivant dans une stratégie de tentative de reconquête industrielle du territoire, le programme « territoires d'industrie » (TI) a fait l'objet, en mai 2023, d'une annonce, par le Président de la République d'un renouvellement jusqu'en 2027.

Ce programme cherche à soutenir l'activité industrielle sur certains territoires, la formation et la mobilité des salariés, l'attractivité des métiers industriels et, dans la mesure du possible, la transition écologique des friches industrielles, ces sujets étant impactés par le débat sur le zéro artificialisation nette (ZAN).

127 sites labellisés TI, portant 1 800 projets, font l'objet d'un accompagnement prioritaire de l'État, en lien avec Business France, la Banque des Territoires et les collectivités territoriales concernées. Concrètement, des moyens sont mobilisés en ingénierie et en investissements par l'État et les opérateurs impliqués afin d'accompagner la reconversion de friches industrielles (en lien avec le Fonds Friches), de favoriser l'acquisition de foncier et d'immobilier d'entreprise et, à terme, de sécuriser des chaînes d'approvisionnement.

Ces 127 sites sont répartis sur 20 territoires17(*) dans le cadre d'un dispositif qualifié de « rebond industriel », pour lequel le programme 112 cofinance ainsi une cinquantaine de chefs de projets pour un total, à terme, de 4,2 millions d'euros ainsi que 6 millions d'euros de mesures d'ingénierie à travers l'ANCT18(*).

Le renouvellement du programme pour la période 2023-2027 a donné lieu à un appel à candidatures qui s'est clôturé le 22 septembre dernier et dont le processus de sélection se poursuit.

f) Volontariat territorial en administration

Dans le cadre de l'Agenda rural, le Gouvernement a annoncé la mise en place, en 2021, du volontariat territorial en administration (VTA), dispositif permettant par des contrats de mission pour de jeunes diplômés de niveau bac + 2 minimum d'effectuer une mission de 12 à 18 mois au service du développement des projets de territoires ruraux. Ce dispositif se poursuit dans le cadre de France Ruralités avec une enveloppe de 6 millions d'euros pour 2024. Le rapporteur spécial se réjouit de l'existence du dispositif tout en regrettant, comme l'an dernier, que le VTA ne puisse donner lieu à plus de 12 mois de financement, les plus petites collectivités n'ayant pas les moyens de compléter le financement.

g) Les Conseillers numériques

L'objectif des conseillers numériques est d'accompagner les usagers en difficulté avec le « numérique du quotidien », le plus souvent au travers d'ateliers collectifs d'initiation au numérique.

Pour financer le dispositif, 44 millions d'euros ont été ouverts en 2022 et reconduits en 2023. 41,8 millions d'euros seront ouverts en 2024, non sur le programme 112, mais sur des programmes différents, ce que déplore le rapporteur spécial car cela conduit à dissocier les financements des conseillers numériques et des Maisons France services auxquels une part importante des conseillers numériques est associée19(*).

Au 21 août 2023, 4 000 conseillers numériques étaient en cours de déploiement, dont 3 540 avaient reçu la formation adéquate, en poste au sein de 2 918 structures, dont 1 547 publiques soit 36 postes en moyenne par département, ayant contribué, en tout, à plus de 2,5 millions d'accompagnements.

Les thèmes d'accompagnement, très variables, selon l'âge et le statut des personnes accompagnées sont récapitulés dans le graphique qui suit :

Répartition des thèmes d'accompagnement
réalisés par les conseillers numériques

Source : Metabase du déploiement des conseillers numériques

4. La réussite indéniable du réseau France services justifie de franchir une nouvelle étape

Inscrit initialement comme une priorité de l'Agenda rural avec pour ambition de faciliter l'accès aux services publics pour tous les usagers, et repris depuis à travers France Ruralités, le réseau France Services qui porte les « maisons France services » (MFS), créé en 2019, résulte en partie de la structuration au niveau national d'initiatives locales antérieures.

Il s'agit d'un réseau de services publics mutualisés devant permettre aux usagers d'effectuer différentes démarches administratives dans un lieu unique vers lequel ils se rendent, ou qui vient à eux via les maisons France services mobiles, et au sein duquel ils bénéficient de l'aide de conseillers « France services » polyvalents.

a) La progressive extension du bouquet de services des MFS

Les maisons France services permettent aux usagers d'accéder à un bouquet de services du quotidien. Ils peuvent bénéficier, dans chaque structure, de l'accès à un socle minimal de 9 missions de services publics20(*). Ce socle minimal comprend La Poste, Pôle emploi, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice, et la direction générale des finances publiques.

Concrètement, les MSF ont été installées soit au sein de structures préexistantes (MSAP, bureau de poste, etc.) soit, le plus souvent, « créées » ex nihilo par les collectivités territoriales.

Parmi les 2 600 MFS en activité, 67 % sont gérées par une collectivité territoriale ou leur groupement, 15 % par La Poste, 13 % par une association locale ou un réseau d'association, 2 % par la MSA, 1 % par les sous-préfectures elles-mêmes et 2 % seulement résultent d'un co-portage entre plusieurs organismes21(*).

Au-delà de ce socle de services, les structures porteuses peuvent déployer des offres de services complémentaires, en fonction de besoins locaux.

Lors de l'audition par le rapporteur spécial du directeur général de l'ANCT, d'une part, et de la conseillère en charge des maisons France services au sein du cabinet du Ministre de la transformation et de la fonction publiques, M. Stanislas Guérini, d'autre part, l'existence d'un total de 2 600 maisons France services sur le territoire a été confirmé, incluant les structures fixes, 153 structures mobiles et 154 structures multi-sites, dont plus de 450 desservent les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), et 110 sont situées dans les outre-mer. Les maisons France Services accompagnent chaque mois un total de 800 000 démarches.

Répartition des maisons France services, en valeur absolue et en pourcentage,
sur le territoire national au 9 novembre 2023

Nombre de structures France Services par région

Auvergne-Rhône-Alpes

309

12 %

Bourgogne-Franche-Comté

220

8 %

Bretagne

122

5 %

Centre-Val de Loire

143

6 %

Corse

36

1 %

Grand Est

227

9 %

Guadeloupe

35

1 %

Guyane

23

1 %

Hauts-de-France

187

7 %

Île-de-France

166

6 %

La Réunion

28

1 %

Martinique

17

1 %

Mayotte

13

1 %

Normandie

160

6 %

Nouvelle-Aquitaine

327

13 %

Occitanie

315

12 %

Pays de la Loire

120

5 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur

150

6 %

Total général

2598

100 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

En outre, le rapporteur spécial a été informé de la labellisation d'ici la fin de l'année 2023, d'une centaine de structures supplémentaires. Au-delà de structures « classiques », le rapporteur spécial mentionne l'existence de certaines structures mobiles. Pour ne prendre qu'un exemple très parlant, il tient à porter à la connaissance des autres commissaires l'existence d'une maison France Services mobile sur pirogue, la « pirogue France services de l'Est guyanais » qui circule sur le Maroni de commune en commune.

Le rapporteur spécial constate que l'objectif de 2 600 Maisons France services, initialement fixé, est désormais atteint et sera même légèrement dépassé en fin d'année. Même si une phase de labellisation est encore en cours, le développement du dispositif repose désormais sur une nouvelle étape que le rapporteur spécial a eu l'occasion de présenter à l'issue d'une mission gouvernementale qu'il a conduite avec Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, députée de Seine-Maritime.

La Première ministre leur a, en effet, confié en février dernier une mission auprès du ministre de la transformation et de la fonction publiques, afin de se pencher, d'une part, sur l'amélioration continue de la qualité du service et, d'autre part, sur la politique d'» aller-vers » l'usager, pour lutter contre le non-recours aux droits, laquelle a abouti à un rapport comprenant 33 préconisations réparties autour de trois axes22(*).

Concernant, en premier lieu, le périmètre du bouquet de services proposé, le rapporteur spécial a eu l'occasion, dans le prolongement de la mission précitée, d'échanger longuement avec plusieurs organismes concernés pour aboutir à la conclusion que des extensions étaient nécessaires afin de couvrir davantage les besoins de services aujourd'hui non satisfaits.

Sa préconisation que soient intégrés au dispositif le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), le ministère de la transition écologique et des territoires, l'agence nationale d'amélioration de l'habitat, l'Agirc-Arcco, ou encore la fédération des particuliers employeurs a été partiellement entendue. Il se réjouit qu'une première étape soit franchie avec l'entrée, au 1er janvier prochain, de deux nouveaux opérateurs dans le dispositif: l'Anah et le ministère de la transition écologique.

À l'occasion du Comité de pilotage national France services qui s'est tenu le 27 juin 2023, la structuration d'un partenariat entre l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et le réseau France Services a en effet été annoncée d'ici au 1er janvier 2024. Ainsi, France Services sera prochainement en capacité de conseiller les particuliers dans leurs démarches administratives pour bénéficier des aides de type MaPrimeRénov' ou MaPrimeAdapt'. À cette même occasion a été annoncé un partenariat avec le ministère de la Transition énergétique afin que les conseillers France services puissent accompagner le déploiement du dispositif « chèque énergie » à compter du 1er janvier 2024.

De nouveaux opérateurs pourraient rejoindre le dispositif courant 2024 ou début 2025 : une concertation est par exemple engagée avec les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSAFF).

Au-delà de cette première application des recommandations développées par le rapporteur spécial, certains facteurs d'amélioration sur l'existant sont nécessaires.

Il préconise de généraliser les agendas partagés afin de garantir à l'usager la possibilité d'une prise de rendez-vous immédiate avec chaque partenaire pour les demandes complexes. Ces rendez-vous pourraient s'effectuer à la maison France services lors d'une permanence de l'opérateur, dans les locaux de l'opérateur ou en visioconférence, en fonction du type de demande et du souhait de l'usager. Il insiste sur la possibilité d'offrir dans chaque France services des rendez-vous en visioconférence, évitant des déplacements pour les usagers, parfois géographiquement éloignés des locaux des opérateurs. Cette offre apparaît d'autant plus indispensable que le nombre de permanences effectuées dans les locaux des France Services reste faible.

Le second axe que le rapporteur spécial suit tout particulièrement, également dans le prolongement de sa mission ministérielle, concerne les démarches engagées pour aller vers les usagers les plus en retrait des services publics. Cet objectif est partiellement atteint puisqu'environ 2 700 maisons France Services23(*) seront déployées d'ici la fin de l'année 2023, ce qui permettra à plus de 95 % des Français de disposer d'un point à moins de 20 minutes de chez eux.

Le rapporteur spécial préconise d'aller plus loin en offrant la possibilité d'une prise en charge pour une partie des usagers d'un service de transport individualisé vers les structures fixes, ou éventuellement vers les structures mobiles qui n'ont pas vocation à se déplacer à chaque domicile d'usager.

Dans les zones où l'offre de transport en commun est faible ou inexistante, un service de transport à la demande doit pouvoir répondre aux besoins de déplacement des personnes non motorisées ou âgées. C'est notamment le cas dans les zones rurales où ce type de transport souple et adapté pallie l'absence de transports en commun réguliers. Ces transports, qui existent déjà en partie lorsque les collectivités les subventionnent, doivent bénéficier d'un appui étatique pour pouvoir être généralisés dans les zones concernées.

b) Progressivement, un financement davantage à la hauteur de l'intérêt du dispositif

Le financement du réseau France Services suit différents canaux : des crédits sont alloués à l'animation du réseau départemental, tandis que depuis 2019, un financement forfaitaire, par MFS a été acté.

Initialement de 30 000 euros24(*), ce financement forfaitaire, répondant à l'une des principales préconisations formulées par votre rapporteur spécial25(*), sera progressivement porté à 50 000 euros, forfait qui s'appliquera à compter de 2026, en maintenant le principe d'un co-financement entre l'État et les opérateurs. Pour 2023, L'État a d'ores et déjà majoré sa participation de 5 000 euros pour 2023, portant ainsi à 35 000 euros le forfait par structure, à travers une revalorisation du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Alternativement, les opérateurs et l'État continueront de majorer, de 5 000 euros, leurs participations respectives en 2024, 2025 et 2026 pour atteindre le montant forfaitaire de 50 000 euros par structure. Cette hausse du montant forfaitaire est d'autant plus à souligner qu'elle s'accompagne d'une progression du nombre de maisons France services ouvertes.

C'est pourquoi l'enveloppe du FNADT sur le programme 112 passe de 36,3 millions d'euros à 55,7 millions d'euros, en AE comme en CP, dans le PLF 2024.

Une partie de l'abondement supplémentaire de la subvention pour charges de service public de l'ANCT (cf. supra) sera destinée à l'animation nationale du programme.

Il faut souligner, enfin, qu'une enveloppe de 7,6 millions d'euros est ouverte en PLF pour 2024, afin de majorer de 10 000 euros la dotation forfaitaire des MFS situées, au 1er janvier 2024, en zone de revitalisation rurale (ZRR)26(*). À ce stade, cette enveloppe demeure prospective puisque cette majoration devrait être adaptée, à compter du 1er juillet 2024 au nouveau zonage France Ruralités Revitalisation (FRR) prévu à l'article 7.

C. AU-DELÀ DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES, L'ATTRACTIVITÉ DES TERRITOIRES NÉCESSITE DES DÉPENSES FISCALES EFFICACES

1. Plusieurs dispositifs de zonage sont associés au programme 112

Formellement, 25 dépenses fiscales sont rattachées au programme 112 pour un montant total de 686 millions d'euros. Le rapporteur spécial note toutefois que parmi ces 25 dépenses fiscales rattachées, seules 14 concernent exclusivement les dispositifs pris sur le fondement du programme 112. Les 11 autres se rapportent à des exonérations ciblées sur le territoire de la Corse ou à des exonérations de droits et déductions d'actifs en matière de propriété immobilière.

L'objet des 14 dépenses fiscales relevant des missions exécutées au titre du programme 112 sont récapitulées dans le tableau infra.

Liste et nature des 14 dépenses fiscales
dont l'objet relève directement du programme 112

Numéro de la dépense fiscale

Nature de la dépense fiscale

Montant 2024 en millions d'euros

220104

Exonération d'impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) pour les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020

335

230602

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles qui se créent entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2020 dans les zones d'aide à finalité régionale ou qui se sont créées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine (ZRU)

67

230606

Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises qui exercent ou créent une activité dans les bassins d'emploi à redynamiser (BER)

5

530206

Exonération du droit budgétaire de 2 % de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce dans certaines zones prioritaires d'aménagement du territoire (ZRR-ZRU-Zones Franches Urbaines)

nc

230303

Majoration de la base de calcul des amortissements des immobilisations acquises au moyen de primes de développement régional, de développement artisanal ou d'aménagement du territoire (PAT)

1

230609

Exonération d'impôt sur les bénéfices dans les zones de développement prioritaire (ZDP) pour les entreprises créées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020

1

050112

Exonération des immeubles situés dans une zone de développement prioritaire (ZDP) et rattachés à un établissement implanté dans une ZDP pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

Inférieur à 0,5

050113

Exonération des immeubles situés dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural et rattachés à un établissement implanté dans une ZoRCoMiR pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

Inférieur à 0,5

090101

Exonération en faveur de certaines opérations réalisées dans les ZRR

Inférieur à 0,5

040101

Exonération en faveur des entreprises réalisant certaines opérations en ZRR pouvant ouvrir droit à une exonération de Contribution foncière des entreprises (CFE) en l'absence de délibération contraire d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale

1

040112

Exonération en faveur des établissements créés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 dans une zone de développement prioritaire (ZDP) pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

0

040113

Exonération en faveur des établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

0

090113

Exonération en faveur des établissements créés dans une zone de développement prioritaire

Inférieur à 0,5

090114

Exonération en faveur des établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural

Inférieur à 0,5

Source : Commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Ces diverses dépenses comprennent principalement des exonérations ou des réductions d'impôt associées au classement dans divers dispositifs de zonages, pour un montant total en 2024, si l'on tient compte des 25 dépenses fiscales, de 686 millions d'euros. Ce montant total des dépenses fiscales est en hausse de 1,33 % entre 2023 et 2024 et de 7,36 % sur la période 2018-2024. Ce montant inclut neuf dépenses fiscales sur des impôts locaux, toutefois prises en charge par l'État, et donc rattachées au programme 112, pour un total de 7 millions d'euros27(*).

Compte tenu de l'importance de ces montant, qui représentent plus du double des crédits budgétaires affectés au programme 112, le rapporteur spécial souligne qu'il lui semble indispensable d'assurer un suivi précis de ces coûts.

2. Une refonte en cours des zonages pour assurer l'efficience des dépenses fiscales afférentes

La question de l'efficience de ces dépenses fiscales liées aux dispositifs de zonage, dont une partie est portée par le programme 112, a conduit le Gouvernement à solliciter de quatre inspections générales28(*), par une lettre de mission du 13 janvier 2020, une évaluation des dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l'emploi dans les territoires.

L'évaluation conduite prête trois caractéristiques principales à ces dispositifs :

- une faible part des entreprises éligibles recourt effectivement au dispositif le plus couteux pour l'État, à savoir celui des ZRR ;

- les activités libérales, peu créatrices d'emploi, mais très au fait de l'existence de dispositifs d'exonération, sont les plus concernées. Le commerce ou l'industrie ne bénéficient que très peu de mécanismes pourtant initialement pensés pour eux ;

- l'absence d'harmonisation des paramètres des exonérations (conditions, durée, etc.) altère leur efficacité.

Tout en reconnaissant que ces points sont susceptibles de faire l'objet d'amélioration, le rapporteur spécial souligne, d'une part, qu'il ne partage pas l'intégralité des conclusions tirées par la mission sur l'inefficacité partielle de ces dépenses fiscales en matière de création d'entreprises, lesquelles ne peuvent être envisagées qu'à une échelle modeste sur les territoires concernées et, note d'autre part, l'attachement des élus locaux à ces dispositifs fiscaux dans les zones rurales.

Il note qu'une première initiative de rationalisation des zonages a été prise, en particulier pour harmoniser les dispositifs et leur durée de validité, au titre de la première partie du projet de loi de finances pour 2024 à travers son article 7 qui relève du rapporteur général.

La réforme portée à l'article 7 du présent PLF pour 2024 consisterait principalement à proroger jusqu'au 30 juin 2024 trois types de zonages avant d'envisager leur fusion au 1er juillet 2024 sous l'appellation de zones France Ruralités revitalisation (FRR) : les bassins d'emplois à redynamiser (BER), les zones de revitalisation rurales (ZRR) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMiR). Le tableau suivant récapitule les principales caractéristiques actuelles des trois types de zonages dont la fusion est envisagée :

Principales caractéristiques des zonages dont la fusion est envisagée

 

Bassins d'emploi à redynamiser (BER)

Zones de revitalisation rurale (ZRR)

Zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR)

Principaux fondements juridiques

3. bis de l'article 42 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006

Article 1465 A
du code général des impôts

Article 1464 G du code général des impôts

Collectivités concernées

Communes d'un même bassin

Communes d'un même EPCI

Communes

Critères d'éligibilité au dispositif des communes concernées

Taux de chômage supérieur de trois points au taux national

- Variation annuelle moyenne négative de la population entre les deux derniers recensements connus supérieure en valeur absolue à 0,15 %

- Variation annuelle moyenne négative de l'emploi total entre 2000 et 2004 supérieure en valeur absolue à 0,75 %

Densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCIFP métropolitains (ou déclin de sa population de 30 % ou plus sur les quatre dernières décennies)

- Revenu fiscal par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par EPCIFP métropolitain

Population municipale inférieure à 3 500 habitants

- Ne pas appartenir à une aire urbaine de plus de 10 000 emplois

- Avoir un nombre d'établissements exerçant une activité commerciale inférieur ou égal à dix

Critères d'éligibilité des entreprises au dispositif

Exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale (à l'exception des activités de crédit-bail mobilier, de location d'immeubles à usage d'habitation, ou agricole).

Extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique (ou reconversion dans le même type d'activités ou reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités)

Exercer une activité commerciale

Moins de onze salariés

CA annuel hors taxes inférieur à 2 millions d'euros (ou bilan inférieur à 2 millions d'euros)

Type de dispositif mobilisable

Exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités concernées (dans les vingt-trois mois suivant le début d'activité)

Exonération de cotisation foncière des entreprises

Exonération partielle ou totale de cotisation foncière des entreprises

Nombre de communes concernées

408 communes29(*)

17 720 communes30(*)

14 114 communes31(*)

Source : Commission des finances du Sénat

Le dispositif FRR comprendrait un niveau socle et un niveau « FRR + » donnant droit à davantage de soutien. Outre l'entrée de droit dans le dispositif, comprenant lui-même trois modalités d'accès, figure une possibilité de rattrapage d'autres communes.

Si elle aboutissait en l'état, cette réforme conduirait à ce qu'une partie des 17 720 communes actuellement classées en ZRR, dont le détail est donné par le tableau ci-après, n'intègre pas le nouveau dispositif des zones FRR. 

Nombre et catégories de communes classées en ZRR

Catégorie de communes

Nombre de
communes

Classées en ZRR

13 656

Sortantes en 2017 mais continuant à bénéficier des effets du classement depuis 2018

3 021

Classées en ZRR au titre de la baisse de population sur quatre décennies

12

Sortantes en 2017, classée en zone de montagne et continuant à bénéficier des effets du classement depuis 2017

994

Commun fusionnée bénéficiant en totalité des effets du classement car classée en zone de montagne

1

Partiellement classées en ZRR

28

Communes fusionnées bénéficiant partiellement des effets du classement depuis 2018

6

Communes fusionnées bénéficiant partiellement des effets du classement car partiellement classée en zone de montagne

2

Total

17 720

Source : réponses au questionnaire budgétaire

En effet, les projections laissent apparaitre que 7 851 communes devraient, au regard des nouveaux critères (densité et niveau de revenus), obtenir un classement en FRR socle, 2 481 communes devraient obtenir un classement en FRR+, tandis que 3 080 communes seraient considérées comme « rattrapables » pour le dispositif. Ce sont ainsi 10 332 communes qui seraient de droit en FRR (socle ou +) et 13 412 communes qui seraient, en tout, concernées ou potentiellement concernées.

Le rapporteur spécial sera très attentif aux évolutions de ces dispositifs compte tenu de l'importance des différents zonages pour les territoires ruraux : il considère que leur réforme doit être à la hauteur des ambitions du Gouvernement pour la ruralité.

II. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » : UN DISPOSITIF SOUPLE POUR HUIT ACTIONS TERRITORIALISÉES

Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE), créé en 2006, est composé de huit actions territorialisées répondant à des enjeux divers.

Pour 2024, ce périmètre n'évolue pas alors que la maquette du programme a été fortement affectée au cours des années précédentes, du fait de la création d'une action concernant les services d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna, de la clôture de celle portant sur le Marais poitevin, de l'élargissement de l'action 04 dorénavant intitulée « plans d'investissement pour la Corse » afin de porter le plan de transformation et d'investissement pour la Corse (PTIC) ou encore, de la création, lors du PLF 2023 d'une nouvelle action consacrée à la mise en oeuvre du plan de lutte contre les sargasses dans les Antilles, maintenue en 2024.

Le montant des crédits alloués au programme 162 en PLF pour 2024 diminue de 6,03 % en autorisation d'engagements et de 46,15 % en crédits de paiement. Cette diminution s'explique pour grande partie par l'achèvement progressif du plan d'investissement pour la Corse, et par la diminution des crédits alloués au plan littoral 21, même s'il faut souligner que chacune des 8 actions du programme voit ses moyens diminuer, en AE comme en CP, pour 2024 comme l'illustre le tableau suivant :

Autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme 162 par action (comparaison LFI 2023 - PLF 2024)

(en euros)

Action

Intitulé

LFI 2023

PLF 2024

Évolution LFI 2023-PLF 2024 (en valeur)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02

Eau - Agriculture en Bretagne

1 967 481

1 964 489

1 885 122

1 866 265

- 82 359

- 98 224

04

Plans d'investissement en Corse

50 000 000

30 652 138

47 907 005

3 787 563

- 2 092 995

- 26 864 575

08

Plan Chlordécone
en Martinique et Guadeloupe

4 450 000

4 450 000

4 263 723

4 227 500

- 186 277

- 222 500

09

Plan littoral 21

10 000 000

4 426 794

8 000 000

4 205 454

- 2 000 000

- 221 340

10

Fonds interministériel transformation de la Guyane

12 115 330

12 147 018

11 608 184

11 539 668

- 507 146

- 607 350

11

Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire

59 491

693 403

57 002

658 632

- 2 489

- 34 771

12

SIS Wallis et Futuna

2 158 091

2 158 025

2 067 544

2 049 874

- 90 547

- 108 151

13

Plan Sargasses II

5 070 000

5 070 000

4 857 770

4 816 500

- 212 230

- 253 500

Total

85 820 393

61 561 867

80 646 350

33 151 456

- 5 174 043

- 28 410 411

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

Pour schématiser, 85,8 millions d'euros avaient été ouverts en AE en 2023 contre 80,6 millions d'euros, au total, en 2024. Les deux actions « Plans d'investissement en Corse » et « Plan littoral 21 » précitées absorbent à elles seules 80 % de la diminution d'environ 5 millions d'euros des crédits en AE constatée en 2024.

Répartition des AE et des CP du programme 162
par action et par titre en 2024

Actions

PLF 2024

Total

Titre 3

Titre 5

Titre 6

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02- Bretagne

1 885 122

1 866 265

1 271 746

1 472 945

   

613 376

393 320

04- Corse

47 907 005

3 787 563

       

47 907 005

3 787 563

08- Chlordécone

4 263 723

4 227 500

2 284 000

2 412 200

   

1 979 723

1 815 300

09- Littoral 21

8 000 000

4 205 454

500 000

205 454

   

7 500 000

4 000 000

10- Guyane

11 608 184

11 539 668

   

2 178 491

2 139 239

9 429 693

9 400 429

11- Pays-de-la-Loire

57 002

658 732

       

57 002

658 732

12- SIS Wallis&Futuna

2 067 544

2 049 874

       

2 067 544

2 049 874

13- Plan Sargasses II

4 857 770

4 816 500

       

4 857 770

4 816 500

Total

80 646 350

33 151 556

4 055 746

4 090 599

2 178 491

2 139 239

74 412 113

26 921 718

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

La gestion de ces 8 actions repose sur un outil comptable spécifique, le programme des interventions territoriales de l'État (PITE), lequel regroupe des actions régionales de nature interministérielle et territorialisée, caractérisées par la nécessité d'une action rapide et concentrée de l'État. Il permet la mise à disposition des acteurs locaux d'une enveloppe budgétaire unique, elle-même financée par plusieurs programmes ministériels, qui ont vocation à concourir à la mise en oeuvre de l'action. Ce choix permet de bénéficier à la fois d'une souplesse dans la gestion de l'enveloppe budgétaire dédiée à chaque action et d'une réactivité accrue pour affecter, en cours d'année, les crédits aux priorités opérationnelles constatées en fonction de l'avancée des différentes mesures.

A. LE PITE, UN OUTIL BUDGÉTAIRE EFFICACE

1. Un programme permettant de mettre en avant des politiques publiques interministérielles et territorialisées

Le PITE présente deux caractéristiques qui le distinguent des autres programmes budgétaires :

- il se compose d'actions répondant à des enjeux locaux spécifiques, dont la mise en oeuvre est limitée à un périmètre géographique donné et non à une politique publique nationale ;

- il est financé par des contributions issues de programmes de différents ministères, rendus fongibles au niveau de chaque action. Le PITE a ainsi vocation à mutualiser des moyens consacrés par chaque ministère à la réalisation de l'action.

Ce programme représente un faible enjeu budgétaire en termes de montants de crédits. Il est toutefois pertinent pour répondre à certaines problématiques locales complexes, sur lesquelles l'État souhaite mettre l'accent.

En outre, le PITE présente l'avantage de constituer un effet levier pour les partenaires de l'État sur les politiques publiques concernées, la mobilisation financière de l'État entraînant généralement celle d'un certain nombre de co-financeurs.

Enfin, le PITE présente des avantages notables pour les gestionnaires, en leur offrant une grande souplesse de gestion, tandis qu'il garantit aux acteurs locaux une meilleure visibilité de l'engagement de l'État sur leur territoire, en complément de crédits de droit commun des ministères concernés par la politique publique en question.

2. Une programmation initiale à relativiser du fait du financement des principales actions par des transferts en cours de gestion

Comme chaque année, il faut souligner que la principale difficulté concernant l'exécution du programme 162 est l'importance des mouvements de crédits pour certaines actions, qui limitent la portée de la prévision en loi de finances initiale et aboutit à des sur ou sous-consommations artificielles.

Les modalités de gestion liées à ces transferts en gestion sont difficilement compréhensibles. Elles n'apportent aucune garantie, ni quant au montant qui sera in fine transféré en faveur du plan ni quant au calendrier de ce versement. Le rapporteur spécial en appelle depuis des années à un rebasage des crédits, ce permettrait de clarifier la gestion et de restaurer l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement, qui ne se prononce actuellement en loi de finances initiale que sur une minorité des crédits.

B. LES CRÉDITS DU PLAN D'INVESTISSEMENT POUR LA CORSE

L'action 04 « Plans d'investissement pour la Corse » porte des crédits destiné à répondre à certaines spécificités du territoire Corse. À titre principal, il s'agit de financer le plan de transformation et d'investissement de la Corse (PTIC) lequel comprend notamment un volet dédié au développement durable de l'île.

Sont également inscrits sur cette action des crédits correspondant aux dernières opérations du plan exceptionnel d'investissement (PEI). Le PEI en faveur de la Corse a été institué par l'article 53 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse et codifié à l'article L. 4425-28 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Il vise à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité » et à « résorber son déficit en équipements et en services collectifs ».

Par convention-cadre signée le 22 avril 2002, l'État et la collectivité territoriale de Corse ont fixé les grandes orientations et les masses financières du PEI dont le montant global a initialement été fixé à un peu moins de 2 milliards d'euros. La programmation des dernières opérations inscrites au PEI a été finalisée conformément aux dispositions de l'article 234 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). Les dernières opérations ont été engagées en 2022, tandis que les paiements interviendront jusqu'en 2026.

C'est la raison pour laquelle les dépenses engagées au titre de cette action ont vocation à se tarir progressivement.

Tout en s'interrogeant particulièrement sur les « spécificités » qui ont justifié, à l'origine, l'ouverture d'une telle action, au regard de l'existence de besoins et de contraintes tout à fait similaires sur le reste du territoire national, le rapporteur spécial constate qu'est observé pour 2024, en crédits de paiement, un rythme de décaissements particulièrement raisonnable, porté à 3,8 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 87 % par rapport à l'année précédente.

Sur le même exercice, 47 millions d'euros sont ouverts en AE pour financer, à terme, plusieurs investissements identifiés comme prioritaires. Il s'agira de développer divers aménagements urbains (téléphérique d'Ajaccio, port de Porto-Vecchio), de contribuer à la rénovation d'ouvrages historiques, comme la Citadelle de Calvi, de créer des équipements scolaires et sportifs. Enfin, est envisagé le financement d'études pour la préservation des fonds marins.

C. LE PLAN CHLORDÉCONE IV

L'action 08 « volet territorialisé du plan national d'action Chlordécone » finance, de manière transversale, les dispositifs destinés à tirer les conséquences de la pollution en Martinique et en Guadeloupe par la chlordécone, pesticide utilisé de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, alors même que son utilisation avait rapidement été interdite dans plusieurs pays dont les États-Unis, en raison de ses effets cancérigènes.

Ce pesticide, par l'ampleur de ses effets et sa persistance dans le temps, entraîne des conséquences terribles sur le plan sanitaire, environnemental, agricole, économique et social. Il contient une molécule toxique, très persistante dans les sols, susceptible de contaminer certaines denrées végétales ou animales ainsi que les milieux aquatiques.

La lutte contre cette pollution a fait l'objet d'un ensemble d'actions coordonnées, regroupées sous l'appellation « plan Chlordécone » dont l'action finance une partie du 4e volet sur la période 2021-2027.

Ce « plan Chlordécone IV (2021-2027) » est issu d'un processus de co-construction qui a associé les services de l'État, les collectivités territoriales, des associations et organisations professionnelles et a débouché sur une consultation publique. Il comporte six stratégies (communication, recherche, formation et éducation, santé, environnement et alimentation, santé et travail, et enfin stratégie socio-économique) dont cinq sont mises en oeuvre dans le cadre du PITE.

Sur la base des consultations publiques menées, et toujours dans le cadre des six stratégies précitées, sont régulièrement identifiés de nouveaux volets de mesures à développer. Ont ainsi été identifiés en 2023 quatre type de mesures qu'il conviendra de mettre en oeuvre :

• le financement d'une aide aux éleveurs de bovins pour sécuriser leur production à partir d'outils à leur disposition, comme des prises de sang prédictives du temps de décontamination avant abattage ;

• la prise en charge, de façon exceptionnelle et dérogatoire, du surcoût du traitement de l'eau potable des usines de production dont la ressource est impactée par la chlordécone ;

• la simplification de l'aide aux pêcheurs en opérant des déductions automatiques des contributions CGS-CRDS ;

• le doublement des financements sur la recherche et l'innovation à horizon 2030 pour la santé des femmes, la dépollution des sols et l'expérimentation en grandeur nature des découvertes des chercheurs.

Ces actions sont poursuivies pour 2024 à hauteur d'un peu plus de 4,2 millions d'euros, en AE comme en CP.

Ce plan a été envisagé de manière à tirer les conséquences de l'évaluation du précédent plan qui a fait apparaître plusieurs lacunes.

Les conclusions de la mission d'évaluation
du plan chlordécone III (2014-2020)

Cette mission a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales, au conseil général de l'environnement et du développement durable, au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et à l'inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche, qui a rendu son rapport en février 2020. Le bilan du plan III dressé par la mission est assez sévère.

Celle-ci conclut à d'importantes lacunes dans l'organisation du pilotage du plan, jugée « peu efficace » du fait de l'absence d'implication directe des trois ministères de l'agriculture et du développement durable et de la recherche, à la direction générale de la santé (DGS) et à la direction générale des outre-mer (DGOM).

En outre, le financement des 30 millions d'euros du plan pour les premières années (2014-2017) reposait sur une articulation avec des crédits européens. Mais, selon la mission, les collectivités territoriales gestionnaires des fonds structurels européens ne se sont pas senties engagées par un plan auquel elles n'avaient pas été associées.

La mission fait également le constat d'un état d'avancement très inégal des actions. Selon elle, « des actions aussi essentielles que la surveillance médicale des professionnels et anciens professionnels de la banane et la cartographie des sols n'ont pas ou ont été insuffisamment réalisées ».

Autre critique, le volet recherche du plan présente un bilan mitigé au regard des objectifs du plan : « en continuité des deux plans précédents avec des actions et des projets largement autonomes, sans réelles hiérarchie ni cohérence avec les autres actions du plan, sa conception apparaît déficiente ». La mission pointe en particulier une absence de clarté sur la gouvernance du plan, entraînant un manque d'efficacité du pilotage.

La mission recommande en conclusion de revoir en profondeur le pilotage du plan IV afin de créer une synergie entre toutes les parties prenantes. Le Gouvernement semble avoir entendu cette recommandation et met en avant la « co-construction » du plan IV avec l'ensemble des acteurs.

Source : Commission des finances du Sénat à partir des programmes annuels de performances

D. LE PLAN LITTORAL 21 EN OCCITANIE

La loi de finances pour 201832(*) a créé une nouvelle action « plan littoral 21 » au sein du PITE. Celle-ci a pour objectif de participer au financement du plan de reconversion du littoral de la région Occitanie à l'horizon 2050, défini conjointement par l'État et la région accompagnés de la Caisse des dépôts et consignations.

Ce plan cherche à revenir sur le vieillissement des stations touristiques, en rénovant les infrastructures, et à faire face aux conséquences du réchauffement climatique, dans le cadre de la stratégie nationale pour la mer et le littoral.

Le coût total prévisionnel du plan littoral 21 est estimé à près de 1 milliard d'euros, mobilisant des crédits de la région, d'une part, et de l'État, d'autre part, dont une partie seulement passe par le PITE, le reste étant financé par des crédits budgétaires de droit commun et des crédits européens.

Le plan littoral 21 bénéficiera en 2024 de financements en baisse de 20 % en AE par rapport à l'année précédente, soit 8 millions d'euros en AE. En CP, l'action serait moindre de 5 % soit 4,2 millions d'euros.

Le plan Littoral 21 finance trois types d'interventions : des études à caractère général et souvent prospectives, des études préalables à la réalisation de dossiers complexes, qui doivent également permettre de mettre en cohérence ces projets avec les objectifs du Plan Littoral 21, et la réalisation d'investissements entrant dans le plan d'aménagement du territoire littoral.

Les principaux projets portés par l'action concernent le développement et l'accompagnement de la filière halieutique, la valorisation de l'offre culturelle du littoral occitan, la connaissance des risques et la gestion de l'eau, le développement de la filière sportive en particulier concernant les sports de glisse, l'amélioration des ports de plaisance, la modernisation et le développement équilibré des stations littorales ou encore l'aménagement des voies de circulation douce le long de la côte.

Tout comme pour l'action 04 « Plans d'investissement pour la Corse », le rapporteur spécial, tout en reconnaissant l'efficacité des opérations menées, s'interroge sur les particularités qui justifient que le littoral occitan ait bénéficié d'un tel dispositif, au travers d'une action spécifique, même si l'on peut convenir du caractère contestable de l'aménagement littoral conduit par l'État dans les années 1960.

E. L'ACTION 02 « EAU ET AGRICULTURE EN BRETAGNE : DES CRÉDITS EN BAISSE QUI NE SIGNIFIENT PAS QUE CESSE LE COMBAT CONTRE LES ALGUES VERTES

La part « État » du financement de la lutte contre les algues vertes passe entièrement par l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne ». Il s'agit de l'action la plus ancienne du programme, inscrite depuis 2006. Initialement, cette action comporterait trois axes : un volet préventif visant à faire évoluer les pratiques et systèmes agricoles pour réduire les flux de nitrates dans les cours d'eau, un volet curatif axé sur la sécurité des personnes grâce au ramassage et au traitement des algues échouées sur les plages et un volet scientifique visant à renforcer la connaissance du phénomène.

L'action contribue au financement du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) mis en oeuvre pour la période 2010-2015, renouvelé pour la période 2017-2021, puis prolongé dans un contrat de plan État-Région de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV) 2021-2027.

Ce plan permet un suivi spécifique de la concentration moyenne des eaux en nitrates de plusieurs bassins versants dans huit baies prioritaires bretonnes. Il finance également des projets de territoire préventifs destinés à limiter les rejets d'azote dans l'environnement. L'État contribue à hauteur de 40 % au financement du PLAV, via le PITE. Il participe cependant de manière différenciée aux différents volets. Ce volet PLAV constitue formellement un axe qui est venu compléter les volets initiaux.

Après avoir été longtemps stable autour de 2 millions d'euros en AE comme en CP, les crédits sont en diminution de 4,19 % en AE et de 5 % en CP. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte du transfert en gestion de 5 millions d'euros effectué chaque année, soit deux tiers du montant de l'action.

Sur les exercices 2021 à 2024, les crédits (ouverts, consommés ou prévisionnels selon les cas) s'établissent ainsi en AE et en CP pour chacun des volets des différents axes :

Crédits consacrés à chacun des axes de l'action 02 du P162

(en euros)

 

2021

2022

2023 (état de la consommation des crédits fin juillet)

2024 (prévisions)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Axe 1

Recherche-développement

266 640

411 985

310 097

290 104

118 000

114 000

151 000

231 117

Initiatives innovantes

256 658

153 142

152 536

182 726

115 000

170 000

200 000

232 203

Mesures
agro-environnementales (MAE)

400 368

855 426

-

633 933

-

-

-

-

Axe 2

Connaissance des milieux

182 636

173 039

146 916

140 070

150 000

120 000

150 100

150 100

Fonctionnement de la police de l'eau

309 141-

287 258

287 207

272 263

231 000

146 000

276 000

275946

Contrôles renforcés

54 615

51 415

498 491

114 720

285 000

247 000

514 131

725 384

Police de l'eau-équipement

3 368

-

21 300

23 166

-

1 000

23 000

23 000

Police de l'eau-formation

6 367

9 367

26 699

21 715

-

5 000

27 500

27 500

Police ICPE-fonctionnement

35 609

36 957

18 235

19 290

6 000

6 000

14 200

14 200

Axe 3

Étude santé et environnement

100 000

100 000

130 000

130 000

130 000

104 000

130 000

130 000

Suivi et évaluation

120 707

116 610

39 178

979 33

30 000

37 000

56815

56815

Axe 5 PLAV

Ramassage algues

1 678 800

1 678 800

1 748 402

1 748 078

143 000

32 000

1 600 000

1 600 000

Analyse des reliquats

166 489

102 302

174 924

130 505

-

117 000

345628

336 253

Projets de territoires hors Agence de services et de paiement (ASP)

1 836 083

1 266 855

3 078 530

2 382 296

944 000

435 000

3 382872

2 873723

Projets de territoire - ASP

778 752

1 357 876

287 000

740 823

46 000

-

-

-

Fonctionnement du comité scientifique

656 500

264 350

-

88 950

-

-

13875

190 025

Total

6 852 733

6 865 382

6 919 515

7 016 572

2 198 000

1 534 000

6 885 122

6 865 265

Source : Commission des finances du sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial déplore la diminution des crédits ouverts sur cette action pour 2024. Certes, d'après les personnes auditionnées, les quantités d'algues ramassées ont été moins importantes, ce qui traduit une amélioration mais le rapporteur spécial la juge, à ce stade, conjoncturelle. En effet, l'année 2022, bien qu'ayant connu une prolifération précoce, en particulier dans les baies situées les plus à l'est (Saint-Brieuc et La Fresnaye) se situe en dessous de la moyenne du fait d'un été sec, peu propice à l'arrivée de nitrates en mer. En 2023, la prolifération a démarré très tardivement, notamment grâce aux conditions venteuses hivernales. Elle a cependant connu une augmentation sensible au début de l'été, et une hausse des algues observées s'est manifestée à partir de juillet.

Ces caractéristiques conjoncturelles ont conduit à une moindre prolifération des algues vertes en 2022 et 2023. Il est toutefois trop tôt pour en déduire que les opérations menées auraient durablement un effet.

Évolution des quantités d'algues vertes ramassées en Bretagne

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

La prudence dont le rapporteur spécial fait preuve émane des éléments collectés à l'occasion de plusieurs rapports de contrôle consacrés à cette action.

Le premier, présenté au printemps 2021, a débouché sur 23 recommandations33(*). Le deuxième, en février 2022, constitue un suivi précis de chacune de ces recommandations dans le contexte du lancement du troisième plan de lutte contre les algues vertes (PLAV 3)34(*).

Les constats formulés par la Cour des comptes, qui a également rendu un rapport sur la lutte contre les algues vertes, allaient dans le même sens que ceux émis par le rapporteur spécial35(*).

Des améliorations rapides ont été favorisées par les publications rapprochées et convergentes des rapports du Sénat et de la Cour des comptes sur le financement de la politique de lutte contre les algues vertes. Par la suite, plusieurs jugements du tribunal administratif de Rennes enjoignant à l'État de prendre des mesures supplémentaires sont allés dans le même sens36(*).

Ainsi, le rapporteur spécial avait notamment mis en avant de sévères lacunes du deuxième plan algues vertes. Le constat, alors que plusieurs de ses recommandations ont ensuite été adoptées par les services de l'État, demeure nuancé : des avancées ont été obtenues, mais elles ne sont pas suffisantes.

Au-delà de la question des moyens consacrés à l'action, le rapporteur spécial continue de plaider pour que soit mis en oeuvre un cadre normatif plus coercitif : les actions conduites, en matière agricole notamment, ne doivent pas se limiter aux seuls agriculteurs volontaires.

F. LE DERNIER EXERCICE EN 2024 DE L'ACTION « RECONQUÊTE DE LA QUALITÉ DES COURS D'EAU EN PAYS DE LA LOIRE »

Le contrat d'avenir des Pays de la Loire, signé le 8 février 2019 par le Premier ministre de l'époque et la présidente du conseil régional, fixe les priorités communes et acte plusieurs engagements étatiques de soutien au développement économique et territorial de la région, en particulier en matière de mobilités, de transition écologique et numérique des territoires ainsi que dans le domaine de l'économie de la connaissance.

L'action 11 comprend un axe dédié à l'accompagnement des maîtres d'ouvrage porteurs des actions de restauration des milieux aquatiques, un axe d'accompagnement de la transition agro-écologique des exploitations agricoles et un axe de renforcement des connaissances.

L'année 2024 est la dernière année d'exercice de l'action 11 qui s'éteindra au 31 décembre 2024. Au total depuis 2020, 4 371 599 euros ont été engagés et 2 349 046 euros payés au titre de la convention de 2020.

Pour 2024, sont ouverts 57 002 euros en AE et 658 732 euros en CP.

G. LE FONDS INTERMINISTÉRIEL POUR LA TRANSFORMATION DE LA GUYANE

L'action 10 traduit les engagements de l'État dans le cadre, d'une part, de l'application des accords de Cayenne du 21 avril 2017 et, d'autre part, de l'adoption du contrat de convergence et de transformation (CCT) pour la Guyane signé le 8 juillet 2019.

L'actuel contrat a pris fin le 31 décembre 2022. Un CCT de transition en 2023 a permis d'amorcer des projets qui doivent s'inscrire dans le futur CCT pour la période 2024-2027.

L'année 2024 marquera le début de l'exécution du nouveau contrat de convergence et de transformation (CCT). Il bénéficiera d'un total de 11,6 millions d'euros en AE et 11,53 millions d'euros en CP.

Le mandat de négociation a été transmis à la fin du mois de septembre 2023 au préfet de la Guyane par la DGOM qui pilote au niveau national le dispositif de négociation et de mise en oeuvre des CCT pour l'outre-mer.

Les contributions des différentes agences parties au CCT de la période antérieure via des fonds de concours (Office français de la biodiversité, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Agence de financement des infrastructures de transport de France) ainsi que de la collectivité territoriale de Guyane devront être précisées à l'occasion de la négociation qui vient de s'engager pour les années 2024 et suivantes.

H. LE TRANSFERT IMMINENT DU SERVICE D'INCENDIE ET DE SECOURS À WALLIS-ET-FUTUNA

En application de la loi statutaire37(*) du 29 juillet 1961, le service d'incendie et de secours de Wallis-et-Futuna relève de la compétence de l'État. Constitué de deux îles principales distantes de 250 kilomètres, l'archipel est exposé à des aléas naturels aux conséquences potentiellement très importantes. Sa capacité opératoire face à la survenance d'éventuels aléas est apparue insuffisante, en particulier au regard de son relatif isolement vis-à-vis du reste du territoire national.

L'action du PITE porte, depuis 2021, les crédits permettant à l'établissement public territorial « service d'incendie et de secours » d'assurer les interventions courantes et les missions de gestion des crises pour le territoire, dans l'attente d'une éventuelle révision du statut qui pourrait attribuer cette compétence à l'assemblée territoriale.

Une convention de délégation provisoire de compétence en matière d'incendie et de secours entre l'État et l'établissement public a ainsi été signée en janvier 2021. Celle-ci arrivera à échéance le 31 décembre prochain, nécessitant un avenant de prolongation. .

Le service d'incendie et de secours est composé de deux centres de secours mobilisant 29 sapeurs-pompiers professionnels ainsi qu'un agent chargé du secrétariat et de la comptabilité. Quelques sapeurs-pompiers volontaires, dont le nombre peut varier, complètent le dispositif opérationnel. Avec un peu plus de 2 millions d'euros en AE comme en CP prévus pour 2024, l'action 12 finance en premier lieu les charges de personnel à hauteur de 1,6 million d'euros, comprenant les vacations des sapeurs-pompiers volontaires ainsi que les charges liées à l'agent administratif, des charges à caractère général, tenant compte d'une délibération de l'Assemblée Territoriale qui a supprimé des exonérations de taxes pour le service d'incendie et de secours (200 000 euros) et enfin divers investissements comme l'achat d'un véhicule incendie à Futuna pour 330 000 euros.

I. LE PLAN SARGASSE II 

Au cours des dernières années, des échouages importants d'algues brunes dites sargasses ont eu lieu sur les côtes, de manière quasi-continue, dans les Antilles françaises. Ce phénomène n'est plus conjoncturel, mais est devenu pérenne et annuel au regard des conditions climatiques et des courants.

Comme dans les régions soumises à des échouages d'algues vertes, l'accumulation massive des algues sur les littoraux et leur putréfaction constituent des enjeux forts sur les plans sanitaires, économiques et environnementaux, conduisant à des situations de crise.

L'État a réagi dès 2014, et mettant en place des mesures de conseil et d'appui aux collectivités, un plan d'urgence au niveau local, puis un plan d'urgence au niveau national en 2018. Le plan Sargasse II comporte 26 mesures, réparties en cinq axes : action préventive, réponse opérationnelle, gouvernance, recherche-développement-innovation et coopération internationale.

La création d'une action destinée à gérer le plan Sargasses II a notamment pour objectif de financer la collecte et le traitement des algues et d'apporter un soutien aux collectivités territoriales.

La création d'une action PITE destinée à gérer le plan « Sargasses II », couvrant la période 2022-2025, a été actée lors d'une réunion interministérielle du 13 décembre 2021.

Il s'agit de passer d'une approche curative à une approche préventive, en allant chercher les sargasses en mer, ce qui implique de répondre au défi que constitue le stockage en travaillant sur la valorisation économique de ces algues

Le plan représente un budget annuel prévisionnel de 7,6 millions d'euros, mettant à contributions plusieurs programmes, dont 4,8 millions d'euros financés par le programme 162.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a retenu sept amendements portant sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Deux de ces modifications concernent le programme 112 :

- un amendement de nos collègues députés David Amiel et plusieurs de ses collègues, tendant à ouvrir 7 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », afin de soutenir financièrement les tiers lieux de production, aussi appelés manufactures de proximité ;

- deux amendements identiques de nos collègues députés Marina Ferrari et plusieurs de ses collègues, d'une part, et Joël Giraud et plusieurs de ses collègues, d'autre part, tendant à ouvrir 3 millions d'euros supplémentaires, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », afin de soutenir les projets du fonds de restructuration pour soutenir l'immobilier commercial et artisanal dans les territoires fragiles géré par l'ANCT.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires ».

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les crédits de la mission « Cohésion des territoires » et les articles 50 D et 50 E. MM. Jean-Baptiste Blanc et Bernard Delcros, rapporteurs spéciaux, vont présenter respectivement les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville », puis « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ».

Je salue également la présence de Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et de MM. Sébastien Fagnen et Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteurs pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville ». - Si notre avis devait être proportionné à l'évolution des crédits, la conclusion serait rapide : après des années de réduction ou de faible progression des crédits, résultant de mesures de régulation budgétaire sur les aides au logement, les crédits de la mission augmentent dans ce projet de loi de finances (PLF) de 1,3 milliard d'euros, pour atteindre 19,4 milliards d'euros. Les crédits de la rénovation énergétique des logements privés, transférés à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), passent de 369 millions d'euros en 2023 à 1,38 milliard d'euros en 2024. Sur le moyen terme, les crédits de la politique d'hébergement progressent de 120 à 150 millions d'euros chaque année.

Nous devons aller au-delà de ces effets d'affichage et examiner les résultats. Or, le constat est inquiétant. Concernant le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », la crise sanitaire a beau être derrière nous, le parc d'hébergement est maintenu à son niveau maximal de 203 000 places. L'accroissement du parc, qui compte 50 000 places de plus qu'il y a six ans, s'effectue surtout dans les formes d'hébergement dont il est le plus difficile de sortir vers un logement stable, comme les hôtels.

Le Gouvernement parle de plein emploi, mais l'Insee, de son côté, constate la progression de la pauvreté. Les personnels répondant au numéro d'urgence 115 peuvent en témoigner, car ils parviennent de moins en moins à trouver de solutions ; le nombre de demandes non pourvues explose.

Les crédits s'établissent à 2,9 milliards d'euros, mais ils sont systématiquement sous-estimés en loi de finances initiale (LFI). Nous l'avons encore vu la semaine dernière, avec une ouverture de crédits à hauteur de 239 millions d'euros pour tenir jusqu'à la fin de l'année 2023 ; le Gouvernement avait pourtant indiqué que ce programme serait budgétisé correctement dès le début de l'année.

Je ne m'étendrai pas sur le programme 109 « Aide à l'accès au logement », qui porte la majorité des crédits. En effet, l'aide de guichet ne connaît pas de réforme particulière cette année. Le coût prévu pour l'État s'élèvera à 13,9 milliards d'euros en 2024.

J'observe la diminution importante du montant global des prestations versées depuis 2017 - elle est de 18,1 % en euros constants -, résultat des mesures de restriction budgétaire prises par le Gouvernement, dont le coût est supporté à la fois par les bénéficiaires et par les bailleurs sociaux. En outre, je rappelle que le schéma de financement, voire l'existence même du Fonds national d'aide au logement (Fnal), devra être revu d'ici à l'an prochain, car l'affectation de la contribution des employeurs n'est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

J'en viens au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui porte le coeur de la politique du logement du Gouvernement. Les crédits prévus pour 2024 s'élèvent à 1,53 milliard d'euros, soit quasiment le double de ceux qui ont été ouverts dans la LFI pour 2023. Cela s'explique par le triplement de la subvention donnée à l'Anah pour la rénovation énergétique du parc de logements privés. Je ne peux qu'approuver l'accent mis sur la rénovation des logements ; le bâti est responsable de près de 30 % des émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie, et la tâche s'avère immense, avec un parc de 30 millions de logements en France.

Toutefois, on observe un effet d'affichage dans ces crédits, sachant que les objectifs du dispositif MaPrimeRénov' ne sont pas atteints et que des crédits sont annulés ; cela concerne surtout le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Surtout, une telle exclusivité donnée à la politique de rénovation, qui se traduit également par l'annonce d'un fonds de 1,2 milliard d'euros sur trois ans pour la rénovation des logements sociaux, montre que le Gouvernement passe à côté de la crise historique du secteur du logement.

Il s'agit d'une triple crise. Celle-ci concerne d'abord les habitants qui peinent à se loger. Les taux d'emprunt ont remonté brutalement depuis 2021, alors que les prix restent très élevés. Aujourd'hui, un acheteur peut acquérir 10 mètres carrés de moins qu'il y a deux ans.

C'est également une crise de l'offre. Si l'on regarde les autorisations de logement ou les lancements de chantier, les points bas des cycles précédents sont déjà dépassés, et aucun signe de redémarrage ne s'annonce. Les professionnels du secteur m'ont alerté : les permis de construire, les acquisitions de foncier sont au point mort, et il faudra peut-être plusieurs années pour qu'une amélioration de la conjoncture fasse vraiment repartir le secteur.

Enfin, il s'agit d'une crise du logement social. Pris lui aussi dans un niveau historiquement faible de production, limité dans ses capacités financières par la réduction de loyer de solidarité et par la hausse du taux du livret A, le logement social ne joue plus son rôle contra-cyclique qui lui permettait naguère de prendre le relais des promoteurs privés en cas de crise.

Face à cette situation, quelle est la politique du logement du Gouvernement ?

Les économistes réunis par la commission le 18 octobre dernier nous ont mis en garde : le logement est le grand absent de la politique du Gouvernement. Or, le manque de logement a un impact sur l'échec scolaire et l'insertion professionnelle ; il rend les recrutements plus difficiles et constitue un handicap majeur pour l'économie. Le Gouvernement reste en retrait sur cette question du logement, sans doute volontairement, voire idéologiquement.

On peut identifier plusieurs domaines qui témoignent de sa mauvaise compréhension des enjeux. Dans les mesures prises - ou non prises - par le Gouvernement, on voit bien une volonté de favoriser la location par rapport à la propriété individuelle. Dans un monde 2.0, tout le monde serait locataire afin de changer plus facilement de logement, et les propriétaires seraient des institutionnels, pas des particuliers. Or, les Français sont, à juste titre, attachés au modèle du propriétaire occupant, même et surtout en ayant des revenus modestes, car il s'agit d'une sécurité pour l'avenir. Il ne faut pas opposer propriété et location, mais favoriser la mobilité, y compris par les propriétaires. La fiscalité de l'acquisition peut être une piste ; en effet, celle-ci représente une part trop importante des prélèvements pesant sur le logement.

Autre présupposé du Gouvernement : le logement neuf doit être combattu, dans un pays où la démographie progresse moins qu'autrefois. Or, la société a changé, les familles se séparent et la population vieillit. Un logement qui accueillait 2,72 personnes en 1982, n'en accueille plus que 2,17 aujourd'hui. Il reste donc nécessaire d'accroître le parc de logements. La rénovation de logements anciens et la remise sur le marché de logements vacants sont nécessaires, mais cela ne suffira pas. Le logement neuf est accusé de tous les maux, notamment du péché d'artificialisation des sols ; cette vision manichéenne oublie que les modes de construction ont évolué, et que l'on peut bâtir des maisons individuelles beaucoup plus respectueuses qu'autrefois des sols et des continuités écologiques.

Toutefois, cela demande un travail au plus près des terrains, et c'est là un autre sous-entendu non assumé dans la politique du logement du Gouvernement, qui tente de diriger, d'orienter d'en haut une politique qui relève par nature du niveau local. Sous couvert de territorialisation, on définit des cathédrales normatives ; je pense notamment à la planification écologique ou au « zéro artificialisation nette » (ZAN). Les objectifs sont incontestables et ne peuvent être que partagés - préservation des sols, réduction de l'empreinte écologique des bâtiments -, sachant que les collectivités s'y sont engagées depuis déjà longtemps. Au lieu de leur dire comment faire alors qu'il n'a plus les moyens de faire lui-même, l'État devrait plutôt leur donner les moyens réglementaires et financiers pour mettre en oeuvre des politiques du logement et de l'urbanisme permettant de loger les populations tout en préservant les sols et les paysages.

Face au retard de l'État, il nous reviendra d'explorer ces pistes. Il faudra trouver des solutions de financement qui rendent attractives, au niveau local, les nouvelles pratiques de construction et d'aménagement. Ces solutions seront à la fois budgétaires et fiscales. Il conviendra de s'appuyer sur les établissements publics fonciers et de créer des foncières avec lesquelles les collectivités pourront construire des stratégies protégées des évolutions de court terme des marchés.

Enfin, le programme 147 « Politique de la ville » portera des crédits de 634 millions d'euros en 2024. La hausse s'élève à 37 millions d'euros et correspond à la contribution de l'État au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), qui passe de 15 à 50 millions d'euros. Pour l'essentiel, ce programme demeurera financé par Action Logement, qui l'a confirmé dans la nouvelle convention quinquennale conclue l'été dernier. Cela risque d'ailleurs de ne pas suffire ; selon les financements prévus à ce stade, un manque de trésorerie s'annoncerait pour les années 2025 à 2028.

Le programme 147 contribue aussi au financement des actions menées dans le cadre des contrats de ville. Ces contrats sont en attente de leur renouvellement, repoussé une nouvelle fois au premier trimestre de l'an prochain ; c'est pourquoi l'article 50 E du PLF prévoit une mesure transitoire pour assurer les financements dans l'intervalle.

Le montant global de ce budget ne suffit pas à le rendre acceptable. Il repose sur des présupposés qui me paraissent inquiétants et qui méconnaissent la réalité socio-démographique du pays, comme le rapport des Français au logement ; il mise tout sur la rénovation des logements avec des résultats mitigés, en oubliant la nécessité de satisfaire le besoin fondamental de logement et de trouver une solution à l'inexorable hausse des besoins et des coûts en hébergement d'urgence ; et il ne propose pas aux collectivités des perspectives pour faire face aux règles et normes qui leur sont imposées.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose donc, pour ce qui concerne les quatre programmes relatifs aux crédits du logement, de l'urbanisme, de l'hébergement et de la politique de la ville, de rejeter les crédits.

En outre, concernant les deux articles rattachés, je vous rappelle que le vote sur ces articles est indépendant de celui sur les crédits.

L'article 50 D tend à reporter d'un an l'actualisation des quartiers prioritaires de la politique de la ville en outre-mer, dont la définition a pris du retard, et à prendre des dispositions transitoires relatives aux contrats de ville pour assurer la continuité des paiements en attendant leur finalisation. Quant à l'article 50 E, il modifie les règles d'indexation de la réduction de loyer de solidarité (RLS) et stabilise son montant en 2024, conformément à un accord conclu avec le secteur du logement social en 2020. J'émets un avis favorable à ces deux articles.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ». - Le volet « politique des territoires » de la mission Cohésion des territoires comprend les programmes 112 et 162, pour un total de 468 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 371 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Il faut y ajouter plus de 700 millions d'euros au titre des dépenses fiscales portées par le programme 112, incluant notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR). Ces crédits, même faibles, produisent un effet de levier sur de nombreux financements qui ont un impact concret sur le développement local et sont rattachés à d'autres missions.

Concernant le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », les crédits s'élèvent à 387,9 millions d'euros en AE et 338,5 millions d'euros en CP, soit une hausse respective de 17,8 % et de 29 % par rapport à l'année dernière, même s'il convient de la relativiser au regard des montants concernés.

Les deux tiers du programme financent la politique de contractualisation de l'État, principalement au travers des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER) de fleuves et de massifs.

À l'exception des CPER de Corse et de Normandie, et des CPIER de la Loire, des Vosges et de la vallée de la Seine, tous les protocoles ont été signés, ce qui représente 28 milliards d'euros contractualisés par l'État, dont une petite partie repose sur le programme 112 au travers de la section locale du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

Le programme porte également dix pactes territoriaux, ainsi que deux contrats budgétairement en voie d'extinction : les contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) et les contrats de ruralité mis en place en 2017, auxquels ont succédé les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), portés par la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Le programme 112 intègre aussi la subvention pour charges de service public allouée à Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Celle-ci augmentera en 2024 d'environ 20 millions d'euros, pour atteindre 81,5 millions d'euros. Cette hausse abonde principalement les crédits consacrés à l'ingénierie des collectivités territoriales, qui sont doublés pour passer à 40 millions d'euros.

L'ANCT, au travers du plan France Ruralités lancé en juillet 2022, poursuit la coordination de nombreux programmes nationaux territorialisés : le programme Action coeur de ville (ACV), afin de renforcer l'attractivité des villes moyennes ; le programme Petites villes de demain, qui concerne aujourd'hui 1 600 communes de plus petite taille ayant un rôle de centralité ; le programme Villages d'avenir, qui vient d'être lancé, accompagnant les communes rurales en ingénierie dans leur stratégie de projets ; pour ce dernier programme, l'ANCT déploiera 100 chefs de projets dans les préfectures et sous-préfectures.

Parmi les autres programmes soutenus par l'ANCT, citons le programme Fabrique de territoires, qui aide à la mise en place de tiers lieux dans les territoires ; le programme Territoires d'industrie, qui a pour l'instant labellisé 127 sites industriels ; le programme Volontariat territorial en administration (VTA), qui finance des contrats de mission pour de jeunes diplômés sur des périodes de 12 à 18 mois, au service du développement des projets de territoires ruraux ; et enfin, le programme Conseillers numériques, qui accompagne les usagers en difficulté avec le numérique ; pour ce dernier programme, on compte environ 4 000 conseillers numériques.

Enfin, le programme 112 porte les maisons France Services (MFS), que celles-ci soient fixes ou mobiles, puisque les bus France Services fonctionnent également ; on trouve même une MSF sur pirogue en Guyane. Au total, on dénombre aujourd'hui 2 600 MSF, et 2 700 nouvelles structures sont prévues d'ici à la fin de l'année. Pour 2024, on observe une augmentation des crédits, liée à l'augmentation du nombre de maisons, qui passent de 51,6 à 55,7 millions d'euros.

Les MFS permettent l'accès à un bouquet de services de neuf opérateurs : La Poste, Pôle emploi, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), la Mutualité sociale agricole (MSA), le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice et la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Je me réjouis de retrouver dans ce budget pour 2024 la concrétisation de plusieurs recommandations formulées dans mon rapport, parmi lesquelles l'ouverture à de nouveaux opérateurs pour enrichir l'offre de services et couvrir des champs qui ne le seraient pas encore ; je pense, par exemple, au dispositif MaPrimeRénov' ou au chèque énergie. Dès le 1er janvier 2024, le ministère de la transition écologique et l'Anah entreront comme opérateurs ; et je souhaite que d'autres puissent les rejoindre en cours d'année, comme l'Agirc-Arrco, la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem) ou encore l'Urssaf.

On observe également des avancées concernant la formation et le référencement des conseillers de France Services. Il s'agissait, le plus souvent, de métiers nouveaux. Désormais, une fiche sera référencée dans le répertoire de la fonction publique, et la formation sera renforcée.

La contribution financière pour accompagner France Services augmente également ; elle est passée à 35 000 euros en 2023 et atteindra 40 000 euros par maison en 2024. Pour rappel, cette contribution est financée, à parts égales, par l'État et les opérateurs. J'ai proposé que le montant passe à 50 000 euros, ce qui représente la moitié du coût minimal d'une MSF.

Autre proposition : la mise en place, dans les territoires ruraux, de services de transport à la demande, afin de pouvoir déplacer les habitants des petites communes. Dans le programme France Ruralités, 90 millions d'euros sont prévus pour des opérations innovantes concernant la mobilité ; avec ces crédits, on pourrait financer une telle proposition.

Concernant le programme 162 « Interventions territoriales de l'État », le périmètre des huit actions territorialisées restera stable en 2024. Ce programme est composé d'actions répondant à des enjeux spécifiques, et rassemble des contributions issues de différents ministères. Comme chaque année, nous n'avons pas de visibilité sur les montants affectés au programme ; en 2021, les crédits votés en LFI représentaient seulement 15 % de l'enveloppe effective consacrée à ces actions.

À l'inverse du programme 112, les crédits alloués diminuent de 6 % en AE et de 46 % en CP. Parmi les huit actions de ce programme, le plan d'investissement pour la Corse, lancé en 2002 et qui arrive à échéance en 2026, connaît une diminution de 87 % de ses crédits par rapport à l'année précédente. Le plan Littoral 21, financé par l'État et la région Occitanie pour aider à la reconversion du littoral occitan, voit ses crédits baisser de 20 % en AE, pour atteindre 8 millions d'euros, et de 5 % en CP, soit 4,2 millions d'euros.

Les six autres actions connaissent une diminution plus mesurée de leurs crédits prévisionnels. Citons le volet territorialisé du plan national d'action Chlordécone, l'action Eau et agriculture en Bretagne, ouverte en 2006, ou encore l'action consacrée à la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire.

Le programme 162 finance également le fonds interministériel pour la transformation de la Guyane, le service d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna, ainsi que le plan Sargasses II, qui vise à passer d'une approche curative à une approche préventive, en collectant les algues sargasses en mer.

En conclusion, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits sur ces deux programmes. Concernant le vote sur l'ensemble de la mission, je me range à l'avis de Jean-Baptiste Blanc, dont la partie est financièrement la plus importante.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Je partage le bilan et les conclusions du rapporteur spécial sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». On observe un décalage entre le budget et les besoins exprimés sur le terrain.

Les populations ukrainiennes sont comptées parmi les personnes vulnérables. Pour de nombreuses associations, leur accueil a provoqué des difficultés ; je pense, en particulier, au système d'hébergement via l'intermédiation locative. Pour 2024, l'accueil des Ukrainiens n'apparaît toujours pas dans le budget. Les associations ayant avancé la trésorerie vont donc se retrouver, comme cette année, dans une situation d'incertitude.

Je compte déposer un amendement afin de sécuriser ces associations. L'action n° 4 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » du programme 135 étant abondamment pourvue cette année, avec une enveloppe globale de 1,2 milliard d'euros, je proposerai un transfert de crédits de 60 millions d'euros vers le programme 177.

M. Claude Raynal, président. - Madame Sollogoub, le fait d'être présidente du groupe d'amitié France-Ukraine ne doit pas être sans lien avec vos intentions...

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Le hasard fait bien les choses, puisque ce programme 177 concerne des sujets qui me tiennent à coeur.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Je partage les avis du rapporteur sur le programme « Politique de la ville », ainsi que sur les questions liées au logement ; sur les deux programmes portant ces éléments, j'émets un avis défavorable.

Concernant la politique de la ville, j'ai toujours, jusqu'à présent, émis un avis favorable à l'adoption des crédits. Cette année, l'augmentation du budget est principalement liée à un transfert de crédits vers l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Nous alertons depuis longtemps sur le fait que le décaissement de l'Anru risque de coûter cher à l'État. Par ailleurs, les programmes en cours subissent les coûts de l'inflation et de la construction, ce qui provoque une hausse des dépenses. Nous avons interrogé Mme Mialot, la directrice générale de l'Anru ; elle compte sur les opérations qui ne se réaliseront pas pour abonder celles qui sont en cours. À budget constant, dans les prochaines années, les CP de l'Anru risquent de phagocyter les crédits de la politique de la ville.

Je comprends que l'État fasse des choix ; le programme des cités éducatives, qui fonctionne bien, est généralisé ; et les bataillons de la prévention, de leur côté, même si je peux en comprendre les raisons, sont supprimés. Cependant, je déplore que ces deux budgets n'embrassent pas une vision plus globale, tenant compte des enjeux stratégiques, avec une planification à moyen terme.

Concernant le logement, les mêmes logiques sont à l'oeuvre. On instaure d'abord la réduction des aides personnelles au logement (APL), puis on se rend compte de l'erreur et on demande aux bailleurs sociaux de compenser cette réduction, sans se poser la question de l'impact sur la construction de logement. En effet, la RLS pénalise les fonds propres des bailleurs sociaux. Si l'on souhaite améliorer la construction du logement - les hébergements d'urgence, mais aussi les logements sociaux, les logements intermédiaires -, il convient d'agir en concertation et en activant tous les leviers. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui, et ce budget pour 2024 ne le permettra pas davantage.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Après la présentation du rapport sur l'aménagement numérique du territoire, notre commission a rendu un avis favorable à l'unanimité.

Dans ce rapport, on constate un important ralentissement du déploiement, notamment dans les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii). Chacun a en tête l'actualité récente et la sanction de 26 millions d'euros infligée par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) à Orange.

Les efforts déployés par les collectivités territoriales sont considérables. Le déploiement s'effectue à grande vitesse dans les zones de réseaux d'initiative publique (RIP). Dans les zones Amii, 3 millions de foyers seront raccordés d'ici à la fin de l'année 2023, alors que nous en avions recensé 6 millions en 2020.

Il s'agit également de mieux encadrer le mode Stoc - sous-traitance opérateur commercial - et les raccordements finaux. De nombreux usagers ont fait part de difficultés liées au raccordement avec, notamment, un nombre important de sous-traitants, jusqu'à huit ou neuf parfois, entre les opérateurs d'infrastructures et ceux de commercialisation. La fermeture du réseau cuivre d'ici à 2030 rend d'autant plus nécessaire l'encadrement des raccordements finaux, afin que nos concitoyens ne se retrouvent pas sans solution.

Ces dernières semaines, au regard des conditions météorologiques, s'est posée la question de la résilience des réseaux, notamment dans les départements ruraux où la fibre se déploie sur des réseaux aériens ; je pense notamment au département de la Manche, touché par la tempête Ciaran. La question de la sécurité des réseaux de télécommunication devient prégnante, et la Banque des territoires nous a particulièrement sensibilisés sur cette question lors des auditions, estimant entre 5 et 15 milliards d'euros le coût induit par l'enfouissement des réseaux afin d'assurer la sécurité des transmissions.

Un point d'alerte concerne les conseillers numériques France Services. Le montant des subventions, qui s'élevait à 50 000 euros sur deux ans, tombe à 42 500 euros sur trois ans. L'ANCT précise que le taux de renouvellement de ces contrats va s'élever à seulement 70 % ; il s'agit d'un transfert de charges insidieux, et les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de l'assumer, alors même que la demande ne fait que s'accentuer, notamment dans le cadre de la lutte contre l'illectronisme.

À la suite de ce rapport, un amendement a été déposé concernant Mayotte. Dans ce territoire, la couverture très haut débit n'est que de 40 % et la fibre n'est pas encore déployée. Les crédits affectés à ce déploiement s'élèvent à seulement 4,5 millions d'euros, quand il en faudrait 55 millions d'euros. L'amendement a été voté à l'unanimité, afin que le montant des crédits atteigne celui engagé dans d'autres territoires, comme la Guyane.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - La commission de l'aménagement et du territoire a émis un avis d'abstention à l'unanimité. Les crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) n'augmentent que de 1 % cette année. Dans un contexte d'inflation et de hausse des taux d'intérêt, cela complique les possibilités d'investissement des collectivités locales.

Le renforcement de l'ingénierie, dans le cadre du plan France Ruralités, ne pourra pas soutenir l'investissement local de façon efficace si, en parallèle, ces dotations d'investissement restent constantes. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de renforcer la lisibilité des politiques des territoires, et de développer notamment deux outils de soutien à la ruralité : les zones de revitalisation rurale et le programme national Ponts.

Le premier amendement déposé concerne les ZRR. Le second, quant à lui, s'oppose aux augmentations de crédits prévues pour Villages d'avenir et pour l'ANCT - respectivement 6 et 20 millions d'euros - afin de créer des postes d'ingénierie. Nous considérons qu'il est plus utile de soutenir l'investissement que d'augmenter systématiquement les crédits d'ingénierie ; in fine, plus personne ne se retrouve dans les différentes politiques publiques mises en place dans les territoires.

M. Jean-François Husson, rapporteur général- Les dispositifs portant sur la cohésion des territoires et le logement doivent répondre au double impératif de satisfaire les besoins des Français tout en tenant compte des demandes de territorialisation. À la lecture de tous ces dispositifs dédiés, je me demande si, par exemple, un état des lieux national a été effectué concernant les contrats de ruralité. Beaucoup de ces dispositifs ont été repris dans le cadre des pactes territoriaux de relance et de transition écologique (PTRTE).

Ma principale inquiétude porte sur le logement. Actuellement, tous les indicateurs sont au rouge. Si l'on observe l'ensemble du panorama, que l'on soit propriétaire, primo-accédant, locataire, bailleur privé ou public, ou encore occupant d'un logement intermédiaire, on n'entrevoit aucune lueur d'espoir. Ma question est donc la suivante : quels facteurs peuvent expliquer cette crise générale ? Faut-il déplorer les choix du passé ? La crise sanitaire a-t-elle été un accélérateur ? Si l'on mêle l'attrition des logements avec les besoins supplémentaires, les coûts du crédit et de la rénovation, la rareté du foncier, le constat est préoccupant. Une fois celui-ci établi, il convient de s'interroger sur les leviers à activer.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ma première question porte sur les aides au logement. De fortes économies ont été réalisées depuis six ans. Dans quelles proportions celles-ci ont-elles pesé sur les locataires ou sur les bailleurs sociaux ?

En observant l'évolution du parc d'hébergement d'urgence, on s'aperçoit que la structure de celui-ci se déforme peu à peu au profit des formules les plus immédiates. Peut-on séparer les données de l'Île-de-France de celles du reste de la France ? La situation de l'Île-de-France me semble problématique, notamment dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) avec certains hôtels qui changeront d'affectation.

M. Grégory Blanc. - En ce qui concerne le logement, nous devrons nous pencher en séance sur un sujet fondamental, relatif aux meublés de tourisme non classés et à leur fiscalité. À la veille des Jeux, des personnes s'apprêtent à louer de façon exceptionnelle leur logement. Ils gagneront des dizaines de milliers d'euros en quelques jours, mais paieront moins d'impôts que ceux qui font l'effort de louer à l'année ; il y a là quelque chose d'immoral.

Mes questions portent sur le programme 147 « Politique de la ville ». Nous avons observé des situations très préoccupantes de violence au mois de juillet, révélatrices d'une situation qui perdure. Ceux qui vivent dans ces quartiers sont confrontés en permanence à des problèmes, qui relèvent avant tout de l'absence d'humain. Ces territoires ont besoin de travailleurs qui facilitent la coordination entre les différents dispositifs mis en place par les collectivités et l'État ; c'est tout l'enjeu de la politique de la ville, dont l'absence d'évaluation constitue un réel problème.

Les bataillons de la prévention sont imparfaits depuis leur origine. Cependant, dans deux cités éducatives, j'ai pu observer leur apport. Sans ces travailleurs qui font le lien entre ce qui se passe à l'intérieur du collège et les associations qui sont à l'extérieur, les cités éducatives n'auraient pas aussi bien fonctionné. Certes, elles sont à parfaire et des crédits seront alloués à leur renforcement. Comment vous positionnez-vous sur ce sujet ?

J'en viens à la réfaction des taxes foncières dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. À l'origine, ce mécanisme visait à encourager les bailleurs à intervenir dans ces quartiers. Aujourd'hui, elles retombent la plupart du temps dans le budget général des bailleurs sociaux, même si certains jouent le jeu. Comment avez-vous travaillé sur ces questions avec le ministère ?

M. Marc Laménie. - Des liens existent-ils entre l'hébergement d'urgence prévu par le programme 177 et la problématique des violences intrafamiliales ?

S'agissant de la politique de la ville, quel montant est alloué chaque année aux cités éducatives ? Leur nombre progresse-t-il ?

J'en viens à la ruralité et aux MSF. Le dispositif rassemble aujourd'hui neuf opérateurs ; d'autres seront-ils associés ?

En ce qui concerne le programme 112, le FNADT soutient-il les projets menés par les communes et les intercommunalités ?

M. Michel Canévet. - Comme tous les intervenants précédents et les rapporteurs, je suis très préoccupé par la situation du logement, qui représente pourtant un facteur important d'insertion de nos concitoyens. S'agissant du logement social, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) et le regroupement des opérateurs HLM ont conduit à une réduction et à un arrêt de la production.

En Bretagne, la population est particulièrement attachée à l'accession à la propriété et les difficultés rencontrées en ce moment ont des répercussions sur l'ensemble du secteur locatif. Il est nécessaire d'agir en faveur de la primo-accession.

Concernant l'hébergement d'urgence, sachant que les crédits augmentent depuis 2012, comment expliquer qu'un très grand nombre de nos concitoyens soient dans la rue, sans solution de logement ? Cette situation semble incroyable.

Par ailleurs, les dispositifs Petites villes de demain et Villages d'avenir ont-ils du succès ? Aboutissent-ils à la mise en place de véritables politiques territoriales de développement ? Il semble qu'il soit possible, dans ces communes, de bénéficier d'une défiscalisation pour la réhabilitation des logements anciens. Combien d'opérations ont été menées ? Comment mieux dynamiser les centres-bourgs et les coeurs de ville ?

Enfin, s'agissant du programme « Interventions territoriales de l'État », une date de fin est-elle prévue pour les initiatives menées ou sont-elles systématiquement reconduites ?

M. Stéphane Sautarel. - La politique du logement connaît une panne à tous les niveaux. J'espère que le probable rejet des crédits - que je voterai - permettra d'enclencher un échange plus productif sur cette politique.

S'agissant du programme 112, nous nous réjouissons de l'accroissement des crédits d'ingénierie. Cependant, ceux-ci peuvent-ils ouvrir des perspectives quant aux moyens d'investissement ? À cet égard, je voudrais partager un témoignage. J'accueille un territoire d'industrie pilote, qui s'étend entre les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie. Ce qui est fléché dans le cadre du dispositif trouve des réponses plus favorables en termes d'investissement et d'accompagnement.

Enfin, je me félicite de la trajectoire du financement forfaitaire prévu pour les MSF, qui doit passer de 35 000 à 50 000 euros.

M. Christian Bilhac. - Sur le volet de la mission présenté par Bernard Delcros, je note que des efforts sont fournis, auxquels on ne peut être que favorable. Cependant, je mettrai un bémol s'agissant du déploiement des 100 chefs de projet. Les maires n'ont pas besoin d'études, de cabinets de conseil et de chefs de projet, mais de moyens.

Quant au logement, il traverse une crise, dont les causes sont multiples : réglementation de plus en plus draconienne, inflation, ZAN et situation catastrophique du secteur du bâtiment. Il faut renforcer le logement d'urgence, comme le logement social, et soutenir l'accession à propriété. Or le prêt à taux zéro (PTZ) est resserré et le nombre de logements diminue. Quand l'État prend en charge le coût du PTZ, il perçoit aussi des cotisations sociales, les impôts sur les sociétés et le revenu, ainsi que la TVA. Le coût du PTZ n'est-il pas inférieur à ce que son attribution génère comme recettes ? Je déplore que nous parlions toujours des dépenses et des recettes et que jamais l'État ne mette les deux en corrélation, comme un maire est tenu de le faire par la loi.

Mme Frédérique Espagnac. - Je m'associe à ce qui a été dit sur la question du logement et voudrais rappeler que celle-ci crée une tension sociale qui peut devenir explosive. Le retour à la violence d'une jeune génération qui a le sentiment de ne plus pouvoir se loger doit nous conduire à nous interroger.

Ensuite, la question de ce que rapporte à l'État le PTZ se pose effectivement.

Par ailleurs, je rappelle que la crise du logement a commencé bien avant que ne se pose la question du ZAN.

En ce qui concerne la location et la fiscalité, la question de l'avantage fiscal de la location à l'année pour les propriétaires est primordiale. Les dérives observées aujourd'hui à Paris sont présentes aussi en province, où se trouvent des sites olympiques. Elles ont des conséquences pour les habitants, notamment l'attrition des logements dans les zones tendues pour les locaux.

S'agissant du volet « politique des territoires », je salue les quelques avancées constatées. Cependant, si les programmes Petites villes de demain et Villages d'avenir étaient prometteurs, nous entendons les élus se demander comment les financer. Il s'agit d'un enjeu majeur : on ne peut pas décider de favoriser certains territoires sans leur donner ensuite les moyens d'agir.

Le dispositif Territoires d'industrie manque aussi de financements. On nous explique qu'une stratégie de réindustrialisation des territoires est à l'oeuvre, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Nous sommes favorables à ce volet, mais nous voterons contre l'adoption de l'ensemble des crédits de la mission.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'Ukraine, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 a ouvert des crédits sur le sujet.

Je partage les propos tenus par Viviane Artigalas et Grégory Blanc sur la politique de la ville. Les problèmes sont identifiés depuis le rapport de Jean-Louis Borloo sur la situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui a été mis de côté. Le comité interministériel des villes a été reporté plusieurs fois. Cette politique souffre effectivement de l'absence d'évaluation.

Je voudrais aussi revenir sur l'observation inquiétante livrée par Viviane Artigalas au sujet de l'audition de la directrice générale de l'Anru, Mme Mialot, qui compte sur le fait que des opérations ne se fassent pas pour pouvoir financer les suivantes. Nous apprenons aussi qu'il faut écrire une nouvelle « saison » de la politique de la ville, alors que nous ignorons comment financer celle qui s'achève.

Nous avons entendu la ministre Sabrina Agresti-Roubache, qui entend répondre à tous les problèmes par la territorialisation de la politique de la ville, mais avec quels moyens ? Elle évoque aussi un assouplissement des règles de zonage. Par ailleurs, je me permets de rappeler le débat que nous avons eu hier sur la planification, qui pose également problème. Territorialisation, planification, nouvelle saison de la politique de la ville : tout semble à redéfinir.

Nous avons indiqué certaines des causes de la crise du logement dans notre rapport. Cependant, si 1,5 milliard d'euros supplémentaires sont alloués à des sujets importants tels que la rénovation, on ne répond pas du tout à la crise historique que nous traversons. Ce qui s'est enclenché ressemble à un rejet de la propriété et du modèle pavillonnaire, alors qu'il reste un idéal pour nombre de nos concitoyens et que l'attractivité des territoires en dépend. C'est un modèle de société qui est menacé, pour en favoriser un autre, qui privilégie des salariés, locataires et mobiles.

De plus, le modèle du logement social est malmené. Le parc n'est pas assez étendu, les objectifs ne sont pas atteints et les chiffres ne correspondent pas aux besoins réels.

Lors de nos auditions, nous avons entendu que les grandes foncières devaient se substituer aux opérateurs existants et favoriser le logement intermédiaire, ce qui nous inquiète.

Nous avons besoin d'une évaluation de la fusion des organismes de logement social, prévue par la loi Élan, qui s'est accompagnée de la réduction de loyer de solidarité et d'une coupe des APL. Quel est l'impact ? Nous l'ignorons.

En ce qui concerne l'hébergement d'urgence, en 2022, 8 351 personnes se voyaient chaque jour refuser leur demande par le 115. Parmi ces demandes, 5 362 émanaient de personnes en famille et 2 822 d'enfants de moins de 18 ans. Par ailleurs, l'effet des JOP doit être appréhendé de façon sérieuse. Avec une certaine pudeur administrative, on nous parle de « délestage » dans les territoires, ce qui ne semble pas très humaniste. Comment un pays comme le nôtre peut accepter que 2 822 enfants dorment dehors ?

S'agissant du PTZ, l'État sort sans doute gagnant. À cet égard, la non-éligibilité du modèle pavillonnaire hors des secteurs tendus montre aussi que nous nous orientons vers un certain type de société.

J'en viens au sujet de la location de meublés et de la fiscalité. La mise en place d'une mission parlementaire a été annoncée, mais j'espère qu'une vraie discussion aura lieu dans le cadre de l'examen du PLF pour 2024.

Concernant les cités éducatives, on passe de 78 millions en 2023 à 106 millions en 2024.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Nous avions défendu les contrats de ruralité, nous avions même voté une proposition de loi sur ce sujet en 2015, l'idée étant que l'État doit contractualiser à l'échelle locale. Signés pour quatre ans, ce qui nous donnait de la visibilité, ces contrats ont été une réussite : 481 contrats ont été signés, contre 200 prévus. Mais ils n'ont pas été reconduits sous cette forme et ont été remplacés par les CRTE, qui n'offrent malheureusement pas la même visibilité financière.

Sur les MSF, on compte aujourd'hui neuf partenaires, qui seront rejoints au 1er janvier prochain par le ministère de la transition écologique et l'Anah. Je défends cependant l'idée que d'autres doivent y participer comme l'Agirc-Arcco, l'Urssaf, la Fepem, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous), car il faut aussi les publics jeunes. Intégrer de nouveaux opérateurs prend du temps, mais on avance.

Je confirme que le FNADT est aussi dédié aux intercommunalités. Il finance de l'investissement et de l'immatériel, notamment au travers du soutien en ingénierie, des MSF et il participe aussi à la subvention pour charges de service public, qui passe de 60 millions d'euros à 80 millions d'euros.

Le programme Villages d'avenir vise à répondre aux besoins des communes, avec l'ingénierie uniquement. Le soutien à l'ingénierie est nécessaire : les villes moyennes ont des services qui leur permettent de répondre aux appels à projets, d'être opérationnels, mais c'est plus compliqué dans les petites communes qui ne disposent que d'une secrétaire de mairie à mi-temps. Aujourd'hui, il existe plusieurs formes d'ingénierie. L'ingénierie interne consiste en un soutien financier de l'État à des chefs de projet recrutés dans des collectivités dans le cadre du programme Petites villes de demain. Au niveau externe, lorsqu'un territoire a besoin par exemple d'une étude, il peut, grâce à ce dispositif, recourir aux services d'un bureau d'étude identifié au niveau national. Enfin, des emplois d'État - une centaine - dans les préfectures et les sous-préfectures seront dédiés à l'accompagnement les petites communes.

Sur la défiscalisation, le dispositif Pinel arrive à échéance, mais le dispositif Denormandie pour l'Action Coeur de ville, permet de défiscaliser la réalisation de logements pour des particuliers. Grâce au programme PVD, cette défiscalisation est étendue aux opérations de revitalisation de territoire (ORT) à l'échelle du territoire. Ce dispositif sera maintenu en 2024, mais il faudra être vigilant dans les prochains PLF.

Lorsqu'une action est signée dans le cadre du programme « Interventions territoriales de l'État », il y a bien une date de début et une date de fin. Certaines actions se sont terminées récemment.

Concernant les moyens d'investissement, si l'on donne la priorité aux PVD dans le cadre de la DETR, les territoires qui n'en font pas partie ne pourront plus bénéficier de la DETR pour leurs travaux. En ingénierie, il ne me semble pas nécessaire d'aller plus loin. En revanche, la question des investissements se pose pour les programmes PVD ou Villages d'avenir. Par exemple, le FNADT, qui permet une certaine souplesse, pourrait être cet outil d'accompagnement de l'investissement. Il a été menacé de disparaître, il est pourtant un bon instrument qu'il vaut mieux renforcer que supprimer.

Le PTZ pourrait aussi inclure le foncier bâti dans les recettes. Mais quand des économies ou des dépenses sont réalisées, il faudrait examiner leur impact.

Les 3 milliards d'euros prévus aujourd'hui pour les PVD sont des crédits de droit commun.

M. Claude Raynal, président. - Quel est votre avis sur la mission ?

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - J'émets un avis favorable sur les programmes 112 et 162, mais je comprends qu'un avis défavorable puisse être émis sur le reste de la mission.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. - Je maintiens mon avis défavorable sur les crédits de cette mission.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 50 D

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 50 D.

Article 50 E

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 50 E.

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de M. Stanislas GUÉRINI, Ministre de la transformation et de la fonction publiques

- M. Boris MAZEAU, conseiller parlementaire ;

- Mme Maëlle RENÉE, conseillère Fonction publique territoriale, France Services, affaires internationales et européennes.

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

- M. Stéphane BRUNOT, adjoint à la directrice générale ;

- Mme Fabienne STOLL, cheffe du bureau des affaires financières et budgétaires.

Sous-direction de l'administration territoriale de l'État (SDATE) de la Direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT)

- M. Pierre MOLAGER, sous-directeur ;

- Mme Blandine GEORJON, adjointe au sous-directeur.

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

- M. Stanislas BOURRON, directeur général.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Éléments fournis dans les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 2 Date d'audition de la DGCL par le rapporteur spécial.

* 3 Trois pactes sont désormais considérés comme éteints : le contrat de développement territorial pour Calais et le Calaisis, signé en 2015 pour renforcer l'attractivité d'un territoire marqué par la crise migratoire, le contrat de développement territorial de l'Amiénois, de 2017, conclu à la suite de la fermeture de l'usine Whirlpool et le contrat d'accompagnement à la redynamisation de Châlons-en-Champagne conclu suite à l'annonce, en 2014, de la dissolution du 1er Régiment d'Artillerie de Marine (RAMa), de l'état-major de la 1ère Brigade mécanisée (BM) et de sa compagnie de commandement et des transmissions.

* 4 GM&S était une entreprise spécialisée dans l'emboutissage et l'assemblage de pièces pour l'industrie automobile.

* 5 Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 6 Cf. Rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 6, volume 2, de M. Bernard Delcros, déposé le 17 novembre 2022 sur le projet de loi de finances pour 2023 : Cohésion des territoires - Aménagement des territoires.

* 7 Ce doublement des délégués territoriaux répond à la préconisation faite par plusieurs structures sénatoriales, en particulier la délégation aux collectivités territoriales (cf supra).

* 8 Rapport d'information n° 313 (2022-2023), de M Charles Guené et Mme Céline Brulin, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, intitulé « ANCT : se mettre au diapason des élus locaux ! », déposé le 2 février 2023 consultable par le présent lien.

* 9 C'est-à-dire de transporter le corps médical vers le patient.

* 10 Un village est une commune de moins de 2 000 habitants au sens de l'Insee.

* 11 Cette instruction interministérielle est disponible sur le site Internet de Légifrance et accessible par le présent lien.

* 12 Une micro-folie est une plateforme culturelle qui intègre un musée numérique au coeur d'un équipement déjà existant.

* 13 Un fablab est un lieu ouvert à des personnes pour les aider à formaliser un projet au stade de prototype.

* 14 Il s'agit d'un garage participatif - ou garage associatif- qui permet de réparer soi-même, ou de faire réparer, son véhicule à moindre coût.

* 15 Il s'agit d'un atelier de fabrication numérique.

* 16 Cette liste est consultable en ligne sur le site du ministère et accessible par le présent lien.

* 17 Situés sur le Bassin Minier des Hauts-de-France, à Rodez, à Decazeville, dans l'Yonne, la Nièvre, la Creuse, le Haut-Jura, à Châteauroux, Issoudun, etc.

* 18 Toutefois, l'essentiel des crédits provient du plan France 2030 ainsi que du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires qui ne relèvent pas du présent programme.

* 19 Ces crédits ont d'abord été ouverts sur le programme 349 « Transformation publique », et non sur le présent programme 112, et doivent, de surcroît, être transposés vers le programme 343 « Plan France Très haut débit » dans le PLF pour 2024.

* 20 Un dixième opérateur pressenti en septembre 2020, l'Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO) n'a finalement pas rejoint le dispositif.

* 21 Ces éléments issus des réponses au questionnaire budgétaire ont été confirmés lors des auditions.

* 22 Le rapport de Bernard Delcros et Marie-Agnès Poussier-Winsback « France Services, une nouvelle étape vers un « service universel » » remis en juin 2023 est consultable sur ce lien.

* 23 Le cabinet du ministre de la transformation et de la fonction publiques.

* 24 Ce montant est financé différemment selon qu'il s'agit de structures postales (26 000 euros venant du fonds postal national de péréquation territoriale et 4 000 euros provenant du fonds national France Services) ou de structures non postales (15 000 euros provenant des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire et 15 000 euros du fonds national France Services).

* 25 Rapport d'information n° 778 (2021-2022) sur le premier bilan du financement des maisons France services fait par M. Bernard DELCROS au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2022.

* 26 Le dispositif des ZRR étant parallèlement prorogé jusqu'au 30 juin 2024 par l'article 7 du projet de loi de finances pour 2024.

* 27 Pour le détail quant à ces 7 millions d'euros, se reporter utilement au projet annuel de performances de la mission « cohésion des territoires », annexé au projet de loi de finances pour 2024 (cf. pages 163 et 164).

* 28 Cette inspection a été conduite par l'Inspection générale des finances (IGF), l'Inspection générale de l'administration (IGA), l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).

* 29 D'après le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi et décret n° 2018-550 du 29 juin 2018 modifiant le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi.

* 30 17 937 d'après l'arrêté du 22 février 2018 modifiant l'arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale et 17 720 d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, probablement en raison du mouvement de fusion de communes.

* 31 D'après l'arrêté du 16 octobre 2020 constatant le classement de communes en zone de revitalisation des commerces en milieu rural.

* 32 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 33 Algues vertes en Bretagne : de la nécessité d'une ambition plus forte, rapport d'information de M. Bernard Delcros n° 633, fait au nom de la commission des finances, mai 2021.

* 34 Suivi des recommandations du rapport Algues vertes en Bretagne : de la nécessité d'une ambition plus forte, Rapport d'information de M. Bernard Delcros, fait au nom de la commission des finances, n° 466 (2021-2022) - 9 février 2022.

* 35 La politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, Cour des comptes, juillet 2021.

* 36 Depuis juin 2021 le TA de Rennes a enjoint à plusieurs reprises à l'État d'agir : les deux derniers jugements, en date du 18 juillet 2023, ont notamment invité l'État à compléter son programme régional d'actions contre les algues vertes, jugé insuffisant.

* 37 Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.

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