TITRE III : COMPLÉTER ET AJUSTER LES MOYENS ADMINISTRATIFS ET LE CADRE PÉNAL POUR LUTTER PLUS EFFICACEMENT CONTRE LE TERRORISME

CHAPITRE IER : RENFORCER LES MOYENS D'ENQUÊTE
ET DE SURVEILLANCE À DISPOSITION
DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

Article 6
Allégement de la procédure d'autorisation d'achat de fournitures
dans le cadre d'enquêtes sous pseudonyme

L'article 6 tire les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel d'une disposition de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur qui visait à dispenser d'autorisation les achats ou transmissions de produits licites dans le cadre d'enquêtes réalisées sous pseudonyme sur des infractions commises en ligne. La commission a adopté l'article 6 mais, afin de garantir sa sécurité juridique, a, à l'initiative du rapporteur, substitué au dispositif d'autorisation générale ex post prévu par l'article 6, un assouplissement de la procédure ex ante actuelle applicable aux seuls produits licites. L'autorisation délivrée par le magistrat serait valable 48 heures et s'appliquerait à l'ensemble des opérations effectuées portant sur une ou plusieurs catégories de produits déterminées.

1. L'état du droit : une lourdeur de la procédure d'autorisation des achats ou transmissions de produits sous pseudonyme qui pénalise les enquêteurs

1.1. L'infiltration sous pseudonyme, une technique d'enquête numérique qui s'est progressivement généralisée

L'infiltration sous pseudonyme est une technique d'enquête numérique utilisée pour constater et recueillir les preuves d'infractions commises en ligne. Elle a initialement été créée par l'article 35 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui l'a autorisé dans le cadre des enquêtes portant sur des faits de traitre des êtres humains, de proxénétisme et d'atteinte aux mineurs. Le législateur a par la suite progressivement étendu ses cas d'usages12(*) aux faits, par exemple, d'apologie du terrorisme13(*) ou aux infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisée14(*), avant de la généraliser en 201915(*) à l'ensemble des crimes et des délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par la voie des communications électroniques.

Concrètement, l'enquête sous pseudonyme relève d'une « cyber-infiltration » par des enquêteurs travaillant sous une identité d'emprunt, qui est le « pendant numérique de la technique d'infiltration prévue aux articles 706-81 et suivants du code pénal »16(*). Elle est régie par l'article 230-46 du code de procédure pénale qui prévoit sa mise en oeuvre, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient, par des officiers ou des agents de police judiciaire appartenant à un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin. Sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d'instruction, ces derniers peuvent échanger par voie électronique avec les personnes susceptibles d'être les auteurs des infractions visées (1°) et extraire ou conserver des données susceptibles de les confondre (2°). Ils peuvent également, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi des faits et sous réserve que ces actes ne constituent pas une incitation à commettre ces infractions :

- acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service ou transmettre tout contenu en réponse à une demande expresse (3°) ;

- mettre à la disposition de personnes susceptibles d'être les auteurs des infractions visées des moyens juridiques ou financiers ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication en vue de la transmission ou de la vente par lesdites personnes de contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite (4°). Cette dernière catégorie a été introduite par l'article 10 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) afin de « compléter la palette des outils à la disposition des enquêteurs et de renforcer l'efficacité de leurs investigations »17(*).

1.2. Des lourdeurs procédurales qui complexifient la mise en oeuvre de certains actes d'enquêtes sous pseudonymes

L'enquête sous pseudonyme est un outil particulièrement précieux de la lutte contre les infractions commises dans l'espace numérique. François-Noël Buffet et Yves Détraigne la décrivait ainsi en 2019 dans leur rapport précité comme un « moyen efficace de lutter contre les crimes et délits commis sur internet. Qu'il s'agisse de la vente de drogue ou d'armes sur le dark web ou de la vente de biens volés sur des plateformes en ligne, cette technique facilite l'identification des auteurs et la collecte d'éléments de preuve ». Pour autant, certaines lourdeurs procédurales complexifient aujourd'hui singulièrement sa mise en oeuvre et limitent son efficacité.

C'est principalement le cas s'agissant des actes d'acquisition ou de transmission de produits visés par le 3° de l'article 230-46 du code de procédure pénale précité et qui concernent le plus souvent du matériel informatique et de téléphonie, des armes légales ainsi que des prestations d'hôtellerie. Le temps nécessaire à l'obtention par les enquêteurs de l'autorisation préalable par le procureur de la République ou le juge d'instruction révèle en effet régulièrement leur qualité aux personnes suspectées d'infraction avec lesquelles ils sont en contact.

Ce constat a conduit le législateur, sur l'initiative du rapporteur pour la commission des lois de l'Assemblée nationale, à prévoir à l'article 10 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) une dispense d'autorisation pour les cas où les produits concernés étaient licite. L'objet de l'amendement précisait ainsi que « le dispositif actuel, insuffisamment souple, ne correspondait pas au temps des investigations judiciaires dans le cadre d'une cyber-infiltration qui exige une réactivité du service qui en a la charge »18(*). Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé « qu'eu égard à la nature particulière et aux conditions de réalisation de ces actes d'enquête »19(*), une telle dispense privait de garanties légales le droit à un procès équitable et a censuré le dispositif, laissant de facto persister ces importantes difficultés opérationnelles.

2. L'article 6 : une procédure d'autorisation ex post de portée générale

Tirant les conséquences de cette censure par le Conseil constitutionnel, l'article 6 propose de soumettre, lorsque les nécessités de l'enquête l'exigent et par une demande spécialement motivée, l'acquisition ou la transmission de produits dans le cadre d'une enquête sous pseudonyme à une autorisation ex post sous quarante-huit heures du magistrat chargé de la direction de l'enquête. Contrairement au dispositif issu de la LOPMI, l'article 6 s'applique en outre indifféremment aux produits licites et illicites.

3. La position de la commission : maintenir une procédure d'autorisation ex ante mais en assouplir les modalités pour les acquisitions ou transmissions de produits licites

La commission partage sans réserve l'objectif d'assouplissement de la procédure d'autorisation de certains actes d'enquête sous pseudonyme. Elle a toutefois estimé que la conformité à la Constitution du dispositif d'autorisation ex post proposé ne pouvait être garantie avec certitude, notamment en ce qu'il s'applique indifféremment aux produits licites et illicites. Comme l'a rappelé la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur au cours des travaux du rapporteur, l'introduction d'un tel mécanisme dans la procédure pénale serait en outre inédit et pourrait, en mettant le magistrat chargé des investigations devant le fait accompli, le priver de ses prérogatives de direction de l'enquête.

À l'initiative du rapporteur, la commission a en conséquence adopté un amendement COM-8 maintenant le caractère obligatoire d'une autorisation judiciaire préalable pour l'ensemble des opérations d'acquisition ou de transmission effectuées sous pseudonyme, tout en aménageant les modalités de sa délivrance lorsque les produits concernés sont licites. Ladite autorisation serait délivrée sur demande motivée et pour une durée maximale de quarante-huit heures ; elle s'appliquerait à l'ensemble des opérations effectuées pendant cette durée et portant sur une ou plusieurs catégories de produits exclusivement licites dont la liste serait déterminée par décret en Conseil d'État. Sans remettre en cause le droit à un procès équitable, cet assouplissement de la procédure d'autorisation facilitera le travail des enquêteurs infiltrant sous pseudonyme des réseaux terroristes ou mafieux dont l'efficacité pâtît aujourd'hui fortement des délais nécessaires à son obtention.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
Interdiction de paraitre dans les transports
en commun dans le cadre des MICAS

La commission a, à l'initiative du rapporteur, substitué à la rédaction de la proposition de loi, superfétatoire, visant à introduire un régime d'interdiction de paraitre dans les transports en commun dans le cadre des MICAS, une nouvelle mesure administrative autonome d'interdiction de paraitre pour les grands évènements, dans la perspective de grands évènements à venir, en particulier les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

L'article 7 de la proposition de loi tend à introduire dans le régime de l'interdiction de paraître déjà susceptible d'être prononcée dans le cadre d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) une faculté d'interdire à un individu de paraître dans les transports en commun.

Depuis la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement du 30 juillet 2021, dite « PATR », il est désormais possible, dans ce cadre et sous réserve des garanties applicables à la protection de la vie professionnelle et familiale de l'intéressé, d'imposer à la fois une interdiction de déplacement en dehors d'un périmètre déterminé et une interdiction de paraître dans un lieu déterminé.

Dès lors, d'un constat partagé avec la DLPAJ, le rapporteur a considéré que la notion de « lieu déterminé » permet une lecture extensive des lieux susceptibles d'être visés par la mesure et qu'en l'état de la rédaction, les dispositions de l'article 7 de la proposition de loi étaient superfétatoires.

Le régime des MICAS

Introduits par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi « SILT », les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure définissent le régime des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS).

Les MICAS permettent au ministre de l'intérieur, aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, de soumettre des personnes à plusieurs obligations afin d'en faciliter la surveillance. Deux critères doivent être réunis pour pouvoir mettre en oeuvre cette mesure à l'encontre d'une personne : il doit, d'une part, exister des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public et cette personne doit, d'autre part, soit entrer en relation de manière habituelle avec des personnes ou organisation incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutenir, diffuser ou adhérer à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

La MICAS est prononcée par le ministre de l'intérieur pour une durée de trois mois, renouvelables dans la limite d'une durée cumulée de douze mois. Des éléments nouveaux et complémentaires sont nécessaires pour renouveler la mesure au-delà d'une durée de six mois.

Les mesures susceptibles d'être prononcées à l'encontre de ces personnes se rangent en trois blocs d'obligations et interdictions respectivement prévues aux articles L. 228-2 et L. 228-3 (« premier bloc » de MICAS), L. 228-4 (« deuxième bloc ») et L. 228-5 (« troisième bloc »).

Initialement conçus comme des mesures alternatives, le contenu des mesures susceptibles de s'appliquer dans les deux premiers blocs a été modifié par la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement du 30 juillet 2021.

? Pour mémoire, le premier bloc de MICAS contient les obligations et interdictions les plus contraignantes pour la personne qui en fait l'objet.

Elles consistent, en substance, en :

l'interdiction de se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune (1° de l'article L. 228-2, qui aménage ainsi sous une forme assouplie le régime de l'assignation à résidence prévu dans le cadre de l'état d'urgence, puisqu'il ne peut en aucun cas s'agir ici d'obliger l'intéressé à rester à son domicile pendant une partie de la journée) ;

l'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour (2° de l'article L. 228-2), sauf si la personne, qui fait par ailleurs l'objet de la mesure prévue au 1°, consent à être placée sous surveillance électronique mobile (article L. 228-34) ;

l'obligation de déclarer son domicile et tout changement de lieu d'habitation (3° de l'article L. 228-2).

? Le deuxième bloc d'obligations et interdictions contient des mesures de surveillance moins contraignantes pour la personne qui en fait l'objet. Ces mesures n'ont d'ailleurs vocation à s'appliquer que si le ministre de l'intérieur estime qu'il n'y a pas lieu de faire application du premier bloc de MICAS.

L'article L. 228-4 prévoit à ce titre que la personne peut se voir imposer, le cas échéant cumulativement :

l'obligation de déclarer son domicile et tout changement en la matière (1°) ;

l'obligation de signaler ses déplacements à l'extérieur d'un périmètre déterminé, qui ne peut être plus restreint que le territoire de la commune de son domicile (2°) ;

l'interdiction de paraître dans un lieu déterminé ne pouvant inclure son domicile (3°). Il est alors prévu que cette obligation tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne intéressée.

? En complément ou à la place des obligations et interdictions prévues au titre des deux premiers blocs de MICAS, l'article L. 228-5 du CSI prévoit que le ministre de l'intérieur peut imposer à la personne de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique.

Pour autant, les services du ministère de l'intérieur ont fait état d'un besoin opérationnel, en particulier dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, de disposer d'une mesure administrative, aux seules fins de lutte contre le terrorisme, permettant d'interdire de paraitre, pendant toute la durée de ce type d'évènement, en certains lieux particulièrement exposés, sans pour autant soumettre l'individu concerné au régime particulièrement attentatoire aux libertés individuelles prévue par la Micas.

La commission a, en conséquence, à l'initiative du rapporteur substitué à la rédaction de la proposition de loi, superfétatoire, visant à introduire un régime d'interdiction de paraitre dans les transports en commun dans le cadre des MICAS, une nouvelle mesure administrative complètement autonome du régime de la MICAS d'interdiction de paraitre pour les grands évènements.

Plus précisément, cette mesure vise à permettre à l'autorité administrative d'interdire à une personne de paraître dans un ou plusieurs lieux accueillant des évènements exposés, par leur ampleur ou par leurs circonstances particulières, à un risque de menace terroriste, le cas échéant associé à une obligation de pointage, dont le non-respect serait sanctionné d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

En l'état du droit, l'autorité administrative ne peut prononcer à l'encontre d'une personne présentant une menace de nature terroriste, une interdiction de paraître dans certains lieux que dans le cadre d'une Micas. Or la commission a considéré que ce régime, compte tenu de la rigueur des mesures auxquelles les personnes sont astreintes, pouvait être disproportionné par rapport aux seuls besoins de protection d'un évènement de courte durée.

Compte tenu de l'atteinte plus faible qu'une telle mesure emporte sur les libertés individuelles - en particulier celle d'aller et de venir - que celles résultant d'une Micas, le rapporteur a estimé possible, tout en conservant pour seule finalité la prévention des actes de terrorisme, d'assouplir les critères permettant à l'autorité administrative de la prononcer en retenant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre et la sécurité publics.

En contrepartie, la mesure étant destinée à être ponctuelle à l'inverse d'une Micas, il a estimé que son prononcé serait plus restreint dans le temps et l'espace qu'une Micas, en ce qu'elle serait limitée aux lieux déterminés dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste - l'on pense en particulier à de grands évènements sportifs, culturels ou politiques - et limitée à la durée des évènements, dans un délai maximum de deux mois - là où les Micas sont prononcés pour a minima trois mois.

En outre, il ne serait pas possible de cumuler une telle mesure avec une Micas ou une interdiction de stade, lorsque ces deux dernières mesures permettent déjà d'atteindre l'interdiction de paraitre visée.

Ainsi, l'économie générale de la mesure, plus circonscrite que s'agissant des obligations susceptibles d'être imposées au titre d'une MICAS, apparait répondre à l'ensemble des exigences fixées par le Conseil constitutionnel en la matière.

Au surplus, son prononcé étant décorrélée d'une Micas, une telle mesure revêtirait, aux yeux des acteurs auditionnés par le rapporteur, un intérêt opérationnel majeur : elle pourrait être prononcée à l'encontre d'individus ayant déjà fait l'objet d'une Micas pendant une année mais qui dont il demeure des éléments permettant d'établir leur dangerosité ou leur intention de commettre des actes terroristes à l'occasion de grands évènements.

En conséquence, la commission a adopté, l'amendement COM-11 du rapporteur modifiant l'article 7 en ce sens.

La commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé.

Article 7 bis (nouveau)
Introduction du caractère suspensif de l'appel interjeté
par le ministère de l'intérieur à l'encontre du jugement d'annulation
du renouvellement d'une Micas

Pour répondre aux difficultés observées lorsque certaines décisions d'annulation de renouvellement des Micas sont réformées, la commission a souhaité, par l'adoption d'un amendement du rapporteur portant création d'un article additionnel, rendre suspensif l'appel interjeté par le ministère de l'intérieur à l'encontre de ce jugement d'annulation.

Auditionnés par le rapporteur, les services du ministère de l'intérieur ont fait état de difficultés dans le suivi d'une personne radicalisée à l'encontre de laquelle une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (Micas) aurait été prononcée, tenant au caractère non-suspensif de l'appel interjeté à l'encontre d'une décision d'annulation de ce renouvellement.

En effet, prévu par l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, le régime du renouvellement d'une Micas est particulièrement strict, eu égard à la rigueur de cette mesure ainsi. Il est prévu qu'une telle mesure soit notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur, celle-ci disposant alors d'un délai de quarante-huit heures pour saisir le tribunal administratif aux fins d'annulation de sa demande - tribunal qui se prononce dans un délai de soixante-douze heures. Lorsque le tribunal administratif annule la mesure de renouvellement, la surveillance de l'intéressé prend fin, y compris lorsque le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel du jugement. Dans certains cas, il a été observé que la personne préalablement surveillée disparaissait, empêchant, en cas de réformation de la décision de première instance, le renouvellement effectif de la mesure de surveillance.

C'est pourquoi, la commission a souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-12 du rapporteur, prévoir que l'appel formé par le ministre de l'intérieur contre un jugement d'annulation d'un renouvellement d'une Micas entraîne de plein droit la prolongation des effets de la mesure initiale, afin d'éviter une rupture dans la surveillance de la personne concernée, et ceci jusqu'à ce que le juge d'appel se soit prononcé - et ce, dans un délai réduit dérogatoire au droit commun et qui serait fixé à soixante-douze heures.

La commission a adopté l'article 7 bis ainsi rédigé.

Article 7 ter (nouveau)
Harmonisation des voies de recours contre les décisions de saisie
et d'exploitation des données dans le cadre d'une visite domiciliaire

Afin de corriger une malfaçon de la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, dite « PATR », la commission a introduit, à l'initiative du rapporteur, un article additionnel prévoyant explicitement une voie de recours à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) de refus d'exploitation de documents et données saisies dans le cadre d'une visite domiciliaire.

1. Les visites domiciliaires obéissent à une procédure complexe visant à garantir les droits et libertés individuelles

La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi « SILT », a intégré dans le droit commun, à titre expérimental, une mesure inspirée des perquisitions administratives possibles pendant l'état d'urgence : les visites domiciliaires. Celle-ci a, par la suite, été pérennisée par la loi la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, dite « PATR ».

Le caractère attentatoire aux libertés individuelles de la mesure de visite domiciliaire a justifié l'encadrement du dispositif par une série de garanties se traduisant par une procédure complexe l'application de telles mesures.

Ainsi en application de l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, la visite doit être autorisée par l'autorité judiciaire - le préfet ne disposant que d'un pouvoir d'initiative. Il revient en effet au juge des libertés et de la détention (JLD), sur saisine motivée du préfet, d'autoriser la visite, par une ordonnance écrite et motivée prise après avis du procureur de la République antiterroriste, et de vérifier, par ce moyen l'adéquation entre les motifs particulièrement restrictifs prévus par le législateur pour ordonner une visite domiciliaire et la demande ainsi formulée.

De surcroit, les facultés de saisies ouvertes aux enquêteurs à l'occasion des visites domiciliaires sont largement encadrées par la loi. Ainsi, s'il est possible, en application de l'article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, de saisir tout document, objet ou donnée à cette occasion, ce n'est qu'avec l'autorisation du JLD. Cette saisie ne peut être autorisée qu'aux fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, et uniquement si la visite a révélé l'existence d'un lien entre ces données et la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics que constitue le comportement de la personne concernée.

Une fois la visite terminée, l'exploitation des documents et données est soumise à l'autorisation du juge de la liberté et de la détention, qui statue dans un délai de 48 heures. En cas de refus, les données copiées sont détruites et les supports saisis sont rendus à leur propriétaire. En cas d'autorisation, les supports saisis sont rendus à leur propriétaire à l'issue d'un délai maximal de quinze jours. Les copies des données sont détruites à l'issu d'un délai maximal de trois mois.

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point, le Conseil constitutionnel a indiqué que, contrairement à la saisie des données et des supports informatiques et équipements terminaux qu'il a jugées conformes à la Constitution, le législateur n'avait pas entouré la saisie de documents et d'objet, de règles encadrant leur exploitation, leur conservation et leur restitution et que, par conséquent, les dispositions concernées méconnaissaient le droit de propriété20(*).

2. Un vide juridique nécessitant d'être comblé quant aux voies de recours contre la décision de refus d'exploitation de documents et données saisies dans le cadre d'une visite domiciliaire

Le rapporteur a été alerté, lors de ses auditions, sur un vide juridique particulièrement dommageable tenant à l'absence de voie de recours clairement édictée par le législateur à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) du refus d'exploitation de documents informatiques et données saisies dans le cadre d'une visite domiciliaire.

S'il est explicitement prévu que l'ordonnance autorisant l'exploitation des documents et données saisis peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel pendant un délai de quarante heures aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, il n'est pas, en revanche, prévu de possibilité d'appel de la part du ministère de l'intérieur dans l'hypothèse inverse où le JLD refuserait d'autoriser le préfet à exploiter les données saisies.

La commission a donc, à l'initiative de son rapporteur, unifié le régime (voies et délais) d'appel pour l'ensemble des ordonnances, qu'elles autorisent ou refusent l'exploitation des données saisies lors d'une visite domiciliaire (amendement COM-9).

La commission a adopté l'article 7 ter ainsi modifié.

Article 7 quater (nouveau)
Renforcement des informations communiquées aux préfets du lieu d'hospitalisation et du lieu domicile
sur la prise en charge d'une personne radicalisée hospitalisée
sans son consentement

La commission a souhaité, par l'introduction d'un article 7 quater, corriger une malfaçon de la loi du 30 juillet 2021 dite « PATR » en renforçant les informations communiquées quant à la prise en charge d'une personne radicalisée hospitalisée sans son consentement aux préfets du lieu d'hospitalisation et du lieu domicile. Elle a considéré qu'eu égard aux besoins opérationnels de la lutte contre le terrorisme, il était indispensable que l'ensemble des services de renseignement comme les préfets du lieu d'hospitalisation et de domicile puissent se voir communiquer les informations relatives à la prise en charge médicale sans leur consentement des personnes radicalisées et à son évolution.

Déjà consacré par le code de la santé publique en matière d'hospitalisation sans consentement, le rôle du préfet du département d'hospitalisation a été récemment renforcé à l'occasion de l'examen de la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, dite « PATR » afin de lui permettre de se voir communiquer davantage d'informations pour assurer le suivi des personnes radicalisées faisant l'objet de soins sans leur consentement.

Comme exposé par Marc-Philippe Daubresse et Agnès Canayer, rapporteurs au nom de la commission des lois du Sénat de ce texte, le législateur avait alors poursuivi un double objectif visant d'une part, à « permettre un accès plus large aux informations relatives aux soins sans consentement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au préfet d'hospitalisation et de résidence » et d'autre part, à « donner une base légale à l'accès des services de renseignement et des préfets du lieu de résidence aux informations obtenues par le croisement du fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et du fichier HOPSYWEB, qui recense les entrées et sorties d'hospitalisation sans consentement »21(*).

Il a ainsi été permis, en modifiant l'article L. 3211-12-7, la communication aux services de renseignement ainsi qu'aux préfets, au titre du suivi de la radicalisation dans leur département, de données d'identification ainsi que de données relatives à la situation administrative d'une personne hospitalisée sans son consentement aux seules fins d'assurer son suivi lorsqu'elle représente par ailleurs une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics en raison de sa radicalisation à caractère terroriste.

Toutefois, auditionnée par le rapporteur, la DLPAJ a indiqué que ce dispositif était incomplet et posait des difficultés opérationnelles aux préfets et services de renseignement dans la mesure où une partie des informations qui leur seraient utiles ne pouvait pas, en l'état du droit, leur être communiquées.

Ainsi, l'article précité du code de la santé publique ne permet la communication du préfet d'hospitalisation des seules données d'hospitalisation sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, la levée de la mesure à la demande d'un médecin ou d'un psychiatre prononcées en application des articles L. 3212-5, L. 3212-8 et L. 3212-9 du code de la santé publique ainsi que l'article 706-135 du code de procédure pénale. Sont dont exclues de cette communication l'information de la levée de la mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, lorsqu'elle est prononcée sur le fondement de l'article L. 3212-9 du code de la santé publique, alors même que ces informations revêtent une importance opérationnelle indiscutable pour les préfets du lieu d'hospitalisation, comme du lieu de domicile, et plus encore, pour les services de renseignement.

De façon analogue, certaines informations relatives à la forme et aux évolutions de la prise en charge d'une personne faisant l'objet de soins sans consentement, alors même qu'elles sont de nature identique, ne sont pas communiquées à ces mêmes acteurs quand elles sont prises sur un fondement différent.

La commission a jugé que cette situation n'était pas acceptable, compte tenu de l'importance de ces informations pour assurer la sécurité des personnes et des biens, ainsi que l'ordre public et la prévention des actes de terrorisme.

Ainsi compte tenu de l'importance indiscutable au regard de l'objectif de prévention des actes de terrorismes et des atteintes à la sureté des personnes et de l'ordre public et de la nécessité, à cet égard, pour le préfet du lieu d'hospitalisation comme pour le préfet du lieu de domicile ou les services de renseignement de disposer d'informations sur la levée ou l'évolution d'une prise en charge psychiatrique d'une personne radicalisée, la commission a, par l'adoption d'un amendement COM-10 du rapporteur, permis :

- d'une part, au préfet du lieu d'hospitalisation d'informer les autres préfets et services de renseignement de la levée d'une mesure d'hospitalisation, et ce, y compris à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent ;

- d'autre part, au préfet du lieu d'hospitalisation d'être informé des évolutions de la prise en charge d'une telle personne, et ce, à chaque modification apportée à celle-ci.

La commission a adopté l'article 7 quater ainsi modifié.


* 12 Pour un récapitulatif complet voir le rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de programmation 2018-2022 de réforme pour la justice (3 octobre 2018).

* 13 Par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

* 14 Par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

* 15 Par l'article 45 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 16 Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de programmation 2018-2022 de réforme pour la justice (3 octobre 2018).

* 17 Objet de l'amendement n° COM-86 de Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé, rapporteurs pour la commission des lois du Sénat.

* 18 Amendement de commission n° CL 726 du député Florent Boudié.

* 19 Décision n° 2022-846 DC du 19 janvier 2023 (cons. 45).

* 20 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, cons. 12.

* 21  Rapport n° 694 (2020-2021) sur le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement de Marc-Philippe Daubresse et Agnès Canayer, fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 juin 2021, pp. 53-54.

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