N° 314

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 février 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail,

Par Mme Laurence ROSSIGNOL,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Sénat :

537 rect. bis (2022-2023) et 315 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi vise à mettre en place un arrêt menstruel pour les femmes souffrant de dysménorrhée. Ce texte permettrait aux médecins de prescrire, pour une durée d'un an, une nouvelle forme d'arrêt de travail permettant une interruption du travail, indemnisée sans délai de carence pour, au plus, deux jours par mois. Elle vise également à imposer aux accords collectifs et aux chartes d'entreprises de préciser les modalités d'accès au télétravail pour le même public.

I. LA PRISE EN COMPTE DES DYSMÉNORRHÉES AU TRAVAIL : UN ENJEU D'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENCORE INSUFFISAMMENT INVESTI

A. MAL CONNUES, LES DYSMÉNORRHÉES SONT INVISIBILISÉES AU SEIN DU MONDE DU TRAVAIL

Le terme de dysménorrhée désigne les douleurs dont souffrent les femmes lors de leurs menstruations, qui peuvent être assez graves pour perturber les activités quotidiennes, et conduire à des absences dans le milieu scolaire ou professionnel. Ces dysménorrhées peuvent être qualifiées de secondaires, lorsqu'elles sont liées à un problème affectant les organes reproducteurs tels que l'endométriose ou les fibromes, ou primaires en l'absence de pathologie associée.

 

Des femmes déclarent avoir des règles très douloureuses, les empêchant de travailler ou d'étudier

Depuis quelques années, l'action des associations et des militantes a notamment permis d'offrir une meilleure visibilité à l'endométriose dans l'espace public, et à souligner les errances thérapeutiques que connaissent trop souvent les femmes qui en souffrent.

En revanche, le monde du travail peine encore à identifier les dysménorrhées subies par les femmes comme un enjeu d'égalité professionnelle. Si de réels progrès ont été faits concernant la prévention et la santé au travail, seuls quelques employeurs ont mis en place un accompagnement et, parfois, une adaptation du régime de travail de leurs salariées souffrant de dysménorrhées.

B. LA PRISE EN CHARGE PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE DES DYSMÉNORRHÉES N'EST PAS ADAPTÉE AU CARACTÈRE CYCLIQUE ET RÉCURRENT DES DOULEURS RENCONTRÉES

La prise en charge des arrêts de travail par la sécurité sociale est marquée par trois principes fondamentaux. Chaque arrêt de travail doit être prescrit par un professionnel médical, et l'indemnisation afférente par la sécurité sociale est partielle et soumise à un délai de carence.

Introduits dans l'objectif de limiter les risques d'abus et de garantir un suivi médical adéquat, ces critères ne sont toutefois pas adaptés aux douleurs menstruelles. Caractérisées par des douleurs aiguës concentrées dans le temps, sur des périodes de deux à trois jours en moyenne, les dysménorrhées ne peuvent, du fait du délai de carence applicable, que rarement faire l'objet d'une indemnisation par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Chaque arrêt de travail résulte donc, pour l'assurée, en une perte financière nette.

Cette perte est d'autant plus préjudiciable que les douleurs menstruelles sont récurrentes, selon une périodicité assez courte, généralement de l'ordre d'un mois. Les pertes financières s'accumulent donc, mois après mois, pour les assurées.

En conséquence, les femmes atteintes de dysménorrhées sont aujourd'hui contraintes de choisir entre deux issues insatisfaisantes : s'arrêter et perdre jusqu'à 10 % de leur salaire, ou souffrir au travail.

Le non-recours à l'arrêt de travail est préjudiciable à la santé et au bien-être des femmes au travail. 40 % d'entre elles ressentent un inconfort aux stations debout ou assise, les plus fréquentes en milieu professionnel, tandis que 48 % des sondées éprouvent des problèmes de concentration, ce qui peut entraîner des problèmes de sécurité dans les métiers nécessitant une attention soutenue.

Des initiatives à l'international pour mieux prendre en compte
la santé menstruelle des femmes

Afin de garantir une meilleure prise en compte de la santé menstruelle des femmes, six pays dans le monde ont déjà consacré un « congé menstruel », sous des formes diverses.

Au Japon, où le congé menstruel existe depuis 1947, en Corée du Sud, en Indonésie et en Zambie, cet aménagement prend la forme d'un congé, accordé par l'employeur et rémunéré, le cas échéant, par lui.

À Taïwan ou, plus récemment, en Espagne, le « congé menstruel » est, à proprement parler, un arrêt de travail menstruel, indemnisé par la solidarité nationale.

II. LA PROPOSITION DE LOI PERMET D'ADAPTER LE RÉGIME DES ARRÊTS MALADIE AUX SPÉCIFICITÉS DES DYSMNÉNORRHÉES

A. LA CRÉATION D'UN ARRÊT DE TRAVAIL SUI GENERIS, ADAPTÉ AUX PARTICULARITÉS DES DOULEURS MENSTRUELLES

1. En France, quelques organisations pionnières expérimentent un « congé menstruel »

Si aucune disposition spécifique d'aménagement du temps de travail en cas de dysménorrhée n'existe à ce jour en droit français, certaines organisations ont d'ores et déjà décidé d'expérimenter un « congé menstruel » dans un souci d'améliorer les conditions de travail de leurs employées.

Les collectivités territoriales ont été pionnières en la matière, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a par exemple mis en oeuvre une autorisation spéciale d'absence de deux jours par mois sur présentation d'un justificatif médical, avant que la commune de Bagnolet et les métropoles de Lyon et Strasbourg n'emboîtent le pas avec des dispositifs similaires.

Certaines entreprises ont également prévu des adaptations : si l'exemple très médiatique de Carrefour ne concernera qu'un champ restreint aux salariées ayant une RQTH, d'autres grandes entreprises comme L'Oréal ou plus petites comme la coopérative La Collective sont également expérimentatrices.

2. La proposition de loi propose la création d'un « congé menstruel » sous la forme d'un arrêt de travail cadre d'au plus deux jours par mois, indemnisé sans jour de carence

Les expérimentations de « congés menstruels » en France le démontrent : il existe une indéniable et légitime attente des salariées souffrant de dysménorrhées pour une meilleure prise en compte de leurs douleurs menstruelles dans le milieu professionnel.

La proposition de loi vise à y apporter une réponse en créant, en son article 1er, un nouveau type d'arrêt de travail adapté aux particularités des douleurs menstruelles.

Prescrit par le médecin ou la sage-femme, cet arrêt de travail serait novateur en ce qu'il serait valable pour une durée d'un an et ouvrirait droit à l'assurée souffrant de dysménorrhée d'interrompre le travail deux jours par mois au plus. Cette dérogation au droit commun s'explique par la récurrence et la cyclicité des douleurs menstruelles tant que par leur caractère le plus souvent bénin. L'assurée bénéficierait alors d'un « crédit » de deux jours d'arrêt de travail à utiliser chaque fois que ses douleurs menstruelles le rendent nécessaire. Cela allègerait les démarches de l'assurée, qui n'aurait plus à consulter à chaque période de menstruation douloureuse, libérerait du temps médical dans un contexte de tension sur l'offre de soins et permettrait même aux femmes dont les douleurs menstruelles sont trop intenses pour effectuer une consultation d'avoir recours à un arrêt de travail.

Cet arrêt de travail menstruel ne ferait, en outre, pas l'objet d'un délai de carence, aux termes de l'article 2. La suppression du délai de carence, déjà appliquée pour les arrêts liés à une affection longue durée1(*) ou pour les arrêts en cas d'interruption spontanée de grossesse, garantira une indemnisation par la sécurité sociale des arrêts menstruels dès le premier jour.

Parcours des assurées souffrant de dysménorrhées pour se faire prescrire
un arrêt de travail

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

En cas d'adoption du texte, les salariées qui recourraient à l'arrêt de travail menstruel resteraient protégées en droit contre toute discrimination à l'embauche, à la promotion ou à la rémunération.

L'article 3 prévoit que les arrêts de travail dans le cadre du « congé menstruel » soient pris en charge à 100 % par la sécurité sociale, un traitement dérogatoire plus favorable que les arrêts de travail de droit commun, pris en charge à 50 %.

Malgré la spécificité des douleurs menstruelles, la rapporteure a, dans un souci d'équité, amendé le texte pour supprimer cet article. Il ne lui a en effet pas paru justifié d'instaurer des différences de traitement entre les différentes pathologies dans le niveau de prise en charge par la solidarité nationale.

 

Coût pour la sécurité sociale de la suppression du délai de carence pour l'endométriose

En tout état de cause, ce dispositif serait financé par la sécurité sociale, et non par l'employeur. Selon des estimations de la DGOS sur un champ restreint à l'endométriose, le coût pour la sécurité sociale d'un arrêt de travail menstruel sans délai de carence avoisinerait 100 millions d'euros par an.

B. INCITER LE DIALOGUE SOCIAL À S'EMPARER DES POSSIBILITÉ OUVERTES PAR LE TÉLÉTRAVAIL POUR LES FEMMES SOUFFRANT DE DYSMÉNORRHÉES

Le télétravail peut constituer un aménagement de poste particulièrement adéquat pour les femmes souffrant de dysménorrhées en ce qu'il permet de limiter les déplacements et la fatigue durant les périodes de douleur.

L'article 4 propose que l'accord collectif applicable, ou à défaut la charte de l'employeur, précise les modalités d'accès des salariées souffrant de dysménorrhée invalidante à une organisation en télétravail. Ce dispositif s'inscrit en cela dans la ligne de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 relatif à la mise en oeuvre réussie du télétravail, qui précise que l'employeur s'assure de « l'égalité d'accès au télétravail entre les femmes et les hommes ».

Réunie le mercredi 7 février 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales n'a pas adopté le texte.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Création d'un « congé menstruel » sous la forme d'un arrêt maladie cadre

Cet article propose de créer un « congé menstruel » sous la forme d'un arrêt maladie cadre prescrit pour une durée d'un an, permettant à l'assurée souffrant de dysménorrhée d'interrompre le travail deux jours par mois.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé

A. La dysménorrhée : un mal répandu mais largement invisibilisé

1. La dysménorrhée désigne les douleurs abdominopelviennes qui surviennent à l'occasion des menstruations

La dysménorrhée est un terme générique regroupant tous les types de douleurs en lien avec le cycle menstruel, qui surviennent le plus souvent avant ou pendant les règles. Ces douleurs peuvent s'accompagner de diverses autres manifestations incapacitantes, telles que des nausées, des migraines, de la fatigue ou des diarrhées. Pour le cas de l'endométriose, par exemple, la douleur « peut être très intense au niveau pelvi-périnéal pour 86 % des femmes. Les problèmes urinaires peuvent toucher 32 % des femmes ; les problèmes digestifs, 70 % ; les douleurs lombaires, 66 % ; et dans les jambes, chez 45 % des femmes atteintes », selon l'étude sociologique menée par Alice Romerio2(*).

On distingue la dysménorrhée primaire, bénigne et apparaissant dès l'apparition des règles à l'adolescence, de la dysménorrhée secondaire, qui peut survenir à l'âge adulte et est le plus souvent en lien avec une pathologie menstruelle comme l'endométriose ou l'adénomyose.

La dysménorrhée primaire n'est souvent pas associée à une pathologie particulière et provient d'une production excessive de prostaglandines, des hormones chargées de provoquer des contractions utérines afin de faciliter l'élimination de l'endomètre. Conséquence de cette surproduction, le muscle utérin est sur-sollicité et se contracte trop fréquemment, ce qui conduit à un approvisionnement insuffisant du muscle en oxygène et à des douleurs.

Selon l'assurance maladie, la dysménorrhée primaire tend à s'atténuer, voire à disparaître spontanément avec l'âge ou à la suite d'une première grossesse.

Selon la réponse de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) au questionnaire de la rapporteure, « 5 à 15 % des femmes seraient atteintes par une forme assez sévère ou incapacitante de dysménorrhée primaire pour perturber les activités quotidiennes et peuvent entraîner une absence scolaire, universitaire ou au travail ».

La dysménorrhée secondaire peut se déclarer plus tardivement, et est généralement liée à la présence d'une pathologie menstruelle. Si la plus connue est l'endométriose, caractérisée par le développement d'un tissu semblable à la muqueuse utérine hors de l'utérus, il existe aussi d'autres pathologies comme les fibromes et polypes utérins ou le syndrome des ovaires polykystiques. Le recours à un dispositif intra-utérin ou à une contraception hormonale peut également, dans certains cas, déclencher une dysménorrhée secondaire.

2. Les douleurs menstruelles sont particulièrement courantes, qu'elles proviennent d'affections menstruelles ou non

Le taux de prévalence des dysménorrhées primaire et secondaire est particulièrement important chez les femmes menstruées : selon une étude menée par l'institut de sondage Ifop en 20223(*), seules 11 % des femmes menstruées n'ont aucune douleur pendant leurs règles, tandis que 53 % déclarent avoir des règles douloureuses, voire très douloureuses pour 16 % du panel. Ces chiffres sont en augmentation par rapport à la précédente étude réalisée par le même institut, en 20214(*), qui chiffrait à 48 % la proportion de salariées menstruées ayant des règles douloureuses. Cette augmentation pourrait être en lien avec une progressive levée du tabou autour de la menstruation.

La proportion de femmes concernées par les dysménorrhées évolue au cours de la vie : dans l'étude de 2022 précitée, les douleurs menstruelles concernent 68 % des répondantes de 15 à 24 ans, un total qui plonge à 47 % de celles ayant entre 35 et 49 ans. L'assurance maladie estime, quant à elle, que « 50 à 70 % des adolescentes ont des règles douloureuses de façon permanente ou occasionnelle ».

Il est difficile, au sein de ce panel, de déterminer avec plus de précision la proportion de femmes concernées par une dysménorrhée primaire ou secondaire.

Toutefois, des études portant spécifiquement sur l'endométriose5(*) ont estimé en 2012 le taux de prévalence au sein des femmes en âge de procréer à 6 % à 10 %. La fourchette haute de cette estimation est aujourd'hui classiquement retenue par les pouvoirs publics, notamment par le ministère de la santé.

3. Un tabou autour des règles au travail conduit à invisibiliser les souffrances menstruelles des femmes

Si les douleurs menstruelles sont très répandues au sein de la population, elles ne font toutefois pas toujours l'objet d'une prise en compte spécifique, notamment dans le milieu professionnel.

L'insuffisante prise en compte de la dysménorrhée en milieu professionnel est d'abord due à l'invisibilité des symptômes associés à la dysménorrhée : un employeur peut très bien ignorer qu'une salariée souffre de règles douloureuses dès lors que celle-ci ne l'en informe pas.

Elle découle, également, d'un tabou autour de la menstruation au travail, qui limite la propension des femmes souffrant de dysménorrhée à évoquer le sujet avec des collègues ou un supérieur hiérarchique. Aussi, seules 23 % des salariées auraient déjà parlé de leurs règles en milieu professionnel. Même chez les salariées souffrant de règles très douloureuses et donc particulièrement incapacitantes, parler des règles au travail n'est pas la norme : plus de quatre femmes concernées sur dix n'y ont jamais évoqué le sujet.

La crainte de recevoir des remarques désobligeantes ou d'être victime de comportements répréhensibles contribue à renforcer le tabou qui entoure les règles dans le milieu professionnel. Selon l'enquête précitée de l'Ifop en 2022, ces craintes sont fondées : 21 % des salariées menstruées auraient déjà fait l'objet de moqueries ou de remarques désobligeantes au travail sur leurs règles. De tels comportements ne permettent pas aux salariées d'avoir l'impression d'être dans un cadre suffisamment sécurisant pour s'ouvrir, si elles le souhaitent, sur leurs douleurs menstruelles, un sujet jugé personnel et sensible.

Conséquence directe des difficultés rencontrées pour évoquer le sujet des douleurs menstruelles en milieu professionnel, celles-ci sont invisibilisées et fréquemment sous-estimées par l'employeur, ce qui empêche la mise en place de mesures d'aménagement appropriées. Ainsi, la gêne occasionnée par les règles apparaît sous-estimée par l'encadrement et les collègues de travail pour 37 % des répondantes au sondage mené par l'Ifop en 2022, un total qui grimpe même à 45 % dans des équipes exclusivement masculines.

Par conséquent, de nombreuses femmes exercent leur métier, parfois physique et éreintant, sans aménagement de leur poste de travail malgré des douleurs menstruelles incapacitantes.

4. Une action publique volontariste mais insuffisante en matière de sensibilisation des employeurs aux enjeux menstruels

Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, le ministère du travail, conscient du problème de l'invisibilité des douleurs menstruelles au travail, s'apprête à déployer une stratégie de sensibilisation des employeurs en lien avec l'Agence nationale des conditions de travail et l'association Endofrance, notamment. En mars 2024, un kit pratique sera par exemple mis à disposition des employeurs pour mieux prendre en compte l'endométriose dans le cadre de travail. Selon les réponses de la direction générale du travail au questionnaire de la rapporteure, « il prendra la forme d'un guide, concis pour faciliter son appropriation et son utilisation, permettant d'informer sur cette pathologie, ses effets sur le travail, et les leviers pour agir, améliorer les conditions de travail des femmes concernées et faciliter la conciliation de l'endométriose et de l'activité professionnelle ». Des actions de sensibilisation des médecins du travail sont également menées.

La direction générale du travail indique, en outre, que « la stratégie nationale prévoit l'élaboration d'une charte endométriose et emploi sur la conciliation de l'endométriose et de la vie professionnelle (sur le modèle de la charte cancer et emploi de l'INCa) ».

Bien que ces efforts soient louables, ils apparaissent parfaitement insuffisants face aux enjeux des douleurs menstruelles : lorsque celles-ci se traduisent par des symptômes, la réponse apportée doit comporter un volet médical et non se borner à une seule adaptation du poste de travail.

B. Malgré le caractère chronique, prévisible et répété des dysménorrhées, aucun dispositif spécifique n'existe aujourd'hui à l'échelle nationale

1. Les assurées souffrant de menstruations douloureuses doivent aujourd'hui avoir recours à un arrêt de travail de droit commun lorsqu'elles sont dans l'incapacité de poursuivre le travail

Les douleurs, les migraines, les nausées, la fatigue sont autant de symptômes de la dysménorrhée qui peuvent avoir des répercussions sur l'aptitude à travailler des femmes qui en souffrent.

En cas de douleurs intenses, les femmes présentant des dysménorrhées peuvent se retrouver dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre leur travail.

Chaque fois qu'elles se retrouvent dans cette situation, elles sont donc susceptibles de se faire prescrire un arrêt de travail par un médecin ou par une sage-femme en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale6(*).

Il s'agit là de l'arrêt de travail de droit commun, qui doit donc être prescrit lors d'une consultation chez le professionnel médical à chaque période de règles douloureuses.

Pourtant, la dysménorrhée se distingue d'autres affections pouvant entraîner un arrêt de travail par deux aspects. La dysménorrhée présente en effet une certaine forme de récurrence et de cyclicité.

Du fait de ces caractéristiques, couplées au caractère incapacitant mais bénin de la plupart des affections menstruelles, le fait d'imposer une consultation auprès d'un professionnel médical à chaque période menstruelle douloureuse pour la prescription d'un arrêt de travail ne semble pas toujours adapté.

Une femme atteinte d'endométriose est par exemple susceptible de ressentir des douleurs au titre de cette affection, de manière prévisible et répétée. Malgré cela, elle devra, pour obtenir un arrêt de travail, se rendre chez un médecin ou une sage-femme à chaque période de menstruation douloureuse, ce qui peut agir comme un frein au recours, particulièrement dans un contexte d'offre de soins dégradée sur le territoire national.

S'ajoute à cela que le cadre de l'indemnisation de l'arrêt de travail est particulièrement défavorable pour les douleurs menstruelles, concentrées dans le temps et fréquentes. Le système d'indemnisation des arrêts maladie en France se caractérise en effet par la présence d'un délai de carence d'un à trois jours selon les régimes7(*).

Aussi, à jours d'arrêts de travail constants, un long arrêt de travail est mieux indemnisé qu'une succession de courts arrêts de travail, comme peuvent l'être les arrêts de travail pour dysménorrhée. La durée typique des douleurs menstruelles étant comprise entre deux et trois jours, le délai de carence s'applique à plein pour la plupart des femmes souffrant de dysménorrhée, qui n'ont droit à aucune indemnisation au titre de ces arrêts de travail si elles ne disposent pas d'une protection complémentaire.

2. Des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des femmes au travail

L'ensemble des difficultés décrites précédemment provoquent un important non-recours à l'arrêt de travail chez les femmes concernées. Les personnes qui en sont atteintes sont donc amenées à travailler malgré la douleur, le plus souvent sans aménagement de leur poste de travail.

La présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, auditionnée dans le cadre du rapport « Santé des femmes au travail : des maux invisibles »8(*) fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes estime ainsi que « les femmes viennent travailler lorsqu'elles ont épuisé leurs jours d'arrêt maladie, leurs congés et RTT. Elles sont sous médicaments, elles souffrent, elles sont très fatiguées et reconnaissent elles-mêmes qu'elles ne sont pas productives ».

Le non-recours à l'arrêt de travail a des conséquences sérieuses sur la santé des femmes au travail. Selon le sondage précité, réalisé par l'Ifop en 2022, plus de 40 % des femmes ont déjà rencontré des difficultés à se tenir debout ou assises au travail du fait de règles douloureuses, alors même que ces positions sont les plus courantes dans le monde professionnel. Cet inconfort peut entraîner, dans certains métiers, des risques professionnels accrus.

La fatigue chronique que peut causer la dysménorrhée augmente le risque de subir un accident du travail et a également des conséquences néfastes sur le bien-être au travail des femmes concernées.

48 % des sondées affirment en outre avoir déjà eu des difficultés à se concentrer au travail du fait de douleurs menstruelles, ce qui peut entraîner des problèmes de sécurité dans les métiers nécessitant une forte attention.

C. Un « congé menstruel » est désormais consacré dans six pays, sous des formes diverses

Pour permettre aux femmes souffrant de dysménorrhées de cesser le travail en cas de douleurs menstruelles, six pays ont consacré un « congé menstruel ». Celui-ci prend des formes diverses, si bien que le terme de « congé » est, dans certains cas, utilisé de manière impropre.

Il convient en effet de distinguer le congé, accordé par l'employeur, de l'arrêt maladie, prescrit par un professionnel médical.

De tels dispositifs sont particulièrement communs en Asie de l'Est : le congé menstruel est consacré, sous diverses formes, au Japon, en Corée du Sud ou encore à Taïwan.

1. Des congés non pris en charge par la solidarité nationale

Certains « congés menstruels » prennent la forme d'un congé ne nécessitant pas la présentation d'un certificat médical et non pris en charge par la solidarité nationale.

Le législateur japonais a été pionnier en la matière en inscrivant, dès 1947, à l'article 68 du code du travail local, que « lorsqu'une femme, qui traverse des cycles menstruels douloureux, souhaite disposer d'un congé, l'employeur doit respecter sa demande ». Il s'agit là d'un congé sans limite de durée, que l'employeur doit accepter sans exiger de preuve. Non pris en charge par la solidarité nationale, le « congé menstruel » japonais peut toutefois faire l'objet d'une indemnisation par l'employeur, à sa discrétion. 30 % des entreprises prendraient en charge tout ou partie des salaires lors des périodes de « congé menstruel », selon une étude du ministère japonais du travail et de la santé datant de 2020.

Autrefois assez largement sollicité puisque 26 % des salariées l'utilisaient en 1965, le « congé menstruel » japonais a connu une baisse drastique de popularité, au point que seules 0,9 % des salariées continuaient de l'utiliser en 2020 selon les chiffres du ministère japonais du travail et de la santé. Selon une étude menée par le syndicat Zenrôren, cette baisse de popularité proviendrait notamment de craintes pour les salariées de dégrader leurs perspectives de carrière9(*) et d'un sentiment de honte à évoquer le sujet des règles avec l'employeur10(*). La faible propension des employeurs à indemniser ce congé constitue également un facteur d'explication à ce non recours, dans certains cas.

Plus tardivement, la Corée du Sud a également consacré un « congé menstruel » sous une forme légèrement différente. Depuis 2001, les salariées peuvent bénéficier d'un jour de congé menstruel par mois non rémunéré. Malgré l'absence de prise en charge financière de l'arrêt de travail, 19 % des employées sud-coréennes déclaraient, en 2018, avoir recours au « congé menstruel ».

En Indonésie, un « congé menstruel » existe depuis 1948, mais sa portée a été restreinte par une nouvelle loi en 2003. Alors que les femmes avaient initialement droit à deux jours de congés payés par mois en cas de règles douloureuses, la loi actuelle renvoie aux conventions collectives les conditions de mise en oeuvre et d'indemnisation du congé, qui ne peut désormais être pris qu'après un examen médical.

En Zambie, un « congé menstruel » surnommé « fête des mères » est prévu par la loi depuis 2015, et permet à toute femme souffrant pendant ses règles de prendre un jour de congé supplémentaire par mois, sans préavis ni certificat médical. Bien que la loi fasse en principe obligation à l'employeur d'accepter ce « congé menstruel », le déploiement du dispositif resterait aujourd'hui partiel.

2. Dans certains pays, le « congé menstruel » prend davantage la forme d'un arrêt de travail sui generis

Dans d'autres pays, le « congé menstruel » prend en fait la forme d'un arrêt de travail sui generis plutôt que d'un congé.

C'est notamment le cas à Taïwan, où le « congé menstruel », limité à trois jours par an et un jour par mois, est indemnisé comme un congé maladie, c'est-à-dire à mi-salaire.

Le Parlement espagnol a par ailleurs adopté, le 16 février 2023, une loi portant création d'un « congé menstruel ». Celui-ci prend la forme d'un arrêt de travail cadre permettant à l'assurée souffrant de dysménorrhée d'avoir recours à un arrêt maladie indemnisé par l'assurance maladie obligatoire. L'ancienne ministre espagnole chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, Irene Montero, indique ainsi que « l'arrêt de travail d'une femme en cas de règles incapacitantes » liées, par exemple, « à des pathologies comme l'endométriose » sera « reconnu comme une situation spéciale d'incapacité temporaire » de travail.

3. En France, diverses organisations publiques et privées sont expérimentatrices de « congés menstruels »

En France, si la loi ne prévoit pas de « congé menstruel », il est loisible à l'employeur de créer un dispositif s'y apparentant.

Dès lors, afin de mener une politique de ressources humaines plus inclusives, certains organismes publics et privés expérimentent un « congé menstruel », sous des formes différentes.

On peut notamment citer :

- la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, qui a mis en oeuvre une expérimentation de congé menstruel de deux jours par mois sous la forme d'une autorisation spéciale d'absence sans retenue de salaire et sur présentation d'un justificatif médical. Ce congé pourrait concerner jusqu'à 30 % des agentes de la commune. Mi-2023, quelques mois après la mise en place de la mesure, 10 % du public cible y aurait déjà recouru ;

- la commune de Bagnolet met en oeuvre un dispositif très similaire ;

- la métropole de Lyon, qui autorise jusqu'à deux jours d'autorisations d'absence par mois sur présentation d'un certificat médical valable un an, délivré par le médecin traitant ou un gynécologue ;

- la métropole de Strasbourg, qui souhaite expérimenter un « congé menstruel » courant 2024, dont les modalités restent à définir ;

- le groupe Carrefour, qui prévoit un jour rémunéré d'absence autorisée par mois pour les employées souffrant d'endométriose et ayant la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), une condition très contraignante qui devrait limiter la portée réelle du dispositif ;

- l'entreprise de cosmétiques L'Oréal, qui prévoit trois jours d'absences médicales autorisées par an sur présentation d'un justificatif médical pour les salariées souffrant de dysménorrhée ;

- le parti socialiste, qui expérimente le « congé menstruel » sous la forme d'un jour de congé supplémentaire et facultatif par mois pour les femmes subissant des règles douloureuses ;

- la société coopérative La Collective, qui a été pionnière en la matière en autorisant, dès 2021, un congé payé supplémentaire et facultatif par mois, sans justificatif médical, à destination de ses salariées.

La question de la reconnaissance de certaines pathologies menstruelles comme affections longue durée (ALD)

La caractérisation de certaines pathologies menstruelles, notamment l'endométriose, comme affections de longue durée (ALD) exonérantes est présentée comme une alternative à la consécration d'un « congé menstruel » pour améliorer la prise en charge des douleurs menstruelles au travail.

La caractérisation comme ALD exonérante permet en effet aux assurés de bénéficier d'une prise en charge intégrale par l'assurance maladie obligatoire des frais médicaux relatifs à leur ALD, et de ne se voir appliqué qu'une fois le délai de carence pour l'indemnisation des arrêts de travail en lien avec leur ALD.

On distingue, au sein des ALD exonérantes, une liste de trente pathologies appelées ALD 30 pour lesquelles la reconnaissance comme ALD est automatique, et des pathologies de longue durée dites « ALD hors liste » ou « ALD 31 », pour lesquelles la caractérisation comme ALD est à la discrétion du médecin. Ces pathologies sont des pathologies graves, invalidantes, évolutives11(*), dont le traitement est particulièrement coûteux.

Absente de la liste des ALD 30, l'endométriose peut cependant d'ores et déjà être caractérisée comme ALD 31. Toutefois, toutes les assurées souffrant d'endométriose n'en remplissent pas les critères : la plupart des formes d'endométriose ne sont pas considérées comme suffisamment graves, évolutives ou coûteuses à traiter. Selon l'audition de la direction de la sécurité sociale du ministère du travail, de la santé et des solidarités par la rapporteure, 13 472 assurées atteintes d'endométriose bénéficiaient fin 2022 de la reconnaissance de leur maladie comme ALD 31. Si ce chiffre est en nette hausse par rapport à 2021 (+ 44 %), notamment en raison d'un assouplissement des conditions d'éligibilité, réclamé à la Cnam par l'ancien ministre de la santé et de la prévention Aurélien Rousseau, il reste toutefois marginal par rapport au nombre d'assurées concernées.

Une intégration de l'endométriose dans la liste des ALD 30 simplifierait considérablement les procédures applicables pour les assurées : c'est pourquoi une telle mesure faisait partie des préconisations du rapport sénatorial « Santé des femmes au travail : des maux invisibles »12(*).

Toutefois, cette mesure n'améliorerait en rien la situation des assurées souffrant de dysménorrhées primaires ou d'autres pathologies menstruelles que l'endométriose.

Liste d'accords collectifs prévoyant un congé menstruel

Accords collectifs

Durée du congé

Maintien du salaire

Certificat médical

Mesures de confidentialité

Observations complémentaires

La Collective

Accord collectif sur la mise en place d'un congé menstruel, du 13 décembre 2021

- 1 jour/mois (facultatif) sans délai de prévenance

Oui (même régime que le congé payé)

Non

Intention rappelée

- effectif : 16 femmes sur 37 salariés

- expérimentation préalable du 01/01/21 au 31/12/21

- applicable aux salariées en CDI et CDD

- sans condition d'ancienneté

Le Parti socialiste

Accord relatif à la mise en place d'un congé menstruel, du 3 novembre 2022

- 1 jour/mois (facultatif) sans délai de prévenance

- pas de report possible d'un mois sur l'autre

Oui

Non

Intention rappelée

- salariées du siège

- applicable aux salariées en CDI et CDD, alternantes, stagiaires

- sans condition d'ancienneté

- alternative de télétravailler un jour supplémentaire par mois si le poste le permet

Association
Réseaux des musiques
en Ile-de-France

Accord collectif relatif à la mise en place du congé menstruel, du 31 janvier 2023

- 1 jour/mois (facultatif) sans délai de prévenance

- plafond 12 jours par an mais plusieurs jours peuvent être pris sur un même mois

Oui (même régime que le congé payé)

Non

NR

- applicable aux salariées en CDI et CDD

- sans condition d'ancienneté

- accord conclu pour une durée de un an

Association Singa Global

Accord d'entreprise relatif à la mise en place du congé menstruel,
du 1er septembre 2022

- 1 à 2 jours/ mois (facultatif) sans délai de prévenance

Oui (même régime que le congé payé)

Non

Intention rappelée

- applicable aux salariées en CDI et CDD

- sans condition d'ancienneté

Association Projet Bob/ La Bobine

Accord collectif relatif à la mise en place du congé menstruel,
du 13 septembre 2022

- 1 jour/mois (facultatif) sans délai de prévenance

- plafond 12 jours par an mais plusieurs jours peuvent être pris sur un même mois

Oui (même régime que le congé payé)

Non

Intention rappelée

- applicable aux salariées en CDI et CDD

- sans condition d'ancienneté

- alternative de télétravailler un jour supplémentaire par mois si le poste le permet

Métro France

Accord négociation annuelle obligatoire 2023

- 2 jours/mois
(facultatif) sans délai de prévenance

- ni fractionnables ni cumulables au-delà du mois

Oui

Oui
(à fournir tous les 6 mois au service RH)

Intention rappelée

- alternative de télétravailler si le poste le permet

L'Oréal

Accord relatif à l'Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2023/2024/2025)

- 3 jours/an

- pas de report possible d'une année sur l'autre

Non

Oui
(endométriose médicalement diagnostiquée)

   

Association Les spectacles sans gravité g - l'Aéronef

Accord relatif à la mise en place d'un congé menstruel et des pathologies chroniques et épisodiques au sein de l'Aéronef, 1er sept. 2023

- 13 jours de congés supplémentaires dans la limite de 3 jours par mois

Oui (comme des congés payés classiques)

Oui
(présentation d'un certificat médical, renouvelable chaque année)

Intention rappelée

- ancienneté d'au moins 6 mois continus

- congé élargi aux pathologies chroniques et épisodiques

TDF

Accord sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les mesures relatives à la parentalité chez TDF,
17 novembre 2023

- 6 jours/an, fractionnables par demi-journée,.

Oui

Oui
(présentation d'un certificat médical pour endométriose)

 

En plus : en cas de règles douloureuses, télétravail facilité pour les salariées éligibles.

Cnav
Protocole d'accord relatif au travail à distance,
4 décembre 2023

 

 
   

- enveloppe de jours maximale de télétravail revalorisée de 85 jours à 100 jours/an, notamment pour y inclure certaines situations, telles que les inconforts physiologiques temporaires ne nécessitant pas d'arrêt de travail (règles douloureuses, migraines, etc.).

Carrefour13(*)

12 jours d'absence médicale autorisée par an pour les femmes souffrant d'endométriose

 

RQTH, carte d'inclusion ou attestation d'invalidité délivrée par la CPAM.

   

Source : Direction générale du travail

D. L'article 1er de la proposition de loi propose la création d'un « congé menstruel » en France, sous la forme d'un arrêt de travail « cadre » autorisant l'assurée souffrant de dysménorrhée à interrompre le travail deux jours par mois

L'article 1er de la proposition de loi vise à inscrire, dans la loi, le principe d'un « congé menstruel » pour toutes les assurées sociales souffrant de dysménorrhées invalidantes.

Pour ce faire, il propose la création d'un article L. 162-4-1-1 dans le code de la sécurité sociale. Celui-ci ouvrirait droit aux médecins et sages-femmes de prescrire un arrêt de travail « cadre », permettant à l'assurée souffrant de dysménorrhée invalidante d'avoir recours à deux jours maximum d'interruption de travail par mois lorsqu'elle se trouve dans l'incapacité de travailler.

Le « congé menstruel » que se propose de créer l'article 1er est donc formellement un « arrêt de travail menstruel », prescrit par un professionnel médical, plutôt qu'un « congé », accordé par l'employeur. Celui-ci se distinguerait des arrêts de travail de droit commun en ce qu'une seule consultation pourrait ouvrir droit à plusieurs arrêts, sur une période d'un an. Par conséquent, une seule consultation médicale serait nécessaire pour l'assurée afin de bénéficier, si besoin est, de jours d'arrêts à chaque cycle sur une période d'un an.

Cette dérogation au droit commun se justifie par le caractère cyclique et prévisible des douleurs menstruelles, ainsi que par le caractère généralement bénin de celles-ci.

L'article 1er prévoit également une indemnisation de cet « arrêt maladie menstruel » par l'assurance maladie, en l'intégrant à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, qui régit le versement d'indemnités journalières pour les arrêts maladie.

Toutefois, l'indemnisation des « arrêts maladies menstruels » se distinguerait des arrêts maladie de droit commun : elle serait régie par les articles L. 323-1-2 et L. 323-4-1 A du code de la sécurité sociale, respectivement créés par les articles 2 et 3 de la présente proposition de loi.

Aux termes de ces articles, la prise en charge des « arrêts de travail menstruels » par l'assurance maladie se ferait sans délai de carence, à un niveau équivalent aux revenus de l'assurée dans la limite d'un plafond14(*).

II - La position de la commission

A. La position de la rapporteure

La rapporteure soutient sans réserve l'article 1er de cette proposition de loi. Elle considère que l'inaction dans la conciliation entre les dysménorrhées et la vie professionnelle n'a que trop duré. En ce sens, elle estime que l'arrêt menstruel constitue, avec les adaptations du poste de travail, une fusée à deux étages qui permettra une meilleure prise en compte des douleurs menstruelles au travail.

Afin de lutter contre le non-recours à l'arrêt de travail, témoin de l'inadaptation du régime d'indemnisation aux spécificités des douleurs menstruelles et de la stigmatisation des douleurs menstruelles en milieu professionnel, l'innovation que constitue l'arrêt menstruel est pleinement justifiée et nécessaire.

L'instauration d'un arrêt menstruel allègerait les démarches médicales de l'assurée, qui n'aurait plus à consulter à chaque période de menstruation douloureuse, et libérerait du temps médical dans un contexte de tension sur l'offre de soins.

La rapporteure ne nie pas que l'arrêt menstruel, par son caractère novateur, puisse susciter des craintes et des questionnements.

Concernant le secret médical, la rapporteure insiste sur l'importance que l'assurée n'ait pas à transmettre aux ressources humaines de son employeur l'arrêt de travail cadre signé par le médecin pour une durée d'un an. Toutefois, elle estime que la question du secret médical pourrait être techniquement résolue. L'arrêt de travail menstruel pourrait par exemple être généré informatiquement sur Ameli par l'assurée, en quelques clics. L'arrêt de travail serait daté automatiquement, et signé du médecin qui a établi la prescription d'arrêt menstruel initial.

La rapporteure entend les craintes que ce dispositif ne perturbe l'organisation des entreprises, mais il lui semble que le premier facteur de désorganisation n'est pas l'arrêt menstruel, mais la douleur menstruelle. La rapporteure en veut pour preuve qu'alors que le risque de désorganisation concernerait au premier chef les petites entreprises, l'Union des entreprises de proximité (U2P) s'est déclarée ouverte au dispositif d'arrêt menstruel tel que proposé par ce texte.

Concernant l'argument, avancé par la direction générale du travail, selon lequel il reviendrait à la négociation collective de créer les adaptations nécessaires, la rapporteure rappelle que cet article ne traite pas de droit du travail, mais bien de droit de la sécurité sociale. Le dialogue social n'a pas vocation à définir, branche par branche, entreprise par entreprise, dans quelles conditions doivent être prescrits les arrêts maladie : cette tâche incombe pleinement au législateur et au pouvoir réglementaire.

B. La position de la commission

La commission est consciente de la nécessité d'en faire davantage pour améliorer la vie professionnelle des femmes présentant des dysménorrhées.

Toutefois, dans sa majorité, elle estime que la création d'un arrêt menstruel spécifique n'est pas la solution adaptée. La création d'un régime spécifique pour une pathologie ne serait que difficilement justifiable au regard du principe d'égalité, et risquerait de créer des appels d'air pour d'autres pathologies, ce qui contribuerait à complexifier le droit applicable.

En outre, le terme de « dysménorrhée », retenu par la proposition de loi, lui semble en outre flou d'un point de vue clinique. Si un dispositif spécifique devait être mis en oeuvre, il conviendrait que celui-ci ne traite que des pathologies pouvant faire l'objet d'un diagnostic formel, pour éviter tout détournement du dispositif.

La commission jugerait donc préférable, conformément aux préconisations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes15(*), de faciliter la reconnaissance de l'endométriose comme ALD.

La commission met également en avant les risques de désorganisation accrus pour les entreprises, et prend acte de la position réservée du Mouvement des entreprises de France (Medef) et de la direction générale du travail sur ce sujet.

La commission invite les entreprises volontaires à mettre en oeuvre, dans le cadre d'un dialogue social constructif, les solutions appropriées afin d'adapter le poste de travail des femmes souffrant de dysménorrhées.

Enfin, la commission note que créer un arrêt de travail « cadre » pourrait conduire à diminuer le suivi médical des femmes souffrant de dysménorrhées, pourtant nécessaire.

La commission n'a pas adopté cet article.

Articles 2 et 3
Modalités d'indemnisation par l'assurance maladie du « congé menstruel »

Les articles 2 et 3 précisent les modalités dans lesquelles l'assurance maladie obligatoire indemniserait le « congé menstruel » qu'entend créer l'article 1er.

Ce « congé menstruel » prendrait la forme d'un arrêt maladie sans délai de carence, aux termes de l'article 2. Le même article 2 supprimerait plus généralement le délai de carence applicable à l'indemnisation de tout arrêt de travail en lien avec la dysménorrhée.

La commission n'a pas adopté cet article.

Aux termes de l'article 3, l'indemnité journalière associée au « congé menstruel » couvrirait intégralement les revenus d'activité de l'assurée, dans la limite d'un plafond.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé

A. L'indemnisation des arrêts maladie est partielle et soumise à un délai de carence

1. L'indemnisation des arrêts maladie ne couvre pas l'intégralité des revenus d'activité, sauf dans certains cas dans la fonction publique

a) Un travailleur en arrêt maladie reçoit, sous conditions, un revenu de remplacement de son régime obligatoire de base d'assurance maladie

Lorsqu'un salarié est dans l'incapacité physique médicalement constatée de continuer ou de reprendre le travail, et que le médecin ou la sage-femme prescrit un arrêt de travail, son contrat de travail est suspendu, et son employeur n'est donc plus tenu de lui verser un salaire.

De la même manière, l'arrêt de travail fait obstacle à la perception de revenus d'activité par un non-salarié agricole ou un travailleur indépendant.

Pour pallier la perte de revenus afférente, l'assurance maladie assure, le temps de l'arrêt de travail, le versement d'indemnités journalières (IJ). La loi en fixe le principe, à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale pour les assurés du régime général et assimilés, à l'article L. 622-1 du même code pour les indépendants et à l'article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles.

Le cas échéant16(*), pour les salariés de structures soumises au code du travail, une indemnité complémentaire est versée par l'employeur aux termes des articles L. 1226-1 et L. 1226-1-1 du code du travail17(*).

Les fonctionnaires en congés maladie ordinaire (CMO) perçoivent, quant à eux, tout ou partie de leur traitement, aux termes de l'article L. 822-3 du code général de la fonction publique.

L'indemnisation des arrêts maladie concerne donc, sous des modalités différentes, l'ensemble des assurés18(*).

Cette indemnisation peut être soumise à des conditions incluant notamment le paiement d'un montant minimal de cotisations19(*) et une durée minimale d'affiliation20(*).

b) L'indemnisation ne compense que partiellement les revenus d'activité non perçus pour les salariés, les indépendants et les non-salariés agricoles

 Les assurés du régime général et assimilés perçoivent une indemnité journalière équivalente à la moitié de leur salaire, ainsi qu'une indemnité complémentaire versée par l'employeur.

Les assurés du régime général reçoivent une indemnisation correspondant à une fraction de leurs revenus d'activité21(*), qui ne couvre donc pas l'intégralité de la rémunération perçue en l'absence d'arrêt maladie. Cette fraction est fixée à 50 %22(*) dans la limite d'un plafond équivalent à 1/730e de 1,8 fois le montant annuel brut du salaire minimum de croissance23(*), soit 52,28 euros brut par jour. Les agents contractuels et les salariés agricoles sont soumis au même régime.

Les indemnités journalières se cumulent avec l'indemnisation complémentaire versée par l'employeur pour porter, pour les salariés, l'indemnisation totale à 90 %24(*) de la rémunération brute pendant les 30 à 90 premiers jours d'arrêt25(*), en fonction de l'ancienneté du salarié.

Les agents contractuels bénéficient quant à eux d'un maintien à plein traitement pendant les 30 à 90 premiers jours d'arrêt26(*), grâce à une indemnité complémentaire versée par leur administration d'emploi.

 L'indemnité journalière des indépendants ne couvre que partiellement les revenus d'activité non perçus des indépendants.

De la même manière, les indépendants bénéficient d'indemnités journalières couvrant partiellement leur revenu d'activité. Aux termes de l'article D. 622-7 du code de la sécurité sociale, l'indemnité journalière qui leur est servie correspond à 1/730e de la moyenne des revenus annuels pris en compte pour le calcul des cotisations d'assurance maladie sur les trois années civiles précédentes, dans la limite d'un plafond fixé à 1/730e du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 63,52 euros brut par jour. Pour les professions libérales, le plafond est fixé à trois fois ce montant, soit 190,55 euros.

 Les non-salariés agricoles perçoivent une indemnité journalière forfaitaire, fixée à un niveau bas.

Pour les non-salariés agricoles, l'indemnité journalière est déconnectée des revenus d'activité puisqu'elle est définie forfaitairement27(*) à un niveau de 63 % de 1/365e du gain forfaitaire annuel28(*), soit 24,25 euros brut par jour29(*). Cela correspond, pour 28 jours d'arrêt, à une indemnisation de 727,5 euros.

c) Les fonctionnaires bénéficient d'une prise en charge intégrale de leur traitement au titre de leur congé maladie ordinaire, m ais limitée dans le temps

Quant aux fonctionnaires, ils perçoivent l'intégralité de leur traitement lors d'un congé de maladie ordinaire dès lors que ceux-ci ont été en CMO moins de trois mois lors des douze derniers mois30(*). Au-delà de ce seuil, les fonctionnaires perçoivent la moitié de leur traitement.

En tout état de cause, les fonctionnaires conservent le plein bénéfice de leur supplément familial de traitement (SFT) et de leur indemnité de résidence.

2. Un délai de carence d'une durée d'un à trois jours est désormais applicable dans tous les régimes de sécurité sociale, mais des exceptions se développent aujourd'hui pour des catégories d'arrêt de travail spécifiques

a) Un délai de carence d'une durée d'un à trois jours s'applique désormais en principe à l'indemnisation par l'assurance maladie obligatoire des arrêts de travail, quel que soit le régime

Le revenu de remplacement versé en cas d'arrêt maladie ne couvre toutefois pas l'intégralité de la période non travaillée du fait d'un délai de carence avant le premier jour d'indemnisation.

Avant que ne s'achève le délai de carence, les assurés en arrêt maladie ne bénéficient pas de leur revenu d'activité tout en n'étant, en principe, pas indemnisés.

La durée du délai de carence applicable varie en fonction des régimes, mais le principe est désormais commun à l'ensemble d'entre eux31(*) :

- les assurés du régime général32(*), les salariés agricoles33(*), les indépendants34(*) et les non-salariés agricoles35(*) se voient appliquer un délai de carence de trois jours sur les indemnités journalières et de sept jours sur les indemnités complémentaires versées par l'employeur36(*) ;

les indépendants37(*) et les non-salariés agricoles38(*) se voient appliquer un délai de carence de trois jours sur les indemnités journalières ;

les fonctionnaires civils, les contractuels de la fonction publique39(*), les militaires, les assurés des régimes spéciaux et ceux dont l'indemnisation du congé maladie n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale40(*) se voient appliquer un délai de carence d'un jour sur le maintien de leur traitement. C'est pour ces assurés que la mise en oeuvre du délai de carence est la plus récente : entré en vigueur en 201341(*), il a été abrogé en loi de finances pour 201442(*) avant d'être finalement rétabli à l'article 115 de la loi de finances pour 2018.

Par exemple, un salarié du privé en arrêt de travail pour une période de dix jours :

- ne perçoit aucun revenu ni aucune indemnisation au titre de ses trois premiers jours d'arrêt ;

- puis perçoit, à compter du quatrième jour d'arrêt, des indemnités journalières versées par sa caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), pour un montant équivalent à la moitié de son salaire journalier de référence ;

- puis perçoit, en plus des IJ et à compter du huitième jour d'arrêt, l'indemnité complémentaire aux versée par l'employeur, portant son revenu total de remplacement à 90 % de son salaire brut.

Le délai de carence atténue donc l'indemnisation pour les arrêts de travail les plus courts, ce qui décourage le recours par l'assuré.

L'effet de ces délais de carence peut, le cas échéant, être limité par la prévoyance d'entreprise, modalité complémentaire prise en charge de tout ou partie du revenu d'activité non perçu du fait des jours de carence.

La part des assurés couverts par la prévoyance est mal connue. Des chiffrages anciens, datant de 2009, indiquent que 66 % des salariés bénéficieraient d'une telle couverture, avec des disparités marquées entre les catégories socio-professionnelles.

b) Dans certaines situations particulières, le délai de carence n'est désormais plus applicable

Depuis la généralisation de l'application du délai de carence dans l'ensemble des régimes obligatoires de base d'assurance maladie, l'indemnisation d'un arrêt de travail est servie sans délai dans certaines situations.

N'est pas soumise à application d'un délai de carence l'indemnisation :

- des arrêts de travail consécutifs au décès d'un enfant de moins de 25 ans ou d'une personne de moins de 25 ans dont l'assuré a la charge43(*) ;

- des arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la 22semaine d'aménorrhée44(*) ;

- des arrêts de travail consécutifs à une interruption médicale de grossesse45(*) ;

- d'un deuxième arrêt de travail pour une même cause, lorsque la reprise du travail entre les deux arrêts n'a pas excédé 48 heures et lorsque le délai de carence a été épuisé lors du premier arrêt de travail46(*) ;

- des arrêts de travail rendus nécessaires par une affection longue durée (ALD), à l'exception du premier d'entre eux sur une période de trois ans47(*) ;

- des arrêts de travail postérieurs à la déclaration de grossesse et avant le début du congé de maternité, pour les agents publics48(*).

3. L'indemnisation des arrêts maladie n'est pas adaptée aux spécificités des douleurs menstruelles

Les douleurs menstruelles présentent, pour les femmes souffrant de dysménorrhées, un caractère récurrent et concentré dans le temps.

Les douleurs menstruelles sont assez condensées dans le temps au sein d'un même cycle : la phase aiguë dure typiquement entre un et trois jours. Par conséquent, les femmes souffrant de dysménorrhées incapacitantes qui se font prescrire un arrêt de travail ne bénéficient, le plus souvent, d'aucune prise en charge par la sécurité sociale. Si elles ne disposent pas d'une couverture complémentaire, la perte financière peut atteindre 10 % du salaire mensuel pour un arrêt de travail de trois jours sur un mois donné.

Ce constat est d'autant plus préoccupant que du fait de la récurrence des douleurs menstruelles, les assurées souffrant de dysménorrhées incapacitantes sont susceptibles d'avoir recours à de multiples arrêts de travail, jusqu'à un par mois pour celles qui présentent les symptômes les plus aigus.

À chaque arrêt de travail, un délai de carence s'applique, de telle sorte que la charge financière pour l'assurée des délais de carence répétés est particulièrement contraignante.

Cet état de fait décourage, voire rend impossible pour les assurées les plus précaires, le recours à l'arrêt de travail et conduit les assurées à se rendre au travail souffrantes. Les assurées concernées peuvent ainsi ressentir un mal-être au travail, et sont confrontées à des risques accrus d'accidents du fait des divers symptômes auxquels elles sont susceptibles de faire face (douleurs, fatigue, nausées, vomissements, diarrhées).

Récapitulatif des modalités de couverture des congés maladie

Régime

Financeur

Niveau de prise en charge de l'arrêt maladie

Niveau de prise en charge complémentaire par l'employeur

Délai de carence

Général

CPAM

50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 52,28 € brut par jour

Complément des IJ pour atteindre 90 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 66,66 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours

3 jours

Indépendants

CPAM

1/730e de leur revenu d'activité annuel moyen, dans la limite de 64,52 € brut par jour et 190,55 € brut par jour pour les professions libérales

N/A

3 jours

Fonctionnaires

État

100 % du traitement indiciaire brut pendant 90 jours, puis 50 % du traitement indiciaire brut pendant 270 jours. Certaines primes sont versées tout ou partie.

N/A

1 jour

Agents contractuels

CPAM

50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 52,28 € brut par jour

Complément des IJ pour atteindre 100 % du traitement brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 50 % du traitement. Certaines primes sont versées tout ou partie.

1 jour pour la prise en charge complémentaire, 3 jours pour les IJ

Salariés agricoles

MSA

50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 52,28 € brut par jour

Complément des IJ pour atteindre 90 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 66,66 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours

3 jours

Non-salariés agricoles

MSA

24,25 € bruts par jour puis 32,33 € brut par jour à compter du 29jour d'arrêt

N/A

3 jours

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

B. L'indemnisation proposée pour l' « arrêt de travail menstruel » prévu à l'article 1er déroge donc au droit commun pour garantir la neutralité financière de l'arrêt de travail pour les assurées

1. L'article 3 ouvre droit à une prise en charge intégrale des revenus d'activité non perçus à l'occasion d'un « arrêt de travail menstruel » créé à l'article 1er

Aux termes de l'article 3, l'indemnité journalière associée au « congé menstruel » couvrirait intégralement les revenus d'activité de l'assurée, dans la limite d'un plafond.

Il s'agirait là d'une dérogation au droit commun de l'indemnisation des arrêts maladie pour les assurées du régime général, puisque les IJSS couvrent, en principe, 50 % du salaire journalier de base.

En prémunissant l'assurée contre des pertes de revenus, cette indemnisation intégrale vise à limiter le non-recours à l'arrêt de travail en cas de douleurs menstruelles incapacitantes, porteur de risques pour la santé des femmes au travail49(*).

La prise en charge accrue ne concernerait toutefois que les assurées du régime général et assimilées. Les autres catégories d'assurées sociales bénéficieraient donc d'un revenu de remplacement conforme aux règles de droit commun :

- un maintien à plein traitement pour les agentes publiques, sauf si l'assurée a dépassé, sur les douze derniers mois, un seuil de jours d'interruption de travail50(*). Les agentes publiques bénéficieraient donc de conditions d'indemnisation de leur « arrêt de travail menstruel » très proche de celles qui auraient cours dans le secteur privé ;

- une IJSS égale à 50 % du revenu journalier moyen sur les trois dernières années pour les indépendantes ;

- une IJSS forfaitaire égale à 1/365e du gain forfaitaire annuel pour les non-salariées agricoles.

2. L'article 2 supprime le délai de carence applicable à l'indemnisation des arrêts de travail en lien avec des dysménorrhées, un des principaux freins au recours

L'article 2 prévoit d'exempter de délai de carence tous les arrêts de travail résultant de dysménorrhées. Cela inclurait à la fois les arrêts de travail de droit commun prescrits pour une dysménorrhée, et l' « arrêt de travail menstruel » que se propose de créer l'article 1er.

En cas d'arrêt de travail en lien avec des dysménorrhées, notamment en cas d'endométriose, les assurées du régime général51(*) et assimilées et les agentes publiques civiles et militaires52(*) bénéficieraient sans délai, en cas d'adoption du texte, respectivement de leurs indemnités journalières de sécurité sociale et du maintien de leur rémunération.

En cela, l'article 2 entend lever une des principales barrières financières au recours à l'arrêt maladie en cas de douleurs menstruelles incapacitantes.

L'article 2 ne supprime toutefois pas le délai de carence applicable au versement des IJSS aux indépendantes et aux non-salariées agricoles, en cas d'arrêt de travail lié à une dysménorrhée.

Il ne supprime pas non plus le délai de carence applicable à l'indemnisation complémentaire de l'employeur en cas de douleurs menstruelles. Une telle disposition nécessiterait, en effet, l'information de l'employeur quant aux motifs de l'arrêt de travail ; une information que l'assurée est susceptible de ne pas vouloir transmettre, conformément au secret médical.

II - La position de la commission

A. Concernant l'article 2

1. La position de la rapporteure

Selon la rapporteure, les grands principes de l'indemnisation des arrêts de travail de droit commun, au premier rang desquels l'application d'un délai de carence, ne s'accommodent qu'imparfaitement aux particularités des dysménorrhées.

Les femmes souffrant de dysménorrhées sont donc aujourd'hui contraintes à un choix entre deux issues insatisfaisantes : s'arrêter et perdre jusqu'à 10 % de leur salaire, parfois chaque mois ; ou souffrir au travail.

La conséquence est, pour la rapporteure, un important non-recours à l'arrêt de travail pour les femmes concernées, facteur d'un certain mal-être au travail.

La suppression du délai de carence lui semble donc une condition nécessaire pour que l'arrêt de travail puisse servir son but originel : permettre à celles et ceux qui ne peuvent momentanément pas travailler de ne pas le faire.

2. La position de la commission

La commission privilégie, pour l'indemnisation des arrêts de travail en lien avec l'endométriose, une facilitation de la reconnaissance de cette pathologie comme ALD, dans la lignée des travaux réalisés par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes53(*).

Cette mesure permettrait la prise en charge du délai de carence des arrêts maladie afférents sans passer par un arrêt de travail spécifique attribuant un droit de tirage aux assurées, que la commission n'estime pas être la solution adéquate54(*).

Par cohérence, la commission s'étant opposée à l'article 1er, elle s'est opposée à l'article 2, qui se borne à en préciser les modalités d'application.

La commission n'a pas adopté cet article.

B. Concernant l'article 3

La rapporteure et la commission n'ont pas jugé opportun de prévoir une prise en charge intégrale d'un éventuel arrêt de travail menstruel. En effet, l'article 3 créerait un traitement dérogatoire plus favorable pour les arrêts menstruels, pris en charge à 100 %, que celui s'appliquant aux arrêts de travail de droit commun, pris en charge à 50 %.

Malgré la spécificité des douleurs menstruelles, dans un souci d'équité, il n'apparaît pas justifié d'instaurer des différences de traitement entre les différentes pathologies dans le niveau de prise en charge par la solidarité nationale. Une telle mesure susciterait une incompréhension légitime des malades affectés par d'autres pathologies.

C'est pourquoi la rapporteure a déposé un amendement COM-2 visant à supprimer l'article 3.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 4
Adaptation du régime de télétravail pour les salariées
souffrant de dysménorrhée

Cet article propose de créer les conditions pour davantage adapter aux salariées souffrant de dysménorrhée le régime de télétravail défini par accord de branche ou convention.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé

A. Le législateur a largement renvoyé la définition du régime de télétravail à la négociation collective, tout en prenant soin de l'encadrer pour certains publics

1. Le régime du télétravail

 Le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) a conduit à l'essor du télétravail dans les organisations, qui s'est singulièrement développé avec les restrictions sanitaires liées à l'épidémie de covid-19. Pour répondre à ce nouveau mode d'organisation du travail, qui soulevait des questions de relatives à la responsabilité de l'employeur hors de l'entreprise, le législateur a créé une section dédiée au télétravail55(*) au sein du code du travail par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012.

Ainsi, l'article L. 1222-9 de ce code définit le télétravail comme « toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».

• En l'état du droit, le régime du télétravail est renvoyé au dialogue social et à la négociation au sein de l'entreprise. Ainsi il n'existe pas de droit au télétravail, de même que ce dernier ne peut pas être imposé au salarié sauf cas de force majeure.

La loi prévoit que le télétravail peut être mis en place dans l'entreprise dans le cadre d'un accord collectif, ou à défaut, d'une charte élaborée par l'employeur, le cas échéant après avis du comité social et économique (CSE). En l'absence d'accord collectif ou de charte, le salarié et l'employeur peuvent convenir de recourir au télétravail par tout moyen.

L'ANI du 26 novembre 2020 relatif à la mise en oeuvre réussie du télétravail

Cet accord national interprofessionnel (ANI) a entendu rappeler la nécessité de faire du télétravail un thème du dialogue social et de la négociation d'entreprise, et plus généralement de ne pas encadrer trop excessivement par la loi le recours au télétravail :

« C'est au niveau de l'entreprise que les modalités précises de mise en oeuvre du télétravail sont définies, dans le cadre fixé par le code du travail, les dispositions de l'ANI de 2005 et du présent accord, et par les dispositions éventuelles négociées au niveau de la branche. Les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel signataires tiennent à cet égard à souligner la vivacité du dialogue social au sujet du télétravail : depuis le début de 2020, et à la date de la signature du présent accord, on relève plus de 700 accords d'entreprise signés sur cette thématique, qu'ils soient nouveaux ou constituent des avenants à des accords préexistants. »

Par ailleurs, les signataires de l'ANI ont entendu souligner la prise en compte accrue de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en précisant que :

« le télétravail ne doit pas être un frein au respect de l'égalité entre les femmes et les hommes. L'employeur s'assure de l'égalité d'accès au télétravail entre les femmes et les hommes. C'est une des conditions de réussite de sa mise en oeuvre » ;

- « la pratique du télétravail ne peut influencer négativement sur la carrière des femmes et des hommes. L'éloignement physique du salarié en télétravail des centres de décision ou du manager ne doit pas conduire à une exclusion des politiques de promotion interne et de revalorisation salariale ».

• Afin de protéger les droits du salarié, le législateur a entendu aligner ceux du télétravailleur sur ceux du travailleur sur site. Ainsi, le même article précise que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute le travail dans les locaux de l'entreprise », ce qui implique notamment une présomption d'accident du travail pour tout accident survenu sur son lieu de télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur.

L'article L. 1222-10 du code du travail accorde en outre des droits spécifiques au télétravailleur, qui concernent notamment l'information du salarié de toute restriction informatique, la priorité accordée pour reprendre un poste sans télétravail et l'organisation d'un entretien annuel pour en tirer les conséquences sur l'activité et la charge de travail.

Le régime du télétravail dans la fonction publique

Si le régime du télétravail dans la fonction publique est proche de celui du secteur privé56(*), ses modalités de mise en oeuvre diffèrent. Compte tenu des exigences du service, la mise en place du télétravail est en effet moins renvoyée au dialogue social et à la négociation.

L'article L. 430-1 du code général de la fonction publique fixe le principe de l'organisation en télétravail, en renvoyant à la définition du code du travail.

Au niveau de chaque employeur public, les modalités de mise en oeuvre du télétravail sont ensuite précisées dans le cadre des actes de déclinaison prévus par le décret du 11 février 2016 :

- par arrêté ministériel dans le cas de la fonction publique de l'État ;

- par délibération de l'organe délibérant de la collectivité dans la fonction publique territoriale ;

- par une décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination dans la fonction publique hospitalière.

En l'absence d'un tel acte de déclinaison, tout agent public exerçant des activités télétravaillables peut néanmoins demander le télétravail sans que cette absence ne puisse être invoquée pour lui opposer un refus.

Par ailleurs, l'accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en oeuvre du télétravail dans la fonction publique a prévu que l'ensemble des employeurs publics s'engagent à ouvrir des négociations avant le 31 décembre 2021 en vue de décliner l'accord-cadre.

2. Des règles dérogatoires pour les salariés pour lesquels le télétravail peut être un aménagement de poste particulièrement adéquat

Si le télétravail n'offre pas de réduction du temps de travail ou, dans le cas général, une flexibilité accrue sur les horaires, il peut toutefois offrir à des salariés qui le nécessitent les conditions d'une meilleure conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Il peut, par exemple, constituer un aménagement de poste particulièrement adéquat pour des personnes en situation de handicap, pour lesquelles le trajet domicile - travail peut être plus éprouvant. Il permet également de mieux répondre à la situation des salariés proches aidants.

En ce sens, le législateur a souhaité préciser que la charte ou l'accord collectif régissant les conditions de télétravail doit prévoir des stipulations spécifiques pour les conditions d'accès de certains publics à une organisation en télétravail :

- les travailleurs handicapés57(*) ;

- les salariées enceintes58(*) ;

- les salariés aidants d'un enfant, d'un parent ou d'un proche59(*) au sens de l'article L. 113-1-3 du code de l'action sociale et des familles.

Afin de renforcer l'accès effectif de certains salariés au télétravail, le législateur a également souhaité inscrire une règle dérogatoire aux modalités de recours au télétravail pour les travailleurs en situation de handicap et pour les proches aidants. Pour ces salariés, l'employeur est tenu de motiver son refus d'accorder du télétravail.

B. La proposition d'ajouter les femmes souffrant de dysménorrhées aux publics bénéficiant d'un régime particulier de télétravail

Le présent article propose de compléter le II de l'article L. 1222-9 du code du travail par un 7, afin que les précisions relatives au télétravail que doivent contenir les accords collectifs et les chartes d'employeurs prévoient les modalités d'accès des salariées souffrant de dysménorrhée invalidante à ce mode d'organisation du travail.

II - La position de la commission

Bien que toutes les salariées ne puissent y prétendre, le télétravail constitue effectivement une modalité de travail réellement adaptée à la situation des femmes souffrant de dysménorrhées.

La rapporteure souligne que le dispositif proposé permet d'inciter le dialogue social à s'emparer de cette possibilité, en laissant aux accords collectifs et aux chartes d'employeurs la faculté de définir les conditions dans lesquelles cet accès est possible. Cette forme d'orientation de la négociation collective permet de respecter la place de la norme négociée dans l'entreprise, et d'adapter les conditions aux spécificités de chaque branche ou entreprise.

Par ailleurs, cette disposition serait de même nature que ce qui existe déjà pour les travailleurs handicapés ou les salariées enceintes, or les auditions ont permis de constater que ces modalités d'accès spécifique sont bien appropriées par les entreprises.

Toutefois, la commission a considéré que ce dispositif risquerait de trop contraindre le dialogue social, et que sa mise en oeuvre posait des questions relatives au respect du secret médical au sein de l'entreprise.

La commission n'a pas adopté cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 février 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Laurence Rossignol, rapporteure, sur la proposition de loi n° 537 (2022-2023) visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail.

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle maintenant l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail. Cette proposition de loi, déposée par notre collègue Hélène Conway-Mouret, dont je salue la présence parmi nous, sera examinée en séance publique jeudi 15 février, au sein de la niche du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - La proposition de loi de notre collègue Hélène Conway-Mouret cherche à mettre en place les conditions d'une meilleure prise en compte de la santé des femmes au travail, et prévoit de créer un arrêt maladie plus adapté à la situation des femmes souffrant de dysménorrhées.

Cette proposition de loi s'inscrit en partie dans le sillage du rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la santé des femmes au travail, auquel j'ai eu la chance de participer avec ma collègue Marie-Pierre Richer. Nous ne sommes pas parvenues, cependant, à adopter une position unanime en faveur de la mise en place d'un « congé menstruel » en France, ou contre cette mesure, mais nous nous sommes accordées sur le constat suivant : les pathologies menstruelles constituent un enjeu d'égalité professionnelle encore insuffisamment investi dans le monde du travail.

Avant de procéder à l'examen de ce texte, je voudrais d'abord souligner un double problème de vocabulaire, concernant les termes de « dysménorrhée » et de « congé menstruel ».

Tout d'abord, le champ de la proposition de loi s'étend aux femmes victimes de dysménorrhées incapacitantes, un terme qui peut paraître inutilement compliqué, mais qui désigne en réalité simplement les douleurs menstruelles assez aiguës pour perturber les activités quotidiennes, et donc conduire à des absences dans le milieu scolaire ou professionnel. Ces dysménorrhées peuvent être qualifiées de « secondaires », lorsqu'elles sont liées à une pathologie - c'est le cas de l'endométriose, des fibromes utérins, du syndrome des ovaires polykystiques ou du syndrome prémenstruel - ou bien de « primaires » lorsqu'elles ne le sont pas.

Évidemment, les données sur ce sujet sont délicates à produire, mais le phénomène est loin d'être anecdotique. Les estimations qui font foi parmi le corps médical indiquent qu'une femme sur dix en âge de procréer souffrirait d'endométriose, auxquelles s'ajoutent les femmes touchées par les autres pathologies menstruelles et par des dysménorrhées primaires. Dans un sondage de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) de mai 2021, 16 % des femmes interrogées rapportent souffrir de menstruations très douloureuses, au point de voir leur activité professionnelle ou scolaire impactée.

J'en viens maintenant au terme de « congé menstruel ». Celui-ci a le mérite d'avoir été repris dans l'espace public et d'être relativement bien identifié, mais c'est sans doute là sa seule vertu. En effet, il permet à tort le rapprochement avec les congés payés et donne l'image d'une période de confort et d'oisiveté à destination des femmes durant leur période de menstruation. Il n'en est rien, évidemment.

D'abord, mais faut-il le rappeler, parce qu'il ne vise pas l'ensemble des femmes, mais seulement celles dont les douleurs sont incapacitantes, le terme de « congé menstruel » n'est pas adapté. Je vous épargne le recueil de description des douleurs physiques, et je ne reviens pas non plus sur les errances thérapeutiques qui s'y rattachent le plus souvent, mais je vous assure qu'à choisir, aucune d'entre elles ne souhaiterait avoir besoin de cet arrêt.

Par ailleurs, j'y reviendrai, la proposition de loi ne vise pas à créer un congé menstruel accordé par l'employeur, mais bien un arrêt maladie spécifique, délivré par un professionnel médical à la suite d'un examen rigoureux, et donc sur des bases cliniques indiscutables. Ces précautions liminaires étant exposées, j'en viens au coeur de notre sujet.

Depuis quelques années, l'action des associations et des militantes a permis d'offrir une meilleure visibilité à l'endométriose dans l'espace public, et il faut s'en féliciter.

Cette visibilité peine en revanche à passer les portes du monde du travail. Si de réels progrès ont été faits concernant la prévention et la santé en travail dans les entreprises depuis l'accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre 2020, les employeurs peinent encore à identifier les dysménorrhées subies par les femmes comme un enjeu d'égalité professionnelle.

En l'absence de disposition spécifique dans le droit français et de prise en charge par la sécurité sociale, seuls quelques employeurs ont mis en place un accompagnement et, parfois, une adaptation du régime de travail de leurs salariées souffrant de dysménorrhées.

Comme souvent, les collectivités territoriales ont été pionnières : la commune de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, a par exemple mis en oeuvre une autorisation spéciale d'absence de deux jours par mois sur présentation d'un justificatif médical, avant que la commune de Bagnolet et les métropoles de Lyon et Strasbourg ne l'imitent. Certaines entreprises ont également prévu des adaptations : si l'exemple très médiatique de Carrefour ne concerne qu'un champ restreint aux salariées ayant une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), d'autres entreprises, des grandes comme L'Oréal, ou des plus petites comme la coopérative La Collective, sont également expérimentatrices.

Face à cette forme de prise de conscience, les initiatives législatives se multiplient au Sénat comme à l'Assemblée nationale, dans l'ensemble du spectre politique, actant ainsi que le besoin d'agir est réel. Pour ce qui concerne plus spécifiquement le Sénat, la proposition de loi visant à lutter contre l'endométriose d'Alexandra Borchio Fontimp, qui a récemment été déposée, concerne le financement de l'innovation dans la prise en charge thérapeutique, le dépistage et la diffusion de la connaissance autour de cette maladie. Cette initiative est donc pleinement compatible avec la proposition de loi que nous examinons ce matin, qui concerne principalement l'adaptation du régime des arrêts de travail et de leur indemnisation aux douleurs menstruelles.

Les douleurs menstruelles revêtent en effet certaines spécificités : les dysménorrhées sont récurrentes, elles sont concentrées dans le temps, et elles sont, dans la grande majorité des cas, bénignes. Les grands principes de l'indemnisation des arrêts de travail de droit commun, à savoir la prescription médicale de chaque arrêt et l'application d'un délai de carence, ne s'accommodent qu'imparfaitement de ces particularités. La conséquence est un important non-recours, facteur d'un certain mal-être au travail.

Les statistiques le confirment : 40 % des femmes souffrant de dysménorrhées disent, par exemple, mal supporter les stations debout et assise les plus courantes sur leur poste. S'y ajoutent de la fatigue et des difficultés à se concentrer du fait de la douleur pour 48 % d'entre elles. Comment ignorer, dans ces conditions, les risques accrus d'accidents du travail que les douleurs menstruelles font peser sur les femmes ?

Il est aujourd'hui nécessaire de dépasser enfin la recette que se transmettent les femmes de génération en génération : « Prends tes médicaments et serre les dents ». Cette invisibilisation des douleurs menstruelles n'est plus tenable.

Six pays ont déjà pris à bras-le-corps l'enjeu de la santé menstruelle au travail, et adopté des « congés menstruels ». Dans quatre d'entre eux, le Japon, la Corée du Sud, l'Indonésie et la Zambie, il s'agit bien d'un jour de congé accordé et, le cas échéant, rémunéré par l'employeur. Dans les deux autres, Taïwan et l'Espagne, il s'agit plutôt d'un arrêt de travail menstruel, médicalement constaté et pris en charge par la solidarité nationale.

La proposition de loi que nous examinons ce matin a pour principal objet de faire de la France le septième pays de la liste et de créer un nouveau régime d'arrêt maladie spécifiquement dédié aux femmes souffrant de dysménorrhées, arrêt maladie à la charge de la sécurité sociale et non de l'employeur.

L'article 1er constitue le coeur du dispositif. Il prévoit que l'assurée souffrant de dysménorrhées puisse se voir prescrire par un médecin ou une sage-femme un arrêt de travail cadre, d'une durée d'un an. Cette prescription ouvrirait à l'assurée le droit de bénéficier au plus de deux jours d'arrêt de travail par mois chaque fois que la douleur le rend nécessaire, sans avoir à consulter à nouveau un professionnel médical.

Il s'agit là d'une dérogation au droit commun, justifiée par la récurrence et la cyclicité des douleurs menstruelles, ainsi que par leur caractère le plus souvent bénin. Cela allégerait les démarches médicales de l'assurée, qui n'aurait plus à consulter à chaque période de menstruation douloureuse, et libérerait du temps médical dans un contexte de tension sur l'offre de soins.

L'article 2 prévoit qu'aucun délai de carence ne s'applique aux arrêts de travail prescrits en cas de dysménorrhée, tant pour les salariées que pour les agentes publiques. Les arrêts de travail seraient donc indemnisés dès le premier jour. Il ne s'agit pas là d'une mesure pour encourager le recours à l'arrêt de travail, mais bien d'une mesure pour cesser de le décourager.

En effet, les douleurs liées aux règles peuvent être aiguës, mais elles sont le plus souvent concentrées sur une durée insuffisante pour ouvrir droit à indemnisation pour les salariées du privé, compte tenu du délai de carence.

Les femmes souffrant de dysménorrhées sont donc aujourd'hui contraintes à un choix entre deux issues insatisfaisantes : s'arrêter et perdre jusqu'à 10 % de leur salaire, parfois chaque mois ; ou souffrir au travail. Dans un contexte d'inflation, l'arrêt de travail devient un luxe que peu peuvent se permettre. La suppression du délai de carence est alors une condition nécessaire pour que l'arrêt de travail puisse servir son but originel : permettre à celles et ceux qui ne peuvent momentanément pas travailler de ne pas le faire.

La suppression d'un délai de carence n'a d'ailleurs rien d'incongru. Vous avez, mes chers collègues, adopté en 2023 la suppression du délai de carence pour les arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse ou à une interruption médicale de grossesse, pour les mêmes raisons. Le délai de carence ne s'applique pas davantage pour les affections de longue durée (ALD) à compter du deuxième arrêt de travail, une dérogation justifiée par la récurrence et la chronicité de ces pathologies. Ces caractéristiques, les ALD les partagent avec de nombreuses pathologies menstruelles, à commencer par l'endométriose.

L'article 3 prévoit, quant à lui, que les arrêts de travail, dans le cadre du « congé menstruel », soient pris en charge à 100 % par la sécurité sociale, un traitement dérogatoire plus favorable que les arrêts de travail de droit commun, pris en charge à 50 %.

Malgré la spécificité des douleurs menstruelles, je vous proposerai de supprimer cet article dans un esprit d'équité. Il ne me semble en effet pas justifié d'instaurer des différences de traitement entre les différentes pathologies dans le niveau de prise en charge par la solidarité nationale.

Si les administrations centrales n'ont pas été en mesure de nous proposer un chiffrage, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) avait estimé à une centaine de millions d'euros le coût annuel pour la sécurité sociale d'un dispositif similaire, mais centré sur l'endométriose.

Cet arrêt menstruel ne manquera pas, je le sais, de susciter des interrogations. J'aimerais revenir sur les principales observations qui m'ont été transmises lors des auditions.

J'écarte d'emblée le sempiternel argument du risque de discrimination, que même la direction générale du travail (DGT) ne revendique pas et qui n'a jamais servi qu'à prôner l'immobilisme pour les droits des femmes.

À ceux qui craignent que ce dispositif ne désorganise les entreprises, je veux répondre que le premier facteur de désorganisation n'est pas l'arrêt menstruel, mais la douleur menstruelle. Il me semble illusoire de croire que l'employée d'usine qui se tord de douleur à son poste, parce qu'elle n'a pas d'autre choix, puisse exercer un travail productif qui ne perturbe pas l'organisation du travail.

D'autres, comme la DGOS, craignent qu'un arrêt de travail cadre comme celui que prévoit de créer ce texte ne conduise les femmes à moins consulter pour leurs dysménorrhées. Je pense au contraire qu'en simplifiant la procédure et en garantissant une juste indemnisation, ce texte sera de nature à inciter les femmes qui souffrent aujourd'hui en silence et hors de tout parcours de soins, faute d'alternative, à consulter un médecin à ce sujet.

J'aimerais, enfin, avancer deux arguments à mes collègues qui pensent que la solution réside dans la catégorisation comme ALD de certaines pathologies menstruelles.

Premièrement, en supprimant le délai de carence, la proposition de loi que nous examinons rapproche le régime applicable aux dysménorrhées de celui qui est applicable aux ALD. Cette proposition de loi va donc dans le sens que vous encouragez.

Deuxièmement, seulement 10 000 femmes sont parvenues à faire reconnaître leur endométriose comme ALD, un chiffre à comparer aux 2,5 millions de femmes concernées par cette maladie. Nous ne pouvons plus continuer d'agir au compte-gouttes, il faut désormais une approche plus globale.

Enfin, l'article 4 prévoit que l'accord collectif applicable, ou à défaut la charte de l'employeur, précise les modalités d'accès des salariées souffrant de dysménorrhée invalidante à une organisation en télétravail. Il précise également que l'employeur s'assure de « l'égalité d'accès au télétravail entre les femmes et les hommes ». En effet, même si toutes les salariées ne peuvent y prétendre, le télétravail peut constituer un aménagement de poste particulièrement adéquat pour les femmes souffrant de dysménorrhées.

Cette proposition de loi est prometteuse et nécessite certainement un débat nourri pour préciser certains de ses éléments. Les auditions conduites ont d'ores et déjà permis d'identifier le risque qui existerait à porter à 100 % l'indemnisation des arrêts maladie des femmes souffrant de dysménorrhées, ce qui nous a conduits à la suppression de l'article 3. Plus largement, des évolutions sont imaginables concernant les modalités de la prise en charge par la sécurité sociale de ces arrêts, que ce soit au niveau du périmètre, ou de la nature de l'arrêt délivré.

Pour conclure, ce texte répond à une conviction profonde : quand le système d'indemnisation de l'assurance maladie ne répond pas à la situation particulière d'un salarié, c'est parfois une injustice, souvent une tragédie individuelle, mais cela n'appelle pas forcément de réponse du législateur. En revanche, quand un système exclut plus d'un salarié sur vingt, il me semble que la légitimité du législateur à agir est grande. C'est pourquoi je demande à la commission de bien vouloir adopter ce texte.

Pour finir, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives au régime des arrêts de travail s'appliquant aux personnes souffrant de dysménorrhées et aux aménagements des conditions et du temps de travail pour les personnes souffrant de dysménorrhées.

En revanche, ne me semblent pas présenter de lien - même indirect - avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables, des amendements relatifs à la prise en charge thérapeutique des personnes souffrant de dysménorrhées, aux compétences générales des professionnels de santé, aux conditions générales d'indemnisation des arrêts de travail ou aux règles générales d'organisation du travail.

Il en est ainsi décidé.

Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la proposition de loi. - Merci de m'accueillir pour présenter cette proposition de loi. Ce texte repose sur des observations de terrain et vise à répondre aux attentes de millions de femmes, qui espèrent voir reconnaître le fait que les dysménorrhées peuvent être incapacitantes et avoir des répercussions négatives sur la qualité de leur travail, comme sur la qualité de leurs relations professionnelles pendant la journée ou les deux jours concernés, situation qu'elles doivent jusqu'à présent gérer seules en invisibilisant leurs souffrances. Leurs collègues peuvent cependant observer que la qualité de leur travail n'est pas optimale pendant ces périodes.

Ces femmes souhaitent travailler dans un environnement professionnel serein et pouvoir bénéficier d'un peu de repos le jour où le besoin s'en fait ressentir. Précisons qu'il ne s'agit pas de proposer un jour de congé supplémentaire par mois aux femmes - comme l'a justement souligné la rapporteure, le terme de « congé » est inadapté -, mais de créer un nouveau type d'arrêt maladie, octroyé sur la base d'une consultation médicale. Les auditions nous ont permis de constater que les femmes ne consultent que rarement pour ce motif dans la mesure où elles ont l'habitude de s'entendre dire que ces douleurs sont normales et qu'il faut patienter, même si celles-ci peuvent revenir le mois suivant avec plus ou moins d'intensité.

Cette consultation médicale pourrait, selon nous, déboucher sur un suivi et un accompagnement qui permettraient aux femmes de mieux gérer les douleurs comme les symptômes. Cet accompagnement médical pourrait d'ailleurs leur permettre de ne pas recourir à cet arrêt, qui pourra être demandé lorsque les femmes estiment qu'elles sont incapables de travailler. Nous avons recueilli des témoignages assez frappants de femmes qui éprouvaient des douleurs telles qu'elles ne pouvaient pas conduire pour rentrer de leur travail et devaient être ramenées à leur domicile par un collègue.

Faire confiance aux femmes me semble essentiel, afin qu'elles puissent gérer au mieux ce moment du mois très pénible pour elles. Des collectivités et des entreprises ont spontanément pris l'initiative de mettre en place cet arrêt menstruel : estimant que leurs employés et salariés recherchent un cadre professionnel dans lequel ils peuvent s'épanouir, les entreprises y voient un élément d'attractivité. À rebours de l'argument selon lequel ce nouvel arrêt maladie créerait de la discrimination, il s'agit au contraire de pouvoir attirer davantage les femmes, tout en gagnant en productivité.

Pour ce qui concerne les collectivités, une tribune signée par des maires et des présidents de départements de toutes tendances politiques a été publiée hier dans Libération : si notre groupe porte ce texte, une démarche transpartisane pourrait déboucher sur la généralisation d'un acquis social, dans le prolongement de l'amélioration de l'accompagnement des femmes après une interruption spontanée de grossesse. Entrée en vigueur le 1er janvier 2024, celle-ci leur permet de percevoir des indemnités journalières (IJ) sans délai de carence.

Cette proposition de loi vise à mettre en place un accompagnement médical et à favoriser l'intégration au travail des femmes concernées. Une certaine appétence pour ce sujet s'est exprimée dans la mesure où des textes ont déjà été déposés à l'Assemblée nationale, les députés m'ayant indiqué qu'ils utiliseraient une niche transpartisane si le Sénat venait à ne pas adopter cette proposition de loi. Je pense que nous raterions alors collectivement l'occasion de montrer que nous sommes capables de faire des propositions concrètes pour renforcer les droits des femmes et faire avancer l'égalité des chances. Une fois encore, une femme souffrant de ces douleurs verra ses performances professionnelles affectées et pourrait en pâtir lorsqu'une promotion est en jeu : avec ces nouvelles dispositions, elle se retrouverait sur un pied d'égalité avec ses collègues masculins.

Si la France n'a pas été un pays précurseur dans ce domaine, ce décalage permet de s'assurer que ce dispositif n'entraîne pas d'abus. Nous avons réalisé des sondages dans les entreprises et les collectivités ayant déjà mis en place cette mesure ; ces enquêtes montrent l'absence d'abus : les chiffres sont, au contraire, en deçà des prévisions, étant donné que 10 % des femmes pourraient avoir recours à cet arrêt maladie.

Ledit arrêt, valable un an afin de pas avoir à retourner consulter un médecin chaque mois, s'accompagnerait d'un accompagnement et d'un suivi médical, ainsi que de la levée du délai de carence afin ne pas pénaliser les femmes occupant les emplois les plus précaires.

En conclusion, je reste ouverte à des adaptations du texte qui permettraient de répondre à l'ensemble des questionnements et d'aller dans le sens d'un véritable acquis social. Je pense notamment à l'article 4 relatif au télétravail. Cette possibilité et, de manière plus générale, des adaptations du poste de travail permettraient de répondre, par exemple, aux besoins de cette policière qui m'avait indiqué que si ses douleurs rendaient sa présence sur la voie publique malaisée, elle pouvait néanmoins s'occuper de tâches administratives le jour en question.

Le Sénat est en mesure de porter ces avancées : s'il n'est pas question d'entrer en compétition avec l'Assemblée nationale, les attentes de la société existent bien et la société française est prête à accepter ce progrès.

Mme Marie-Pierre Richer. - Ce débat fait en effet suite au rapport d'information sur la santé des femmes au travail. Trois des quatre rapporteures n'étaient pas d'accord quant à la mise en place d'un congé menstruel, à savoir Laurence Cohen, Annick Jacquemet et moi-même. Nous partagions en revanche le souhait d'ajouter l'endométriose à la liste des ALD, car cette maladie ne se limite pas aux douleurs menstruelles et va bien au-delà. La problématique de la reconnaissance de l'endométriose dépend d'un travail clinique qui reste à accomplir pour établir toutes les conséquences de cette maladie.

Tandis que nous procédions à nos auditions, trois textes ont été déposés à l'Assemblée nationale, l'un évoquant le congé menstruel et les deux autres l'arrêt maladie, avec un contenu finalement assez proche si l'on met à part les considérations sémantiques. La recommandation n° 17 du rapport visait à privilégier l'incitation, en laissant les entreprises et les collectivités locales décider en liberté d'un congé menstruel.

Je resterai pour ma part cohérente avec mes positions précédentes et ne soutiendrai donc pas un tel dispositif.

Mme Frédérique Puissat. - Le sujet, d'importance, a fait l'objet de travaux de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat. Les différentes propositions de loi déposées doivent nous conduire à prêter attention à ces enjeux qui concernent la vie des femmes et le droit du travail.

Cela étant, nous pouvons nous interroger sur le fait que les sujets soient abordés en silo, au prix d'un déficit de vision globale. En l'occurrence, un rapport avait replacé ce débat dans le cadre du dialogue social et nous constatons que les entreprises s'en emparent. Notre groupe estime que des discussions au niveau des branches et des entreprises seraient une voie préférable à celle qui est portée par la proposition de loi, laquelle consiste à imposer les dispositifs.

Mme Pascale Gruny. - Personne ne contestera l'ampleur de ces problèmes, que j'ai rencontrés à titre personnel. Pour autant, l'enjeu de la désorganisation du travail mérite d'être soulevé, et je pense par exemple aux enseignantes, aux juges ou aux infirmières. L'une des amies d'une de mes filles, infirmière à l'hôpital, est atteinte d'endométriose et est en proie à d'intenses douleurs au travail, mais m'a indiqué ne pas souhaiter s'arrêter afin de ne pas reporter sa charge de travail sur ses collègues. Je ne peux donc pas voter ce texte en l'état, en rappelant d'ailleurs que l'hôpital est confronté à ces difficultés depuis la mise en place des 35 heures.

Mme Marion Canalès. - La santé des femmes au travail n'est pas un mince sujet : nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer la très forte augmentation des accidents du travail chez les femmes en comparaison de la diminution constatée chez les hommes. J'entends la demande de mes collègues visant à renvoyer la mise en place de ce dispositif à la liberté des entreprises ou des collectivités territoriales, mais je rappelle que c'est la loi qui a fini par graver dans le marbre l'extension du congé parental de 14 jours à 28 jours face à des initiatives d'entreprises ou de collectivités, afin de garantir l'égalité de tous les salariés.

Expérimenté dans d'autres pays, notamment l'Espagne, le congé menstruel n'a rien d'un arrêt de convenance. À Saint-Ouen, aucun appel d'air n'a été constaté, ce qui devrait rassurer les collectivités territoriales quant au risque de dérapage de leurs dépenses de fonctionnement en raison d'arrêts à répétition.

Il me semble que la loi devrait porter cette avancée sociale en s'appuyant sur ces expériences vertueuses, qui ont démontré l'intérêt de la mesure pour les femmes. En outre, l'amélioration du bien-être au travail renforce l'attractivité d'entreprises soumises, depuis le 1er janvier 2024, à la directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD et à l'obligation d'intégrer des indicateurs écologiques et sociaux.

Ce texte reste à l'évidence perfectible, mais il n'est plus possible de passer sous silence cette inégalité hommes-femmes à l'oeuvre dans le monde du travail.

Mme Anne Souyris. - Je soutiens cette proposition de loi, l'endométriose n'ayant pas été reconnue pendant longtemps alors qu'elle est un lourd handicap dans le travail des femmes. L'adoption d'une telle loi protégerait de fait les entreprises en leur fournissant un cadre, même si chaque branche pourrait discuter d'un certain nombre de modalités pratiques. Afin de garantir aux femmes le droit de travailler sans ce handicap, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires soutiendra cette proposition de loi.

Mme Brigitte Devésa. - Nous évoquons un problème fort ancien, les femmes étant confrontées à ces difficultés depuis des milliers d'années. S'il faut garantir leur santé et leur bien-être au travail, les différentes propositions de loi sont assez réductrices, et je regrette l'absence d'une perspective plus large. Je suis gênée, en outre, par la potentielle atteinte au secret médical qui pourrait découler de ce dispositif au sein des entreprises. Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste ne votera pas en faveur de ce texte.

Mme Silvana Silvani. - Les mesures proposées représenteraient une incontestable avancée dans la prise en compte des conditions de travail des femmes. À première vue, l'entrée via les dysménorrhées et les pathologies liées à ces périodes pourrait paraître réductrice, mais elle me semble être en fin de compte adaptée, car elle est incontestable.

Allons-nous, oui ou non, progresser dans la reconnaissance des différences entre les femmes et les hommes, et prendre conscience que l'absence de prise en compte de ces spécificités est source de discrimination ? Je soutiendrai toute initiative permettant une meilleure reconnaissance de pathologies pouvant toucher la moitié de l'humanité, mais trop longtemps passées sous silence.

Mme Nadia Sollogoub. - Il ne s'agit justement pas de reconnaître la moitié de l'humanité puisqu'il est fait abstraction des professions libérales et que l'on semble considérer que toutes les femmes sont salariées. Au lieu d'apporter une aide à cette seule catégorie, nous gagnerions à améliorer la prise en charge d'une pathologie.

Mme Annie Le Houerou. - L'invisibilisation de la douleur doit céder le pas à la reconnaissance d'un état de fait et d'une réalité dans l'entreprise. En prenant en compte ces situations, les entreprises pourraient justement améliorer la planification et l'organisation du travail au sein de leurs équipes, au lieu d'être confrontées à des absences non déclarées ou imprévisibles.

M. Daniel Chasseing. - Merci d'avoir porté un sujet ancien, mais jusqu'à présent peu reconnu, les douleurs menstruelles pouvant en effet être très handicapantes, même si un diagnostic précis fait parfois défaut. Comme l'a suggéré Mme Sollogoub, il vaudrait sans doute mieux s'appuyer sur une pathologie et sur la reconnaissance de l'endométriose comme ALD, ce qui justifierait d'autant plus la possibilité de recourir à un arrêt de travail sur une période d'un an.

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Nous devrions nous interroger sur l'entrée la plus efficace pour traiter ce sujet important : est-il question d'une prise en charge médicale ou de l'affirmation d'un droit social ? L'institutionnalisation d'un congé menstruel ou d'un arrêt maladie spécifique pourrait induire un effet de bord et exposer durablement les jeunes femmes à des difficultés dans leur intégration professionnelle.

Je pense en effet que les discriminations à l'embauche existent dans les faits : les jeunes femmes qui ont des projets familiaux peinent ainsi à se maintenir dans les cabinets d'avocats, leur charge mentale liée à leur activité professionnelle s'ajoutant à celle qui découle des problèmes domestiques et familiaux.

Plus généralement, les discriminations à l'embauche des jeunes femmes risqueraient d'être renforcées : à compétences égales, certains employeurs pourraient être tentés de privilégier les candidatures masculines afin d'éviter la gestion de ces difficultés récurrentes. Ces problématiques relèvent davantage, de mon point de vue, d'une prise en charge médicale.

M. Dominique Théophile. - Je me pose la question d'une autre voie. Pourrait-il exister un lien entre une dysménorrhée invalidante et la RQTH, au bénéfice des droits du salarié ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'argument de la création d'un facteur supplémentaire de discrimination à l'embauche pour les jeunes femmes doit être d'emblée écarté : tout employeur recrutant une femme sait qu'elle peut être enceinte entre 20 ans et 45 ans, puis affectée par la ménopause ensuite. Être une femme expose en soi à la discrimination à l'embauche, et la création d'un nouveau congé n'aggravera pas cet état de fait.

J'en viens aux différentes alternatives à la proposition de loi que vous avez envisagées. La première consiste en la reconnaissance de la pathologie comme ALD, que ce soit en ALD 30 ou ALD 31. Dans la mesure où seulement 0,3 % des femmes atteintes d'endométriose ont aujourd'hui accès à cette dernière catégorie tant les critères sont restrictifs, il ne peut pas s'agir de la réponse adéquate à apporter aux jeunes femmes.

Les ALD 30 seraient, quant à elles, plus coûteuses pour la sécurité sociale que la solution que nous proposons. De surcroît, j'ai évoqué non pas une, mais plusieurs pathologies, les dysménorrhées incapacitantes ne se limitant pas à l'endométriose. D'une part, certaines femmes atteintes d'endométriose ne souffrent pas de règles incapacitantes ; d'autre part, des jeunes femmes, affectées par des règles douloureuses et des migraines, peuvent très bien avoir passé la totalité des examens possibles et imaginables et se retrouver in fine dépourvues du diagnostic d'une pathologie spécifique, si ce n'est le symptôme d'avoir des règles douloureuses. La solution de l'ALD 30 exclurait donc toutes ces femmes.

Concernant le lien avec la RQTH, ces femmes ne se perçoivent pas comme des handicapées, le handicap supposant par ailleurs un taux d'incapacité permanent et constant. De plus, je ne crois pas qu'une orientation vers les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) serait appropriée tant les procédures qui y existent sont longues et complexes.

Je répondrai aux collègues qui ont beaucoup insisté sur le dialogue social en évoquant les négociations d'entreprise et de branche que la définition des arrêts maladie - comme celle des IJ - est totalement exclue du champ du dialogue social, ces sujets relevant de la sécurité sociale. Cette piste ne peut donc pas être retenue.

Madame Gruny, je peine à admettre l'idée qu'on refuserait un droit nouveau à des femmes souffrant de graves incapacités quelques jours par mois au motif que leur organisation du travail est déjà maltraitante, sauf à ajouter de la maltraitance à une situation déjà dégradée. De plus, la jeune femme que vous citiez ne recourrait sans doute pas à cet arrêt maladie, qui correspondra à un nombre de jours limités, n'aura rien d'obligatoire et relèvera du choix des femmes.

Quant aux collectivités territoriales, celles-ci nous demandent justement de légiférer, car la validité juridique de leurs expérimentations les préoccupe. Parmi les directions des administrations centrales que nous avons rencontrées, la direction générale de l'administration et de la fonction publique a d'ailleurs été la plus allante, se demandant déjà comment elle allait accompagner les administrations et les collectivités qui ont pris un temps d'avance par rapport au secteur privé dans cette voie.

En ce qui concerne les expériences menées par les entreprises, aucune ne nous semble véritablement probante en l'absence de maintien de salaire dans la plupart des cas : il s'agit plutôt d'un droit d'absence non rémunéré.

L'argument selon lequel les professions libérales ne sont pas concernées à ce stade est exact, mais peut être avancé pour de nombreuses autres mesures de protection sociale et relatives aux congés. De surcroît, je suis sûre que le Gouvernement réfléchirait rapidement à une extension du dispositif auxdites professions libérales si cette proposition de loi venait à être adoptée au bénéfice des salariées et des fonctionnaires.

Concernant le secret médical - ou plus précisément l'intimité de la salariée -, des moyens techniques existent puisque l'arrêt de travail pourrait être généré informatiquement sur Ameli par l'assuré. Ce document serait automatiquement signé par le médecin ayant établi la prescription d'arrêt maladie pour l'année.

En conclusion, je vous invite à tenir compte de l'aspect générationnel de ce débat : pour nombre d'entre nous, les douleurs liées aux règles n'étaient pas un sujet de conversation et étaient passées sous silence dans le monde du travail, dans lequel il fallait faire fi d'une santé sexuelle et reproductive spécifique exposant à une série de désagréments. La jeune génération a une tout autre approche et n'hésite pas à aborder franchement ces problèmes, dans le cadre familial comme professionnel. Accompagnons-la dans la levée de ce tabou, avant, je l'espère, d'accompagner la levée du tabou de la ménopause.

D'un point de vue stratégique, des propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale et seront examinées dans le cadre de niches transpartisanes, le Gouvernement ayant compris qu'il ne pourrait y être hostile compte tenu de l'importance de ce sujet de société. Selon moi, le Sénat rejettera la proposition de loi, puis l'Assemblée nationale reprendra toute la lumière en accompagnant les évolutions sociétales, tandis que notre chambre aura traîné des pieds. Chers collègues, vous disposez de six jours pour amender ce texte : faites-le et améliorons ce texte ensemble, afin que l'image du Sénat - que je n'incarne pas totalement, je le concède - ne soit pas dégradée par l'absence de propositions.

M. Philippe Mouiller, président. - Je ne sais pas s'il faut interpréter la fin de votre intervention comme une menace ou un constat, mais je pense que vous ne rendez pas service au texte que vous défendez en vous exprimant sur ce ton excessif, madame la rapporteure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Je n'ai menacé personne, monsieur le président, mais simplement décrit ce qui allait se passer selon moi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'amendement  COM-1 est un amendement de coordination visant à prendre en compte les conséquences sur l'article 1er de la suppression de l'article 3 de la proposition de loi, prévue par l'amendement suivant.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'amendement  COM-2 vise à supprimer cet article, qui prévoit une indemnisation à 100 % des arrêts de travail pris dans le cadre du « congé menstruel ». J'estime que cette mesure exorbitante du droit commun n'a pas lieu d'être et qu'il convient d'aligner le montant des IJ sur le droit commun.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

L'article 4 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er
Création d'un « congé menstruel » sous la forme d'un arrêt maladie cadre

Mme ROSSIGNOL, rapporteure

1

Amendement de coordination

Rejeté

Article 3
Modalités d'indemnisation par l'assurance maladie du « congé menstruel »

Mme ROSSIGNOL, rapporteure

2

Suppression de la prise en charge intégrale par la sécurité sociale des arrêts de travail menstruels

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »60(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie61(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte62(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial63(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 7 février 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 537 (2022-2023) visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- au régime des arrêts de travail s'appliquant aux personnes souffrant de dysménorrhées ;

- aux aménagements des conditions et du temps de travail pour les personnes souffrant de dysménorrhées.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- à la prise en charge thérapeutique des personnes souffrant de dysménorrhées ;

- aux compétences générales des professionnels de santé ;

- aux conditions générales d'indemnisation des arrêts de travail ;

- aux règles générales d'organisation du travail.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Auditions

· Direction générale du travail (DGT)

Christelle Akkaoui, sous-directrice des conditions de travail

Aurore Vitou, sous-directrice des relations du travail

Sophie Fleurance, adjointe au chef de bureau des relations individuelles de travail

Heidi Borrel, adjointe au chef de mission pilotage des opérateurs de la santé au travail

Axelle Houdier, chargée de mission

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Julien Carricaburu, conseiller médical auprès de la directrice générale

· Direction de la sécurité sociale (DSS)

Marion Muscat, adjointe à la sous-directrice de l'accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail

Anne-Laure Boutounet, chargée de mission au bureau de l'accès aux soins

· Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

Alexis Dousselain, adjoint à la cheffe du département de l'organisation, des conditions et du temps de travail

· Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Béatrice Lestic, secrétaire nationale responsable de la politique en direction des femmes

Isabelle Taniou, secrétaire confédérale

· Confédération générale du travail (CGT)

Sandra Gaudillère, secrétaire générale adjointe

· Confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Maxime Legrand, secrétaire national chargé de l'organisation du travail, santé au travail

· Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Aurélie Chasseboeuf, secrétaire confédérale chargée de l'égalité femmes-hommes

Marie Abdali, conseillère technique politique familiale, handicap et égalité professionnelle

· Mouvement des entreprises de France (Medef)

Diane Milleron-Deperrois, présidente de la commission de la protection sociale et directrice générale AXA santé et collectives

Inès Fontelas, chargée de mission égalité, diversité et inclusion au pôle juridique éthique gouvernance et RSE

Jean-Baptiste Moustié, directeur de mission - direction de la protection sociale

Adrien Chouguiat, directeur de mission au pôle affaires publiques

Contributions écrites

· Union des entreprises de proximité (U2P)

· Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

· Confédération Force ouvrière (FO)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-537.html


* 1 À l'exception du premier arrêt en lien avec une ALD.

* 2 Alice Romerio, novembre 2020, « L'endométriose au travail : les conséquences d'une maladie chronique féminine mal reconnue sur la vie professionnelle », Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET) du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

* 3 Ifop, septembre 2022, « Enquête sur les difficultés à vivre ses règles au travail et l'attrait des salariées pour le congé menstruel », Étude Ifop pour Eve and Co réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 12 au 15 septembre 2022 auprès d'un échantillon de 993 femmes, représentatif de la population des salariées et personnes actives ayant déjà travaillé comme salariées françaises de 15 ans et plus.

* 4 Ifop, mai 2021, « Enquête auprès des femmes sur l'impact des règles dans leur vie », Étude Ifop pour Intima réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 17 au 18 avril 2021 auprès d'un échantillon de 1010 femmes, représentatif de la population féminine française âgée de 15 à 49 ans résidant en France métropolitaine.

* 5 Burney RO, Giudice LC, « Pathogenesis and pathophysiology of endometriosis », Fertil Steril, vol. 98, no 3,ý 2012, p. 511-9.

* 6 Et, pour les fonctionnaires, en application de l'article L. 822-1 du code général de la fonction publique.

* 7 Article L. 323-1 du code de la sécurité sociale pour les salariés et assimilés, article 115 de la loi de finances pour 2018 pour les fonctionnaires, article R. 742-2 du code rural et de la pêche maritime pour les salariés agricoles, article D. 622-12 du code de la sécurité sociale pour les indépendants et article D. 732-2--2 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles.

* 8 Rapport d'information n° 780 (2022-2023), Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol, « Santé des femmes au travail : des maux invisibles ».

* 9 38 % des répondantes à une étude estiment que le congé menstruel serait incompatible avec la quantité de travail à abattre.

* 10 21 % des répondantes à la même étude seraient dans ce cas.

* 11 Sur une durée prévisible supérieure à six mois.

* 12 Rapport d'information n° 780 (2022-2023), Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol, « Santé des femmes au travail : des maux invisibles ».

* 13 Informations sur la base d'un communiqué de presse.

* 14 Les articles 2 et 3 sont étudiés plus en détail dans le commentaire d'article commun du présent rapport.

* 15 Rapport d'information n° 780 (2022-2023), Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol, « Santé des femmes au travail : des maux invisibles ».

* 16 Diverses conditions s'appliquent, notamment la transmission de l'arrêt de travail à l'employeur sous 48 heures, la prise en charge par la sécurité sociale et un suivi thérapeutique dans l'espace économique européen.

* 17 L'État assure également un versement complémentaire aux indemnités journalières pour ses agents contractuels en arrêt de travail.

* 18 À l'exception des avocats, dont le congé pour maladie ne relève ni de l'État, ni de la sécurité sociale aux termes de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale.

* 19 Aux termes des articles L. 313-1 du code de la sécurité sociale pour le régime général, L. 711-5 du même code pour les régimes spéciaux et L. 622-3 dudit code pour les indépendants.

* 20 Aux termes de l'article L. 622-3 du code de la sécurité sociale pour les indépendants et de l'article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles.

* 21 Article L. 323-4 du code de la sécurité sociale.

* 22 Article R. 323-5 du code de la sécurité sociale.

* 23 Articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-9 du code de la sécurité sociale.

* 24 Article D. 1226-1 du code du travail.

* 25 À l'issue de cette période, l'indemnité complémentaire est calculée comme les deux-tiers de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler.

* 26 À l'issue de cette période, les agents contractuels ne perçoivent qu'un demi-traitement.

* 27 Article L. 732-4-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 28 Article D 732-2-5 du code rural et de la pêche maritime.

* 29 À compter du 29e jour d'arrêt, le montant des indemnités journalières passe à 84 % du gain forfaitaire journalier, soit 32,33 euros brut par jour.

* 30 Article L. 822-3 du code général de la fonction publique.

* 31 Article L. 323-1 du code de la sécurité sociale pour le régime général, article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles, et, par alignement sur les assurés du régime général, article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime pour les salariés agricoles, article L. 622-1 du code de la sécurité sociale pour les indépendants, article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour les agents publics civils et militaires.

* 32 Article R. 323-1 du code de la sécurité sociale.

* 33 Article R. 742-2 du code rural et de la pêche maritime, par alignement sur les assurés du régime général.

* 34 Article D. 622-12 du code de la sécurité sociale.

* 35 Article D. 732-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 36 Article D. 1226-2 du code du travail.

* 37 Article D. 622-12 du code de la sécurité sociale.

* 38 Article D. 732-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 39 Les agents contractuels se voient appliquer un délai de carence de trois jours sur le versement des indemnités journalières, toutefois leur traitement est maintenu par leur administration employeur dès le deuxième jour d'arrêt : le délai de carence pour les IJ est donc sans effet pour eux.

* 40 Article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 41 Article 105 de la loi de finances pour 2012.

* 42 Article 126 de la loi de finances pour 2014.

* 43 Article L. 323-1-1 du code de la sécurité sociale pour les assurés du régime général et assimilés, article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour les agents publics, article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles, article L. 622-1 du code de la sécurité sociale pour les indépendants.

* 44 Article L. 323-1-2 du code de la sécurité sociale pour les assurés du régime général et assimilés, article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour les agents publics, article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles, article L. 622-1 du code de la sécurité sociale pour les indépendants.

* 45 Article L. 323-1-1 du code de la sécurité sociale pour les assurés du régime général et assimilés, article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour les agents publics, article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles, article L. 622-1 du code de la sécurité sociale pour les indépendants.

* 46 Voir par exemple l'article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour les agents publics.

* 47 Article R. 323-1 du code de la sécurité sociale pour les assurés du régime général et assimilés, article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour les agents publics.

* 48 Article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 pour les agents publics.

* 49 Voir le commentaire de l'article 1er.

* 50 90 jours pour les fonctionnaires, aux termes de l'article L. 822-3 du code général de la fonction publique ; et 30, 60 ou 90 jours pour les agents contractuels en fonction de leur ancienneté.

* 51 I de l'article 2.

* 52 II de l'article 2.

* 53 Rapport d'information n° 780 (2022-2023), Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol, « Santé des femmes au travail : des maux invisibles ».

* 54 Cf commentaire de l'article 1er.

* 55 Section 4 du chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code du travail.

* 56 La seule différence notable réside dans le plafond à 3 jours de télétravail hebdomadaire.

* 57 Mis en place par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 58 Mis en place par la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle.

* 59 Mis en place par la loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité.

* 60 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 61 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 62 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 63 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page