CHAPITRE IV
DE NOUVEAUX DISPOSITIFS PÉNAUX POUR MIEUX RÉPRIMER
LES DÉLITS RELATIFS AUX TRANSPORTS

Article 12
Création d'un délit « d'incivilité d'habitude » 

L'article 12 tend à créer un délit « d'incivilité d'habitude » en étendant à l'ensemble des infractions de nature contraventionnelle à la police du transport le régime pénal existant en matière d'infraction aux obligations tarifaires. Ainsi, le fait de commettre une même infraction à cinq reprises serait délictualisé.

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement visant à en assurer la sécurité juridique au regard du principe de légalité des délits et des peines, sans remettre en cause le dispositif de fond, qui est de nature à contribuer à la prévention des troubles à l'ordre public dans les transports.

1. Le droit existant : un délit « d'habitude » en matière d'infractions aux obligations tarifaires

L'article 15 de la loi dite « Le Roux - Savary » du 22 mars 201642(*), dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 2242-6 du code des transports, a prévu la création délit « d'habitude » en matière d'infractions aux obligations tarifaires.

Cet article dispose que le fait de voyager, de manière habituelle, dans tout moyen de transport public de personnes payant sans être muni d'un titre de transport valable est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.

Il est précisé que l'habitude est caractérisée dès lors que la personne a fait l'objet, sur une période inférieure ou égale à douze mois, de plus de cinq contraventions pour avoir voyagé sans titre de transport ou munie d'un titre de transport non valable ou non complété lorsque ces contraventions n'ont pas donné lieu à une transaction ayant pour effet d'éteindre l'action publique en application de l'article 529-3 du code de procédure pénale.

En l'état du droit, aucune autre infraction aux règlements de la police du transport n'entre dans le champ de ce délit « d'habitude ».

2. Le dispositif proposé : un délit « d'habitude » étendu à l'ensemble des infractions de nature contraventionnelle aux règles de la police du transport

Le présent article tend à modifier l'article L. 2242-6 précité du code des transports de façon à étendre le délit « d'habitude » à l'ensemble des infractions de nature contraventionnelle aux règles de la police des transports.

Sont expressément visées les infractions prévues par décret en Conseil d'État et mentionnées aux articles R. 2241-8 à R. 2241-32 du même code. Les contraventions définies par ces articles appartiennent toutes à la troisième ou la quatrième classe (voir encadré).

Outre les infractions aux règles tarifaires, déjà visées par l'article L. 2246-1 du même code, cette liste comporte par exemple l'exploitation ou la distribution commerciale d'objets quelconques dans les emprises sans titre d'occupation du domaine ferroviaire ou à bord des trains, le fait de s'introduire en état d'ivresse manifeste dans les espaces ou véhicules de transport, la mendicité, le fait de fumer ou de vapoter dans les véhicules etc.

Ces infractions peuvent être constatées par les agents chargés de la police du transport limitativement énumérés par la loi43(*), à savoir :

- les fonctionnaires ou agents de l'État assermentés missionnés à cette fin et placés sous l'autorité du ministre chargé des transports ;

- les agents assermentés missionnés de l'établissement public de sécurité ferroviaire ;

- les agents assermentés missionnés du gestionnaire d'infrastructures de transport ferroviaire et guidé ;

- les agents assermentés de l'exploitant du service de transport ou les agents assermentés d'une entreprise de transport agissant pour le compte de l'exploitant ;

- les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la SNCF (dite « Suge ») et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP ;

- les agents de police municipale ;

- les agents assermentés de SNCF Réseau.

Ainsi, le fait de faire l'objet de cinq contraventions ou plus pour l'une de ces infractions sur une période de douze mois serait constitutif d'un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.

Les infractions mentionnées aux articles R. 2241-8 à R. 2241-32 du code des transports

- le fait pour toute personne de pénétrer dans un espace dont l'accès est réservé aux détenteurs d'un titre de transport ou de voyager sans être munie d'un titre de transport valable complété, s'il y a lieu, par les opérations incombant au voyageur telles que compostage, validation ou apposition de mentions manuscrites. Toutefois, cette infraction n'est pas constituée si le voyageur qui ne dispose pas d'un titre de transport valable prend contact, immédiatement après le début du voyage, avec les agents de l'exploitant en vue d'acquérir un tel titre et s'acquitte de son paiement à bord du train, lorsque cette possibilité n'est pas limitée ou refusée conformément au paragraphe 4 de l'article 9 du règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires ;

- le fait pour toute personne de circuler, sans autorisation, sur des engins motorisés ou non, à l'exception des moyens de déplacement utilisés par les personnes à mobilité réduite dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, hors les cas où ces faits sont commis de façon intentionnelle dans les lieux et selon les circonstances prévus au 5° de l'article L. 2242-4 ;

- sous réserve des dispositions de l'article L. 1112-9, le fait pour toute personne d'introduire un animal dans les véhicules affectés au transport public de voyageurs. Toutefois, cette infraction n'est pas constituée s'agissant d'animaux domestiques de petite taille convenablement enfermés, ainsi que des chiens muselés et tenus, et admis à ce titre par l'exploitant dans ces véhicules ;

- le fait pour toute personne de se livrer à l'exploitation ou à la distribution commerciale d'objets quelconques dans les cours ou bâtiments de gares sans disposer d'un titre d'occupation du domaine public ferroviaire ;

- le fait pour toute personne de se livrer à l'exploitation ou à la distribution commerciale d'objets quelconques à bord des trains sans avoir conclu au préalable un contrat autorisant la réalisation de la prestation commerciale ou de la distribution d'objets ;

- le fait pour toute personne d'enlever ou de détériorer les étiquettes, cartes, pancartes ou inscriptions intéressant le service de transport public de voyageurs ou de marchandises, ainsi que la publicité régulièrement apposée dans les gares et les véhicules ou les zones d'affichage prévues à cet effet dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises ;

- le fait pour toute personne de se servir sans motif légitime d'un signal d'alarme ou d'arrêt mis à la disposition des voyageurs pour faire appel aux agents de l'exploitant, de modifier ou de déranger, sans autorisation, le fonctionnement normal des équipements installés dans ces espaces ou véhicules, ou d'abandonner ou de déposer, sans surveillance, des matériaux ou objets, hors les cas où ces faits sont commis de façon intentionnelle dans les lieux et selon les circonstances prévus par les 1°, 2°, 5° et 8° de l'article L. 2242-4, à aux articles L. 2242-4-1 et L. 2242-4-2 ;

- le fait pour toute personne, dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, de cracher, d'uriner en dehors des espaces prévus à cet effet ou de détériorer ou de souiller de quelque manière que ce soit ces espaces, ces véhicules ou le matériel qui s'y trouve ;

- le fait pour toute personne de s'introduire ou de se maintenir dans les espaces ou véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises en état d'ivresse manifeste ;

- le fait pour toute personne de mendier sur le domaine public ferroviaire et à bord des trains ;

- le fait pour toute personne de fumer dans un véhicule affecté au transport public de voyageurs ou dans un espace affecté au transport de voyageurs ou de marchandises accessible au public, hors d'un emplacement mis à la disposition des fumeurs ;

- le fait pour toute personne de faire usage, sans autorisation, d'appareils ou instruments sonores, ou de troubler la tranquillité d'autrui par des bruits ou des tapages dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises ;

- le fait pour toute personne de ne pas respecter les mesures de police destinées à assurer le bon ordre et la sécurité publique dans les parties des gares et de leurs dépendances accessibles au public ;

- le fait pour toute personne d'introduire tout bagage ne comportant de manière visible la mention des nom et prénom du voyageur dans les catégories de véhicules affectés au transport public de voyageurs désignées par arrêté du ministre chargé des transports. Cette disposition ne s'applique pas aux effets ou menus objets que le voyageur conserve à sa disposition immédiate ;

- le fait pour toute personne de s'installer à une place déjà réservée régulièrement par un autre voyageur, sauf accord de celui-ci, dans les véhicules affectés au transport public de voyageurs ;

- le fait pour toute personne de vapoter dans les moyens de transport collectifs fermés ;

- le fait pour toute personne d'occuper un emplacement non destiné aux voyageurs, par elle-même ou en installant ou déposant ses bagages ou tout autre objet, de se placer indûment dans les espaces ayant une destination spéciale ou d'entraver la circulation dans les couloirs ou l'accès des compartiments ;

- sans préjudice des dispositions de l'article L. 1252-1, le fait pour toute personne d'accéder aux véhicules en portant ou transportant des matières ou objets qui, par leur nature, leur quantité ou l'insuffisance de leur emballage, peuvent être dangereux, gêner ou incommoder les voyageurs ;

- le fait, pour une personne autorisée à porter ou transporter une arme à feu, d'accéder aux véhicules affectés au transport public de voyageurs avec cette arme sans que celle-ci ne satisfasse à la triple condition d'être non chargée, démontée et maintenue dans un étui ou une mallette fermée. Cette disposition n'est pas applicable à certaines catégories d'agents visés à l'article R. 2241-31 sous réserve d'être en mesure de justifier de leur qualité, conserver avec elles des armes à feu chargées ;

- le fait pour toute personne d'empêcher la fermeture des portes d'accès immédiatement avant le départ ou de les ouvrir après le signal de départ pendant la marche et avant l'arrêt complet du véhicule, d'entrer ou de sortir du véhicule, autrement que par les accès aménagés à cet effet et placés du côté où se fait la montée ou la descente du véhicule, de monter ou de descendre du véhicule ailleurs que dans les gares, stations, haltes ou aux arrêts fixés et publiés à l'avance ou décidés par le conducteur dans le cadre d'un dispositif de descente à la demande ou lorsque le véhicule n'est pas complètement arrêté, de passer d'une voiture à une autre autrement que par les passages prévus à cet effet, de se pencher en dehors des véhicules ou de rester sur les marchepieds pendant la marche, de prendre place ou de demeurer dans le véhicule au-delà du terminus ;

- le fait pour toute personne de voyager sans titre de transport adéquat dans un train dans lequel le titre de transport ne peut être utilisé que pour un trajet à effectuer à la date et dans le train indiqués ;

- le fait pour toute personne à bord des trains transportant des véhicules routiers et leurs passagers de faire fonctionner le moteur d'un véhicule en dehors des opérations de chargement et de déchargement, de procéder à des actions de réparation ou d'entretien des véhicules, de manipuler le chargement des véhicules ou, lorsque son transport est autorisé, tout objet ou substance susceptible de créer des risques pour la sécurité, notamment en ce qui concerne les produits chimiques, les carburants et le gaz ou, , à bord des trains dans lesquels l'acheminement des personnes et des véhicules s'effectue séparément, de ne pas rejoindre les compartiments voyageurs ;

- le fait pour toute personne qui franchit ou s'apprête à franchir une voie traversée à niveau de ne pas, à l'approche d'un train ou de tout autre véhicule circulant sur les rails, dégager immédiatement la voie, s'en écarter et en écarter les animaux qu'elle conduit de manière à lui livrer passage ;

- le fait pour toute personne d'utiliser, sans autorisation, les véhicules affectés au transport public de voyageurs comme des engins de remorquage ;

- le fait pour toute personne de refuser d'obtempérer aux injonctions adressées par les agents mentionnés au I de l'article L. 2241-1 pour assurer l'observation des dispositions du présent article.

2. La position de la commission : un dispositif bienvenu pour lutter contre les incivilités, mais dont il convient de garantir la sécurité juridique

La lutte contre les incivilités dans les transports constitue un enjeu de politique publique important, et ce à plusieurs titres. Outre la prévention des troubles à l'ordre public, elle permet aussi l'amélioration de l'attractivité des réseaux de transport et, par conséquent, favorise le report modal nécessaire à la transition écologique.

Il ressort des auditions conduites que la multiplication des incivilités, sous diverses formes, constitue un irritant fort pour les usagers, qui reste toutefois mal appréhendé par le droit pénal existant.

S'il serait disproportionné de délictualiser une simple infraction aux règlements de la police du transport, la répétition à de multiples reprises d'une même infraction, qui témoigne d'un comportement nuisible pour l'ordre public comme pour le bon fonctionnement du service public, justifie pleinement une sanction renforcée.

Les données communiquées par la SNCF à la rapporteure attestent du caractère massif des incivilités commises sur les réseaux, ainsi que de l'aggravation du phénomène (voir tableau infra) : 305 253 cas ont ainsi pu être recensés en 2023, contre 96 083 en 2015. La SNCF a en particulier dénombré, en 2023, 450 nouveaux cas de contrevenants aux règles tarifaires éligibles à une poursuite pour délit « d'habitude » au sens du droit existant, qu'elle n'engage toutefois qu'à partir de 8 procès-verbaux sur douze mois, seuil résultant d'une politique interne destinée à ne pas surcharger les tribunaux.

Au titre de l'année 2023, la RATP recense quant à elle 343 958 procès-verbaux. La même année, 256 nouvelles personnes ont été identifiées comme « éligibles » à une poursuite au titre du délit d'habitude.

Cas d'incivilités recensées sur les réseaux gérés par la SNCF depuis 2015

(nombre de cas)

Note : la typologie « Principe d'affectation des lieux » intègre les faits relatifs au non-respect des dispositions sanitaires liées au COVID19 (non-port du masque et absence d'autorisation de déplacement).

Source : SNCF, données transmises à la rapporteure

Certes, la mise en oeuvre du délit d'habitude se heurte à certaines difficultés opérationnelles importantes, relevées par la direction des affaires criminelles et des grâces dans ses échanges avec la rapporteure, dès lors que divers agents sont chargés de constater les contraventions (policiers, gendarmes, agents de la SNCF ou encore de la RATP) et qu'ils ne disposent pas d'une base de données commune leur permettant d'effectuer des recoupements.

Le constat de la montée des incivilités justifie toutefois pleinement la prise de mesures destinées à mieux les dissuader et les sanctionner.

L'amendement COM-21, adopté à l'initiative de la rapporteure, vise à garantir sa sécurité juridique des dispositions proposées en énumérant directement dans le dispositif législatif la liste des infractions dont la répétition peut être constitutive d'un délit d'habitude.

En effet, le renvoi, prévu par le présent article dans sa rédaction initiale, aux dispositions de la partie réglementaire du code des transports pour la définition des faits constitutifs du délit n'est pas conforme au principe de légalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et de l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel « la loi fixe les règles concernant (...) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Il résulte de ces dispositions, selon une jurisprudence clairement établie du Conseil constitutionnel, « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire »44(*).

Dans le souci de préserver la proportionnalité de la sanction, l'amendement précise également que « l'habitude » au sens de l'article L. 2242-6 du code des transports résultant du présent article n'est constituée que dans le cas de la répétition d'une même infraction.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13
Création d'une peine complémentaire d'interdiction
de paraître dans les transports en commun

La commission a, à l'initiative du rapporteur, modifié cet article afin de reprendre une disposition adoptée par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 2731 (2019-2020) relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. Il vise à introduire opportunément une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports en commun pour les auteurs de crimes et délits dès lors que ceux-ci auraient été commis dans ces espaces. 

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. La création d'une nouvelle peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports en commun

L'article 13 tend à créer une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports en commun au sein d'un nouvel article L. 1633-1 du code des transports.

Cette peine complémentaire interdit à une personne majeure de paraître « dans un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction ou dans les lieux permettant l'accès à ces réseaux ». La nécessité de créer cette nouvelle peine est justifiée par le souhait de compléter la palette des mesures permettant la sanction effective des infractions commises à titre habituel dans les transports en commun, telles que les agressions sexuelles (cas des « frotteurs ») ou les vols à la tire commis par des pickpockets.

La commission de certaines infractions dans les transports en commun constitue déjà une circonstance aggravante. C'est notamment le cas pour le vol (7° de l'article 311-4 du code pénal), les violences (art. 222-12, 222-13 du même code) ou l'outrage sexiste (art. 621-1 du même code). Néanmoins, l'état actuel du droit ne permet pas de se fonder sur cette circonstance pour empêcher l'accès effectif aux transports en commun de la personne reconnue coupable. Ainsi, la peine complémentaire d'interdiction de séjour déjà prévue à l'article 131-31 du code pénal emporte la « défense de paraître dans certains lieux déterminés » mais les véhicules de transport qui composent les réseaux de transport public ne peuvent être qualifiés de « lieux ».

L'article 13 de la proposition de loi tend à créer une nouvelle peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports en commun au sein d'un nouvel article L. 1633-1 du code des transports applicable aux personnes condamnées pour de faits « commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs », lorsque ces faits constituent un crime ou un des délits suivants, commis en état de récidive légale : violences (articles 222-11 à 222-13 du code pénal), agressions sexuelles (articles 222-22 à 222-22-2 du code pénal), exhibition et harcèlement sexuels (articles 222-32 et 222-33 du code pénal), certains cas de vols (articles 311-1 à 311-6 du code pénal) et d'extorsion (articles 312-1 et 312-2 du code pénal) ainsi que certains délits dits « de presse » (articles 24, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881).

Il reprend le dispositif d'un amendement du Gouvernement adopté en première lecture et portant article additionnel au projet de loi d'orientation des mobilités, examiné en 2019 au Parlement et devenu la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités. Cet article 104 a été censuré par le Conseil Constitutionnel, sur le fondement de l'article 45 de la Constitution, dans la mesure où il ne présentait pas de lien, même indirect, avec le texte et était à ce titre un « cavalier législatif »55( *). Faisant suite à cette censure, le Gouvernement avait réintroduit à l'article 11 du projet de loi n° 2731 (2019-2020) relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, des dispositions similaires, qui n'avaient finalement pas été retenues, malgré leur vote par le Sénat, par la commission mixte paritaire.

Cette peine complémentaire consisterait, pour la personne majeure reconnue coupable, à être interdite de « paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction ou dans les lieux permettant l'accès à ces réseaux ». Cette description couvrirait ainsi les véhicules affectés au transport, mais également les gares ou stations d'accès. Elle ne pourrait être prononcée que pour une durée maximum de trois ans à compter de la déclaration de culpabilité.

Consciente du caractère particulièrement contraignant d'une telle peine lorsqu'elle s'applique à des personnes ne disposant pas d'autres moyens de transport, les auteurs de la proposition de loi ont précisé que cette interdiction pouvait concerner « tout ou partie » du réseau de transport et prévoir que la peine puisse être suspendue ou fractionnée par le parquet en cours d'exécution. Ces deux dispositions poursuivent donc un double objectif : d'une part, garantir que la peine complémentaire puisse s'adapter aux éventuels changements intervenus dans la vie de la personne condamnée ; d'autre part, que la peine prononcée soit strictement adaptée aux impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée et ne constitue pas une interdiction obligatoirement générale de paraitre dans les transports en commun.

Le manquement à l'interdiction de paraître constituerait en lui-même un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, en application de l'article 434-41 du code pénal auquel renverrait le nouvel article L. 1633-1 du code des transports que tend à créer le présent article 15.

2. La position de la commission : rétablir le dispositif déjà voté à deux reprises par le Sénat

Ainsi, il est apparu à la commission que cette mesure permettait ? tout en présentant des garanties importantes, de compléter utilement l'arsenal pénal existant afin de protéger les lieux spécifiques et particulièrement soumis à des menaces sécuritaires de toute nature que sont les transports en commun.

À l'initiative du rapporteur, elle a toutefois procédé à plusieurs modifications de l'article 13 afin de reprendre les dispositions déjà votées à deux reprises par le Sénat, notamment, dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 2731 (2019-2020) relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée.

Pour ce faire, par l'adoption de l'amendement COM-22 de la rapporteure, la commission a :

- limité le champ d'application de la peine complémentaire en excluant les infractions liées aux « délits de presse » ;

- complété l'intitulé du chapitre nouvellement créé dans le code des transports ;

- facilité la transmission de l'identité des personnes faisant l'objet d'une telle interdiction de paraitre par les autorités administratives aux entreprises de transports collectifs, en particulier la SNCF et la RATP.

La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14
Délictualisation de l'oubli par négligence d'objets et de bagages
dans les transports en commun

Partageant le constat d'une augmentation préjudiciable du nombre d'objets abandonnés par négligence ayant des conséquences directes sur l'exploitation des trains et impliquant le déploiement de périmètres de sécurité, la commission a favorablement accueilli les dispositions de l'article 14 visant à délictualiser l'oubli par négligence d'objets et de bagages dans les transports en commun. Elle a, toutefois, veillé à la cohérence du dispositif en délictualisant, en miroir, l'abandon volontaire d'objets ou de bagages et en réservant à ce seul cas, la procédure d'amende forfaitaire délictuelle. 

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Face à l'augmentation significative du nombre d'objets délaissés sur les réseaux de transport et aux conséquences préjudiciables pour l'exploitation de ces moyens de transport collectif engendrés par lesdits oublis, l'article 14 de la proposition de loi tend à délictualiser le fait d'abandonner par imprudence, inattention ou négligence des matériaux ou objets dans les emprises immobilières affectées au transport collectif de voyageurs ou dans les véhicules de transport.

Un tel délit, en ce qu'il sanctionne la négligence, ne serait constitué qu'en raison des conséquences, particulièrement dommageables, induites par le comportement fautif - à savoir l'oubli de bagage ou d'objet - qui devraient être doublement caractérisées par :

- d'une part, appliquer la mise en oeuvre d'un périmètre de sécurité défini par les forces de sécurité intérieure ou d'un périmètre de précaution mis en place par l'opérateur de transport ;

- d'autre part, avoir pour conséquence directe d'entraver la circulation des trains.

Aux termes des deux derniers alinéas de l'article 14 de la proposition de loi, il serait sanctionné de 3 750 euros d'amende, et pourrait faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle dont le montant serait de 300 euros - avec des modulations fixées à 250 et 600 euros.

Partageant pleinement l'objectif de l'article 14 visant à réprimer plus sévèrement les oublis de bagages sur les réseaux de transports dès lors qu'ils en perturbent l'exploitation, la commission des lois a accueilli favorablement une telle évolution législative qui répond à l'évolution des modes opératoires des contrevenants.

En effet, interrogée sur ce point, la RATP a signalé qu'en 2023, 2 269 objets avaient été délaissés sur le réseau ferré, soit une augmentation de plus de 200 points de pourcentage depuis 2019. Elle a également précisé qu'en 2023, 46 % des objets délaissés avaient entrainé une interruption de trafic, aboutissant ainsi à un total de 512 heures d'interruption de trafic sur le réseau RATP pour cette seule année.

Nombre de colis abandonnés par an sur le réseau RATP

Source : d'après les informations communiquées par RATP
à la rapporteure de la commission des lois du Sénat

La commission a, par l'adoption des deux amendements COM-23 et COM-34 de la rapporteure et du rapporteur pour avis, souhaité améliorer la cohérence juridique du dispositif proposé.

Ainsi, par cohérence avec la délictualisation et l'élévation du quantum de peine encouru en cas d'abandon involontaire d'un bagage ou d'un objet, elle a souhaité délictualiser et relever le quantum de peine encouru en cas d'abandon intentionnel de bagage ou objet. En effet, la rédaction initiale, de façon paradoxale aboutissait à sanctionner moins sévèrement l'abandon volontaire d'objets ou de matériaux - qui demeuraient, en application de l'article R. 2241-13 du code des transports, sanctionnés d'une contravention de quatrième classe -, que l'abandon à raison de la négligence, alors sanctionné d'une contravention de cinquième classe.

Article R.2241-13 du code des transports

« Dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, il est interdit à toute personne :

« 1° De se servir sans motif légitime d'un signal d'alarme ou d'arrêt mis à la disposition des voyageurs pour faire appel aux agents de l'exploitant ;

« 2° De modifier ou de déranger, sans autorisation, le fonctionnement normal des équipements installés dans ces espaces ou véhicules ;

« 3° D'abandonner ou de déposer, sans surveillance, des matériaux ou objets.

« Le fait de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

« Les contraventions prévues au premier alinéa ne sont pas applicables lorsque les faits sont commis de façon intentionnelle dans les lieux et selon les circonstances prévues par les 1°, 2°, 5° et 8° de l'article L. 2242-4. »

Au surplus, afin de renforcer l'opérationnalité du dispositif proposé, la commission a souhaité réserver la procédure d'amende forfaitaire délictuelle aux seuls cas où l'abandon ou l'oubli de bagage est intentionnel et volontaire, considérant que le cas d'un abandon par négligence est de nature à ne permettre que rarement, en pratique, la sanction immédiate du contrevenant. A contrario, le dispositif initial aboutirait, en l'état, à ne le sanctionner que dès lors qu'il signalerait, de bonne foi, un tel abandon en vue de la restitution de son bagage ou objet perdu non-intentionnellement.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15
Création d'un délit de « bus-surfing » et de « train-surfing » 

Faisant le constat de détournements particulièrement dangereux des véhicules de transports collectifs, la commission a, à l'initiative du rapporteur, accepté sous réserve d'une clarification rédactionnelle, la création d'un délit de « bus-surfing » et de « train-surfing ». Elle a adopté cet article ainsi modifié.

Partant du constat d'une augmentation des faits de « bus-surfing » et de « train-surfing » consistant à faire un usage détourné et parfois très médiatisé des véhicules ferroviaires et routiers de transport collectif, l'article 15 de la proposition de loi vise à créer un nouveau délit réprimant de tels comportements. En effet, interrogée sur ce point par la rapporteure, la RATP a dénombré plus de 70 faits de cette nature sur la seule année 2023.

Pour ce faire, il est proposé d'ajouter à l'article L. 2242-4 du code des transports qui prévoit l'ensemble des infractions à la police des transports ferroviaires sanctionnées d'une peine de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 euros d'amende, le fait de monter ou de s'installer sur un véhicule de transport, de l'utiliser comme engin de remorquage, de se maintenir sur les marchepieds ou à l'extérieur du véhicule pendant la marche sans autorisation. Est également possible de recourir au mécanisme de l'amende forfaitaire délictuelle pour sanctionner ces délits, y compris en cas de récidive - amende d'un montant de 300 euros susceptible d'être majorée à 600 euros et minorée à 250 euros.

Jugeant cette évolution de l'arsenal pénal particulièrement bienvenue, la commission des lois a souhaité, par l'adoption d'amendements identiques COM-24 et COM-33 de la rapporteure et du rapporteur pour avis, d'une part, s'assurer que le délit nouvellement créé de bus et train surfing trouve à s'appliquer dans le cadre du transport ferroviaire comme routier et, d'autre part, permettre le prononcé d'une amende forfaire délictuelle pour améliorer l'effectivité de la réponse pénale à l'encontre de ce type de comportement.

Ainsi, sans modifier ni la caractérisation du délit ni le quantum de peine proposés par l'auteur de la proposition de loi, la commission a estimé plus opportun d'inscrire ce délit autonome dans le titre applicable à l'ensemble des modes de transport collectif et de prévoir expressément la possibilité d'éteindre l'action publique au moyen du mécanisme de l'AFD.

La commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.


* 42 Loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

* 43 Article L. 2241-1 du code des transports.

* 44 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes ; Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

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