N° 392

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 mars 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge,

Par M. Christian CAMBON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Sénat :

665 (2021-2022) et 393 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Le présent projet de loi a pour objet, dans le contexte d'une relation bilatérale très constructive, l'approbation d'une Convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge.

Le texte proposé est conforme aux standards juridiques français et internationaux.

Il prévoit un certain nombre de motifs de refus obligatoires, qui constituent autant de « garde-fous » à d'éventuelles demandes abusives : ainsi, les demandes d'extradition seront systématiquement rejetées si elles concernent des infractions politiques, ou apparaissent motivées par l'origine ethnique, le sexe, la nationalité ou la religion de la personne réclamée.

Le fait de posséder la nationalité de la Partie requise constitue également un motif de refus. La Partie requise devra toutefois soumettre l'affaire à ses propres autorités, en application du principe aut dedere, aut judicare (« extrader ou poursuivre »).

Les infractions déjà jugées, ou prescrites, n'entrent pas dans le périmètre de la Convention, ainsi que celles relevant d'un tribunal d'exception.

Une clause dite « humanitaire » permet par ailleurs de rejeter une extradition susceptible de mettre en danger la personne réclamée en raison de son âge ou de son état de santé.

Enfin la Convention prévoit un certain nombre de stipulations visant à fluidifier les échanges entre les deux Parties, avec notamment une procédure accélérée lorsque la personne réclamée consent à être extradée.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.

I. APPROCHE CONTEXTUELLE

A. LE CAMBODGE À LA CROISÉE DES CHEMINS

Aux termes de la constitution adoptée en 1993 après la signature des Accords de Paris (1991), le Cambodge est une monarchie parlementaire au sein de laquelle, le Roi « règne et ne gouverne pas ». La vie politique est dominée par le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) dirigé depuis 1985 par l'ancien Premier ministre HUN Sen, homme fort du pays resté au pouvoir durant 38 ans.

Pays de plus de 16 millions d'habitants, le Cambodge a connu, depuis plus de vingt ans, une croissance soutenue, portée notamment par les secteurs du tourisme, du textile et de la construction.

Son taux de pauvreté est passé de 33,8% en 2009 à 16,6% en 2022, mais cette évolution dissimule d'importantes inégalités.

Membre de l'ASEAN depuis 1999, de l'OMC depuis 2004 et de la Communauté économique ASEAN (AEC) depuis 2016, il a profité du dynamisme de la région, qui s'est traduit par un afflux d'investissements directs étrangers, essentiellement asiatiques (Chine, Japon, Corée) : de l'ordre de 41 Mds de dollars fin 2021, contre 1,58 Md fin 2000. Demeurant cependant vulnérable aux aléas internationaux, le pays est en quête d'une diversification de ses partenaires.

La politique étrangère cambodgienne est essentiellement centrée sur cette dynamique régionale, au sein de laquelle la Chine tient une place prépondérante : Cette dernière est ainsi le premier investisseur (44% du stock d'IDE), le premier partenaire commercial et un contributeur majeur à l'aide au développement du royaume. Les deux états entretiennent par ailleurs un dialogue politique régulier1(*).

Cependant, après deux décennies de guerre et une quinzaine d'années de reconstruction, le Cambodge est également très attaché à assurer son plein retour au sein de la communauté internationale. Il très présent sur le terrain des opérations de maintien de la paix de l'ONU (OMP) et est devenu, depuis la création du centre du NPMEC (National center for Peacekeeping Force Mine and ERW Clearance) en 2009, et avec le soutien de la coopération française, l'un des premiers contributeurs de l'ASEAN, avec plus de 8000 casques bleus sur les théâtres OMP.

Les dernières élections législatives (juillet 2023) ont été l'occasion d'une réorganisation et d'un rajeunissement importants de la classe politique, avec notamment la passation de la primature de HUN Sen à son fils HUN Manet.

Le gouvernement d'HUN Manet - qui comprend près d'un tiers de ministres francophones - traduit un indéniable renouvellement du personnel politique, même si celui-ci demeure très encadré par la famille HUN ; un changement de style est d'ores et déjà sensible, avec la multiplication d'annonces relatives à sa « stratégie pentagonale » visant à faire du Cambodge un pays à revenu intermédiaire d'ici 2030, et une économie avancée d'ici 2050, en privilégiant cinq axes de développement majeurs :

- le renforcement du capital humain ;

- la diversification de l'économie et l'amélioration de la compétitivité ;

- le développement du secteur privé et de ses possibilités d'emploi ;

- la promotion de la résilience, de la durabilité et du développement inclusif ;

- le renforcement de l'économie et de la société numériques.

Le défi pour HUN Manet et son gouvernement sera de parvenir à obtenir une marge de manoeuvre suffisante, mais aussi de faire preuve de la volonté politique indispensable, pour s'attaquer efficacement aux problèmes structurels du Cambodge.


* 1 Citons notamment la visite de HUN Manet en Chine en septembre 2023, premier déplacement à l'étranger du Premier ministre depuis son accession au pouvoir en août, après avoir accompagné son père à Pékin en février 2023.

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