EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 6 mars2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Evelyne Perrot sur le projet de loi n° 938 (2022-2023) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d'agents de sûreté en vol, signé à Paris le 19 janvier 2022.

M. Cédric Perrin, président. - Notre ordre du jour appelle maintenant l'examen du premier rapport de Mme Évelyne Perrot sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada relatif au déploiement d'agents de sûreté en vol.

Mme Évelyne Perrot, rapporteure. - Mes chers collègues, les relations diplomatiques officielles entre la France et le Canada remontent à 1928, c'est-à-dire peu de temps après la déclaration Balfour de 1926, qui a fait du Canada une nation totalement indépendante.

Nos deux pays partagent non seulement une langue, mais aussi de nombreuses valeurs communes.

Sur le plan économique, le Trésor dénombre 1 200 filiales d'entreprises françaises au Canada, où plus de 100 000 Français sont enregistrés auprès de nos consulats. Il s'agit de la cinquième plus importante communauté française à l'étranger.

À l'échelon multilatéral, le Canada et la France sont alliés de longue date dans les enceintes du G7, du G20, de l'Otan, structures au sein desquelles nos deux pays partagent des positions sur les grands enjeux globaux et sur les crises internationales.

La coopération bilatérale est riche, notamment en matière sécuritaire. En janvier 2016, nos deux États ont signé une déclaration d'intention sur un partenariat renforcé dans le domaine de la coopération de sécurité.

Après les attentats du 11 septembre 2001, le Canada a mis en place une unité permanente d'agents de sûreté en vol : le programme de protection des transporteurs aériens canadiens.

En France, les agents pouvant être déployés en cas de menaces graves ou avérées relèvent non pas d'une unité permanente, mais principalement du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), dont l'expérience et l'expertise en matière de contre-terrorisme aérien sont reconnues de longue date.

Les collaborations entre ces deux unités sont nombreuses : échanges techniques et de bonnes pratiques, formations et entraînements communs.

Nos deux États procèdent déjà aux déploiements d'agents de sécurité en vol, mais sur la base de notes verbales. La France et le Canada partagent une approche commune de l'action de ces agents dans une logique de contre-terrorisme aérien, ce qui signifie que ces personnels ont vocation à intervenir en prévention et en réponse à des actes illicites portant gravement atteinte à la sécurité de la navigation aérienne, qu'il s'agisse de celle de l'aéronef ou de celle des passagers. Ils n'ont donc pas un rôle de police générale au sein de l'appareil, contrairement aux Air marshalls américains. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle un tel accord n'a pu être finalisé avec les États-Unis.

Le présent texte a pour objet d'organiser juridiquement les modalités de mise en oeuvre des opérations des « agents de sécurité en vol ». En effet, le déploiement d'agents sur la base de simples notes verbales présente plusieurs inconvénients : celles-ci doivent être adoptées à chaque intervention et n'offrent pas une protection juridique suffisante auxdits agents.

Le présent accord entend donc corriger ces insuffisances. Les premiers contacts ont commencé dès 2009, mais ce n'est qu'à partir de 2013 que les négociations ont réellement débuté, pour aboutir à un texte définitif fin 2021. L'accord a été signé à Paris le 19 janvier 2022 par les deux ministres des affaires étrangères.

Celui-ci formalise la procédure de déploiement d'agents en vol et organise leur protection juridique. C'est le premier accord de ce type que la France conclut.

Concernant la procédure, l'accord précise en premier lieu que ces agents sont des agents gouvernementaux, chargés de missions de contre-terrorisme aérien, spécialement formés à cet effet. Ils doivent respecter la législation de l'État sur lequel ils se trouvent et ne peuvent être déployés que dans des aéronefs immatriculés dans leur pays de rattachement.

Que le déploiement soit programmé à l'avance ou décidé en urgence, il doit faire l'objet d'une information de l'autre partie, par le biais d'un « point de contact national chargé de la coordination des déploiements ».

Pour des raisons évidentes de discrétion et d'efficacité, les agents ne sont pas reconnaissables. Ils sont autorisés à transporter leurs armes de service chargées.

Quant à leur protection juridique, l'accord prévoit l'inopposabilité de la peine de mort dans le cas où l'aéronef serait amené à atterrir sur un territoire qui la pratique. Les parties accordent l'entraide judiciaire la plus large possible à leurs agents en cas de procédure civile ou pénale. Il est également prévu que l'agent puisse communiquer avec son supérieur hiérarchique et qu'il soit séparé des autres détenus. L'examen bienveillant des demandes de priorité de compétence juridictionnelle ou de transfèrement en cas de condamnation est également prévu.

Le respect de la souveraineté et de nos exigences en matière de prérogatives de puissance publique est assuré par le fait que l'accord prévoit, d'une part, que les agents d'une partie ne peuvent effectuer une intervention policière de manière autonome sur le territoire de l'autre partie, et donc sous le contrôle de cette dernière ; d'autre part, que les agents canadiens doivent respecter le droit français lorsqu'ils se trouvent sur le territoire national.

Enfin, on peut noter que l'accord ne créera pas de charges nouvelles pour les services opérationnels déployant des agents, puisque ces déploiements ont d'ores et déjà lieu. L'accord ne comporte pas de mesures contraignantes imposant un quelconque déploiement d'agents de sûreté en vol.

La partie canadienne a déjà mené à terme ses procédures internes de ratification. L'Assemblée nationale a adopté le présent projet de loi le 27 septembre 2023 ; il reste au Sénat de se prononcer en faveur de l'approbation de cette convention, ce que je préconise, en ce qu'elle consolide les procédures opérationnelles et la protection des agents engagés.

L'examen de ce projet de loi en séance publique est prévu le jeudi 14 mars 2024, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la Conférence des présidents, de même que votre rapporteure, a souscrit.

Le projet de loi est adopté, à l'unanimité, sans modification.

Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.

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